Marbrume


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 [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]

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OmbelineProstituée
Ombeline



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MessageSujet: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptySam 14 Déc 2019 - 15:18
[Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] Entete17

La brume poisseuse qui s’était collée à Marbrume depuis quelque temps n’en finissait pas de serpenter dans les ruelles de la ville. Beaucoup pestaient contre elle lorsqu’ils ne s’inquiétaient pas de sa présence, signe qu’un nouveau malheur s’abattrait bientôt sur la côte. Comme si les fangeux n’étaient pas suffisant ! Mais pour Ombeline, cette brume était un véritable fléau : en temps normal, elle pouvait compter sur ce que ses yeux voyaient encore pour sortir dans le quartier faire quelques achats quand nécessaire, ou simplement se promener. Kornog l’accompagnait alors, veillant à ce qu’elle retrouve toujours sa route et ne heurte rien ni personne. L’animal était encore bien jeune et si son enthousiasme pouvait le détourner de son travail, la jeune femme n’en souffrait jamais puisqu’elle parvenait à se diriger seule lorsqu’elle demeurait à proximité de la Balsamine. Malheureusement, avec cette purée de pois qui montait jusqu’au toit des maisons, ses yeux lui étaient tout à fait inutiles. Contrainte de limiter ses déplacements, même avec Kornog à ses côtés, elle se retrouvait plus que jamais cloîtrée dans l’établissement de Madame et ronchonnait de se voir ainsi privée de sa liberté par les caprices de la météo.

Depuis le massacre des fangeux, la donzelle avait fait de son mieux pour reprendre sa vie en main et aller toujours de l’avant. Les obstacles qui se dressaient sur sa route étaient nombreux et elle en avait déjà surmonté un bon nombre, ce n’était pas pour s’effondrer de chagrin après une épreuve de plus. La mort de Bérangère l’avait pourtant particulièrement affectée : son amie s’était faite tuer dans un mouvement de foule pour la protéger, faisant barrière de son corps jusqu’à en être étouffée et piétinée. Son cadavre avait rejoint tous ceux qui avaient brûlé ce jour-là, carcasse indistincte parmi les autres et réduite en miettes après des jours à flamber. Avec le nombre de morts sur la place et dans les rues adjacentes, les bûchers n’avaient pas refroidis pendant plus d’une semaine, grandissant toujours un peu plus à mesure que l’on y déchargeait des corps trouvés en ville, des charognes oubliées dans les maisons éventrées ou des blessés ayant succombé à leurs plaies. Ombeline en frémissait encore en repensant à l’odeur atroce de la chair ouverte et du sang frais dans la caserne où on lui avait offert refuge.

Le père Cesare avait été fort occupé depuis. Et c’était bien normal : le temple ne désemplissait pas, guérisseurs, prêtres et volontaires fourmillaient en tous sens et il fallait une personne pour orchestrer les allers et venus de tout ce petit monde. En tant que prêtre responsable, Cesare était de ceux qui coordonnaient les efforts pour œuvrer au mieux tout en organisant régulièrement des offices pour redonner un peu d’espoir. La fleur de trottoir s’était même rendue à plusieurs de ces cérémonies, à la mémoire de sa courageuse Bérangère, mais également de toutes les autres qui n’avaient pas survécu. Clarisse et Mahaut étaient elles aussi introuvables et après plusieurs jours, il fut évident qu’elles ne reviendraient jamais à la Balsamine. On pleura beaucoup leur perte, certains hommes les connaissant depuis longtemps étant même venu quérir de leurs nouvelles. Qu’il était étrange de les avoir vu se décomposer et pâlir en apprenant que ces femmes étaient mortes. Des femmes de rien, des femmes à tout le monde, des femmes sans honneur et sans nom, mais des femmes qui les avaient écoutés, qui avaient trouvé comment les faire rire pendant ces soirées à la Balsamine, qui avaient si bien feint de les aimer qu’elles les avaient peut-être réellement appréciés. Un client en particulier fut désemparé d’apprendre que Mahaut ne reviendrait jamais. Cela faisait plus de vingt ans qu’il venait la voir presque tous les soirs, ne serait-ce que pour échanger quelques mots et boire à sa table habituelle. Il n’avait jamais osé l’arracher à la Balsamine pour l’épouser, et désormais il était trop tard.

Les semaines étaient passées, le printemps avait terminé de faire poindre les bourgeons qui s’étaient changés en fleurs et en fruits à mesure que l’été suivait son cours. Le couvre-feu n’avait pas arrangé les affaires de la maison close et il avait fallu innover en ouvrant plus tôt, en faisant payer quiconque souhaitait rester pour la nuit, même sans une fille, en diversifiant les services. La patronne s’était également tournée vers des sources de revenus plus troubles, faisant jouer ses relations pour mettre son nez dans un commerce de l’ombre dont les filles n’étaient pas en droit de connaître les détails. On voyait de temps à autre des hommes louches dans l’arrière-cour, parfois ils montaient jusqu’au bureau de Madame sans toucher aux filles ou s’accoudaient au bar pour prendre un godet avant de repartir on ne savait où.
Ombeline était la plus sollicitée lorsqu’il s’agissait d’accueillir ces étranges invités, de les mener jusqu’à la patronne ou de les occuper en attendant que cette dernière soit disponible. Il y avait deux raisons à cela, la première étant que son handicap rassurait grandement les bougres venus traiter affaires, certains qu’ils étaient de ne pouvoir être reconnus ou dénoncés par une aveugle, la seconde étant que le nombre de ses clients avait nettement baissé. Pour une raison que ni elle ni Madame ne parvenait à expliquer, les hommes semblaient mal à l’aise à l’idée de passer par sa chambre et elle se retrouvait bien souvent à dépendre de petites passes ou de services moins rémunérés comme de bêtes massages, un bain de temps en temps et rien de plus. Peut-être qu’en d’autres temps, la patronne se serait agacé de ce manque de rendement, mais la perte de 3 gagneuses l’avait rendue plus protectrice encore envers ses filles et il n’était pas question pour elle d’en mettre une dehors. De plus, son commerce interlope se portant plutôt bien, elle pouvait bien employer Ombeline à d’autres tâches sans que cela ne nuise à ses économies.

La jeune femme ne rechignait pas à la tâche, inquiète pour son avenir. Si vendre ses charmes ne pouvait plus lui rapporter de quoi vivre, elle devait immédiatement se rendre indispensable ailleurs afin de ne pas se retrouver complètement démunie. Aussi laissait-elle trainer ses oreilles un peu partout, écoutant les conversations à travers les portes, se rendant aussi discrète et inoffensive que possible pour ne pas attirer l’attention et encourager les hommes à se confier. Il lui était déjà arrivé d’être si invisible que des conversations entières s’étaient tenues devant elle sans que personne ne semble le remarquer. Ainsi elle avait appris que Madame cherchait à mettre la main sur une partie du commerce illégal de grain. Les récoltes avaient commencé et bientôt les greniers seraient plein, en prévision de l’hiver. Lorsque viendrait le moment, la gérante de la Balsamine voulait être certaine de ne manquer de rien, mais plus encore, elle souhaitait faire partie de la longue chaîne de distribution de tout ce qui pourrait avoir été volé pendant les récoltes. Ce n’était pas un mystère, depuis le Fléau la nourriture était plus précieuse encore que l’or et nombreux étaient les filous qui s’arrangeait pour revendre sous le manteau petit gibier, céréales, légumes et poissons lorsque les stocks baissaient dangereusement. La populace était prêt à mettre le prix pour avoir sa part de vivre, même si ces vivres avaient été volés.

Ce jour-là, alors que le soleil semblait encore plus lointain que d’habitude et que tout Marbrume frémissait sous la chape humide et grise du brouillard, l’aveugle fut appelée par sa maquerelle en pleine après-midi de travail. Ombeline soupçonna qu’il s’agissait d’une affaire en rapport avec ce commerce de l’ombre puisque Madame ne l’appelait plus que pour cela. Docilement, elle se rendit donc sous les combles de la Balsamine, au troisième étage. Ce qui devait être un grenier avait été aménagé en bureau et seule Dame Dentelle, maîtresse des lieux, régnait sur cet endroit. Plus richement décoré que n’importe quelle autre pièce de la Balsamine, aménagé comme un bureau d’homme avec même une étagère pour y ranger des documents, l’endroit servait à accueillir les pourparlers avec les clients, les partenaires et plus récemment, les contrebandiers. Des sièges confortables, une petite table avec de quoi boire, la lumière tamisée des bougies, tout était mesuré pour mettre à l’aise les invités sans qu’ils n’oublient jamais à qui ils devaient le respect, ici.

Entre ma fille, approche-toi, appela la vénérable dame lorsque Ombeline toqua à la porte. Je vais avoir besoin de toi aujourd’hui encore.

Je l’avais deviné. De quoi s’agira-t-il ?

Un homme doit venir, assez tôt dans la soirée. Dom te le désignera et je souhaite que tu me l’amène ici. Tu serviras à boire et restera silencieuse dans un coin jusqu’à la fin de nos négociations.

La jeune femme écarquilla les yeux de surprise : c’était bien la première fois qu’on lui demandait de rester officiellement pour assister à une conversation. Madame faisait de grands efforts pour n’impliquer aucunes de ses filles dans ces affaires, il était étonnant qu’elle change ainsi de position. Sans doute amusée par l’effet de son annonce sur sa protégée, la vieille dame se leva de son bureau pour aller serrer les épaules de la fleur de trottoir avec plus de chaleur que son expression n’en laissait paraître.

J’ai perdu trois filles formidables il y a peu. Les temps sont durs et peut-être le deviendront-ils plus encore. Les autres arriveront à survivre, mais toi tu dois te battre plus fort encore si tu souhaites rester en vie. Les voies que j’ai à t’offrir ne sont ni les plus sûres, ni les plus honorables, mais j’espère qu’en t’en ouvrant une de plus, tu vivras un peu plus longtemps.

La jeune femme sentit sa gorge de serrer de gratitude. Certes il n’était pas enviable de mener une existence de catin, et moins encore de tremper dans les affaires louches de la ville, mais c’était tout de même un avenir, des possibilités offertes grâce au bon vouloir d’une autre personne, une chance qui lui était accordée de ne pas finir à la rue. Et quelle marque de confiance… Elle hocha la tête avec un sourire reconnaissant, se jurant de faire de son mieux pour apprendre vite et bien. Elle adressa tout de même des excuses silencieuses à Cesare tandis qu’elle retournait à l’étage du dessous, il serait certainement horrifié d’apprendre qu’elle était ainsi entraînée dans les profondeurs de la bassesse humaine. Mais avait-elle le choix ?

¤¤¤

La pénombre étirait déjà ses grands bras au-dessus de Marbrume lorsque Dom attira son attention. Les clients étaient un peu plus nombreux le soir, même avec le couvre-feu en place, et il y avait de l’animation dans la grande salle commune. Si les premiers temps après la catastrophe les rires avaient été forcés, tout le monde était parvenu à retrouver un peu de détente et de bonne humeur sincère depuis lors, mettant entre parenthèse les problèmes et les craintes. Du moins jusqu’à ce que les Trois ne décident de mettre de nouveau leurs fidèles à l’épreuve.
S’approchant du responsable des cuisines pour repérer l’homme qu’il lui désignait, Ombeline posa le plateau qu’elle portait et ramena rapidement ses cheveux sur sa nuque pour les nouer avec un cordon de cuir souple en un chignon anarchique. L’invité qu’elle attendait se trouvait près des tables de l’entrée, elle n’avait qu’à approcher pour qu’il la repère, Madame l’avait normalement avertit qu’il serait reçu par l’une des filles.

D’un pas assuré, elle approcha de la silhouette qu’elle devinait être le contrebandier attendu par Madame et lui adressa un sourire tranquille. Il sentait l’air humide de l’extérieur, le sel des embruns et un peu la terre, également. Bien qu’elle ne puisse pas distinguer son visage, elle ne doutait pas qu’il s’agisse d’un homme assez jeune : il se tenait droit, avait les épaules larges et dégageait une certaine assurance dans ses gestes. Elle était également certaine de ne jamais l’avoir rencontré.

Bonsoir Messire. Je crois que vous avez rendez-vous là-haut. Suivez-moi.

D’un mouvement de tête, elle l’invita à la suivre jusqu’à l’escalier. Personne ne fit attention à eux et ils purent rejoindre rapidement le palier des premières chambres.

Vous arrivez plus tard que prévu. Des ennuis en chemin ?


Dernière édition par Ombeline le Ven 3 Avr 2020 - 14:02, édité 3 fois
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyDim 15 Déc 2019 - 18:12
Dans la vie, il y a des choses qui font bien chier un pirate. Débarquer sur un navire et ne trouver que de la marchandise de merde. Essayer de revendre quand même ladite marchandise de merde à des gens qui n’ont pas besoin de marchandise de merde. Ah, et le brouillard. Ces derniers jours, c’est plutôt le brouillard qui fait chier pas mal tous les types qui espèrent prendre la mer. Car ce qui plane au-dessus de Marbrume depuis quelques jours, ce n’est pas une petite brume matinale qui a tôt fait de se dissiper, non. C’est une véritable purée de pois qui empêche tout marin avisé de larguer les amarres et de se barrer. Et il faut croire que Darius est un marin avisé, car même si repartir le démange, il reste bien sagement entre les murs de la cité en attendant que le beau temps revienne.

Oh, le pirate ne s’ennuie pas : il a largement à faire en ville. Il a sa marchandise à revendre discrètement, son réseau à entretenir, des gens à faire payer, des gens à menacer quand ils ne respectent pas leur part d’un marché, des gens à buter quand ils ne paient pas et ne plient pas sous la menace, des gens à emmerder juste pour le plaisir (qu’est-ce qu’une vie sans plaisir, après tout?). Il y a aussi des négociations à tenir et, en général, c’est lui qui se charge de ça, pour la simple et bonne raison que son cousin est nul en la matière, que la plupart des autres membres de l’équipage savent à peine aligner deux-trois idées cohérentes et que gérer, c’est son truc, de toute façon. Nous en sommes maintenant à trois raisons, mais bon, passons. Bref, lors des passages à Marbrume, il faut souvent rencontrer des gens — connus ou non — et négocier, et c’est exactement ce que veut faire la patronne de la Balsamine. Il l’a déjà rencontrée une ou deux fois, plutôt rapidement, pour quelques affaires peu complexes ou intéressantes pour lui. Cette fois, par contre, la maquerelle semble vouloir discuter plus sérieusement. C’est ce qu’elle dit, du moins. Il reste à voir ce qu’elle a à proposer.

Le soir est tombé depuis peu lorsque Darius passe les portes de la Balsamine. En refermant derrière lui, il balaye rapidement les alentours des yeux. Les clients sont nombreux, ce qui ne l’étonne pas avec un temps aussi pourri. Après quelques secondes, il croise le regard du cuisinier et lui fait un simple signe de la tête pour la signaler sa présence. Il est censé être accueilli par une des filles de la propriétaire des lieux, alors il patiente. Celle-ci se présente à lui plutôt rapidement et il l’observe alors de haut en bas sans se gêner. Elle est jeune, plutôt jolie. Elle a des formes agréables, de belles lèvres, une chevelure corbeau qui doit ajouter à sa beauté quand elle est détachée. Elle est aveugle, par contre. C’est peut-être une bénédiction quand on est une catin. Il y a, après tout, des mecs pas très beaux à regarder, et ça ne doit pas s’arranger quand ils ont les braies aux pieds. M’enfin.

La jeune femme le salue poliment, puis l’invite à la suivre, ce qu’il fait sans plus de cérémonie. Pendant qu’elle le guide, il continue de la détailler, l’observe se déplacer. Il ne l’a jamais aperçue auparavant, mais en a voyant naviguer ainsi dans l’établissement, il se doute qu’elle n’est pas nouvelle, qu’elle doit y vivre depuis un certain temps. Il se demande un instant si elle a beaucoup de clients. Il a vu certaines des autres filles lors visites précédentes, et elles n’ont pas grand-chose à envier à qui que ce soit, au contraire. Peut-être que les hommes vont-ils davantage vers celles-ci parce qu’ils pensent cette catin-là maladroite à cause de sa cécité. Peut-être ont-ils raison, peut-être ont-ils tort. Darius se dit qu’il pourrait vérifier plus tard, une fois les négociations terminées. Il n’a que ça à faire, après tout, vu ce temps de merde.

En compagnie de la petite fille de joie, le pirate emprunte l’escalier menant à l’étage. Personne ne leur porte attention, et c’est bien tant mieux. La jeune femme, après avoir indiqué à Darius qu’il arrive plus tard que prévu, lui demande s’il a eu des ennuis en chemin. Il ne peut s’empêcher de sourire en coin moqueusement. Des ennuis en chemin. Les ennuis, c’est lui qui les met sur le chemin des autres. Pas le contraire.

« Non, répond-il simplement. J’étais juste occupé ailleurs. »

Le pas assuré et décontracté, Darius se rend au premier étage en compagnie de la petite fille de joie. Il jette alors un œil aux alentours, juste à temps pour voir une porte se refermer. Il ne prête pas davantage attention, se contentant de suivre la jeune femme.

« Je croyais avoir croisé toutes les filles ici, mais toi, je ne pense pas t’avoir déjà vue. Soit tu es si populaire que tu as à peine le temps de sortir de ta chambre entre deux clients, soit tu es tellement discrète qu’on te remarque à peine, alors qu’il y a quand même de quoi te remarquer. Je suis curieux de savoir quelle version de l’histoire s’applique dans ton cas. »
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OmbelineProstituée
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyMar 14 Jan 2020 - 17:48
Très attentive aux premiers mots de son interlocuteur, Ombeline fit un effort supplémentaire pour mémoriser la voix du contrebandier. Il était toujours difficile pour un voyant de réaliser comme chacun peut avoir une façon de parler bien à lui et qui le rend parfaitement discernable de ses semblables. Tout comme un visage pouvait être singulier, les voix étaient toutes singulières aux oreilles de la jeune femme et il en était certaines qu'elle se faisait un devoir de ne pas oublier : celle des amis, celle des clients aimables, celle ces personnes de confiance. Mais aussi celle des types qui étaient réputés pour causer des problèmes. De cette façon, elle pouvait littéralement entendre arriver les ennuis et essayer de les éviter. Pour ce qui était des tons insolents et graves du maraud qui la suivait, elle en appréciait la tessiture tout en se demandant si au terme de cette soirée elle devrait s'en méfier ou non. L'expérience plutôt récente de sa houleuse relation avec un certain prêtre colérique lui avait appris à se laisser un peu de temps avant de trancher sur la question.

La remarque que lui fit le jeune homme l'amusa et elle s'autorisa un rire en imaginant l'inconfort de soirées entières à satisfaire client sur client. Si avant l'invasion fangeuse elle n'était pas à plaindre en termes de clientèle, jamais elle n'avait égalé la popularité de Clotilde, laquelle avait tout de même assez de temps libre pour être vu dans la salle commune du rez-de-chaussée. En son for intérieur, la donzelle soupçonnait plus un simple hasard voulu par les Dieux ou une excessive discrétion de la part de Madame lorsqu'elle faisait venir ses invités. Mais c'était là une réponse bien trop ennuyeuse à son goût.

Quoi, il n'y aurait que deux versions possibles à mon histoire ? C'en serait presque vexant Messire. Je suis une fille simple, mais mon histoire a-t-elle besoin de l'être elle aussi ?

Ombeline jeta un regard par-dessus son épaule, s'appliquant à fixer l'espace d'un instant le visage de son interlocuteur. Bien sûr, elle était incapable de réellement voir ses yeux, il n'était qu'un espace flou au milieu d'un flou plus grand encore. Cependant elle s'était toujours entraînée à deviner à quelle hauteur te trouvait le regard d'une personne pour le simple plaisir de dérouter les clients en les regardant "dans les yeux" malgré ses pupilles voilées. Elle trouvait très amusante la surprise ou le malaise que ressentaient les autres à être ainsi fixé par une personne pourtant dépourvue de vue.
Ils parvinrent au bout du couloir où la jeune femme tendit une main pour saisir la rampe d'un nouvel escalier, plus étroit et raide.

Pourquoi ne pas imaginer autre chose, hm ? Peut-être ne suis-je pas employée ici pour satisfaire les clients, mais simplement pour aider en cuisine ? Vous ne m'avez jamais vu car j'ai toujours été aux fourneaux. Ou peut-être suis-je l'assistante personnelle de Madame ? Dans son bureau toute la soirée, à veiller à son confort plutôt à la satisfaction des hommes. Peut-être même que j'étais là lors de votre dernier échange, dissimulée à votre regard ?

Un peu romanesque comme idée, mais pas dénuée d'intérêt. Elle aurait aimé avoir de telles capacités. Arrivés dans la pièce qui servait de bureau, Ombeline fit signe à l'invité de prendre place dans l'un des sièges mis à disposition. Bien sûr, Madame n'était pas encore disponible. Elle soupçonnait que la matrone fasse attendre volontairement le contrebandier pour asseoir son autorité. Quoiqu'il en soit, c'était à elle de prendre soin de leur invité entre temps.
Avec précautions, car elle connaissait mal les lieux, elle s'en fut chercher un pichet de bière qui avait été monté pour l'occasion et servit un godet au contrebandier.

Madame ne tardera pas à arriver. Mettez-vous à votre aise.
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyMer 15 Jan 2020 - 20:48
Après avoir laissé échapper un bref rire, la catin répond à la question de Darius par d'autres questions. Le pirate, amusé par le côté frondeur, voire presque insolent de la jeune femme, sourit en coin. Il n'a pas vu venir cette réplique, il l'admet. Il a cru qu'elle se contenterait de répondre simplement, probablement avec une politesse prudente pour ne pas risquer d'embarrasser la propriétaire des lieux. Elle a choisi une avenue bien différente et Darius ne s'en plaint pas. La soirée pourrait être plus intéressante que prévu.

« Je n'oserais évidemment pas montrer vexant », se moque-t-il légèrement tandis que la belle de nuit se tourne vers lui.

Elle semble le regarder attentivement, comme pour parvenir à discerner les traits de son visage. Réussit-elle à percer le brouillard qui voile son regard pour l'apercevoir? Que voit-elle? La forme de son visage, peut-être? La couleur claire de ses yeux? La cicatrice qui traverse son front? Peu importe. Darius la regarde dans les yeux comme il fixe tous ses interlocuteurs. Il n'est pas mal à l'aise, ça se ressent. Ce n'est pas la première fois qu'il croise le regard laiteux d'une aveugle... La noble qu'il a rencontrée l'hiver dernier au port lui revient à l'esprit. Celle-ci avait choisi de cacher sa cécité avec un masque, chose qu'elle fait probablement encore, d'ailleurs. La catin ne prend pas cette peine. Peut-être parce qu'elle est encore capable de percevoir certaines choses. Peut-être parce qu'elle se fiche bien de mettre mal à l'aise certaines personnes – ou qu'elle aime ça, même. Peut-être parce que l'idée de se couvrir les yeux constamment est assez ridicule, au fond. Peu importe la raison, c'est tant mieux, car Darius préfère nettement fixer un regard laiteux qu'un bout de masque. Il est de ceux qui pensent qu'il y a tout de même quelque chose à voir derrière le voile, qu'il suffit de le fixer assez longtemps pour qu'il se lève. Il va donc plonger dans le brouillard. Qui sait ce qu'il va y trouver?

Darius suit la jeune femme dans un escalier plutôt étroit tout en l'écoutant poursuivre. Elle propose diverses options à son histoire et chacune d'entre elles ne manque pas d'amuser le pirate.

« Les cuisines? Ta peau est trop belle, tes cheveux trop propres, tes mains pas assez abîmées. L'assistante personnelle de Madame? Tu m'aurais accueilli avant. Une oreille à la fois discrète et indiscrète? Pas dans un simple bureau, ça, c'est certain. Trop petit, pas assez de cachettes. Malgré ça, j'ai aucun doute que tu entends toutes sortes de choses intéressantes ici. »

Darius pénètre dans la pièce servant de bureau à la maquerelle et jette un regard circulaire à la pièce avant de prendre place dans le siège que lui désigne la jeune femme. Il l'observe tandis qu'elle se déplace dans la pièce pour aller chercher un pichet de bière. Elle semble moins à l'aise dans ce bureau que dans le reste de l'établissement et il en déduit qu'elle ne vient pas particulièrement souvent ici. Elle n'a pas ses points de repère, pas comme dans la salle principale, où elle s'était même dirigée vers lui d'un pas assuré, ou comme dans les escaliers, qu'elle a dû monter et descendre un nombre innombrables de fois. Ici, dans le bureau de Madame, elle paraît poser chaque geste avec précaution. Madame ne l'invite pas souvent ici ou pas assez longtemps pour qu'elle puisse connaître chaque recoin de la pièce.

Darius se saisit du gobelet rempli de bière que lui tend la demoiselle et en prend une gorgée avant de le déposer devant lui. La catin lui dit de se mettre à l'aise pour attendre la maquerelle qui, selon elle, ne devrait pas tarder. Il laisse échapper un simple « Mh » dubitatif à cette déclaration. Les deux fois où il s'est entretenu avec la propriétaire du bordel, elle l'a fait attendre. Il pourrait commencer à être impatient, mais il la laisse jouer à son petit jeu, quel qu'il soit. De toute façon, il est cette fois-ci bien installé et en plutôt bonne compagnie. Et le plus important : s'il en a marre d'attendre, il va se barrer, et c'est elle qui va perdre au change.

Le pirate repose son attention sur la jeune femme près lui. Calme, détendu, il prend une autre gorgée de bière.

« Alors dis-moi, jolie inconnue, dit-il d'une voix tranquille, intéressée, toujours un brin joueuse. C'est quoi, la version de ton histoire que tu veux raconter? Mes suggestions semblent pas te plaire, alors je t'écoute. »


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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyMer 4 Mar 2020 - 17:10
Difficile de le faire se démonter, l'inconnu semblait avoir cette assurance à toute épreuve que les adolescents arborent en permanence. Un goût du jeu et du risque qui leur colle à la peau. La donzelle n'avait rien contre ce type de comportement, elle pouvait assurément moins jouer ses tours habituels mais perdre le contrôle dans une conversation ou ne jamais l'avoir eut n'était plus une source d'inquiétude depuis bien longtemps. Au moins était-il ouvert à la discussion et plutôt badin, c'était mieux que d'avoir affaire à une brute de mauvaise humeur. Acceptant de poursuivre le jeu qu'il lui proposait, Ombeline passa dans le dos de son siège pour laisser courir sa main d'une épaule à l'autre de son invité, effleurant la nuque sur son passage d'une caresse légère.

Ma version ? J'imagine que lorsque l'on est une fille de rien, on a bien le droit de s'inventer comme on veut... Alors pourquoi pas ceci.

Elle s'interrompit en se faisant une place sur les genoux du contrebandier, un bras passé autour de son cou.

Il était une fois un riche marchand dont le commerce à Marbrume prospérait. Un jour, il s'est épris d'une simple femme du peuple et lui fit un enfant. Il ne reconnut jamais le fruit de cette union car il était déjà marié et père, tout comme elle était elle-même mariée et mère de deux fils de marin. Honteux, ils ne se revirent jamais. Et pour punir leur infidélité, les Trois commencèrent par priver leur enfant de la vue avant de prendre la vie du mari trompé. Sans homme dans la famille pour mettre du pain sur la table, la pauvre femme se résigna à vendre sa fille maudite pour subvenir aux besoins de ses deux fils légitimes. Et c'est ainsi que je me suis retrouvée dans cette maison.

Avec la bonne façon de la raconter, cette histoire était tout à fait digne de figurer dans le répertoire d'un conteur. Sans doute manquait-il des détails croustillants ou quelques mésaventures à faire frémir le public, mais pour un premier essai c'était tout à fait convainquant.

Alors, est-ce que ce n'est pas une jolie histoire ? Moins farfelue que la version dans laquelle je suis capable de me fondre dans les ombres de ce bureau sans doute, j'en suis désolée. Mais assez parlé de moi pour l'instant, on pourra bien avoir tous le temps de le faire quand vous aurez terminé de faire vos transactions, hm ?

Elle n'était certainement pas ici pour attirer un client de plus dans son lit, mais puisqu'il fallait lui tenir un peu de compagnie elle n'allait pas prétendre être une autre que ce qu'elle était en réalité. Lorsque l'on demande à une catin de se montrer aimable avec un homme, il faut s'attendre à ce qu'elle œuvre comme elle a l'habitude de le faire. N'étant pas particulièrement portée sur le rentre-dedans un peu cru comme certaines de ses congénères pouvaient l'être, Ombeline n'en était pas moins assurée lorsque venait l'heure de glisser ses doigts dans le cou d'un inconnu. Chose qu'elle ne se privait pas de faire à l'instant. Ç'aurait été un comble qu'un malfrat comme lui la repousse sous prétexte de vouloir bien se tenir.

Quelle est votre histoire à vous ? Oh, laissez-moi deviner !

Avec un sourire taquin, la jeune femme se redressa un peu et vint chercher la main du contrebandier pour l'examiner à sa façon. Elle la posa contre sa joue et l'y maintint un instant avec une moue de réflexion.

Vous naviguez beaucoup. Vous avez plus souvent des cordages dans les mains qu'une épée.

Elle fit remonter ses doigts le long du bras, évalua l'épaisseur de ses biceps et la largeur de ses épaules. Puis elle se pencha sur lui, approchant dangereusement ses lèvres de son cou. Le parfum discret du sel et de la poix.

Mmh, plus aussi marin qu'avant cela dit. C'est sans doute la faute aux fangeux si vous avez changé de métier ? Au moins vous n'êtes pas un assassin.

L'odeur du sang pouvait être très tenace et même la mer n'arrivait pas à l'effacer correctement. Si meurtre il avait commis, cela devait remonter à assez longtemps pour que rien ne subsiste. Elle fit descendre ses mains contre son torse en s'écartant de lui. Tissu grossier et solide. Le grand banditisme ne rapportait pas gros ?

Pas encore à la tête d'un empire du crime, mais pas au fond du caniveau non plus. Combien espérez-vous tirez de votre accord avec ma patronne ? demanda-t-elle avec un sourire en coin.

Elle n'espérait pas qu'il soit très ouvert à la question puisqu'elle mettait son nez dans des affaires qui n'était pas les siennes et cela sans délicatesse. Mais elle pouvait bien tenter le coup.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyJeu 5 Mar 2020 - 0:33
La jeune femme laisse traîner ses doigts contre les épaules de Darius, puis s'invite sur ses genoux. Le pirate, évidemment loin de se débattre, regarde tranquillement la catin, attendant qu'elle lui raconte sa fameuse histoire. Il reprend une gorgée de bière, puis dépose le godet sur la table. Sa main se pose contre la cuisse de la belle de nuit dans une caresse légère pour s'immobiliser près de son genou. Il sourit un peu en coin au récit plutôt tragique qui lui est relaté. Son interlocutrice a le sens du drame, et même un certain don pour partager des histoires – enfin, l'une des versions de son histoire. Il se demande s'il existe une part de vérité dans ses paroles. Les mensonges en ont généralement une, et une histoire est une forme de mensonge, au fond. Est-ce l'infidélité entre le riche marchand et la femme du peuple? La mort du marin? La croyance que la cécité est une sorte de punition des Trois? La vente de la jeune fille? Darius observe la jeune femme. Difficile à dire... Il penche pour la dernière option, tout simplement parce que c'est le genre de choses que les gens font en des temps désespérés et qu'on ne devient généralement pas catin parce qu'on l'a voulu.

Elle ne veut plus parler d'elle, propose de remettre le tout à plus tard, une fois les affaires terminées. La suggestion ne déplaît pas nécessairement à Darius. Il est coincé à Marbrume à cause de cette purée de pois et n'a rien de particulier de planifié pour la soirée, alors pourquoi pas? La catin est plutôt jolie, ses mains, qui viennent de saisir l'une des siennes pour l'étudier, sont agréables... Peut-être, s'il est encore d'humeur après les négociations. Cela ne devrait pas être un obstacle – il est souvent d'humeur à ça. En particulier avec une belle fermière, mais Marbrume est tristement dépourvue de belle fermière.

L'idée qu'ils puissent simplement parler n'échappe toutefois pas à Darius. Pas parce qu'il n'a pas envie de partager la couche de la belle de nuit, mais plutôt parce qu'il commence à songer à lui faire une proposition en marge de sa transaction avec la tenancière. À voir. Il doit l'observer davantage avant.

« Mh, peut-être, répond-il calmement. Je suis bien curieux d'entendre d'autres histoires, après tout. »

Il offre un léger sourire amusé à la jeune femme. À son tour, elle veut connaître son histoire – non, elle veut la deviner. Darius la regarde porter sa main à sa joue, et il ne peut s'empêcher d'être à la fois méfiant et admiratif lorsqu'elle déclare qu'il navigue beaucoup. Il frissonne un peu lorsqu'elle approche ses lèvres de son cou et qu'il sent son souffle sur sa peau tandis qu'elle hume son odeur. Il laisse tranquillement sa main longer la cuisse de la catin pour rejoindre le bas de son dos, à la naissance de ses fesses, pour le caresser d'un geste vague. Plus aussi marin qu'avant. Cette fois, son sourire se fait plus goguenard. Il est probablement plus marin que jamais. Depuis la Fange, il a plus d'affaires en ville, c'est vrai, mais il s'attarde moins longtemps sur le sol qu'auparavant, car jusqu'à tout récemment, plus rien ne le rattachait à la terre.
Au moins, vous n'êtes pas un assassin. Elle a raison et tort. Tuer n'est pas son métier, mais ça ne l'empêche pas de le faire. Il est un assassin à temps partiel, si on veut. Il ne la détrompe pas et la laisse poursuivre le récit de cette vie qu'elle est en train de lui inventer. Elle glisse ses mains contre lui et évalue son succès en affaires avant de lui demander ce qu'il entend tirer de ses négociations avec la maquerelle. Le sourire de Darius s'étire subtilement. La catin a un petit côté curieux, peut-être même opportuniste. Bien.

Darius laisse sa main remonter dans le dos de la jeune femme, soulignant sa colonne vertébrale d'un index un instant, avant de s'aventurer contre sa nuque, où elle se perd contre la peau douce et fragile.

« Il y a quelques côtés farfelus à ton histoire – enfin, mon histoire, réagit-il en caressant la nuque de la catin du bout des doigts. Mais tes sens ne te trompent pas totalement. Quant à ce que j'espère tirer de ma transaction avec ta patronne... »

Darius laisse sa phrase en suspens. Son index glisse jusqu'au menton de la jeune femme pour le soulever légèrement, comme pour qu'elle le « regarde » dans les yeux. Il sourit en coin.

« ...je te le dirai pas parce que ça dépend de ce qu'elle veut exactement. »

Darius sait évidemment ce qu'il pourrait tirer de la patronne de la Balsamine, mais il ne peut réellement pas se prononcer avec certitude. Il sait que Madame veut parler sérieusement, cette fois. Il se doute qu'elle souhaite s'approprier une part des vivres qu'il est capable de voler, mais il reste à savoir lesquelles et la quantité.

Darius marque une pause et détaille silencieusement la jeune femme de son regard clair. Il se redresse quelque peu, juste assez pour réduire la distance qui les sépare et rapprocher leurs visages.

« Et toi, qu'est-ce que tu veux? », demande-t-il dans un murmure, comme pour qu'elle lui chuchote un secret.

Elle doit bien vouloir quelque chose. Manger à sa faim tous les jours. Trouver le moyen de ne plus être catin. Avoir sa propre chaumière. Être herboriste, boulangère, tisseuse, peut-être - rien ne saurait être à l'épreuve de la petite aveugle. Oui, elle veut probablement quelque chose, et il peut peut-être l'aider à atteindre son but si elle lui est utile en retour...
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyJeu 5 Mar 2020 - 18:13
Docile, elle se laissa caresser et manipuler sans opposer de résistance. Les gestes doux avaient toujours raison d'elle, pourquoi jouer les pouliches farouches alors qu'il y avait tant de délicatesse au bout de ces doigts ? Elle eut un sourire en coin lorsqu'il lui refusa la dernière information. Ce n'était pas très étonnant, elle se doutait qu'il lui dirait non. Au moins avait-elle essayé. Puisqu'elle assisterait certainement à la négociation, elle ne perdait pas grand-chose de toute manière.

Pas timide, le contrebandier vint au plus près pour lui poser de nouveau une question qu'elle trouva bien intrigante : que voulait-elle ? Allons bon, voilà qu'on lui demandait son avis ? Généralement les clients se fichaient bien de savoir ce qu'elle aimerait. Mais elle se doutait qu'il ne parlait pas en ces termes, il était plus intéressé par l'information elle-même que par le petit jeu de flirt dans lequel ils s'étaient lancé pour passer le temps. Ombeline réfléchit rapidement : si un trouble-paix comme ce contrebandier souhaitait savoir ce qui lui faisait envie, ce qui lui manquait, c'était certainement pour en tirer profit d'une façon ou d'une autre. Et les Trois savaient à quel point les catins pouvaient être des intermédiaires utiles pour certains commerces interlopes. Passeuses, gardiennes de secrets, parfois même voleuses ou empoisonneuses, les femmes de tout-le-monde pouvaient avoir bien des rôles à jouer. Et jusqu'à présent, la jeune aveugle n'avait jamais accepté de trahir ses clients ni sa patronne pour son propre compte. Sans doute parce que jusqu'à présent elle n'avait pas eu à craindre pour son avenir.

Prenant une profonde inspiration, elle glissa ses doigts dans les cheveux courts du malfrat et fit mine de réfléchir en sondant le flou artistique qu'était le visage de son interlocuteur. Prendrait-elle le risque de jouer double jeu contre sa patronne et de faire ses propres affaires ou resterait-elle prudente en refusant d'emblée une offre dont elle ne savait rien ? Et lui, pouvait-il au moins lui offrir ce qu'elle désirait ?

Je veux ce que désirent toutes les femmes, sans doute : une demeure sûre, un mari honnête, des enfants en bonne santé, du pain sur ma table chaque jour.

Un sourire mutin lui étira les lèvres. C'était un joli rêve, quoiqu'un peu banal, et surtout hors de portée pour une femme de sa condition. Ou du moins pas sans des conditions exceptionnelles. Elle se pencha néanmoins à son oreille et articula presque sans faire un bruit :

Pourquoi pas gagner avec des histoires ce que je gagne déjà avec mon corps ? J'en entends tellement...

Que lui avait rapporté son honnêteté envers les hommes qui passaient dans sa couche ? Y en avait-il un seul qui se soit manifesté pour la sortir de sa condition ? Y en avait-il un seul qui, alors que le monde devenait encore plus fou et plus sombre, lui ait promis de veiller sur elle ? Non, ils avaient tous fuis le plus vite possible pour retrouver leur foyer et parfois leur femme, se moquant de ce qu'elle pourrait devenir. Il y avait bien d'autres filles à payer pour une partie de jambes en l'air, elle était si facilement remplaçable ! Elle ne leur devait rien, alors pourquoi ne pas assurer ses arrières par elle-même ? Après tout, c'était en premier lieu une idée de Madame.

La fleur de trottoir piqua un baiser sur la joue du contrebandier pour mettre un terme à l'échange car il lui parvenait le bruit de pas de sa patronne dans le couloir à l'étage du dessous. Elle pouvait reconnaître chaque habitant de la Balsamine à sa démarche, aussi avait-elle quitté les genoux de leur invité bien avant que la gérante de l'établissement ne pousse la porte de son bureau.

À grandes enjambées décidées, la doyenne traversa la pièce pour s'installer à la table sur laquelle étaient étalés de nombreux parchemins et croisa les mains devant elle. Ombeline quitta le giron du bandit pour aller se tenir aux côtés de sa maîtresse, les mains sagement jointes devant elle. Madame Vesseur offrit un hochement de tête à l'invité en guise de salutation.

Marcus, enchantée de vous voir à l'heure. J'espère que l'accueil a été à votre goût. Ombeline va rester avec nous aujourd'hui, vous pouvez avoir confiance en sa discrétion. Bien, commençons voulez-vous ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyVen 6 Mar 2020 - 4:33
Une demeure sûre, un mari honnête, des enfants en bonne santé, du pain sur ma table chaque jour. La catin, si elle est sincère, ne demande pas grand-chose à la vie. Enfin, techniquement, car en ces temps troublés, aucune demeure n'est réellement sûre, les maris font face à trop d'adversité pour être honnêtes, les enfants naissent souvent dans la misère et même le pain peut être difficile à obtenir tous les jours. Dans un tel contexte, même les rêves les plus banals sont presque hors de portée.

Sourire mutin aux lèvres, la jeune femme se penche vers Darius pour lui murmurer un autre souhait à l'oreille. Gagner avec des histoires ce qu'elle gagne déjà avec son corps. Il sourit un peu à ces paroles.

« Ça m'intéresse, murmure-t-il à son tour. En particulier si les histoires sont vraies. »

La belle de nuit s'éloigne et dépose un baiser contre sa joue. Elle marque ainsi la fin de leur conversation – probablement sait-elle que sa patronne va revenir ou l'entend-elle s'approcher. Darius n'est cependant pas inquiet. La discussion n'est que remise à plus tard. Il ne sait pas encore exactement ce qu'il peut apporter qui soit d'intérêt pour la catin, mais, encore là, il ne s'en fait pas. Il parvient en général à trouver un terrain d'entente. Si la jeune femme est ouverte à l'idée de lui raconter les histoires utiles qu'elle entend de la part des clients de la Balsamine, il trouvera de quoi lui offrir en échange.

Après le baiser, la catin quitte les genoux de Darius, qui laisse vaguement traîner la main le long de son dos tandis qu'elle se détache. Il ne dit rien, mais il sent entre eux un accord tacite, celui qu'ils se parleront plus tard en tête à tête d'affaires qui ne regardent qu'eux.

La porte s'ouvre sur la gérante de l'établissement, qui avance d'un pas décidé dans la pièce. Darius la suit des yeux alors qu'il termine la bière qui reste dans le godet offert par la catin. Il est égal à lui-même, soit détendu, mais attentif. Il répond aux salutations de la maquerelle d'un léger hochement de tête, puis jette un coup d'œil à la belle de nuit. Ombeline. C'est un prénom doux et délicat qui glisse sur la langue et les lèvres comme le vent. Il sied bien à la jolie catin, qui, comme Madame Vesseur l'annonce, va rester pendant les négociations. Si Darius n'est pas totalement opposé à l'idée, il se demande ce que son interlocutrice a derrière la tête. Pourquoi Ombeline reste-t-elle? La maquerelle compte-t-elle lui apprendre quelques ficelles des métiers de l'ombre pour lui confier des négociations à l'avenir? Tente-t-elle de se servir de la petite aveugle pour tirer des informations qu'elle seule, avec ses autres sens décuplés, est capable de récolter d'une simple conversation?

« Certainement », répond Darius à la question de la maquerelle.

Il se redresse légèrement contre son siège, sans pourtant adopter une posture rigide. Son regard clair se pose dans celui de la patronne.

« Avec les récoltes qui arrivent, je crois déjà savoir ce que vous voulez de façon générale, mais j'ai aucun doute que vous allez me donner tous les détails dont j'ai besoin. »

Darius marque une pause et observe brièvement Ombeline avant de reposer son attention sur sa principale interlocutrice.

« Pourquoi reste-t-elle? demande-t-il en désignant la catin d'un geste calme de la main. Vos filles ont jamais assisté à nos discussions auparavant. Cette nouveauté attise ma curiosité. »

Darius fixe la patronne, le sourcil arqué. Il ne paraît pas particulièrement contrarié par la présence d'Ombeline – il n'y aura aucune grande révélation entre ces murs, au fond, et il sait faire attention aux mots qu'il utilise -, mais il attend une explication à ce changement de procédure.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptySam 7 Mar 2020 - 14:48
La gérante ne tourna même pas les yeux lorsqu'il lui désigna la jeune femme à ses côtés en demandant la raison de sa présence. C'était inédit, en effet, mais elle n'était pas certaine de vouloir lui exprimer les raisons de sa décision. Malgré un mariage plutôt avantageux pour elle, Madame Vesseur n'avait pour ainsi dire aucune confiance en les hommes. Exception faite de Dom.

Elle reste car j'en ai décidé ainsi. Ne vous inquiétez pas, j'ai toute confiance en elle et en sa discrétion.

La vieille femme esquissa un sourire en coin très bref avant de reprendre sur le sujet de leurs affaires. Elle n'avait visiblement pas l'intention de se justifier sous son propre toit et la fleur de trottoir à ses côtés se contenta sourire énigmatique. Rikni seule savait ce qui pouvait bien se tramer dans les méandres secrets de l'esprit qu'abritait cette petite tête brune. S'était-elle jouée du pirate en prétendant souhaiter se mettre à son service contre une rémunération ? Ou au contraire, jouait-elle double jeu contre sa patronne pour se défaire de l'emprise qui pesait sur elle depuis toutes ces années ? Peut-être n'était-ce rien de tout cela et ses desseins étaient plus obscures encore ?

Vous avez vu juste, ce sont des provisions qui m'intéressent. L'hiver arrive à grands pas et si Anür devait nous imposer l'épreuve d'une nouvelle tempête, nous pourrions être durement touché. La Fange a emporté plusieurs de mes filles, je compte garder en vie celles qui me restent. Et peut-être même offrir un toit et un travail à d'autres infortunées ?

Ombeline ne laissa rien paraître, mais elle sentait une sorte d'amertume remonter dans sa gorge. Personne ne pourrait jamais remplacer Mahaut ou Bérangère, elles étaient plus de d'anciennes camarades. Combien de fois Mahaut avait-elle soigné une bosse ou pansé un bobo lorsqu'Ombeline se cognait ou se coupait alors qu'elle apprenait encore à vivre sans ses yeux ? Combien de nuits la petite aveugle avait-elle passées en compagnie de Bérangère pour se réconforter lorsque l'orage grondait ou que la vie devenait trop pénible ? Elles étaient des sœurs bienveillantes et courageuses, des compagnes d'infortune au cœur généreux et à l'âme juste. Aucune nouvelle arrivante ne saurait prendre leur place. Si des jeunes filles devaient arriver entre les murs de la Balsamine, ce serait à Ombeline, à Fleur, à Clothilde d'être des sœurs exemplaires. L'idée rendait la jeune femme mélancolique.

Je n'ai pas besoin de tout un panier garnit, juste de livraisons régulières en céréales, quelques légumes comme des poireaux, des carottes, n'importe quoi. Je peux ajouter un supplément si vous pouvez assurer l'approvisionnement régulier en poisson jusqu'au printemps.

La patronne tria quelques parchemins éparpillés sur sa table et d'un coup de plume griffonné, elle fit quelques opérations rapides. Commerçante, elle l'était plus que personne.

Je peux vous payer en pièces sonnantes et trébuchantes, tant que vous restez raisonnable. Nous pouvons aussi convenir d'un accord pour des passes offertes pour vous et votre associé le plus proche. Je peux également vous troquer quelques fûts de gnôle de prune pour les premiers mois. Alors, quel est votre prix ?

Le regard perçant de la matriarche se posa sur le pirate, inébranlable et serein. La dame connaissait son affaire et savait déjà quelle était sa marge de négociation. Une vraie professionnelle. Et elle donnait un exemple édifiant à la jeune femme qui se tenait toujours debout et en silence près du bureau. Ombeline n'était pas prête d'oublier la leçon.
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Darius VortigernPirate - Capitaine
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptySam 7 Mar 2020 - 17:43
Si la réponse de la patronne l'agace, Darius ne le montre pas plus ce qu'il le faut. Seule une lueur d'avertissement traverse brièvement son regard alors qu'il la laisse continuer. Il n'a pas de temps à perdre avec son obstination de bonne femme à garder le silence. Si elle veut que la catin reste, qu'elle reste, au bout du compte. De toute façon, si elle a une once d'intelligence, la doyenne ne fera rien qui pourra lui attirer des ennuis avec un type comme lui. Parce que les types comme lui sont capables du meilleur, mais surtout du pire.

Darius regarde la maquerelle droit dans les yeux, puis laisse lentement glisser son regard sur la belle de nuit. Elle a sur les lèvres un sourire énigmatique et le pirate se demande bien ce qu'elle peut avoir en tête. Il le saura peut-être plus tard. Il reporte son attention sur sa principale interlocutrice. Il a misé juste pour les provisions, et elle demande des livraisons régulières de céréales et des légumes, n'importe lesquels. Il acquiesce d'un simple mouvement de la tête. La demande n'a rien de particulièrement extravagant et il devrait pouvoir y répondre sans trop de problème. Les convois vont commencer à être de plus en plus nombreux et, s'il parvient toujours à mettre la main sur des marchandises intéressantes malgré la concurrence, il a cette année une longueur d'avance sur les autres pirates grâce à Mathilde, de qui il va obtenir des informations privilégiées. Quant au poisson, il n'est jamais bien difficile à obtenir. Nul besoin d'aller très loin et les bateaux de pêcheurs sont bien moins protégés que les navires remplis à craquer de provisions partant du Labret. Certains de ses hommes vont même pêcher de temps e temps, lorsqu'ils trouvent le temps long à Marbrume. C'est un supplément facilement gagné.

Darius observe la patronne griffonner sur son parchemin. Il s'amuse de la voir calculer ainsi, notamment parce qu'il ignore ce qu'elle calcule exactement. Lui ne sait pas lire ou écrire, ce qui l'oblige à effectuer toutes les opérations mentalement. Il a l'habitude. Il trempe dans la contrebande depuis si longtemps que les calculs se font seuls dans son esprit. Et il a une excellente mémoire pour les affaires. Il a de nombreux clients, mais sait précisément ce qu'il doit à qui et, surtout, qui lui doit quoi.

Darius écoute la proposition de la doyenne et réprime un sourit en coin à la mention de la gnôle de prune. Voilà qui plairait à sa belle fermière, qui a un goût prononcé pour l'alcool aux prunes – quoique celui qu'elle a au Labret est probablement mille fois meilleur que celui que peut lui offrir la maquerelle. Dans tous les cas, ce n'est pas le moment de laisser ses pensées vagabonder vers la ferme et, en particulier, sa propriétaire.

« Disons un savant mélange des deux, répond Darius, qui n'a jamais cessé de fixer son interlocutrice. Je peux vous fournir ce que vous demandez. Je peux pas vous indiquer la fréquence des livraisons avec précision parce que la circulation des marchandises est pas une science exacte, mais vous en aurez toujours assez pour manger jusqu'à la prochaine. Et quelqu'un passera plus ou moins régulièrement pour voir où vous en êtes dans vos stocks. »

Darius se redresse et se ressert lui-même un godet de bière. Il est de ces personnes qui semblent à l'aise partout et qui ne se gênent pas pour faire comme chez eux.

« Quant à mon prix, reprend-il après avoir bu une gorgée, des passes pour moi et mon associé le plus proche, ça sera pas assez. Ce sera plutôt des passes pour n'importe lesquels de mes hommes. Trois par livraison pour une quantité de base, et le nombre augmentera si vous voulez davantage. »

Négocier des passes peut sembler anodin ou peu lucratif, mais pour Darius, il s'agit d'un geste logique, voire nécessaire pour conserver le moral et la fidélité de ses hommes. Ceux-ci ont certains besoins et ce n'est certainement pas en pleine mer qu'ils les assouvissent.

« Les fûts de gnôle de prune... À voir. J'en prendrais peut-être pour la première livraison pour voir si c'est réellement intéressant. »

Darius boit une nouvelle gorgée. Il ne manque pas d'alcool sur son bateau, alors celui de la maquerelle ne l'intéresse que s'il peut le revendre à bon pix.

« Avec ça, je vous couperai de moitié le prix normalement demandé par kilo pour ce que je vais vous apporter. Il va y avoir quelques variations puisqu'on sait tous que l'avoine et le riz ont pas la même valeur, mais je m'arrangerai pour que vous ayez un certain choix. »

Darius marque une pause tandis qu'il se réinstalle sur son siège pour être plus confortable.

« Je m'attends aussi à ce que vous me rapportiez toute information que vous pourriez entendre ici et qui pourrait mettre en péril mes opérations et, par le même fait, cet accord. Je crois que ça va de soi. »
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyLun 9 Mar 2020 - 19:47
Mains jointes devant elle, regard fixe, la doyenne laissa le contrebandier s’exprimer jusqu’au bout sans l’interrompre et sans paraître s’étonner de ses demandes. Elle attendit qu’il retombe dans son fauteuil pour sourire tranquillement.

Je vois, c’est donc votre prix.

Elle reprit sa plume pour griffonner rapidement Rikni savait quoi sur son parchemin et lorsqu’elle sembla satisfaite, elle rangea convenablement le parchemin de côté avant de se relever en joignant de nouveau les mains devant elle.

C’est non.

La patronne de l’établissement attendit une seconde que sa réponse se fraye un passage dans la tête de son interlocuteur avant de poursuivre.

Vous souhaitez ma gnôle, mon or, mes filles et que l’on vous serve de centre d’informations, pour recevoir en retour une marchandise dont vous ne pouvez pas garantir la quantité, la nature, la fréquence de distribution, ni le prix. Je suis une femme ouverte à la négociation, vous le savez, cependant il semble que la qualité du service se soit amoindrie tandis que les prix s’envolent pour une raison que je n’explique pas. Notre conversation s’arrête donc ici.

D’un geste élégant, la doyenne désigna la porte pour inviter le contrebandier à prendre congé. Elle ne semblait pas inquiète de l’impasse dans laquelle se trouvait cette négociation et pour cause : Dame Dentelle était, sous des dehors de simple maquerelle un peu maline, une femme au réseau de contacts et de connaissances bien plus vaste que quiconque puisse imaginer. Elle était patronne de bordel mais aussi négociante, usurière et receleuse à ses heures perdues. Beaucoup lui devaient des services ou passaient de petits accords avec elle sans que la moindre de ses filles ne se doute de rien. Puisque ce partenaire commercial ne lui convenait pas, elle en trouverait un autre sans mal et pour un prix qui lui conviendrait mieux.

Ombeline, raccompagne notre hôte et rejoins les filles en bas. Merci pour ton service ce soir .

La jeune femme, prise de court par la tournure des événements, eut un haussement de sourcils étonné mais ne fit aucun commentaire. Peut-être aurait-elle une explication un peu plus tard dans la nuit ? Elle n’était pas bien sûre de l’enseignement qu’elle devait tirer de tout cela, mais c’était une première fois après tout.

Quittant le chevet de sa patronne, elle approcha du fauteuil et attendit que le dénommé Marcus se lève pour ouvrir la marche vers les étages inférieurs. Un millier de questions lui traversaient l’esprit en cet instant et dans cette pénombre du bureau, elle était incapable de voir l’expression qu’affichait le pirate.

S'il vous plaît, souffla-t-elle en lui proposant une main.

Elle ne souhaitait pas voir de querelle éclater.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyMar 10 Mar 2020 - 2:14
C'est non. Darius reste impassible à cette déclaration. La maquerelle n'est pas la première ou la dernière à refuser un prix qu'il propose, et il a cessé de s'émouvoir des « non » depuis longtemps. Il demande toujours trop pour son interlocuteur, qui lui fait généralement une contre-proposition. C'est ça, le jeu de la négociation.

S'il n'est pas surpris par la réponse de la doyenne, les raisons qu'elle évoque au-delà du prix déraisonnable pour justifier son refus le feraient bien sourciller. Il est, selon elle, incapable de garantir la quantité, la nature, la fréquence de distribution et le prix de la marchandise. Il rirait presque en l'écoutant, mais il n'en fait rien et se contente de la fixer alors qu'elle lui désigne bien inutilement la porte en pensant tout aussi inutilement que la conversation est terminée. Enfin, si elle le pense vraiment. Dire non et faire mine de mettre fin à toutes les discussions est une tactique généralement efficace pour donner envie à son vis-à-vis de rester et de le forcer à baisser son prix. Il le sait. Et il veut bien entrer dans le jeu, ne serait-ce que pour signaler à la maquerelle que l'herbe n'est pas plus verte chez le voisin.

Ombeline se déplace vers Darius pour obéir à sa patronne. Le pirate, toujours calme et détendu, lui jette un bref regard, mais ne se saisit pas de sa main. Il repose simplement son attention sur la propriétaire de l'établissement.

« Pour une femme ouverte à la négociation, vous fermez la porte plutôt rapidement, répond finalement Darius en arquant un sourcil. Et c'est dommage. »

Darius hausse les épaules avant de continuer :

« Le service est le même que d'habitude et il sera pareil ailleurs. Les céréales, les légumes que je vous fournis, je les fais pas pousser dans un champ dans ma cour et j'ai pas une boule de cristal pour voir les prochains qui vont se trouver sur ma route, et ce sera pareil pour les autres avec qui vous allez faire affaire. Vous avez demandé des livraisons régulières, je vous ai garanti que vous auriez assez de vivres pour fonctionner entre chacune et même qu'on passerait voir si vous aviez assez de stocks de temps en temps pour voir où vous en êtes – ça implique qu'on compte pas vous laisser crever de faim. Vous avez demandé des céréales et des légumes, je vous ai dit que vous auriez des céréales et des légumes, et que vous pourriez même choisir ceux qui vous conviendraient au niveau du prix parmi ceux qu'on aurait rapportés. Et quant aux prix en eux-mêmes... Vous vous attendez à ce que je vous fasse un prix unique peu importe la valeur? J'imagine donc que vous faites payer la même chose à un type qui veut une caresse rapide sur sa queue qu'à un type qui veut baiser toute la nuit avec une de vos filles? J'ai cru comprendre que vous étiez meilleure commerçante que ça. »

Darius arque fortement un sourcil. Si ça marche pour les passes, ça marche pour la bouffe aussi.

« Et comme vous êtes une habile commerçante, vous aurez sûrement remarqué que, oui, les prix s'envolent. Peut-être parce que des gens sont prêts à tuer pour un bout de pain et qu'ils ont pas tous de la monnaie et des passes à offrir pour mettre quelque chose dans leur ventre tous les jours. La rareté fait monter les prix, c'est rien de nouveau. Le marché est comme ça. Pour moi, pour vous, et pour tous les autres. »

Darius se redresse quelque peu contre son siège et reprend :

« Si c'est le prix, votre problème, faites juste le dire au lieu de prétendre qu'on vous donne pas ce que vous demandez et d'inventer des problèmes qui existent pas. Si ma proposition vous convient pas, vous avez juste à m'en faire une autre pour qu'on trouve un terrain d'entente. Je suis un homme ouvert à la négociation, vous le savez. »
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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyJeu 12 Mar 2020 - 18:57
Ne sachant trop comment réagir à la litanie du contrebandier, Ombeline se tourna vers sa maquerelle en quête d’un indice sur la bonne réaction à adopter. Elle n’était pas bien certaine de saisir les règles du jeu et prenait conscience du handicap sévère que représentait sa mauvaise vue : beaucoup de choses devaient se jouer dans l’attitude et les regards, choses qu’elle ne pouvait percevoir d’un côté comme d’un autre.

En revanche, elle entendait bien une chose : sa patronne était prête à risquer de perdre un partenaire, tandis que ce dernier tenait à rattraper la situation pour essayer de parvenir à un accord. Soit la vénérable dame essayait de bluffer et semblait parvenir à ses fins, soit elle avait réellement d’autres cartes dans ses manches et cette négociation était en fin de compte plus importante pour le contrebandier que pour la Balsamine. La jeune femme n’avait pas toutes les informations à sa disposition, mais elle était certaine d’une chose à propos des moyens de survie de l’établissement : bien qu’il manque désormais des filles à l’appel, il y en avait d’autres dans la rue qui ne demandaient qu’un toit et du travail. Recruter ne serait pas un problème et s’il y avait bien une chose que les hommes préféraient à une passe bien exécutée, c’était la nouveauté. Pouvoir débourrer une pouliche fraîchement débarquée, voilà qui ravivait la flamme chez les clients et les incitait à revenir. Les finances n’étaient peut-être pas aussi florissante qu’à une époque, mais les capacités à rebondir ne manquaient pas.

Pourquoi donc fallait-il passer un accord pour des vivres dans ce cas ? Le Labret produisait bien et en quantité, il y avait désormais assez à manger pour que les plus miséreux ne meurent plus dans le caniveau, le troc était moins exigeant désormais donc on pouvait parler de vraie baisse des prix… Ombeline se sentait un peu frustrée de ne pas comprendre toutes les implications de cette affaire.

De son côté, Madame Vesseur toisait son invité avec morgue et ne semblait ni impressionnée, ni intéressée. Ses yeux clairs et perçants ne lâchaient pas l’homme de vue et pourtant ile ne luisaient pas de l’avidité d’une commerçante flairant la bonne affaire.

Les insultes puis la flatterie, c’est votre technique de harponnage ? Je sais que nous avons peu eut l’occasion de négocier vous et moi, mais je dois admettre être tout de même déçue. Quoiqu’après tout, puisque vous êtes un homme, cela n’a rien d’étonnant j’en ai peur.

Avec un soupir las, la vieille dame se leva et fit un geste assez ample vers sa protégée pour qu’elle le perçoive et approche. La catin, toujours perplexe, s’avança pour revenir dans le giron de la matriarche. Cette dernière lui prit la main pour la serrer brièvement et replaça une mèche de ses cheveux noirs derrière son oreille.

Ma fille, peux-tu me citer ses mots à propos de ce qu’il garantissait pour les livraisons ?

Ombeline fronça légèrement les sourcils, en proie à un effort de mémoire, avant de répéter mot pour mot :

“Je peux pas vous indiquer la fréquence des livraisons avec précision, mais vous en aurez toujours assez pour manger jusqu'à la prochaine. Il va y avoir quelques variations puisqu'on sait tous que l'avoine et le riz ont pas la même valeur, mais je m'arrangerai pour que vous ayez un certain choix.” Oh et aussi “Quelqu'un passera plus ou moins régulièrement pour voir où vous en êtes”.

La vieille dame sembla satisfaite et se tourna vers le contrebandier.

Je ne veux pas de vos “plus ou moins” ni de “quelques variations” dans le prix. Si je souhaitais jouer selon les lois du marché, c’est justement au marché que j’irais. Marché où, pour votre gouverne, il y a désormais bien plus de choix et de quantités depuis les moissons de l’année dernière. Avec les bouches en moins à nourrir dans le Chaudron, ce sont d’autant plus de denrées pour les vivants, aussi ne me ferez-vous pas mordre à cette histoire de hausse des prix.

Cette fois, la maquerelle avait retrouvé tout le tranchant dont elle était capable, la belle-de-nuit pouvait l’entendre à sa voix. Ce petit jeu de pouvoir la mettait plutôt mal à l’aise et elle n’était pas certaine de l’impression qu’elle venait de faire à ressortir tout ce qu’elle avait entendu, mais ce n’était pas elle qui menait la danse. Elle ne pouvait qu’assister aux événements.

La patronne n’insista pas plus sur la contre-argumentation, estimant sans doute avoir été suffisamment claire ou ne trouvant pas d’intérêt à rabattre le caquet de son vis-à-vis. Elle se contenta de pointer le fait qu’elle n’allait pas laisser n’importe quel rustre pouilleux souiller de vermine ses filles qu’elle s’efforçait de garder saines et propres. Un point qui soulagea Ombeline qui n’était pas particulièrement impatiente de devoir accueillir des inconnus crasseux qui se contentait d’habitude des filles de la rue.

Je me fiche d’avoir le choix entre blé ou orge, je veux de la constance dans les livraisons et un prix fixe. Ce que peuvent me garantir d’autres que vous, je peux vous l’assurer. Du sarrasin, des noix, des patates, des carottes, je ne vous demande rien d'extravagant ou de coûteux. À 9 pistoles la nuit avec l’une de mes filles, dans une chambre individuelle confortable et chaude, ce sont déjà 27 pistoles dans la balance pour trois passes. Et par-dessus, vous voulez la moitié du prix de la marchandise et que l’on vous servent d’espionnes ? Elle eut un rire sans joie avant de reprendre. Voilà ma proposition : vous pouvez vous asseoir sur les informations et vous choisissez entre les passes ou la moitié de la valeur de vos marchandises. Et vos hommes devront respecter les règles de cet établissement, à savoir pas de brutalité et propreté exigée. Qu’une seule de mes filles attrape une chaude-pisse et je démembrerai votre petit commerce interlope morceau par morceau pour les offrir à quelques-unes de mes bonnes connaissances qui en feront un meilleur usage que vous.

La brunette haussa les sourcils, surprise par la sincère hargne de sa patronne. Elle la savait impitoyable, mais quelque chose dans sa voix lui disait que chacun de ses mots était pesé et recelait une vérité à faire froid dans le dos. Depuis toutes ces années, Ombeline avait appris à connaître cette femme et ce qui échappait à leur invité, elle était parfaitement capable de le déceler.

Neuf kilos de vivres par semaine. Débrouillez-vous avec vos “à peu près” et vos visites “de temps en temps” du moment que j’ai l’équivalent de 9 kilos de vivres pour une semaine. Inutile d’ajouter du poisson ou de la viande, ni même des œufs. Des graines et des légumes seront suffisants. Je ne vous demande pas du rare, je vous demande de la sécurité sur le moyen terme. Mais si vous voulez parler balance des prix, approvisionnement et loi du plus offrant, je vous suggère d'ouvrir votre étal au marché, mon garçon.
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyVen 13 Mar 2020 - 23:31
Quoiqu’après tout, puisque vous êtes un homme, cela n’a rien d’étonnant j’en ai peur. Darius roule les yeux et ne prend même pas la peine de répondre. Rikni que les femmes sont susceptibles, parfois. La doyenne se sent attaquée pour un rien. S'il avait voulu l'insulter, il n'y serait pas allé par quatre chemins. Il s'est contenté de lui expliquer et de lui étaler les faits, mais elle le prend personnel. Et voilà qu'elle fait appel à sa catin pour qu'elle répète mot pour mot ce qu'il a dit plus tôt. Il sait ce qu'il a dit. Il n'a pas besoin de l'entendre de nouveau.

Darius écoute la maquerelle, mais ne fait pas l'effort de retenir le long soupir qui lui parvient pendant qu'elle s'imagine être en train de lui expliquer le fonctionnement de l'existence. Elle ne semble pas comprendre grand-chose à ce qu'il dit – il entendait « marché » au sens large du terme, y compris le marché noir – et elle paraît avoir une conception bien particulière et relativement erronée du concept de l'offre et de la demande. Certes, elle n'a pas tort de dire qu'il y a moins de bouches à nourrir depuis l'attaque dans le Chaudron. Néanmoins, les quantités de nourriture qui parviennent jusqu'au peuple de Marbrume peuvent varier de façon importante d'une semaine à l'autre. Les gueux sont les derniers sur la liste à profiter des vivres, et un convoi qui n'arrive jamais par la voie officielle peut les plonger dans une situation précaire. Et il sait que certains convois n'arrivent jamais, car il fait partie de ceux qui mettent la main dessus avant qu'ils parviennent à bon port. Un jour, tout le monde peut mettre la main sur les essentiels; la semaine d'après, les marchandises sont réduites à cause de bandits comme lui, les quantités offertes au grand public sont moindres, les gens s'arrachent les vivres et les prix montent. Il le sait et n'a pas besoin d'une leçon sur la chaîne d'approvisionnement de la part d'une tenancière de bordel.

La doyenne reprend et Darius est de plus en plus agacé. L'expression de son visage se durcit. Il est normalement plutôt patient lorsqu'il négocie, mais cette bonne femme hystérique est particulièrement irritante. C'est cependant un rire qui franchit ses lèvres quand elle se met à le menacer de démembrer son petit commerce interlope morceau par morceau pour les offrir à quelques-unes de ses bonnes connaissances qui en feront un meilleur usage que lui. Pense-t-elle lui faire peur avec sa hargne de mégère? Pense-t-elle être prise au sérieux alors qu'elle ne connaît absolument rien de qui il est, de ses activités, de ses contacts? La pauvre maquerelle souffre d'un petit complexe de supériorité, et il se dit qu'elle devrait faire attention à qui elle menace. Sa précieuse Balsamine et ses filles pourraient finir dans les flammes un bon soir.

Neuf kilos par semaine à prix fixe. Darius observe la maquerelle. Je vous suggère d'ouvrir votre étal au marché, mon garçon. Cette fois, il est à la fois agacé et amusé par la réplique de cette foutue bonne femme condescendante. L'amusement finit par l'emporter et il ricane. Il faut dire que s'imaginer en train d'ouvrir un étal au marché de Marbrume est un scénario assez divertissant, au bout du compte.

« Je prends bonne note de votre conseil avisé, ironise-t-il moqueusement. On sait jamais, peut-être que le métier de maraîcher est devenu plus rentable que celui de contrebandier dernièrement. »

Darius se penche pour attraper son godet de bière et prendre une gorgée avant de reposer son attention sur la maquerelle.

« C'est d'accord pour neuf kilos à prix fixe, enchaîne-t-il après une courte réflexion. Les livraisons seront régulières. »

Le pirate semble sérieux dans sa proposition. Ce sera neuf kilos à prix fixe, mais il veillera bien à ce que le contenu de ces neuf kilos ne dépasse pas d'un sou la valeur de ce qu'elle lui paiera, et il fera avec ce qu'il trouve. S'il ne met la main que sur des céréales coûteuses, elle n'en aura qu'une petite quantité et le reste des kilos sera occupé par des légumes qui n'ont que peu de valeur. Tant pis pour elle; elle l'aura voulu ainsi. Quant à la fréquence, il saura s'arranger, quitte à lui mettre de côté une partie des vivres récoltées dans un convoi pour la semaine d'après puisqu'elle semble avoir de la difficulté à concevoir qu'il puisse lui faire une livraison plus importante aux deux semaines. Quand mamie a une idée en tête, elle ne l'a pas ailleurs, apparemment...

« Trois passes et le quart du prix, propose-t-il finalement. J'irai pas plus bas. La stabilité, ça se paie dans un monde et à une époque comme les nôtres. Mes informations, je vais m'asseoir dessus, comme vous dites, même si je trouve pas très éclairé de pas me transmettre celles qui, selon vous, pourraient me causer des problèmes dans la livraison de ce que vous demandez. C'est plus du bon sens que de l'espionnage, mais c'est vous qui voyez. »

Darius hausse les épaules. Il va s'asseoir sur ses informations, mais elle va s'asseoir sur sa livraison si elle ne le prévient pas, par exemple, d'une présence plus forte de la milice proche de son établissement. Il ne va certainement pas risquer ses fesses pour une vieille harpie.

« Si vous acceptez, mes gars sauront se tenir. Et s'ils se tiennent pas, ils vont avoir des problèmes qu'ils veulent pas avoir. »

Darius est aussi sérieux que la maquerelle était hargneuse. D'une part, il n'est pas le genre à maltraiter les femmes pour le plaisir et, d'autre part, il n'est pas le genre à laisser un de ses hommes désobéir sans qu'il y ait des conséquences.

« Je vais quand même me permettre un conseil avisé aussi, maquerelle, dit-il tout bas en se penchant légèrement vers son interlocutrice en la fixant droit dans les yeux. Avant de menacer quelqu'un, assurez-vous donc qu'il n'est pas capable de pire que vous. »

Son ton est calme, mais inquiétant, et son regard brille brièvement d'une lueur menaçante. C'est un jeu qui se joue à deux. Elle l'a prévenu, il a fait pareil. Darius reprend sa position initiale. Le message a été transmis d'un côté comme de l'autre, et ils peuvent passer autre chose. Nul besoin de se répéter.

Le pirate donne un bref coup de menton en direction de la doyenne dans un Alors? silencieux. Ça passe ou ça casse – en fait, ça passe ou il se casse.

Réponse alternative de Dada:
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OmbelineProstituée
Ombeline



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MessageSujet: Re: [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern]   [Terminé] Nuit et brouillard [Darius Vortigern] EmptyMer 18 Mar 2020 - 22:31
Ombeline était... Déçue.
Elle s'attendait à apprendre plus de cet échange, à mettre peut-être la main sur quelque mystérieuse clé pour négocier habilement ou pour comprendre un peu mieux les règles du commerce interlope, mais elle était bien obligée de constater que tout le voile de ténèbres effrayantes et étranges qui entourait cet univers n'était qu'une vaste blague.

De la part de leur invité, elle n'attendait pas grand-chose et sa réaction, quoiqu'assurée, ne la surprenait en aucune façon. En revanche, elle était plus que désappointée par sa patronne et protectrice. Elle en attendait mieux de la part de la vénérable dame, laquelle avait une solide réputation. Se frayer un chemin jusqu'à sa position actuelle et à son âge demandait un tempérament solide, des partenaires fiables et un esprit assez fin pour savoir quand tenter sa chance et quand se retirer du jeu. Alors pourquoi avait-elle l'impression de se retrouver en plein dispute entre deux enfants ?
"Moi j'ai une plus grosse épée !" - "Et ben moi je m'en fiche parce que je suis trop fort d'abord !".
L'un comme l'autre brandissait des menaces comme de vieux épouvantails et jouaient à qui avait la plus grosse pour essayer d'obtenir un peu de respect de la part de l'autre, ce qui était un cuisant échec des deux côtés.

La jeune femme fut obligée de se retenir de pousser un gros soupir agacé lorsque ce fut au contrebandier de jouer les gros dur après avoir essayé de tourner en dérision Dame Dentelle. Fallait-il vraiment qu'elle assiste à cela ? Une minute auparavant, elle avait craint que l'un ou l'autre ne sorte une lame de sa poche et que la chose ne devienne sérieuse, mais il semblait évident que tout cela n'était que de l'esbroufe.

*Pas besoin de voir une vieille dame et un soiffard se chamailler comme des chiffonniers, j'ai déjà tout ce qu'il me faut de démonstration de virilité mal placée à l'étage du bas...*

Elle entendit presque la gérante faire semblant de réfléchir avant d'accepter et de se fendre d'une quelconque remarque sarcastique à propos d'ours et de poils de cul. Un "p'tite bite, ramène-toi pour voir" mais tourné de façon plus élégante. Ombeline eut un pli désobligeant qui lui étira les lèvres et elle fut de nouveau envoyée vers le contrebandier. Cette fois, elle prit le pichet de bière bien entamé et la chope pour les remettre sur le meuble d'où elle les avait pris, loin des mains de leur invité. Il avait assez bu à l'œil comme ça.
Elle laissa un instant les deux oiseaux s'échanger d'autres amabilités et sceller leur accord d'une poignée de main avant de se poster près de la porte, les bras croisés. Elle ne cachait pas le désintérêt soudain que toute cette histoire lui inspirait. Oh elle ne doutait pas que l'un comme l'autre puisse appliquer les menaces énoncées, mais elle couchait avec bien d'autres brutes injustes alors pourquoi faudrait-il qu'elle s'effraye de si peu ? En fin de compte, ce qui l'avait impressionnée et inquiétée n'était que l'idée qu'elle s'était faite sur cet échange. D'ailleurs, c'était un peu étrange d'être si déçue par la réalité.

Laissant passer le dénommé Marius devant elle avant de fermer la porte du bureau et de descendre à son tour l'escalier, Ombeline se demanda ce qu'elle devait retirer de cette révélation. Après tout, sa situation était toujours aussi peu enviable et désormais elle ne savait pas si elle avait bien envie de la redresser en trempant dans le commerce de l'ombre. Elle n'avait senti aucun attrait, aucune fibre s'éveiller en elle. Peut-être qu'elle n'était simplement pas faite pour ça...

Dites-moi, ça en vaut vraiment la peine cette affaire ? demanda-t-elle alors qu'ils traversaient le couloir. Je veux dire voler des convois, débattre sur les prix pour grappiller quelques pièces ou des passes... Est-ce que ça en vaut la peine ? Parce qu'au final, c'est vous qui allez crapahuter dans le marais et qui risquez la milice.

Sa question était sincère et elle espérait pouvoir tirer une réponse de la part du contrebandier. Ce ne serait pas sa patronne qui le lui dirait, elle le savait bien. Son regard trouble se leva vers Marius, les sourcils un peu froncés, en quête d'un sens qui lui échappait.
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