Convoi exceptionnel [Alexandre de Terresang]

Alexandre savait que la fermière avait ses petits secrets comme tout le monde et il ne comptait pas gratter sous la surface, si elle voulait lui dire, elle le dirait en temps et en heure. Elle expliqua alors qu'elle ne savait pas si un tel village existait ou alors elle le mettait en garde sur le banni qu'il rechercherait probablement très bientôt et dont il regretterait d'avoir touché à la petite tête de la fermière, personne ne touchait ainsi à une protégé de l'Ordre et en particulier à son maître, le Seigneur de Terresang, si la Fange n'était pas là, il aurait probablement monté une expédition armée en compagnie de prêtre et de soldats d'élites pour éradiquer le mal à travers les Marais, oh oui, il s'en serait même fait un plaisir.

Il se mit à sourire quand la fermière lui demanda un lit … un lit ?! Ah ! Qu'elle prenne toute la résidence tant qu'elle y était, elle servait à ça cette bicoque maintenant. Il regarda sa coupe, il semblait avoir envie de la tenir une dernière fois et dd'y ingurgiter le reste du précieux liquide mais non, il avait bien assez bu. Il reporta son regard sur la Dame du Labret pendant que celui de Juliette le scrutait, oui, il le sentait, la bougresse serait capable de lui foutre un coup de spatule si il refusait.

 « Bien entendu, tu es la bienvenue dans ma Résidence, tu le sais bien… tiens ! Au lieu de toujours devoir payer une chambre dans une auberge à chaque fois que tu viens à Marbrume, je vais donner des consignes aux gardes, je vais même te faire un passe-droit pour l'Esplanade, signé de ma main… »

Il allait un peu fort le Vicomte là, il donnait les bons dieux sans confession à la Mathilde ou alors c'était parce qu'il était sincère ? Bah qu'importe, cela lui faisait plaisir, c'était à n'en point douter.

Il se leva alors et durant un instant, il fut un peu stupéfait, sa main valide restait en suspend sur le dos de la jeune femme puis celle-ci se posa avant qu'un baiser ne vienne se poser sur sa joue, eh bé, on avait violer le protocole au moins dix fois dans la même journée mais qu'importe, il était bien connu que le vieil homme se fichait bien des règles sociales. Il se mit à rire en entendant l'avertissement de la Dame du Labret.

 « Les Dieux me protègent ma chère Mathilde, Rikni est avec mon épée et Anür est avec moi, les Trois ont tracés un chemin pour moi et je ne crois pas qu'ils vont me laisser sans protection à Ventfroid mais si tel est le cas, sache que j'accepte volontiers la mort non pas sans combattre, je suis un vieil homme Mathilde et qui plus est, la moitié d'un homme. » Dit-il en désignant sa jambe gauche ainsi que sa main prothétique.

A la réponse d'Alexandre, Mathilde glisse un sourire entendu à Juliette. Le Vicomte accepte de l'héberger, et pas qu'une fois en plus, ce qui garantit à la cuisinière un petit coup de main au moins pour la soirée. Probablement pas plus. Même si de Terresang offre un passe-droit pour l'Esplanade à la fermière, celle-ci "l'oubliera" sans doute avant de partir, parce qu'elle n'est qu'une paysanne et que ça lui donnerait tout à coup la fausse impression de faire partie de l'élite de Marbrume.

- Je ne devrais pas trop abuser de ta générosité tu sais... Je ne suis pas sure de revenir à Marbrume. J'ai réglé toutes mes affaires, je n'ai plus de client, alors à moins d'un cas de force majeure, je risque de ne pas revenir avant un bon moment. Une nuit, c'est déjà très généreux! Évidemment, ce qu'elle ne savait pas, c'est que trois semaines plus tard, elle serait de nouveau dans cette ville qu'elle déteste.

Mathilde sourit à Alexandre. Il n'a pas peur de mourir, il dit qu'il combattra mais qu'il n'a pas peur. Il en a vu d'autres, il a déjà une belle vie derrière lui, mais elle souhaite qu'il ait encore quelques années à vivre. Il ne s'est même pas écoulé une année depuis leur rencontre, et sa chute de cheval.

- Une sacrée moitié d'homme Alexandre, une sacrée moitié d'homme. Elle hoche de la tête, en guise de salut. Il n'y a plus rien à dire, si ce n'est d'être prudent, de lui donner des nouvelles dès qu'il le pourra, mais ça ne serait que répéter des choses qu'elle a déjà dites et retenir inutilement son ami qui a une expédition suicidaire à mettre sur pieds. Mathilde préfère se tourner vers Juliette.

- Je crois que nous avons une grande armée à accueillir dans ces cuisines, dame Juliette. Vous êtes la maîtresse des lieux et je suis sous vos ordres, dites-moi ce que je peux faire pour vous aider! ajoute-t-elle en retroussant ses manches. Peut-être commencer par débarrasser le coin de table qu'Alexandre et elle ont utilisé...

Mathilde quittera la résidence de Terresang le lendemain, après un autre service avec Juliette, commandante en chef des cuisines, dont la grande expérience aura sans doute profité à la fermière qui aime toujours apprendre.