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 [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]

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Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptyMer 11 Mar 2020 - 13:18


Début octobre 1166
Au niveau des remparts donnant sur la mer

Vivre ou ne pas vivre.

L’interrogation, l’hésitation n’avait de cesse de persister dans son esprit tourmenté. Acceptait-elle sans réellement le faire de poursuivre. Avisant cette lettre, cette réponse, ses lèvres se pince alors que son cœur bat à tout rompre dans sa poitrine. Vivre ou ne pas vivre pour cette passion qui nous dévore, jusqu’à parfois flirter avec la mort. Elle se relève lentement, le cœur au bord des lèvres, la tension pulsant à l’intérieur de ses membres. Ses bras se croisent instinctivement, alors qu’elle s’appuie contre la fenêtre, alors qu’elle avise l’extérieur, alors qu’elle sent la douleur hurler en elle. En bas, dans la grande cour de la caserne la question ne se pose pas réellement, chacun s’entraîne, lutte, redouble d’efforts, dans un unique objectif : survivre. Vivre ou ne pas vivre, vivre son rêve même à tout prix, tout donner le jour et la nuit, s’abandonner à l’infini. Elle observe simplement immobile, ses doigts venant agripper son visage, son dos longeant le mur jusqu’à lui permettre de se retrouver sur le sol, sangloter silencieusement, sans ne plus avoir aucune larme qui ne s’écoulent. La vie vaut-elle une carrière ? C’est le vide qui l’embaume, la remplie depuis les trop nombreuses pertes et si elle avait voulu croire que cela pouvait en être autrement, la culpabilité qu’elle ressent ne la ramène que dans ses travers. Comment dire oui, comment dire non, vivre ou ne pas vivre.

Immobile un long moment, elle redresse la tête, son regard embrumé d’une sécheresse qui refuse de s’hydrater se porte sur cette fameuse lettre, sur cet échange, sur cette étrange corde. Journal intime partagé. Irréalité de l’instant, irréalité du moment, tout ça ne pouvait lui être accordé, elle en était convaincue. Il n’y a rien qui dure, elle avait renoncé au grand amour, oui, il n’y a rien qui dure. Depuis combien de temps ne s’était-elle pas retrouvée face à elle-même, être un jour une nuit, être en vie. Vivante, elle n’avait plus la sensation de l’être. Elle étend ses jambes, sent la douleur de son dos irradier de nouveau, elle revoit ses dernières lignes écrites : rencontrons-nous. En était-elle réellement capable. Pour un rêve devenu fou, faut-il y aller à genou ? Vivre ou ne pas vivre. Elle rabat finalement ses jambes contre elle, dépose son menton sur le sommet de ses propres montagnes musclées. Était-ce étrange de constater qu’elle avait continué à danser dans la valse des relations, alors qu’il n’y a jamais rien qui dure.

Sans mouvement, elle ferme les yeux un instant, écoute les ordres hurlés par les coutiliers, perçoit le vent venant faire trembler parfois l’ouverture de son bureau. L’ombre de Roland hante encore sa silhouette, sa pensée, sa mémoire, son âme. À corps perdu à perdre haleine, elle s’engouffre dans les méandres de sa culpabilité. Vivre ou ne pas vivre. Combien de temps s’écouler ainsi, alors qu’elle laisse ses doigts remonter avec cette violence personnelle dans sa tignasse sombre, tirant, grognant, gémissant de ce sentiment qui refuse de sortir, de se formuler. Où est son amour et sa raison. Vivre ou ne pas vivre. Elle se redresse finalement, fangeusement, effleure un instant sa silhouette des yeux. Face à elle-même. Trois jours, c’est long et court à la fois. Trois jours cela lui laisse l’occasion de changer mille fois d’avis. Trois jours, c’est le temps qui la sépare de cette première rencontre, rencontre face à elle-même face à ces multiples mots s’étant répondus sur le parchemin, dégueulant de cette réalité dérangeante. Existait-il réellement une personne derrière la forme des lettres, derrière ce beau phrasé. Vivre ou ne pas vivre.

Elle l’écrit cette fois sur ce parchemin qui ne verra jamais l’extérieur : vivre ou ne pas vivre. C’est noté, l’encre noire ne coule pas, les lettres ne tremblent pas. C’est soulageant et déstabilisant à la fois. Trois jours. Essayer peut-être. Elle froisse l’ensemble entre ses doigts, laissant cette boule de parchemin se faufiler un chemin sur sa paume, avant de retrouver les flammes crépitant dans sa cheminée. Trois jours était-ce énorme et si peu à la fois. En vie, elle l’était sur l’instant, face à elle-même aussi, mais est-ce que ce sentiment perdurerait ?

Le temps avait fini par s’écouler, si bien qu’elle ignorait comment elle arrivait encore à respirer. Aucun mot d’annulation ne lui était parvenu et c’est le ventre noué qu’elle quittait la porte de son bureau. Avant que la porte ne se referme, son visage était passé dans l’ouverture, vérifiant dans le reflet du miroir sa silhouette. Être beau, être belle, nue ou habillé, cela ne lui ressemblait plus vraiment, rien ne dur de toute façon. Est-ce la paix ou la guerre, le royaume d’Anür ou celui d’Etiol ? Quittant le lieu, sa main effleure cette épée qui épouse ses pas, elle n’a pas eu cette envie de faire semblant, après de tel échange, devait-il parfaitement se douter qu’elle n’avait rien de cette grande dame au beau parler. Durant le trajet une seule pensée hante encore son esprit : vivre ou ne pas vivre, pour la gloire, pour son rêve devenu fou, pour sa passion qui la dévore ou elle voit passer la mort, où elle fait partie du décor.

Au rempart, elle y arrive vite, mais n’emprunte pas les quelques marches, elle descend pour contourner l’ensemble, elle descend simplement pour se retrouver devant, longer le sentier pour se retrouver face à la mer. Pour la première fois, il n’y a pas de bruit, pour la première fois, elle se retrouve face à elle-même, sans avoir la possibilité de fuir ou de s’occuper l’esprit. Ses mains sont moites de ce stress qu’elle ne comprend pas, elle s’interroge encore sur cette rencontre, sa définition, son objectif. À corps perdu à perdre haleine, elle s’engouffre une nouvelle fois dans ses pensées. Elle sent ce fantôme la hanter encore, le reproche poindre.


- « J’aurais voulu te parler comme autrefois, je voudrais t’écrire des mots, mais je n’ai plus le temps, tu m’as tourné le dos… Sans toi à mes côtés à qui tenir… » son regard se relève vers les mouvements de l’eau « Tu pars tout doucement, tu ne reviendras plus, même dans mes souvenirs, je suis une inconnue, plus rien ne me désire. »

Ses lèvres tremblent, alors qu’elle a conscience de parler seule, à du vent, pourrait-il seulement entendre ? Comme un aventurier sans carte et sans rien pour s’orienter, elle menait une quête impossible, perdue. Tombé de haut elle était finalement restée sur le carreau. Il était parti avec sa jeunesse, elle gardait son écho, comme un refrain qui reste en tête, qui persiste, qui signe. Vivre ou ne pas vivre, il ne lui avait jamais laissé ce choix finalement. Le comprend-elle en ramenant ses mains en poing à sa poitrine, enfonçant légèrement comme pour calmer se poignard qui n’avait de cesse de s’enfoncer dans sa chair, chaque battement la faisait agoniser, elle en oublie pourquoi elle est ici.

- « J’ai renoncé à ton grand Amour, j’ai renoncé à danser toujours, t’entends ?! J’ai renoncé ! » vivre ou ne pas vivre « Anür ne me voulait pas… pas moi… pourquoi… »

Elle avise l’eau, simplement, représentation de la sirène, rêve-t-elle de voir un signe, une réponse à sa question, une putain de simple question. À corps perdu, elle pourrait se jeter dans la mer, laisser la déesse choisir pour elle, elle qui ne parvenait pas à se décider. Vivre ou ne pas vivre. L’inconnu comprendrait, lui pardonnerait. Il n’était rien, elle n’était rien, peut-être que les échanges n’existaient même pas. Juste des lettres noires sur un parchemin, juste des lettres noires sur un parchemin oui. Peut-être était-ce pour ça qu’elle était venue, simplement dire qu’elle s’en allait, qu’il était temps, le remercier l’inconnu de lui avoir permis de s’exprimer, de la soulager un instant. Anür. Elle lui laissait le choix cette fois, s’étaient entre elles et si ce pas se rapprochant avait été hésitante, la prise de recul un peu, l’élan encore moins. Cette fois-ci les larmes s’écoulent sur ses joues alors que ses pieds quittent la sécurité du sol dans un saut pas moins non maîtrisé. Elle était au regret de lui dire à Anür qu’elle s’en allait, parce qu’elle lui en avait trop fait. En l’air, loin de ce bord sécurisant, ce vide juste sous sa silhouette, il n’est plus temps de suffoquer, de gémir, de regretter. C’est un soulagement qui s’imprègne de son être, avant que la peur ne la rattrape réellement, avant qu’elle ne réalise son geste dans cette chute qui lui sembla durer une éternité. Il y a cette lutte inconsciente, cette conscience qui veut reprendre le dessus et ce corps qui pivote vers les hauteurs, cette main qui se tend vers les remparts et ce corps qui s’engouffre dans le liquide salé. L’eau la submerge rapidement, alors qu’elle est presque sonnée par le poids de sa silhouette, entrant en contact dans le liquide froid. Aucun soulagement, aucune silhouette connue ne vient l’embrasser ou la sauver, Anür n’est pas là, ne sera jamais là pour elle. L’angoisse, l’obscurité, la peur et puis… Vivre ou ne pas vivre, cette fois, ce choix ne lui appartient plus.



Dernière édition par Sydonnie de Rivefière le Mer 10 Juin 2020 - 12:05, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptyMar 17 Mar 2020 - 18:02
Vivre ou ne pas vivre.

Tu semblais avoir fait ton choix. En survivant, en épaulant, en écrivant. Vivre ou ne pas vivre, car là était la question ; tu avais fait ton choix. Pour tes enfants, pour ta sœur, pour ce peuple en passe de s’éteindre… pour ces lettres.

Que constituaient-elles ? Que représentaient-elles à tes yeux, qu’apportaient-elles, si ce n’était cette chaleur dont émanait douceur et espoir que tu ressentais depuis que tu avais décollé le parchemin de ton épaule ? Par-dessus tout, comment de tels mots avaient pu rendre compte d’un tel impact ? Au début, tu t’étais trouvé triste, maussade, ne sachant comment aborder la première réponse que tu avais rédigée, celle qui t’avait amené ici aujourd’hui. Puis, tu y avais pris goût, trouvant en la personne de cette « S. » une âme en peine, perdue, plus perdue que toi, et dont tu t’étais senti responsable. Tu étais passé par toutes les émotions possibles et imaginables, de morosité à réconfort, d’empathie à tristesse, de peine à sérénité ; tu ne savais à quoi t’en tenir, mais avais-tu été assuré que celle qui avait poursuivi sans contrainte cette correspondance était dans un état bien plus piteux que le tien.

Un père, un frère – un époux ? –, aurait agi tel que tu l’avais fait. Ces sentiments, tous mêlés les uns aux autres en un confus nuage assombrissant tes tentatives d’atteindre la logique, te perturbaient, car tu ne savais ce que tu pouvais apporter à cette femme ; outre l’exutoire que lui avaient offert tes réponses et ton écoute, comment pouvait-elle réagir à votre rencontre ? Comment allait-elle être, de quelle manière te saluerait-elle ? De quelle couleur seraient ses yeux, ses cheveux, ses lèvres ?

Ces questions, tu te les posais, emmêlant le plus urgent et l’artificiel tels des danseurs de valse en constante opposition, tandis que tes bottes s’enfonçaient dans la boue à mesure que tu avançais, tes pas produisant cet écœurant son des pieds dans la vase. Le rendez-vous avait été prévu quelques jours plus tôt, trois exactement ; trois jours… une éternité si succincte. À dire vrai, tu ne te rappelais plus ces trois derniers jours que tu avais vécus, seulement accaparé par cette rencontre qui t’avait laissé imaginer tout l’impossible du monde depuis votre premier contact. Cette notion te revenait sans cesse en tête : premier contact. Car premier contact il y avait eu ; tu avais sauté dans l’inconnu, à pieds joints, toi d’ordinaire de nature à évaluer les possibilités, anticiper chaque fait. Pourtant, tu te voyais là, pressant machinalement le pas, l’esprit bien ailleurs de ce sentier que tu venais d’entamer, presque obligé de finir cette course effrénée vers ta destinée. Cette force, qui te poussait alors à avancer, faisait fi de tes inquiétudes, de ta maladresse, de ta timidité, t’engouffrant dans un carcan de sincérité telles des œillères équines. Avant de partir, tu avais abandonné tout superflu, délaissant habits colorés et dignes atours, te préférant l’aspect honnête plutôt que noble, ne souhaitant paraître distant.

À mesure que tu approchais, ton cœur accélérant graduellement, battant au rythme des tambours boisés de Serus, des sons te parvinrent, ceux d’une voix féminine, impérieuse, désespérée. Tes sourcils se froncèrent légèrement, réaction inquiète de ta part à ce que tu venais de percevoir : y avait-il un autre homme, une autre femme présente ?
Le coin fait de rochers herbeux que tu dépassas alors ne te laissa entrapercevoir qu’un désastre, sinistre parmi les sinistres. Toi qui venais avec soulagement ne fus accueilli qu’avec horreur, car celle que tu avais tant de fois imaginée venait de sauter. Une simple chevelure sombre t’était apparue, et pourtant, tu savais que tu aurais pu la reconnaître entre mille. C’était elle. C’était elle

« S. … »

Sans attendre, tu te précipitas jusqu’au bord de la falaise, les petits cailloux sous tes bottes crissant de par ton allure. Elle te tendait la main. À peine la larme perla sur ta joue que tu sautas, sans élan, empreint de ce désespoir dont elle avait été atteinte durant tout ce temps.

L’eau était glacée, ta peau te piquait atrocement, ton visage brûlait presque, mais tu luttais. Tu luttais pour distinguer cette silhouette, la distinguer. Et tu la trouvas, quelques brasses plus loin, coulant sans mouvement, sans aucune volonté de persister, de survivre. Tu nageas difficilement jusqu’à elle, ta respiration commençant à manquer, et, dans un élan de courage, agrippas son dos, ses jambes, jusqu’à remonter à la surface. Après quelques respirations, tes jambes gesticulant en tous sens, tu la secouas pour la ramener à la raison. À la vie.

« L’heure n’est pas venue, pas encore ! »

Vivre ou ne pas vivre. Tu semblais avoir fait ton choix. Aujourd’hui, tu avais également choisi pour une inconnue.

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MessageSujet: Re: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptyMer 18 Mar 2020 - 21:38


Chuter. Il y a différente manière de le faire, elle, avait pu se voir chuter psychologiquement d’abord, tâchant de s’oublier, de s’accrocher, de se mentir, avant de finalement obtenir cette manière physique et tellement réaliste. La chute. L’ensemble avait duré une poignée de secondes à peine, avait-elle sentie son souffle se couper, avait-elle pu entrevoir ce sentiment mélangé de soulagement, de peur, de regret, mais aussi de fin. Sa main s’était relevée, comme une ultime demande, comme un ultime supplice au renoncement au fait qu’on lui vienne en aide. Ce fut ensuite cette dégringolade, ce bref instant où elle crut apercevoir tous ceux qui n’étaient plus là, Roland, Chris, Gabriel, Anne, sa mère, puis tout avait disparu dans une multitude de gouttelettes d’eau. Le froid, un froid terrible. Juste avant d’être complètement submergé elle avait cru entrevoir une silhouette inconnue plonger à son tour, avait-elle simplement eu le temps de couiner un non, un soupir qui aurait dû être utilisé pour prendre une grande et intense respiration. La noiraude avait coulé sans chercher à se débattre, sans chercher à lutter contre l’appel des profondeurs, était-ce à son niveau réconfortant, presque rassurant de se dire que tout allait se terminer. Son corps faisait déjà quelques soubresauts, alors que l’eau envahissait ses poumons, que son regard se portait vers l’ombre mystérieuse qui lui semblait être Anür, Serus et Rikni à la fois. Une nouvelle fois elle avait tendu sa main, jusqu’à rentrer en contact avec la silhouette, jusqu’à s’accrocher avant de sombrer légèrement dans cette inconscience légère.

La sergente avait fini par s’agripper à celui qui la ramenait à la surface, alors que naturellement son corps expulsait l’eau accumulée, elle s’agrippait à lui dans cette proximité qui ne la gênait pas, alternant entre cette semi-conscience ou inconscience. Ses bras s’étaient enroulés autour de lui, alors que son nez effleurait la naissance de son cou. Son corps lui semble si lourd, si étouffant, elle hésite à le relâcher, à se laisser engouffrer par les eaux. Pas de rancœur, pas d’espoir non plus, juste cette fatigue éprouvante, cette douleur sur ses plaies de l’eau salée. Elle n’ose pas parler, ou peut-être qu’elle n’y parvient. Elle tremble, ne veut pas devenir un poids, un risque pour lui. Il fait si froid ici, si froid.


- « Anür» murmure-t-elle finalement en essayant de lui signifier que c’était à elle de décider sans y parvenir, ses yeux se ferment alors qu’elle semble encore étouffer un peu, ses jambes qui devaient battre un peu pour l’aider se font un peu plus lentes jusqu’à s’immobiliser, elle en n’en pouvait plus de lutter. « Pourquoi… »

Cette simple interrogation si violente, si douloureuse pour elle, alors qu’elle semble soudainement reprendre un peu plus conscience, elle se décroche, de se détache, manque de couler une nouvelle fois, alors que ses mouvements se font un peu plus vifs. Les vagues l’emportent, lui aussi parfois, manquant sans aucun doute de projeter les corps vers les roches. Finalement elle se rapproche, sans trop savoir comment ni pourquoi, ce n’est pas si simple, elle ne sait pas nager, survit sans trop savoir comment. Elle le suit, est-ce qu’il l’a tiré, est-ce qu’elle s’accroche à lui ? Elle n’est pas réellement en mesure de le comprendre, de l’identifier, elle semble de nouveau là, puis son esprit s’absente. Les larmes roulent sur ses joues alors qu’elle réalise que la déesse lui a encore refusé son accès. Ce n’est à ce H qu’elle en veut, mais à cette divinité. Son cœur se serre lourdement, elle sent la difficulté, elle sent ce corps à la fois chaud et froid contre le sien dans des mouvements qui finissent par se synchroniser. Son cœur palpite avec force, sa respiration est bruyante, maladroite. Finalement, c’est la plage qui s’annonce, qui s’identifie. Sydonnie se surprend à ne pas en avoir envie, elle ne veut plus de la terre, elle voulait juste la mer, elle voulait se faire emporter, mais celui qui était son sauveur –sans doute pas à ses yeux-, ne l’entendait pas de la même oreille.

- « Pourquoi.. » souffla-t-elle une nouvelle fois avec plus de force « Je ne mérite pas, c’est ça… » elle s’adresse à lui ou à Anür, c’est complexe de le définir. « S’il te plaît » supplie-t-elle finalement de cette voix cassée « S’il te plaît » répète-t-elle « Je veux juste oublier… »

Oublier, ne plus penser, ne plus voir les silhouettes des morts, oublier que les Trois eux-mêmes ne l’acceptent plus, oublier tous les visages qu’elle n’a pas réussi à sauver, oublier simplement. Une nouvelle fois, elle manque de lâcher prise, avant de se raccrocher au dernier moment, lui offrant un peu d’aide cette fois dans les déplacements alors qu’elle semble avoir compris la méthode pour nager, un peu, brièvement. Elle finit par avoir pied, elle finit par se redresser en manquant de chuter, de tomber à genou. Le poids de ses vêtements, l’eau dans ses bottes, c’est lourd, si lourd. Elle tombe sur le dos finalement, sur le sable, semble avoir du mal à respirer, elle crache encore de l’eau, ferme les yeux, la noiraude sent son ventre se gonfler et se dégonfler dans cette manière étrange, pas au rythme qu’il devrait. Les larmes roulent sur ses joues, alors que ses doigts ensablés viennent se déposer sur son visage, la sergente pourrait hurler de douleur intérieure et de douleur physique.

- « Ça va ? » fit-elle de cette manière étrange, saccadée « Pardon… » fit-elle de cette voix coupable en hachant le mot en deux entre deux inspirations.

Ses doigts tremblent, comme la totalité de son être. Le froid envahit lentement son esprit, tout comme son physique, alors qu’elle se penche légèrement sur le côté, recrache encore un peu d’eau avant de s’approcher de la silhouette masculine qu’elle parvient enfin à percevoir réellement. Il n’est pas très grand, pas forcément petit non plus, sa carrure est musclée, elle le reconnaît dans un coup d’œil alors qu’elle se hisse faiblement jusqu’à son corps, se laisse tomber sur lui sans aucune douceur. La noiraude se met à sangloter, laisse échapper des larmes qu’elle n’a jamais autorisée à sortir. Sydonnie pleure pour la première fois de sa nouvelle vie. Ses doigts viennent froisser le tissu humide de ce corps qu’elle ne connaît pas, la honte se pare sur son visage, la gêne sans doute. Elle ne sait pas comment formuler des excuses, tout en ayant cette envie très prononcée de le secouer, de lui demander pourquoi il a sauté et finalement au lieu de tout ça, c’est un drôle de mot qui s’échappe de ses lèvres.

- « Idiot… » fit-elle « Idiot » répéta-t-elle dans un soupir « Tu aurais pu y passer… » articule « Idiot »

À aucun moment elle n’a songé que l’idiote dans le fond de l’histoire cela pouvait être elle. Néanmoins, elle restait immobile, tremblotante contre ce corps, contre cet homme qui venait sans aucun doute de lui sauver la vie.

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MessageSujet: Re: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptyVen 27 Mar 2020 - 20:15
Vivre ou ne pas vivre.

Il avait de tout temps était question de cette ultime interrogation, cet ultimatum avéré tel un affront à la face du destin, de la vie même. Avait-il été au regard de cette vie, de ce maigre souffle, que les vivants possèdent ce droit à l’existence ? Était-ce l’unique volonté des dieux, juges de tout recours, de toute peine ? Était-ce la science, fort de son orgueil et sa désespérance, qui vous maintenait en vie ; votre évolution, vos sentiments ? À l’heure où le chaos déchaînait son déferlant pouvoir, peut-être indice de l’abandon divin, peut-être celui de vos simples pêchés, tu n’étais plus sûr de rien, plus sûr de toi, plus sûr de cette vie qui t’était permise. Et pourtant, tu refusais…

« Accroche-toi, S., accroche-toi ! »

Tu refusais l’envisageable même, ce qui l’avait conduite, sous tes yeux innocents emplis de bienveillance, que tu savais d’ordinaire de nature à te jouer des tours, à sauter en ce funeste instant. Tu refusais, non sans mal, non sans effort de la part de ton amour, cet amour conducteur d’énergie quotidienne, celui que tu vouais à tout ce qui entourais cette vie dont tu n’étais plus sûr, tu refusais d’admettre que l’on abandonne. L’abandon t’était apparu, tu en as été victime, tu en as été l’auteur, et tu ne souhaites désormais plus qu’il t’étreigne une nouvelle fois. Voir les autres abandonner… Répugnant ? En vérité, Henry, c’étaient les trop nombreuses fois où tu avais songé à t’abandonner toi-même que reflétaient ces instants que tu réprouvais, rien de plus.

« Tu mérites de vivre. Alors t… tiens bon ! »

Oui, l’effort était certain. L’eau était glacée, le poids de tes vêtements, son poids, tout cela sur tes minces épaules, esquintées par la morsure des vagues de la côte, l’une encore douloureuse de ta récente blessure. Tu nageais pourtant, t’accrochant à cette corde tendue du haut du puits ténébreux et sans fond dans lequel la douleur et la tristesse régnaient en maîtresses, qui avait depuis un temps accueilli la pauvre âme que tu venais de sauver. Tu la pensais sauvée… L’était-elle ? L’était-elle Henry ?

« La côte… Elle est j… juste là. »

Le souffle te manquait. Vivre ou ne pas vivre ? Ton choix avait été difficile ; te devais-tu désormais d’en assumer les conséquences, pour toi, pour elle, car cette vie que tu venais d’épargner, que tu venais de condamner, ne l’était que par ta grâce, que par ta faute. Un poids de plus sur ta conscience, encore un… Encore un. Quand allais-tu en finir, Henry ? Quand ?

Quand allais-tu décider d’abandonner, toi aussi ?


***



Le sable était chaud, le soleil maintenant loin de son zénith. Les minuscules grains réchauffaient ta joue, plaquée à terre. Si tu ne respirais à en attirer le regard des chats se dandinant le long des murets au-dessus de vous, l’on aurait pu croire à un cadavre. Tes mains rougies, comme brûlées par le froid, ne bougeaient plus ; tes jambes, endolories et tétanisées, ne bougeaient plus ; ta tête, fatiguée de ce bourdonnement constant de l’eau dans les oreilles, ne bougeait plus. En cet instant, seuls existaient les sons que tu percevais, et avec lesquels tu percevais ton propre corps. Tu ne sentais plus rien, si ce n’était une douce amertume.
Entendis-tu des excuses. Entendis-tu que l’on s’inquiétait pour toi. Tu ne bougeais pas le moindre doigt, mais tes yeux, eux, étaient bien ouverts, l’observant avec frustration, avec tristesse. Pourquoi avait-elle sauté ?

Un corps en rencontra un autre, le sien, le tien ; elle s’était affalée sur toi, désespérée qu’elle était, et tu ne dis mot, attendant tes forces recouvrées, attendant que sa voix te berce encore. L’aimais-tu, aimais-tu ce désespoir qui te rongeait autant que t’assoupissait, cette voix sans façade, sans barrière ; une voix emplie de chagrin, un chagrin enfin libéré de l’emprise égoïste qu’elle s’était obligée à installer pour sa propre survie. Le voilà évadé, et avec lui, peut-être, le désespoir. Tu n’en savais rien… Au moins avais-tu été là.
Après le court instant qui suivit ses mots inquiets, prononcés en une parole étrangement réconfortante, tu inspiras bruyamment, et t’essaya à ton tour à parler. C’était la première fois qu’elle entendait ta voix, qu’elle t’écoutait avec attention. Alors, tu fis fi de toute réaction, dans ta fatigue la plus marquée.

« S. … Enchanté. Mais préférez « Henry » à « idiot »… »

Un sourire apparut. Poudre aux yeux, rien de plus. Tu étais triste. Tu l’avais sauvée, mais tu ne savais à quoi t’attendre. Rien n’était planifié, rien n’était écrit, n’était prévu… Tu étais aveugle.

« Et si… Et si nous restions ici ? »

Tu avais attendu ce moment, quand bien même rien ne s’était déroulé comme tu l’avais envisagé. Tu étais triste, mais sa présence te réconfortait. Elle était vivante. Bien vivante…

« Comment vous appelez-vous ? »

Vivre ou ne pas vivre. Les frontières de la question semblaient floues, alors que tu reconsidérais tout ce qui avait trait à ton existence en cet instant précis où ton âme avait choisi pour une autre. Que promettait votre rencontre ?

Simplement ta certitude quant à cette ultime interrogation.

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Sydonnie de RivefièreSergente
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MessageSujet: Re: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptySam 28 Mar 2020 - 21:23


Immobile contre ce corps qu’elle ne connaît pas, qu’elle ne cherche pas à découvrir, elle perçoit le rythme rapide d’un cœur qui n’est pas le sien. La noiraude grelotte, retient une toux qui recrache sans aucun doute encore de l’eau, son esprit est flou, si floue. Incapable de déterminer, de se souvenir avec précision ce qui vient de se passer, elle entend encore le bruit de son corps rentrant dans l’eau, ce minuscule cri de surprise provoqué par ce geste pourtant délibéré. Elle se revoit sauter, elle revoit les silhouettes absentes qu’elle ne devrait plus pouvoir percevoir, puis c’est la brume, l’incapacité à ressentir. Elle ne bouge pas non, reste étendue de manière superficielle sur la silhouette masculine, alors que ses doigts s’enfoncent dans le sable douloureusement, laissant se répandre ce picotement provoqué par le froid. Son corps tremble de tout son être, alors que ses vêtements humides doivent récolter le moindre grain de sable qui se retrouve en contact avec lui. Elle était silencieuse avant de le traiter d’idiot, cet inconnu, ce stupide inconnu qui est responsable de sa présence sur la plage.

Fermant les yeux, elle pourrait presque s’endormir là, elle en est convaincu, fermer les yeux juste un instant, au rythme de cette mélodie nouvelle, arrêter de penser, arrêter de ressentir ce tambourinement dans sa tête, ce doute persistant et ce cœur si douloureux dans sa poitrine. Incapable de pleurer, de davantage s’exprimer, éprouvant cette colère contre ce sauveur à qui elle n’avait rien demandé. Étrangement, Sydonnie ne lui en veut pas d’avoir plongé, elle lui en veut de s’être mis en danger, deux choses différentes, terriblement différentes. Anür n’est pas venue, elle n’a pas vu sa longue queue écailleuse ni la richesse de sa fine silhouette, Anür n’est pas venue, cette simple constatation lui bouscule l’âme si fortement que c’est bien une larme qui trace un sillon sur sa joue.

Henry. C’est le nom qu’elle perçoit, qui vient la ramener à la réalité alors qu’elle découvre un timbre de voix qu’elle n’identifie pas. Son menton se redresse légèrement sur ce torse qui continue de se soulever au rythme de ses inspirations et expirations, ses yeux clairs s’ouvrent légèrement pour aviser ce visage, cette mâchoire, ses lèvres légèrement bleutés par le froid. Henry. Ses lèvres forment le prénom, sans qu’il ne soit véritablement prononcé et le rapprochement se fait soudainement, comme une vague venant la submerger, comme une gifle venant faire rougir sa joue. H. Cette simple réalité est encore plus dévastatrice que le saut, que l’abandon, que la tristesse, la colère et l’amertume qui la ronge. Henry est H. L’idiot est Henry. L’idiot est celui qui a sauté pour la sauver. L’avait-il sauvé ? Son sourire provoque cette nausée étrange, de dégoût contre elle-même, de culpabilité encore, elle préfère enfouir son nez dans son haut trempé, comme pour se cacher, comme pour dissimuler ce sentiment qui la submerge soudainement. Sa chevelure sombre tout aussi dégoulinante que le reste des deux corps dégringole de son front pour cacher son visage, alors qu’une perle salée, puis une seconde viennent inonder ses yeux, longeant son nez, puis se perdant dans cette bouche tremblante.

Elle a le goût de la mer, elle le remarque sans même avoir besoin que sa langue ne vienne éponger ses larmes, sa peau est granuleuse, elle le sent à cause des picotements. Ses yeux ont fini par se fermer alors que la voix calme et parfois saccadée par une respiration propose de rester ici. Rester ici. La phrase fait écho dans la moindre parcelle de son esprit, comme une boucle qui ne peut s’arrêter. Elle n’a toujours quasiment pas bougée, se concentrant sur le souffle qu’elle perçoit, le bruit des vagues s’échouant sur le sable chaud, le hoquet de quelques sanglots silencieux qu’elle ne parvient pas toujours à retenir. Il y a ce vous étrange qui vient casser le rythme de ce rapprochement imposé, cette distance verbale alors que les corps sont l’un contre l’autre, presque l’un au-dessus de l’autre. Les doigts de la sergente ont fini par délaisser le sable, pour lui permettre de se surélever légèrement, difficilement, juste de quoi lui permettre de rouler sur le côté, se retrouver sur le dos dans un couinement de douleur, alors qu’une de ses mains effleure furtivement la sienne avant de se retrouver sur son ventre. Les yeux ouverts vers le ciel, elle n’est plus certaine de savoir parler. Un comble pour celle qui a brisé le silence la première en le traitant d’idiot.


- « Sydonnie »

La prononciation de son prénom lui semble venue de loin, c’est un simple murmure, une simple réponse sans véritable émotion ou satisfaction à le dire. Sydonnie. Juste un prénom parmi tant d’autres, juste un souvenir d’une femme qu’elle avait été dans un passé qui lui semblait si lointain. C’est sa mère qui a choisi celui-là, son père n’avait eu de cesse de lui répéter, lui qui était convaincu que sa femme attendait un garçon, pour autant était-ce sans doute lui qui l’avait le plus aimé. Un soupir bruyant, une inspiration bruyante plus tôt, laisse entendre que l’intérieur de son corps contient encore un peu du liquide qui permet de bénir les fidèles, elle se penche légèrement sur le côté pour réprimer une quinte de toux grasse, légèrement noyée. Un frisson vient animer la totalité de son être, alors que la suicidaire n’est plus certaine de sentir la totalité de son être, de ses membres, de nouveau sur le dos, elle inspire, expire, avant de réaliser que leur premier rendez-vous vient de tomber à l’eau. Dans cet élan d’irréalisme, elle se met légèrement à rire, mélangeant tristesse et amusement mal justifié.

- « Je suis certaine…. » fit-elle en respirant difficilement « que tu n’as » poursuivit-elle dans la même démarche « jamais eu une première rencontre aussi originale. »

La fin de sa phrase fut formulée d’une manière un peu plus rapide, alors qu’une énième quinte de toux lui prend, elle grelotte encore, alors finit par revenir contre lui, une épaule dans le sable, une jambe sur les siennes, une main sur son torse et sa tête reposant sur une partie de son buste. Elle laisse ses doigts lentement vagabonder sur le tissu qui le recouvre, comme si elle découvrait qu’il était trempé, qu’il avait froid, comme si elle réalisait finalement au-delà de cette simple constatation qu’en sautant, il aurait pu réellement y rester. Le vous, elle ne se sent pas en mesure de l’utiliser, parce que son esprit est malmené par ses pensées, dans un brouillard trop épais que le respect de l’étiquette, de la juste distance ni a aucunement sa place. Rien n’a plus d’importance que sa présence à ce moment précis, rien n’existe hormis ce corps à la fois chaud et froid. Elle déplace très légèrement sa tête, inspire cette odeur de la mer qui émane de lui, retire ce qui ressemble à une algue de son avant-bras, du bout des doigts.

- « Tu n’aurais pas dû sauter » c’est une affirmation cette fois, soufflée dans un murmure si léger, si doux, qu’elle n’est pas certaine d’avoir reconnue sa propre voix « tu n’es pas blessé ? » poursuit-elle en laissant ses doigts parcourir son corps à la recherche de tout signe de douleur.



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Henry Duchemin2
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MessageSujet: Re: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptyMer 15 Avr 2020 - 17:46
Sydonnie.

Un nom avait suffi à libérer ton espoir, retenu captif depuis voilà des semaines. Tu n’espérais que la rencontrer, la voir, détailler son visage, toi qui l’avais si souvent imaginée, elle. Les dernières minutes venaient d’être balayées par sa voix, totalement éteintes pour laisser place au présent, le vôtre.
Quel était ce sentiment ? La délivrance, Henry. Le ciel te paraissait si éclatant, irradiant ton être, éclairant le sien de l’humeur divine que tu n’avais depuis trop longtemps ressentie. En ce jour étiez-vous l’incarnation de la destinée, elle qui vous avait fait vous connaître sur un simple hasard ; se serait-il agi de quelqu’un d’autre que toi que ce parchemin souillé aurait été jeté avec indifférence sur les pavés humides de l’Esplanade, sans vergogne. Mais il s’agissait de toi… Il s’était toujours agi de toi.
Parfois, tu avais été lâche. Parfois, tu avais été hautain. Parfois, tu avais été dur. Aujourd’hui, tu étais toi, la version la plus honnête et transparente de ta personne, allongée sur le sable, plus écrasée par le poids de cette responsabilité que tu venais d’endosser que par celui de tes vêtements imbibés. Tu ne répondis pas à son nom, préférant profiter, préférant savourer ces douces syllabes qui enivraient ton esprit. Sydonnie…

Tu revins à toi, reportant de nouveau ton attention sur elle, sur sa chevelure mouillée, plus sombre encore que ce que tu avais aperçu du haut du chemin au pied des remparts. Votre arrivée ici t’apparut, se rappela à toi en un éclair : tu avais sauté pour elle. Tu avais sauté pour elle, Henry… Tu es un idiot. Tu es un idiot…

Sa toux t’inquiéta, mais elle reprit rapidement son souffle afin de t’adresser cette remarque, si vraie. L’originalité n’était pas ton fort, toi qui passais trop souvent pour le maladroit, le noble à la langue ankylosée. Les rencontres tel qu’elle le soulignait ne t’étaient pas familières, et ne t’apparaissaient pas choses bienheureuses la plupart du temps. Celle-ci, en revanche, te faisait comprendre au plus profond de toi l’antithèse de tes impressions : tu t’étais mis en danger, tu avais peur pour elle, mais tu avais aimé ça, ce frisson qui, en un instant, t’avait fait quitter le sol pour la rejoindre, elle, une inconnue.
Une inconnue qui, sans ambages, adopta un tutoiement des plus sincères. Tu eus du mal à te débarrasser des convenances, mais la situation l’exigeait, et tu en avais envie.

« Vous… Tu te repris. Tu es une surprise des plus originales, en effet. »

Un sourire était apparu au coin de tes lèvres, timide, presque exprimé avec tristesse. Cette atmosphère si chargée d’émotions était des plus étranges ; te laissais-tu porter par elle plutôt que d’essayer de la maîtriser, de la comprendre. L’heure était à la découverte et à l’attention.

Tu osas mouvoir un bras, puis une jambe. Le crissement du sable mouillé se fit sentir à travers tes chausses ; le froid harassait ta peau au travers du lin, bien que tu ne sentisses plus le flux du sang courant en ton corps, s’il y courait bel et bien. Elle, à son tour, osa revenir à toi, apposant sa jambe sur les tiennes, se rapprochant de nouveau, toujours plus. Tu le sentais, tu avais cette infime perception, une supposition qui pourtant t’apparaissait être une certitude : vous étiez liés, un lien qui vous unissait, non dans l’amour, mais dans la passion pour l’authenticité. Authentique, cette rencontre l’avait été, et elle comme toi n’avez été déçus, au-delà de ces sentiments qui tiraillaient inexorablement vos cœurs.
Sa voix, murmurée, revint à tes oreilles, cette mélodie qui t’avait traité d’idiot quelques minutes plus tôt. Mais elle s’inquiétait pour cet idiot, et, étrangement, cela te faisait plaisir.

« Il me semble que mes jambes m’ont abandonné pour quelques minutes encore. Mais je vais bien, glissas-tu en un sourire qui se voulait rassurant. Si je n’avais sauté… Tu marquas le silence, induisant les conséquences d’une telle décision. Sydonnie… »

Son nom glissa de tes lèvres pour s’échapper de ta bouche en un murmure. Quel beau nom.

« Tout ira bien, maintenant. Si mes mots faits d’encre n’ont su t’en empêcher, j’espère au moins que mon être, aussi froide et peu réconfortante ma peau puisse-t-elle être, saura te retenir un peu. »

Tu parlais de la retenir. Ce que tu voulais, c’était ne jamais finir cet instant. Vivre ou ne pas vivre… Vivre ce moment était la meilleure chose qui t’étais arrivée depuis longtemps.

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Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptyDim 26 Avr 2020 - 22:46


- « Une surprise… » l’écho de sa voix sur cette affirmation la laissa presque sans réponse.

Fermant les yeux un instant, la noiraude savourait ce qui ressemblait à un compliment, alors que son subconscient s’appliquait à lui rappeler qu’elle était très loin du cadeau agréable. Ses lèvres gercées se pincèrent à plusieurs reprises, imbibant sa bouche du goût de la mer. Installée dans cette proximité sans doute malvenue, mais ô combien naturelle sur l’instant présent, elle ne bougeait pas, plus, ou presque. Seul le mouvement de ses doigts pianotant sur le tissu humide le recouvrant se faisait percevoir, trahissait sans doute cette anxiété qui commençait à la ronger. Les yeux fermés, l’oreille contre le haut de son cœur, elle entendait parfaitement le tambourinement d’un cœur, qui sous l’émotion, sous l’adrénaline de l’instant battait sans aucun doute beaucoup trop fort. La pensée que celui-ci ne lui était nullement destiné la révulsa un instant, comme si cette idée puisse avoir été agréable un temps, avant qu’un vent de culpabilité ne l’anime. Il était noble, il était père, elle était veuve, seule et suicidaire. Sa gorge se noua de cette douloureuse manière, alors qu’elle tentait dans un élan inconscient de retrouver cette distance qui n’était aucunement naturelle, il y avait ce quelque chose inexplicable, ce besoin de comprendre. Il avait sauté.

Sous elle, le corps venait se mouvoir, un bras, une jambe, le bruit du sable se faisant malmener par un mouvement. Léger froncement de sourcil, elle s’immobilise, laisse son regard découvrir la silhouette, comme pour s’assurer que sa propre inconscience n’a rien coûté à celui qui devait l’être deux fois plus qu’elle. Il avait sauté. Sans geste, elle attend, elle attend une réponse, une question, des reproches, mais rien ne tombe, rien ne se formule. Vint ensuite cette phrase provoquant cette crispation, d’abord l’évocation qu’il n’est plus en mesure de grand-chose, puis l’évocation de son acte. Henry. H. Il ne termine pas renonce sans doute dans un murmure de son prénom, la noiraude ferme les yeux, savoure l’instant.

Vivre ou ne pas vivre, dans le fond avait-elle fait son choix en sautant, n’avait-elle néanmoins aucunement perçu qu’il aurait pu réagir de la sorte, qu’il aurait pu la regretter. Elle, elle qui n’était rien que des mots sur un document, elle qui n’était pas digne de porter la vie ni d’être épouse, elle qui n’avait plu goût à grand-chose, hormis aux regrets, aux remords et à la culpabilité. Vint cette nouvelle phrase, étrange, cette tempête qu’il provoque, la retenir un peu… Pourquoi faire ? Elle sent ses doigts s’enfoncer dans le tissu qu’il porte, froisser l’ensemble, alors que son autre main fait de même dans le sable. Pourrait-elle lui en vouloir d’agir ainsi, là, pourquoi ? Vivre ou ne pas vivre, ce choix ne lui appartenait pas à lui. Pourquoi, il avait décidé de choisir pour elle, décidé de l’empêcher de renoncer, décider de devenir un acteur de ses choix, de sa vie. Tout ira bien maintenant, c’est ce qu’il avait dit. Comment pouvait-il seulement le savoir. Sans trop comprendre, sans trop savoir d’où le bruit des sanglots provenait, elle finit par sentir son propre corps trembloter dans cette émotion qu’elle ne se connaissait pas, qu’elle ne comprenait pas.

La sergente si fière avait senti son visage s’inonder de perler salée, si bien qu’honteuse, elle avait tenté d’enfouir son visage dans le corps de celui qui ne bougeait pas. Hoquet, soubresaut, la femme d’armes ne parvenait pas à retenir la tristesse qu’elle avait retenue si longtemps, trop longtemps sans doute et ne parvenait même pas à comprendre que l’ensemble des couinements qu’elle percevait ne venait d’autre que de sa propre personne. Ses bras avaient fini par venir entrelacer celui qu’elle ne connaissait pas, qu’elle avait pourtant la sensation de connaître, le serrant légèrement, comme pour l’empêcher de fuir ou pour simplement attester qu’il était bien là, vivant, réel. Combien de temps cet instant dura, elle n’en avait aucune idée. Sydonnie découvrait peut-être depuis longtemps qu’elle était humaine, humaine avec des émotions, avec de la tristesse. Était-ce lui qui avait ouvert la boîte de sensibilité qu’elle avait si profondément enterrée ? Où était-ce elle qui l’avait fait exploser à force de trop la charger ?


- « Henry » un prénom, prononcé brusquement, rompant le silence, alors qu’un nez et un visage se dévoilé juste là, devant le sien, alors que deux prunelles vertes proches effleuraient les traits de celui qui était encore allongé « Reste encore un peu, tu veux bien ? »

Comme s’il avait le choix, comme si tous deux étaient dans un endroit sécuritaire, comme si la situation n’était déjà pas suffisamment surprenante, dérangeante, étrange. Elle glisse ses mains le long de son buste, remonte jusqu’à son menton pour laisser la pulpe de ses doigts effleurer, remonte le long de sa mâchoire pour venir se retirer à la naissance de sa chevelure. L’embrasser, il aurait été mentir que sur l’instant, elle n’en avait pas ressenti l’envie. Ce besoin de réconfort, d’oubli était puissant, si bien qu’un infime moment, s’était imaginé se perdre dans ses bras, sur cette plage, ressentir sous ses mains, sous son corps la sensation d’être vivante. La peur sans doute, la réalité peut-être, ou simplement sa manière d’être la fit lutter cependant, même si son regard devait hurler ce besoin étrange. Réconfort, était-ce seulement ça qu’il s’agissait. C’est dans ce moment presque suspendu où sa bouche était proche de la sienne, où son regard se perdait un peu juste là dans ce visage qu’elle apprenait à connaître qu’elle finit par s’éloigner physiquement, se laissant tomber sur le dos dans un léger couinement.

Était-ce sans aucun doute une manière de se convaincre, de ne pas jouer avec une tentation dont elle se sentait incapable de résister. Ses mains sablonneuses passèrent sur son visage, avant de se perdre dans sa chevelure humide qu’elle tira légèrement, les larmes avaient fini par s’estomper, ne laissant que le silo d’un passage si rare sur sa peau.


- « Henry » un prénom, son prénom encore, qu’elle apprend à formuler, à apprécier, alors qu’elle le déteste autant qu’elle l’affectionne « On ne peut pas rester…là »

Comme une invitation à poursuivre, à oublier, à passer outre ce moment, à le fuir lui, lui et la tentation qu’il représente. Qu’était-il seulement un bandage, un moyen de soulager une douleur, une personne qui après un moment intense sur une plage ne serait plus jamais rien ? Un acteur du futur et du présent à la fois, comme une plaie qui cicatrice, un baume qui réconforte éternellement ? Qu’imaginait-elle être, que voulait-il être ? Ses sourcils ont du se froncer, alors qu’elle réalise, envisage, lui reproche intérieurement de l’avoir sauvé, pourquoi finalement ? Que restait-il après ça ?

- « Tu n’aurais pas dû » elle l’a dit, elle l’a dit avec violence, alors qu’elle s’est hissée sur ses coudes, alors qu’elle réalise que peut-être il l’a arraché à Anür, au souvenir de Roland, de Chris, de Gabriel. « Tu n’avais pas le droit » poursuivit-elle « Non » gémit-elle presque en le poussant sans force aucune du bout des doigts « Pourquoi ?! » contesta-t-elle enfin, dévoilant cette question qui la dévorait.

Nullement agressive, nullement dangereuse, elle était pleine de ce désarroi, plein de cette incompréhension, de cette tristesse qu’elle découvrait et tâchait d’appréhender. Et puis lasse, lasse de le bousculer, lasse de se malmener, elle avait finalement formulé cette constatation douloureuse, cet état de fait.

- « Tu vas disparaître de toute façon, comme tous les autres » son regard avait dû transpercer le sien, alors que sa peur d’abandon surgissait réellement pour la première fois, elle était seule, tout en étant très entouré « J’suis juste bonne à couler » murmura-t-elle dans un demi-sanglot, de cette position désormais demi-assise, fuyant ce regard, le sien, le reste du royaume entier.


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Henry Duchemin2
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MessageSujet: Re: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptyMar 5 Mai 2020 - 16:03
Désespérée.

Le désespoir était la représentation que tu te faisais de cette femme, si inconnue et pourtant si proche, elle qui maintenant t’en voulait réellement. Tu avais été sûr de toi, dans cette spontanéité, dans cette folie. Qu’est-ce qui t’avait donc traversé l’esprit ? De quelle ineptie t’étais-tu convaincu en précipitant cette rencontre, toi qui avais tenu à ce que vous vous retrouviez, trois jours plus tôt ?
Son comportement avait changé, et avec lui ton assurance, ton bien-être. Telle qu’elle t’était apparue dans ses lettres, tu la voyais désormais désespérée, à la frontière de l’insouciance si caractéristique des malheureux n’ayant que trop enduré. « Pourquoi ? », te demandait-elle.

Le savais-tu seulement ?


◈ ◈ ◈



Août 1164


« Pourquoi ?! »

Ses joues, humidifiées par des larmes capables de déplacer des montagnes de par leur puissance, étaient rouges, tout comme les yeux bleus qu’elles soulignaient, habituellement enjoués. Face à toi, le petit bout d’humain qui se tenait sur ses deux jambes, haute comme trois pommes qu’elle était, était immobile, pétrifié par la triste rage qui l’envahissait.

« Viens, dépêche-toi. »

Tes yeux aussi pleuraient à chaudes larmes, creusant un sillon des plus révoltants sur tes pommettes. Au sol, c’était une trainée de petites gouttes que l’on apercevait derrière vous, témoins ô combien révélateurs de votre affliction.

« Il faut trouver ton frère.

- Je veux Mère ! »

D’un geste brutal, tu te retournas et l’attrapas vigoureusement par les épaules, le regard empli de haine. Ce geste, si osé et pourtant nécessaire, avait pour but de lui faire comprendre. Comprendre que la vie ne serait plus jamais comme avant.

« Nous devons partir. Maintenant. »

Les jours ayant suivi le drame en ville ne vous avaient semblé qu’être cauchemars et folles imaginations, tandis que vos cœurs, déchirés de part en part, vous poussaient à continuer. Fallait-il survivre. Pourquoi ?

Pour elle. Pour tous les autres.


◈ ◈ ◈



« Tu m’as demandé pourquoi je t’ai sauvée… »

Tu venais de lâcher une larme, laissant perler cette goutte si pure le long de ta joue, attendant qu’elle tombe et s’efface dans le sable humide, simple réminiscence de la douleur passée. Un souvenir parmi d’autres, présent à jamais.

« Parce qu’à l’heure où la vie est menacée, nous seuls ne pouvons décider de notre sort. »

Ton visage, auparavant ouvert et empreint de la bienveillance qui te caractérisait, s’était refermé, adoptant ce même air renfrogné qui ne t’avait quitté depuis la mort de ta femme, presque un an durant. Le ton employé n’était pas celui de la personne rassurante, réconfortante que tu avais été jusqu’à présent. Mais, aujourd’hui, il fallait qu’elle sache, qu’elle comprenne que chaque jour passé, aussi douloureux puisse-t-il être, permettait la survivance de leurs âmes, de leur souvenir. Le désespoir est chose à combattre… Quoiqu’il ne soit que trop rare de remporter la victoire.

« Je ne t’abandonnerai pas, Sydonnie. Tu t’étais déjà retourné face à elle, ton regard ayant croisé le sien plus d’une fois à l’heure de ses reproches. Mais, à cet instant, tu essayais de prendre le pas sur ses émotions, son ressenti. Tu insistais, alors qu’elle ne te regardait plus… Était-ce la bonne solution ? Tout comme je n’abandonnerai personne ici-bas. Mon devoir est de survivre, et de faire survivre mon prochain. Si je réussis… alors les âmes perdues, elles, ne seront pas mortes en vain. »

Tu baissas les yeux vers la mer. Une seconde larme tomba.

« Ils ne seront pas morts en vain… »

Tu te redressas à ton tour, croisant tes mains, les sourcils froncés, tes yeux brillants scrutant le large. Tu attendais qu’elle réagisse, qu’elle se rende compte de la futilité d’une mort si prématurée, occasionnée par le simple fait de s’annoncer vaincu ; tu n’attendis pas assez longtemps, et te relevas devant elle, peinant presque à tenir debout.

« Tu as raison, nous ne pouvons pas rester ici. » fis-tu en lui tendant une main.

Venais-tu d’abandonner, Henry ? Ou était-ce ta manière de lui montrer que tu tenais à elle, lui imposant par là même ta vision des choses ? Elle n’attendait que ton réconfort. Avait-il été suffisant ? Avais-tu, une fois de plus, été si maladroit qu’elle n’ait pu reconnaître la réelle intention derrière ces mots ?

Si elle t’observait, ta bien-aimée devait, à cet instant, bien rire de ton manque de tact.
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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry]   [Abandonné] Vivre ou ne pas vivre [Henry] EmptyMar 5 Mai 2020 - 19:33


La noiraude faisait silence, alternant entre cette colère, cette tristesse, ce besoin d’autre chose. Lentement ses doigts venaient tirer sur le tissu venant lui coller à la peau, lentement oui, jusqu’à venir même égratigner sa peau du bout de ses ongles. Colère, colère d’avoir dû survivre là où elle ne désirait que s’éteindre, colère de devoir supporter un regard différent sur sa personne, incompréhension, oui, même après que lui-même retourne sa question en offrant un signe d’une tristesse qu’elle ne comprenait pas. Immobile toujours, elle ne cherchait aucunement à lui adresse le moindre regard, reclus dans ses pensées, renfermées sur sa propre personne. Dans le fond, n’y avait-il absolument rien à dire ou à faire : il avait plongé, il l’avait sauvé et maintenant ? Chaque fois qu’il prenait la parole, la sergente avait la sensation de ne pas le comprendre, de ne pas savoir ce qu’il voulait réellement dire. « Nous seuls ne pouvons décider de notre sort » vraiment ? La noiraude prit une inspiration, une nouvelle tout du moins, humant l’air marin de cette drôle de manière, cherchant du réconfort là où elle ne parvenait pas à en obtenir. La première option aurait sans aucun doute était plus doux, s’abandonner dans ses bras un instant, partager une chaleur, oui… Au moins n’aurait-il pas parlé, ne se serait-il pas enfoncé dans cette incompréhension persistant.

Sans mouvement, sans réaction, la femme d’armes essayait d’éclaircir les éléments, ne comprenant aucunement ce qu’il voulait dire, ce qu’il prétendait. Il faudrait être aveugle pour ne pas entrevoir l’émotion de sa voix, de son visage. Se pinçant les lèvres, Sydonnie restait dans cette incertitude, dans cette révolte presque naturelle, prenant une nouvelle inspiration elle aurait pu lui hurler de se taire, de fermer sa bouche, elle aurait pu aussi sans doute l’agresser de bien des manières, mais son corps ne bougeait pas, sa voix ne se faisait pas entendre.


- « Je n’ai pas envie d’être une personne parmi tant d’autres » souffla-t-elle « Des morts il y en aura toujours »

Une certitude, une révélation, de là à savoir si c’était en vain ou non, c’était difficile à die. Néanmoins, les premières paroles prononcées furent plutôt dures à entendre, sans doute. Pour elle la mort était devenue une amie, une associée, partout où elle passait, la mort venait l’accompagner, touchant ses proches et ses moins proches. Une habitude, une douloureuse habitude. De là à parler de regret, de trouver une utilité à chacune des âmes ayant rejoint ou non le royaume d’Anür s’était compliquée. Et puis il était finalement là, non loin, à quelques pas, tendant une main pour instaurer ce départ précipité. Il n’était plus le même, plus celui qui avait fait preuve d’une bienveillance et c’est cette distance qui semble apporter une finalité à l’événement. Prenant une inspiration, la noiraude s’était relevée, s’accrochant à sa main pour conserver un équilibre qui était plus précaire que ce qu’elle n’avait pensé. Peut-être que les rôles avaient été inversés, que durant l’instant où son regard croisa le sien, elle sentit cette tristesse émanait de lui, ou se renfermement toujours est-il que comme très souvent, celle qui défendait et protégé ne put s’empêcher de le faire.

- « On ne peut pas sauver tout le monde Henry et il ne faut pas s’en vouloir de ne pas avoir réussi à en sauver certain, ainsi est le royaume dans lequel nous vivons. » souffla-t-elle simplement alors qu’une grimace venait déformer ses lèvres, que son dos semblait irradier de douleur.

L’eau salée sur une plaie n’était pas une bonne idée, aurait-elle dû y penser sans doute avant de plonger, encore aurait-il fallu apercevoir qu’un baron se jetterait du haut des remparts pour jouer aux héros. Se mordant l’intérieur de la joue, prenant une nouvelle inspiration, elle ne put que ramasser sa lame sur le sable, fermant les yeux en se redressant pour ne pas subir cette nausée de fatigue qui semblait vouloir l’animer. Le reste de la conversation ne serait sans aucun doute ni agréable ni doux, que pouvait-elle dire à celui qui lui avait répondu ou laisser entendre qu’elle n’était qu’une personne parmi tant d’autres qu’il voulait sauver. Pas grand-chose. La naïveté de la noiraude était visiblement toujours intacte, dure réalité.

- « Allons-y, c’est par là » souffla-t-elle d’un geste de la main alors que l’ensemble de son corps lui semblait si lourd « À cheval, cela va vite, à pied on en a pour un petit moment, je pense » elle était venue frotter ses bras, alors que le sable disparaissait pour laisser place à la terre « Il devrait y avoir… une auberge un peu plus haut, ce n’est pas luxueux, mais on pourra sécher nos vêtements. »

Elle fit cette proposition, simplement pour éviter que le silence s’installe, cependant, chaque regard qu’elle lui jetait ne semblait pas trouver écho. Regrettait-elle sans doute de s’être ainsi livrée, d’avoir ainsi succombé à sa fragilité et ses émotions. Peut-être oui, ou peut-être pas. Roulant simplement ses doigts dans le creux de sa main, serrant les poings elle laissa un soupir s’échapper de ses lèvres, que restait-il à dire après tout ça ? Que pouvait-il dire ? Plus grand-chose.

- « Personne n’a le devoir de faire survivre les autres, hormis protéger tes enfants, tu n’as aucun autre devoir, Henry » conclut-elle finalement en écartant une branche pour ouvrir le passage.

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