Onfroy de RoncethurelMilicien
| Sujet: Onfroy de Roncethurel [Validée] Mar 24 Mar 2020 - 1:54 | | | Onfroy, le goupil des faubourgs◈ Identité ◈ Nom : de Roncethurel
Prénom : Onfroy
Age : 19 ans
Sexe : Masculin
Situation : Célibataire
Rang : Noble déchu (hors-duché)
Lieu de vie : Marbrume, quartier de la Milice
Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs : Milicien de l'Intérieur (+1 HAB, +1 INT, +2 TIR)
Compétences et objets choisis : Adresse au tir 1, Discernement 1, Esquive 1, Étiquette 1
Épée courte, Arc de guerre, Veste en cuir, Jambière de cuir, Cervelière en cuir
◈ Jà avant nacquiment peut-on être détesté... ◈ Tandis que la brume dévorait la campagne environnante, laissant surgir çà et là un îlot boisé, les premiers rayons perçant des feuillages cuivraient le sommet du donjon de Roncethurel, mettant à jour des murs lassés par les éléments, par les guerres d’un passé lointain et par la négligence des maîtres des lieux. Rudimentaire autant qu’austère, la fortification demeurait à l’image de cette région sauvage, sans grand attrait.
Les petites gens vaquaient jà à leur labeur, trainant des pieds, sous l’œil ennuyé de quelque garde mal froqué, l’esprit engourdi par la piquette infâme de la veille. Le moral n’y était pas, et pour cause, la Dame avait rendu l’âme la veille, laissant son époux dans une tourmente ponctuée du peu de réconfort d’avoir un héritier.
Enguerrand de Roncethurel était son nom, or si sa vertu et son adresse comblaient son engendreur, sa simple vue arrachait à l’occasion des larmes au châtelain, tant l’enfant ressemblait à sa défunte mère. Peu était de dire que tel hospice entacha l’épanouissement du garçon, qui, malgré ses efforts et sa bonne volonté, ne pouvait apporter la joie au seigneur Amaury son père.
Quelques hivers passèrent avant que le petit seigneur ne se fasse une raison ; s’il était aimé ce n’était qu’à la mémoire d’un fantôme, dont la mémoire le privait de l’affection et de la pleine attention d’un homme qui paraissait pourtant être bon et aimable, or qu’il n’était jà que l’ombre de lui-même.
Pire advint pour l’enfançon, suite aux nouvelles épousailles du seigneur Amaury de Roncethurel. S’agissant non point d’une union animée par l’amour, mais bien par l’intérêt d’une alliance entre maisons, l’homme mélancolique qu’Enguerrand avait alors connu de loin se prit à s’éjouir de la compagnie de la douce Sélène, aux cheveux de feu. Pourtant qu’elle se montrait tout aussi attentionnée qu’une mère aurait pu l’être, l’enfant aux cheveux d’ébène souffrait de la sobresse de son père à son égard, autant que de l’éclat de son cœur en présence de cette Dame venue d'ailleurs.
Et l’étrangère de porter un cancrelas dans son ventre ! C’était trop demander au premier fils, qui se sentit trahi, et qui s’enferma dans farouche rancœur. On ne le vit guère plus sourire après la venue au monde de ce puiné, qui de même remplissait de joie le châtelain.
◈ Un bon fils de faux desroi... ◈ Les temps passèrent, et Enguerrand s’enorgueillit dans les armes ; nul cavalier ne l’égalait et nul bretteur ne le surpassait. Quant à Onfroy, son regrettable cadet, il prenait un malin plaisir à le jeter dans la boue sous prétexte d’entrainement, tentant, et parvenant telle fois à l’humilier. Le goupil n’eut pour autant nulle malversance pour son aîné, le voyant bien malheureux, au travers de son masque de férocité, et sachant être acteur d’y-ce malheur.
Onfroy grandit aimé de ses parents, en connivence avec son père, qui lui passait ses flambourdes et fréquentes escapades aux heures de leçons. Le garçon savait qu’Enguerrand aspirait un jour à régner sur le fief de leur père, aussi cherchait-il à lui montrer par son peu de conséquence qu’il ne constituerait jamais une menace à ses plans.
Apparissant que le gentillâtre appréciait les réceptions et la compagnie des damoiselles de la Cour, or ne se sentait-il point pleinement à sa place en ce beau monde, lui préférant y-celui des simples gens. Les gueux et les soldats ne se perdaient pas en convenances et en allusions ; ils parlaient franc, même pour vous abuser, et se montraient plus accessibles et plaisants.
Pareille compagnie ne tarda à jeter l’opprobre sur les siens, d'autant qu'à maintes fois on trouva le puiné à la taverne à jouer aux dés, pinté plus qu'il n'en fallait et une ribaude sur la cuisse. Le prime héritier n'hésita une fois à le chercher avec ses gens, le traînant manu militari en geôle pour le punir. Or l'y prit-on derechef aux dés, y cette fois avec les gardes, devisant au travers des barreaux. Son père tantôt inquiété, jura-t-il alors de se cantonner aux fêtes de village, et de danser la bourrée plutôt que de la courtiser.
Seule apertise qu’Enguerrand ne pouvait nier à son frèrâtre, le maniement de l’arc. Onfroy, à dire vrai, ne surpassait en armes son aîné qu’en deux choses, fuir les coups et berseiller. Il fallut bien que le Goupil ne s’extirpe des passes d’armes d’avec son frère, et de briller là où y-celui ne brillait fut une délivrance. ◈ La Malemort du Ponant... ◈ A travers champs bavait-on qu’un absconce mal sévissait depuis le ponant, emportant ses victimes, et poussant à cruelle sauvagerie y-ceux qui n’en trépassaient. On accusait qui une sorcière, qui un divin fléau ou un coup du sort or Onfroy n’y croyait rien, et en rit beaucoup… les premiers jours seulement. Les lointaines voix devinrent des criements, toujours plus alarmants, et tantôt advint le premier cas en Roncethurel.
La garde était bonnement à l’effroi alors que le puiné, alerté par un bouvier, venait éprouver que la bête ait été prise. Tôt après l’aube le hameau d’Oyrevault avait-il été trouvé à sac, ses gens disparus, et sang versé tel sur place des basses œuvres, les jours de grandes exécutions. L’officier tremblait comme une feuille, tandis que ses hommes maintenaient la porte d’une grange, tel si leur vie en dépendait… Descendant de son coursier, le sieur alla à la rencontre du gradé, ébaubeli par tant de peur dans y-ces yeux.
"Et bien ? Qu’advient-il ?"
Pour unique réponse, une hurlée par-delà la lourde porte fit sursaillir les batailliers, puis essuyèrent-ils une vive secousse, tel si un ours tentait d’éventrer le baillant.
"Tenez bon ! Barrez-moi cette porte, par les Trois ! "
La patrouille tint bon malgré second assaut, tout autant brutal, or le troisième envoya au sol l’un des hommes, et les suivants eurent raison de leur efforcement. Jà la porte entrebaillée surgit la créature, bondissant à la gorge des gens d’armes, sans merci, les décassant tel s’ils n’avaient été que des fétus de paille. La bête, n’était-ce que la vieille Suzel…
*Cela ne se peut !*
Or point le temps à la songerie que la vieillette dévorait jà le capitaine. Ni une ni deux, Onfroy mit le pied à l’étrier avant que sa monture ne s’enfuie seule. Cela n’empêcha la créature assoiffée de sang de se jeter à la poursuite du fuyard, preste telle un chien aux abois. Par deux fois manqua-t-elle de jeter bas le cavalier de sa monture, et plusieurs lieues de ruée n’accordèrent que fort peu de répit. Les rugissements de la vieille poursuivirent plus encore, avec abominement dans le cœur du seigneur. ◈ Ultime réunion de famille... ◈ Enguerrand me toisait de sa défiance habituelle, pensant à un délire d’ivrogne, et pour la première fois de ma vie j’avais envie de le gifler. Ce que j’avais vu n’était pas une hallucination, et le sang souillant ma chemise ne résultait point d’une simple bagarre de taverne.
"Es-tu bien sûr de ce qui s’est passé, fils ? "
Père semblait plus concerné, le ton grave, penché en avant sur son siège. Je ne l’avais jamais vu ainsi, son habituel air débonnaire s’étant effacé, et des rides jusqu’alors inconnues s’étaient dessinées sur son visage vieillissant.
"Certain, père. La Suzel les a tous… massacrés. A dire vrai, elle n’avait guère plus grand-chose d’humain, sinon d’apparence. Elle… "
Mon frère se mit à rire aux éclats devant l’absurdité de mes propos, et en d’autres temps je ne lui en aurais pas porté grief. Pourtant, en cette occasion je ne me sentais pas de perdre plus de temps, et seul mon regard froid l’intima de se reprendre.
"Tu ne peux être sérieux… - Et pourtant tout le monde est mort à Oyrevault. Pas un n’en a réchappé. S’il t’en faut plus, va donc voir par toi-même."
Un pesant silence se posa sur nos épaules, où mon aîné n’eut de cesse de me dévisager, cherchant encore anguille sous roche. Sachant notre temps compté, je décidais de l’ignorer jusqu’à ce qu’il entende raison, et sans plus attendre je reprenais la conversation là où je l’avais laissée.
"Père, j’ai fait mander aux gardes de rassembler nos serfs en la cour. Il nous faut agir sans plus attendre, sans quoi le pays ne sera que ruines et charniers. - Le Mal est tant esgrami que tu le rapportes ? - Pis que cela, père. Si une vieille fileresse pervertie peut réduire à néant à elle seule une patrouille de nos hommes, je ne suis certain que l'on soit saufs derrière nos murs. "
◈ Réveil cruel... ◈ La forêt était dense et endormie, en cette fraiche matinée ; un silence pesant régnait en maître, à peine contrarié par le claquement des fers d’un cheval sur un sentier escarpé. La bête renâclait avec peine, montée par deux cavaliers affalés l’un sur l’autre, à l’évidence mal en point.
La côte se faisant plus raide encore, le chevaucheur de derrière bascula et s’effondra avec fracas, perturbant assez le destrier pour qu’il ne se mette à trotter sur quelques pas, sous l’effet de la surprise. Le malchanceux émergea, rompu autant qu’hagard, scrutant les bois avec crainte, et se relevant maladroitement à la poursuite de la monture, qui donnait l’impression de se moquer de la perte d’un passager.
Titubant jusqu’à hauteur de rênes et les saisissant pour arrêter l’animal, le jeune homme se figea soudain quand il remarqua que son compagnon, les pieds à l’étrier, ne se réveillerait plus jamais.
"Non… Non, par les Dieux, non !!!"
Le corps penché sur le côté, une main entravée par la bride, l’autre harnachée à la garde de son épée, flottant dans le vide et quelquefois léchant le sol de son estoc, l’on ne pouvait ignorer que l’homme ne possédait plus de tête.
Tombant à genoux, en sanglots, le damoiseau leva les yeux au ciel, aveuglé par ses larmes. Quelle cruauté leur aura permis de s’enfuir du guêpier de Roncethurel et d’échapper à la nuée de Fangeux, pour qu’un seul n’en réchappe ?
Descendant soudainement le malheureux de selle, le puiné enlaça la dépouille de son frère, se cramponnant à lui tel si cela pouvait lui faire jaillir une nouvelle tête et le ramener de son trépas. Indifférent, le cheval ainsi libéré de son fardeau alla paître, non loin, à l’orée d’une modeste clairière.
Onfroy avait assisté au trépas de ses parents, dévorés par leurs gens - à peine reconnaissables - tandis qu’Enguerrand l’entraînait de force en direction des écuries. Bon nombre de visages familiers et amicaux étaient tombés durant la nuit de l’attaque du château. D’être hui seul au monde, dernier représentant de sa maison, était à peine supportable, après cette chevauchée effroyable… ◈ Errance... ◈ Les échos de batailles parcouraient la campagne, parmi les survivants qui migraient vers l’est, fuyant la vague de ce que les hommes nommaient dorénavant les Fangeux. D’aucuns disaient que l’host du Roy se rassemblait pour repousser cette invasion cauchemardesque, or Onfroy pressentait que nulle armée ne pourrait endiguer la marée déferlant sur les hommes, si ce n’était depuis le haut d'un mur haut, épais et bien gardé. Une bataille rangée serait une hécatombe.
Aussi se garda-t-il de rejoindre les volontaires, mais aussi de suivre les voies principales de l’exode, par peur de se retrouver entouré d’ennemis potentiels. Il suivait pourtant le même chemin que tout autre réfugié sain d’esprit, en solitaire, sur la monture de son défunt frère.
D’Enguerrand, il avait conservé l’épée que leur père lui avait léguée, en tant que son héritier direct, et qui passait de mains en mains depuis des générations. Roncelame… jamais le puiné n’avait pensé, ni même espéré tenir cette arme en main. Il l’avait contemplée à la ceinture de son père, puis entre les mains dextres de son aîné, et ç’aurait été infamie que de l’enterrer avec son dernier possesseur, et de savoir pareil héritage rongé par les éléments et à jamais perdu.
Pour autant, le dernier représentant de la maison Roncethurel ne se sentait pas digne de la porter. Il avait fui, laissant mourir ses parents derrière lui, et n’avait point su épauler Enguerrand durant leur échappée, le condamnant très certainement au trépas. Cela, Onfroy ne pourrait sans doute se le pardonner.
Évitant cités et villages autant que faire se pouvait, il arriva que le damoiseau ne trahisse ses principes, louant son arc et sa lame à une caravane de marchands ou à une poignée de réfugiés fuyant le désastre, or jamais pour bien longtemps, et surtout en vue de briser son isolement. La solitude ne lui seyait en effet guère, lui préférant mauvaise compagnie, ne serait-ce qu’un jour de-ci, une semaine de là, la boisson étant meilleure accompagné.
Maintes fois l’ombre des créatures des marais menaça son existence, le forçant à fuir, or pour ses escortes ne se sentait-il d’humeur à abandonner à leur sort les malheureux lui ayant fait confiance. Parfois était-il possible de faire diversion, à cheval, et de mener le gros des prédateurs loin des survivants. Souventesfois ses traits sauvèrent un frère d’arme dans le guêpier, ainsi que ses ruées montées, pourtant ne fut-il point rare que bataille ne devienne cause perdue, et que le convoi de manants et de bourgeois ne serve de distraction pour mieux filer.
Ainsi dériva le seigneur sans terre, au travers des saisons, à la recherche d’un havre pouvant subir sans peine la colère des Fangeux. Faillit-il se faire détrousser par quelque bandit de grand chemin, crut-il sa dernière heure poindre quand une horde le prit en chasse et que sa monture montra signe de fatigue. La faim se fit certes sentir lorsque la froidure habilla les terres d’un blanc manteau, et que le gibier vint à manquer. Chaque jour et chaque nuit n’était que fuite, craintes et déconvenues, jusqu’au matin où le Goupil aperçu la lourde muraille se dessiner à l’horizon.
◈ Le terme d'une allée... ◈ Le Duché du Morguestanc m’avait été narré comme l’ultime refuge des Hommes par bien des exilés sur les routes. Hui se dessinait la Cité de Marbrume devant moi, et je comprenais d’un simple regard ce qui pouvait inspirer autant d’enthousiasme. Jamais n’avais-je vu mur aussi haut, aussi épais, et la vue de pierres de taille aussi imposantes me réchauffa le cœur. Cet interminable et ô combien périlleux périple avait tout l’air de prendre fin, à moins que la garde ne me laisse entrer…
Sans plus tarder, je repartais au trot, en ces terres gâtées, espérant joindre la ville basse, aux pieds de la muraille, avant midi. Si je ne pouvais entrer, je me devais de me trouver une chambre pour la nuit, sans quoi je devrai pour une énième fois trouver refuge dans le feuillage d’un arbre, chose dont j’étais habitué, or le confort d’un lit et d’une réelle nuit de repos venait cruellement à me manquer.
Le faubourg extérieur abritait en réalité une bien faible population, nombre de bâtiments à l’abandon tombant en ruines, le reste étant principalement peuplé d’indigents et de parias. Chose étonnante quand, arrivé devant les lourdes portes de la cité, la garde ne me demanda que de découvrir mon épaule dextre. J’ignorais alors la raison de telle exigence, or m’exécutais-je sans piper mot, m’attendant plutôt à devoir m’acquitter d’une taxe d’entrée ou à présenter un quelconque passe-droit.
Traversant un long quartier - que je découvris être plus tard Bourg Levant - par son artère principale, je ne pouvais que constater le dénuement et la détresse des résidents qui m’observaient avec défiance. Monté sur un cheval de bataille, une épée longue à ma ceinture, l’on ne pouvait que peu se tromper sur mes extractions. Seules la crasse couvrant mes habits et l’odeur que je dégageais tranchaient avec mon rang, n’ayant pu me laver et me changer depuis des lustres.
Pressant ma monture, ne voulant trop m’attarder en si lugubre compagnie, j’atteignis le temple des Trois, point de repère vers lequel je m’étais dirigé depuis mon entrée en ville, ne pouvant manquer son immense clocher depuis des lieues et des lieues. Trouvant non loin une auberge disposant encore d’un peu de place, j’y réservais un lit et y laissa ma monture se reposer. Ne l’avait-elle que trop mérité, m’ayant sauvé la mise bien des fois. Me décrottant, dans un bain qui changea fort vite de teinte, une fois frais et paré de vêtements propres, la seule et unique chose que je fis de la journée, hormis d’apaiser ma faim, fut de retourner au temple, et d’y prier comme jamais. ◈ Vespière... ◈ De par mon rang, je me devais de me présenter au Duc en sa cour, et de lui faire mes hommages. Or, un pied mit en l’Esplanade compris-je que je ne m’attarderais en ces lieux. Riches maisons et manoirs parsemaient l’enceinte, d’un éclat laissant passer Roncethurel pour simple tour de garde. Les grandes gens que j’y croisais se donnèrent de grands airs, tels des coqs se pavanant pour affirmer leur autorité sur la basse-cour. Et le fermier semant le grain d’être le Duc Sigfroi.
Fus-je bien reçu, du moins n’avais-je espéré mieux, et mes hommages faits on me confia à un administrant, qui jà me cherchait demeure en l’Esplanade et valets. Je dus tantôt refuser pareils services, ne souhaitant contracter dette que je ne saurais rembourser. N’étais-je de la trempe de mon défunt père, Amaury de Roncethurel, ou d’y-celle de mon aîné, Enguerrand. Et ne savais-je que trop bien ce que grands seigneurs feraient subir à petit châtelain pour asseoir leur prestige et leur supériorité…
De retour parmi les gueux – là étant sans doute ma place – dus-je trouver métier me seyant, ne pouvant compter que sur un maigre pécule, gagné sur les routes. Je ne savais faire que peu de choses, sinon lire, écrire et compter, or ne désirais-je aucunement crouler sous livres de comptes et manuscrits. Il m’avait été jà fort pénible d’intégrer ces savoirs en mes jeunes années pour ne pas en souffrir d’avantage. Si j’avais côtoyé le monde roturier, n’avais-je eu de par mon rang jamais à travailler, ni aux champs, ni sur quelque chantier que ce soit. Aucun labeur ne m’attirait réellement, or ne pouvais-je compter que sur moi-même désormais.
Seuls autres atouts étaient guerriers. Je savais monter, n’étais trop mauvais à l’épée et ma plus grande habileté demeurait le tir à l’arc, art qui m’avait sauvé plus que je ne saurais le compter. J’avais touché à la besogne de mercenaire, et y avait fait de belles rencontres, or en cette cité, ce métier pouvait prendre des chemins plus répréhensibles et plus funestes. Non, ce que recherchais était tout autre. En deux jours, j’avais bien assez vu à quel point certaines rues pouvaient se changer en coupe-gorges à certaines heures, et que si elles n’étaient pavées de pierres, c’était de misère. Si l’ordre et la paix ne pouvaient-être maintenus en ces murs, ce ne seraient point les Fangeux qui auraient raison de cette Cité.
◈ Le choix d'une vie. ◈ Appuyé contre un mur, la chevelure cuivrée emmêlée par le vent, portant une armure de cuir de seconde main et sa cervelière sous le bras, le Goupil pouvait laisser penser à un jeune ferailleur attiré par l'appel d'un solde régulier, du gîte et du couvert que la Milice pouvait promettre, plus qu'à un parangon de justice. Du moins était-ce l'image qu'il voulait bien laisser en mémoire...
La nouvelle fournée de volontaires patientait en la cour que la cérémonie ne commence. Certains jasaient pour tromper l'ennui, d'autres, ne tenant point en place, faisaient les cent pas, et les plus sages, immobiles ou en prières, attendaient en silence que le sergent et le prêtre de Rikni ne fassent leur apparition. Onfroy était de ceux qui faisaient connaissance ; après tout, les hommes et femmes ici regroupés auraient de grandes chances de se retrouver dans les mêmes coutileries.
Et jà nombre de rustres de railler les damoiselles çi présentes... Le gentillâtre, d'un tout autre avis sur la dangerosité de la gente féminine, tenta simplement de détourner la conversation, plutôt que de ne prendre part d'un bord ou de l'autre. Il ne servirait en rien d'attirer l'attention en cette heure, devant jà cacher sa haute naissance aux vilains qui l'entouraient.
Si Onfroy pouvait à ses heures perdues se distraire des disputes, elles devenaient déplaisantes quand les participants tendaient à en venir aux mains, et en ce lourd jour, où ils allaient tous adjurer de protéger la cité et son peuple de leur vie, de tels échauffements lui déplaisaient au plus haut point. Finalement, venant à traiter de leur convocation et de la cérémonie à venir, le damoiseau parvint à tempérer l'ardeur de ses futurs compagnons, les ramenant à leur propre personne.
"En rang, la merdaille !"
Arriva enfin l'officier de la Milice, qui toisa avec férocité le sang frais qu'il allait devoir mettre au pas. Les recrues s'alignèrent maladroitement face au sergent, qui inspectait ce brassage de petites gens, comprenant une poignée de donzelles, ce qui le laissa indifférent.
"Bien ! Que les choses soient bien claires entre nous ! Je me fiche bien de savoir d'où vous venez, à mes yeux vous n'êtes personne. Hui, je verrais ceux dignes de la déesse Rikni rejoindre les rangs et les lâches repartir la queue entre les jambes... pour peu qu'ils en aient une." * * *
Le rituel d'initiation de la Milice était à la hauteur de mes craintes. Plonger le bras nu dans un tonneau rempli de serpents... Moi qui cherchais à éviter les nids de vipères, l'ironie me jouait un sacré tour. C'était le prix à payer pour changer de vie, et pour ne devoir porter le poids des responsabilités du dernier héritier et survivant de la maison de Roncethurel... Il était donc fort possible que ma maison disparaisse à jamais dans l'oubli, j'en avais conscience, mais je ne voyais pour autant pas le sacrifice de mon frère comme une obligation de devoir suivre ses choix.
Non, mon devoir était hui de défendre mon nouveau foyer, et que cela soit en tant que châtelain ou en tant que milicien, le choix me revenait. Face aux prières du prêtre, et sous le regard interrogateur du sergent, je glissais lentement mon bras dans le tonneau sifflant, après une longue inspiration. Une nouvelle vie s'offrait à moi, et je me devais d'en être digne. ◈ La mort venue du cloaque... ◈ Tandis que les derniers ouvriers filaient la peur au ventre rejoindre leur taudis, souventesfois de l'autre côté de la cité, et que la froidure de cette nuit tombante mordait les chairs, la patrouille dont Onfroy prenait part n'aurait le soulagement de se mettre à l'abri avant longtemps. Contrit autant qu'épuisé, le milicien peinait à se remettre de l'hécatombe survenue plus tôt, et dont les stigmates paraissaient çà et là en la Hanse, quartier usuellement animé, et qui cette soirée semblait en passe d'être déserté.
Le nez en sang, la face marquée par quelque hématome, une bande souillé remplaçant son casque, le sourguet comprimait la torche entre ses doigts sous la douleur traversant tout son corps, aux aguets, son autre main armée de fer, tremblante. Il lui sembla voir surgir de chaque allée un ennemi, chaque bruit inconnu lui faisant sursaillir le cœur en la poitrine, au point qu'il effraya bientôt sa coutilerie au grand complet. Une main amicale se posant sur son épaule, il fit volte-face, haletant, l'épée frôlant dangereusement la gorge du vieux coutilier, que le Goupil ne semblait reconnaître.
"Onfroy, calme-toi… C'est moi, mon petiot. - … Maître Hugues ? Je… - Reprend-toi, veux-tu ? C'est fini. Les Trois soient loués, c'est fini."
Baissant tantôt sa lame, le jeunot bredouilla des excuses inaudibles, tant les larmes lui montaient aux yeux et que sa gorge le serrait. Sachant bien pourquoi, les crémations d'Evrard et d'Hilda à peine entamées ils durent retourner à leur tâche, or l'archer n'en menait pas large ; lui habituellement si enjoué et fraternel avait perdu de sa superbe, et donnait l'impression d'un orphelin terrifié. Pour autant, nul ne se moqua, la coutelerie endeuillée d'un frère et d'une sœur. Il avait manqué de peu qu'un troisième troupier ne soit à déplorer… * * *
"Alors, on rêvasse ?"
Onfroy se retourna... Les nuages drapant le ciel, la lumière du jour caressait tièdement la rue encombrée de badauds, et le colosse avenant posa lourdement sa main sur l'épaule de son frère d'arme. Un dernier regard à la fillette en haillons qui venait de délester de sa bourse un bourgeois puant de gorgeoiment, et finalement le Goupil décida qu'elle avait gagné le droit de manger à sa faim une fois l'année.
"Tu as laissé filer ma petite souris. - Laisse des fesses fraîches à tâter aux autres, rachasse brode, ou ils finiront par te rosser pour en avoir trop marquées ! - Onfroy ! Evrard ! Hâtez-vous !"
Le coutilier grisonnant avait rassemblé ses miliciens en sa propre maison dans l'attente de renseignements complémentaires pour leur enquête. Quelques jours auparavant avaient-ils mis à jour le commerce de denrées de contrebande, et jà une trentaine d'acheteurs avait trépassé par cette marchandise viciée. Si nul ne s'intéressait aux traine-la-faim du Goulot, n'était-ce l'avis du vieil homme.
Or l'assemblée ne dura, le tocsin coupant court aux échanges, et la coutilerie en joignant quelques autres dans la rue. L'alerte avait été donnée de la Hanse, où la Fange sévirait, et si certains miliciens se réjouissaient de pouvoir en découdre, Onfroy savait trop bien quel carnage pouvait régner en ville, et que rien de réjouissant ne les attendraient.
Suivant deux autres coutileries, dont les meneurs s'étaient entendus pour faire front commun, la bande disparate se frayait un chemin parmi les habitants affolés qui se bousculaient, devant jouer des coudes afin de progresser à mesure que la cohorte se rapprochait des entrepôts. Sur place, le chaos régnait, et la large allée où déboula la vingtaine de miliciens était jonchée de cadavres disloqués et mutilés.
Armé de son arc, Onfroy regarda la troupe se déplier sur la largeur de la voie, organisée entre une première ligne défensive et l'artillerie de soutien dont il faisait partie. Un hurlement significatif indiqua alors aux soldats que le danger n'était loin, et tout en progressant avec précaution, la crainte les anima, y-ceux pensant se défouler n'étant plus aussi fiers, chaque pas entamant le moral de la troupe.
Une poignée de civils fuyait, exhortant les gens d'armes de venir à leur aide, quand déboulèrent à leurs trousses deux Bêtes, maculées de sang, et rattrapant les gueux qui pensaient les avoir distancées. En un éclair n'étaient plus que tripailles répandues sur le pavé, et festin dont ne furent repus les Fangeux, jà convoitant du regard la bonhommaille.
Les lardant de flèches autant que pouvaient, il advint que l'ennemi ne soit trop près de la ligne de front pour bersailler, au risque de toucher un allié. La plupart des autres tireurs rejoignirent la ligne de front où jà les soldats peinaient à repousser l'engeance, fort heureusement affaiblie par les traits qui la transperçaient.
Le Goupil, peu désireux de tâter de près du Fangueux, escalada une chargée de caisses pour avoir une vue plongeante sur la bataille, et d'ainsi pouvoir soutenir ses camarades. Huit des leurs tombèrent avant que la première bête ne trépasse, or la seconde créature se montrait plus dextre et vive, et d'autant plus meurtrière.
Parvenant à l'atteindre en pleine poitrine, Onfroy n'eut le temps d'armer à nouveau son arc que l'horreur bondit au-dessus de la troupe, pour mettre fin à son petit jeu. Se jetant in extremis dans le vide, le tireur eut la déveine de se prendre les pieds dans un cordage, dégringolant de l'amas de marchandises avec fracas. Relevant la tête, sonné autant que meurtri, le milicien n'eut le loisir que de distinguer une patte griffue, qui, le balayant, l'envoya heurter la porte d'une échoppe, l'enfonçant tel un bélier. ◈ Peines et Révélations... ◈ Le couronnement de Sigfroi de Sylvrur ne changerait rien aux yeux du jeune milicien. Il l'avait constaté en sa cour, le lendemain-même de son arrivée à Marbrume, et s'il avait jà ses détracteurs, il serait faux d'avancer que bon nombre de nobles ne lui mangeaient en la main. Cette cérémonie ne faisait que rendre longève et notable un état de fait.
Pour Onfroy demeurait cette célébration mi-figue mi-raisin ; certes le peuple avait besoin de réjouissances et de réconfort, or hui ferges se refermaient sur leurs chevilles, sous les acclamations. Était-il toutesfois faisable que Sigfroi fasse un bon Roy, du moins le Goupil l'espérait-il...
Si le tout Marbrume s'était joint aux festivités en la place des pendus, le damoiseau avait préféré être affecté aux patrouilles de rue. Tels événements incitaient les coquins à se montrer plus gourmands et à prendre des risques, taudis et commerces abandonnés à leur convoitise...
Profitant ainsi après manger du port, depuis ses fins voiliers amarrés et sous bonne garde, jusqu'aux taudis purulents devant lesquels s'activaient encore nombre de pêcheurs et de gredins, Onfroy se sentait à sa place, loin des réjouissances et du tumulte. Cette occasion fut idéale pour rendre visite à ses camarades gardes-côte, qu'il ne faisait fort souventesfois que de croiser au détour du réfectoire, et qui comptaient pour autant nombre d'amis.
Or, tandis qu'il jasait sous l'euphorie du vin et des retrouvailles, des cris s'élevèrent de la jetée ; hommes, femmes et enfançons grouillaient, horrifiés. Le soldat tressaillit aussitôt, ne reconnaissant que fort bien le sentiment qui les emparaient.
"Des Fangeux."
Ces quelques mots sonnaient entre l'angoisse d'avoir à les affronter une fois encore et la rancœur que pareil fléau puisse à nouveau s'abattre sans la moindre pitié, au moment… le moins opportun... Laissant ses doutes de côté, le foussiguérant se joignit aux miliciens du port, divisés par leurs meneurs entre l'évacuation des manants et l'accueil de la Fange. En cette ocassion, Onfroy espéra pouvoir essuyer ses faits de lâcheté, ayant coûté la vie à son meilleur ami et frère d'armes, une année auparavant.
L'assaut donné par les Bêtes sur les masures croulantes du port causa bien des pertes aux défenseurs, qui parvinrent à ralentir la progression du Mal, jusqu'à l'arrivée salvatrice de l'armée du jeune Roy, venant se fracasser sur la Fange, prise alors entre deux feux. Ralliant les miliciens encore valides, l'effort fut placé sur l'endiguement du Fléau, et au prix de nombreuses pertes, un périmètre fut tenu, le temps que des barricades ne soient montées. Onfroy ne sut si Rikni le guida sur le champ de bataille, or dû-t-il se rendre à l'évidence, à l'aube, qu'il tenait toujours debout, éreinté, quelques cotes brisées mais bel et bien en vie.
L'apparition de la Fange le jour-même du couronnement souleva de nombreuses questions dans l'esprit du milicien, qui repensa à l'invasion dernière, qui s'était soldée pratiquement dans la foulée par la campagne d'investissement du Labret. Enquête menée sous les ordres royaux menèrent à la traque et au massacre de prétendus sectateurs, les "Purificateurs", qui auraient organisé l'entrée des Fangeux en la Cité. Pour ne pas lui déplaire, sa convalescence l'empêcha de prendre part aux rafles, à la Question et aux exécutions des accusés. Non pas qu'il considérât les condamnés innocents, or que leur seule existence remettait en doute tant de certitudes qu'il en était désœuvrant.
Son esprit ne put retrouver la paix, redoublant de prudence et de rigueur dans ses investigations, et ses yeux se posant sur les passants avec une même question en tête : sont-ce là de simples gens ou des traîtres ? Le naufrage des gens d'Hendoire sembla calmer quelque peu les cauchemars et les incertitudes du milicien, qui découvrit avec curiosité ce peuple et leur culte d'Etiol.
S'il ne fut aucunement séduit par les préceptes des Marais, il s'accorda en silence qu'Etiol n'était point hérésie or vérité, et vraisemblablement la source-même du Fléau. Si cette divinité se trouvait bel et bien bannie en la bourbe, y-celle-ci était parvenue à se venger, au travers de la Fange. Cette hypothèse devint peu à peu une conviction, qui réveilla la foi quelque peu alangourée de l'archer pour la Trinité. Sans embrasser la Vertu, il vint plus fréquemment au Temple qu'à l'accoutumée, offrit de son temps aux bonnes œuvres et écouta d'une oreille plus intéressée les paroles du Clergé. ◈ Derrière l'écran ◈ Certifiez-vous avoir au moins 18 ans ? Je suis majeur, annulaire et auriculaire, mais rarement pouce. Quant à l'index... Comment avez-vous trouvé le forum ? J'ai trébuché sur une racine dans le jardin, ai dévalé une pente qui n'y était pas la veille, et suite à une longue chute dans un gouffre semblant sans fond je me suis réveillé dans la Chatbox avec un slip sur la tête. Le plus troublant dans l'histoire, c'est que ce slip et moi n'avions pas même été présentés. Vos premières impressions ? J'adore déjà ! J'ai très bien été accueilli, j'aime beaucoup la charte graphique du forum et niveau background et annexes, cet univers semble très fourni et intéressant. Des questions ou des suggestions ? [.....] Souhaitez-vous avoir accès à la zone 18+ ? Oh voui !
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