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 Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:

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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyDim 26 Avr 2020 - 22:12


Déception. Ce fut sans doute de cette émotion que se para le visage d’Estelle, si Merrick Lorren ne remettait pas ouvertement en doute son affirmation, cela n’en restait pas moins, plutôt visible. Si dans un premier temps, la rousse eut ce réflexe de s’emporter, elle se ravisa. La tenancière se contenta de l’observer, de le détailler, lui et sa hache à la main. Ses lèvres se pincèrent vacillant entre cette hésitation : confirmer son propos, ou se raviser. La certitude était réelle, maintenant qu’elle cherchait à se souvenir, néanmoins, la crainte de décevoir celui qui était là proche d’elle était tout aussi importante. Même s’il ne le disait pas clairement, le coutilier avait raison, la mort changeait un homme, elle ne l’avait pas reconnue immédiatement, alors, forcément, Estelle devait faire erreur. Alors qu’elle prenait la décision de se taire, elle sentit son cœur se serrer avec force. Mauvais choix, sans aucun doute, mais cela ne pouvait être qu’une simple mauvaise interprétation.

- « Tu as raison » souffla-t-elle finalement « J’aurais dû le reconnaître vivant aussi…» ajouta-t-elle avec lenteur, mais comment aurait-elle pu savoir alors qu’il avait un symbole de la trinité sur le bras ? « Ce n’est pas un problème pour toi… Je ne fuirais pas. »

Comme un écho douloureux, celle à la chevelure de feu peine à se mouvoir, à se reculer pour retourner dans sa cuisine, son regard s’éternise sur la silhouette masculine qu’elle rêve de capturer. Ce besoin d’être proche et à la fois loin est déstabilisant, si bien qu’elle finit par renoncer à ses envies qu’elle n’arrive pas à apprivoiser. Dans la cuisine, elle réalise l’ensemble des faits : chauffer de l’eau, ranger un peu, préparer les plantes. La tenancière hésite même à user de substance pour se détendre, les doigts s’agrippant sur les récipients qu’elle dépose, la responsable des lieux ne peut s’empêcher de questionner celui qui partage sa vie sur sa consommation de plante. La réponse, il faut bien l’admettre ne la surprend pas et si elle répète en effet la question une seconde fois, elle choisit de ne pas approfondir le sujet, non sans lui lancer un bref coup d’œil. Immobile devant sa marmite pleine d’eau dont le crépitement commençait à se laisser voir, elle attendit confirmation de l’occupation de son homme d’armes avant de disparaître à l’étage.

- « Je monte alors » crut-elle bon d’affirmer une seconde fois.

A l’étage, la rousse fit ce qu’elle savait faire pour s’occuper l’esprit, ranger brièvement la chambre qui avait recueilli le mourant, faire chauffer les pierres pour la bassine d’eau, aménager un peu l’ensemble à sa manière. Ne pas penser devenait une priorité alors que son esprit ne semblait pas en accord avec ce besoin, lui ramenant dans un murmure souvenir lointain, récent et possible image issue de sa propre imagination. Passant les mains dans sa chevelure, nerveuse, mais aussi épuisée par la situation, Estelle ne semblait plus réellement ressentir quoi que ce soit. Ses émotions semblant se cacher, se tapir au plus profond de son âme, comme pour s’empêcher de sombrer, de perdre un contrôle dont elle avait encore besoin. Au bruit du grincement du plancher, la Chantauvent ne put que l’interpeller comme pour le rassurer, avant de venir avaler une gorgée de la tasse qu’il venait de lui tendre. La question des plantes ne s’imposa pas à son esprit fatigué, au fond, pensait-elle sans aucun doute que Merrick l’en aurait informé. Ce manque d’information provoquera sans doute un regret, un sentiment étrange dans l’esprit confus de la rouquine.

- « Ce n’est pas grave, j’ai bu trop vite » réajusta-t-elle pour le rassurer alors qu’elle évoque ses douleurs au dos par la suite.

Ce n’est pas simple pour la gérante, pas simple de se dévoiler pour le laisser détailler son corps, parce qu’elle est convaincue de n’être rien d’autre que salissure, que honte, que gêne… Peut-être même qu’un outil. Pourtant Merrick Lorren a déjà dû eu l’occasion de toucher ce corps, de l’aviser, de le détailler, mais rien n’y fait, alors qu’elle s’est dévêtue, qu’elle lui fait dos, elle sent son ventre nouer et tout son être frissonner de cette manière désagréable. Puis la conversation avait tourné dans cet étrange sujet de conversation et alors que la rousse avait cru voir sa vision se troubler un instant, un infime instant, elle ne put que tomber de déception en déception. Son regard croisa celui qui avait abandonné sa cape humide, celui qui s’était convaincu qu’il ne pourrait rien faire d’autre. Silencieuse, son regard dut trahir sa pensée, alors qu’elle détournait les yeux comme pour se protéger, comme pour ne pas blesser celui qui venait pourtant de la malmener.

- « Oui, qu’est-ce que tu pourrais faire d’autre » répéta-t-elle dans un faux sourire alors que ses doigts s’agrippent au rebord de l’immense bassine. « Un jour peut-être » poursuivit-elle dans la même idée, retenant de justesse un ‘comme le mariage’ de fuir sa bouche.

La conversation aurait pu s’enliser, mais une nouvelle gorgée du liquide sembla l’assommer. Un instant, la jeune femme secoua légèrement la tête, alors qu’elle écoutait la suite, lui et son espoir de sergent. Si elle ne pivota pas pour lui faire face, c’est simplement pour ne pas trahir son sentiment, simplement pour ne pas le décevoir lui… Une femme devait soutenir son mari, une femme devait l’accompagner, oui… Prenant une inspiration elle se contenta de laisser ses doigts parcourir son visage, frotter ses yeux, alors qu’elle le sent approcher pour détailler son dos.

- « Si c’est ce que tu veux…. Avec de la patience, cela finira sans doute par arriver. Peut-être que ta sergente pourrait t’appuyer si tu fais quelques efforts ? »

Sa voix n’est pas douce, ni même pleine d’encouragement, Estelle ne le réalise pas franchement, mais elle semble avoir quelques difficultés à jouer de sa neutralité habituelle. Qu’espérait-elle dans le fond ? Le voir accepter, être heureux de cette proposition ? Douce Naïveté. La proximité avait fini par la gêner, la tenancière n’avait donc pas tardé à s’immerger dans l’eau à bonne température. Elle aurait pu s’immerger dans l’eau pour oublier, avec l’espoir de ne jamais ressortir la tête du liquide transparent, mais rien n’y fait, l’idée ne fait qu’effleurer son esprit avant de se résigner. Ses doigts effleurent la surface de l’eau dans de légers mouvements, alors que lentement, elle a la sensation que ses yeux se ferment, sans jamais avoir l’opportunité de luter. Il lui propose un massage, s’installe au sol dos à la bassine et n’obtient aucune raison. Las, la Chantauvent est fatiguée, épuisée, même réfléchir lui demande un effort considérable, douloureux. Glisse-t-elle lentement dans l’eau, son front s’immergeant à moitié, alors que ses muscles semblent entrer en rébellion, refusant de la soutenir, de lui obéir. Assommée, elle ne réalise pas que Merrick continue de lui parler, les mots sont prononcés, mais pas traduits par sa tête. Elle somnole là, dans cette eau qu’elle sent froide alors qu’elle est chaude.

- « Le charme peut toujours s’évanouir » fit-elle maladroitement d’une voix faiblarde alors qu’elle avait compris non pas que Merrick avait réussi à la charmer, mais que c’était elle qui l’avait charmé. « Peut-être que c’est Brigitte qui t’a séduite » souffle-t-elle « C’est toujours Brigitte » marmonne-t-elle sans plus réellement savoir si elle parlait de sa fidèle alliée ou d’une véritable personne.

Sa tête devient douloureuse, elle est vaporeuse, là sans être là, cette étrange sensation lui semble familière pourtant, si bien que lorsque l’eau rentre en contact avec la pulpe de ses doigts qu’elle soulève, elle semble voir toute autre chose. Ses sourcils se froncent un instant, ses mains viennent frotter ses yeux, elle lutte, ne comprends pas réellement pourquoi soudainement elle se sent si faible, trop faible, si épuisée. Les yeux de nouveau ouverts sur une impulsion, elle se met à ricaner, ailleurs, et présente à la fois, comprenant sans doute la moitié de la conversation de travers.

- « Je ne te crois pas Chevalier » début-elle en coulant un instant avant de relever la tête pour la maintenir hors de l’eau « Tu ne savais juste pas que c’était des putes c’est tout, mais des fleurs de trottoirs tu as du en fréquenter » elle laisse ses doigts émettre une impulsion pour l’éclabousser « L’alcool est le véritable amour de ta vie, c’est une certitude… »

Ses lèvres se pincent, alors qu’elle expire sans doute un peu plus bruyamment du nez. Cette phrase est une véritable blessure, pour celle qui aspire un jour avoir droit d’être un peu plus qu’une conquête, que la princesse, mais son épouse sans doute… Sans qu’il ne s’agisse plus jamais de parole jetée en l’air. Penchant la tête en arrière, elle sent le crâne de Merrick rencontrer le sien, elle affiche un demi-sourire maladroit, fais silence. Elle écouta son auto complimentage, avant de se mettre à rire de sa maladresse, avec un temps de retard sans aucun doute. Les yeux fermés, elle se contenta d’opiner avec mollesse.

- « Ne change rien non… » murmura-t-elle faiblement « C’est les Trois qui font preuve d’humour » poursuivit-elle dans la même tonalité

Ce fut une nouvelle vague de silence, alors qu’Estelle n’aspirait qu’au sommeil, qu’à la détente. Son esprit avait fini par se taire lui aussi, ses bras par s’enfoncer dans l’eau le long de son corps, alors que seule sa respiration animait encore le liquide transparent dans lequel elle était immergée. Sa phrase, elle ne la comprit pas, elle ne capta que le mot mariage et sa réponse fut prononcée dans un murmure encore plus faible que le précédent.

- « Quel mariage, il n’y a pas de date » poursuivit-elle « Y en aura-t-il seulement une un jour ? »

Le reste, Estelle n’en perçut rien, succombant sans pouvoir lutter aux herbes que Merrick lui avait données sans véritablement l’en informer. Elle ne sentit pas son corps sortir de l’eau, ni même le souffle de Merrick si proche de son visage. Son corps se fit lourd et léger à la fois, alors que la totalité de ses gestes ne dépendait que des mouvements de Merrick Lorren. Ce fut son cri, ou sa presque chute qui l’a fit rouvrir les yeux, néanmoins était-elle dans un brouillard épais. L’obscurité, sa fatigue, sa faiblesse d’esprit, elle se redressa légèrement enroulant ses bras autour de la nuque de Merrick, déposant sa tête contre le haut de son corps.

- « Adrien… qu’est-ce que tu m’as donné ? » murmure-t-elle « Je suis si fatiguée… »

Estelle ne réalise pas réellement qu’elle n’est plus dans cette réalité, non, son esprit rattache la prise de substance à ce frère qui lui en a bien trop souvent donné pour profiter. Instinctivement, le corps de la rousse réagit, se met à trembloter, elle presse ses mains contre le torse de Merrick, comme pour essayer de lutter, sans qu’il ne soit aucunement gêné. Elle baragouine encore des phrases incompréhensibles, elle murmure à plusieurs reprises ce non si faiblement qu’il devait être imperceptible et ce pourquoi, qui revient de manière interminable.

- « Il va rentrer, tu sais…. Eude… » murmure-t-elle avant de sombrer une nouvelle fois, de se faire si molle, si faible.

Pour autant malgré son endormissement, son corps se crispe, comme si lui avait conservé en mémoire les éléments passés, comme si chaque geste, chaque bousculade provoquait cette soumission, cette peur d’un corps qui endormit ne peut difficilement lutter. Une fois allongée, la Chantauvent se mit naturellement dans cette position recroquevillée comme pour se protéger, elle ne lui souhaita pas de bonne nuit, non, trop prise aux plantes, trop prise à des souvenirs douloureux. Il suffit parfois d’une odeur, d’un goût, pour faire remonter bien des méandres d’un passé obscur.

La nuit ne fut ni calme, ni pour autant agitée, Estelle avait parlé, supplié toute la nuit sans pour autant ne jamais se réveiller. La dame avait parlé de monstre, avait parlé de porte fermée, oui, elle avait murmuré des prénoms pas nécessairement compréhensibles. Non lucide l’ensemble des mots n’avaient pas de sens… Ce ne fut que sur le petit matin que le calme revint, néanmoins Estelle n’émergea pas. Rien n’y faisait, ni bruit, ni le fait de la secouer, absolument rien. Le corps de la tenancière restait comme inanimé alors qu’a bien y regarder, elle respirait. Peu importe les actions de Merrick Lorren, Estelle resterait endormie jusqu’au milieu de l’après-midi.

Ce fut d’abord le silence qui frappa Estelle, alors que ses yeux s’ouvraient lentement pour découvrir une pièce lumineuse. Son cœur sembla manquer un battement, alors que son esprit un brin déstabilisé remettait les choses dans l’ordre, il était tard, trop tard pour que son sommeil soit naturel. Sa bouche était pâteuse, ses lèvres sèches, une main glissant dans sa chevelure, elle crut sentir une légère nausée la prendre, si bien qu’elle se pencha sur le côté du lit, prenant une grande respiration. Rien ne vint, mais resta-t-elle ainsi un long moment pour s’en assurer. C’était bien pire qu’un lendemain de cuite, elle n’en avait pas pris beaucoup, mais le savait parfaitement. Cette sensation, elle la reconnaissait parfaitement et mettant pied à pierre, elle eut du mal à reprendre possession de son corps. Agrippant quelques vêtements au passage avant de se diriger jusqu’à la bassine d’eau désormais froide.

La dame ne prit pas le temps d’y réfléchir, s’y plongeant simplement en frisson immédiatement, le réveil brutal fut néanmoins efficace. Ouvrant définitivement les yeux, s’agrippant au côté de la bassine, elle grelotta presque instinctivement avant de s’immobiliser, comme sous le choc, comme dans un état second. Merrick l’avait drogué sans l’informer… Était-elle responsable ? Était-ce elle qui lui avait proposé alors avait-elle le droit de lui en vouloir ? Se pinçant les lèvres un instant, elle finit par sortir de son endroit de réflexion, se séchant et s’habillant avec lenteur. Merrick Lorren l’avait drogué. Immobile devant la porte de la salle d’eau, la rouquine hésita franchement à franchir la porte, à descendre pour le retrouver, mais un nouvel élément qu’elle n’avait pas remarqué la frappa : le silence.

Ses pas se firent plus brusques, bien que maladroits, descendant rapidement les marches d’un établissement vide. Immobile au milieu de salle de service, elle tourne lentement sur elle-même incrédule : Merrick n’a pas ouvert.


- « Merrick ?! » fit-elle lentement en percevant des bruits dans la cuisine « Tu n’as pas ouvert ? » fit-elle avec un peu plus de force.

Elle poussa la porte, détaille celui qui semblait potentiellement cuisiner, ou peut-être chercher une bouteille ou préparer une infusion ? Avait-il encore dans l’idée de la droguer ? Elle fit silence, restant ainsi immobile, les yeux inquiets. Une main derrière sa nuque qu’elle frotte nerveusement, maintenant qu’elle se trouve face à lui, Estelle ne sait plus vraiment quoi lui dire, quoi faire… Elle pourrait lui reprocher ses actes, mais semble terrifiée à l’idée de le froisser, de le perdre, de le voir fuir. Comment souvent, elle se ferme dans son silence, sans s’approcher, détournant simplement les yeux. Elle se frotte les avant-bras, préfère jouer la carte de la naïveté.

- « Tu n’aurais pas dû me laisser dormir si tard, je ne comprends pas ça m’arrive jamais… » souffle-t-elle « J’ai mal à la tête » poursuivit-elle en se massant le front « Pourquoi n’as-tu pas ouvert ? » le questionne-t-elle « Depuis la fermeture avec le couvre-feu… » elle hésite, a parfaitement conscience que la situation n’est pas alarmante, mais… « On ne peut pas vraiment se permettre de perdre des clients »

Estelle offre un demi-sourire, presque hésitant, en plus d’avoir toujours la sensation d’être dans une brume épaisse, elle sent son corps souffrir de son affrontement de la veille. S’appuyant sur la table de préparation au milieu de la pièce, elle pince les lèves, semble hésiter vis-à-vis de sa conduite à tenir vis-à-vis de Merrick. Il y a cette distance et ce besoin de présence, ses émotions alternantes à son égard entre colère, affection et besoin de réconfort. Finalement, Estelle s’approche, s’engouffre dans ses bras, elle ne réfléchit pas, ne souhaite d’ailleurs aucunement le faire. Elle a besoin de lui montrer son affection, mais aussi de sentir la sienne.

- « Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ? Tu n’as pas été travaillé non plus ? » l’interroge-t-elle « Je voudrais, tu sais… qu’on retrouve la monture » elle n’est pas en très grande forme, mais c’est une nécessité à ses yeux, elle n’a rien oublié des événements d’hier… Et lui ? Qu’avait-il prévu de faire ou qu’avait-il fait ?


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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyLun 27 Avr 2020 - 4:24
Merrick Lorren et Estelle de Chantauvent avaient vogué et voltigé d'échec en échec en cette nuit tragique. Le milicien s'en voulait tout d'abord d'avoir échoué, aux prémices de la soirée, alors que sa tenancière s'était jouée de lui, s'échappant et s'enfuyant pour retrouver son fangeux d'époux sans qu'il ne se rende compte de son plan et de sa détresse. Misérable de ce premier revers, le second n'avait pas tardé à suivre, alors que sa future femme avait failli être agressée par d'autres miliciens en faction à la porte du Crépuscule. N'arrivant pas assez rapidement pour la sauver, elle qui avait échappé au pire de justesse, il n'avait put que lui offrir la vengeance en s'assurant de la punition du scélérat qui avait osé poser ses pattes sur elle, sur celle qui symbolisait le centre de son univers.

Ces deux premières déconvenues n'avaient pas été les dernières, loin de là d'ailleurs. Ainsi, il s'en était suivi leur incompréhension sous terre, alors qu'ils étaient dans les geôles de la milice, enfermée dans un cachot et campée sur leur position respective, pensant leur malheur plus important et omnipotent que celui de leur opposant. Opposant bien incongru, tandis qu'ils représentaient l'un pour l'autre la personne vivante qu'ils chérissaient le plus. Toujours est-il que cette troisième incartade s'était soldée non pas par une égalité, mais plutôt dans la signature d'une paix blanche, alors que Lorren abandonnait la rixe et que la dame de Chantauvent suspendait ses attaques pour s'enfermer dans son mutisme et sa peine. La suite avait été identique au déroulé macabre et ô combien malheureux du début de la soirée, alors qu'ils découvraient que le blessé à l'étage était mort à cause de leur départ. Épuisé de voguer d'écueil en écueil, de sombrer plus profondément à chaque révélation, Merrick n'avait guère eu de réaction à ce nouvel échec. À quoi bon, après tout ? Décidément, la Trinité semblait s'acharner sur eux en ce jour...

Ainsi, alors qu'il s'évertuait à décapiter le macchabée, Merrick Lorren espérait que tout était terminé. N'était-il pas possible de panser le récent passé et de ne penser qu'au futur ? Il désirait ardemment y croire. Était-ce mal d'espérer la fin de cette tragique journée ? Que pouvait-il arriver, maintenant qu'il ne restait rien contre quoi lutter et qu'ils n'avaient qu'à simplement sombrer et s'endormir ? Tout devrait bien se passer, non ?

Il ne pouvait être plus loin de la réalité, tandis que le pire restait à venir...

Tout d'abord, l'homme d'armes restait particulièrement désarmé pour faire face au mal-être de sa tenancière. Cette dernière qui avait presque été abusée se recroquevillait loin de lui, semblant inapte à accepter sa promiscuité physique. Bien que pouvant le comprendre, cela lui faisait mal de la voir dans cet état. En outre, la suite des propos nébuleux de la Chantauvent, alors que celle-ci voguait entre conscience et inconscience à cause des plantes, ne le rasséréna aucunement. Mais avant ceux-ci, ce fut plutôt ce qu'Estelle garda pour elle qui le déchira. En effet, il voyait bien qu'il la décevait à propos de la milice et de sa fonction, mais que pouvait-il faire ? Il était un idiot narcissique, puéril et incapable d'accepter de vivre simplement aux crochets de sa future épouse. Oui, c'était stupide de ne pas accepter cette chance. Or, Lorren voulait être en mesure de supporter la rouquine et non pas se cacher derrière elle et la Chope Sucrée pour assurer la pérennité de leur avenir. En outre, il fallait se le demander; la taverne pouvait-elle réellement faire vivre deux personnes ? Même lors de ses meilleurs jours, l'endroit n'avait jamais été l'unique moyen de gagner pitance. À titre d'exemple, par le passé, Eude était lui aussi coutilier. Dès lors, il pouvait supporter financièrement l'endroit grâce à ce qu'il gagnait en risquant sa vie jour après jour.

De prime abord, il était potentiellement possible de penser que les choses n'étaient guère différentes. Toutefois, c'était tout le contraire, bien que l'ivrogne avait le même rang au sein de la milice que son défunt prédécesseur. Tout était nettement plus difficile. De fait, la Chope Sucrée se relevait difficilement de l'attaque de la fange et Merrick ramenait sans l'ombre d'un doute nettement moins d'argent qu'Eude qui restait son concurrent même au travers de la mort. De fait, sa consommation d'alcool en tout genre dilapidait le gros de sa "fortune", faisant de lui un support financier bien vacillant. Toutefois, même s'il avait pensé à tout cela, il n'en dit rien, préférant ne pas se concentrer sur ce questionnement et sentant que le sujet était "dangereux". Faible couard et craintif, il préférait s'enfuir loin des réflexions importantes sur leur avenir. Sans le savoir, il ne pouvait réaliser que cette tendance à éviter les sujets fâcheux du futur lui reviendrait en plein visage dans quelques instants seulement...

La suite le fit encore plus déchanter. Remettait-elle en cause son attachement à sa personne ? Par la Trinité, déjà qu'il se sentait inférieur à un cadavre en décomposition revenu d'outre-tombe, et qu'il pensait n'être pas l'homme adéquat pour elle, Estelle venait critiquer son amour ? Il aurait voulu hurler et crier. Or, il ne fit qu'offrir un faible sourire empreint de nostalgie au mur qui lui faisait face. "Ainsi, le charme peut s'évanouir, hein ?" Répéta-t-il douloureusement. Bien que Lorren n'ait jamais douté que la rousse puisse finalement réaliser qu'il était plus un moins que rien qu'autre chose, cela faisait tout de même mal de l'entendre, là, maintenant. "Je ne me rappelle pas avoir eu la chance de rencontrer cette Brigitte. J'ai simplement eu affaire à la tenancière et sa me suffisait amplement..." L'ivrogne avait conscience que le discours alambiqué de celle qui se trouvait derrière lui dans la cuve était rendu difficile par les herbes. Par contre, est-ce que cela signifiait réellement que ce qu'elle disait n'avait aucun sens ? Il en doutait amèrement...

Lorsqu'elle parla des prostituées, il ne fit que soupirer fortement. À quoi bon tenter de se dédouaner encore une fois ? Décidément, la rousse commençait sérieusement à le critiquer vertement. Elle avait commencé par remettre en doute son attachement puis maintenant sa parole, alors qu'il lui avouait ne jamais avoir côtoyé de catins. Décidément, cette fois-ci, il pensait avoir touché le fond et que rien de pire ne pourrait se produire. Or, comme à son habitude, Estelle de Chantauvent le surprit plus que de raison. En mal, à nouveau; " ah oui, l'alcool est l'amour de ma vie en plus." Était-ce une façon de le repousser une bonne fois pour toutes ? Par crainte, il ne poussa pas plus loin sa réflexion, se cachant derrière son état comateux pour ne pas savoir, se disant qu'elle avait déjà assez souffert dans la soirée pour ne pas en plus ajouter son propre mal-être dans la balance qui penchaient douloureusement sous le poids des mots proférés par la propriétaire de l'établissement.

La suite l'écartela en le mettant face à sa propre faiblesse tout en le brûlant de détresse. Il était vrai que ce mariage n'avait encore aucune date et que sa fiancée était plus loin que proche de devenir sa femme. Lorren s'était alangui dans la complaisance et la suffisance du moment, à savoir que prochainement sa tenancière deviendrait son épouse, conquit par la simple idée qu'elle lui était promise. Était-ce si mal ? Il semblerait que oui, maintenant qu'elle lui jetait cela au visage, tel un énième fiasco de son existence passé à rater et à rattraper au dernier instant ses échecs précédents.

-"À t'écouter, je commence moi aussi à me demander s'il n’y aura jamais une date. M'aimes-tu vraiment, Estelle de Chantauvent ?" Souffla-t-il, souffrant. Soupirant pour faire bonne mesure, il tenta vainement de recentrer ses sens déchirés, de ne pas oublier qu'il devait être le pilier pour supporter la jeune femme en ces heures de grande noirceur.

Probablement et potentiellement qu'elle n'eut pas conscience de ses derniers propos. Après tout, celle-ci semblait être partie au loin, coulant plus que se baignant dans l'eau de la bassine, alors que ses propos devenaient de plus en plus décousus et difficilement discernables. Se retournant enfin, se demandant si les plantes avaient eu raison de sa désormais peut-être future épouse, Lorren réalisa que ce n'était pas le cas, mais qu'elle n'était guère loin de l'inconscience. La sortant de l'eau, il l'enroula dans la serviette avant de se mettre à la transporter. C'est à cet instant qu'il découvrit peut-être le pire mal de la journée; le mode opératoire de ce salopard d'Adrien de Miratour pour abuser de sa sœur. La serrant peut-être trop fortement contre lui, alors que le discours brumeux d'Estelle lui faisait mal, il pinça ses lèvres pour retenir un quelconque bruit de s'extirper du plus profond de son âme.

-"Je vais le tuer." Baragouina-t-il difficilement. Comment avait-il pu ? Comment avait-il osé ? Pourquoi ? Quand ? Tant de question ne méritant pas une réponse, mais plutôt un acte de vengeance. Sur l'instant, le coutilier se maudit de n'avoir pas été assez fort pour tuer le frère de la rouquine aux heures suivant l'invasion de la fange. Le moment aurait été propice pour en finir avec ce monstre plus dangereux et perfide que le fangeux d'anciens maris. Désormais, comment agirait-il devant cet homme, cette ordure, ce monstre qui l'avait torturé ? Merrick ne le savait pas, mais il doutait d'être en mesure de se contenir. Par la suite, il ne releva même pas lorsqu'elle parla d'Eude, se demandant simplement si elle continuait à le prendre pour son infâme frère, tentant de le contraindre à ne pas poser ses doigts sur sa personne en mentionnant le retour de l'ancien être aimée, ou si elle mentionnait le revenant dans le présent, prétendant qu'il réapparaîtrait dans sa vie sans lui faire le moindre mal. Des deux scénarios, Merrick Lorren n'en préférait aucun...

◈◈◈

Lendemain matin,


Finalement, Merrick réussit tant bien que mal à trouver le sommeil à son tour. Aucunement réparateur, il passa le plus clair de la nuit à ressasser l'ensemble des déboires vécus. Réveillé aux aurores par des cauchemars, sans qu'il ne soit en mesure de définir si ceux-ci prenaient racine dans son propre passé ou dans les événements récents, l'ivrogne s'extirpa du lit après un petit regard sur la Chantauvent. Celle-ci dormait lourdement et ne semblait aucunement prête à se réveiller. De prime abord, il ne s'inquiéta pas de son état, pensant simplement qu'elle dormait à poing fermé comme chaque matin, elle qui faisait habituellement de son sommeil une forteresse inexpugnable. En effet, guère matinale, la rouquine se battait généralement corps et âme pour rester cachée sous les draps le plus longtemps possible. Se penchant pour déposer ses lèvres sur le front de sa promise, Lorren suspendit son geste, repensant aux propos et événements de la veille. Stupidement, se reculant, il s'extirpa du lit et prit plutôt le temps de s'habiller. Lançant un dernier regard à celle qui dormait, il descendit à l'étage, prêt à affronter le monde extérieur après avoir enfilé son manteau encore humide d'hier.

Ouvrant la porte de la Chope, il se glissa sur la place des Chevaliers avant de refermer derrière lui. Le dernier bastion de l'humanité était encore endormi, et seulement quelques passants déambulaient aux alentours de l'établissement et de la caserne. Levant la tête vers la voûte céleste, Lorren fut heureux de constater que la journée s'annonçait ensoleillée. Après la pluie diluvienne de la veille, il ne pouvait espérer mieux. Toutefois, les pavés portaient encore les stigmates de cette eau qui avait frappé avec force Marbrume, et sans l'ombre d'un doute, bon nombre de chemins et sentiers seraient recouverts de boue. En outre, le vent restait incisif, dernier rappel de cette véritable tempête qui avait sévi. S'enroulant dans sa cape il prit rapidement la direction de la caserne, désirant passer le moins de temps possible loin d'Estelle.

Une fois sur place, il partit directement en quête de sa sergente, Sydonnie de Rivefière. Qu'il ait eu à l'attendre ou non, le coutilier avait fini par la rencontrer. Respectant pour une des rares fois le cérémoniel et le protocole qu'il devait lui offrir à cause de son rang supérieur au sien, Merrick dansa d'un pied sur l'autre avant de prendre la parole. N'appréciant guère cette femme qui était continuellement sur son dos et sur son cas, l'ivrogne détestait l'idée de devoir lui demander son secours et sa compréhension. Toutefois, en repensant à la détresse de la rouquine, il réussit à se jeter à l'eau. S'il le fallait, il irait jusqu'à supplier la de Rivefière pour avoir gain de cause. Ça lui ferait plus que mal de devoir en arriver là, devant celle qui faisait de sa vie un enfer de travail, mais pour la dame de Chantauvent, il n'en avait cure.

Pourtant, Sydonnie fut particulièrement compréhensive. Il était vrai que celle-ci connaissait Estelle, côtoyant la Chope Sucrée à l'occasion. Dès lors, lorsque l'homme d'armes mentionna le retour d'Eude en fangeux et les déboires émotionnels de la propriétaire de cette taverne qu'ils côtoyaient tout deux, la gradé accepta de changer son affectation, lui permettant d'être de repos dans la journée et de surveiller la porte de la cité de nuit. Cela lui permettrait d'avoir plus de temps pour s'assurer que la tenancière soit plus en paix avec cette macabre découverte. "Merci à toi, Sy... enfin, merci à vous Sy...ahem. Merci à vous, sergent. TE. Je voulais dire; SergenTE." Saluant une dernière fois avant de plus longtemps se couvrir d'embarras, Lorren s'en alla sans demander son reste. Bientôt, il serait de retour auprès de sa promise, mais avant, il avait une autre personne à voir.

Cette dernière ne fut aucunement difficile à trouver. Connaissant la baraque qui faisait office de casernement au sous-fifre, Merrick s'apprêta à rentrer dans cette dernière, qui s'agitait peu à peu alors que les miliciens se réveillaient pour vaquer à leurs occupations. Suspendant sa marche rapide, le coutilier remarqua un seau rempli d'eau de pluie. Hésitant, il finit par ramasser ce dernier avant de pénétrer à l'intérieur. Connaissant l'individu, il savait que ce ne serait pas de trop pour l'extirper des bras de Morphée. Se dirigeant directement au fond du bâtiment, il s'arrêta devant une masse, immobile, qui ronflait fortement. Ne plus entendre ses bruits assourdissants était l'une des principales raisons qui le comblaient de bonheur de ne plus dormir dans ce genre de baraquement.

Tapant le lit du pied, Merrick prit la parole; "Debout, Conrad." Dit-il à d'une voix forte. Pour toute réponse, il eut droit à un grognement. Répétant sa demande une seconde fois, un peu plus fort, Lorren n'eut cette fois-ci aucune réaction. "Encore à cuver ta bière, vieille branche ?" Soupirant, il souleva le sceau et le vida sur le pauvre quidam qui dégageait un horrible fumet d'alcool.

Se levant dans un cri et dans un bon, mouillé de la tête aux pieds, le dénommé Conrad cracha sa réplique, dévoilant des chicots aussi pourris et mal lavés que le reste de sa personne. "Je ne suis pas en faction avant ce soir !" Sa main était partie tâtonner au niveau de sa hanche, là où son fourreau se trouvait généralement. Voulait-il réellement sortir l'acier pour se venger ? Dans tous les cas, Merrick n'avait guère de soucis à se faire, alors que le quidam en question ne portait même pas de pantalon. "Je sais bien, Conrad."

-"...Merrick ?" Interloqué, reconnaissant enfin son partenaire de boisson qui était maintenant la plupart du temps aux abonnés absents durant les pérégrinations du groupuscule d'ivrogne, celui-ci suspendit sa recherche d'une arme pour laisser ses bras pendre lentement. "Que...? Pourquoi ?"

-"Je n'ai pas le temps de t'expliquer, excuse-moi. Je te paierais deux consommations, mais j'ai besoin que tu répondes à mes questions." Conrad était un des plus vieux miliciens de la connaissance du coutilier. Véritable incapable, encore plus exécrable que son vis-à-vis, Conrad travaillait excessivement lentement et n'était pas en mesure d'effectuer ne serais-ce que la moindre tâche correctement. Pour autant, le lascar avait une chance à toute épreuve, réussissant toujours à s'en sortir au détriment de sa piètre qualité et de ses moindres efforts. Ainsi, bien qu'étant milicien depuis plusieurs années déjà, réfugié dans ce métier pour les mêmes raisons que le jeune homme, en l'occurrence pour manger, avoir un toit et un maigre pécule pour boire, Conrad était toujours vivant. Avec un peu de chance, son ancienneté lui permettrait de se rappeler d'Eude. Il était dur à dire si cela serait le cas, sachant que celui-ci n'était que coutilier, mais il fallait tenter...

-"Tu m'écoutes ? Bon... est-ce qu'un certain coutilier Eude, ça te dit quelque chose ?"

-"Eude ? Le gars qui allait devenir sergent ?"

Merrick n'était pas certain que c'était la même personne. Fronçant les sourcils en espérant que ce ne soit pas le cas, se sentant déjà inférieur au défunt, Lorren tenta de donner un peu plus de détail. "Je...je crois qu'il était un peu comme moi. Eude de Chantauvent."
-"Comme toi ? Ça veut dire quoi, ça ?
-"À dire vrai, je ne sais pas trop..." Répondit-il en fronçant les sourcils. La dame de Chantauvent lui avait un jour glissé qu'il ressemblait à son ancien mari. Or, il n'avait pas cherché à en savoir plus. "Dans tous les cas, ton Eude là, j'ai besoin de savoir; il est mort où en mission ?"

Se grattant le ventre et se raclant la gorge, Conrad se mit à réfléchir. "Je ne suis pas sûr... ça remonte à quoi c't'histoire ? Un an, deux ans ? Si je me souviens bien, il n’est pas mort..." il suspendit sa prise de parole pour réfléchir.

Soupirant de la tête, Merrick s'apprêta à partir. "On ne parle pas de la même personne s'il n'est pas mort."

Conrad bâilla et haussa les épaules. "Le mien il n’est pas mort, mais simplement disparu. Et puis, si j'ne me trompe pas, il n'était pas en mission, mais en repos."

La mâchoire de Lorren s'affaissa. Ce disparu était-il l'ancien homme d'Estelle de Chantauvent ? Si oui, qu'est-ce que cela signifiait ?

◈◈◈

Une heure plus tard,


-"Bonjour, c'est moi !" Cria le guérisseur de la veille en entrant dans la Chope Sucrée et refermant derrière lui. Ce dernier était de retour pour voir l'état de santé de l'inconnu qui avait été blessé par la fange, notamment pour changer ses pansements. Faisant quelques pas dans la pièce principale, guettant un signe de vie, il fronça les sourcils. "Eh oh, il y a quelqu'un ?" C'est sur ces paroles qu'il entendit une course effrénée à l'étage, puis vit Lorren débouler en haut de l'escalier, le descendant quatre à quatre.

-"On a un grave problème, un très grave problème. Dépêchez-vous, je vous en prie !"

Alarmé par le ton inquiet de son homologue, le guérisseur fronçant les sourcils, gardant le silence et hochant la tête. Suivant le coutilier dans l'escalier jusqu'à l'étage, il s'arrêta devant la porte qui avait été la chambre du blessé, alors que Merrick continuait son chemin. "Que faites-vous ? Le problème n'est pas là ! Lui, il est mort pour de bon. Vous pouvez le laisser en paix. Maintenant, vite !"

-"...Quoi ? Vous l'avez laissé mourir ?"

Soupirant Merrick agrippa par le bras le soigneur, le tirant vers la chambre qu'il partageait avec la Chantauvent. "Faites attention ou vous mettez les pieds. Je sais que c'est un peu... mal rangé, mais bon." C'était un véritable euphémisme, tandis que l'endroit était un vrai capharnaüm. Toujours est-il que le coutilier parlait pour évacuer son inquiétude, tirant son vis-à-vis jusqu'auprès d'Estelle. "J'ai essayé de la réveiller, et même si elle ne me semble pas morte, elle reste endormie. On ne peut pas être morte si on respire encore, hein, hein ? Dite ?" L'affolement lui faisait craindre le pire. Par chance, le guérisseur se concentra rapidement à la tâche, rattrapé dans sa pléthore d'interrogation par son professionnalisme. Soulevant le poignet de la jeune femme en quête de son pouls, puis passant une main sur son front, dans son cou et devant sa bouche, il fronça les sourcils.

-"A-t-elle mangé ou bu quelque chose d'anormal, hier ?"
-"Oh...et bien, elle a...j'ai... j'ai peut-être mis des herbes dans son infusion. Pour qu'elle dorme en paix, vous voyez ?"
Soupirant, il se releva et regarda l'idiot de Merrick Lorren. "C'est votre future femme, c'est ça ?" le principal concerné hocha la tête. "Vous l'avez assommé avec un trop fort dosage." Termina-t-il en secouant la tête devant autant d'inconsidération.
-"Ah... et heu... c'est pas trop grave, hein ?"
Un énième soupir fut les prémices de la réponse auquel il eut le droit. "Vous savez un peu ce qu'on ressent après une cuite ?"
-"Ah oui ! On a mal au cœur, mal à la tête là et là, et puis le monde tourne aussi très rapidement. Un peu comme si..." Lorren se racla la gorge, réalisant qu'il en disait peut-être un peu trop. "Enfin, oui je sais... un peu le genre de sensation que ça donne."
-"Et bien, ça sera deux fois pire pour elle à son réveil."
-"Ah merde..."
-"Je ne vous le fais pas dire jeune homme. Maintenant..." Le ton avait baissé d'une octave, non pas pour devenir plus doux, mais plutôt plus menaçant. "Expliquez-moi comment, par les trois et l'ensemble de leur œuvre, comment le blessé d'hier a pu mourir ?!"

Penaud, le coutilier commença tout d'abord par danser d'un pied sur l'autre, avant de se passer une main dans la chevelure et de sourire timidement à celui qui tentait de le crucifier sur place avec son regard. "Vous prendriez bien une bière ou deux, non ? Allez, c'est la maison qui offre..."

◈◈◈

Milieu de journée


Le front appuyé sur le comptoir, lui juché sur une chaise haute, le coutilier souffla fortement. Le guérisseur n'y était pas allé de main morte avec lui, le noyant sous les reprochés et les remontrances, lui parlant du devoir d'aider les gens dans le besoin et de ne pas abandonner son prochain au pire moment de leur existence et plus encore. Le coutilier avait réussi à s'extirper de cette mer de tourment en mentionnant qu'il avait été appelé sur les lieux d'un crime pour effectuer son devoir, tentant d'afficher une culpabilité qu'il n'avait pas le moins du monde. Finalement, le flot de palabres du soignant s'était tari en même temps que sa troisième chope, avant qu'il ne s'en aille dans un dernier froncement de sourcil courroucé.

Se remettant péniblement de ce long monologue qu'il avait dû écouter, Merrick n'avait pas entendu qu'Estelle était debout à l'étage. Puis, il n'avait pas non plus eu conscience de son apparition dans la salle principale. Du moins, jusqu'à ce qu'elle ne crève le silence en prenant la parole. Sursautant en entendant son nom, Lorren se leva, renversant par le fait même la chaise sur laquelle il était assis. La voyant chuter avec fracas sur le sol, la regardant quelques instants et finissant par retourner son attention vers la dame de Chantauvent, le jeune homme tenta de lui sourire. Faisant un pas pour s'approcher d'elle, il s'arrêta, ne sachant guère s’il était le bienvenu auprès de cette dernière. Levant une main pour la saluer, un peu comme une connaissance qu'il croiserait au marché, il prit la parole dans un sourire hésitant. "Bon matin !" Réalisant son idiotie de la saluer de la sorte, il referma vivement les doigts pour former un poing, cachant ces derniers dans son dos, comme si cela pouvait effacer et cacher ce bonjour ô combien débile. "J'espère que tu as quand même bien dormi ?" Le "quand bien même" était de trop. Cela risquait d'éveiller les soupçons sur son erreur... se mordant la lèvre pour cacher son embarras, dansant d'un pied sur l'autre, il finit par décider de relever la chaise pour s'occuper avant de dire une autre stupidité.

Alors que la chaise était à mi-parcours, entre ciel et terre, dans ses mains, il la lâche brusquement lorsque sa tenancière l'apostropha avec plus de force en lui demandant pourquoi il n'avait pas ouvert. "Je devais ? Je veux dire..." tenta-t-il de se corriger, ne sachant pas encore ce qu'il devait dire." Je veux dire que je ne pouvais pas, oui voilà !" C'était un bon début, mais tout dépendrait du dénouement. "Je devais aller à la caserne pour demander une journée de repos. Alors j'y suis allé. Après, j'ai... posé quelques questions à Conrad. Tu sais, celui qui a une piètre allure ? Il était là à la soirée que tu as faite pour moi... enfin, voilà. Ah ! Et puis, le guérisseur d'hier est revenu pour voir le blessé à l'étage. Mais comme tu le sais, il n'y a plus de blessé à l'étage, mais simplement un décapité dans notre cour arrière. Couic" mima-t-il dans un rire nerveux en passant l'index sur sa gorge. "Voilà, voilà."

Sa défense était probablement un peu bancale, ne put-il s'empêcher de penser en réussissant finalement à remettre la chaise en place. En outre, sa façon d'agir le rendait coupable au plus haut point. Toutefois, Lorren n'arrivait pas à se dédouaner de son erreur, se sentant fautif d'avoir drogué et fait souffrir la dame de Chantauvent. Lorsqu'elle parla de son sommeil qui avait été trop long, il sursauta, finissant par la regarder dans les yeux penauds. "Oui, en parlant de ça...Désolé !" termina-t-il rapidement en joignant les mains l'une à l'autre pour lui demander pitié en grimaçant. "C'est ma faute. J'ai mis des herbes dans ton infusion, comme tu me l'avais demandé, mais... j'ai peut-être un peu abusé sur... la quantité. Je ne savais pas ! Je n'ai jamais... je n’avais jamais eu à le faire avant, alors..." Puis, se dirigeant en cuisine rapidement, il en ressortit avec une infusion. "Je sais pour ta tête, le guérisseur a dit que ça serait pire qu'un lendemain de veille. Mais... voilà pour t'aider." Dit-il en lui tendant la tasse. Percevant peut-être son hésitation, ou préférant éviter toute complication, il finit par spécifier un élément plus qu'important; "Il n'y a pas d'herbe dans celle-ci, regarde..." enchaîna-t-il en prenant une lampée du breuvage. "Mmmmh. Excellent !" Par la Trinité, Merrick Lorren en faisait des tonnes, ne sachant plus sur quels pieds danser face à Estelle de Chantauvent...

Attendant la suite de ses paroles avant de parler sur le cheval, prêt à être submergé par la critique, l'ivrogne resta silencieux tout au long de la potentielle et possible répartie de celle qui allait avoir une journée difficile à cause de son surdosage d'herbacée. Finalement, l'homme d'armes avait hoché la tête, lui annonçant qu'il était prêt à partir en quête de l'équidé. "Je suis prêt pour partir à sa recherche quand tu le seras." Attendant la suite des choses, Lorren garderait le silence sur les éléments importants de la matinée avant d'être tous deux dehors. S'équipant de ses armes, en l'occurrence de son arc et de son épée courte, le coutilier suivrait la rouquine sur le pas de la porte de la Chope Sucrée avant de prendre la direction de la porte du Crépuscule, au rythme de celle qui risquait d'avoir plus de mal à se déplacer.

Sachant, par habitude, à quel point le soleil pouvait être agressif pour les rétines d'une personne se remettant, le lendemain, des affres de l'ivresse, et se doutant qu'il devait en être de même pour une personne ayant eu droit à un surdosage d'herbes, l'ivrogne se mit à la gauche de sa promise pour la couvrir de son ombre. "Il fait beau au moins..." tenta-t-il pour voir si elle lui en tenait rigueur ou non pour son erreur. Certes, Lorren ne pouvait savoir que c'était de bonne guerre, alors qu'Estelle de Chantauvent avait été la première des deux à le droguer, un soir à la Chope Sucrée, en compagnie du noble Roland de Rivefière. En un sens, c'était un juste retour du balancier, une sorte de justice divine pour cette malencontreuse erreur qui n'avait jamais été promulguée...

Au bout d'un moment, le jeune homme en vint à un sujet plus important; "Nous devrions questionner quelques personnes dans les faubourgs, voir s'ils sont au courant du passage du mort ou s'ils auraient vu son cheval et son chariot. Avec la pluie d'hier, il risque d'y avoir peu de témoins, mais s'il faisait la route depuis longtemps, peut-être que nous pouvons croiser quelqu'un le connaissant et découvrir d'où il venait et comment un banni pouvait passer la porte du Crépuscule..."

Gardant le silence durant quelques instants, alors que la porte en question se dessinait à l'horizon, Merrick réajusta son baudrier avant de poser la question qui le taraudait depuis ce matin; "Dis-moi... Eude était-il sur le point de devenir sergent ? Parce que Conrad m'a parlé d'une drôle d'histoire ce matin. Un homme portant le même nom que ton ancien époux, sur le point de monter en grade et non pas mort en service, mais disparu lors d'une journée de repos..." Du coin de l'œil, il attendait de voir sa réaction, espérant ne pas avoir fait une énième erreur.

Il était difficile de cerner où leur couple cheminait. Complètement perdu, tel un marin en haute mer, Merrick Lorren ne savait plus comment approcher celle qui devait pourtant devenir sa femme. Était-ce un simple nuage sur leur relation ou une tempête qui les maintiendraient éloigné à jamais ? À décider, le coutilier préférait la première option. Toutefois, l'ensemble de ses tentatives pour l'aider semblait plutôt la contrarier ou être voué à l'échec. À titre d'exemple, il avait voulu s'assurer qu'Estelle de Chantauvent passe une bonne nuit de sommeil, mais il avait fini par la droguer. Additionné à la longue liste de déception qu'ils se faisaient vivre à tour de rôle depuis hier, ce pouvait-il que le glas de leur promiscuité ait raisonné et que le duo ne soit pas assez raisonnable pour s'en rendre compte ?

Était-ce la fin ?
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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyLun 27 Avr 2020 - 15:44


Bon matin… Se répéta-t-elle mentalement en regarda la main de Merrick se lever comme si elle était une parfaite inconnue à ses yeux. Bon matin, se répéta-t-elle une nouvelle fois en se pinçant les lèvres. Estelle avisait son coutilier de ce regard hésitant, presque vide d’émotion, longeant les formes de son visage, s’abandonnant sur les courbes de sa silhouette masculine. Elle était là, immobile, à se demander pourquoi, à se demander si tout était fini, si les sentiments n’étaient plus, pour que ni l’un ni l’autre ne parviennent à s’approcher, à se consoler, à s’apprivoiser encore. Sa gorge se crispa dans cette douleur brûlure, cette impression que des mains venaient l’écraser, la privant d’air. Son cœur ce fit plus faiblard dans sa poitrine, alors que sa tête venait davantage la lancer, comme si un tambour s’amuser à jouer en fanfare avec des percussions dans l’intérieur de son cerveau. Une main glissant jusqu’à sa tête, frottant légèrement, passant sur ses yeux, puis frottant l’arrière de sa nuque de cette manière bien maladroite, la Chantauvent ne savait ni quoi dire ni quoi faire de plus. La tenancière ressentait le besoin d’obtenir des réponses, en même temps, elle donnerait tout pour oublier, absolument tout ce qu’elle possédait. Sans le moindre mouvement, s’appuyant néanmoins contre une table centre qui lui apportait un véritable secours dans son équilibre précaire, elle écoutait. Merrick l’interrogeait sur sa nuit et presque journée de sommeil, si elle avait quand même bien dormi. Quand même.

- « Il semblerait » se contenta la rousse de répondre, patiente, un peu trop sans doute « Voilà, voilà » répéta-t-elle dans cette voix éteinte et encore empreinte par le réveil.

Voilà, voilà. Un instant, elle sentit une nouvelle vague d’incompréhension l’envahir, elle qui n’exprimait pas clairement son ressenti, ses craintes, ses besoins, sous ses doigts, Estelle sentait fuir et s’effilocher la relation, sans avoir la sensation de pouvoir la retenir, la raviver. Elle était là sans être réellement là, la bouche pâteuse, l’air semi-absent, la fatigue encore sur le visage, la marque des draps sur la peau, les cheveux pas si bien brossés et lui… lui lui semblait être à une distance si grande, le fossé si profond… Voilà, voilà. Son cœur s’effritait juste là, au milieu de sa poitrine, se réduisait en miettes sans qu’elle n’est la sensation de pouvoir recoller quoi que ce soit. Estelle ne comprenait pas cette blessure, Merrick n’était pas son époux, il n’avait pas d’obligation, une vie, un métier, il avait eu visiblement bon nombre de choses à faire, alors pourquoi lui en voulait-elle ?

- « Je comprends, tu as du courir partout » tenta-t-elle de reprendre en rationalisant, ne souhaitant pour rien au monde perdre celui qui lui permettait de conserver la tête hors de l’eau « Navrée… j’ai dormi trop longtemps pour pouvoir t’aider » culpabilisa-t-elle presque.

En un sens, la rousse avait conscience qu’elle devait sans aucun doute lui en demander trop, peut-être qu’à force de vouloir fonder quelque chose, l’empêchait-elle de respirer ? Merrick n’avait pas demandé de vivre dans une auberge, ni même de s’en occuper…. Ni même de devoir prendre soin d’elle et de son passé un brin complexe. Se mordillant la lèvre inférieure, les doigts agrippés à l’imposante table, la tenancière tâchait de relativiser, de comprendre, mais à force de réfléchir sa migraine devenait plus forte, pire, elle en venait une nouvelle fois à s’infliger toutes les fautes, tous les maux. Puis vint cette claque qu’elle attendait, qui ne fit finalement pas aussi violente qu’elle l’aurait imaginé. Faute avouée à moitié pardonnée, sans doute, néanmoins aurait-elle apprécié qu’il la prévienne, qui lui fait réaliser… Lèvres pincées une nouvelle fois, elle lui décrocha un sourire, si son esprit tourmenté imaginait le pire, si elle revivait des étapes désagréables de souvenirs bien trop longtemps mis sous le tapis, elle se refusait à en tenir responsable.

- « Je vois » se contenta-t-elle de répondre, conservant en son for intérieur l’ensemble de ses pensées « Je comprends, ce n’est pas grave… » ajouta-t-elle « Avec les événements… » sa fugue, la geôle, peut-être que dans le fond avait-il eu juste envie d’avoir la paix « Et puis nous sommes quittes comme ça » ajouta-t-elle brusquement sans trop réfléchir « Après tout moi aussi, une fois je t’ai drogué sans faire exprès alors, on est pardonné ! »

Cette révélation était aussi un moyen pour Estelle de le dédouaner, mais aussi, une nouvelle fois de s’infliger la faute. Si elle avait pu le droguer lui et Roland de Rivefière en confondant une bouteille, alors… pourquoi lui ne le pourrait-il pas ? Elle n’était pas plus utile qu’un mouchoir ayant déjà servi. La réaction était plutôt compréhensible à ses yeux. Sentant sans doute l’interrogation sur le visage de son amant, Estelle se contenta de rouler des épaules, dans cette innocence flagrante qui lui collait tout autant de que son insouciance à la peau.

- « Ne me regarde pas comme ça… Moi aussi je peux être maladroite… Je n’ai jamais osé te l’avouer, j’avais peur que tu me pardonnes pas et que tu disparaisses de ma vie… » un peu comme maintenant pensa-t-elle sans le dire « C’était quand tu étais là avec le Rivefière… Un jeune couple venait d’arriver et souhaitait rajouter un peu de dynamisme dans leur relation… J’ai confondu les deux bouteilles…. Excuse-moi. »

Ses bras se tendirent pour récupérer la tasse, ses doigts encerclant le récipient sans trop d’hésitation, bien que, fallait-il l’admettre le doute était permis désormais. Il y avait bon chose qu’elle aurait aimé lui dire, poser les choses à plat, s’exprimer sincèrement, mais elle n’y parvenait tout simplement pas. Même cheval ou Eude lui semblait lointain, état-ce sans aucun doute le contre effet des plantes, mais la sensation de perdre Merrick Lorren remettait soudainement tout en question. Trempant ses lèvres dans le liquide chaud, non sans l’humer longtemps avant par vérification. Merrick repartait sur la monture, sur l’enquête à mener, alors qu’Estelle était désormais loin d’y songer réellement, silencieuse, elle se contenta d’opiner à plusieurs reprises, se murant dans une absence de prise de parole. La rousse avait fini son breuvage avant de remonter, laissant Merrick se préparer, elle fit de même. Son reflet dans le miroir de sa chambre lui fit peur, sa pâleur, les cernes sous ses yeux, les prunelles brillantent de ce vide étrange… Elle eut beau brosser sa rousseur, appliquer quelques crèmes, rien n’y faisait : Estelle se trouvait éteinte, hideuse. Le fait que des mains inconnues ait parcouru n’aidait en rien sans aucun doute, le fait qu’elle se souvenait désormais de certains actes d’Adrien sur son propre corps, elle qui était sa sœur… Ne devaient pas arranger les choses. La dame resta un moment ainsi à s’aviser avec cette perdition, avec la certitude profonde qu’aucun homme ne pourrait supporter si lourd passé. Le mal était devenu une certitude : Merrick ne resterait pas.

Redescendant lentement les marches, habillées, un peu maquillé, la coiffure parfaitement réalisée et un corset sublimant des formes qu’elle ne voyait plus chez elle, la rouquine ne put s’empêcher d’embarquer avec elle : Brigitte, la fameuse. Sa tête la lançait encore, alors qu’elle ramenait l’ustensile contre elle, l’ensemble lui apportant un semblant de réconfort. Dehors, ses yeux se plissèrent douloureusement, avant qu’elle ne bénisse Merrick de lui faire un peu d’ombre, l’attention la toucha, bien qu’elle ne le remercia pas oralement. Il faisait beau, c’est ce qu’il percevait, alors elle opina dans ce silence toujours omniprésent. Le petit vent venait caresser la peau de la tenancière, apportant cette petite fraîcheur agréable. Elle avançait, sans trop savoir où aller, puisqu’étrangement, Estelle ne pensait plus à ce cheval, cet homme ou Eude, Estelle devenait obnubilée par son couple qu’elle avait la sensation de voir s’éteindre. Ouvrant la bouche, ce fut finalement la voix de Merrick, qui sans le savoir, éteignit l’élan de courage qu’elle s’apprêtait à avoir :


- « C’est une bonne idée… Est-ce que tu penses qu’on pourrait en profiter pour ramasser un peu de bois ? Des branchages ou autre... » fit-elle en tournant la tête vers lui, glissant une nouvelle fois sa main sur son front puis à l’arrière de la nuque « Par les Trois, Merrick, comment fais-tu pour supporter cette sensation chaque jour ?! » questionna-t-elle plus sincère

Pivotant le visage, avisant l’imposante porte menant à l’extérieur, Estelle sentit son cœur tambouriner à de nombreuse reprise dans sa poitrine. Elle se souvenait des hommes, d’un en particulier, de la ruelle, des actes… Ce fut presque naturellement qu’elle vint glisser sa main dans celle de Merrick, sans trop y réfléchir, sans trop percevoir l’acte en lui-même, ce besoin de réconfort, cette peur grandissant dans son ventre avait été tel, que naturellement elle s’était tournée vers l’unique personne en qui elle avait confiance : Merrick. Ses doigts s’enroulèrent là entre ses doigts, dévoilant sans doute la crainte de revoir l’un ou l’autre, aussi improbable soit-elle, ou simplement d’entendre un murmure des hommes ou femmes d’armes qu’elle était une femme facile, une fleur de trottoirs qu’on pouvait prendre à sa guise puis jeter dans un coin. Sa question en revanche, la fit davantage froncer les sourcils, sergent ? Elle n’en savait trop rien à dire vrai…

- « Je ne sais pas trop, Eude avait une bonne réputation dans la milice, je crois, il était coutilier depuis un petit temps et acceptait pas mal de missions. Il rentrait très tard, voire pas du tout… Cela ne me surprendrait pas qu’il était en effet sur le point de monter en grade, mais honnêtement, il ne me parlait pas souvent de son travail… Hormis pour me dire qu’il était fatigué ou qu’il n’allait pas rentrer pour deux trois jours » fit-elle simplement en roulant des épaules « En revanche, il n’était pas en repos, non ? Sinon pourquoi un milicien serait venu m’annoncer sa mort ? S’il était en repos, la milice ne serait pas au courant non ? »

Et s’il était en repos, pourquoi n’était-il pas à la chope avec elle. Plus Estelle avançait en découverte, plus l’ensemble lui semblait obscur, plus elle avait la sensation d’être bafouée en permanence. Avait-elle seulement un jour réellement compté aux yeux de quelqu’un, sans intérêt, sans manipulation, était-elle seulement autre chose qu’un sac à foutre ? Son regard se détacha de la silhouette qu’elle avisait du coin de l’œil, simplement pour observer les portes désormais si proche. La dame n’avait nullement retiré sa main de celle de Merrick, à moins que ce ne soit sa volonté propre, ce qu’elle pouvait entendre, son estime-t-elle-même frôlant désormais le néant absolu. Elle se crispa au moment de passer cette étape, surtout lorsque les deux miliciens présents stoppèrent le couple :

- « On va vérifier vos avant-bras, désolé Coutilier, vous savez ce que c’est… » fit le premier « On en fera de même à votre retour, qu’est-ce que vous allez faire à l’extérieur ? »
- « On recherche le cheval d’un client… » souffla-t-elle en relevant ses manches « Il est arrivé à la chope hier soir, en piteuse état… Sa monture a dû fuir, il se serait fait attaquer par un fangeux… »

Les deux miliciens s’observèrent un instant, alors qu’il terminait de vérifier les avant-bras d’Estelle ou même de Merrick. Silencieux, les deux hommes semblaient chercher dans les méandres de leur esprit bien des choses, sans doute pas les bonnes.

- « On n’a pas vu de cheval» fit le premier « Nop, rien du tout, puis un cheval en solitaire, ça passe pas inaperçu surtout de nos jours » ajouta le deuxième « Soyez prudent hein, c’pas bon de traîner dans les faubourgs, on ne peut pas être partout » finirent les deux hommes presque en cœur.

Estelle fait silence passe la porte en s’éloigne, elle ne chercha pas à creuser et cette sensation d’étouffer alors que son regard n’a pas quitté un seul instant la ruelle un peu plus loin. Ses mains sont devenues moites et c’est plutôt nerveusement qu’elle a rabattu ses manches sur ses bras. Attendant à quelques pas de là Merrick. Les deux hommes d’armes n’ont pas tort, un cheval, de nos jours, c’est si convoité que si il est seul, aucun doute qu’il serait rapidement récupéré ou tout du moins essayé de l’être. Tournicotant sur elle-même, Estelle ne voit rien, hormis les arbres, la végétation le petit courant d’air frai qui vient lui chatouiller le visage. Pas d’animation, de trace de sang, ou de trace de sabot plus enfoncé que les autres, avec la pluie de la veille cela n’a cependant rien de surprenant.

- « Je ne comprends pas… » souffle-t-elle simplement à voix haute « Comment un homme blessé dans son état parvient à rentrer en ville… Et comment une monture peut se volatiliser ainsi ? » elle glissa une main à sa taille, sent une nouvelle fois le brouillard se faire dans sa tête, vient presser ses doigts sur son front « Écoute Merrick, je ne suis plus certaine que ce soit une bonne idée cette recherche » souffle-t-elle finalement alors qu’elle a repris sa marche sur un petit sentier « On est heureux, non ? » questionne-t-elle « On va se marier, c’est le plus important… » réajuste-t-elle « Non ? Je sais que c’est de ma faute tout ça, avec Eude, je comprends…. C’était si soudain… Je l’entends, tu sais. Je comprends. »

En réalité, Estelle ne sait pas vraiment elle-même où elle veut en venir, elle avait besoin d’être rassurée ou d’être éclairé, que tout n’était pas juste un lointain souvenir, elle voulait comprendre, entendre peut-être de Merrick qu’il allait partir, parce que comme bien souvent elle finissait par s’en auto convaincre. Elle était hésitante, elle aurait voulu dire tellement plus, sans doute parler, réellement remettre cette discussion qu’elle repoussait. Merrick lui avait déjà reproché après tout de ne pas s’exprimer. Cette fois la rousse aurait voulu ne pas recommencer les mêmes erreurs, tout en ayant cette désagréable sensation de s’enfoncer toujours plus profondément.

- « Enfin, on en parlera plus tard, je suppose, maintenant qu’on est là… » conclut-elle plus par crainte qu’autre chose, dévoilant une bâtisse au bon du sentier qui semblait s’animer « Regarde là-bas il y a du monde »

Estelle n’a pas fait preuve d’une nouvelle marque de proximité, si l’envie est présente, si la peur est tout aussi enfouie dans son esprit, le lancement de son esprit et tout le reste ont tendance à l’empêcher de réfléchir. Elle craint sans aucun doute d’être repoussé ou pire, en partant du principe qu’il peut y avoir pire. Quoi qu’il en soit, elle s’arrête finalement au niveau de la bâtisse, ou une étrange odeur plane en l’air…

- « Tu sens ? » fit-elle en contournant habillement la demeure pour distinguer ce qui ressemble être un jardin ou une carcasse de canasson parfaitement découpé repose accompagné d’une ruée de mouche et de tout autre insecte « Par les Trois » souffla-t-elle en glissant les mains à sa bouche et son nez avant de se reculer de quelques pas.

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Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyLun 27 Avr 2020 - 20:20
Dans l'ensemble des déboires, des erreurs et des mésententes qui s'inscrivaient entre Merrick Lorren et Estelle de Chantauvent, le coutilier venait d'avoir l'infime honneur et la très grande chance d'avoir lui aussi été drogué par sa compagne. Ainsi, aussi étrange et incongru que cela puisse paraître, le quidam en question se sentit tout de suite moins coupable d'avoir malencontreusement surdosé l'infusion de sa promise avec une trop fortequantité d'herbes. Ouvrant la bouche puis la refermant, en proie à une foule de questions se pressant dans son esprit, sans qu'aucune ne trouve prééminence pour s'extirper de son gosier et se faire entendre, l'homme d'armes décida finalement de rester silencieux, et de refermer sa bouche qui devait le rendre aussi idiot que sa salutation ô combien étrange l'avait fait paraître stupide.

Hésitant entre un puissant rire et continuer à afficher son repentir, ne sachant guère ce qui ne froisserait pas la Chantauvent, Lorren préféra rester en territoire neutre. Or, à se retenir de s'esclaffer, la réalité n'en devenait que plus drôle et ironique à son sens. Ainsi, son visage se contorsionnait et se crispait, tentant de réfréner un élan qui semblait irréversible. Dès lors, l'amusement s'échappa sous forme de petit gloussement, alors que ses lèvres restaient en partie scellées. Puis, l'éclat transcenda sa retenue, brisant la barrière de contenance qu'il désirait afficher, se faufilant derrière ses défenses pour inonder de son amusement l'ensemble de la pièce principale de la Chope Sucrée. Le jeune homme riait réellement à gorge déployée, incapable de s'arrêter et en ayant les larmes aux yeux. Certes, de prime abord la situation n'avait rien d'aussi amusant. Toutefois, après l'ensemble des troubles et tourments qui prenait racine dans leur passé respectif et dans leur présent commun, ce bref interlude était tel un vent de fraîcheur sur leur blessure. "Dé...déso...désolé." Finit-il à dire, entre deux éclats de rire et trois inspirations alors que son souffle lui manquait.

Soufflant comme pour tenter de faire disparaître les derniers relents de son plaisir, essuyant du revers de la main une larme qui se formait au coin de ses yeux, le coutilier offrit un sourire enfantin et canaille à sa partenaire. Par la Trinité, depuis quand ne lui avait-il pas souri ainsi, comme lors de leur première rencontre, cette habitude était aussi présente que celle de sa main passant dans sa chevelure ? En un sens, réalisant la disparition de cette ancienne habitude, Merrick Lorren s'en voulut. Était-ce un mal ou un bien ? Il ne le savait pas trop. Toutefois, les problèmes se présentant à eux et allant décuplant minaient sans l'ombre d'un doute les fondements de ce qu'ils tentaient de bâtir, les transformant irrémédiablement en être bien différent de ceux qu'ils avaient été. Comment penser autrement, tandis que lui, le stupide et insipide ivrogne devenait aussi sérieux et concerné que son ancien coutilier Arthur ? Par les Trois, ça ne lui réussissait guère...

-" Comme ça, on est pardonné aussi vite ?" Répondit-il rapidement après son amusement, fronçant les sourcils pour mimer un air faussement contrarié qui était, selon lui, facile à prendre pour ce qu'il en était; une simple plaisanterie. Ouvrant la bouche pour parachever ses pitreries, l'ivrogne fut coupé par la défense de celle qui semblait réellement se prendre et se prétendre comme une condamnée à la faute. «J’avais peur que tu ne me pardonnes pas et que tu disparaisses de ma vie… » Ah. C'était probablement à cause de ce genre de parole assassine, mais pourtant anodine que la tendance à la moquerie du coutilier s'éclipsait, disparaissant comme neige au soleil au fur et à mesure que leur histoire gagnait en longueur. Refermant la bouche, perdant une main dans sa barbe pour éviter de sauter trop vite au conclusions, sans que ce ne soit une réelle réussite, il se prit à répondre plus rapidement qu'il ne l'aurait voulu. "Doutes-tu à ce point de mon attachement pour toi ? Pour croire que je puisse partir pour ça ?" Fermant les yeux un instant, pinçant son nez il finit par se permettre de réfléchir avant de s'enfoncer plus loin dans l'erreur et l'insanité.

Ainsi donc, peut-être pour la première fois -enfin-, le coutilier tenta de se mettre dans la peau de la tenancière. Se connaissant plus que quiconque, le couple avait pourtant la fâcheuse tendance à ne jamais réellement se comprendre. Leur discussion dans les cachots en était la preuve, alors que l'ensemble des dires et propos étaient déformés par l'incompréhension de leur vis-à-vis. Soufflant, il se permit de relativiser les paroles d'Estelle, de ne pas les prendre comme une critique contre sa personne, mais plutôt comme une réelle peur de le perdre. Oui, ça lui semblait plutôt incongru, alors que Lorren la plaçait sur un piédestal et que lui se sentait bien misérable et miséreux. " Excuse-moi aussi. Pour hier, pour tout ce que j'ai pu faire ou dire, pour mes dernières paroles aussi." Il brossait large. Affreusement large, mais cela leur permettrait peut-être de faire table raz de ces maux ?

Ouvrant finalement les yeux, prenant une profonde inspiration, gorgeant ses poumons d'air qu'il garda le plus longtemps possible, comme pour repousser sa prise de parole, il finit par l'expulser tandis qu'il était sur le bord de la rupture. "Estelle. de. Chantauvent !" Cria-t-il presque, s'assurant d'avoir son attention, détachant l'ensemble des particules de son nom et prénom. Plissant des yeux et plongeant dans son regard, il finit par lâcher la vérité. "Je t'aime." Affreusement vrai, horriblement honnête. Le percevrait-elle comme ce qu'il en était ? Dur à dire... Merrick réussit tout juste à retenir un "voilà, voilà" de revenir couvrir sa gêne. Avec ces deux mots, sans l'ombre d'un doute, le tout aurait mal été compris.

La suite de leur échange resta plutôt neutre. Sans être forcément naturel, celui-ci n'en était pas moins plus loin des problèmes que proche. Laissant le temps à sa compagne d'aller se préparer à leur expédition en quête d'un cheval, le coutilier l'attendit, déjà parfaitement prêt à quitter les lieux. C'était un avantage de n'avoir rien d'autre à mettre qu'une chemise et un pantalon, et rien d'autre à transporter que ses armes traînant toujours à l'étage inférieur. Patientant calmement durant les préparatifs de la rouquine, perdu dans les méandres de son esprit, ressassant ses découvertes de la matinée, Merrick se releva de sa chaise lorsqu'il entendit les pas de la dame de Chantauvent dans l'escalier. Levant la tête pour la regarder descendre, Lorren sourit tendrement et doucement. "Tu es simplement superbe." Il ne savait aucunement que la principale concernée pensait tout le contraire en ayant probablement fait des efforts pour tenter de masquer cette laideur qu'elle ressentait sur l'ensemble des fibres de son être à cause des troubles d'hier et de son passé. À ses yeux, le jeune homme ne voyait que la femme qu'il aimait habillée, maquillée et coiffée à la perfection. Son cœur manqua un bond, tambourinant plus rapidement qu'il ne l'aurait avoué. La vision d'Estelle en ce jour le renvoya à leur premier rendez-vous, tandis qu'ils avaient cheminé sur les fortifications de l'Esplanade, puis dans les jardins ducaux.

La voyant prendre Brigitte, il resta de marbre, ne pouvant qu'éprouver un petit amusement en la regardant prendre son "arme". Voir la tenancière se promener dans les faubourgs avec une poêle risquait de faire s'interroger quelques personnes, mais aux yeux de l'ivrogne, après ce qu'elle avait vécu, elle pouvait bien se promener en armure complète, si cela lui chantait. Ainsi donc, ils finirent par arriver dehors, lui, la protégeant du soleil puis parlant de la météo, elle resta silencieuse hochant de la tête. Ne sachant toujours pas vraiment sur quels pieds danser, mais ayant décidé d'embrasser le combat, de lutter pour ne pas perdre Estelle de Chantauvent, Merrick Lorren se concentra sur la raison de leur pérégrination pour faire sortir de son mutisme sa compagne.

-"Ah oui, le bois." Dit-il en se tapant le front. "J'aurais dû y penser ce matin..." Il n'aurait probablement pas eu le temps, à moins de courir entre ses différentes rencontre et tribulation. Toujours est-il qu'il l'aurait fait s'il n'était pas aussi tête en l'air, ayant tendance à oublier et occulter la moindre tâche. "Nous en ramènerons !" Termina-t-il convaincu. Puis souriant avec crispation lorsqu'elle lui demanda comment il survivait à la gueule de bois, l'ivrogne laissa s'égrener quelques secondes avant de répondre; " Comme tu l'as dit tout à l'heure, tu as plutôt bien dormi, non ? Quand la nuit est plus effrayante que le jour, quand tu préféreras avoir mal à la tête au point de croire qu'elle va exploser plutôt que de faire des cauchemars, tu devrais être en mesure de survivre au lendemain de veille." En un sens, il ne parlait pas réellement pour elle, ouvrant son cœur et ses problèmes en regardant un point fixe à l'horizon. Il comprenait et connaissait les causes, ainsi que les tenants et aboutissants de sa lâcheté à se perdre dans l'alcool pour oublier. Le dire de vive voix ne lui apprenait rien de plus. Mais se le rappeler ne faisait que lui faire prendre conscience que peu importe ce qu'il arriverait, il serait à jamais ce couard ayant tourné les talons au pire moment de son existence. "Désolé ! Je ne voulais pas dire que ce que tu avais vécu n'était pas assez tragique, dramatique, difficile, ardu... enfin, je ne voulais aucunement minimiser tes peines. Chaque personne vit cela différemment, je suppose." Conclut-il en haussant les épaules.

Voyant qu'Estelle vivait plus ou moins bien leur approche vers la porte du Crépuscule, Lorren en voulut à la cité de ne pas avoir une seconde entrée pour éviter de la voir ressasser les événements d'hier. Agrippant fermement cette main qui se glissait dans la sienne, pour ne plus la laisser s'échapper, ils continuèrent à avancer, à deux, ensemble. "Qu'il n'allait pas rentrer pour deux jours ?" Répéta-t-il avec une interrogation vivement perceptible. Ne sachant pas comment amener son incompréhension sur le sujet, ne voulant point discriminer Eude aux yeux de la veuve, au risque, pensait-il, d'avoir droit à une défense bec et ongle du moribond, Lorren essaya de lui faire comprendre le problème et l'impossibilité de ce qu'elle avançait. "Trouves-tu que je pars souvent deux jours en mission, moi ?" demanda-t-il, alors que de fait, Merrick n'avait jamais une période de travail aussi longue, sans pause ou repos. Estelle le savait bien, le voyant rentrer tous les soirs ou les matins après son affectation quelconque. Cependant, il est vrai que si Eude avait été un milicien de l'extérieur, les choses auraient pu être différentes. Or, Merrick savait que ce dernier était de l'intérieur comme lui, alors... "Le Eude de Conrad, il n'est pas mort en fonction, mais porté disparu alors qu'il était en repos. Évidemment, pour la milice ça revient un peu au même, mort ou disparition. La différence, c'est que son corps n'a jamais été découvert et que personne ne l'a vu trépasser." Pour le moment, le coutilier préférait encore parlait du "Eude de Conrad" plutôt que de celui de la Chantauvent. Pourquoi ? Simplement, car il n'était pas certain que l'un et l'autre soient la même personne. Toutefois, il y avait beaucoup trop de points nébuleux entourant son défunt époux. S'était comme s'ils étaient devant une énigme, ayant plusieurs indices, mais aucun à même de se grouper et se regrouper pour donner une vision d'ensemble...

-" Si on prend en considération que le cadavre dans notre cour est vraiment celui qui t'a annoncé la mort de ton époux, et bien... ce n'est pas un milicien qui est venu te le dire. Mais qu'est-ce que ça voudrait dire ? " Le jeune homme n'était en aucun cas certain de croire ce passage de l'histoire de la rouquine. Toutefois, Lorren voulait la faire parler sur le sujet pour tenter de démystifier les incohérences qu'elle pourrait présenter, tel que cette histoire de deux jours de travail, sans pour autant s'attaquer à l'image du moribond qui semblait bien intouchable. Dans tous les cas, peut-être que ses propres questionnements n'apporteraient guère d'autres éléments. Après tout, Estelle voguait elle aussi dans la même incompréhension que Merrick dans toute cette histoire...

-"Il n'y a aucun problème, les gars." Dit-il en souriant aux miliciens qui voulaient regarder leur bras. Cette nonchalance était peut-être ce qui faisait de l'incapable homme d'armes un individu somme toute apprécié par les troupiers. En effet, bien que ce défaut soit hautement critiqué par sa hiérarchie, notamment sa sergente, cette habitude à traiter les hommes comme des égaux et sans jamais se refermer dans la fierté du piètre honneur d'être coutilier, Merrick Lorren avait plusieurs connaissances qui l'appréciaient modérément. Toutefois, il ne fallait pas oublier que les miliciens empreints de zèle, travaillant et trimant toujours plus, ne l'appréciaient guère, lui qui leur était supérieur en hiérarchie, mais nettement inférieur par son laxisme et sa paresse chronique.

Laissant la Chantauvent expliquer le pourquoi de leur sortie, hochant fortement la tête lorsqu'elle parla de l'inconnu "en mauvais état, Merrick écouta les réponses, guère surpris de savoir que les lascars en faction n'avaient rien vu ou entendu. Avant de partir, Lorren prit la parole; "Lorsque vous rentrerez vers la caserne, vous pourriez passer par la Chope ? Nous avons un cadavre dans l'arrière-cour. Il est déjà décapité, mais il faudrait le brûler et nous sommes un peu en manque de combustible..." Lentement mais sûrement, les deux individus acceptèrent. Après tout, ils n'avaient pas forcément le choix et bien qu'il pouvait apprécier Merrick, il n'en restait pas moins que personne ne désirait faire des heures supplémentaires. "Je m'assurerais que votre gosier reste bien humidifié..." termina-t-il en offrant un clin d'œil et une petite tape sur l'épaule aux hommes en question. Déjà, ceux-ci semblaient un peu moins moroses à l'idée.

Rejoignant sa fiancée, la regardant sans rien dire, le jeune homme finit à son tour par se concentrer par ce qui les entourait. "Je ne sais pas non plus. Peut-être que la bête s'est enfuie sous le coup de la peur, s'enfonçant vers les marais ?" Tenta-t-il hésitant. Puis, la suivant encore sur un petit sentier, l'écoutant il attendit qu'elle termine avant de reprendre la parole. "Oui je suis heureux et le plus important pour moi c'est notre mariage. Mais aujourd'hui, je peux aussi comprendre que tu veux découvrir ce qu'il est arrivé." Hier, l'ivrogne aurait préféré qu'Estelle oublie l'ensemble de cette histoire, qu'elle s'accroche à leur futur et avenir plutôt que de s'enfermer dans son passé et partir en quête d'un monstre sorti de la tombe. Toutefois, les choses n'étaient plus les mêmes. Maintenant qu'il avait lui-même mis le nez dans l'histoire, qu'il avait eu la chance de sentir que quelque chose clochait avec la disparition et la mort d'Eude, il n'arrivait pas à simplement oblitérer cela. "À partir du moment que tu ne te mets pas en danger, on ne perd rien à continuer. Si tu veux. Je ne veux te forcer à rien..."

Hochant la tête lorsqu'elle repoussa cette conversation à plus tard, il continua à la suivre jusqu'à ce qu'il arrive devant une petite demeure ou beaucoup de mouvement était perceptible en avant de cette dernière. En s'approchant, il était possible de voir que la masse qui s'égosillait et courrait en tout sens était quelques enfants en train de jouer. En approchant, le coutilier reconnut l'odeur de la mort et de la décomposition, celle-là même qui flottait dans la pièce du moribond d'hier à la Chope Sucrée. Or, celle-ci était nettement plus forte et puissante... "Estelle !" tenta-t-il de la retenir en levant une main, alors qu'elle passait derrière la maison. Fronçant les sourcils et accélérant le pas, il faillit lui rentrer dedans lorsqu'elle suspendit son mouvement avisant le cadavre de ce cheval qu'il cherchait. "À partir de maintenant, j'ouvre la marche, d'accord ?" Dit-il tout d'abord, passa devant cette dernière, ayant préféré être le premier à tourner le coin de la bâtisse. "Dommage, je l'aimais bien moi ce canasson..." commença-t-il en s'approchant et penchant la tête pour observer la pauvre bête. "Ce n'est clairement pas Eude..."il glissa un regard à Estelle avant de se corriger. "Enfin, le fangeux pouvant être n'importe qui..." ce n'était guère mieux amené, mais il y avait au moins un effort pour créer une distanciation entre le monstre et l'ancien amour de la rousse. "...Qui a fait ça." Les fangeux n'attaquaient pas les animaux et les marques étaient trop propres et trop droites pour être des coups de griffes. En outre, l'animal avait été découpé plutôt que charcuter. Il semblait évident ce qui était arrivé...

-"Eh, vous êtes qui, vous ?"
-"Merrick Lorren, coutilier. Qu'avez-vous fait à ce cheval ?"
Plissant les yeux, l'inconnu cracha à terre avant de répondre. "On l'a découpé, c'était notre cheval à nous et il fallait nourrir les enfants. Voilà."

Soupirant et secouant la tête, l'ivrogne tenta de se montrer raisonnable. "Écoutez, je sais que ce n’est pas votre bête. Je ne suis pas là pour vous chercher des problèmes, je veux simplement savoir où vous l'avez trouvé."

Encore quelques secondes de silence, où l'habitant de la bicoque se passa une langue sur les gencives avant de répondre. "Je vous l'ai dit, c'est notre cheval. Je n’ai rien d'autre à dire."

-"Eh merde..." Se retournant et se rapprochant de la dame de Chantauvent, il alla lui murmurer à l'oreille; "pendant que je l'occupe, peut-être pourrais-tu voir avec les enfants, s'ils sont au courant de quelque chose ? Je suis pas très doué avec les gamins..." termina-t-il en faisant la moue.

Qu'importe que la rouquine tente sa chance avec la marmaille ou non, Lorren décida de retenter sa chance, espérant faire changer d'avis l'odieux personnage. "Écoutez, ne me forcez pas à revenir avec une coutelerie complète pour vous mettre à l'arrêt."

-"Ah ! Bah voilà, vous disiez ne pas nous chercher des problèmes et maintenant vous dites l'inverse !"

S'approchant d'un pas, levant les mains pour tenter d'apaiser celui dont le visage devenait de plus en plus rouge; "Écoutez, ne me forcez pas à..."

-"C'est une menace ?"
-"Non, j'essaye juste de..."
-"C'est une menace !" Termina-t-il en envoyant son poing dans la figure de Merrick.

Plus rachitique que fort, plus fou que puissant, l'attaque surpris le coutilier qui reçut directement l'attaque sur son nez. Surpris par le coup plus que blessé, Lorren ouvrit la bouche, interdit et indécis quant à la marche à suivre. Déposant sa main sur la garde de son épée, puis croisant le regard d'un des gamins de cet idiot, puis celui d'Estelle, le milicien finit par soupirer et lâcher son arme. Le féroce pécore risquait de vouloir l'affronter, même s'il dégainait sa lame. En outre, ce n'était pas réellement un spectacle qu'il voulait offrir à des enfants et la Chantauvent. Pour finir, sa part de peureux était plus que contente d'éviter la rixe, bien qu'il ait l'acier pour lui. "Ça n'en restera pas là !" Termina-t-il en levant un doigt et proférant une menace qui ressemblait plus à une fuite qu'autre chose.

Le visage plus rouge qu'à l'accoutumée, il passa à côté de la Chantauvent, attrapant doucement sa main et l'entraînant sur le sentier qu'ils avaient pris. Ouvrant la marche, évitant son regard par peur d'y lire de la honte d'être avec lui, le coutilier se racla la gorge puis prit la parole, en jetant un regard par-dessus son épaule. "As-tu... appris quelque chose ? Moi pas vraiment. Enfin, je pense que tu as pu le voir..." termina-t-il avec amertume, rougissant un peu plus encore. "Eh, merde..." relevant la tête, lâchant les doigts d'Estelle, il déposa le revers de sa main sur sa narine droite en s'arrêtant et se retournant. Il saignait du nez, rien que ça. " Je ne pense pas qu'il soit un tueur ou quelque chose de la sorte. Le moribond à la Chope semblait réellement avoir été découpé par un fangeux, alors que les marques sur le cheval sont très nettes et propres." Haussant les épaules, se rendant compte que ce qu'il apportait était maigre, il s'appuya à un arbre en gardant la tête rejetée vers l'arrière, tentant d'endiguer le flot carmin qui s'écoulait de son nez. "...Je ne voulais pas faire preuve de violence devant des enfants, c'est tout." Tenta-t-il pour couvrir son échec. Puis, continuant avant qu'elle n'est eu la chance de dire un traître mot; "Oh, ça va ! Oui, je sais bien que je suis pitoyable. Même pas capable de me défendre contre un idiot, je sais, je sais !" Aigre et amère contre lui-même, il s'en voulait d'être aussi lamentable. "S'il faut y retourner, je serais moins tendre, voilà." Conclut-il, guère convaincu lui-même.
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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyMar 28 Avr 2020 - 1:46


- « Moi aussi » répondit-elle immobile en haut des marches

Il serait mentir que de prétendre qu’Estelle n’avait pas perçu les battements de son cœur s’accélérer avec force dans sa poitrine. Les mots raisonnaient encore dans son esprit dans ce réconfort non feint. Lentement, elle avait fini par remonter les marches, gravant pour elle les paroles dont elle avait tant besoin. Le rire de Merrick, sa façon de la regarder, sa manière d’être étaient eux aussi des souvenirs importants aux yeux de la Chantauvent. Une fois dans sa chambre, la tenancière s’était préparer cherchant à camoufler l’hideuse apparence qu’elle semblait percevoir dans le miroir, son reflet avait fini par la révulser, à la fois pour tout ce don elle avait en mémoire, mais aussi pour tout ce qu’elle pensait désormais être. Rejoignant rapidement son milicien, qui lui offrit un compliment, elle ne put que répondre dans un demi-sourire, à la fois touché, mais aussi incapable de croire aux différents mots prononcés. Brigitte en main parfaitement contre elle, la dame avait suivi, simplement marchant au rythme du coutilier, fuyant la lumière directe du soleil et tâchant de ne pas succomber à ses maux de tête. La suite fut dans cet étrange entre-deux, Estelle ayant besoin d’exprimer un peu plus profondément ses pensées, sans oser et Merrick patientant pour lui laisser l’espace nécessaire sans se faire trop brusque. Étrangement, le fait que le coutilier n’est pas pensé au bois ne tourmenta pas davantage la rouquine, qui loin de s’en offusquer se contenta de rouler des épaules, comprenant qu’avec l’ensemble des tâches accomplies il n’avait pas eu le temps de s’en préoccuper.

- « Ce n’est pas très grave » souffle-t-elle les doigts sur sa nuque massant le haut de ses épaules « On en ramènera oui » conclut-elle simplement avant de faire silence.

Les lèvres d’Estelle durent légèrement s’entrouvrir alors que Merrick s’ouvrait un peu sur son passée, plus précisément sur la raison de son ivresse régulière. Oh, la dame de Chantauvent n’était pas sotte, partageant ses nuits depuis un long moment maintenant, elle avait bien l’habitude de ses cauchemars, néanmoins, la source n’avait jamais véritablement été approfondie, bien que le sujet fut survolé quelquefois. Ne sachant pas réellement comment réagir à l’ensemble, elle fut silence, étrangement. Avant d’offrir un sourire rassurant à celui qui pensait l’avoir peiné en prétendant avoir une vie plus complexe que la sienne. La responsable de la chope sucrée se contenta une nouvelle fois de rouler des épaules, secouant doucement la tête. Il n’avait jamais été question de compétition, bien qu’une petite voix joueuse sembla l’espace d’un instant refaire surface, sortie des profondeurs du caractère de la rousse.


- « Mh, suis-je outrée de voir que Merrick Lorren a eu un passé plus pitoyable que moi… Mais moi, monsieur, moi, je pense que je gagne largement le point sur cette épreuve-là, Chevalier. Rien que par ma condition de femme, mh ?! Alors ?! »

Elle avait ri, comme pour décompresser, comme pour soulager quelque chose de lourd, exactement lorsque quelque temps plutôt Merrick c’était mis à rire à gorge déployé en apprenant que Estelle l’avait drogué sans jamais oser lui avouer. Était-ce peut-être une façon de se retrouver, de recoller des morceaux. Son regard s’attarda un instant sur la silhouette masculine, alors que son visage avait dû se décrisper le temps d’un infime moment. Estelle aurait sans aucun doute souhaité que le moment perdure et que la conversation ne devienne pas sérieuse, ne concerne pas Eude non plus. La priorité de la rousse avait finalement et presque définitivement changé, elle qui vivait jusque-là dans le passé était si terrifiée à l’idée de perdre le peu qu’elle était enfin parvenue à reconstruire qu’elle était prête à tout pour le préserver. Ses lèvres se pincèrent, alors que ses doigts effleuraient son menton, signe de sa réflexion, elle n’était pas certaine de voir ou Merrick voulait en venir avec les questions, et les suppositions qu’elle en tirait ne lui offraient qu’une certaine douleur.

- « Peut-être qu’il préférait passer son temps à la caserne pour s’entraîner, préparer ses collègues, réaliser des rapports, c’est possible non ? » elle détourna un instant ses yeux, les suppositions de la rousse étaient tout autre, mais bien trop douloureuse pour formuler l’ensemble à voix haute « Peut-être que ce n’est pas le même après tout et puis tu l’as dit toi-même, je n’ai pu que me tromper. »

C’était finalement l’ego de la jeune femme qui finissait par parler, celle qui ne pouvait supporter l’idée que son mari n’avait finalement jamais changé, qu’elle ne comprenait pas la milice et qu’il avait usé de sa méconnaissance, celle qui avait dû être cocue de si nombreuse reprise qu’il n’y avait plus de place pour les bosses sur sa tête. Oui, Estelle venait de prendre une claque magistrale, si bien que cette fois-ci, elle ne souhaitait plus avancer dans cette direction, plus découvrir, plus comprendre, plus réaliser que chaque homme qu’elle avait aimé que ce soit de manière fraternelle ou amoureuse n’avait su faire qu’une chose : la bafouer, profiter, l’utiliser, lui mentir. Son regard s’était embrumé de cette étrange manière, sa gorge complètement contractée si bien qu’elle émit cette petite quinte de toux, dont l’origine n’avait qu’un seul but, camoufler son mal-être. Inévitablement et malheureusement, Estelle dont l’estime était déjà bien bas, chuta encore et celle qui semble-t-il avait toujours fait les mauvais choix s’interrogea sur celui qu’elle avait désormais choisi : lui aussi allait-il faire comme eux ?

- « Merrick… Est-ce que tu essaies de me faire comprendre quelque chose ? » questionna-t-elle finalement en ralentissant les pas « Je ne suis pas certaine de comprendre suffisamment l’organisation de la milice pour répondre à tes questions » avoua-t-elle simplement « Eude rentrait quand il le voulait, il me disait avoir beaucoup de travail, beaucoup d’enquêtes a mené… Je ne l’ai jamais questionné, il avait tendance à s’emporter si je le questionnais trop. » elle lâcha un soupir « Peut-être que c’est possible après tout, non ? Il n’aurait pas pu préférer rester là-bas ? Regarde, souviens-toi lorsque tu n’es pas rentré après l’attaque, toi aussi tu as beaucoup travaillé… Peut-être que parfois il y a des situations complexes qui méritent davantage de temps, non ? »

Elle aurait voulu y croire, du plus profond de son être, de son cœur, Estelle avait besoin de croire qu’une seule chose que ce qu'elle avait vécue avait été sincère, qu’un infime petit élément avait été honnête, que sa relation n’avait pas été que supercherie mensonge et trahison. Cela devenait presque vital pour celle qui se décomposait au fil de la conversation, sans pour autant réellement révéler qu’elle avait parfaitement compris là où il voulait en venir et puis comme dans un murmure silencieux, elle révéla cet indice de sa compréhension, qui ne put être réellement approfondis, puisque coupée par la présence des gardes :

- « Peut-être que toi aussi un jour tu me diras que tu as beaucoup de travail… »

S’en suivit la conversation avec les hommes d’armes, beaucoup plus professionnels que ceux de la nuit précédente –ce qui fallait-il bien l’admettre n’était pas bien complexe- l’échange fut bref, mais néanmoins constructif –si par constructif on peut supposer qu’il n’y a rien de plus à apprendre, aucune information-. Estelle avait fini par délaisser Merrick pour l’atteindre plus loin, nerveuse, mais aussi soucieuse. Elle devait lui parler cela devenait une obligation, pour elle, pour lui, pour eux. Prenant une légère inspiration, elle débute en se perdant dans ses idées, ce n’était pas ce qu’elle aurait voulu lui dire, non elle aurait voulu lui demander de renoncer à cette enquête, de continuer à deux, de se réparer, se pardonner les maladresses… Mais rien de tout ça n’accepta de sortir de ses lèvres si bien qu’elle se retrouva face à un coutilier qui souhaitant bien faire l’encourager à remonter la piste de Eude Chantauvent…

- « Tu as raison » renonça-t-elle une première fois rapprochant Brigitte de sa poitrine comme pour tenter de trouver un courage qu’elle n’avait plus « Merci » murmura-t-elle sans le penser, alors qu’à ce moment précis la Chantauvent ne désirait qu’une seule et unique chose : rentrer.

Comment cependant, expliquer ça à celui qui l’avait vu fuir, prête à se sacrifier de ce changement radical ? Comment admettre avoir peur de découvrir ce qu’elle n’avait pas voulu voir, ce qui était juste là sous son nez. Prenant une inspiration, puis une seconde elle reprit la marche en direction de la bâtisse, conservant pour elle ses pensées et le rythme de son cœur s’emballant dans sa poitrine. La maison se dessinant ainsi que les enfants attirèrent inévitablement son attention, elle passa devant contournant la maison avant de se faire rappeler à l’ordre par nulle autre que Merrick Lorren. Sans trop être certaine d’en avoir envie, la rousse le laissa passer devant, agrippant avec plus de fermeté la brave Brigitte. Là ce fut un spectacle horrible, la carcasse de l’équidé. Une main sur sa bouche et son nez, elle avait reculé avant de foudroyer son homme d’armes du regard, lui qui prétendait que Eude avait fait ça.

- « Eude n’aurait jamais fait ça » protesta-t-elle une nouvelle fois plongée dans sa propre incohérence « Tu ne peux pas dire ça » protesta-t-elle encore en réprimant un haut-le-cœur.

Puis ce fut cette étrange conversation avec celui qui semblait être le propriétaire de la maison, l’homme ne semblait pas être très calme, si bien, qu’Estelle eut un léger mouvement de recul avant d’opiner en direction de Merrick pour rejoindre les trois enfants qui se trouvaient un peu plus loin. Non sans conserver, bien évidemment un œil sur la situation. Offrant un sourire et plaçant Brigitte dans son dos Estelle s’approcha de la progéniture, débutant par se présenter avec cette douceur qui lui ressemblait :

- « Bonjour, je suis Estelle… »
- « Moi c’est Paola, Khana, Mathieu » se présentèrent-ils tous les uns après les autres « Pourquoi ton ami il se dispute avec papa ? » poursuivirent-ils naïvement
- « C’est des affaires de grands ça » souffla-t-elle en accompagnant les enfants un peu plus loin « Vous voulez bien m’aider ? Je suis à la recherche d’un cheval… »
- « Non, non faut pas disputer papa, l’animal était blessé, faut pas hein on va l’arrêter ?! »
- « Mais tait toi, dis rien, papa va avoir des ennuis »
- « Maman elle dit qu’on doit toujours dire la vérité. »

Un peu embrouillée par la conversation des petits, Estelle se contenta de se mettre à leur niveau, main sur les genoux, Estelle sur les cuisses. Elle avisa tour à tour ceux qui faisaient silence, s’observant comme s’ils attendaient qu’un deux se décide.

- « Je vous promets de garder le secret et mon ami aussi si… » elle avisa la situation qui semblaient dégénérer « Si vous m’aidez à retrouver les affaires qui avaient avec le cheval, vous comprenez ? »

L’unique garçon de la fratrie opina vivement.

- « Ils sont encore là-bas, au pied des murailles, ou y a l’imposante marre, avec la pluie elle est encore plus grande…. Avec les fangeux qui rodent, on a préféré juste prendre l’animal et le soulager de son poids. Maintenant tu ne diras rien hein ? Jure-le sur les Trois »
- « Je le promets » souffla Estelle en détaillant la direction indiquée

En se redressant, la rouquine n’eut guère le temps de voir autre chose que Merrick se prendre un coup au niveau du visage. Elle se pinça les lèvres, fit un pas en avant dans cet instinct et ce besoin de le secourir avant de se raviser, elle ne perçut pas clairement l’échange entre les deux hommes, toujours était-il qu’elle fut rapidement entraînée à la suite du milicien. Plus loin dans le sentier, la rousse avait de nouveau fait silence, alors que son esprit semblait malmener entre des envies terriblement différentes. Déglutissant elle n’osait pas réellement regarder Merrick, non pas parce qu’elle avait honte de son comportement, mais parce qu’elle craignait qu’il perçoive sur son visage l’hésitation. Elle était inquiète de sa blessure, c’était une évidence, inquiète de le mettre en danger inutilement, inquiète de tout un tas de choses, mais certainement pas dû fait qu’il est choisi de préserver l’intégrité d’un père de famille. Cependant, l’homme d’armes partait dans ses certitudes teintées de reproche qu’il s’auto-infligeait et Estelle se retrouvait dans l’incapacité d’en placer une. C’est brusquement, alors qu’il semblait avoir terminé qu’elle s’arrêta avant de lâcher :

- « Merrick, je suis enceinte. »

C’était faux, c’était une évidence, pour elle en tout cas, qui avait saigné il y a peu, mais lui qui ne faisait pas nécessairement attention à ce type d’événement pouvait le croire. L’objectif était de l’obliger à se concentrer sur elle, qui s’était immobilisée, maintenant avec fermeté Brigitte entre ses mains. Elle voulait qu’il l’écoute, sans chercher à la contredire ou à la convaincre de quoi que ce soit. Estelle avait eu besoin de se donner du courage, et par là, il fallait simplement qu’elle obtienne la totalité de son attention. La technique de la phrase du bébé lui avait alors effleuré l’esprit et semblé une bonne idée… Rappelons tout de même que son esprit n’était pas aussi efficace qu’à son habitude.

- « Viens approche, laisse-moi déjà regarder ton nez » murmura-t-elle en s’approchant et déchirant le bas de sa robe « Il ne t’a pas loupé… » souffla-t-elle sans imaginer un seul instant que Merrick la prendrait autant au sérieux que ça, elle en avait presque déjà oublié sa fausse révélation « Je ne pense pas que tu es pitoyable d’avoir voulu protéger des enfants, c’est même plutôt courageux » admit-elle sincèrement « Et puis refuser de tuer ou de se battre ne fait pas de toi une personne faible » conclut-elle.

Ses doigts avaient effleuré son visage avec douceur, alors que son tissu qu’elle humidifié du bout des lèvres venaient tapoter la blessure et les quelques marques rougeâtres. Ce ne fut que dans cet instant de proximité, qu’Estelle réalisa que Merrick était dans cette attente, peut-être même dans cette angoisse de l’explication.

- « Pourquoi tu me regardes comme… Oh. Non. Je ne suis pas enceinte, je voulais juste que tu te taises et que tu m’écoutes » tenta-t-elle dans un demi-sourire désolé. « Écoute Merrick… » pour la première fois Estelle tentait de trouver le courage…

Elle prit ses mains et l’accompagna plus loin, pris une inspiration, une immense inspiration, très grande. Alors qu’elle était terrifiée à l’idée de s’ouvrir ainsi, terrifiée, véritablement.

- « J’ai peur. Peur de découvrir ce que je ne veux pas savoir, peu de me sentir encore plus… immonde que ce que je suis aujourd’hui… Je me souviens de certaines choses et je ne suis pas certaine de vouloir m’en souvenir, tu comprends ? Je croyais que Eude était… et finalement il était… » elle sent les larmes monter, elle sent sa voix se briser si douloureusement « J’ai peur que tu vois tout ça aussi, toi, chez moi, que tu ne vois que celle qu’on utilise, j’ai peur que toi aussi tu sois comme ça… Et je ne me relèverais pas Merrick, pas encore… Parce que je me prends tout ce que je n’ai jamais voulu voir d'un coup. Et peut-être qu’Adrien était un monstre, mais peut-être avait-il raison au sujet de Eude ? Tu dis qu’il était en repos, alors quoi, que vais-je découvrir Merrick ? Que mon mari me trompait, encore ? Que les promesses n’étaient que des mots ? Que mes espoirs qu’une naïveté de femmes… »

Estelle parle vite, peut-être trop, elle a peur de ne pas aller au bout, peur d’être blessante alors qu’elle s’essaie juste à l’honnêteté, elle agrippe ses mains, comme pour l’empêcher de fuir, elle a ce regard suppliant, comme un chien qu’on aurait battu à de nombreuses reprises, mais qui revient encore et encore et encore avec cette affection, cet espoir.

- « Je veux… » elle voulait ce qui n’était plus possible d’avoir « revenir comme avant, ne pas me souvenir, je ne veux plus voir les images dans ma tête, les doigts sur mon corps ou dans mon corps, je ne veux… C’est horrible Merrick ! » une larme roula le long de sa joue « Tu comprends et je te vois toi, je te malmène toi, suis-je un monstre, qui voudrait vivre tout ça ?! D’une femme comme ça, je ne vaux pas mieux qu’un fleure de trottoir suis-je sans doute même plus bas que ça… »

Elle sent une deuxième perle rouler, alors qu’elle n’a pas terminé, alors que tout ce qu’elle conservait tente de sortir, tout en ayant cette volonté de renoncer. Finalement, elle n’est plus sûre de vouloir une réponse à tout ça… Elle n’en a plus envie, c’est comme si l’ensemble était trop difficile soudainement, comme si elle craignait d’entendre juste cette phrase qu’elle redoutait « tu as raison ». Alors, Estelle avait fini par se relever dans cette agressivité étrange, dans cette panique, dans cette angoisse grandissante.

- « Non oubli, Merrick, ne dis rien, s’il te plaît, oubli tout ça, je ne veux pas en parler » pourtant elle le voulait, du plus profond d’elle-même, elle tire sur sa main l’entraîne dans le sentier « Si tu rajoutes un mot, je t’assomme avec Brigitte, par les Trois Merrick Lorren je te promets que je le ferais. »

Parce qu’Estelle est devenue une professionnelle de la fuite en avant et que pour éviter toute confrontation elle serait prête à le frapper, c’était une évidence, pour autant, comment pouvait-elle réellement croire que juste là, Merrick n’allait pas vouloir échanger, converser, approfondir la question. La Chantauvent espérait simplement que lui aussi préfère choisir la fuite.

- « Les enfants m’ont dit que c’était par-là, normalement il devrait y avoir quelque chose comme une marre je crois » là aussi les signaux d’alerte devraient plus que largement se mettre en marche, mais Estelle ne connaissait pas l’extérieur ni les risques que l’eau pouvait représenter « Le cheval aurait été blessé, donc tu vois…. Le père voulait simplement nourrir ses enfants » parler, parler, parler pour ne pas offrir l’opportunité à Merrick d’en placer une et enfin, elle pivota vers lui, pour le détailler.

Derrière elle, la fameuse étendu d’eau, ou l’eau boueuse ne permettait aucunement qu’on n’y voie au travers, des traces de sang à peine visiblement et une multitude d’affaires visiblement fouillé éparpillée sur le sol.

- « C’est bon, Merrick, je t’ai dit que je n’étais pas enceinte, ce n’est pas la peine de me regarder comme ça, excuse-moi si je t’ai fait peur »

Cependant, là où elle ne pouvait pas voir, puisqu’elle était dos à l’ensemble, gigotant sur le sol sagement et se faisant visiblement menaçants aux vibrations du sol des deux aventuriers, quelques serpents tentaient de fuir ou bien de se défendre. Atteindre l’ensemble des affaires s’annonçait sans aucun doute plus complexe que ce qu’ils avaient imaginé.

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Merrick Lorren



Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyMar 28 Avr 2020 - 8:13
À pouvoir revenir dans le passé, à pouvoir choisir quand reculer et s'arrêter pour transformer ou modifier un instant, aussi fugace soit-il, Merrick Lorren aurait voulu se retrouver de nouveau avec Estelle de Chantauvent, tandis qu'il cheminait vers la porte du Crépuscle. De fait, ce bref moment avait tout d'abord été vécu comme un interlude et une accalmie, véritable étape dérisoire, mais ô combien capitale dans cette mer de tourment et d'effroi qu'ils traversaient ensemble. Le sourire retrouvé de la rouquine lui avait arraché le même genre de grimace, et les petites moqueries cachées dans les prises de parole de sa promise était à même de souffler un vent de paix et de douceur sur son âme déchiqueté par ses propres peurs. Toutefois, ce n'est pas simplement et seulement pour cela que le coutilier aurait voulu revenir à cet instant fatidique. En effet, la houle et le ressac des maux revinrent rapidement reprendre le contrôle de l'échange, tandis que Lorren partait en quête d'information à propos d'Eude de Chantauvent. Avançant à l'aveugle, tâtonnant pour trouver des bribes de réponses, l'ivrogne mit le doigt sur un sujet auquel il n'aurait pas dû, le comprenant que trop tard. Bien trop tard, avant qu'il n'ait eu la chance de se corriger.

Bien qu'Estelle commença tout d'abord à dédouaner son défunt époux, expliquant ses absences à cause de sa qualité de milicien et ses nombreuses missions, l'ivrogne eut un soupçon d'incertitude. Pour cause, il ne doutait guère que les... "heures supplémentaires" dudit lascar avaient pour sujet les femmes ainsi, bien loin de passer son temps à les défendres comme l'orphelin, Eude devait probablement leur courir après, partant en quête et conquête de la gueuse lorsqu'il était question de ses "repos". Ne connaissant pas le personnage, il gardait tout de même en tête qu'il lui était possible de se tromper. Toutefois, ce genre d'excuse était plutôt en vogue dans la milice. Ne voulant brusquer sa compagne et ne trouvant point d'utilité à la faire déchanter de sa dernière relation, Merrick essaya de ne pas répondre au questionnement de la Chantauvent. Est-ce que le jeune homme tentait de lui faire comprendre quelque chose ? Pas le moins du monde. Était-il possible qu'Eude eût trop de travail pour ne pas rentrer aussi souvent ? Pas le moins du monde. Lui avouerait-il ? Pas le moins du monde.

Ainsi, pensant stupidement avoir préservé les souvenirs d'Estelle, les réminiscences de son passé qui s'accrochait presque suffisamment fort à elle pour la voir sombrer, Merrick Lorren déchanta drastiquement lorsqu'elle mentionna que peut-être, un jour ce serait lui qui aurait trop de travail pour rentrer. Sa mâchoire s'affaissa sous l'effet de la stupeur, tandis que ses pas ralentissaient jusqu'à l'arrêt complet. Elle savait et elle avait compris. Et lui, comme un idiot, il lui avait donné les éléments de réponses ou rappelé ce passé sombre, disloquant et détruisant le peu de bons souvenirs qui lui restait encore de ces jours passés, entre la perfidie d'un frère et la tromperie d'un mari. Décidément, Estelle de Chantauvent avait et était toujours bien mal entouré. Merrick était lamentable d'avoir avivé les blessures de celle qu'il aimait. Adrien était bestial d'avoir osé abuser de sa sœur. Eude était pitoyable d'avoir trompé sa femme.

Ainsi donc, à pouvoir revenir dans le passé, à pouvoir choisir quand reculer et s'arrêter pour transformer ou modifier un instant, il serait revenu à ce moment précis pour éviter de faire souffrir encore et à nouveau Estelle de Chantauvent. Or, il était trop tard pour ça, alors qu'il arrivait devant la porte du Crépuscule et les miliciens en faction.

◈◈◈


Après cet instant de doute et de confusion, leurs pérégrinations les avaient amenés à l'extérieur de la cité, puis sur un sentier qui se dirigeait vers une maison ou du mouvement avait été perceptible au-devant de cette dernière. En s'approchant, Merrick avait reconnu le babillage intempestif des enfants, fronçant les sourcils en s'approchant de ce repère de gamin. À son visage, il était possible de discerner qu'il ne les portaient guère dans son cœur. Après tout, à ses yeux, ceux-ci ne faisaient que geindre pour un oui ou pour un non, faire du bruit à toute heure du jour ou de la nuit et se faire entendre pour attirer l'attention ou semer la confusion. Sans réellement en avoir conscience, le stupide et insipide ivrogne venait en quelque sorte de se décrire lui-même. Toujours est-il qu'il n'aimait aucunement ces nuisances qu'étaient les jeunes et encore moins lorsqu'ils étaient une ribambelle.

Prenant les devants, tombant sur le cadavre de l'équidé, Lorren fit à nouveau une erreur lorsqu'il mentionna qu'Eude le fangeux ne pouvait avoir commis pareille barbarie. Estelle lui mentionna que celui-ci n'aurait jamais fait ça. "Ah oui ? Il ne mangeait que des plantes, donc il ne s'attaquerait pas à un canasson, c'est ça ?" Répondit-il trop rapidement. Oh oui, Merrick Lorren pouvait dire ça. La preuve, il venait de le faire. Toutefois, il n'aurait pas dû... "pardon. C'est sorti tout seul." Puis grimaçant. "C'est l'habitude de dire..." de dire quoi, sombre idiot ? Des conneries et des stupidités ? "De dire tout ce qui me passe par la tête."

Ces attaques contre le disparu n'étaient pas vides de sens. Aussi puéril que cela puisse paraître, le coutilier s'était toujours senti en compétition avec celui qui avait été là avant lui, le jalousant pour avoir représenté quelqu'un d'aussi important pour la Chantauvent. Toutefois, aujourd'hui, tout était différent. Ainsi, Merrick abhorrait désormais Eude pour avoir blessé Estelle avec sa tendance à être volage. C'était peut-être un peu stupide de lui en vouloir pour cela, alors que lui-même était un ancien coureur de jupons éhonté, pouvant ainsi comprendre le scélérat, mais lui n'avait jamais renoué avec son passé frivole depuis sa rencontre avec la rouquine. Dès lors, devant pareille mésestime, Merrick avait de plus en plus de mal à se réfréner et à ne pas être trop vilipendant contre le mort devenu monstre.

La suite des choses sembla le punir pour le manque de respect affiché envers le défunt qu'il portait de moins en moins dans son cœur. De fait, c'est sous les coups d'un miséreux des Faubourgs qu'il s'enfuit, battant en retraite alors que la Chantauvent avait questionné des enfants pour tenter de soutirer plus d'information qu'il n'avait pas réussi à recevoir du gueux l'ayant agressé au visage. Se sentant plus que médiocre d'avoir été aussi impuissant devant cet inconnu, Lorren traîna Estelle derrière lui en la tirant par la main et en la noyant sous le flot de son baratin pour éviter de l'entendre mentionner la scène pitoyable à laquelle elle venait d'assister. En parlant à tort et à travers, Merrick évitait aussi son regard pour ne pas y lire une quelconque critique ou pour ne pas percevoir la honte qu'elle pourrait avoir de s'afficher en sa compagnie. Par la Trinité, il pouvait bien se moquer d'Eude, lui qui se faisait vaincre par un foutu quidam sans le moindre entraînement au combat et à la rixe !

Puis soudain, son esprit qui s'enflammait à cause de sa débâcle fut attaqué et complètement vidé par les mots de sa tenancière. Arrêtant tout mouvement, se retournant pour la regarder, les souvenirs de son lamentable échec s'évanouir, tandis que l'ivrogne perdit de sa superbe. "Enceinte ?!" Bien qu'il croisa son regard, il ne comprit aucunement que les propos de la propriétaire de la Chope Sucrée étaient un stratagème pour le faire taire et pour attirer son attention. Restant silencieux, interdit et ne sachant que trop en penser, l'homme d'armes blêmit, n'étant pas certain s'il appréciait l'idée. "Je... oui, d'accord." Répondit-il mécaniquement, s'approchant en fixant le ventre de sa partenaire, comme s'il pouvait voir une différence flagrante qu'il aurait manquée et qui prouverait les dires d'Estelle. Lorsqu'elle appuya sur son nez pour endiguer le saignement, Merrick eut un mouvement de recul naturel, avant de grimacer et recentrer son attention sur le visage de la jeune femme. Pourquoi souriait-il béatement comme un idiot ? Il avait toujours dit ne pas aimer les enfants pourtant... L'attrapant par la taille, il hocha rapidement la tête, faisant probablement s'écouler plus fortement le sang. "Je protégerais aussi notre enfant." Dit-il sérieusement en fronçant les sourcils, tentant de se convaincre lui-même, essayant d'être le bon père de famille qu'il n'aurait jamais cru être, mais qu'il pensait désormais être sans que ce soit véritablement le cas.

Toujours est-il que l'ivrogne tentait d'être fort pour affronter ce défi qui l'effrayait autant qui le... le réjouissait ? Il n'arrivait guère à le savoir, ne réussissant point à mettre des mots sur ce sentiment. Pour autant, il souriait stupidement, tout en ayant un frisson lui remontant le long de la colonne et en blêmissant. "Je ne fuirais pas Estelle. Je ne te laisserais pas avec..." bordel, avec quoi ? Comment le nommer à ce stade ? Était-ce réellement un enfant ? Devait-il parler de leur fils ? De leur fille ? C'était trop compliqué pour lui. Ce genre de déclaration ne venait pas avec un mode d'emploi ?! La suite des propos de la Chantauvent lui fit froncer les sourcils et la lâcher. Sa bouche se referma et son sourire se fana. "Je...je le sais bien, je plaisantais. Voilà tout !" C'était un mensonge et il ne mentait pas le moins du monde, imbécile comme il l'était.

Avant même qu'il n'ait pu ressasser cette histoire ou repenser à sa propre réaction pour tenter de la définir, la suite des propos de sa promise déboulèrent, semblant détruire la dernière digue de la retenue, tandis qu'elle s'épanchait et libérait les sentiments contradictoires, houleux et douloureux, qui l'étreignait et l'égratignait. À chaque mot et à chaque phrase, Merrick Lorren souffrait pour elle, percevant sa détresse et la lutte dont sa conscience était victime, déchirée et écartelée entre passé, présent et futur. Pinçant les lèvres et serrant les poings pour la laisser parler sans l'arrêter, sans la couper, le coutilier se fit violence pour attendre son heure, attendre le bon moment pour lui dire la vérité et la rassurer. À parler trop tôt, il avait peur de la voir se refermer. Or, à parler trop tard, il était terrifié de la voir se mutiler et se blesser trop profondément. Lorsqu'elle agrippa ses mains, il ne fit rien pour s'en libérer, serrant plus fort encore ses doigts pour lui prodiguer peut-être un infime réconfort. Du moins, si c'était possible face à autant de tracas et de problème à même d'oblitérer la moindre parcelle de douceur d'une existence...

Lorren n'avait aucunement été préparé à cette honnêteté. De fait, la dame de Chantauvent avait cette fâcheuse habitude de toujours le surprendre, d'amener le dialogue sur un sujet qu'il n'avait jamais cru possible, ou du moins, jamais au moment auquel il s'y attendait. Le fait qu'elle s'était prétendue enceinte était le premier exemple de cela, alors que ce monologue de ses soucis en était le second. Toujours est-il qu'encore une fois, il ne vit pas venir la suite, soufflé par la troisième embuscade menée et guidé par ses mots et propos. En effet, derrière le rideau de ses larmes, sa fiancée le força au silence, refusant d'en parler et voulant lui faire oublier tout ce qu'elle avait dit. "Estelle, voyons je ne peux pas..." Non, il ne pouvait pas faire comme si de rien n'était. Toutefois, c'est ce qu'elle lui demandait, allant jusqu'à le menacer plus ou moins sérieusement. "Mais...!" Et voilà. Brigitte venait se mêler de l'histoire, elle qui était rentrée dans l'équation pour l'intimider et le forcer au mutisme. "Bordel, Estelle ! Laisse-moi...!" Cette fois-ci, ce fut les Trois qui furent invoqués pour s'assurer qu'il garde le silence.

Complètement abasourdis assommé par tout ce qu'elle lui avait dit et désormais hébété par ses menaces pour le réduire au silence, Merrick Lorren ne sut comment réagir, s'il devait passer outre les risques qu'elle faisait encourir sur sa personne ou non. AAvant qu'il n'ait eu la chance ou le courage de se décider, il fut entraîné à la suite de son histoire. Ainsi parla-t-elle de la marre, du cheval et des enfants sans qu'il ne comprenne encore trop bien les tenants et aboutissants de tout cela, obnubilés et encore concentrés sur les derniers événements. La voyant se retourner et le regarder, le point d'eau derrière elle, le coutilier ne réalisa même pas le risque d'être aussi proche du limon et de la tourbe de ce trou d'eau où une créature pouvait s'y trouver pour les y amener par le fond, encore sous le choc du reste précédemment susmentionné.

-",Mais merde à la fin ! Oui, merde !" Frappant du pied dans un bout de bois il se mit à faire les cent pas devant elle, une main sur la hanche et l'autre sur le front. "Je ne te regarde pas comme ça parce que tu m'as dit que tu étais enceinte. Oui je t'ai cru, et alors ? Je...je suis un peu crédule. Mais je n'avais pas peur de...ça" dit-il en pointant son ventre. "Enfin pas trop." Essaya-t-il de corriger, tentant de lui faire comprendre qu'il n'était certes pas prêt à cette fausse nouvelle, mais qu'à l'instant fatidique où elle lui avait livré ce mensonge, il avait été préparé à l'éventualité d'imaginer leur futur à trois. S'arrêtant et secouant la tête, il tenta de corriger. "De toute façon, ce n'est pas ça qui est important pour le moment. Écoute-moi bien Estelle de Chantauvent. Je vais parler que cela te plaît ou non ! Je n'ai pas peur de Brigitte ou de tes menaces !" Il retint d'ajouter le mot "trop" à sa prise de parole qui se voulait courageuse.

-" À mes yeux, tu n'es pas immonde et tu ne seras jamais défini par ce que les autres peuvent t'avoir fait subir ou par comment ils te traitaient. Ton frère n'est qu'un immonde salopard et si ton époux ta réellement trompée, c'est le pire idiot. Voilà !" Merrick lâchait les quatre vérités sur l'entourage de la dame de Chantauvent. Ce n'était peut-être pas très intelligent de s'attaquer ainsi au fondement de son passé, mais elle avait été honnête avec lui, alors c'était désormais à son tour de l'être. "Il faut que tu comprennes une chose plus qu'importante, Estelle. Je ne suis ni Eude ni Adrien." Il parlait enfin plus lentement, laissant de côté la rage et la haine contre ces deux principaux énergumènes. "Je suis Merrick Lorren. Je suis un ivrogne, un lâche et idiot. Je suis moi et personne d'autre. Sachant cela, tu ne peux pas me comparer à eux. À certains égards, je suis plus lamentable et pitoyable qu'eux, mais à d'autres je vaux mieux..." se passant une main dans la chevelure, rapidement suivit par la seconde, il laissa ses bras retomber et se rapprocha, continuant à égrener son discours.

-"S'ils n'ont pas été dignes de confiance, ça ne veut pas dire que je ne le suis pas." Un pas. "Pour moi, tu es la plus belle femme que j'ai eu la chance de rencontrer." Un second."Pour moi, il est inconcevable d'aller voir ailleurs." Un troisième. " Si un jour tu ne te relevais plus, moi je te relèverais." Un quatrième. "Je ne t'abandonnerais pas, Estelle de Chantauvent..." Il s'arrêta. "Et puis merde, tu tiens peut-être à ton nom, mais si Eude est vraiment assez stupide pour t'avoir trompé, et qu'il est vraiment un crétin, il va falloir le changer ! Tu peux tout de suite oublier l'idée de revenir à de Miratour. Ça ne serait guère mieux, mais bien pire !" un cinquième pas. "Voilà la solution; Estelle Lorren." Dorénavant, il était juste devant elle, la surplombant de sa taille et la regardant convaincu. "Oui, bon. Ce n’est peut-être pas aussi classe que tes précédents noms, mais, c'est un peu mieux qu'on pourrait le croire."

Le coutilier avait plein de bonne volonté, toutefois, il n'était guère bon avec ce genre de conversation, lui qui fuyait généralement comme la peste ce genre de discours sérieux. Par chance, il avait appris peu à peu à faire face en côtoyant sa tenancière, réussissant à livrer le fond de sa pensée et les sentiments l'habitant. " La seule chose que je peux t'offrir pour oublier, c'est notre avenir à deux. Effacer complètement le passé est impossible, mais à avancer ensemble, pourrons-nous peut-être tenter de l'amoindrir ? Je veux vivre avec toi et t'épouser, est-ce trop compliqué à comprendre ?" Puis finalement; "À mes yeux d'ivrogne, mais d'homme intègre, tu n'es pas une moins que rien, mais plutôt la femme que je n'aurais jamais espéré avoir à mes côtés." Tout était dit. Lui aussi c'était livré, se lançant éperdument avec un brin de retard dans la bataille. Serait-ce suffisant ? Était-il trop tard ? Se ferait-il assommer et meurtrir par Brigitte ?

-"Bon !" Fermant les yeux et se penchant en crispant le visage, il hocha la tête. "Je suis prêt à l'attaque !" Aussi idiot, stupide et puéril que cela puisse paraître, Lorren laissait la chance à la rouquine de venir le frapper avec sa poêle de combat. Pourquoi ? Car elle avait juré par les Trois et qu'elle était de règle générale suffisamment pieuse pour s'y tenir...

◈◈◈

Si jamais Merrick Lorren survivait à la potentielle attaque, il finirait par ouvrir les yeux. Ainsi, et aussi surprenant que cela puisse paraître, encore plus si la rouquine l'avait véritablement malmené de sa main ou de son arme, le coutilier lui aurait souri tendrement, attrapant sa main droite et déposant ses lèvres sur le revers de cette dernière. "Qu'importe ce que tu peux en penser ou penser de toi, je t'aime. Là, maintenant, mais aussi demain et à l'avenir". Peut-être que l'instant avait duré plus longtemps ou non. Potentiellement que sa tenancière avait voulu mettre un point à cette histoire, les voir rentrer et abandonner la traque d'Eude. Si tel était le cas, l'ivrogne l'accepterait, sachant pertinemment qu'elle était la principale concernée de tout cela et lui, simplement son support à elle. Cependant, peu importe sa décision, il s'approcherait des affaires du cavalier mort à la Chope Sucrée avant de rentrer.

Réalisant enfin où ils étaient et la stupidité d'avoir parlé aussi librement et longuement à promiscuité d'un point d'eau assez profond pour cacher un monstre, Lorren blêmit. "Estelle, nous devons nous dépêcher." Par chance, aucun fangeux n'était apparu durant leur dialogue. Toutefois, cela ne voulait pas dire que ce ne serait pas le cas. "Cette tourbière est un peu comme..."comment lui faire comprendre ?" ...Comme leur terrain de chasse." Attrapant sa main et s'approchant du matériel, il suspendit sa manœuvre en voyant les serpents. Soupirant, il secoua la tête en tapant du pied sur le sol à bonne distance. Par chance, les serpents étaient sourds, incapables de gagner en agressivité à cause de leur discussion qui avait peut-être un peu traîné. Toutefois, ceux-ci ressentaient les vibrations, et bien que venimeux, cela devrait suffire à les voir fuir. Jetant un regard à sa compagne, il voulut s'assurer d'un élément, alors que les vipères plongeaient dans le limon aux abords du bassin d'eau. "Tu n'as pas aussi peur des serpents que des blaireaux ?" Mieux valait s'en assurer là, maintenant, avant qu'elle ne parte à courir en tout sens, comme cela avait été le cas tandis que le couple avait essayé d'atteindre le Labret pour rencontrer les fournisseurs de la Chope Sucrée.

-"Dépêchons-nous d'aller voir." Promulgua-t-il en s'approchant de la multitude de matériels qui traînait aux alentours. Sans l'ombre d'un doute, Merrick ne pourrait tout sonder seul. Ainsi, ses propres découvertes pourraient ne pas être suffisantes pour dresser le tableau d'ensemble et Estelle risquait elle aussi de trouver des éléments important ou intéressant pour comprendre l'ensemble des mystères important. Dès lors, peut-être que l'un trouverait des détails insignifiants, alors que l'autre réussirait à lever le voile sur une partie de cette histoire qui partait d'Eude sans déboucher nulle part...

Attrapant la première sacoche à sa portée, Merrick en sortit un petit morceau de bois usé par le temps, où un emblème d'une enclume, symbolisant probablement une forge, était gravé dessus. Le reste du dessin était en partie effacé par l'usure. "Ça te dit quelque chose ?" Demanda-t-il en montrant l'élément à la Chantauvent. Par la suite, au fond de la même sacoche, l'ivrogne trouva des rations alimentaires pour un long voyage. " C'est peu commun pour un habitant du peuple de se promener avec autant de nourriture. Maintenant, s'il était réellement un banni..." L'idiot qui l'avait agressé ne devait même pas avoir pris le temps de fouiller plus adéquatement les sacoches que nécessaire. S'il l'avait fait, celui-ci aurait trouvé ces rations séchées, emballées dans des morceaux de tissus. Attrapant la sacoche de selle qu'il venait de fouiller, la déposant sur son épaule, Lorren leva la tête, réalisant qu'ils étaient à l'ombre des murailles. Puis rivant son regard sur le sol, avisant le sang et la zone de combat qui était devenu leur lieu de fouille, il tenta de recréer les événements dans son esprit.

-"Nous savons que le banni mort à la Chope a été attaqué par un fangeux. Maintenant, nous savons où" dit-il en montrant l'endroit autour de lui. "Le fangeux doit être sorti de l'eau et l'a attaqué par surprise." Levant la tête, avisant le haut des créneaux, il continua; "Si la bête traîne dans les parages, je ne serais pas étonné qu'il provienne de là haut. Peut-être qu'il a été... lancé ou tué de là," dit-il en pointant le sommet des fortifications. Voilà ce que le coutilier pouvait en déduire de tout cela. C'était plutôt maigre, il fallait l'avouer...

-"As-tu trouvé quelque chose de ton côté ?" Demanda-t-il curieusement. Puis, avisant la course descendante de l'astre solaire, il questionna la Chantauvent; "Nous devrions rentrer. Nous nous sommes éternisés trop longtemps ici... peut-être pourrions-nous aller voir sur la muraille, juste au-dessus ? Ce n'est pas très loin de la Porte du Crépuscule, nous ne perdons rien à vérifier..." Il y avait probablement peu de chance de trouver des indices à cet endroit. Toutefois, le jeu n'en valait-il pas la chandelle ?

Le coutilier ne savait pas quoi penser de ses découvertes et de ses déductions. Est-ce que la propriétaire de la Chope Sucrée y verrait plus clair que lui, ou découvrirait-elle d'autres éléments ? Généralement, les enquêteurs se basaient sur un cadavre pour mener leur investigation. Or, pour eux, tout était le contraire, alors qu'il cherchait à percer le mystère sans avoir eu la chance et sans vouloir poser les yeux sur le fangeux. Du moins, pour Merrick Lorren... Au final, peut-être était-ce la fin de tout cela si la rouquine préférait y mettre un terme. À son écoute, plus concentré et concerné par son état à elle que la résolution de la mort d'Eude, l'ivrogne était prêt à tout laisser aller et à tout abandonner pour la sérénité de nul autre que d'Estelle de Chantauvent...
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MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyMar 5 Mai 2020 - 14:04


Il y a des blagues qu’il ne faut sans doute jamais faire, Estelle venait d’en avoir l’absolue certitude bien malgré elle. Si la dame de Chantauvent n’avait pas compris immédiatement que Merrick l’avait prise au sérieux, elle n’en fut pas moins plus que surprise de la réaction. Ses lèvres s’étaient légèrement écartées l’une de l’autre, dans cette lenteur dubitative, presque sous le choc. Jamais n’aurait-elle pu envisager même un infime instant que son coutilier puisse apprécier l’idée d’être père. La claque surprise qu’elle espérait avoir mise à Merrick pour attirer son attention lui fit retourner et ce fut dans le silence qu’elle accueillit l’ensemble. Ses doigts venant tapoter la blessure de l’homme d’armes, alors que ses pensées s’entrechoquaient avec une violence certaine. Merrick Lorren appréciait l’idée… Et elle ? Ses lèvres se pincèrent de plus en plus fortement, alors que ses doigts maladroits devaient faire pression de cette manière indélicate. Finalement, celui qui avait le plus surpris l’autre n’était pas nécessairement elle… Silencieuse pour débuter, alors que son presque mari –peut-être ?- réalisé qu’elle avait fait preuve d’une cruelle manière pour attirer son attention tentait de se dépatouiller pour faire croire à une plaisanterie réciproque. Trop tard. L’idée même de renoncer à son discours, son besoin de parler s’était fait ressentir, oui, mais la force de la révélation n’avait fait que renforcer l’idée que leur couple méritait une véritable chance, un véritable équilibre et une marque de confiance. Si aujourd’hui Estelle ne communiquait pas, alors elle ne le ferait jamais. La rouquine se lança donc dans un monologue confus, honnête et sincère.

Ce n’est qu’après s’être enlisée elle-même dans un bon nombre de révélations, qu’après avoir sentie sa gorge se briser, se faire soumettre par les émotions, sentie les larmes inondées un infime instant ses joues, qu’Estelle prit la décision de renoncer. Pire elle obligea Merrick à faire de même en le menaçant par trois fois, d’abord en simple demande, puis avec Brigitte et enfin en invoquant la promesse ultime des Trois. La tenancière avait eu le malheur de se croire prête à avoir ce genre de conversation, réalisait-elle sans doute trop tard qu’elle s’était sans aucun surestimé. Prenant une inspiration, puis une autre, sentant ses doigts s’entremêler nerveusement tout en malmenant la poignée de Brigitte, Estelle finit par se détourner revenant à l’histoire principale : les enfants, les indices, les choses à savoir. Le coutilier avait toujours été plus ou moins peureux, du moins, c’est ce que en sa compagnie il lui avait toujours dit. Néanmoins, aurait-elle dû se douter, après avoir constaté plus d’une fois le contraire, qu’une nouvelle fois, l’homme d’armes ferait preuve d’une autorité masculine et surtout d’une forme de courage bien importante. Naïve, Estelle ne l’avait cependant pas vue venir sur l’instant, ce ne fut qu’en se retournant et croisant son regard qu’elle comprit.

Ses lèvres se pincèrent encore, alors que ses prunelles effleuraient cette silhouette qu’elle affectionnait plus que de raison. Il avait été vulgaire à sa façon, fait preuve d’une certaine impulsion qui la toucha, non pas sans manière d’agir, mais dans les mots utilisés. Si la rouquine avait eu encore un instant de doute vis-à-vis des sentiments de Merrick ou de son engagement, celui s’envola rapidement, comme éclipsé par des paroles sans doute maladroites, mais bien trop pleines de sincérité. La rouquine l’avisait donc, faire un nombre de pas multiple, en boucle, une main sur les hanches. L’image était plus ou moins amusante, si la profondeur de la conversation n’était pas aussi complexe.

S’il y a bien des éléments qu’on pourrait reprocher à Merrick Lorren, il y en a bien d’autres qu’on pourrait lui attribuer. Ainsi, Estelle l’écoutait, presque religieusement, le regard rivé vers son visage, puis suivant le moindre mouvement. La dame de Chantauvent sentait son cœur se nouer, juste là dans sa poitrine, son ventre se tortiller, sa gorge la picoter, mais plus réellement de tristesses, de toute autre chose. La tenancière de la chope sucrée aurait pu s’offusquer, que ce soit vis-à-vis de la réalité prononcé au sujet de Eude, ou d’Adrien, mais elle n’en fit rien. Estelle aurait pu se révolter, ou le repousser, mettre cette distance qu’elle mettait entre eux depuis bien involontairement, là encore, elle n’en fit rien. Merrick avait les mots, oui, juste les bons mots. Ce fut donc un silence, un simple silence qui vint compléter le discours de son milicien, alors qu’elle aurait volontiers abandonné les armes, abandonné l’idée de trouver Eude ou les affaires du cadavre qui devait se trouver encore dans sa cour. Estelle ne trouvait pas les mots, ou ne parvenait simplement pas à les prononcer, sa bouche s’ouvrait, puis se refermait de cette manière répétitives sans qu’aucun son ne s’en échappe. Il était désormais juste là, devant elle, sans qu’elle ne voit autre chose que l’homme qu’elle aimait dans une sincérité désarmante. Puis elle n’avait pas compris, lui, qui était là, proposant, attendant même qu’elle le frappe. Son nez s’était légèrement relevé vers son visage, son menton tout autant, elle s’était hissée sur la pointe des pieds pour venir déposer ses lèvres contre les siennes. Par les Trois, faudrait-il être insensé pour venir le frapper après tout ça.


- « Tu es vraiment un idiot, Merrick Lorren » souffla-t-elle en se détachant.

Néanmoins, une promesse étant une promesse, Estelle vint effleurer le haut de la chevelure brune de sa brave Brigitte, aucune douleur, aucun geste incontrôlé non, un simple petit coup rapide et léger. Ceci fait, elle s’était écartée d’un pas, avisant celui qui venait une nouvelle fois de l’amadouer de la plus belle des paroles. Incapable de répondre, incapable de lui retourner les douces paroles, Estelle fit une nouvelle fois silence, détaillant simplement celui qui tenait ses mains, lui offrant un sourire sans être capable de lui offrir ne serait-ce qu’un tiers de ce qu’il venait de lui formuler. Prenant une légère inspiration, elle se promit de se rattraper, sans réellement savoir comment, sans réellement comprendre comment. Ce fut Merrick qui une nouvelle prit les devants, revenant dans la réalité de l’instant. Fronçant les sourcils, Estelle ne réalisait pas vraiment la problématique du point d’eau, néanmoins, n’avait-elle pu que raisonnablement faire confiance à son coutilier, reculant d’un pas avant de devenir aussi pâle qu’un cadavre mort depuis de très nombreuses années.

- « Me… Me…Merri…Merrick » souffla-t-elle avec lenteur en détaillant la totalité des serpents non loin d’elle.

À bien y réfléchir, c’était presque déjà surréaliste que la rouquine n’est pas remarquée avant l’ensemble, elle qui était terrifiée par tous les animaux en général. La bouche ouverte, tremblant sur place, elle était terrifiée et observer sans le moindre mouvement les agissements de Merrick qui en tapant ainsi sur le sol faisait bouger les horribles créatures… Écarquillant davantage les yeux, tremblant toujours plus fort elle relevait le nez vers celui qui s’interrogeait encore sur sa phobie… Si elle avait peur autant des serpents que des autres bêtes ? Évidemment !!! La rouquine retenait de justesse un cri de s’échapper de ses lèvres, alors que déjà les rampants continuaient à se déplacer juste là, on loin de ses pieds…

- « Dépêchons quoi…. ? JAMAIS !» grommela-t-elle Brigitte non loin du sol prêt à terrasser la moindre chose s’approchant de ses pieds « Je ne bouge pas d’un pouce Merrick Lorren, ça va nous tuer, c’est SUPER dangereux ça, j’en suis certaine !!!! » gémit-elle en sautillant sur place par crainte de voir une bête surgir gueule ouverte dans sa direction « Pourquoi faut-il TOUJOURS qu’on tombe sur des immondices pareilles ?! » s’indigna-t-elle terrifiée « Porte-moi !!! Hors de question de me faire agresser par ça !!!!»

Battant des cils, le détaillant tel un chat roux battu à de nombreuses reprises, Estelle ne pouvait envisager de se déplacer ainsi…. Malheureusement pour heureusement, difficile à dire Merrick s’appliquait déjà dans sa recherche d’élément, prenant une légère inspiration la rouquine devait bien se résoudre à l’idée de faire de même. Ce fut donc Brigitte parfaitement contre elle, qu’elle se déplaçait demi-pas par demi-pas, relevant du bout de sa casserole les éléments, farfouillant ici et là sans réellement savoir ce qu’elle cherchait, relevant le nez vers ce qui lui montrait Merrick, elle secoua la tête négativement. De son côté Estelle ne trouvait pas grand-chose dans les fameuses affaires, des vêtements, des dagues, rien de particulier tout du moins à première vue, fallait-il bien avouer qu’elle ne regardait pas tout en détail et qu’elle ne se souvenait même plus ce que lui avait montré Merrick.

- « Je ne trouve rien » soupira-t-elle sans réellement avoir cherché, sans doute n’avait-elle plus envie de trouver le fin de mot de l’histoire. Puis ses doigts effleurent autre chose, ou plutôt Brigitte. Juste là sous ses yeux se trouvaient un effet qu’elle ne pourrait oublier « C’est une lettre… » il était évident qu’Estelle ne savait pas lire, elle l’avait déjà dit, hormis pour des basiques et encore, mais la lettre n’était pas vraiment une lettre, plutôt un plan, un plan des égouts… avec un symbole qu’elle reconnaissait entre mille : celui de sa famille.

Récupérant l’ensemble, sans trop y réfléchir, elle prit également la nourriture et l’ensemble des affaires qu’elle pouvait récupérer : après tout, autant ne pas abandonner ici ce qui pouvait encore être utilisé. Avisant celui qui se lançait dans ses premières suppositions, Estelle secoua simplement la tête. La fatigue commençait à se faire ressentir, l’incompréhension et surtout la force de l’instant. La tenancière n’était pas une combattante, elle n’était pas habituée à voir du sang ni à être aussi proche de la fange, elle vivait une vie paisible et n’était clairement pas convaincu de savoir se défendre à la moindre difficulté… Ainsi quand Merrick proposa de rentrer, elle opina vivement avant de déchanter. C’était sans doute un peu trop pour elle.

- « Je veux rentrer… » murmura-t-elle soudainement fébrile

Une peur venait de naître dans son esprit, alors qu’elle n’avait aucune évoquée à Merrick sa trouvaille, pire qu’elle avait simplement secoué la tête négativement. Si sa famille était liée à tout ça, si Adrien… Cela lui semblait absurde, mais chaque fois qu’elle avait cru impossible un comportement de son frère, celui-ci s’était révélé plus véritable que jamais. Prenant une inspiration, nouant ses doigts, son visage avait soudainement pâli, si Adrien avait des fréquentations si peu fiables comme les bannis que seraient-ils prêts à faire contre Merrick ? L’idée avait fini par la terrifier, la terrasser. Elle offrit un demi-sourire à Merrick, tout en s’enfonçant dans cet étrange silence qui commençait à caractériser ses inquiétudes.

- « On rentre… Je voudrais.. Profiter un peu du temple, tu veux bien ? »

Elle lui tendit une main, comme pour le ramener à elle. Estelle aurait voulu que tout soit différent, elle aurait voulu ne pas se retrouver à enquêter sur la mort de son mari, ni même découvrir l’ensemble des actes de son frère. Elle aurait voulu simplement épouser Merrick, gérer la chope sucrée, prendre plaisir à se reconstruire. Tout était bousculé par la réalité, mélange de présent et de passé, tout semblait la dépasser si brutalement. Prenant une inspiration, récupérant s’il ne l’avait pas prise la main de Merrick pour l’entraîner vers la sortie, tout en maintenant bien évidemment Brigitte contre elle de l’autre côté. La rousse était à la fois inquiète et soulagée, soulagée de rentrer, inquiète de savoir que tout ceci ne pouvait être qu’une mise en scène… Et puis, plutôt que de s’accrocher au négatif, Estelle avait envie de voir le positif. Trouvant un peu de courage au fin fond de son ventre, elle osa, presque maladroitement.

- « Je voudrais… qu’on prépare notre mariage Merrick… » débuta-t-elle dans cette hésitation perceptible « Ou qu’on ne le prépare pas si tu ne veux pas, mais qu’on se mari… Ça peut aller vite, tu sais… Je voudrais juste… » que cela soit concret, réel sans doute aussi.

Lâchant un soupir et détournant le regard, elle ne voulait aucunement paraître pressante, même si c’est ce qui devait en ressortir sur l’instant. Comment bien souvent, Estelle avait fini par renoncer à son idée, son argumentation, consciente que cela ne mènerait à rien. Émettant une légère pression sur les doigts de Merrick, la rousse renonça donc, à sa manière.

- « Rien ne presse ne t’inquiète pas…. Merrick… Tu ne m’en voudras pas… si… Enfin je n’ai jamais eu d’enfant, peut-être que Serus ne souhaite pas m’offrir ce type de bénédictions» souffla-telle avec lenteur, néanmoins sincère, « Et tu ferais un très bon père, je m’excuse pour tout à l’heure, je ne voulais pas te décevoir, je ne pensais pas que tu… Enfin… Je n’imaginais pas que… » qu’il soit sincère, qu’il se projette à ce point en sa compagnie, il y aurait tant à dire « Je te propose… Je te propose du repos pour ce soir… Juste toi et moi d’accord ? Un moment calme dans les thermes du temple, un petit temps de prière, un repas juste à deux, tu veux ? »

Devant elle s’offrait déjà les portes de Mabrume, avec les mêmes deux miliciens qui faisaient déjà signe vis-à-vis de la vérification des avant-bras. S’immobilisant Estelle ne put que s’exécuter, sans davantage s’offusquer. La vérification fut réalisée, sans que rien ne soit à signaler, Estelle s’autorisa néanmoins une question, un peu trouble.

- « Pensez-vous que les égouts soient encore beaucoup fréquentés ? »
- « Eh bien » répondit le premier en dévisageant Merrick d’un air interrogatif « La milice à condamner en principe la totalité des accès de la milice… Mais le coutilier Lorren a déjà dû vous dire que parfois, ont en retrouvent certains d’ouverts… Néanmoins, vous ne devez guère vous inquiéter, madame… La milice fait tout son possible… »

Elle offrit un sourire, simplement, opinant avant de s’excuser de sa question. Estelle était un peu troublée par les événements, ne parvenait pas à réfléchir dans le bon sens, dans le bon endroit, si bien qu’elle s’excusa un instant avant d’avancer de quelques pas. Naturellement, elle avait pris la direction de la chope sucrée, au moins pour déposer l’ensemble des affaires et prendre des vêtements propres. Percevant les pas de Merrick, la Chantauvent se promit d’évoquer avec lui les faits, sans pour autant en parler dans l’immédiat, souhaitait-elle déjà profiter un peu du calme, de lui, d’eux.

- « Venez assister à la représentation des farfelus, venez, venez » hurlé un peu plus loin un crieur « Les farfelus, une troupe reconstituée depuis peu, première représentation ce soir ! N’hésitez plus ! »

Son regard s’attarda un long moment sur le crieur, elle était curieuse, mais avait aussi cette envie plus que présente de retrouver un peu de calme d’apaisement, néanmoins, l’idée n’était peut-être pas mauvaise.

- « Qu’est-ce que tu en penses peut-être qu’après… » elle l’avisa un long moment, offrant un sourire « Merrick je.. » je t’aime, elle aurait voulu le dire, sans y parvenir, prenant une inspiration, elle l’attira simplement à elle pour l’embrasser « Rentrons chez nous, tu veux ? » elle lui offrit un large sourire « Qu’est-ce que tu penses de tout ça ? » demanda-t-elle enfin.

Le duo devait arriver enfin à la chope sucrée, entrant à l’intérieur, elle avait délaissé les affaires ici et là, avant d’allumer quelques bougies. Prenant une intense inspiration, elle détailla celui qui se trouvait non loin d’elle.

- « Je te laisse le choix, mais je te demande juste.. De laisser de côté pour ce soir toutes nos découvertes, tu as le choix, on peut rester ici, aller aux thermes, puis profiter du théâtre ! Ou bien rentrer et je te prépare un repas juste pour nous… Mais on devra parler de la chope Merrick… Je veux qu’on avance ensemble, je veux que tu me dises ce qui te plaît… peut-être que finalement tu ne rêves pas d’avoir une chope sucrée à charge ? Et que tu préfères devenir sergent… avoir une femme et des enfants dans une petite maison…. Si c’est ce que tu veux… Je veux juste te voir heureux, tu comprends ? »

Immobile, Estelle venait sans doute de lui prouver son affection sans même s’en apercevoir. Ainsi, venait-elle de proposer à Merrick, le plus sincère du monde de renoncer à tout ce qu’elle avait construit pour faire son rôle de femme et d’épouse. La Chantauvent ne voulait plus que chacun avance dans un sens ou dans l’autre, elle voulait avancer avec lui, pour lui, ensemble.



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MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyMar 5 Mai 2020 - 21:12
Les yeux de Merrick Lorren étaient fermés, plissés à l'extrême. Son visage fomentait pareille mimique, tandis qu'il serait la mâchoire, fronçait les sourcils et rentrait la tête dans ses épaules. Pourquoi ? Car il allait subir l'opprobre d'une attaque, les tourments d'une agression armée. Attendant l'offensive dans le noir le plus complet, dansant d'un pied sur l'autre en ne sachant point quand le coup allait partir et venir à sa rencontre, ni avec quelle force, le coutilier commençait à craindre le pire, percevant ce calme comme celui précédent la tempête. Était-il allé trop loin en insultant tour à tour de Miratour et de Chantauvent ? Avait-il franchi une ligne invisible, mais immuable dans ses propos à l'encontre de ces deux scélérats, devant cet homme et ce monstre qui la torturait ? Ouvrant un œil pour entrapercevoir son opposante, le stupide et ô combien insipide ivrogne hocha la tête. "Je...je suis prêt !" Ainsi donc, au comble de son idiotie, Merrick Lorren se laissait être la cible bien malheureuse de l'ire d'Estelle de Chantauvent et la victime de la non moins fameuse Brigitte...

Pour autant, cette mise en scène, cet abandon devant l'assaut à venir, n'était pas complètement dénuée de sens. Il était prêt à servir d'exutoire à la peine ou à la hargne de sa compagne. En outre, Merrick acceptait aussi d'être sacrifié sur l'autel de la fervente croyance de sa tenancière vis-à-vis des déités. De fait, elle avait juré sur les Trois de le frapper s'il ouvrait la bouche, et bien évidemment, c'est ce qu'il avait fait. Ainsi, pour ne pas la froisser avec sa pieuse existence presque parfaite, si ce n'était de sa présence dans sa vie et de quelques petits moments d'égarement en sa compagnie, Lorren acceptait le châtiment. Dès lors, le couard faisait cette fois-ci preuve de courage. Subséquemment, elle était bien l'unique personne à même de lui soutirer pareil force; la propriétaire de la Chope Sucrée, celle qui allait devenir sa femme. Du moins, si elle ne le tuait pas, là, maintenant... Incongru comme situation entre deux personnes s'étant promis conjointement de s'offrir un futur à deux ? Tout à fait. Or, y avait-il simplement un élément qui ne sortait pas de l'ordinaire avec ce couple, eux qui chassaient un précédent époux fangeux, là, aux alentours des faubourgs et ce menaçant l'un vis-à-vis de l'autre à l'aide d'une poêle en fonte ? Pas le moins du monde.

-"Oui je sais. On me le dit souvent." Répondit-il lorsqu'elle la rouquine le traita d'idiot après que leur lèvre se soit rencontrée, renouant avec cet élan de tendresse qui était de plus en plus rare dans cette mer d'affliction sur laquelle tous deux voguaient. Décidément, cela devenait une habitude d'être associé à la stupidité pour le coutilier. Par chance, il avait une estime personnelle suffisamment haute, même probablement trop grande, pour passer outre cette petite insulte qui revenait perpétuellement pour le décrire. Haussant les épaules, décidant que cette tendance à la bêtise faisait partie de son charme, Lorren referma son œil en souriant. Avait-il bien perçu les émotions de la Chantauvent ? Avait-elle abandonné son idée de le châtier ? Pas le moins du monde. Alors qu'il ne s'y attendait pas, l'agression eut lieu.

Aucunement douloureuse, même doucereuse, la rencontre de Brigitte avec son crâne ne lui infligea pas le moindre mal et ne l'affligea pas le moins du monde. Toutefois, le jeune homme ne se fit pas prier pour s'en plaindre. " Aie ! Je ne méritais rien d'aussi puissant !" Mentit-il en rouvrant les yeux et se passant une main sur le sommet de la tête. Grimaçant, pour faire bonne mesure, préférant renouer avec l'amusement que le désarroi le désarmant, l'homme d'armes fut tout de même ramené plus que brusquement à la réalité lorsqu'il prit conscience d'où ils étaient. Aux alentours des Faubourgs, de cette zone calamiteuse pour l'humanité, là, où les bêtes guettaient la moindre proie passant par mégarde sur leur terrain de chasse. Ce n'était pas un lieu pour s'amuser et s'égosiller. Le duo devait se dépêcher de compléter ce pour quoi ils étaient venus et déguerpir sans demander leur reste.

C'est ainsi qu'ils purent se mettre à l'œuvre, enquêter et partir en quête d'informations concernant le banni mort à l'intérieur de la Chope Sucrée. Du moins, ils durent auparavant faire face aux serpents et à la non moins dangereuse phobie de la moindre bête d'Estelle. " Regarde, ils partent, ils partent !" Tenta de l'encourager Merrick en retenant un sourire. "Évite d'en faire de même, d'accord ? La dernière fois, ça ne s'est pas très bien passé ta petite course dans les bois..." Puis en transformant son rire en une quinte de toux bien malhabile; " Ils ne sont pas si dangereux, voyons. Je ne te porterais pas. Après tout, tu m'as agressé un peu plus tôt, alors tu ne le mérites pas. En plus, je suis certain que j'ai une bosse sur le crâne !" Mentit-il, sur le bord de la rupture et de se plier à son caprice, violemment heurté et déchiré par ce regard implorant. "C'est de la triche, ça, Estelle..." termina-t-il en fronçant des sourcils et n'aimant guère être aussi faible devant pareil minois.

Finalement, les recherches du coutilier furent plutôt vaines. Rien ne sortait réellement de l'ordinaire, si ce n'est de la nourriture et de cet emblème d'une forge gravé à moitié effacé qui ne signifiait rien à ses yeux et semblaient abscons de la moindre importance à ceux de la Chantauvent. Pour sa part, sa promise trouva une lettre, ou plutôt une carte des égouts définissant le chemin pour rentrer dans le dernier bastion de l'humanité. Le jeune homme la regarda rapidement sans y prêter plus d'attention de prime abord. Ainsi, il ne vit pas le signe de la famille d'Estelle. De toute façon, l'aurait-il reconnu ? "Bon, nous savons maintenant comment il est rentré. Il reste à savoir comment il est sorti avec son cheval hier soir." Continua-t-il en fronçant les sourcils. Il savait qui officiait à la Porte du Crépuscule hier. Après tout, Lorren et ses hommes avaient été relevés par ces derniers, puis deux quidams de ce groupuscule avaient tenté d'abuser de la rouquine. Était-ce sa haine envers ces infâmes hommes d'armes qui lui faisait faire des liens et imaginer des cabales où ceux-ci pourraient laisser passer un banni ? Décidément, il faudrait faire un rapport à la sergente d'Algrange. Enfin, de Rivefière...

Continuant pendant un moment à déblatérer et tenter de raisonner sur l'ensemble de l'histoire, l'ivrogne proposa finalement à la tenancière de rentrer. Chose qu'elle accepta, mettant de l'avant qu'elle désirait aller directement chez eux. Merrick ne se fit pas prier ou ne se rebiffa pas le moins du monde, lui-même bien heureux de reprendre la route vers la Chope Sucrée. "D'accord, rentrons." Lorsqu'elle lui parla du temple, le jeune homme grimaça, mais finit encore une fois par assentir à la demander. "Oui...le temple. Bonne...idée." Évidemment, il n'en croyait pas un mot. Ses doigts entrelacèrent ceux de la jeune femme, lui permettant rapidement d'oublier cette histoire de temple. Le jeune homme était un homme bien simple; la main de celle qu'il aimait lui suffisait amplement à oblitérer de sa conscience les tracas occasionnés par une tâche ou une nécessité ne lui plaisant guère. Subséquemment, sa tendance à faire fi de la moindre responsabilité et éviter de penser à ce qui le dérangeait, s'aveuglant lui-même, aidait bien. Toujours est-il que la suite le surprit, elle qui ne s'attendait pas du tout à ça, là, maintenant.

Le mariage.

Oui, il était grand temps d'en parler. Le coutilier s'était trop longtemps reposé sur cette promesse, déjà comblé et bien à son aise dans la simple idée de nouer son existence dans un avenir plus ou moins rapproché avec sa partenaire. Or, pour elle, cela semblait plus important, plus pressant. Était-ce à cause de sa vision envers la Trinité ? Ou bien, était-ce à cause que sa réputation en pâtissait d'être à la fois la future femme d'un incapable et d'un indécis qui n'avait pas encore officialisé plus que nécessaire la chose ? Décidément, même avant que les rubans ne soient officiellement échangés, Merrick avait déjà commis un impair en repoussant cette échéance pourtant cruciale...

-" Que désires-tu comme mariage, Estelle ?" Lui demanda-t-il directement, offrant une légère pression sur sa main, lui montrant que le sujet n'était aucunement tabou ou difficile.Elle qui vivrait la cérémonie une seconde fois, que changerait-elle de la première, que voudrait-elle vivre de la seconde ? Reprise de ce qui avait été acté, ou nouvelle façon d'agir, dans ce futur qu'ils voulaient créer à deux ?"Quelque chose de plus privé, ou une sorte de grande célébration ?" En posant sa question, lui-même se demanda ce qu'il voulait. Probablement qu'il aurait préféré nouer ce lien loin des Trois, loin de ceux ayant abandonné l'humanité. Évidemment, impossible de dissocier le mariage et le culte aux divinités. En outre, jamais ô grand jamais il ne le dirait de vive voix, ayant trop peur que leur vengeance ne s'abatte sur lui. Or, Lorren avait affreusement peur de célébrer un quelconque rituel sacré de la Trinité. Le dernier en date auquel il avait participé, le couronnement du roi, c'était terminé sur une hécatombe, transformant la place des pendus en un charnier. " Décidons une bonne fois pour toutes d'une date, veux-tu bien ? Ça sera déjà plus concret." Puis après une brève hésitation, il poursuivit; "Désolé. Je n'ai jamais été très...enfin, je n'avais pas compris à quel point ça pouvait être important pour toi. Maintenant, que j'en prenne enfin conscience, ça l'est pour moi aussi." Se penchant, il déposa ses lèvres sur son front. "C'est même une priorité !"

Puis, le sujet dévia sur les enfants. Lorren comprit qu'Estelle n'avait aucunement cru à sa défense, lui qui avait tenté de prétendre qu'il n'était pas tombé dans le piège, qu'il n'avait jamais cru que celle-ci était réellement enceinte. Cela avait été bien futile et vain, tandis qu'elle revenait sur le sujet, offrant des mots face aux désarrois qui avaient étreint son milicien lorsqu'il avait cru devenir père. "Je ne sais pas réellement si je veux ardemment des enfants. Ta déclaration était si soudaine que je... que je me concentrais simplement à ne pas fuir mes responsabilités, sans chercher à comprendre ce que je désirais." Puis il haussa les épaules. "Si tu ne peux pas avoir d'enfants, ce n'est pas plus grave... tu sais, je ne suis pas là pour eux, mais pour toi avant tout." Lorsqu'elle mentionna qu'il ferait un bon père, il ne fit que sourire en secouant la tête. Le coutilier en doutait amèrement, plus ivrogne que modèle, plus couard que brave. Comment pouvoir et vouloir défendre un enfant, alors qu'il avait déjà abandonné sa famille aux griffes et aux crocs de la fange ? Non, il n'arrêtait pas de penser qu'il ne devrait pas devenir le pilier d'une famille, lui qui était incapable de supporter sa propre vie seul. Au final, sans réellement le savoir, ou en avoir conscience, c'est cette peur qui lui faisait hésiter à vouloir d'une progéniture.

Puis, ce fut l'idée d'une soirée calme à deux qui fut amené. Souriant et hochant vivement la tête, le regard pétillant, Lorren se passa une main dans la chevelure avant d'accepter verbalement. "Évidemment que je le veux ! J'en serais même fort heureux." C'est sur ces mots qu'ils arrivèrent devant la porte du Crépuscule. Les laissant regarder ses bras, bien qu'il était connu des hommes en faction, le coutilier écouta le questionnement de la propriétaire de la Chope Sucrée, hochant la tête devant les dires des miliciens. Sachant que ce n'était guère de leur ressort, l'ivrogne ne mentionna pas leur découverte qui avait mené à cette interrogation. Cette information devait aller trouver un point de chute nettement plus haut. La milice devrait probablement investiguer les égouts pour empêcher toute entrée des bannis, ou de leur compagnon des marais, les fangeux, à marbrume.

Reprenant leur marche en direction de l'établissement, le duo ralentit l'allure lorsque Estelle démontra de l'intérêt pour un spectacle de rue mené par des individus avec des caractéristiques physiques plutôt intrigantes. Du moins, c'est que leur nom de scène laissait présager. "Pourquoi pas, après tout ?" Dit-il sans se prononcer tout de suite, ne sachant pas encore où les mèneraient leurs activités de la soirée. Toutefois, s'ils ne sortaient pas trop tardivement du temple, ça pourrait être intéressant d'aller voir, pensa-t-il. La regardante, là, aux abords de la place des chevaliers, le jeune homme lui offrit un tendre sourire, l'enfermant dans ses bras. À ses yeux, elle était belle. Affreusement belle. Arrêté au milieu des badauds se déplaçant, le couple ne faisait rien de spécial, se laissant aller à écouter la déclamation du crieur public et simplement apprécier l'instant présent, ce bref calme dans cet océan où tourments et tempêtes s'enchaînaient encore et toujours. Cet interlude se termina avec la rencontre de leurs lèvres, dans un échange empreint de douceur et de tendresse. Le coutilier n'avait besoin d'aucun mot pour comprendre l'attachement de la dame de Chantauvent, alors que le baiser valait bien tous les discours du monde. "Oui, je le veux." De quoi parlait-il ? De leur retour chez eux ? À tout le moins, mais probablement pas seulement...

Rentrant dans la Chope Sucrée, la regardant déposer ses trouvailles et allumer des bougies, l'homme d'armes fit de même, déposant les sacoches de selle sur une chaise, puis délaissant son arc, son carquois et son baudrier. S'ils allaient au temple, aucune arme ne serait acceptée dans l'enceinte sacrée, après tout. Finissant par l'écouter, il hocha de la tête. "Je n'ai pas de problème à laisser ça de côté pour ce soir." Même pour la vie si elle le désirait. "Mais j'ai besoin de cette lettre qui nous montre par où il est rentré dans les égouts. Il faut faire remonter cette information dans la milice pour éviter que d'autres bannis, ou pires, des fangeux, ne viennent à poser un pied dans la cité." Il tendit la main, ne réalisant aucunement que la dame de Chantauvent ne voudrait peut-être pas lui donner l'élément de preuve, lui qui incriminait potentiellement Adrien. " La sergente risque de trouver ça bien intéressant." Cette prise de parole ne signifiait rien, simple enchaînement de mots anodin, tandis qu'il avait hâte de voir sa réaction, elle qui n'avait de cesse de surveiller le moindre de ses faits et gestes. Il pourrait ainsi peut-être lui prouver qu'il n'était pas un si grand incapable, non ?

-"Allons au temple et aux thermes. Après tout, ne dit-on pas que la première idée est toujours la meilleure ?" Le coutilier se doutait que la Chantauvent voudrait tout d'abord renouer avec la Trinité. "Et puis, ça ne peut pas faire de mal de sortir un peu d'ici, non ? Un peu comme lors de notre premier rendez-vous..." Poursuivit-il en souriant. "Si nous sortons suffisamment rapidement de l'eau chaude, nous pourrons aussi aller voir ces artistes performer !" Voilà, le plan de la soirée semblait tout trouvé. Hochant la tête à la suite des propos de sa compagne, le jeune homme prit le temps d'y réfléchir avant d'ouvrir la bouche. C'est ainsi qu'il répondit aux interrogations d'Estelle une fois qu'ils cheminaient en direction du temple.

-" Je veux vivre avec toi." Voilà, c'était un bon début, la réalité à laquelle il n’aspirait et ne doutait pas. "Pour ce qui est de la Chope, je suis heureux de ce gage de confiance et d'amour. Vraiment ! Je sais ce qu'elle représente pour toi." Commença-t-il en attrapant à nouveau sa main, appréciant de pouvoir se promener de nouveau en tenant les doigts d'Estelle, sans que cela soit un problème, comme cela aurait pu être le cas hier soir. "Je veux aussi t'aider, faire ma part pour te soulager, mais..." Soupirant il finit par lui glisser un regard. "...Mais penses-tu réellement que je serais un bon tenancier ? Évidemment, je ne serais jamais aussi excellent qu'une certaine personne" poursuivit-il en la poussant modérément de l'épaule pour lui montrer qu'il parlait d'elle. "Mais je ne pense même pas pouvoir être médiocre. Je veux dire... moi rester derrière le comptoir ou à servir les gens pendant qu'eux font la fête, sans moi, tous les soirs ? Je ne sais pas, je ne pense pas être en mesure de le faire correctement... je ne pense pas être capable de faire cela à temps plein. Alors, si je ne peux m'occuper du service et que j'abandonne la milice, que vais-je faire pour aider l'établissement ? Boire et encourager les autres à consommer ? Ça ce n'est pas un métier, une profession c'est... c'est simplement d'être un ivrogne. Et puis, est-ce que la Chope peut réellement subvenir à nos besoins sans un salaire d'appoint ?"

Oui, Merrick Lorren savait qu'il en était un. Pour autant, en était-il fier ? Pas vraiment. Évidemment, il ne vivait pas dans l'opprobre de sa condition. Or jamais ô grand jamais il ne désirait n'être que cela, qu'un autre pilier de comptoir avachit dans une taverne et alanguit toute la journée durant à cause des spiritueux et tord-boyaux en tout genre. " Être sergent ça m'intéresse, c'est certain. Il n'y a pas le moindre risque, tu gagnes un bien meilleur salaire... le rêve." Pouvait-il réellement envisager ce grade ? Il en doutait un peu, mais ne voulait pas renoncer à cette hérésie. " Et puis, entre cela, je pourrais toujours t'aider avec l'auberge. Par exemple, je pourrais amener à nos tables les grands pontes de la milice. Imagine, peut-être que le bailli viendrait goûter à tes repas. Ça serait bien, non ?" Évidemment, le coutilier ne pensait aucunement que cela soit plausible ou possible, même si un jour, il montait dans la hiérarchie. "Je pourrais même peut-être faire venir le roi lui-même, non ?" Pas le moins du monde. Les yeux vers le ciel, il souriait à la mesure de ses paroles. "Je pense qu'il m'aime déjà bien en plus." Se penchant il continua "Il a quand même posé un genou au sol devant moi, hein !" Il omettait beaucoup d'éléments de cette histoire, tandis que Sigroi de Silvur avait agi ainsi devant l'ensemble des combattants et survivants qui avaient lutté contre l'offensive de la fange.

Finalement, le sérieux revint prendre le contrôle, supplantant ses pitreries. Arrivant devant le temple, Lorren suspendit sa marche, tandis qu'ils allaient gravir le parvis. Tirant sur les mains d'Estelle pour la forcer au même arrêt, il attrapa sa seconde main, portant les deux à ses lèvres alors qu'elle lui faisait face. Juché sur une marche, tandis que lui était encore au niveau du sol, le couple pouvait se regarder directement dans les yeux sans avoir à pencher ou lever la tête. " Je veux moi aussi te voir heureuse, Estelle. Que veux-tu toi ? Nous sommes à deux là-dedans. Il ne peut être seulement question de mes volontés ou de mes désirs à moi." C'était un fait immuable aux yeux du milicien. En un sens, il le savait pertinemment; si sa promise lui demandait d'abandonner la fonction de coutilier, il le ferait, que ça lui plaise ou non. Pourquoi ? Parce qu'il l'aimait elle, parce qu'elle était plus importante que la tunique verte qu'il exécrait tout autant qu'il appréciait. Triste dualité s'il en est, pour ce milicien guère heureux de lever les armes pour lutter, mais plus que content d'abhorrer sa fonction et de se hisser dans la hiérarchie de ces combattants symbolisant le bras armé du Roi. " Mon bonheur c'est d'être à tes côtés. Mais que puis-je faire pour rendre ton avenir encore plus radieux ?" Ça question était honnête, sensé. Merrick voulait réellement savoir ce qui ferait du futur de la Chantauvent quelque chose à même de panser son passé. La laissant parler, l'écoutant il terminerait par une plaisanterie, désamorçant continuellement ces instants plus sérieux avec son humour ô combien dérisoire. "Maintenant qu'on en parle... il y a peut-être quelque chose... serait-il possible que j'évite de faire le ménage ? Tu vois, ça me rend vraiment, mais vraiment malheureux, Estelle de Chantauvent...!"

◈◈◈

Finalement, peu de temps après ou bien plus tard, le couple avait fini par entrer dans les lieux où la Trinité était vénérée et où les prêtres et prêtresses vivaient. Avant de passer les lourdes portes, le coutilier lâcha les doigts de la jeune femme. Mieux valait éviter de faire des vagues ou faire parler, là où être jugé pouvait être synonyme de condamnation... Marchant, le regard levé vers la voûte de l'édifice, la bouche entrouverte, écrasé par la majesté du lieu, le jeune homme laissa ses yeux vagabonder à droite et à gauche. Il n'avait que très rarement mis les pieds ici, mais à chaque fois, il se sentait écrasé et oppressé devant un faste et une opulence aussi criante. Était-ce volontaire, une manière de leur rappeler qu'ils n'étaient que de simple insecte à la merci des déités ? Il ne saurait le dire, mais le malaise allait croissant. Était-ce à cause que ses "péchés" le tourmentaient et le torturaient dans ce temple de la soi-disant vertu ?

-"Bonsoir, mon enfant." Se retournant, l'ivrogne avisa un prêtre qui s'approchait d'eux. Glissant un regard vers sa tenancière, Merrick se demanda si elle le connaissait.
-"Euh...bonjour mon p...père." Voyant les yeux se tourner vers lui, Lorren sentit une sueur froide lui courir le long de la colonne. Ah, il ne s'adressait pas à lui, mais bien à sa compagne. Lui offrant un sourire pincé, il retourna son regard vers celle qui côtoyait ce lieu nettement plus souvent que lui.
-"Est-ce donc là votre fiancé ?" L'homme d'armes resta silencieux, dressant un petit sourire de façade à l'interlocuteur.

Décidément, les nouvelles allaient vite au temple... Merrick était interdit et indécis. Qu'avait dit Estelle sur son compte ? Qu'il était un ivrogne, qu'il avait un petit problème de boisson ou qu'il était parfait ? Par la Trinité, il aurait aimé le savoir, là, maintenant ! En outre, nettement plus important, ce prêtre avait-il conscience des...dérives de sa jeune protégée et encore pire, de celle de ce félon de Merrick Lorren, lui qui avait couru plus de jupons qu'il n'avait visité le temple ? Il espérait que la dame de Chantauvent les sauverait de ce traquenard. Attendez... verrait-elle, cela comme une embûche ? Peut-être que non, elle qui était une fervente croyante.

-"Nous...nous venions profiter des thermes, mon père." Tenta-t-il de promulguer pour pouvoir s'éclipser. Glissant un regard implorant à la jeune femme, il tenta de s'échapper, quitte à abandonner sa compagne si nécessaire. "Si tu veux, je peux te laisser le temps de prier les Trois ou de parler" enchaîna-t-il en pointant du menton l'officiant du culte. "Je... je partirais en quête des bassins. Oui, voilà." Cette tentative de fuite ressemblait bien plus à une débâcle et une débandade qu'une esquive savamment trouvée. Est-ce que le prêtre le laisserait faire ? Mais surtout; est-ce que Estelle de Chantauvent lui permettrait de s'éclipser sans demander son reste ?

Rien n'était moins sûr. En outre, le coutilier avait le sentiment, peut-être à tort, que sa fiancée était du genre à s'amuser de son embarras. Avait-il tort ? Merrick Lorren le saurait bien assez vite...
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Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyJeu 7 Mai 2020 - 20:15


- « Est-ce que tu oserais prétendre, Merrick Lorren que je ne suis pas très bonne en fuite ? » questionna-t-elle en sa direction, les yeux semi-plissés, avant d’entrouvrir les lèvres, le visage outré « QUOIIIiiiiiiiiiii ?! » fit-elle lèvre entrouverte, un petit filet d’air en dehors de sa bouche « Tu refuses de porter assistance à ta presque épouse en la portant ?! Ne serait-ce pas parce que tu as peur de ne pas arriver à me porter ?! »

La rouquine lui avait lancé ce regard appuyé, défiant, qui peu à peu se mutait en ce regard émotif, inspirant la pitié. Des yeux un peu plus ronds, des cils garnis qui battent à une vitesse régulière, un visage qui se penche légèrement sur le côté. La technique des yeux de chat était très souvent une réussite, la carte maîtresse qu’on utilise lorsqu’on a besoin d’une victoire assurée. Un sourire sur les lèvres, les yeux tremblants de ce mélange de crainte et de malice qui avait fini par s’éteindre devant l’improbabilité de l’événement.

- « Je ne triche pas, je mets toutes les chances de mon côté, n’est-ce pas une habile compétence ? »

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le coutilier avait néanmoins réussi là où Estelle aurait sans aucun doute échoué lamentablement. Les serpents avaient fui à cause des vibrations, aucun incident n’était à déplorer, rien, la recherche pouvait donc débuter. Fallait-il bien l’admettre, celle qui était sagement armée de Brigitte et qui avait déjà montré via la perfide attaque contre l’homme d’armes savoir manier la poêle était méfiante, trop, sans doute. Ce n’était qu’avec l’aide de sa précieuse alliée qu’elle retournait les éléments couvrants le sol, que son regard gris passait furtivement sur les traces de sang, sur la boue, les indices de lutte. Son cœur s’emportait à de nombreuses reprises dans sa poitrine, comme un tambour ne sachant plus véritable jouer à rythme régulier, jusqu’à sans doute exploser, se briser. Comme pour se rassurer, plusieurs fois le nez de la Chantauvent pivoté vers celui qui était plus que concentrer sur sa tâche, plusieurs fois elle eut au bord des lèvres cette envie de le supplier de renoncer. Une enquête, oui, hier soir, sans aucun doute qu’elle l’aurait supplié pour le mener à bien. Aujourd’hui, à ce moment précis, après les échanges aussi sincères que déconnectés de la situation, Estelle n’était plus certaine de vouloir aller au bout de ce projet.

Prenant une respiration, la tenancière n’avait trouvé rien d’autre à faire que de fouiller, à petit dose, regarder sans vraiment regarder et puis, fallait-il bien l’admettre tremblait-elle sur place rien qu’en imaginant revoir une chose rampante s’extirper du moindre recoin du lieu. Ce ne fut que lorsqu’elle trouva bien malgré elle, cette fameuse lettre se mutant peu à peu sous sa compréhension en plan, qu’elle comprit, qu’elle réalisa à quel point sa famille et son très cher frère étaient liés à tout ça. Les lèvres pincées, la gorge nouée, Estelle aurait sans aucun doute, une nouvelle fois donnée n’importe quoi pour revivre dans le passé, pour oublier, pour ne pas être là, plus jamais là. Détaillant des yeux le symbole représenté en bas à gauche du document, là où son pouce s’était instinctivement placé pour le camoufler, elle n’en croyait pas un mot, ne parvenait pas à réaliser, non… C’était tout bonnement impossible. Sa bouche former le mot à de nombreuses reprises, alors que Merrick reprenait, confirmant avoir trouvé la preuve et la manière dont le fameux banni rentrait et sortait de la ville.


- « Hein, la manière tu dis ? Non peut-être pas… Cela ne veut rien dire après tout, c’est qu’un torchon ! P’tetre même que c’est lui qui l’a fait, mais que ce n’est pas très juste, non ? » s’empourpra-t-elle dans un baragouinage de supposition toute plus farfelu les unes que les autres.

Celui qui avait choisi plus ou moins de se lier à elle ne comprit pas nécessairement l’ensemble et la rouquine n’eut pas le courage d’évoquer ce motif. Tiraillée, une nouvelle fois, malgré les événements, entre la fidélité à sa famille, mais aussi à son amour perdu pour Eudes et sa nouvelle vie se dessinant auprès du coutilier, qui serait peut-être un jour, toute autre chose. L’idée de rentrer fut évoquée, acceptée et mise en route. Estelle n’avait pu retenir de lister quelques envies, en réalité aspirait-elle a un semblant de calme, de repos, de temps à deux. Dernièrement le couple avait essuyé bien des tempêtes, les fondamentaux des deux amoureux avaient tremblé à de nombreuses reprises, manquant de provoquer quelques ruptures. La rouquine avait donc envie de retrouver une proximité, un moment à deux, d’affection, d’échange sincère et puis… Puis elle n’avait pas pu s’empêcher de mourir en voyant Merrick céder à l’idée du temple. Retenant à peine un roulement des yeux, elle pinça ses lèvres, laissant un soupir lui échapper.

- « Tu m’aurais presque convaincu de ton envie réciproque… presque » souligna-t-elle « Si tu n’as pas envie…. On n’est pas obligé, tu sais. »

Toujours se plier à l’autre, se mouvoir pour lui convenir, ne pas le forcer, ne pas le décevoir. Malgré les mots, malgré ce côte rassurant, presque omniprésent, Estelle conservait cette crainte de le voir fuir, disparaître, s’envoler dans la nature, comme Eudes l’avait fait avant lui. Main dans la sienne, savourant simplement le contact de ses doigts s’entremêlant avec ceux de celui qu’elle aimait, la rouquine sentit une nouvelle fois son cœur battre dans sa poitrine, avec plus ou moins de force, plus ou moins de régularité. Prenant une inspiration, elle avait fini par se lancer, par exprimer ses envies, le mariage, les enfants. Chaque fois qu’elle faisait un pas en avant vis-à-vis de ses pensées, elle en faisait quatre ou cinq en arrière, renonçant ou nuançant l’ensemble plus que de raison. Ce fut finalement une nouvelle fois Merrick qui l’a sorti un peu de ses tourments. Puis POUF, là où elle s’attendait à le voir tournoyer, hésiter, Merrick lui retournait la question, l’interrogeant sur ce qu’elle voulait. Étrangement, Estelle se retrouva sans réponse, comme si c’était la première fois que pour ce sujet, ou même tout autre, on lui demandait son avis. Les yeux légèrement écarquillés, elle avisa un long moment le coutilier, dans cette étrange hésitation, dans cet étrange besoin de ne pas connaître d’impair.

- « Eh bien…. » fit-elle en essayant non pas de déterminer ce que elle voulait, mais ce qui plairait à Merrick, lui qu’elle avait l’impression de traîner de force dans une direction « Je suppose que j’aimerais quelque chose de petit… » poursuivit-elle en le détaillant un instant, scrutant une grimace, une réaction quelque chose qui la ferait changer d’avis « Oui de petit… Et… Peut-être pas forcement dans le temple. » elle fit silence cherche un élément, enchaîna « Par exemple… Sur la plage de Marbrume, au plus proche de Anür ? » pensant que l’idée de l’extérieur ne lui plairait pas, elle changea « Ou… Non… Dans les thermes, c’est dans le temple mais… »

Estelle avait la sensation de s’enliser, alors qu’elle-même n’avait aucune idée de ce qu’elle voulait, ni de ce que Merrick voulait. Il ne fallait pas se mentir, la dame de Chantauvent était très croyante, mais avait aussi conscience que ce n’était pas le cas de son amant… Ainsi, avait-elle la presque certitude que ce mariage religieux, forcément, n’était pas nécessairement ce que lui désirait. Néanmoins, par chance, ou malchance, le sujet dévia rapidement sur les enfants. Là, c’était plus délicat, plus léger et plus complexe. Les lèvres sur son front lui avaient apporté un semblant de réconfort, alors qu’elle l’écoutait s’exprimer sur le sujet, évoquant à la fois sa surprise, son envie de ne pas fuir et puis son acceptation du reste. La question ne lui fut pas clairement retournée, mais une nouvelle fois, la tenancière de la chope sucrée s’interrogea : voulait-elle, elle, des enfants ? Il était de toute façon complexe de détourner ou contourner les décisions des dieux, mais dans l’hypothèse où elle aurait le choix, Estelle n’était tout bonnement pas capable de se prononcer sur la question. Se plongeant dans un silence, la rouquine se contenta d’offrir un sourire à Merrick, appuyant davantage ses doigts contre sa main, comme pour lui rappeler sa présence, lui démontrer son affection.

Le chemin fut fait, la traversée des portes de la ville aussi et rien ne semblait vouloir ternir la volonté du couple de passer un moment plus calme, plus doux. Des étranges énergumènes avaient bien évidemment attiré le regard curieux de la Chantauvent, qui s’imaginait déjà assister à cette drôle de représentation. Le coutilier ne semblait pas repousser avec une volonté démesurée l’idée, ce qui, renforça sans doute l’envie de celle à la chevelure flamboyante de s’y rendre. Puis le couple se retrouva dans un échange tendre, dans l’union de leurs lèvres se redécouvrant encore et encore. Le regard de la responsable de l’auberge s’était illuminé un instant, alors que chaque geste de celui qui l’accompagnait ne pouvait que lui apporter cette multitude de frissons. Estelle avait laissé dans un coin de sa tête cette histoire de lettre, alors qu’elle rentrait enfin dans son auberge. Prenant une inspiration, rangeant ici et là et préparant des affaires pour les thermes, la prière, elle ne put que s’immobiliser devant la remarque de l’homme d’armes.


- « Ce n’est pas si pressent, si ? » questionna-t-elle en rangeant le fameux document dans un coin du comptoir « Tu ne vas pas aller voir ta sergente immédiatement… On aura le temps de revoir ça demain, non ? »

La rousse s’était immobilisée, le détaillant un long moment avant de lui confier quelques serviettes et vêtements de rechange. Elle lui fit ce petit sourire désolé, celui sous-entend de bien des manières que cette conversation reprendrait d’une façon ou d’une autre plus tard, mais pas maintenant. Pour la première fois, Estelle ressentait ce besoin de taire à la fois ses pensées, ses doutes et ses inquiétudes, mais surtout de se concentrer uniquement sur Merrick Lorren. Cette soirée devait être agréable, après tout ça, cela en devenait presque vital à ses yeux. La dame avait simplement opiné pour confirmer cette envie de se rendre au temple, le retenant néanmoins dans son mouvement pour l’attirer jusqu’à elle.

- « Je suis désolée Merrick » murmura-t-elle en écho à cette histoire de premier rendez-vous « Nous n’avons pas eu le temps il est vrai… enfin, je veux dire… Je n’ai pas dû toujours faire ce qu’il fallait pour te plaire » par-là voulait-elle simplement évoquer le fait que le duo n’avait pas eu le temps de rester dans ce jeu de séduction, dans cette surprise des débuts « Je te promets de me faire pardonner cette erreur » conclut-elle simplement, visiblement très sincère.

C’est dans cette proximité que la conversation avait fini par se faire plus sérieuse, Merrick évoquant ses envies qui étaient loin, très loin de ceux de la rousse. Estelle n’en dévoila rien, même si ses yeux avaient dû se teinter de ce voile de déception l’espace de quelques instants. Elle ne pouvait lui forcer la main, ne pouvait le supplier de ne pas s’engager dans cette voie-là. Chaque fois que Merrick évoquait les finances de la chope comme argument, elle ressentait ce pincement, chaque fois qu’il admettait avoir des envies différentes, même sans s’en apercevoir Estelle se fanait un instant. Tout en conversant, le couple avait fini par prendre la direction du clergé, main dans la main, dans cette demi-mesure étrange. Merrick tentait de plaisanter, la bousculant au niveau de l’épaule, admettant qu’il ne serait pas bon tenancier. Estelle conservait ce sourire de façade, celui qu’elle offrait à tout client. Devait-elle se faire une raison : Merrick Lorren ne souhaitait pas tenir une auberge.

- « La chope n’est pas… » elle aurait voulu argumenter, ce battre pour lui prouver que cet établissement était rentable, qu’ils pourraient vivre heureux juste en s’en occupant, mais quand elle croisa son regard, elle s’enferma simplement dans le silence, réajustant un nouveau sourire.

La question du sergent, du grade, de la milice tout simplement était un sujet sensible, sans que le coutilier s’en aperçoive réellement. Estelle n’appréciant guère l’idée de voir Merrick devenir comme Eude… Un fangeux et peut-être même obtenir les mêmes dérives. Prenant une inspiration, la jeune femme ne put de ce fait que prendre sur elle, respirant calmement, détournant le regard et entrelaçant davantage ses doigts avec les siens. La rousse avait feint un rire qui était plus forcé que véritablement sincère, alors qu’il évoquait la présence du roi, du bailli ou de tout autre individu important.

- « Tu oublis les capitaines Merrick » ajouta-t-elle simplement, sans revenir sur le sujet de son grade « Tiens regarde, n’est-ce pas le temple là-bas ? »

La question retournée, une nouvelle fois lui tira une légère grimace. Pour la première fois, elle sembla imiter Merrick, dansant un pied sur l’autre dans cette discrétion qu’elle n’avait pas toujours, alors qu’elle ne parvenait pas à déterminer si elle pouvait lui dire réellement sa pensée ou simplement jouer la carte de l’accord par nécessité. Sans doute que la tavernière s’était immobilisée, avisant longuement Merrick, se mordillant les lèvres presque douloureusement. Puis elle reprit la marche, chassant l’idée, la question d’un mouvement d’épaule un peu mollasse.

- « Je ne sais pas trop… On ne m’a jamais vraiment laissé le choix sur mes envies, alors c’est un peu comme si devant un âne tu fais gigoter une carotte… » honnête pour le coup « Tu sais, mon père m’a toujours dit ce que je devais faire, puis Adrien et enfin Eude… Alors je dois bien admettre que si là tout de suite tu veux vraiment savoir ce que je veux moi, Estelle de Chantauvent…. Je ne sais pas. »

Elle était un peu honteuse de l’admettre, un peu déstabilisée sans doute de réaliser si tardivement qu’elle n’avait jamais été maître de sa vie, peu importe combien elle avait toujours essayé de s’en convaincre.

- « Je voudrais… » non, rien ne venait, elle le rejoignait dans son envie d’être avec lui, alors elle fit ce qui semblait devenir une habitude : mentir à moitié « Je voudrais te voir devenir sergent et rester bien à l’abri derrière ton bureau, c’est un beau projet oui. »

Un bref regard, ce petit mouvement presque invisible de cette fuite des yeux, se pincement de lèvre et une main libre qui vient frotter derrière sa nuque, Estelle se contente d’offrir un sourire, un nouveau roulement d’épaule avant de gravir les marches du temple. Étrangement, elle qui était si croyante, ralentissait peu à peu dans sa progression, comme si la peur l’étreignait, comme si passer les portes du temple allait la foudroyer sur place… Coulant un regard à Merrick, elle lui fit cette étrange confession, preuve de son trouble, de presque regret.

- « Tu crois qu’ils nous pardonneront nos… enfin… on n’est pas vraiment… » elle ne savait pas trop comment le formuler si bien qu’elle était devenue aussi rouge que possible. Comme pour se protéger, elle changea drastiquement de sujet avant de passer les portes « Ne crois pas que j’ai oublié ta phrase concernant le ménage, Merrick Lorren, demain tu n’y échapperas pas !»

Un moyen de conserver un peu de pouvoir, de relativiser… Pour autant Estelle était si… novice dans le domaine de la sexualité et bien que le couple n’est que très rarement succombé, il l’avait quand même fait. Aucun regret dans l’esprit de la Chantauvent, simplement une sensation d’avoir à demi mesure, trahi ses croyances. Cependant, se rassurait-elle longuement en se répétant qu’ils allaient se marier. Relâchant la main de Merrick, non pas par gêne, mais simplement par fascination du lieu, avait-il dû voir son visage s’adoucir, ses yeux s’écarquiller et sa respiration s’accélérer un peu. Avançant prudemment, Estelle semblait comme hypnotisé par l’endroit, par les prêtresses et les prêtres, oui, par tout ce lieu qui inspirait cette confiance, ce moment de détente, cette écoute. Une voix familière vint la chambouler…

- « Mon père ! » fit-elle guillerette en avisant Merrick pour l’encourager « C’est lui nous venions… » Merrick avait parlé des thermes, elle avait opiné ne souhaitant guère le mettre mal à l’aise « Hein ? » Enchaîna-t-elle « Pas du tout je… »

Ce fut simplement le prêtre, qui vint rattraper l’ensemble.

- « Maintenant que j’ai l’occasion de vous rencontrer, vous n’allez pas vous défiler, mon fils, si ? » le prêtre avisait Merrick « Venez un peu, installons-nous, et puis, les thermes sont toujours remplis, si nous conversons un peu, je pourrais potentiellement vous ouvrir le bassin privé, il est libre. »

Estelle fut un brin gênée, avisant Merrick, elle ne voulait pas lui forcer la main, ni même le voir se décomposer, mais la jeune femme avait cette étrange certitude que parler lui ferait du bien, que voir que les Trois étaient bons, bienveillants ne pourrait que lui permettra de se pardonner à lui-même.

- « Merrick et moi… » débuta-t-elle « Nous voudrions choisir une date pour notre mariage… Mais… »

Le prêtre offrit un sourire alors qu’il invitait non pas Estelle, mais bien Merrick à le suivre dans l’enceinte du temple, prenant la direction de l’imposante salle aux Trois représentations. Il se racla un peu la gorge, prenant une inspiration avant de débuter.

- « Voyez-vous, les cérémonies du mariage se font de plus en plus rare, suis-je heureux de voir que votre relation évolue en ce sens. » débuta-t-il en récupérant ses mains, puis celle d’Estelle devant la représentation d’Anür « Il faut prévoir un petit temps de préparation, le temps pour vous de voir ce que vous souhaitez ou non, avez-vous des idées ? »

Par habitude, le représentant du clergé s’adressait bien évidemment à l’homme et non à la femme, qui était naturellement soumise à son époux. Néanmoins, parce qu’il la connaissait, il lui offrit un regard, accompagné d’un sourire.

- « Il faut prévoir les confessions avant le mariage, l’écoute et l’accompagnement aussi… Pour s’unir faut-il être parfaitement pure afin d’offrir à l’autre notre âme la plus belle qu’il soit possible d’avoir » Estelle avait blêmi évidemment, brutalement.
- « Mon père… Pensez-vous que les Trois pardonnent toutes nos erreurs ? »

L’homme fit silence l’avisant un instant avant de regarder Merrick, comme si celui-ci pourrait répondre à sa question silencieuse.

- « Je veux dire… Peuvent-ils nous renier, ou nous abandonner »
- « Bien sûr que non » fit-il finalement en relâchant les mains du couple « Les Trois comprennent, faut-il simplement accepter nos erreurs, on peut effacer nos fautes, on peut en revanche se pardonner pour qu’ils nous pardonnent, la perfection n’existe pas. Nous avançons, nous tombons et puis, nous nous relevons, ils sont là pour ça. Dites-moi, mon fils, accepteriez-vous, peut-être que je sois votre confesseur pour votre mariage, nous pourrions préparer cela ensemble pour les mois à venir. »

Estelle fit silence, avisant Merrick un peu gêné, puis une fois qu’il avait répondu positivement, négativement ou de manière fuyarde. Le prêtre avait fini par s’excuser devant s’éclipser pour rejoindre une prêtresse visiblement en difficulté. De nouveau en tête à tête, ou presque, d’autres fidèles priants ici et là Estelle fit ce qu’elle n’aurait jamais cru imposer à Merrick un jour. Elle attrapa sa main et le força plus ou moins à s’agenouiller devant la représentation des Trois. Trempant son pouce dans un petit réceptacle elle fit un trait d’eau salée –invisible donc- sous l’œil droit de Merrick, puis un autre de terre boueuse sous son œil gauche, et enfin elle se piqua le doigt pour venir réaliser une marque rougeâtre du bas de son nez à ses lèvres. Elle fit évidemment la même chose sur son visage.

- « Puissiez-vous nous bénir et nous accompagner dans nos démarches, puisse Anür veillez sur nos âmes et nous éviter l’errance éternelle, puisses Serus nous offrir la joie d’un jour de fonder une famille, puisse Rikni nous donner la force d’atteindre nos objectifs et de toujours ressortir plus fort des épreuves qui nous attendent. », fermant les yeux, attrapant les mains de Merrick pour l’aider à joindre ses mains, puis faisant de même, elle ferma les yeux, pour prier un instant.

Ce calme, elle aurait voulu qu’il soit apaisant, réellement, pour autant, elle n’osa pas le faire trop perdurer, par crainte de voir Merrick s’enfuir à toute jambe. Estelle avait fini par se relever, glissant sa main dans celle de Merrick pour l’entraîner au niveau des thermes, emprunter des couloirs qu’elle connaissait presque par cœur. Elle fut d’abord silencieuse, avant de finalement reprendre la conversation, presque naturellement.

- « Tu ne m’as jamais parlé de ta cérémonie d’entrée dans la milice… Ça m’a toujours terrifié parce qu’il paraît qu’il faut plonger sa main dans un bac rempli de serpent… Bbrbrbrbr » fit-elle en frissonnant, presque tremblante « Je ne comprends pas pourquoi, c’est atroce de faire ça, les bêtes là c’est bien pire qu’un fangeux » ce qui était le plus drôle était sans aucun doute le fait qu’elle paraissait très sérieuse, et puis elle fit cette étrange demande, sans savoir elle-même si elle était sérieuse ou non « Tu penses que je pourrais être milicienne ? »

Comme bien souvent lorsqu’Estelle lançait une idée qu’elle pensait sensible, elle se renfrognait et changeait de sujet. Cette fois-là n’échappa nullement à la règle, alors qu’elle pressait un peu le pas en montrant les bassins visiblement enthousiasme de se détendre un peu. L’eau n’était pas réellement une gêne pour elle, néanmoins fallait-il ben admettre que les thermes étaient quelque peu fréquentés à ce moment de la journée relâchant Merrick elle lui indiqua d’un geste de la main le lieu pour se changer, vint se blottir contre lui pour lui murmurer à l’oreille l’emplacement du bassin généralement moins fréquenté, car plus petit et moins profond.

- « On se retrouve là bas. »

La rouquine avait ensuite disparu, simplement, pour enfiler elle-même cette tenue blanche des bains, pour enrouler sa chevelure rousse pour éviter de trop l’humidifier. Néanmoins, repensait-elle à cette dernière envie, sa dernière phrase, était-elle sérieuse ? Peut-être pas, était-ce simplement cette problématique de l’inconnu, ou peut-être cette question qui ne trouvait pas de réponse : qu’avait-elle envie. La chope était un besoin de Eude, maintenant qu’elle réalisait n’avoir été rien d’autre qu’un objet utilitaire…. Et surtout que Merrick n’en rêvait pas, tout du moins ne se voyait pas tenancier… Elle était troublée. Se pinçant les lèvres, elle avait fini par sortir du lieu de change, serviette dans les bras, pieds nus pour se diriger vers le bassin. S’installant au bord de l’eau, les pieds dans l’eau, visiblement la première, Estelle passa un long moment à aviser son reflet, sans s’immerger pour autant. Rien n’y faisait les nombreuses idées à son propre sujet ne s’envolait pas… Ni même ses doutes, ses peurs ou ses craintes. Avisant finalement une famille non loin, elle se surprise à laisser les doigts parcourir son ventre au-dessus du tissu, avec cette nouvelle certitude de n’être même pas capable de réaliser le travail d’une femme : enfanter. Ce fut la silhouette masculine se dressant au-dessus d’elle qui la ramena à la réalité, sursautant.

- « Tu m’as fait peur » admit-elle « Je ne t’ai pas entendu arriver… » maintenant qu’il était là elle s’autorisa à rentrer dans l’eau, attendant qu’il la rejoigne en s’autorisant une taquinerie « Tu sais nager au moins monsieur Lorren ? »

Estelle aurait voulu que cette soirée reste légère, mais finalement, elle découvrait avec le temps qu’elle ne savait guère beaucoup de choses sur Merrick. Merrick avait pu voir son côté obscur, connaître son mari plus ou moins, son frère, sa famille, découvrir la chope sucrée… Et puis.. Lui, elle aurait voulu tout savoir de lui, plus que ce simple fait, cette simple vision négative qu’il avait de lui-même. Le tirant jusqu’à elle, Estelle fit cette étrange proposition :

- « Je te propose un jeu… Je le faisais avec mère lorsque j’étais enfant… Cela s’appelle ce que j’aime chez toi. » déposant le bout de son doigt sur son nez elle débuta « Ce que j’aime chez toi, c’est ton humour… Et ce sentiment que tu m’apportes, celui que je suis protégée, que peu importe ce qu’on découvrira tu ne me jugeras jamais… J’aime ce que je vois, tout ce que je vois… Bon p’tetre que lorsque je te découvre vider la bouteille de l’amour de ta vie en toute discrétion en pensant que je ne le sais pas…. Ca, je n’aime peut… si aussi !! J’aime ça aussi ! »

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Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyVen 8 Mai 2020 - 6:46
Merrick Lorren ne se rendait pas compte qu'Estelle de Chantauvent lui cachait -encore- quelque chose. Appâté et stupidement aveuglé par l'idée d'une soirée à deux, loin des tracas et des soucis, il ne pensait plus réellement à leur enquête sur Eude et le banni mort aux pieds des fortifications de Marbrume. En l'instant, ce qui comptait pour lui était de s'approprier le moment présent et d'en profiter, se distançant le plus possible du passé torturé et tortueux de sa promise. Ainsi, il ne réalisa pas que la rouquine cachait l'emblème de sa famille sur le document incriminant, alors qu'elle le rangeait derrière le comptoir, loin du regard du coutilier. "Ça peut attendre, c'est vrai." Concéda-t-il en haussant les épaules. "Je le récupérerais avant de partir cette nuit." Termina-t-il en hochant la tête, pensant que cette mise à l'écart pour un temps de l'élément de preuve la satisferait.

De fait, en ce jour, l'homme d'armes n'avait pas réellement eu une journée de congé. Sa sergente avait accepté de déployer une autre coutelerie sur les murailles, prenant l'affection de son propre groupe d'hommes, pour lui donner du temps libre dans la journée. Toutefois, impossible de faire appel à un congé aussi rapidement et fréquemment. Les effectifs de la milice restaient tout de même bien moindres depuis l'invasion de la fange dans le Goulot devenu Chaudron. Dès lors, Lorren et ses hommes seraient de garde au plus tard de la nuit. Ainsi, avant de rentrer à la caserne pour secouer sa troupe d'incapables, il passerait déposer l'indice sur le bureau de la de Rivefière, pensa-t-il.

Acceptant les serviettes et le linge de rechange, il attendit patiemment qu'Estelle soit prête sans la presser outre mesure. Certes, le crépuscule tombait peu à peu sur la cité fortifiée, mais il restait amplement de temps avant sa prise de service aux heures les plus sombres de la nuit. Demain, Merrick regretterait peut-être le manque de sommeil, mais en cet instant, il n'aurait pu rêver d'une meilleure situation. Passer du temps avec la jeune femme, elle qui en avait aussi peu que lui à donner avec la gestion de son établissement, était une chance inespérée. Encore plus dorénavant que les vices et les supplices du passé revenaient dans le présent pour les meurtrir. Dès lors, à ses yeux, cette accalmie au milieu de la tourmente valait mieux que tout autre chose. Il alla même jusqu'à le formuler, du moins en quelque sorte, mentionnant que cela lui rappelait leur premier, seul et unique, rendez-vous. Toujours est-il que cela n'avait pas été dit comme une critique, même s'il n'en pensait pas moins que cette tendance à ne pas profiter de ces petits moments anodins, d'insouciance et d'errance commune, était un manque.

Rattrapé et attiré auprès da la dame de Chantauvent, se laissant faire et appréciant simplement le geste, Lorren offrit un tendre sourire tout en secouant la tête. Pourquoi s'excusait-elle ? Avait-il lui-même fait plus d'effort ? "Tu as raison. Nous n'avons pas eu le temps que nous aurions voulu pour pouvoir profiter insouciamment des moments que nous passions à deux. Mais pourquoi t'excuses-tu ? Ce n'est pas que de ta faute à toi." Corrigea-t-il. Après tout, lui aussi avait une charge de travail plutôt harassante. Encore plus depuis le massacre survenu durant le couronnement du roi. " Et puis, nous avons bien la vie devant nous pour partager ces moments à deux, non ? " Merrick Lorren n'aurait jamais cru pouvoir penser cela un jour, mais l'idée du mariage pouvait avoir quelque chose de bon. L'assurance que l'avenir s'inscrirait non plus dans la solitude, esseulé et isolé, mais bien conjointement, avait de quoi le rassurer. "Ce n'est donc que partie remise !" Conclut-il tout d'abord en souriant.

La suite eut toutefois le mérite de l'interloquer, lui qui n'était pas sûr de bien comprendre. Que voulait dire sa tenancière lorsqu'elle disait qu'elle n'avait pas fait tout ce qu'il fallait pour lui plaire ? Hésitant, ne sachant pas trop comment répondre à cette drôle de prise de parole, il prit néanmoins sur lui de proférer quelques mots sur le sujet, sentant cela trop important pour laisser simplement couler. "Tu en as déjà suffisamment fait, Estelle. La preuve, nous allons nous marier." De fait, si ses "efforts" n'avaient pas été convenables, jamais l'homme d'armes ne se serait laissé charmer par la rouquine, non ? Il secoua la tête négativement. "Non, Estelle. Ce n'est pas toi qui dois te faire pardonner cette erreur. C'est nous."

La jeune femme semblait avoir tendance à prendre tous les maux ou problème de leur relation sur ses maigres épaules. En un sens, cela ne surprenait guère l'ivrogne, lui qui connaissais sa charmante compagne pour sa gentillesse et son support indéfectible. Aussi aidant que pouvait être son support, présent en toute circonstance, ce dernier semblait parfois à même de l'écraser. Comme si à vouloir trop souvent aider et secourir son prochain, elle se surchargeait trop, amassant tous les problèmes des autres et s'accaparant les pires tourments pour les protéger. Cet instant n'en était-il pas la preuve, elle qui s'excusait pour une faute qu'elle s'incombait, plutôt que de partager conjointement les torts avec l'ineffable homme d'armes ? Restant muet, mais se promettant de corriger cette tendance à la voir crouler sous ses propres remontrances, voulant à son tour pouvoir la supporter, le couple prit la direction du Temple et des thermes.

Sur le chemin, la conversation dévia et se centralisa sur son affectation dans la milice et son avenir. Encore une fois, elle lui parla et lui demanda ce qu'il voulait faire plus tard. Cette fois-ci, pour une des rares fois, il ne s'aveugla aucunement, comprenant qu'Estelle désirait qu'il abandonne la tunique d'hommes d'armes. De fait, se remémorant leur conversation d'hier soir, la voyant revenir à la charge, même le stupide ivrogne pouvait comprendre que le sujet la déchirait, ou la dérangeait. En outre, comment ne pas voir ce voile de tristesse et de déception marquer de leurs stigmates ses pupilles ? Ses sourires semblaient faux, plus à même de cacher ses maux que de présenter sa joie. Lorsqu'elle tenta d'y aller d'un élan d'humour, Lorren perçut qu'elle n'avait aucunement le coeur à l'amusement. Le sujet semblait difficile et sa décision aucunement acceptée. Pouvait-il lui en tenir rigueur d'être contre ? Pas forcément. Après tout, il comprenait son inquiétude de perdre un second compagnon. Or, il aurait aimé qu'elle se livre directement à lui, qu'elle lui parle de ses craintes et de ses peurs au lieu de se murer de nouveau et encore dans ce mutisme.

Lorsqu'elle lui mentionna le temple, il hocha imperceptiblement la tête et soupira. Ce n'était pas l'idée de rentrer dans ce lieu de culte qui le dérangeait dorénavant, mais bien la tendance de la Chantauvent de ne pas réellement dire ce qu'elle pensait. Était-il si indigne de confiance ? Ne l'écoutait-il point suffisamment pour mériter d'entendre clairement ce qui la rongeait ? Certes, il commençait à la connaître, à réussir à découvrir ce qui la tracassait sans avoir besoin de la questionner. Toutefois, en ces moments, Lorren savait qu'il lui manquait plusieurs éléments pour comprendre pleinement Estelle, elle qui livrait si peu de ses états d'âme...

Renouant et retournant sur l'idée qu'ils étaient à deux et qu'ils devraient partager leurs pensées, Merrick eut le plaisir de voir que cette fois-ci, la jeune femme faisait preuve d'un peu d'honnêteté. Hochant par deux fois de la tête, un peu trop vivement peut-être, pour l'encourager, se passant une main dans la chevelure et souriant, il répondit avec empressement, appréciant enfin d'entendre réellement un élément qui agitait la Chantauvent. " Prends le temps d'y réfléchir, rien ne presse." Commença-t-il, comprenant enfin que la rouquine n'avait jamais été maîtresse de son destin et de ses envies. " Je veux vraiment savoir." Finit-il par murmurer, à moitié pour l'encourager à se livrer que pour lui-même. Toutefois, la joie fut de courte durée avec l'élaboration d'un mensonge facilement perceptible. "Me voir devenir sergent, hein ? Tu trouves vraiment que c'est un beau projet ?" Son visage se crispa, se ferma, comme s'il avait reçu un coup. Le prenait-elle pour un idiot ? Dorénavant, Estelle ne faisait pas que garder sa réflexion pour elle, elle renouait avec le mensonge. "Lorsque tu voudras réellement me parler, me dire ce qui t'habite et partager tes états d'âme avec moi, plutôt que de me dire ce que je veux entendre, tu me feras signe, Princesse." Son ton n'était pas agressif, mais déçu.

Par la Trinité, il s'évertuait à vouloir lui offrir une oreille attentive. Il désirait être un bon compagnon de vie. Or, comment faire si la personne à ses côtés ne voulait point lui faciliter la tâche ? Oh, il se doutait bien qu'Estelle n'agissait pas sciemment de la sorte, probablement conditionné ou habitué à s'enfermer seule avec ses soucis. Toutefois, cela ne lui rendait pas la tâche facile... soupirant de nouveau, secouant négativement de la tête pour faire bonne mesure, ils se dirigèrent vers la porte du temple. À cet instant survint une preuve des hésitations de la jeune femme, elle qui devait être écartelée entre ses impies envies, auxquelles elle avait succombé, et sa fervente piété à laquelle elle s'accrochait. Se maudissant d'être la cause de cet émoi, rejetant un peu de la faute sur la Trinité, ces déités qui semblaient torturer de leur jugement scrutateur et omnipotent sa promise, Merrick tenta de la rassurer. "Ils te pardonneront, je n'en doute pas le moins du monde." Mais quand était-il de lui ? Les Trois devaient être en mesure de ressentir les émotions des mortels à leur encontre, non ? Dès lors, Ils devaient savoir qu'ils ne les portaient aucunement dans son cœur. Alors, comment pourraient-ils l'excuser lui ? Par contre, pour Estelle, cela était différent, elle qui priait quasiment quotidiennement. "Oui, oui. Le ménage..." Termina-t-il finalement, n'ayant plus le cœur à en rire, toujours torturé par la rétention d'information de la Chantauvent.

Cette déception se serait probablement transformée en colère s'il avait appris ce que lui cachait la tenancière de la Chope Sucrée vis-à-vis de l'information sur le document appartenant au banni. Or, par chance, cela n'était pas le cas. Toutefois, était-ce réellement mieux ainsi ? Dur à dire...

Tandis que lui avait le sentiment d'avancer vers son dernier repos, plus écrasé par le faste qui le faisait sentir bien faible et petit, sa partenaire semblait réellement émerveillée par l'endroit. Étrange duo qui cheminait ensemble, eux qui avaient pourtant bien plus de différences que de similitudes. Estelle ressentait la détente et la quiétude des lieux ? Merrick vivait quant à lui l'omnipotence de ces déités plus despotes que protectrices, qui les écrasaient de leur force symbolisée par le faste du temple. Ce moment ne dura que quelques instants, tandis que le couple était "dérangés" par ceux que le coutilier craignait le plus; les prêtres et les prêtresses. De fait, bien qu'il avait été plus qu’ivre, et même drogué, il se souvenait très bien de la menace et de l'ire de ce prêtre répondant au nom de Cesare. Jetant un regard à droite et à gauche, il fut heureux de ne pas voir ce sinistre individu se trouver dans les parages. Un représentant du culte à la fois était amplement suffisant pour le malotru qu'il était.

Rapidement, le couard tenta de prendre la fuite, d'éviter cet entretien avec le prêtre. Jouant des mots et des propositions pour repousser le piège qui se refermait sur lui, Lorren fit de son mieux, en vain. Son homologue ne le lâcherait pas, flairant, tel un limier, la proie idéale pour ses pieuses paroles. Est-ce que le péché dégageait une odeur particulière pour ces prêcheurs ? Si oui, Merrick Lorren devait empester à plein nez... "Je... moi me défiler, jamais, voyons !" Si, tous les jours... " Des thermes privés, hein ?" répéta-t-il rêveur, se rattrapant de justesse, évitant au dernier moment de tomber dans le piège. Certes, il avait entendu parler de ce genre d'endroit, généralement réservé pour la noblesse ou ceux assez importants pour pouvoir se les accaparer, mais jamais il n'avait eu la chance d'en visiter un. Glissant un regard à sa partenaire, Merrick savait qu'il aurait aimé la chance d'avoir accès à pareil bassin.

Finalement, sa tenancière vola en quelque sorte à son secours en commençant à parler de leur mariage. L'écoutant parler et hochant la tête, heureux de la voir prendre les devants, le coutilier vit que c'était à lui de prendre la parole, tandis que le prêtre attendait la suite des choses. " Nous comprenons, évidemment." Commença-t-il en parlant du temps de préparation. "Peut-être aux alentours de la fin du mois ou début octobre... est-ce que cela serait trop tôt, ou trop tard ?" Tournant la tête rapidement, tentant à la fois de voir la réaction du prêtre et d'Estelle, l'homme d'armes fut tout d'abord rassuré par le représentant des Trois. Or, qu'en était-il de sa partenaire ? Était-elle favorable à cette date approximative ? Précédemment, elle n'avait pas réellement donné de date. Dès lors, Lorren naviguait à l'aveugle, ne sachant guère ce qu'elle désirait elle-même.

-"Non, cela me semble possible. C'est bien mon fils, vous semblez réellement vouloir vous engager." Plissant les yeux, ne sachant pas trop ce que cela voulait dire, Lorren hocha brièvement de la tête. Est-ce que le prêtre pensait qu'il n'était pas sérieux ou était-ce des paroles anodines ?

Lorsqu'il vint le questionnement sur leurs idées, Merrick répondit rapidement, faisant écho aux précédentes paroles de la Chantauvent. "Quelque chose de petit, probablement. Aussi, peut-être à l'extérieur ? Par exemple, sur la plage de la cité." En proférant ses paroles, il ne regarda pas Estelle, mais glissa ses doigts dans sa main. Lui-même était heureux de pouvoir potentiellement officialiser la chose non pas dans le temple, mais plutôt à l'air libre. Ainsi, il se sentirait peut-être un peu moins surveillé par la Trinité et moins écrasé par le faste de l'endroit. "Trouvez-vous que cela puisse être une bonne idée, mon père ?" Ce dernier réfléchit quelques instants avant d'hocher de la tête, puis de parler de la pureté de l'âme avant le mariage. Par la Trinité, arriver à l'échange des rubans serait un véritable parcours du combattant pour le milicien. En sortirait-il grandi ou encore plus avachi ? En cet instant, cela était dur à dire et bien difficile à savoir. Toutefois, à ses yeux, la récompense finale, la main d'Estelle de Chantauvent, méritait bien ce genre d'effort...

Lorsqu'Estelle prit la parole vis-à-vis de ses craintes de ne pas être pardonné par la Trinité, Merrick ne réussit pas à ne pas rester de marbre, se mettant ostensiblement à éviter le regard du prêtre. Façon d'éviter son jugement, en quelque sorte. Comme aveux de culpabilité, difficile de faire pire ! Toutefois, ce dernier s'empressa de rassurer et de rasséréner la fidèle croyante. Sa main de nouveau libre de la prise des doigts froids du prêtre, il l'écouta déblatérer. Certes, Lorren n'était aucunement aussi pieux que cet homme, mais il pouvait saluer la justesse de ses propos pour rassurer la rouquine. Lui-même aurait aimé être aussi bon avec les mots pour oblitérer les maux de sa partenaire. "Je... oui, peut-être. Après tout s'il le faut, il va falloir le faire...non ?" Ses dires incertains firent froncer les sourcils de leur vis-à-vis. Pourtant, par chance, ce dernier n'eut pas la chance d'approfondir ou de mener une quelconque investigation sur le sujet, se devant d'aller prêter main-forte à une prêtresse qui semblait moins expérimenter. En le voyant partir en direction de ladite personne, le coutilier aurait aimé avoir affaire à cette dernière plutôt qu'au vieux personnage qui lui rappelait en quelque sorte sa propre hiérarchie avec ce regard aussi scrutateur qu'inquisiteur. "Tu...tu parles souvent avec lui ? Enfin... ça se passe bien ?" Se voyant potentiellement obligé de nouer un contact avec ce représentant du culte, Lorren allait directement à la pêche aux informations auprès de celle qui fréquentait plus que régulièrement le temple. " Il n'est pas trop..." trop quoi ? Trop prêtre ? Trop agressif ou trop méchant ? "Enfin tu vois ce que je veux dire, non ?" Il en doutait, mais préféra s'arrêter là, histoire d'arrêter le massacre d'une prise de parole décousue et alambiquée.

Tiré de la main par la jeune femme, forcée à s'agenouiller, l'ivrogne se laissa faire sans rien dire, même si sa mine était un peu plus contrariée qu'à l'accoutumée. Faisant contre mauvaise fortune, bon cœur, espérant que ce petit "sacrifice" permettrait à la Chantauvent de s'apaiser, Merrick se laissa "barbouiller" le visage par trois fois sans rien dire ou faire. Il fallait cependant reconnaître que ce rite avait une tout autre caractère, alors que c'était les doigts de celle qu'il aimait qui marquaient son visage de l'eau salée, de la boue et de son propre sang. Fermant les yeux et écoutant les paroles d'Estelle, Lorren ne put empêcher son esprit de se livrer au même genre de rituel, mais d'une façon un peu moins vénérée et bien plus venimeuse...

-"Puissiez-vous enfin nous accorder un peu d'attention. Anür, veillez sur nos âmes histoire d'éviter l’errance éternelle une bonne fois pour toutes. Serus, offrez-nous la chance de fonder une famille, oui, mais aussi d'être heureux. Éloignez enfin le malheure qui n'a été que trop présent. Rikni, ne nous donnez pas la force de ressortir plus forts des épreuves, mais faites simplement en sorte qu'il n'y ait plus d'épreuves difficiles. Si vous acceptez enfin de nous écouter et de nous aider, je serais votre plus fervent croyant." Ouvrant un œil et apercevant la silhouette solennelle d'Estelle, il referma celui-ci et se corrigea; " Le second de vos plus fervents croyants..."

Forcé à la démarche pieuse par sa partenaire, les mains jointes en signe de supplication, Lorren attendit que le temps défile et passe lentement. Ce qu'il avait à dire aux déités avait été dit. Maintenant, plus qu'à attendre un signe, qui pensait-il, n'arriverait jamais. Après tout, combien de personnes avaient pleuré auprès de la Trinité pour de l'aide et n'avaient rien reçu ? Probablement beaucoup trop. Voilà qu'il faisait comme eux, non par portée par l'espoir que ses supplications soient écoutées, mais plutôt pour ne pas fâcher celle qui l'accompagnait. Finalement, le mutisme prit fin lorsque la rouquine attrapa sa main et l'entraîna dans l'enchaînement de couloir et de corridor pour rejoindre les bains d'eau chaude. C'est au milieu de cette déambulation qu'elle le questionna sur son enrôlement dans la milice et plus précisément sur la cérémonie d'entrée. L'écoutant, il ne put s'empêcher de pousser un petit rire suite aux propos décalés d'Estelle. "Ce qui me revient directement à l'esprit, c'est à quel point j'avais envie de vomir pendant que le prêtre prêchait devant une foule de miliciens plus ou moins sensible à ses propos." Évidemment, Lorren avait participé à la cérémonie au lendemain d'une beuverie. Soirée festive qui s'était terminée aux petites heures de la nuit." Rien de bien solennel ou de solitaire, donc."

De fait, le flot massif et nécessaire d'hommes d'armes forçait l'accélération du processus et le regroupement de plusieurs combattants lors de cette entrée dans la milice. Au niveau des serpents, il haussa les épaules en souriant. " Oui, il faut plonger la main dans un bac rempli de serpent. Même si certains se sont fait mordre, la plupart, comme moi, en ont réchappé sans une égratignure." Commença-t-il en se passant une main dans sa chevelure et lui présenta ses mains vierge de toute cicatrice de morsure. "Avec le temps, je pense qu'ils doivent être habitués de voir des mains passer sous leur nez. Alors, ils restent plutôt calmes. J'imagine aussi qu'à chaque fois, ça doit être les mêmes reptiles ou presque." Poursuivit-il en haussant les épaules, promulguant une supposition et non pas un fait. "En outre, ils ne sont pas venimeux. Il suffit de rester calme et de ne pas trop agiter les doigts pour éviter une attaque. Et puis, ils m'auraient probablement trouvé trop amer s’il avait tenté de me mordre." Termina-t-il en repensant à son état lamentable et déplorable. "Personnellement, je préfère un bac de serpent qu'un bac de fangeux..." Acheva-t-il de dire avec un clin d'œil.

Merrick Lorren aurait pu se moquer des propos de la Chantauvent, elle qui présentait les reptiles comme des ennemis plus dangereux et affreux que les prédateurs de l'humanité. Bien qu'il savait que la tenancière connaissait le réel danger de la fange, une certaine candeur transparaissait de ses propos, comme si elle était sérieuse. Pour autant, le coutilier ne chercha pas à lui faire dire la vérité ou entendre raison. De fait, il préférait cela ainsi, un monde où celle qu'il aimait avait plus peur d'une couleuvre que d'un monstre à même déchiqueter un homme d'un simple mouvement. Merrick fut tiré de ses pensées par la suite des propos de sa vis-à-vis. "Toi dans la milice ?" La question l'étonna, prenant le temps d'y réfléchir, il grimaça. Non, l'idée ne lui plaisait pas du tout.

-"Tu as déjà l'avantage d'être une puissante guerrière avec Brigitte, alors ça devrait déjà être plus simple pour toi. Par contre, je ne pense pas que ta poêle soit une arme acceptée dans nos rangs, alors il faudrait probablement l'abandonner..." Faisant quelques pas en silence, il poursuivit finalement; "Alors si tu es capable d'abandonner Brigitte et de plonger ta main dans un bac rempli de serpent, que je cite sont pires que la fange elle-même, pourquoi ne le pourrais-tu pas ? Mais la vraie question est donc la suivante; es-tu capable d'abandonner Brigitte au profit d'une épée et de plonger la main dans une jarre pleine d'affreux reptiles ? Avant de répondre, je te rappelle que tu dors quasiment avec Brigitte et que dans les Faubourgs, tu voulais que je te porte pour éviter de t'approcher des bêtes, Estelle de Chantauvent !" Conclut-il en riant et se moquant Lorren finit par s'enfermer dans un mutisme le temps de réfléchir. Finalement, il décida de laisser de côté la plaisanterie pour répondre honnêtement. C'est ainsi que devant la porte des thermes il l'arrêta pour qu'elle le regarde. " Les femmes dans la milice sont très...enfin, c'est difficile pour elles. Les moqueries sont le moindre mal, alors que les vices et les supplices peuvent aller beaucoup plus loin." Il ne désirait pas rentrer dans les détails des histoires qu'il avait entendus ou vus sans jamais s'en mêler. "Même si je te sais fort capable..." il exagérait peut-être un peu. "...Je préférerais ne pas te voir dans la milice à cause de cela." Pourquoi parlait-il avec autant de sérieux ? Croyait-il réellement qu'Estelle allait s'engager ? Pas le moins du monde. Après tout, il la pensait ou la savait attachée à son auberge. Toutefois, ses propos n'étaient aucunement exempts de sens. De fait, ceux-ci étaient similaires avec la discussion qu'ils avaient eue durant leur marche vers le temple . En l'occurrence, lorsqu'il avait été question de son propre avenir dans la milice. Or, contrairement à elle, Lorren venait de dire ce qu'il pensait véritablement, sans mentir. À ses yeux, il n'était pas préférable de dire ce que voulait entendre l'autre, mais plutôt ce qu'on pensait réellement. Ne pouvait-elle pas faire ainsi elle aussi ?

Finalement, le duo avait fini par entrer dans les thermes, se dirigeant vers l'endroit où ils devaient se changer. Laissant son regard vagabonder, observant la foule et suivant sa promise, Merrick fut déçu de voir autant de monde déambuler en ces lieux. Ce n'était pas réellement le calme auquel il avait aspiré avec Estelle. Cependant, à quoi s'attendre au vu de l'heure ? Hochant la tête, regardant dans la direction dont elle lui parlait, l'ivrogne se dirigea vers l'endroit où il pourrait enlever ses frustes frusques pour ensuite plonger dans l'eau. "Je me dépêche." Lui promit-il, s'éclipsant rapidement. Sur le point de passer sa chemise par-dessus sa tête, il suspendit son mouvement et fronça les sourcils. Non. Ça n'irait pas. Déposant le linge de rechange et la serviette, Merrick rebroussa chemin et sortit des thermes. Suivant les couloirs qu'ils avaient longés depuis la salle principale, il réapparut devant les statues des Trois. Ne leur prêtant pas la moindre attention, laissant son regard parcourir les gens en présence, le coutilier trouva sa cible; le prêtre qui les avait questionnés sur leur mariage. Il se dirigea vers lui.

-"Mon père ?"
-"Oui, mon fils ?"
-" Nous pourrons converser aussi longtemps que vous le désirerez. J'accepte aussi que vous soyez mon confesseur pour mon mariage et que nous préparions ça ensemble. Je serais à votre écoute. "
Le prêtre resta interloqué durant quelques instants avant de prendre la parole de nouveau. "Pourquoi ce changement soudain ? D'où vous vient cette volonté qui semblait tant vous manquer précédemment ?"
-"Ce mariage est important pour moi."
-"Je vois."
-"Excusez-moi mon père, mais maintenant que nous sommes d'accord, vous serait-il possible de peut-être nous laisser utiliser ce bain privé inutilisé que vous avez mentionné...? Ça serait du gaspillage de le laisser vacant, non ? Voyez cela comme une faveur envers l'homme que je souhaite devenir, ou bien comme mon cadeau de mariage, mmh ?"

Malgré toutes les bonnes volontés du monde, Merrick Lorren restait Merrick Lorren...

◈◈◈

-"Excuse-moi du délai." Dit-il en arrivant finalement aux côtés de celle qui était assise au bord du bassin. La serviette enroulée autour de la taille, il s'excusa en souriant de l'avoir surprise. "Est-ce moi qui suis trop silencieux, ou toi qui étais partie bien loin dans tes songes ?" Lui dit-il doucement, ayant perçu son regard en direction de la famille un peu plus loin. "À quoi pensais-tu ?" Alors qu'elle était sur le point de rentrer dans l'eau, le taquinant quant à sa capacité à nager, il haussa énigmatiquement les épaules et l'attrapa par le bras pour l'empêcher d'entrer dans le bassin. Le sourire joueur, il prit la parole; "Je n'ai jamais coulé encore..." Est-ce que cela voulait dire qu'il savait nager ? "Viens, j'ai une "surprise" pour toi." La tenant par la main et l'entraînant à sa suite, Lorren s'enfonça un peu plus profondément dans la salle des thermes, marchant rapidement sous l'effet de l'excitation. Sautillant presque, souriant comme un enfant et esquivant les gens qu'il rencontrait, frisant parfois avec la collision, il alla dans une direction avant de suspendre sa marche, interdit et indécis. "Je croyais que c'était ici. Par la Trinité, il n'était pas très clair..." Puis, apercevant enfin une porte, il reprit contenance, retrouvant son sourire maintenant qu'il savait approcher du but. "C'est là !" Sans autre forme de procès, il poussa le battant, débouchant dans une alcôve où la vapeur était maîtresse de l'endroit. Omniprésente, cette dernière s'échappa par l'ouverture. Rentrant et se mettant sur le côté, le jeune homme présenta les lieux à sa compagne; "Princesse, voici votre bain privé !"

N'étant probablement ni le plus grand ni le plus magnifique, le thermes n'en restait pas moins ce qu'il était; un bassin privé. Dans cette pièce fermée, la chaleur était plus importante, comme l'odeur de soufre. Comparativement à la salle principale. En outre, l'eau risquait d'être à une température supérieure, sachant que le trou d'eau était nettement plus petit. L'endroit revêtait ainsi un tout autre cachet que les thermes publics bondés, où certes l'eau chaude était appréciable, mais où le trop-plein de vie rendait la quiétude bien dérisoire. Plus intime et plus serein, l'endroit était plus que satisfaisant pour l'ivrogne, lui qui ne regrettait point d'avoir joué gros pour avoir accès à l'endroit. Du moins, pour le moment. "Qu'en penses-tu ? Bon, ce n'est peut-être pas le plus imposant du temple, mais c'est quand même pas mal !" Continua-t-il, fier de lui, se passant une main dans sa chevelure humidifiée par les vapeurs, replaçant le tout vers l'arrière.

Délaissant la serviette, se retrouvant complètement nu, le milicien se dirigea vers le bassin sans autre forme de procès. Glissant d'abord un orteil dans le liquide, histoire de s'assurer de sa température, Lorren hocha de la tête pour lui-même et s'immergea jusqu'à la taille. Tendant une main, il invita Estelle à le rejoindre. "Je ne sais pas si je préfère cette vapeur ou non... difficile de bien voir l'objet de mes désirs, maintenant !" Évidemment, il parlait de sa partenaire. "J'ai le droit de faire des commentaires de ce genre dans le temple...non ?" Demanda-t-il innocemment, le sourire taquin, mais tout de même avec une pointe de sérieux. Se laissant aller sur le dos, faisant l'étoile, il lui montra qu'il "savait" nager. " Regarde, je ne coule pas ! Je flotte !" Pour lui, cela revenait un peu à la nage. Avait-il tort ? Évidemment.

Se redressant et reprenant un peu de son sérieux, il l'écouta et se laissa tirer vers elle. L'eau aidant, il se rapprocha jusqu'à la capturer dans ses bras et en penchant la tête sur le côté. "Pourquoi pas ?" Dit-il lorsqu'elle lui mentionna le petit jeu de son enfance. Tandis qu'elle déposa son doigt sur le bout de son nez, il essaya de le mordre, en vain. Puis, hochant la tête et souriant à la mesure de ces paroles, il déposa ses lèvres à la commissure des siennes lorsqu'elle eu finit. Ses mots avaient soufflé un vent de tendresse et d'amour. Il espérait être en mesure d'être aussi profond dans sa prise de parole. À son tour, donc. " C'est un jeu que j'aime beaucoup !" Après tout, qui n'aimerait pas entendre ce qu'appréciait de sa personne l'être cher ? " J'aime ton caractère. Aussi fort et prompt que doux et calme. J'aime ta gentillesse, le fait que tu vois toujours le meilleur chez les autres. J'aime ton énergie, ton sourire, ta bière, ta crinière, tes yeux bleu-gris, tes tâches de rousseur et même la manière que tu as de bouder lorsqu'il est l'heure de sortir des limbes du sommeil. Je ne l'avouerais jamais, mais j'aime aussi ta capacité à me mener par le bout du nez sans que j'en aie réellement conscience de prime abord." Généralement, cela était la faute de cet air de chat battu qu'elle lui avait servie dans les Faubourgs, ou bien d'un chantage émotionnel quelconque. "Je t'aime toi, tout simplement."

Se penchant, Merrick l'embrassa doucement, venant retrouver le contact de ses lèvres. Puis, ce qui aurait dû être chaste ne suffit plus, tandis que l'échange devenait un peu plus langoureux, que leur langue se rencontrait dans une valse qui était devenu non pas routine, mais au moins habitude. Réussissant de peine et de misère à se détacher avant de commettre un impair, ayant chaud, probablement trop chaud, Lorren se laissa sombrer sous les flots pour se "rafraîchir" les idées, en vain. Il ne voulait pousser l'audace à aller trop loin, tandis que l'endroit n'était peut-être pas très propice à ce genre de rapprochement. En outre, il ne voulait plus la blesser, ayant bien vu ce que les moments d'égarement qu'ils avaient partagés lui faisaient vivre comme douloureux questionnement. De fait, il semblait que celle-ci avait peur de ne pas être pardonnée par les Trois. Dès lors, mieux valait éviter de la torturer encore plus, pensait-il.

Restant au fond du bassin jusqu'à ce que son souffle devienne inexistant, il sortit dans une gerbe d'eau. Replaçant ses cheveux écrasés en envoyant les gouttelettes voltiger vers la dame de Chantauvent, il lui offrit un clin d'œil avant de se calmer quelque peu et d'aller s'appuyer au rebord du bassin. Regardant la jeune femme, il prit la parole, ne pouvant s'empêcher de la détailler. Malheureusement, difficile de voir grand-chose avec l'ensemble de cette vapeur. Toutefois, le spectacle en restait en tout point sublime." C'est rare que tu parles de tes parents, Estelle de Chantauvent." Commença-t-il le plus honnêtement du monde possible. " Comment étaient-ils ?" Merrick était réellement curieux de le savoir. "Est-ce qu'ils m'apprécieraient ? Aurait-il accepté de m'offrir ta main ? " Ça, même avant de l'entendre, il se doutait que la réponse risquait d'être négative. "J'imagine que non..." Fils de fermier et simple milicien, comment aurait-il pu être un parti idéal ? Laissant sa tête tomber contre le bord du bassin et fermant les yeux, il continua avec sa mer d'interrogation. "D'ailleurs, comment étais-tu enfant ? Égale à toi-même, je présume ? Énergique, à courir à droite et à gauche sans que personne ne soit en mesure de t'attraper ?"Se redressant et prenant sa main, il la tira à lui, amenant son dos à s'appuyer contre son torse. Déposant ses lèvres dans son cou, il remonta jusqu'à son oreille et lui murmura la suite; "C'est parce que tu ne m'avais pas encore rencontré. Parce que moi, je t'aurais capturé une bonne fois pour toutes. Comme aujourd'hui." Mordant son lobe d'oreille, joueur, il finit par murmurer. "Au passage, sache que je ne te relâcherais plus jamais, Estelle de Chantauvent." Comme pour lui faire comprendre la chose, Merrick Lorren resserra son étreinte, la collant un peu plus à son corps.

Finissant par appuyer sa tête sur sa chevelure, à apprécier le moment présent en lui-même, tout en lui laissant enfin l'opportunité de se mouvoir et de bouger de nouveau, l'ivrogne resta silencieux durant quelque temps, profitant simplement de la présence d'Estelle et des bienfaits de l'eau chaude. Puis, ce souvenant qu'il n'avait pas eu son ressenti ni réellement son avis, il sortir de sa torpeur, quelque peu inquiet; " Je n'ai pas été trop présomptueux à propos de la date de notre mariage, j'espère ? Aussi, j'ai cru bon de mentionner ce dont tu m'avais parlé..." Continua-t-il en haussant les épaules. " Enfin. J'aimais beaucoup l'idée de la plage, l'idée de nous marier à l'extérieur..." Termina-t-il d'avouer.

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Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyLun 25 Mai 2020 - 17:40


La déception est une partenaire de vie étrange, à la fois présente, révoltante, dénigrante, agréable et désagréable à la fois. La rousse qui ne lâchait pas réellement sa proximité avec Merrick avait se pincement au cœur, à chaque fois qu’elle l’imaginait progresser en grade dans la milice, espérer poursuivre ce métier. Néanmoins percevait-elle cette même déception dans le regard de son presque mari lorsqu’elle s’enfermait dans son silence, lorsqu’elle prétendait le suivre dans ses idées. Ce fut ce bref mouvement immobile, alors qu’une voix calme venait lui souligner qu’il serait là lorsqu’elle voudrait réellement échanger. Un peu honteuse, fuyante, la tenancière s’était contentée de ne plus bouger, détourner les yeux et le visage de celui qui se montrait avec elle d’une patience légendaire. La Chantauvent aurait eu envie à cet instant de l’immobiliser, de trouver ses lèvres dans un réconfort physique, peu importe le temps, les membres du clergé, elle aurait voulu le supplier de renoncer à la milice de partir loin. Oui, très loin, abandonner Eude, Adrien, Marbrume, le royaume même à la condition de rester à deux, de survivre à deux, de vivre à deux. Mais rien ne s’échappa de ses lèvres, rien ne s’exprima dans son regard, seuls les battements de son cœur perceptible par elle seule trahissaient cette prise de conscience, ce besoin. Cette mixture étrange de peur, d’envie, de désir, d’inquiétude de renoncement et de progression.

Le lieu choisi par le couple, d’un commun accord penchant plus du côté de la responsable d’une taverne que d’un coutilier en proie aux doutes, semblait soudainement être l’endroit parfait pour l’épreuve de la communication. Estelle prenant conscience qu’elle n’était pas une fidèle si parfaite que ce qu’elle aurait voulu, se remémorant volontiers avec une gêne grandissante s’être abandonné dans les bras de Merrick Lorren quelques fois. Ses joues avaient dû s’empourprer alors que ses pas se faisaient soudainement lents, comment les Trois pourraient lui pardonner à elle ce geste indigne ? Comment pourraient-ils tolérer son oubli peut-être volontaire de sa relation avec son aîné, des nombreux abus… Ses lèvres se pincèrent alors qu’elle interrogeait son coutilier sur la question, d’une manière plus ou moins précise, alors que celui-ci tentait une fois encore de la rassurer. La rousse préféra une fois n’est pas coutume taire le reste de ses tourments pour traverser le temple, entrer et progresser à l’intérieur. Jamais Estelle ne s’était sentie aussi bien dans un endroit, que dans un lieu de culte. Les dieux lui semblaient soudainement si proches, si accessibles et si bienveillants qu’elle en oubliait presque le reste de ses préoccupations. La dame de Chantauvent ne désirait qu’une chose, prier, se recueillir, prendre le temps de se centrer sur elle, sur Merrick sur eux. Savourant l’instant présent, laissant vagabonder son regard sur les formes, les courbes de l’architecture, et les représentations du dieu, elle fut ravie de revoir le prêtre qu’elle connaissait.

Connaissant néanmoins quelque peu Merrick, elle prit les devants de la conversation tout en s’appliquant à l’y inclure. Quelque chose changea néanmoins dans son regard, dans l’expression de son visage, alors que l’évocation de son mariage devenait soudainement plus concrète, alors que Merrick annonçait une date, la plage… La rouquine sentit une nouvelle fois son cœur s’emballer dans sa poitrine, alors que ce simple fait la touchait plus qu’elle ne le comprenait réellement. Sa gorge s’était serrée dans sa poitrine, ses doigts durent se faire plus présents contre ceux de son homme d’armes. Estelle fut touchée, réellement, sans détour ni mensonge, un instant, un bref instant lorsque son regard effleura la silhouette masculine de son futur mari, ses prunelles durent hurler l’affection qu’elle lui portait. Pour autant, elle n’en formula pas le moindre mot, préférant simplement faire silence, comme bien souvent.

La suite sembla l’amuser, si d’abord ses inquiétudes biens que légitimes furent évoquées, puis rassurés, elle n’en reste pas moins très fortement curieuse de voir comment Merrick Lorren, fuyard professionnel allait parvenir à se dépatouiller de la demande de confession du prêtre. Si elle n’était pas si respectueuse, aucun doute qu’elle aurait eu un fou rire, aucun doute oui, mais protocole oblige, elle se contenta de se mordiller avec force l’intérieur de la joue. Fort heureusement pour son milicien, le prêtre dû s’éclipser et lorsqu’enfin Merrick la questionna, cette fois-ci Estelle s’autorisa un petit rire.


- « Merrick Lorren, aurais-tu peur des membres du clergé ? » elle prit une mine très sérieuse « Il est horrible, je n’ai jamais vu un prêtre respecter au mot près les principes de la trinité, tolérance zéro pour avoir la paix des Trois… Et même si il ne juge pas, son regard te transperce BIM » fit-elle en venant tapoter le torse de Merrick pour illustrer son propos « Je plaisante… Il est très à l’écoute… On peut parler de tout en sa compagnie, il ne juge pas. Tu n’as pas à t’inquiéter… »

Difficile d’être vraiment rassurante quand elle-même n’avait guère été complètement honnête avec le prêtre. Néanmoins, elle ne lui mentit pas, l’homme était agréable, doux, attentif, il respectait les silences et pouvait rester ainsi des heures sans prononcer le moindre mot si cela suffisait à la fidèle. Estelle abandonna rapidement sa position pour emmener Merrick prier un long moment, réalisant la cérémonie, les marques sur le visage de son amant et sur son propre visage. Le temps de pensée adressé au Trois ne fut ni trop long, ni trop court, Estelle restait concentrée sur les représentations et ses prières même si bien évidemment, elle n’était pas parvenue à retenir quelques regards en direction de Merrick Lorren. La suite fut plus calme, alors que le couple se dirigeait vers les thermes, la tenancière s’autorisa un brin de conversation, l’interrogea sur sa journée d’entrée dans la milice, la cérémonie, évoquant peut-être une envie –un peu imaginaire- de rejoindre les rangs des protecteurs de la ville. Alors que Merrick évoquait l’ensemble, ses yeux devaient donner l’impression de s’agrandir encore et encore et encore et encore. La dame était horrifiée à l’idée même de devoir véritablement entrer en contact avec un serpent, même les yeux fermés, même du bout des doigts.

- « Ca c’est parce que tu étais trop ivre pour voir les yeux globuleux, la peau visqueuse, le petit tortillement des immondices, des créatures atroooooooooooooooces que représentent les serpents, oui, oui, oui, je le sais Merrick, la bouteille de ta vie t’aveugle parfois et ne te fait pas réaliser pleinement le danger. Imagine-toi un peu cette créature ce petit mouvement comme ça là…. » elle se tortillait légèrement sur place, plus que convaincue qu’elle devait être terrifiante à cet instant.

Puis vint sa demande vis-à-vis de son intégration en tant que femme dans la milice. Le sujet était plus délicat, Merrick pensant sans doute qu’Estelle n’était pas sérieuse, elle imaginant volontiers l’être plus ou moins. Elle tut néanmoins cet état de fait, préférant comme bien souvent faire silence et écouter. La chantauvent fut surprise de l’honnêteté de Merrick à cet instant, lui qui expliquait point par point, ce que cela représentait, les difficultés et le fait qu’il n’approuvait pas forcément l’idée. Le détaillant, Estelle dû paraître déçue, non pas de lui, mais de son incapacité à faire de même. Néanmoins, avant de le laisser partir, Estelle s’autorisa une dernière question, comme un appel à l’aide, comme un sous-entendu à peine perceptible de ses pensées sur l’instant.

- « Et si c’était réellement ce que je voulais Merrick ? Est-ce que tu m’imposerais de renoncer ou est-ce que tu accepterais en taisant tes doutes et tes craintes ? »

Si Estelle ne l’exprimait pas clairement, elle venait de lui évoquer exactement son ressenti. Si la tenancière devait être honnête, elle supplierait Merrick de renoncer à son projet, de rester avec elle, de gérer la chope sucrée. Néanmoins, celle qui était dévouée aux autres, plus qu’à elle-même ne parvenait pas à le formuler, parce qu’elle ne voulait pas empêcher l’homme qu’elle aimait de réaliser ses projets. Estelle était donc dans cet entre-deux, cette envie d’honnêteté, mais cette certitude que tout n’était pas bon à dire. Elle qui avait été bridée toute sa vie ne pouvait supporter l’idée de brider celui qu’elle avait décidé d’épauler et ne voyait aucunement un juste milieu dans cet ensemble. Pourtant, il aurait été simple de dire les choses calmement, puis de souligner qu’elle le soutiendrait quoiqu’il décide, mais là aussi, l’idée même de l’encourager lui brisait le cœur. Alors, la jeune femme tâchait de se mentir et d’être cette bonne future épouse, laissant de côté les doutes, la peur et le reste.

Merrick avait fini par disparaître, elle aussi d’ailleurs, le temps de se changer et de rejoindre le bassin. La première arrivée sur les lieux, la rouquine était prise dans ses nombreuses pensées, hésitantes, troublées par tous les mots qu’elle ne formulait pas, par ses inquiétudes et par cette famille qu’elle enviait sans doute sans même s’en apercevoir, elle fut surprise par son presque mari. Relevant la tête vers Merrick, elle lui offrit un sourire rassurant.


- « Un peu des deux sans aucun doute… Je me demandais ce que je voulais. » Répondit-elle honnête avant d’être retenu par sa tentative d’immersion « Une surprise ? J’ignorais que tu pouvais faire des surprises au temple… Merrick, fuir ça ne serait pas une surprise mh, je n’ai pas beaucoup de vêtements sur moi et… »

Rapidement Estelle fut silence, constatant qu’il ne prenait aucunement la direction de la sortie, le suivant sans savoir où il allait ne connaissant pas plus que de raison le chemin des bains privés où elle n’avait jamais eu accès. La rouquine le regardait dans cette joie qu’elle ne lui connaissait pas si enfantine, évitait elle aussi les personnes rencontrés à contre sens, le questionnant du regard dans cette hésitation alors qu’un étrange frisson remontait le long de son dos.

- « Merrick par la trinité, où est-ce que tu m’emmènes, tu ne sais même pas toi-même ou tu… » puis ce fut un nouveau silence « mon quoi ? »

Entrant dans cette nouvelle pièce, laissant une légère quinte de toux venir étouffer sa gorge, le regard de la Chantauvent alternait entre le bassin et Merrick. Comment pouvait-il avoir… Elle n’en revenait pas, simplement. Une nouvelle fois son homme d’armes parvenait à la surprendre. Estelle ne commenta aucunement l’endroit, ni même l’idée, consciente que son regard émerveillé devait largement s’exprimer pour elle. Laissant son cher et tendre s’immerger, elle vint rapidement se camoufler les yeux de sa main libre, s’offusquant de la tentation qui venait délicatement de se révéler à ses yeux.

- « Merrick, mais tu es… MERRICK ! » fit-elle en s’empourprant presque immédiatement, le visage soudainement très rouge et aucunement ou uniquement à cause des vapeurs « Tu es impossible Merrck Lorren ! »

Naturellement et sans aucune révolte, Estelle l’avait suivi à l’intérieur des bains, non sans l’éclabousser avec force alors qu’il évoquait à l’intérieur du temple qu’il ne pouvait pas parfaitement voir les courbes de la Chantauvent. Déjà rouge de gêne, mais pas seulement, la rouquine se contenta de se retenir de son envie de le noyer, avant de l’éclabousser une nouvelle fois, alors qu’il se laissait aller sur le dos, toute nudité ou presque à la surface.

- « Merrick… » souffla-t-elle en s’approchant pour venir faire pression sur son ventre et le couler volontairement « Aurais-tu décidé d’être un tentateur ce soir ? » questionna-t-elle « Je te rappelle que nous ne sommes pas mariés encore ! »

L’attirant finalement à lui, se laissant volontiers capturé dans les bras de l’être qu’elle aimait, Estelle s’adonna volontiers à son jeu d’enfant, évoquant avec sincérité sa manière de le percevoir, frissonnant de plaisir dans cette proximité. Touchée par le discours de son milicien, la tenancière eut du mal à le camoufler, laissant ses doigts le rapprocher d’elle pour caresser l’arrière de son dos avec douceur, jusqu’à se perdre dans sa nuque pour prolonger le baiser. Ce qui devait être doux se transforma en flamme, consumant sur place une rousse qui parvenait difficile à résister à celui qui la faisait chavirer à chaque fois qu’il l’embrassait, qu’il l’effleurait. Ce ne fut aucunement elle qui mit fin à la tentation, visiblement presque encline à y céder. Merrick avait fini loin, laissant la Chantauvent à bout de souffle, prise dans le tourbillon de ses désirs. Naturellement, elle avait fui au bord du bassin, s’appuyant à un rebord, détaillant celui qui avait fini par remonter en l’éclaboussant tout en la rejoignant. Roulant des épaules, la dame ne répondit qu’un petit « mh » quand il souligna le fait qu’elle ne lui parlait pas souvent de ses parents. Lui non plus après tout. Elle avait fini par rire devant sa montagne de questions, devant ses propres réponses, ses doutes et enfin se contenta de lui sourire, alors qu’il venait une nouvelle fois l’attirer à lui dans cette proximité, qu’elle sentait son torse contre son dos et son souffle non loin de ses oreilles. Merrick Lorren était définitivement bien plus qu’une tentation aux yeux de la dame de Chantauvent. Faisant le choix de ne pas se retourner, pour ne pas se retrouver une nouvelle fois dans une position délicate –plus que celle-ci en tout cas-, elle pris la décision de répondre, lentement.

- « Je pense qu’ils te détesteraient avec force » admit-elle « Quoique sans doute piquerais-tu la curiosité de mon père, mais mère était bien trop protocolaire, elle chercherait peut-être même à te faire disparaître en te payant grassement ! » affirma-t-elle en déposant sa tête sur le bord du bassin « J’étais une enfant discrète et j’avais peur de tout ! Je n’aimais pas sortir, ni même écouter mes précepteurs, j’adorais jouer à cache à cache dans les jardins du Roi. D’ailleurs, je crois que c’était un moyen de ma mère d’avoir la paix, elle me proposait de jouer puis ne me trouvait soi-disant jamais… Cela pouvait durer des heures entières… »

Complètement capturée dans les bras du coutilier, la jeune femme ne chercha aucunement à se défaire de son emprise, bien au contraire, avait-elle fini par se blottir contre lui, pivotant pour venir capture ses lèvres dans une douceur et une maîtrise qui ne durerait sans doute pas. Cessant l’échange pour venir caresser du bout des doigts la joue de son amant, elle lui offrit un sourire sincère.

- « C’était très bien, je te suis reconnaissante de m’avoir écouté, tout me convient parfaitement » fit-elle simplement « La plage, c’est ce que je veux et j’ai bien compris que l’intérieur d’un temple ne te faisait pas… Enfin que tu avais du mal. » la jeune femme déposa ses lèvres contre sa joue, restant dans cette proximité « Tu en veux à nos dieux Merrick ? » l’interrogea-t-elle sérieusement cette fois.

La question était profonde, la conversation sérieuse, ce qui contrastait largement avec cette attraction qui se jouait perpétuellement entre eux, surtout à l’instant présent où le regard d’Estelle devait hurler à qui voulait bien le voir tout le désir qu’elle ressentait pour Merrick Loren. Elle alternait d’ailleurs entre son envie et son sérieux et ce fut après que ses mains et maladroitement effleurés son entrejambe avant de venir nerveusement se perdre autour de sa taille qu’elle s’autorisa un aveu sincère.

- « Je ne souhaite pas que tu restes dans la milice » admit-elle en détournant le regard honteuse, craignant sans doute sa réaction « J’ai peur de devoir te survivre, j’ai peur que… » jusqu’à présent, Estelle avait démontré une fidélité, une confiance presque aveugle, pour autant, celle qui avait été malmenée par le précédent avait finalement une image d’elle si dégradée qui lui était incapable de concevoir que Merrick ne puisse pas souhaiter mieux « Milicien, c’est aller partout n’est-ce pas ? Dedans, dehors ? Fange ou pas fange cela ne change rien au risque, je me trompe ? »

Elle déposa sa tête contre le haut de son torse, elle était hésitante, elle-même ne savait pas trop comment formuler l’ensemble, lui faire comprendre. Tout semblait s’entrechoquer dans son esprit dans une certaine douleur.

- « Que tu sois coutilier ou sergent, cela ne change rien au risque Merrick. Je n’ai pas envie de revivre les angoisses des missions, je ne veux pas devoir te survivre, tu comprends ? Et… Puis, si tu deviens sergent tu seras convoité… Je ne veux pas devenir une meurtrière de toutes les femmes qui te tourneront autour. Tu devrais m’arrêter, cela serait terriblement gênant »

Une note d’humour oui, pour autant, pas forcément un mensonge. Si Estelle n’était pas clairement jalouse, moins que ce que Merrick avait pu montrer à son égard, elle n’en restait pas moins que son attachement était si important, qu’elle était incapable de définir sa réaction face à une femme faisant du charme à son mari. Il était sans aucun doute exagéré de prétendre qu’elle pourrait tuer, mais pas non plus impensable de concevoir qu’elle pourrait lui refaire le portrait à coup de Brigitte.

- « Je suis égoïste de te dire ça n’est-ce pas ? » demanda-t-elle en pivotant la tête vers lui « je ne voulais pas te le dire, parce que si c’est ce que tu veux vraiment, je me dois de t’encourager et de t’accompagner, ce n’est pas à moi de décider, je dois te suivre, te soulager de tes mots et t’apporter de la douceur c’est le rôle d’une épouse… Je ne veux pas te contraindre à un choix Merrick, ne te méprends pas… Peu importe ce que tu veux, je respecterais ta décision, mais je voudrais… Je voudrais que tu ne me caches rien de ton travail, que tu m’expliques… Je ne veux plus être cette sotte qui ne comprend rien et qui croit tout aveuglement… »

Elle vint déposer ses lèvres contre les siennes, dans une lenteur et une proximité enjôleuse. Avec tendresse, sa bouche vint capturer celle de son coutilier, sa langue danser avec la sienne dans une valse habituelle alors que ses doigts venaient émettre cette pression contre son ventre. Estelle lui succombait facilement, sans jamais douter sur l’instant, elle aurait tout donné pour ressentir un peu de réconfort, un sentiment d’appartenance dans une union charnelle dans un endroit aussi improbable que les thermes du temple. Lui fit-elle comprendre en se collant davantage, en laissant ses doigts vagabonder sur son corps humide jusqu’à se stopper à la limite du raisonnable. Décollant ses lèvres des siennes pour suivre le carré de sa mâchoire, murmurant un je t’aime à son oreille, soupirant d’un soupir qui ne laisse aucun doute à ce tourbillon qui l’anime. Lutte entre raison et désir. Ce fut néanmoins à son tour de le repousser, s’éloignant simplement sur le côté pour s’immerger dans l’eau, avant de remonter et de l’éclabousser joyeusement.

- « Cessez donc cela immédiatement Merrick Lorren » ordonna-t-elle en le pointant du doigt « Séduire une jeune femme comme moi cela devrait être illégale » affirma-t-elle dans un sourire avant de l’attirer à elle et de l’embrasser « Je voudrais disparaître avec toi… Que tu me fasses découvrir tout ce que je n’ai pas su voir, je voudrais tout quitter Merrick… Revendre la chope, ou lui trouver un gérant et acheter autre chose avec toi, retaper une maison, notre maison ! Peut-être même dans les faubourgs, peu importe… Je voudrais que tu sois fier de moi, qu’Adrien ne soit plus un problème…. Je voudrais apprendre ce que je suis vraiment en ta compagnie et voir cette ride-là » fit-elle en appuyant sur son front « être encore plus prononcé au fil des années... » elle tente se hisser sur la pointe des pieds, quitte à se hisser en s’appuyant sur ses épaules pour venir déposer un bisou sur son front « On est dans le temple, il est interdit de mentir ici Merrick. » précisa-t-elle pour une raison obscure « Je ne veux pas te parler d’Adrien, ni d’Eude, ni de… » elle allait évoquer le plan « Je te promets de te parler demain de tout ça, mais ce soir, il n’y a que nous… Alors veux-tu bien me parler de toi, de ton enfance ? De quelque chose que je ne sais pas ! »

Lentement elle l’enlaça pour savourer ce contact, cette proximité. Plaçant ses avant bras autour de son cou, ses doigts effleurant la naissance de sa chevelure, son corps reposant contre celui masculin de son presque mari. Elle était venue simplement murmurer à son oreille :

- « J’ai besoin que tu me parles Merrick quitte à me questionner je te promets d’y répondre honnêtement, mais si tu le ne fais pas, ou si on ne sort pas d’ici… Je ne suis pas certaine de te résister et d’oublier à quel point tu provoques des choses chez moi et à quel point j’ai envie de toi… »

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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyMar 26 Mai 2020 - 22:21
-"En effet, je suis le seul et l'unique Merrick Lorren !" Lui répondit-il lorsqu'elle se camoufla les yeux en le nommant. Certes, la tirade de la rouquine ne voulait rien dire. Toutefois, loin d'être idiot, ou du moins de l'être continuellement, le coutilier avait parfaitement compris que c'était sa démarche sans pudeur qui faisait s'empourprer sa tenancière, lui faisant fomenter pareille réplique et révolte chez elle. Il souriait à mesure que le désarroi allait grandissant chez la jeune femme. Tel un enfant, il était fier de sa nonchalance impudique. Ainsi, le jeune homme se complaisait dans l'embarras qui étreignait la dame de Chantauvent et la contraignait à se voiler la face. Aussi littéralement que métaphoriquement parlant, tandis que selon lui, elles se cachait le regard pour ne pas le voir, mais se réfugiaient aussi derrière la pudibonderie pour étouffer le brasier de l'attirance et du désir qui la déchirait. Comment le savait-il ? Lui-même était déjà plus que brûlé par l'envie alors qu'il la voyait en simple tenue pour les bains. Il estimait donc, ou plutôt escomptait qu'elle "souffrait" des mêmes maux.

-" Je suis impossible, moi ?" Répondit-il en riant et en affichant un air faussement contrit. " Tu semblais avoir oublié une chose, Estelle de Chantauvent. Bien que je sois follement amoureux de toi et que nous soyons sur le point de nous marier, je reste tout de même un beau salopard ! "L'idée pouvait avoir l'air aussi insipide que stupide. Pour autant, le couard milicien, devenant hilare ivrogne le soir, aimait particulièrement s'imaginer et s'imager tel un être non pas fourbe et vil, mais bien crâneur et frimeur. Tel un beau salopard. Et puis, pourquoi refuser cet état de fait, ce titre qu'il se décernait lui-même, alors que c'était en partie grâce à cette façon d'agir qu'il avait réussi la conquête du cœur de la tenancière de la Chope Sucrée ?

S'immergeant dans le bassin sans manquer de lui envoyer un petit clin d'œil, Merrick ne fit rien de plus, ne poussant aucun autre agissement condamnable en direction de sa promise. Pour l'heure, l'attrait de ce nouveau lieu lui suffisait amplement, alors que son regard voltigeait et volait en tous sens et que son corps voguait. Flottant sur les flots du bain, il offrait la preuve bien maigre qu'il était en mesure de "nager". "Voyons, pour mebrbbrbr..." Sa répartie n'était aucunement compréhensible. Toutefois, cela était loin d'être sa faute. Il n'avait pu terminer sa tirade, alors que l'eau emplissait sa bouche. Ce qu'il avait pris pour des eaux calmes s'était finalement transformé en une mer traîtresse, alors que son visage était submergé par l'eau. Cette nouvelle réalité n'était pas la faute à un quelconque remous de ce bassin plus que calme, mais bien simplement à cause de la perfidie de nul autre que d'Estelle. Elle était venue appuyer sur son torse pour le couler quelque peu. À ses yeux, cela fut vécu comme une noyade. Se redressant dans une gerbe d'éclaboussures, toussant sous l'effet de la surprise et de l'eau qu'il venait d'avaler, l'homme d'armes la foudroya du regard. Perçut-elle à quel point il avait été mal à l'aise l'espace d'un instant, battant des bras et des jambes alors qu'il se retrouvait sous les flots ? Arriverait-elle à en déduire que c'était la preuve qu'il ne savait pas nager ? Explicitement, Merrick ne le lui avouerait jamais. Après tout, le scélérat préférait se targuer de force qu'il n'avait pas que de s'épancher autour de faiblesse qu'il possédait bel et bien.

Finalement, sa mine contrariée ne resta pas en place bien longtemps, tandis qu'il partait dans un grand éclat de rire. Décidément, si elle devait se rappeler qu'il était un beau salopard, lui ne devait pas oublier qu'elle était la plus intéressante, attrayante, mais surtout ardue adversaire qu'il n'avait jamais affrontée. Pugnace et vengeresse, la dame de Chantauvent n'était jamais réellement perdante dans un échange. Ainsi, le quiproquo entourant sa nudité se finit ex æquo sous sa presque noyade. "Ce que j'essayais de dire, avant d'être si lâchement, honteusement ignoblement et vilement noyé, c'est que je n'essaie jamais d'être un tentateur. Je le suis tout simplement." Se reprit-il après s'être passé une main dans la chevelure, puis en la capturant dans ses bras; " Je dois aussi avouer que vous n'êtes pas en reste sur la chose, Princesse. Je suis ébloui par votre charme et brûlé par le désir en posant mes yeux sur vous." Certes, Merrick Lorren déblatérait sur le ton de la plaisanterie, mais il ne mentait aucunement. La suite des choses allait le laisser entrevoir sans le moindre mal.

Pour autant, leur conversation prit un nouveau détour, venant s'articuler autour d'un jeu provenant de l'enfance d'Estelle. Attendrissant à souhait, l'échange véhiculait l'ensemble des éléments qui définissait pourquoi le couple s'appréciait l'un et l'autre. Jouant sans se faire prier plus que nécessaire, aimant tout autant parler de la femme qu'il aimait que d'entendre des compliments, Lorren se laissa porter par les aléas de leur discussion, profitant de ces instants de tendresse. Pour eux qui étaient habitués aux tourments et aux supplices des péripéties de leur existence, cet interlude était vécu comme un doucereux moment auquel s'accrocher. Pour l'ivrogne, il ne voulait en aucun cas le laisser disparaître sans en profiter pleinement. Sentant les doigts de sa tenancière dans son dos puis sur sa nuque, électrisés aussi bien par ce contact que par leur proximité, Merrick partit à la conquête de ses lèvres, scellant leur parole empreinte de tendresse de la plus belle des manières. Or, ce qui devait être contrôlé devint incontrôlable, tandis que l'échange gagnait en ardeur et que le chaste fuyait au galop devant l'attirance physique qui les liait.

Pour une des rares fois, ce fut Merrick qui battit en retraite, réussissant à se restreindre et à ne pas pousser l'audace plus loin. Il avait plus qu'envie de perdre son visage dans la crinière rousse de sa compagne et de laisser ses mains vagabondé sur les courbes de son corps. Pour autant, le jeune homme se montrait hésitant, ne voulant brusquer plus que nécessaire la fidèle croyante de la Trinité, elle qu'il savait déjà en proie au doute et à l'indécision à cause de leurs précédents moments d'égarements. Ainsi, à s'écouter, il ne se retiendrait aucunement. Toutefois, faisant passer la dame de Chantauvent avant ses propres envies, il tentait de se contrôler tant bien que mal. Chose difficile s'il en était, alors que l'eau venait tremper la tenue de bain d'Estelle, dévoilant plus que recouvrant réellement son corps. Peut-être qu'à une certaine distance cela lui aurait empêché d'embrasser le tableau dans son ensemble, mais aussi proche qu'ils l'avaient été, difficile de ne pas s'embraser devant pareille vision, tandis qu'il pouvait quasiment compter l'ensemble des tâches de rousseurs de sa future épouse...

Ainsi donc, avant de commettre un impair, il s'enfuit, la gorge sèche et le corps électrisé. L'ensemble de son épiderme ne semblait quémander et commander qu'une seule chose, celle de retrouver le contact de la peau laiteuse de la jeune femme dans une promiscuité loin d'être pure ou chaste. Se réfrénant en s'arrimant à un questionnement qui semblait bénin, mais qui restait intéressé, concernant la jeunesse et les parents de la Chantauvent, Merrick réussit à réfréner ses ardeurs et ses envies et se focaliser sur l'allocution de sa tenancière. Or, faible, visualisant cet espace entre eux comme un gouffre trop profond et trop grand, il la tira de nouveau à lui. À ses yeux, ça place était là. Au plus prêt de son cœur, au contact de son corps. Appuyé contre sa crinière, Estelle blottie contre lui, Lorren sourit et poussa un petit rire lorsqu'elle mentionna l'appréciation de ses parents à son encontre.

-"Je m'en doutais un peu, je dois l'avouer."
Commença-t-il en s'imaginant débarquer chez sa promise pour demander sa main à ses parents. "Comment ? Ta mère, me payer ? Il aurait été impossible de trouver un prix qui me satisferait, moi qui ai déjà mis la main sur le plus grand des trésors. Impossible !" Répondit l'homme d'armes en plaisantant seulement à moitié. "Je vais garder en mémoire cette stratégie. Prochaine fois que tu voudras que nous fassions le ménage, je te proposerais une petite partie de cache-cache...".

La regardant pivoter, elle qui était dorénavant blottie contre lui, le coutilier ne se fit pas prier pour l'embrasser à son tour. Décidément, s'il avait sut que le temple permettait de fomenter pareil rapprochement, il aurait été plus souvent présent dans le lieu de culte ! Sous la caresse des doigts d'Estelle sur sa joue, Merrick ferma les yeux quelques instants. " Je suis content qu'on soit d'accord pour notre mariage. Ça aurait été un mauvais début si nous n'étions pas capables de nous entendre pour cet événement..." Lorsque les doigts de la Chantauvent laissèrent place à ses lèvres, le milicien fut heurté par son questionnement. Bien que courte et concise, son interrogation soulevait pourtant une tonne d'incompréhension dans l'esprit de Lorren. Lui-même ne savait plus trop où se positionner par rapport à la Trinité. Dès lors, devoir le présenter à quelqu'un d'autre, sans la froisser, lui semblait s'avérer hautement ardue...

Soupirant, il lui adressa un triste sourire en haussant les épaules. "Il y a plein de choses que je ne comprends pas. Comment pouvons-nous en être rendu là, sur le bord du déclin et de la fin, alors qu'on se pli, se ploie et se prosterne devant les Trois ?" Parlant lentement, faisant attention à ses mots pour ne pas créer des maux chez sa compagne, il la regardait du coin de l'œil, voulant s'assurer de ne pas la heurter. Le désir n'était aucunement éteint. Or, il avait le mérite de ne pas être avivé par la discussion ou leur rapprochement en cet instant. Une première, s'il en est, depuis qu'ils avaient mis les pieds dans ces thermes privatifs. " J'aimerais comprendre comment ils peuvent nous abandonner ainsi. Je voudrais savoir où ils étaient durant le couronnement. Où ils étaient pour te protéger, toi, leur fidèle croyante, de tout les tracas et douleurs de ton existence..." Fermant la bouche, puis l'ouvrant quelque seconde il la referma presque aussitôt. Non, il n'irait pas plus loin, ne parlerait pas de l'idée qui s'immisçait doucement dans ses pensées et réflexions avinées tard le soir. Cette odieuse idée, que la fange était une punition divine et que l'humanité avait été abandonnée, devait rester au point mort.. Seulement y penser lui faisait peur, alors qu'il savait la Trinité omnipotente. Il fallait un sacrer courage pour en parler de vive voix, qui plus est, dans le temple leur étant dédié. Courage que le couard n'avait aucunement. Lui offrant un petit sourire crispé et contrit pour lui montrer qu'il en avait fini avec le sujet, l'homme d'armes fut plutôt satisfait de sa réponse. Non pas qu'elle était hautement avisée, mais il la trouvait sensée et peu risquée. Explicitement, il n'avait aucunement mentionné qu'il en voulait aux dieux. Ayant préféré soulever d'autres questionnements pour amener une réponse, il espérait éviter la colère des déités pour ses doutes et son indécision les concernant.

Plongeant au fond de ses yeux, y voyant la flamme de l'envie, semblable à celle qui devait aussi brûler au travers de ses propres prunelles, Merrick se rongea la lèvre inférieure, déchiré entre tentation et retenue. Voyait-elle que son regard était le miroir du sien ? Que ses pupilles n'étaient plus que deux puits décrivant toute son attirance, alors qu'il la contemplait toute entière ? Elle était belle. Affreusement belle. Sublime même, elle qui était à la fois drapée de la beauté et possédait la bonté. Il l'appelait peut-être princesse pour se moquer gentiment, mais à ses yeux, sa tenancière n'en méritait pas moins le titre. À ses yeux, plus importante que le Duc devenu Roi, plus splendide femme de Marbrume, Estelle de Chantauvent avait de quoi le rendre fou. De fait, il n'avait jamais été armé pour lutter contre cette dernière, elle qui avait capturé son cœur d'un seul regard, et ce, sans jamais le lui rendre. Élément contre lequel il ne se plaindrait jamais, trop content et heureux de se perdre dans ses yeux ou de simplement passer ses jours à ses côtés. Avec la propriétaire de la Chope Sucrée, le coutilier se pensait prêt à panser son passé et penser son futur.

Lorsque ses doigts effleurèrent son entrejambe, le coutilier se cabra inconsciemment vers l'avant. Poussant un soupir quasiment plaintif au travers de sa bouche fermée, mordant encore plus ardemment sa lèvre inférieure, il ne put proférer qu'un seul et unique mot. Son nom; "...Estelle....". À moitié mise en garde et à moitié imploration, Lorren n'arrivait plus trop à se situer lui-même. Voulait-il s'abandonner ou résister ? Finalement, la docilité reprit le dessus, alors que les mains de sa tenancière s'accrochaient à sa taille. Quant à lui, les siennes se joignirent dans son dos, mais plus bas qu'habituellement, comme attirées par la croupe de sa compagne. Toutefois, la suite des de la Chantauvent fut telle une douche froide. Relevant rapidement les mains, il l'écouta, heureux de la voir se livrer, mais déchiré à la fois par sa volonté concernant son avenir et son désir arrimé à l'instant présent.

Sa main alla vagabonder dans la crinière de sa tenancière alors que celle-ci appuyait sa tête sur son torse. Ne proférant pas le moindre son, attendant qu'elle en ai terminé, il laissa finalement le silence s'éterniser quelques instants de plus, prenant le temps de réfléchir et de mûrir sa répartie. L'ivrogne le savait. Aucune réponse ne serait réellement la bonne. Malgré cela, il devait essayer de la rassurer. " Il est vrai qu'être milicien n'est pas une tâche sans danger. Mais dans notre monde actuel, y a-t-il réellement une seule profession qui n'est pas à risque ? Tu as aussi vécu l'enfer du couronnement, alors que tu es une tenancière..." Lorren n'était pas idiot. Évidemment que certains corps de métier étaient plus à risque que d'autres. La fonction d'homme d'armes était l'une d'entre elles. Par contre, qu'importe la décision, le risque zéro était tout bonnement impossible. L'ensemble de l'humanité était sur le déclin, prêt à péricliter pour de bon, eux qui étaient réfugiés dans le dernier bastion de l'humanité.

Attrapant son menton, soulevant son visage pour croiser son regard, Merrick poursuivit; " Je suis coutilier de l'interne. Je reste la plupart du temps à l'intérieur de la cité et au plus loin de la fange..." Le coutilier aurait voulu s'arrêter là pour la rassurer. Cependant, il ne voulait pas non plus lui mentir. "...Mais il peut arriver que sur un ordre direct j'aie besoin de sortir. Ce...ce n'est pas encore arrivé, mais c'est une possibilité." Une possibilité qu'il commençait à entrapercevoir avec la surveillance étroite de la de Rivefière. Peut-être se leurrait-il, mais Merrick avait le pressentiment qu'elle le mettrait à l'épreuve face à de plus grands dangers que la simple surveillance de la porte du Crépuscule. " Je comprends." Que dire de plus ? Il comprenait, mais ne voulait pas lui-même d'une vie morne et contemplative. Était-il devenu courageux ? Pas le moins du monde. Or, par le passé il avait déjà connu une existence à n'être rien. Simple fils de fermier, il avait exécré les tâches sur les terres de la demeure familiale. Aujourd'hui, ce n'était pas réellement la livrée des miliciens qui l'appâtait, mais plutôt la renommée de son piètre grade, l'idée et l'idéal de monter des échelons jusqu'au rang de sergent. Certes, être coutilier n'était presque rien. Pour autant, pour lui, c'était déjà beaucoup plus que tout ce qu'il avait déjà acquiert comme prestige et renommée. Narcissique et puéril à souhait, Merrick Lorren vivait dans le regard des autres et voulait se couvrir de gloire et d'honneur, sans prendre le moindre risque et sans faire le moindre effort. Triste dualité impossible, s'il en est...

-"Estelle de Chantauvent. Tu n'as pas à t'inquiéter pour les autres femmes. Aucune ne t'arrive n'y ne t'arriveras à la cheville." Cela pouvait sembler facile à dire, là en l'instant. Pour autant, ces paroles n'étaient pas le moins du monde creuses ou vides de sens. À ses yeux, personne ne la remplacerait. Pour le meilleur ou pour le pire. "Tu n'es pas égoïste le moins du monde. Enfaîte, j'apprécie ton honnêteté." L'ivrogne se retint d'ajouter un "enfin" qui aurait pu être blessant. "C'est peut-être le rôle d'une épouse, il est vrai, mais je me refuse que tu ne sois que cela. Qu'un simple support. Je veux entendre tes envies et ton avis. Je veux pouvoir échanger avec toi sur n'importe lequel des sujets, qu'il n'y ait plus de tabous ou de secret entre nous. Je veux... Je te veux toi, tout entier, Estelle." S'empourprant sous la gêne, plus habitué à déblatérer des compliments vides de sens qu'à s'ouvrir de la sorte, Lorren détourna le regard. Il s'en voulut intérieurement d'être aussi prompt à montrer son embarras. Cependant, il se rendait aussi compte que ses dires pouvaient avoir un double sens. " Je ne veux pas d'une simple femme qui n'ose ne rien dire ou faire pour ne pas déplaire à son époux. Qui ne fait que suivre. Je veux la tenancière de la Chope Sucrée. Aussi bien celle qui a un cœur suffisamment grand pour aider les plus démunis que celle prête à menacer l'ensemble des fêtards à l'aide de Brigitte. Je prends cette femme en entier ou je ne prends rien." Se passant la langue sur les lèvres, renouant avec son regard, il se racla la gorge et se passa une main dans la chevelure pour retrouver un semblant de contenance. " Je ne veux pas abandonner la milice. Pardon." Il l'était vraiment. Pourtant, il ne se voyait pas faire autre chose pour le moment." Je ne te cacherais rien. Je ne te mentirais pas. Cependant, j'en attends évidemment de même venant de toi."

Merrick venait de livrer l'ensemble de son ressenti et de sa position sur la question à Estelle. Toutefois, il était difficile à dire si ces mots la satisferaient complètement. Il voulait le croire, sans réussir à s'aveugler sur la chose. Suite à cet échange, leurs lèvres revinrent se trouver, comme si le temps du dialogue avait été trop long pour leur cœur continuant à s'appeler. Tout aussi rapidement, leurs langues se rencontrèrent dans une fougue qui n'avait plus rien à voir avec celle des premiers instants. Les mains de sa tenancière ne restèrent pas immobiles, parcourant son corps de long en large sans pour autant franchir la limite, le point de nom retour. Agrippant sa cuisse d'une main, alors que l'autre allait se perdre dans le creux des reins de sa partenaire, le coutilier n'osait plus bouger par peur de trahir son envie plus que palpable. Enfin, comme s'il jouait au chat et à la souris, ce fut au tour de la dame de Chantauvent de fuir et de s'immerger sous l'eau. Tentant de retrouver son souffle qui était saccadé, Lorren la regarda se reculer. Cette fois-ci, ce n'est pas lui qui aurait réussi à faire preuve d'autant de retenue...

-"En effet, cela devrait être illégal... mais j'ose prendre le risque de continuer !" Dit-il en haussant les épaules et en lui présentant une moue satisfaite. De toute façon, aller plus loin était en quelque sorte déjà "illégal", alors que les liens du mariage n'étaient pas encore noués à l'aide des rubans. Toutefois, pour Merrick, cela était le cadet de ses soucis, trop fortement happé par l'attrait et l'attirance qu'il avait pour Estelle. Ramener vers la propriétaire de la Chope Sucrée, comblant l'écart qui les séparait rapidement sans tergiverser tandis qu'il l'aurait lui-même réduite à peau de chagrin en l'espace de quelques instants, le coutilier retrouva le contact de ses lèvres, se laissant de nouveau embrasser. " Rien ne nous en empêche, Estelle." Puis après quelques secondes d'hésitation. "Es-tu réellement heureuse à la Chope ? Es-tu heureuse de gérer l'établissement ?" Il repensait au questionnement de la rouquine vis-à-vis de la milice précédemment. "Que veux-tu pour ton avenir ? Pour notre avenir ? Réellement partir ? Commencer notre histoire avec un nouveau départ ?" Bien qu'elle venait d'en quelque sorte le présenter, Lorren cherchait plutôt à entendre si elle désirait réellement continuer à être la tenancière de cette auberge qui avait été une façon de se rappeler son défunt époux. Est-ce qu'Estelle de Chantauvent tentait et voulait changer ? Était-il venu le temps de délaisser pour de bon ce passé lorsqu'elle changerait de nom pour celui de Lorren ? Jamais il ne la pousserait à faire quelque chose du genre. Ce que l'ivrogne voulait, c'était tout simplement son bonheur. Or, si celui-ci passait par la vente de la Chope, par un nouveau projet ou défis commun, il l'accepterait. "Je veux la même chose. Je ne demande pas mieux ou plus." Notamment en ce qui concernait Adrien, ce foutu salopard. " Une ride ? Qu'elle ride ? Il n'y a pas de ride là !" Dit-il en fronçant les sourcils, accentuant ladite ride, alors que le doigt de la jeune femme venait appuyer sur son front, rapidement remplacé par ses lèvres. "Je suis parfaitement conservé. Je n'ai pas une trace de vieillesse ! La jeunesse et la forme à l'était brut !" Décidément, l'homme d'armes se mentait à lui-même, ne voulant aucunement accepter de vieillir physiquement...

-" je ne mens jamais !" Mentit-il. Pinçant les lèvres, réalisant qu'il venait de le faire alors que c'était soi-disant impossible, il proféra un petit "désolé" en regardant le plafond de la salle. Par chance, aucun signe de vengeance divine n'apparut. Reprenant son sérieux, il se concentra sur la suite des dires de la rouquine. "Et moi je ne veux pas entendre parler d'eux." En cet instant, la seule chose qui lui important était leur discussion concernant leur avenir à deux ou sa vie à elle. Rien d'autre.

À dire vrai, Merrick Lorren aurait voulu être en mesure de lui parler de son enfance ou de la questionner sur toute autre chose. Or, c'était tout bonnement impossible. Comment pouvait-il encore résister, lui qui se faisait pourtant violence pour ne pas commettre un impair ? C'était devenu difficile. Trop difficile, alors qu'Estelle de Chantauvent venait coller son corps au sien, séparé bien simplement par la tenue de bain mouillé qu'elle portait encore. Bien mince, cette barrière dudit vêtement lui semblait dorénavant de trop. Sentant son souffle au creux de son oreille, entendant ses paroles qui résonnaient comme un doux murmure et une invitation à peine voilée, le coutilier chancela et chavira. L'attrapant par la taille, la soulevant il la colla encore plus à lui si cela était encore possible. Son cœur tambourinait avec force et fracas. L'entendait-elle ? Le sentait-elle frapper, alors que leur buste était collé l'un à l'autre ? N'offrant même pas une réponse aux paroles de la Chantauvent, n'essayant même pas de parler, il revint l'embrasser. Plein de fougue et d'ardeur, ce contact définissait sans le moindre doute possible ce qui allait être si la tenancière de la Chope Sucrée ne le repoussait pas.

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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyJeu 28 Mai 2020 - 19:39


- « Tu viendrais me chercher Merrick Lorren, je n’en ai pas le moindre doute » souffla-t-elle malicieuse

Oh, évidemment Estelle était loin d’envisager un cache-cache identique que celui qu’elle pouvait réaliser avec sa chère et tendre mère. L’ensemble était beaucoup moins… protocolaire, moins pur, moins innocent sans aucun doute, avait-elle déjà des idées sur la manière d’attirer perfidement Merrick jusqu’à elle. C’est d’ailleurs sans doute à cause de cette ambiance vaporeuse, de cette proximité envoûtante, de se mélange d’envie si éloignée les unes des autres. Battant légèrement des cils, prenant cette moue enfantine, presque culpabilisatrice, Estelle ne put que murmurer une phrase des plus douces.

- « Suis-je convaincue, Merrick Lorren que contre quelques tâches ménagères, tu adorerais jouer à cache-cache avec moi »

Conservant la proximité des lèvres et des corps dans une capture parfaitement acceptée du milicien sur son corps. Estelle savourait simplement l’instant, oubliant presque l’ensemble de ses soucis, Adrien lui semblait loin, Eude, la chope et même son altercation avec les miliciens. N’y avait-il que douceur, amour et … un léger froncement de sourcils alors qu’elle tâchait elle aussi de définir comment elle percevait le mariage, leur mariage. En réalité, bien que la Chantauvent soit absolument ravie de ce fait, que son cœur manquait sans aucun doute bon nombre de battement alors qu’elle y pensait, la rousse appréhendait tout de même. Avait-elle les peurs les plus futiles et courantes sans aucun doute, comme le fait de ne pas parvenir à arriver à l’heure, où bien peut-être de voir Merrick fuir à toute jambe… Mais d’autres étaient beaucoup plus profondes, beaucoup plus complexes à appréhender. Lui en parlerait-elle sans aucun doute, mais l’heure n’était pas à cette discussion précise, bien au contraire, c’est d’ailleurs juste avant d’évoquer une conversation sérieuse qu’Estelle tentait de donner cette envie commune de s’unir à son coutilier.

- « T’imaginer en tenue de mariage, donc encore plus beau que ton charme habituel à quelque chose de plaisant…. Je ne puis que de ce fait qu’être d’accord avec toi pour arriver très rapidement à notre date de mariage… »

La responsable d’une auberge avait fini par lui sourire, avant de s’abandonner vers une étrange discussion, celle de la religion. Estelle avait conscience que Merrick n’était pas un fervent croyant, mais n’avait jamais eu véritablement l’occasion d’échanger sur la question. Ainsi, à peine l’avait-elle formulé, qu’elle craignait de voir Merrick se refermer, de ne pas avoir exprimé les bons mots, voire même de nuire à cette ambiance plus douce et empreinte de douceur. La réponse amorcée par Merrick ainsi que son regard appuyé, suffit à comprendre pour Estelle qu’il n’était pas ni menteur ni honnête sur la question, mais qu’il tâchait de faire attention à ses propos. Penchant légèrement la tête, laissant cascader sa chevelure de feu sur un côté, elle se pinça la lèvre dans sa réflexion. La suite ne la surprit pas nécessairement, ne l’offusqua pas clairement non plus. La Chantauvent pouvait comprendre sans trop de difficulté cette vision, ce n’était pas nécessairement, ou tout du moins, pas toujours celle qu’elle avait en tête, mais elle pouvait l’entendre. La conversation ne sembla pas se poursuivre, parce que l’un et l’autre ne semblaient pas le vouloir, Merrick Lorren ne pouvait cependant pas se targuer de ne jamais revoir le sujet revenir dans la discussion.

La suite fut sans aucun doute plus douce, plus agréable, plus intense, les regards se croisant avec la même envie, le même besoin devenant presque animal. Si tout chez la rouquine trahissait son désir, jusqu’à des gestes maladroits. Les prunelles du coutilier hurlaient sans aucun doute exactement la même mélodie. La Chantauvent eut un mal infini à se contenir, à résister à la tentation, sa tentation, sans pour autant y céder. La demeure des Trois, le lieu, tout en lui-même offrirait une énième culpabilité dans son esprit. Néanmoins, Estelle ne rêvait que d’une chose, entendre encore et encore son nom murmuré entre les lèvres de Merrick, de cette manière plaintif, presque suppliant. Les lèvres avaient fini par se retrouver, les mains de Merrick par descendre et ce ne fut, une nouvelle fois que la violence de la conversation qui ramena l’un et l’autre dans la réalité.

Pour Estelle, ce fut un vent de déception qu’elle peina réellement à camoufler. Cela n’enlevait ni l’affection, ni le désir, ni son envie de foyer avec le coutilier. Ce fut simplement douloureux à accepter, entendre et envisager. Pourtant, la tenancière en avait conscience, Merrick tenait plus que de raison à son métier, sans doute même plus que l’affection qui lui portait, lui demander de faire un choix était inenvisageable, aurait elle-même la certitude de perdre se combat. Aussi, à peine avait-il débuté sa réponse, que la Chantauvent rendait déjà les armes du combat perdu d’avance. Elle se contenta d’opiner à plusieurs reprises, de formuler ce « mh,mh » qu’elle tâchait de rendre sincère et non juste de courtoisie. Elle sentait à l’intérieur de son être son cœur s’émietter au fur à mesure que Merrick argumentait pour justifier son choix. Son menton s’était fait soulever, son regard avait dû plonger dans le sien alors que sa gorge s’était finalement nouée alors que lui-même admettait pouvoir être envoyé ailleurs. Sa dernière phrase sembla acheter la rouquine, qui préféra détourner les yeux, fuyant une réalité qu’elle avait du mal à supporter.


- « Moi aussi je comprends » souffla-t-elle à son tour « De toute façon, il en faut bien un de nous qui se… » sacrifie, elle avait manqué de le dire tant l’effort lui coûtait, mais trop consciente que le mot était délicat, elle bifurqua « qui s’associe à l’envie de l’autre, n’est-ce pas ? Et puis, tu seras obligé de te faire pardonner à chaque mission, sans quoi, je me trouverais une autre occupation »

Si le départ était sincère, la fin beaucoup moins, avait elle-même volontairement au travers de l’humour voulu le blesser. Par vengeance, par culpabilité, par besoin de partager ce mal qui la rongeait alors que celui qui prétendait comprendre restait fermement acté sur ses positions. La rousse ne put qu’offrir un sourire à Merrick, alors qu’il évoquait des paroles touchantes de sincérités, mais sans doute irréalistes après avoir maintenu une envie qu’il savait complexe pour sa compagne. La tenancière ne lui en tenait cependant pas rigueur, se contentant de lui sourire avec cette envie de retrouver ses lèvres. Volontairement taisait-elle son vent de colère, volontairement, jusqu’à qu’elle sente une nouvelle fois son cœur se faire malmener. Dans toute sa douceur, dans toute sa délicatesse, Merrick Lorren venait de l’achever. Estelle sentit ses lèvres trembler un instant, comme si elle se sentait incapable de retenir le flot d’émotion et d’angoisse qu’elle contenait, elle sentit ses lèvres s’humidifier, piquer, sans que la moindre perle ne roule sur ses joues. Pardon. Le mot se répercuta dans son esprit, sans pour autant réduire ou retirer le reste, elle l’avisa un long moment, se répétant que finalement parler n’avait aucun intérêt, puisque malgré sa prise de parole, la finalité ne changeait pas.

- « Tu as de la chance que je n’ai pas Brigitte a porté de main » souffla-t-elle simplement en essayant d’y mettre une pointe d’humour « Ne t’excuse pas Merrick, ça n’en vaut pas la peine » ajouta-t-elle simplement. « Je ne peux pas te refaire ta promesse Merrick, si je devais te dépeindre toutes mes pensées quand tu n’es pas là. Tu n’auras cas juste imaginer qu’un jour une personne vient te trouver pour t’annoncer ma mort et imaginer la douleur qui en découle et tout le reste, aucun mot ne peut exprimer cette peur, aucune honnêteté ne pourra enlever la haine que j’éprouve quand tu t’excuses de faire ce choix…. Je comprends, c’est tout. Parce qu’aimer c’est ça aussi, je crois. »

C’était douloureux, elle qui avait tout perdu au travers la milice, elle qui avait dû faire le deuil suite à l’annonciation d’un homme qui se prétendait milicien de son mari. Oui. Estelle aussi faux soit la raison, avait dû faire son deuil, vivre avec un milicien, vivre avec cette peur et allait-elle devoir le revivre. Elle ne voulait pas de tout ça, au plus profond d’elle-même le savait-elle pertinemment. Néanmoins, comme souvent, elle préféra ne pas se battre, ne pas poursuivre ce combat qui était perdu. Le sacrifice ne viendrait pas de Merrick, elle en avait la certitude et la peur de voir une dispute séparer le couple en construction termina de la réduire au silence. Elle avait été honnête pourtant, s’il voulait qu’elle le soit, savoir ce qui se passait dans sa tête, avait-il cas imaginé à chaque fois qu’il s’éloigna qu’un inconnu vient lui annoncer sa mort à elle. Peut-être comprendrait-il alors à quel point son propre choix était égoïste. Cela n’avait rien de surprenant et comme la rousse avait pu le lui expliquer, jamais elle ne lui demanderait de choisir, comme jamais après cet instant, elle lui rappellerait qu’elle n’était pas favorable, que ça finirait par la tuer. Peut-être même que les rôles s’échangeraient, que Merrick aurait le poids de son absence sur sa propre conscience, elle n’en savait rien, mais égoïstement à son tour, elle l’espérait. Survivre à celui qu’elle aimait, elle n’était plus certaine d’être encore capable de le faire.

La situation avait fini par s’apaiser, dans la proximité, dans le rapprochement, peut-être dans un moyen autre de concilier l’inconciliable. Il y avait toujours eu ce jeu d’attirance entre eux, plus ou moins perceptible, plus ou moins prononcé. Il était difficile de désirer ardemment l’autre avec un psychopathe qui veut vous dévorer, ou avec un fangeux aux fesses, ou encore dans une cellule…. Néanmoins, il aurait été mentir que de prétendre qu’Estelle ne réagissait pas aux moindres effleurements. Son regard désireux ne le perdait plus des yeux, ses mots ne semblaient plus trouver écho dans ses pensées, ni même le jeu de cette ride. Estelle sentait la totalité de son être s’échapper de son contrôle, elle sentait son ventre se tortiller en tous sens, sa poitrine se gonfler jusqu’à définir une direction qui particulière. Chaque sourire, chaque rire, chaque effleurement sur sa peau laiteuse provoquait chez elle cette sensation si particulière, si agréable et incontrôlable à la fois. Oublié en un instant sa déception, oublié son besoin de communiquer, ses croyances, oubliées, envolées, évadées. Sa ride n’existait plus, sa conversation et son interrogation de ce qu’elle voulait, si elle aimait la chope ou non, non plus. Elle aurait pu lui murmurer que là n’était plus la question, alors qu’elle luttait encore contre elle-même, mais ce ne fut qu’un simple souffle chaud qui s’échappa de ses lèvres qu’elle ne rêvait que de retrouver contre celle de Merrick Lorren. Son échappatoire résidait en l’écoute attentive des paroles, du récit de son futur mari, qui semblait refuser catégoriquement de parler d’autre chose que de leur avenir, ou de sa volonté. Comment se concentrer sur une question, quand plus rien n’a de sens hormis cette étrange proximité.


- « Je retiens donc, monsieur Lorren, que vous refusez de porter assistance à votre épouse dans son besoin de distraction. Puisque c’est ainsi moi je refuse de vous parler de mes envies et de comment je vois exactement notre avenir. Voilà. »

Enfantin. Parfaitement enfantin, mais parfaitement ressemblant à une Estelle qui résista de peu à lui tirer la langue, sans s’apercevoir qu’elle venait de lui succomber à l’instant même où elle avait terminé sa phrase. La rouquine s’était retrouvée sous l’emprise des bras de son coutilier, alors que dans un bref mouvement, blotti dans ses bras elle était venue l’encercler de ses jambes afin de l’aider dans son mouvement. Les corps si proches, plus proches encore qu’il était possible de l’admettre les cœurs tambourinant à un rythme si descriptible. Sentait-elle son cœur ? Pleinement, autant que lui devait sentir le sien, autant qu’il devait voir son visage devenir rouge, autant que son regard devait trahir son envie et que sa bouche venait quémander inlassablement cette proximité.

.

S’éloignant lentement de Merrick, les yeux écarquillés, tout en ayant parfaitement conscience d’être aussi coupable que lui, Estelle l’éclaboussa si l’eau était à sa portée, ou y retournant si elle n’y était pas. Gonflant les joues alors qu’elle avisait le lieu autour d’elle, comme si soudainement elle comprenait qu’elle était dans le temple.

- « Alors ça… MERRICK LORREN » fit-elle non sans cette étincelle de malice au fond des yeux « Espèce de vil séducteur ! Gourdandin attractif ! C’est… c’est de la triche, impardonnable ! Toi et tes yeux, ton regard, ton odeur, c’est… Sorcier ! » souffla-t-elle dans une voix pleinement satisfaite, amusée, mais tout aussi sérieuse « Dans les thermes du temple, tu … Séducteur ! Tu… HAN ! » souffla-t-elle en sentant encore la chaleur de ses joues « Tu avais tout prévu, le bain privé, j’suis certaine ! Manipulateur en plus ! » ronchonna-t-elle en cherchant sa tenue « Maiiiiis ! Ne reste pas là, aide-moi… Je ne la trouve pas et… non, mais, on n’est pas tout nu au temple, c’est ta faute. »

Gonflant les joues comme l’enfant qu’elle était parfois, Estelle avait glissé ses mains sur ses hanches, avant de chercher à éclabousser encore Merrick à plusieurs reprises. Même si ses paroles pouvaient sembler pleines de reproches, sa manière de la regarder, ce sourire sur les lèvres et cette étincelle au fond des yeux pouvaient largement prouver le contraire.

- « Merrick… » souffla-t-elle finalement toujours à la recherche de sa tenue de bain « Tu sais je voulais te dire… » elle n’était plus très sûre encore… « Mais… Je peux comprendre ta colère contre les dieux, ou même ton envie de rester dans la milice. » elle se mordilla l’intérieur de la joue « Je ne sais pas si la chope me rend heureuse, j’aime ça… Mais, l’endroit est plein de souvenirs, de mensonges aussi… Je crois que trouver une petite maison à retaper pourrait me plaire… Essayer de faire pousser des légumes pour pouvoir cuisiner pour nous. » elle roula des épaules simplement « Ou devenir milicienne pour te faire vivre les mêmes angoisses. » Conclut-elle les joues une nouvelle fois gonflées.




Dernière édition par Estelle De Chantauvent le Dim 31 Mai 2020 - 10:41, édité 1 fois
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Merrick Lorren



Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyDim 31 Mai 2020 - 7:51
Estelle de Chantauvent en avait décidé par elle-même; ce qui surviendrait par la suite ne serait pas inscrit autour de l'idéal de la piété, mais sombrerait plutôt dans le néfaste du péché. Pour l'ineffable et l'inénarrable Merrick Lorren, le choix de sa rouquine était conjoint et identique à ses propres désirs. Comment résister plus longuement face à cette tentation qu'ils se faisaient conjointement subir ? Comment désirer préserver sa fervente croyance alors que l'ensemble de ses sens et de sa conscience était oblitéré par la concupiscence? La volupté de l'instant le forçait à fomenter un rapprochement qui n'avait plus rien de chaste ou de pur. Son envie était exacerbée par cette nouvelle promiscuité physique, alors que la dernière parcelle de tissu de sa tenancière était devenue une bien maigre défense. Ce dernier obstacle ne tiendrait jamais face à l'ivrogne, lui qui avait fait de la Chantauvent la source de son ivresse, la raison de son bonheur.


Certes, son amusement perdit un peu de sa superbe lorsqu'elle l'attaque à coup d'éclaboussure. Se protégeant de son avant-bras, Lorren rit et roula pour s'en aller un peu plus loin du bassin et de ses eaux qui étaient devenues tout sauf calmes. " Je plaide seulement coupable d'avoir succombé à tes charmes, Estelle de Chantauvent !" Puis s'asseyant au sol et dressant une mine faussement outrée, il secoua la tête. "Moi, un tricheur ?! Jamais !" Ça, c'était un mensonge. " Je n'avais rien prévu, mais tout espéré." Lui avoua-t-il sans le moindre scrupule. Se relevant, il se dirigea à son tour dans les eaux pour rejoindre la jeune femme. "Tu peux bien parler de sorcellerie, toi qui viens me faire languir du contact de ton corps ou de tes lèvres. Toi qui me subjugues par ta beauté, et m'abrutis par ton sourire..." Finissant par rire alors qu'elle ne trouvait pas sa tenue, il l'enlaça et déposa ses lèvres sur le bout de son nez. "Je ne vous libérerais pas de mon étreinte tant que vous n'arrêterez pas de m'incriminer pour des fautes que je n'ai pas commises, Princesse. Je plaide non coupable à l'ensemble des forfaits que vous présentez contre moi !" Tentant de la restreindre au mieux pour ne pas être mouillé encore plus qu'il ne l'était sous les assauts répétés de la Chantauvent, Merrick se mit à rire. Évidemment, il avait conscience qu'elle se jouait de lui. Évidemment, elle devait avoir conscience que lui aussi s'amusait, mais qu'il ne la relâcherait pas aussi facilement... Ainsi enfermée dans ses bras, la jeune femme finit par parler avec plus de sérieux, renouant avec les prémices de leur conversation avant qu'ils ne se perdent au détour de l'envie et du désir.

-" Merci de comprendre." Commença-t-il doucement, sachant qu'il marchait tel un funambule au-dessus d'un gouffre avec le sujet de la milice. Heureux de pouvoir détourner le dialogue de cela, il rebondit sur la suite de ses dires. "Nous trouverons ce que nous voudrons faire. Ce que tu veux, toi. Si la Chope n'est plus l'endroit idéal pour toi, pour nous, nous irons ailleurs. Le monde est à nous, Princesse !" Rien n'était moins vrai. Ce dernier appartenait à la fange. Or, au milieu de ce bain privé, il voulait croire le contraire. Pour elle comme pour lui. Lorsqu'elle lui parla de la milice, il secoua la tête en grimaçant. "Je préférerais la petite maison à reconstruire et le jardin..." Malgré les risques, cela lui semblait moins horrible que de voir sa rouquine rejoindre la milice. "Nous pourrions commencer par essayer de rallier le Labret sans encombre au moins une fois, non ?" Dit-il en souriant doucement, se moquant de leur dernière sortie qui avait été un véritable et ô combien retentissant échec. Puis, un peu plus perfidement; "Et tu sais, dans un jardin ou une vieille demeure à rebâtir, il y a plein de bêtes immondes... des serpents, des araignées des souris et plein d'autres bestioles." Poursuivit-il en les énumérant et levant un doigt à chaque nouveau "monstre" qu'il présentait à celle qui les exécrait. "Crois-tu pouvoir vivre au milieu d'eux, Estelle ?" Termina-t-il par demander, en essayant d'afficher un air innocent.

Finalement, ils s'étaient séparés pour partir en quête du vêtement perdu de la Chantauvent. Difficile à dire qui avait eu gain de cause. Était-ce l'opiniâtreté et l'esprit buté de Merrick ou Estelle et ses attaques pour se libérer ? Dur à savoir... toujours est-il que Lorren finit par retrouver la tenue et qu'il la secoua au-dessus de sa tête comme un trophée. " J'ai retrouvé votre tenue, Princesse !" S'approchant, mais gardant le bras dressé pour le garder hors de la portée de sa petite taille, il lui offrit un sourire enfantin. "Qu'est-ce que je gagne à te la rendre ? Je me sens plutôt perdant à te voir te couvrir..." Évidemment, Merrick ne garderait pas le tissu de sa promise très longtemps. Plus pitrerie que réalité, il le lui rendrait. Or, cela serait-il sous les contrecoups des menaces ou d'une quelconque promesse ou bénéfices ?

Finissant par sortir du bassin, il attrapa la serviette qu'il avait abandonnée à son arrivée et la noua à sa taille. Se passant une main dans la chevelure pour replacer le tout, il fronça les sourcils en se demandant pourquoi sa tignasse était aussi ébouriffée. Il lança un regard accusateur à la jeune femme, se doutant qu'elle était la coupable sans pouvoir se rappeler quand elle l'avait si vilement attaqué. Sans l'ombre d'un doute, elle avait dû profiter de l'abrutissement de ses sens durant leur rapprochement qui n'avait rien eu de chaste ou de pur. "Je crois que nous avons suffisamment profité de l'endroit, non ?" Dit-il en lui offrant un clin d'œil et toujours avec cet amusement enfantin qui le caractérisait. "Et si nous sortions ? N'y avait-il pas aussi un théâtre qui nous semblait intéressant avant que nous nous égarions dans ce bassin, mmh ?" Demanda-t-il avant de lever les mains pour montrer qu'il ne se plaignait aucunement des péripéties qu'ils venaient de vivre. C'était bien le contraire, d'ailleurs...

Lui tendant la main, il l'invita à s'extirper du therme et la guida vers l'extérieur du bain privé. Se frayant de nouveau un chemin au milieu de la foule, gambadant encore comme un enfant, mais plus réellement pour les mêmes raisons, se sentant véritablement léger et plus qu'heureux à cause des derniers événements, Merrick évita les badauds sans lâcher la main de la rousse. Encore perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas vraiment pourquoi le monde le dévisageait drôlement. Haussant les épaules, il se dit que c'était à cause du grand sourire béat qui ornait ses traits et non pas à cause des marques que la jeune femme avait laissées sur son cou. S'arrêtant là où ils devaient se séparer pour aller se changer Lorren déposa ses lèvres sur la main d'Estelle. "On se rejoint dans le hall d'entrée ?" attendant une réponse, il finit par disparaître du côté masculin pour remettre ses frustes frusques et éviter de se complaire dans d'autres frasques au regard de tous.

Arrivé dans la section des hommes, il récupéra son linge situé à côté d'un individu qui commençait à se vêtir. Ce dernier remarqua sans le moindre mal les traces laissées par les lèvres de la Chantauvent. "Décidément, vous et votre femme vous vous en donnez à cœur joie !"

Le sourire qui n'avait pas quitté les traits de Merrick vacilla. "...Pardon ?" le scélérat commença à paniquer. Est-ce qu'ils avaient été entendus ? Est-ce que cet inconnu savait ce qu'ils venaient de faire avec la rouquine ? Les avaient-ils vus ? "Je...je vous demande pardon ?"

Le quidam en question tapota son cou pour mentionner celui de l'homme d'armes. "Elle n'y est pas allée de main morte !" Touchant à son tour l'endroit qui lui avait été désigné, Lorren finit par comprendre les tenants et aboutissants des propos de son homologue. Soupirant apaiser de ne pas avoir été découvert, hésitant entre soulagement et amertume des marques laissés par Estelle, Merrick hocha la tête lentement et offrit un sourire d'apparat. Oui, mieux valait croire que c'était sa femme qui lui avait fait ces marques que sa promise. En outre, mieux valait aussi que personne ne sache que cela était récent. Très récent. "Oui, enfin. Vous savez ce que c'est, un mariage encore très récent." Se montrant polis jusqu'à la fin, finissant de s'habiller, les yeux du coutilier ne souriaient plus, alors qu'il finit par rejoindre le hall principal du temple pour attendre la fautive.

◈◈◈

Le regard perdu dans le vague, arrivé en premier dans le hall, Merrick Lorren ne vit Estelle qu'au dernier instant. S'approchant vivement d'elle, il l'attrapa doucement par le bras, pour la rapprocher de lui et lui parler tout bas. Son mouvement n'était aucunement violent, mais à tout le moins inquiet. "Par la Trinité, Estelle. Il fallait me dire que tu m'avais marqué de la sorte ! J'ai eu l'air de..." une main au niveau de son cou qui n'était guère protégé par sa tunique plutôt lâche, l'homme d'armes n'eut pas la chance de terminer sa phrase en voyant le prêtre se rapprocher du duo. "Et merde..." Se positionnant dans le dos de la Chantauvent, il présenta son profil non meurtri au représentant de la Trinité.

-"Alors ce bain privé, mes enfants ?"
-"C'est...ce fut un très agréable plaisir, mon père. Merci ! N'est-ce pas, Estelle ? Ce fut plaisant, non ? Enfin je veux dire ressourcant. Oui, voilà ! Non ? " Merrick était plus nerveux qu'à son habitude. Avec raison, d'ailleurs. Est-ce que l'homme du culte verrait quelque chose ?

Souriant doucement au duo, le prêtre porta son attention sur la jeune femme. "Pour ce bain, votre futur époux a promis de converser aussi longuement que je le désirerais avec lui pour votre mariage..."

-"Allons, mon père. Il ne fallait pas le dire...". Merrick n'était pas idiot. Il savait pertinemment que le prêtre faisait cela pour enchaîner Lorren à sa promesse, lui qui serait maintenant probablement poussé par Estelle pour s'y tenir. Décidément, ce bougre avait l'esprit bien affûté... suffisamment pour découvrir ce que le coutilier tentait de cacher ? Allez savoir...

-"Il ne faut pas garder sous silence les bonnes nouvelles, non ?"

Merrick Lorren resta silencieux, espérant que la dame de Chantauvent les tirerait de ce qui à ses yeux ressemblait de plus en plus à un traquenard. À cause d'elle, il devait cacher les marques qui les trahiraient. C'était donc à elle de les tirer de ce mauvais pas. Voilà !

◈◈◈

Finalement, que ce soit en ayant été démasqué et admonesté, ou subtilement, le duo finit par réussir à sortir du temple en un seul morceau. Pour le moment du moins. Soupirant et se passant une main dans la chevelure, Merrick glissa un regard courroucé à Estelle avant d'éclater de rire. Descendant d'une marche pour se retrouver à sa hauteur, il plongea les yeux dans les iris gris-bleu de sa compagne. "C'était horriblement dangereux comme "acte", Estelle de Chantauvent !" Il parlait comme si elle était l'unique fautive. Se rapprochant et murmurant, il lui offrit un grand sourire. "Mais je ne peux pas dire que je n'ai pas apprécié..."

Se décollant et sautant les dernières marches du parvis, Lorren se retourna et lui tendit sa main. "Alors, princesse. Où nos pas nous mènerons-nous ? En direction du théâtre ou de la Chope ? À moins que vous ayez une nouvelle idée ?" Le coutilier savait qu'il avait encore un peu de temps avant de devoir se préparer à sa prise de fonction pour la nuit. Dès lors, il laissait le choix à la Chantauvent de la suite de leur pérégrination, ayant, après tout, lui-même décidé d'aller se réfugier au temple et dans les thermes. Un choix qu'il jugeait plus qu'excellent, maintenant, avec du recul...
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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]:   Jusqu'à ce que la mort nous sépare [Estelle de Chantauvent]: - Page 2 EmptyDim 31 Mai 2020 - 15:08




Blottie dans ses bras, les yeux clos et l’écoute bercés par le tambourinement d’un cœur qui ne lui appartenait pas, la Chantauvent était là, juste là… Si proche de ce qu’elle avait toujours voulu : le bonheur. C’était lui, comme une certitude, comme une évidence, aussi lâche pouvait-il être, ivrogne parfois, couard, séducteur et possiblement un jour infidèle, il était celui qui lui convenait à la perfection.

Le réalisant sans doute au moment où ses lèvres venaient retrouver les siennes… Elle comprit toute autre chose à l’écho des rires des enfants au loin, du brouhaha du temple qui avait semblé s’éteindre alors que le couple s’abandonnait l’un à l’autre. La claque fut aussi forte que la danse des âmes et des corps fut plaisante, soit terriblement violente. Son esprit éteint venait de se rallumer, associer le bruit à des gens, des gens au temple, le temple aux Trois, les Trois à l’absence de mariage, l’absence de mariage à…. Estelle réalisait qu’elle venait de s’abandonner dans un lieu public, sous le nez et à la barbe de Serus en personne, de Rikni et d’Anür d’une manière dont la discrétion restait encore à prouver… Dans un lieu… public.

La rouquine avait dégluti, une fois, deux fois, trois fois. Son cœur lui avait semblé soudainement trembloter dans sa poitrine alors que ses joues devenaient rouge vif, alors que ses mains se faisaient plus… humides. Pire, elle ne parvenait pas à le regretter, mais l’admettre aurait été trop complexe. Aussi, elle avait fini par quitter les bras si agréables de son amant, ronchonnant comme une enfant coupable d’une bêtise qu’elle jugeait horrible. Son regard trahissait ce doute, mais teintée de cet amusement, alors que le contact de l’eau sur sa peau sembla la soulager un instant. Pivotant légèrement, ne put-elle qu’accuser celui qui ne pouvait être que le responsable de sa situation et qui se targuait lui-même d’être un beau salopard, l’attaquant à de multiples reprises en cherchant à l’éclabousser, lui qui semblait très amusé par la situation.

Merrick plaidait coupable d’avoir succombé à ses charmes, c’est ce qui lui avait dit, provoquant davantage la roseur de ses joues, qu’elle ne pouvait que gonfler. Émettant un chuuuuuuuuuuuut, parfaitement audible comme pour l’inciter au silence, comme si ceux qui avaient tout vu de leur observatoire avait encore une petite chance d’avoir détourné les yeux. Ne fallait-il de ce fait pas qu’ils puissent entendre la moindre preuve. Enchainait-il en précisant qu’il l’avait espérer, ne put-elle que tenter d’émettre une nouvelle fois ce même son, alors qu’elle tapait de manière invisible du pied sous l’eau. Chuuuuuuuuuuuuuuut. S’approchant, avait-il fini par la capture, provoquant cette vague de satisfaction dans ses paroles chez la rousse, rousse qui réalisait de plus en plus son degré de dépendance. S’était-il mis à rire teintant l’ensemble d’humour, tirant un sourire tendre et boudeur à celle qui se raisonner encore intérieurement, mais qui, de bonne volonté venait l’enlacer avec la plus infinie des tendresses. Néanmoins, ne put-elle que lui susurrer, la tête contre son buste :

- « Dans un lieu avec du monde….Merrick…. Par les Trois.. » elle se sentit rougir davantage « Non pas par les Trois, non, enfin… Par les dieux… mais… Pardonnez-moi… » souffla-t-elle un brin perdu, sans le moindre regret venant se blottir contre lui.

Dans cette proximité et sans doute dans son élan d’affection plus qu’enivrer par les derniers événements, Estelle ressentait le besoin de se réconcilier, là, ou il n’y avait pas eu véritable conflit, mais premier désaccord. Lentement, elle aborda le sujet de la milice, mentant sans véritablement le faire en expliquant qu’elle comprenait. Ne fallait-il pas s’y méprendre, la douleur n’en était pas moindre, aucunement, mais perdre celui qui lui donnait la sensation d’être enfin en vie n’était pas envisageable. La conversation alterne donc entre milice, besoin, désir de futurs, mots sincères, idées honnêtes, elle n’en restait pas moins blessée par cette réalité : Merrick voulait et resterait dans la milice. Peu importe les instants passés, peu importe cette dépendance à lui, la Chantauvent n’était pas certaine de le supporter, pas encore, pas une nouvelle fois, mieux valait-il simplement taire l’ensemble. Si Merrick lui souhaitait apporter un vent d’espoir, oubliant volontaire la fange, Estelle de son côté sur l’instant n’y parvenait plus. Elle qui se prenait cette claque silencieuse, alors que se profilait un mariage avec un milicien encore, avec la fange présente encore avec…. La mort sans doute. Sa gorge se noua alors qu’elle imaginait le pire, que son nouveau cauchemar hantant ses nuits venait de se définir. Prise dans ses peurs, elle ne perçut pas la totalité des propos de Merrick, ne releva-t-elle le nez que qu’au moment où il parlait serpent et autre joyeuseté.

- « Ca…. » fit-elle en rebaissant ses doigts un à un qu’il avait relevé « C’est très fourbe monsieur le coutilier » affirma-t-elle en laissant naître un vent de malice entre eux « Faut-il avoir conscience que si je suis apeurée ainsi…. En permanence parce que TU n’as pas réussi à rendre notre foyer parfaitement sécurisé par les immondices de créatures à ailes, poils, multiples yeux ou langue avide de sang…. Je ne pourrais de ce fait pas me consacrer à la satisfaction de mon cher et tendre époux… » elle laissa ses doigts parcourir son poignet, puis son avant-bras, pour remonter l’ensemble jusqu’à son visage « Dans bien des domaines… En plus, une fois marié, faudra-t-il davantage honorer Serus… Enfin. » fit-elle en roulant des épaules « Tant pis, je devrais me concentrer seule à la sécurité de notre foyer et de ce fait je n’aurais pas de temps à consacrer aux restes, ce n’est pas très grave après tout »

Naturellement, elle c’était éloigné un sourire en coin, parfaitement convaincu que même si la demeure était peuplée de multiples insectes, reptiles, ou autres bestioles, elle ne résisterait pas très longtemps à l’envie de se sentir frémir sous les doigts de celui qui lui faisait découvrir sans doute sans même sans apercevoir, ce que devait être véritablement, les relations à deux. Une autre chose devenait une obligation : retrouver sa tenue arpentant du bout des pieds le bassin cherchant en laissant ses doigts frôler la surface, la rouquine restait en échec face à cet objectif pourtant accessible. L’homme d’armes sembla plus chanceux sur la question, lui notifiant avoir retrouvé le fameux tissu. Satisfaite, elle ne tarda néanmoins pas à gonfler les joues vers celui qui l’empêchait de récupérer son bien.

- « Merrick’heuuuuuu » fit-elle en sautillant et essayant de récupérer la tenue « Mais… arrête donc de faire l’idiot, si quelqu’un venait à nous voir » bougonna-t-elle en continuant sa manœuvre « Je parlerais plutôt de ce que tu ne gagnerais pas si tu ne venais pas à me le rendre » conclut-elle en s’immobilisant et glissant les mains sur ses hanches « Merrick Lorren, je ne plaisante pas, si vous ne me rendez pas immédiatement cette chose, ça va très mal se terminer. »

Difficile de savoir si elle était sérieuse et quel genre de torture pouvait mettre en place Estelle pour faire succomber son milicien, toujours est-il qu’elle reprit rapidement ce jeu enfantin, tâchant de s’appuyer sur lui pour venir récupérer la robe blanche. Le jeu perdura un long moment, avant qu’il ne daigne lui rendre, pour sa plus grande satisfaction, elle qui ne put que très difficilement remettre l’ensemble afin de couvrir sa peau. Merrick avait fini par sortir du bassin, là où Estelle en profitait encore un peu, sans doute nostalgique déjà du moment et redoutant la réalité qui allait repointer le bout de son nez. Remontant les marches avec lenteur, s’autorisant un rire alors qu’il replaçait sa chevelure, elle se contenta de rouler des épaules à l’évocation du théâtre. Après être monté aussi haut dans l’oubli et la satisfaction, le retour à l’ensemble de la vie quotidienne lui semblait un peu violent.

- « Tu devrais couper tes cheveux, comme ça tu ne seras plus dérangé » plaisanta-t-elle taquine, le regard brillant avant d’attraper sa serviette pour essayer de se sécher légèrement, bien qu’avec une robe aussi dégoulinante la manœuvre était difficile « C’est une bonne idée » se contenta-t-elle de répondre dans un sourire « On pourra sans doute prolonger notre moment de pause dans cette… » vie compliquée c’était ce qu’elle avait voulu dire, sans doute, oui « Je sais bien que pour toi cela n’a pas d’importance » avoua-t-elle en attrapant sa main « Et je ne regrette absolument pas » avoua-t-elle dans cette voix timide « Au contraire… Mais, je voudrais qu’on tienne jusqu’au mariage maintenant… Tu veux bien ? »

En réalité, Estelle n’était pas certaine de ne pas avoir envie de découvrir davantage, de ne pas succomber durant un long moment à Merrick. Ses doigts triturant les siens sans qu’elle ne s’en rende compte était un bon indicateur, ou sa manière qu’elle avait de le regarder, parfois en le dévorant des yeux, parfois en se mordillant la lèvre. Néanmoins, la Chantauvent espérait sincèrement que le fait de respecter un peu, de manière partielle la volonté des Trois, pourrait donner davantage de valeur à leur couple. Surtout si Merrick avait véritablement ce vœu de paternité aussi camouflé soit-il, était-elle d’ailleurs, toujours convaincu de ne pas être affecté par le don de donner la vie. Était-ce sans aucun doute la raison pour laquelle elle ne s’inquiétait pas plus qu’il ne le fallait pas. Enroulant ses doigts dans ceux de son coutilier, le suivant simplement, elle fit silence avisant les familles, avisant les couples, les miliciens, les membres du clergé et les célibataires qui étaient présents. Elle ne perçut pas véritablement les regards, pire n’avait-elle pas remarqué ce qu’elle avait provoqué sur la peau de son amant.

- « Oui, dans le hall, puis on ira voir la troupe, avant que tu ne m’abandonnes lâchement pour ton travail. »

Oh, Estelle avait bien dit qu’elle comprenait, pour autant, elle n’était pas encore pleinement capable de ne pas émettre un petit pique, un petit doute à son encontre vis-à-vis de ses choix. Pire, même si elle tentait de se raisonner, avait-elle un peu de rancœur vis-à-vis de celui qui lui avait dit l’aimer plus que lui-même, mais qui dans les faits, n’était pas en mesure de faire passer quelqu’un d’autre devant ses envies. Préférant laisser de côté sa pensée, et ne souhaitant pas repartir sur une énième lutte perdu d’avance, elle se contenta d’offrir un sourire tendre, de forcer un rire qui se voulait taquin.

- « Je t’embête Merrick, faut-il bien des hommes comme toi pour sauver des gens comme moi…. Et des comme moi il y en a plein »

Elle relâcha sa main pour disparaître finalement dans le lieu où elle allait pouvoir se changer. Le moment fut long, non pas parce qu’Estelle avait beaucoup de vêtements à remettre, quoique, les femmes avaient le don d’avoir pas mal de tissu, de froufrou, de couche et de sous-couche. Mais bien parce qu’elle était prise à ses doutes, ses pensées. Chavirant entre une multitude de certitudes et d’incertitudes. Laissant ses doigts effleurer ses lèvres, elle ne put que se remémorer du premier baiser, si à cette époque on lui avait dit qu’aujourd’hui Merrick et elle seraient sur le point de s’épouser elle ne l’aurait sans doute pas cru. Après avoir tenté de mettre de côté l’ensemble de ses pensées, après avoir remonté sa crinière rousse et recouvert la moindre parcelle de peau, elle quitta l’endroit, pour rejoindre Merrick qui semblait déjà l’entendre dans le grand Hall. La pression sur son bras aussi naturelle soit-elle la fit légèrement grimacer, alors qu’elle relevait les yeux vers ce qu’il tentait de lui dire et que son visage se déforma en une véritable grimace de surprise.

- « Mais qu’est-ce que… Non… ce n’est pas… »

Merrick venait-il de la disputer pour la première fois ? Difficile à dire, toujours était-il que le couple n’avait guère eu le temps d’échanger sur la question, qu’Estelle avait dû pivoter pour faire face au prêtre. Les joues d’un rose particulièrement prononcé et le regard un brin inquiet, elle dû déglutir à plusieurs reprises et se concentrer pour suivre l’ensemble de la conversation. Elle ne put émettre qu’un « mh mh » peu concluant quand Merrick lui avait demandé si l’ensemble était plaisant, avant d’écarquiller les yeux à la révélation du prêtre.

- « Vr…Vraiment ? » questionna-t-elle surprise de voir acquiescer le représentant des Trois « Je suis certaine que les conversations seront particulièrement longues et intéressantes » admit-elle avec sincérité « J’ai moi aussi beaucoup de choses à dire, promettez-moi de ne pas m’oublier au bénéfice de mon futur époux, mh ? »

Le prêtre s’était mis à rire, glissant une main sur celle d’Estelle dans ce geste tendre qu’un père pourrait offrir à son enfant. Il l’avait toujours connue pleine de doute, de peur, de crainte, avait-elle toujours eu la sensation de ne pas être apprécié des Trois.

- « Aucune crainte mon enfant, je ne vais pas vous oublier. D’ailleurs, si vous le souhaitez, nous pourrons faire une séance commune, afin d’évoque ensemble les fondements du couple et de vous préparer au déroulement de la cérémonie et…. » il eut ce sourire tendre « Celle de la cérémonie de la fécondité, suis-je convaincue que deux jeunes gens comme vous pourront ravir Serus. »
- « Oui heu..Alors… NON » fit-elle plus nerveusement davantage rose de gêne « Hein Merrick, non, non Serus pas avant le mariage ! On n’est pas pressé…On … je… On reverra ça mon père, n’est-ce pas ? »

Pensant sans doute percevoir des gênes dues à la méconnaissance d’une union future, le prêtre s’était mis à rire donnant une petite pression sur la main d’Estelle, puis une petite tape sur le haut du bras de Merrick.

- « Bien, nous en reparlerons la prochaine fois, monsieur le coutilier, je vous attends régulièrement bien évidemment. Je compte sur vous. Profitez de votre soirée jeune couple. »

La rousse n’avait pu bien évidemment qu’opiner vivement avant de disparaître avec Merrick, ne pouvant retenir davantage son soupir de soulagement, ils étaient vraiment passés à un cheveu du pire, elle en avait la certitude. Merrick descendait les marches, riant, visiblement très amusé, alors que la tenancière ne se remettait toujours pas de ses émotions. Elle l’avisait, ne pouvait retenir un sourire affectueux en sa direction, lui qui évoquait que l’ensemble était terrible dangereux.

- « Ce n’est pas drôle Merrick… Ce n’est pas de ma faute… Je ne savais pas, je n’ai même pas remarqué que… Merrick, eh ! Je suis sérieuse » ronchonna-t-elle toujours dans ce comportement un brin enfantin.

Il s’était éloigné d’elle, sautillant avant de tendre la main en sa destination. Le rejoignant, Estelle ne put que soupirer, bien trop consciente que pour Merrick il n’y avait aucune problématique vis-à-vis de tout ça. S’amusait-il pleinement, simplement. Comment pouvait-elle lui en vouloir. Opinant, elle émit cette pression pour l’amener jusqu’à elle, simplement pour ressentir son contact et sa proximité, elle ne l’embrassa pas, même si l’envie était présente, se contentant de savourer le moment. La tête sur le haut de son buste, elle huma encore un peu son odeur, comme un enfant se réconfortant avec son doudou, sans pour être développer pleinement le fil de ses pensées. Avec douceur, elle avait fini par s’éloigner de quelques pas, faisant mine de réfléchir, de chercher autre chose à faire, alors qu’il fallait bien le reconnaître elle n’en avait absolument aucune idée.

- « Mhhhhh, eh bien, je pense que l’idée de la troupe est plutôt bonne, même si j’avoue que je suis un peu fatiguée » souffla-t-elle avant de venir récupérer sa main et de prendre la direction de l’endroit « Dis-moi Merrick » elle allait reparler de la milice, peut-être pour mieux visualiser, pour pouvoir mieux appréhender ses angoisses, mais se résigna, hésita, puis changea d’idée « Tu souhaites vraiment retourner au Labret ? Je ne dis pas non, mais je t’avoue que je préférerais qu’on s’organise mieux… Afin d’éviter, enfin tu comprends ! Mais pourquoi ne m’emmènerais-tu à la plage, un jour ? Cela doit être faisable pour toi, en tant que coutilier, non ? »

En réalité, Estelle ne définissait pas très bien les différences entre milicien, coutilier et sergent. A ses yeux, tous réalisaient plus ou moins même travail, même si elle avait tendance à voir un sergent comme un planqué dans un bureau, comme Merrick le lui avait présenté. Bien évidemment la Chantauvent ne partit nullement dans un débat, dans une recherche d’information, elle n’avait plus envie d’aborder ce sujet et préférait s’imaginer volontiers revivant des moments à deux, loin de tout, loin des désaccords ou des incompréhensions. Serrant doucement son emprise sur sa main, elle ne fut pas surprise de voir que le duo arrivait déjà au lieu de prédilection. La troupe était d’ailleurs déjà en train de s’animer et un cracheur de feu au centre enflammait le ciel de flamme qui eut le don de subjuguer la rousse autant que de l’effrayer. Elle s’était immobilisée, avant de reculer d’un pas, relevant les yeux vers cet éclair de lumière aussi intense que sa chevelure. Sa bouche forma un « o », alors qu’elle se positionnait légèrement derrière Merrick. L’homme avait le visage recouvert de symbole étrange, presque effrayant et semblait s’amuser à faire peur à la foule qui s’était rassemblée pour l’observer, parant son visage de multiples grimaces.

Bon public, clairement, le visage pâle et parsemé de tache de rousseur n’avait de cesse de voir ses prunelles s’émerveiller comme une enfant, alors qu’elle tirait la main de Merrick, comme pour lui montrer ce qu’il n’avait pas pu louper. Les multitudes cracha de flammes. Tirant légèrement toujours sur les doigts dans les siens pour l’entraîner plus loin, Estelle ne semblait pas très rassurée, ce qui la poussait naturellement à observer le reste, loin de cet homme étrange. C’était particulier, trop sans doute, pour laisser l’esprit de la fragile rouquine indemne. Dans des petites tentes, on pouvait passer d’étrangeté en étrangeté. Une femme dont il manquait une main, et où là ou aurait dû se trouver le membre ne se trouvait qu’un moignon rond avec une petite boule. Un homme dont la taille gigantesque lui donnait la prestance et la carrure d’un ours, une enfant dont la chevelure si blanche de son âge et les yeux de couleurs différentes pouvaient intriguer. Une femme prétendant pouvoir lire dans les lignes, ou dans les cartes. Évidemment, tout ce qui semblait à la sorcellerie était absolument terrifiant aux yeux de la tenancière qui fuyait l’ensemble avec grande hâte. Néanmoins, son poignet fut alpagué par la sorcière :


- « N’ayez pas peur très chère, venez…. De nos jours, l’avenir ne peut rien réserver de pire n’est-ce pas ? »
- -« Mh… Non… Pas vraiment…. Mais…. »
- « Bien, bien » fit la vieille femme en la relâchant « A votre guise. Peut-être que monsieur serait plus tenté lui ? »

En réalité, elle ne lui laisse pas franchement le choix, bien au contraire, profite de la proximité du couple, pour l’amener à elle en enroulant ses doigts sur son poignet, puis en effleurant sa paume pour la faire offrir. Estelle s’était décalée presque naturellement, les sourcils froncés, avisant tour à tour la bonne femme puis Merrick.

- « Ooooooh » fit-elle l’air grave « Je vois beaucoup de problèmes de souffrance, cette ligne est si… Votre main… Je vois un mariage à venir » tenta-t-elle en avisant la rousse « Je vois une hésitation, une peur… Peut-être l’heureuse élue ne viendra pas. » état-ce volontaire difficile à dire, mais Estelle s’était bien évidemment renfrogné, rongeant l’intérieur de sa joue « Vous voyez cette ligne, c’est votre ligne de vie… Elle n’est plus bien longue. On dirait une problématique, un meurtre peut-être, ou une attaque des monstres » le visage d’Estelle devenait de plus en plus pâle « Je vois un enfant ! Peut-être même d-» s’en fut trop
- « Ca suffit ! » protesta la rousse en interrompant le lien physique de Merrick et la sorcière « Vous.. Vous devriez avoir honte ! Sorcière ! Le clergé devrait vous faire rosir sur la place » menaça-t-elle pleine de rancœur et sans aucun doute plus agressive qu’elle ne l’aurait voulu
- « Je ne fais que lire les lignes ma douce… Je pourrais vous retourner le compliment avec votre chevelure à la couleur d’Etiol… »

Blessée, évidemment, par celle qui avait déjà entendu ce dénigrement à de nombreuse reprise, troublée par les paroles dont la voix de celle qui les avait prononcées semblait sans appel. Elle ne put que reculer, abandonnant Merrick sur place. Elle avait besoin de respirer simplement, de s’éloigner, elle ne doutait pas que Merrick la rejoindrait et si l’homme avait voulu la suivre il fut de nouveau interrompu par la drôle de dame.

- « Je suis navrée mon bon monsieur ne voulais-je… Je vous en conjure, écoutez-moi… Votre avenir est sombre, mais heureux, mais le mal semble vous poursuivre. Faites attention.. »

Elle l’avait relâché simplement, oui simplement avant de se renfermer dans sa tente. Plus loin, Estelle s’était de nouveau immobilisée au niveau du cracheur de feu, les bras croisés au niveau de sa poitrine. Observant autour d’elle, elle ruminait les paroles, se remémorait l’ensemble des dires en se persuadant, ou s’auto persuadant que cela n’avait pas le moindre sens qu’elle évoquait des généralités, qu’elle était une sorcière cherchant à pouvoir vendre ses futures potions… Sentant la présence de Merrick à ses côtés, elle ne put que murmurer quelques excuses.

- « Navrée… Je ne sais pas ce qui m’a pris…. Comment…. » elle lâcha un soupir « Cela n’avait aucun sens en plus… C’est déroutant… Il y a tellement de choses étranges… » devant un peu plus loin des danseuses s’étaient joint au cracheur, entourant celui-ci dans un cercle « C’est beau quand même… » tenta-t-elle de changer de sujet, encore un peu chamboulé « Tu as encore beaucoup de temps avant de devoir travailler ? » questionna-t-elle simplement.

Plus loin, l’ensemble des danseurs disparaissaient pour laisser place à une comédie détournant le comportement de certains nobles, tournant parfois en dérision les actions d’un Roi qui tentait de maintenir une ville en sécurité. Bien évidemment la rouquine n’avait pu qu’observer l’ensemble, non sans jamais détourner complètement le regard de Merrick. Que pensait-il, lui ?

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