Marbrume


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 [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie

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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyMer 29 Avr 2020 - 12:20
7 octobre 1166


Le temps était à l'averse. Accrochés aux toits des riches demeures de l'Esplanade, les nuages chargés de pluie pleuraient sur les par-terres entretenus des allées de promenade. Derrière la haute fenêtre du bureau de feu son père, Jacob demeurait songeur. Le jour était arrivé et derrière lui, ouverte sur le bureau marqueté, la lettre de Sydonnie était cette pierre venue alourdir ses pensées déjà troubles. Il l'avait lue, plusieurs fois parcourue des yeux et froissée à mainte reprises. Peut être que ses mots sonnaient trop justes, peut être qu'ils avaient la saveur amer du devoir et peut être qu'ils annonçaient la fin d'une vie déjà à l'agonie. Elle avait cependant eu la décence de taire certaines vérités. Même si tout le monde savait qu'il aurait mieux valu que ce soit lui et non Roland qui finisse dévoré par la Fange, celle qui avait été l'épouse de son frère s'était gardée de le lui rappeler.

Preuve de sa bonne volonté ? Difficile à dire. L'écrit demeurait rude, brut et acéré. À l'image de ses rochers qui s'extirpent des eaux pour ne pas se noyer sous les flots d'un océan implacable - et l'image était amusante quand on savait la dernière rumeur qui courait au sujet de la Sergente, de son suicide raté et de son sauvetage réussi par un certain Duchemin.

Sydonnie aurait bien pu être l'une de ces pierres dévorées par des eaux sombres, fouettées par elles et griffées par l'âpreté de leur vagues. Un brisant, éloigné du rivage, dangereux pour celui qui n'y prenait pas garde et mortel quand il s'en approchait trop. De tels rochers se trouvaient en nombre sur les côtes de Rivefière. Jacob les connaissait bien. Il savait leur volonté imperturbable et leur besoin de respirer quand ils se dressaient pour mieux défier le ciel. Il les avait parfois rejoint à la nage et se souvenait les avoir admirés du haut des falaises, quand avec Alys ils contemplaient l'horizon et s'imaginaient un avenir bien loin de correspondre à ce que la vie leur avait finalement réservé.

Dans la vitre, le reflet de son visage marqué par la Fange lui rappela comme le bonheur tenait à peu de chose. N'en restait pas moins qu'il n'était pas toujours conciliable avec ce que les dieux avait choisi pour vous. Le Destin est un ami cruel, un allié versatile qui parfois prend le parti de se faire tortionnaire. Il n'avait pourtant pas à se plaindre. Il mangeait à sa faim, avait un toit plus que prestigieux au-dessus de sa tête et jouissait de privilèges bien au-delà de ce qui suffisait à la dignité. Une chose devenue plus vraie encore, maintenant qu'il portait le titre de son père, celui que Roland aurait dû assumer et pour lequel, lui, n'avait pas de goût. Quelle fine bouche il faisait ! Quelques mots d'une récente conversation lui revinrent en mémoire et avec eux la colère.

La boule d'amertume qui ne le quittait plus depuis son départ de la coutellerie, demeurait logée dans sa gorge. Était-il en perdition comme l'écrivait Sydonnie ? Possiblement... Les jours heureux semblaient si loin. Plus loin encore que ne l'était le domaine familial. Ici, à Marbrume et encore plus maintenant qu'il se trouvait parqué à l'Esplanade avec les autres nobles, Jacob se sentait comme un misérable naufragé. Une sensation qui s'accentuait avec la vision de voir sa famille sombrer toujours plus profondément. Il était aujourd'hui le Capitaine malgré lui de ce navire en passe de couler. Sydonnie le soulignait très justement dans sa missive, même si elle ne s'osait pas à lui dire clairement ses devoirs.
Il n'en avait pas moins lu entre les lignes et savait ce que sous-entendait son ancienne belle-sœur, quand elle évoquait ces responsabilités qu'il se devait d'assumer. C'était d'ailleurs un leitmotiv assez répandu autour de lui en ce moment. La très pugnace Éloïse de Rivefière, en effet, ne manquait jamais une occasion de lui dire comme il était plus que temps de "grandir", de "mûrir" et de "se montrer raisonnable". Comme si c'était là de ces valeurs qu'il chérissait. Se contenter de la raison, c'était rien moins d'autre que se mettre en cage et il y avait bien assez de loquets assortis à son nouveau titre de Comte.

Certains y auraient vu une revanche à saisir. Lui, le mouton noir, le très vilain Rivefière, celui qui osait dire tout haut ce que les siens ne parvenaient pas même à penser, n'y voyait qu'un calvaire. Se retrouver à la tête de la lignée, assumer le rôle de "chef de famille" comme l'indiquait presque ironiquement le courrier de Sydonnie, n'était rien moins d'autre qu'un croix à porter sur un chemin de creusé de tombes. La fratrie Rivefière se trouvait amputée de ses meilleurs éléments. Après lui, Jacob, il ne resterait plus que Drystan pour mener la barque. Quelle pitié !

Bien loin d'être reluisant, le bilan dressé par Sydonnie n'en demeurait pas moins juste. "Fuir dans l'alcool, dans la guerre, la mort, n'apportait jamais rien", mais alors que faire ? Se voiler la face ? Imaginer un avenir meilleur que la plupart ne verraient pas ? Parce qu'il convenait de se montrer réaliste, la Fange ne disparaîtrait pas comme elle était apparue. Et quand bien même elle se trouverait un jour éradiquée, le monde ne serait plus jamais celui qu'ils avaient connu. Était-ce alors ce qu'il fallait préférer ? L'espoir sans garantie ? Cela lui rappelait cette fable de son enfance, dont la morale s'achevait sur un triste constat : "l'espoir réside dans la faculté de se tromper". Il fallait d'abord perdre, avant de se trouver capable d'espérer.

Avec un sourire ironique, Jacob glissa un regard vers le portrait qui figurait et représentait son aîné tel un héros. Y avait-il mensonge plus évident ? Roland avait toujours été considéré comme un modèle à suivre. Porté aux nues et étouffé de gloire, il avait fini par se briser de n'avoir jamais pu être lui-même. Sydonnie s'en était-elle seulement rendue compte ? Leur couple était de ceux qui se créent dans le négoce. Parfois la "transaction" s'avère fructueuse et heureuse, parfois elle est seulement convenable, et d'autres fois encore, elle se trouve être un terrible échec.

La peine de Sydonnie lui avait paru sincère, quand elle était venue le trouver peu après la disparition de Roland. Un chagrin alourdi par une perte plus terrible encore. Jacob n'avait rien dit de son secret. Il avait gardé sa confidence pour lui et l'avait tut à sa mère, comme aux autres membres de la famille. Est-ce que cela avait influencé sa décision, quand il avait accepté que Sydonnie puisse prendre de la distance ? Oui. Est-ce que cela avait aidé à son indulgence, quand elle lui avait dit comme elle le détestait et comme elle haïssait les Rivefière ? Également.
Sydonnie avait beaucoup sacrifié pour le bien de sa "nouvelle" famille. Par amour ? Par devoir ? Par crainte ? Jacob n'avait aucune idée de ce qui avait pu motiver sa décision de mettre en péril sa carrière et sa réputation. Il se doutait bien du crève-cœur que cela avait dû être, surtout pour le résultat que tous connaissaient aujourd'hui. Pouvait-il cependant s'en sentir responsable ? Non... Mais il pouvait bien encaisser encore quelques reproches et insultes. Il y était habitué depuis longtemps.

D'ailleurs, Wymarc avait déjà dû, par deux fois, se retourner dans sa tombe. Une première fois quand l'anneau comtale était passé au doigt de son deuxième fils et une seconde fois lorsque celui-ci avait offert à Sydonnie de prendre le recul dont elle avait besoin. Ce n'était pas une décision classique et certainement pas celles que ses pairs auraient pu prendre. Cependant, plaire à la belle société de Marbrume ne lui importait que peu. Il allait pourtant devoir faire front et plus encore, s'atteler à la tâche pour redorer le blason de cette famille qui n'avait jamais voulu de lui à sa tête. Une ambassade qui l'obligeait au sacrifice... Au moins elle, elle n'en savait rien.

Sur ce seul point de satisfaction, Jacob fit sèchement claquer sa langue. Assez de tergiversation. Il était ancien milicien et homme de terrain. Sydonnie voulait le rencontrer, qu'à cela ne tienne. Contournant le bureau d'un pas souple, il jeta un dernier coup d’œil à la lettre. Nul besoin de la prendre avec lui, il se souvenait des pensées que la Sergente d'Algrange avait posé sur le parchemin. Il se saisit seulement de ses armes et passa sur ses épaules un lourd manteau qui ne manquerait pas de le protéger de la pluie. Il ne lui faudrait pas longtemps pour rejoindre la Chope Sucrée, surtout à cheval. Il ne serait ni en retard, ni à l'heure... De toute façon et comme le dirait un certain milicien : "être à l'heure, c'est déjà être en retard".

Peut-être le croiserait-il ? Cela faisait quelques temps déjà qu'il n'était pas revenu dans cette auberge qu'il connaissait bien. Un fait que Sydonnie n'avait d'ailleurs pas manqué soulever dans son courrier. Jacob était un habitué des lieux. La bière y était bonne, brassée avec de l’orge germée et parfumée par des fleurs de houblon. Ils y servaient aussi de l'hypocras. De nombreuses journées s'étaient ainsi achevées sur les tabourets de la taverne, quand il faisait encore partie de la maritime. La Chope Sucrée était un lieu de rendez-vous pour bien des miliciens. Ce soir, elle serait celui de retrouvailles familiales.

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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyMar 5 Mai 2020 - 14:02


Il y a des espoirs qui se meurent et d’autres qui finissent par prendre racine là où ne peut guère les attendre. On peut toujours essayer de fuir, mais la fuite ne peut s’avérer être qu’un ultime échec, la réalité rattrape toujours le fugitif, la peine et la souffrance toujours le cœur. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la noiraude doutait. Installée confortablement, plus ou moins, contre le dossier de la chaise derrière son bureau, une pile de document, de rapport juste devant ses prunelles, la noiraude hésite. Son cœur tambourine avec force dans sa poitrine, son cœur se serre et sa respiration ralentit, est-elle réellement prête à passer cette étape, à renouer avec cette chute, ce gouffre que son mariage a entraîné ? Dans le fond, tout son être hurle qu’elle ferait mieux de renoncer, de ne pas se rendre à ce rendez-vous qu’elle a pourtant provoqué… Pour autant, il est sans doute grand temps pour celle qui est devenue une professionnelle de la fuite en avant de se retrouver, d’assumer, de faire ce qu’elle reproche à ce presque dernier Rivefière : grandir. Se redressant dans cette douleur presque habituelle, la plaie ornant toujours son dos avec une force et une purulence à faire pâlir l’ensemble des guérisseurs du clergé. Immobile, elle ne peut que venir nouer sa cape autour de son cou, du bout des doigts glisser sa capuche sur sa chevelure sombre. Son épée ne quitte que rarement son flan, tout comme ses dagues, elle reste une combattante hors pair, que ce soit pour une femme ou un homme, elle est connue pour faire chanter la moindre silhouette passant sous ses doigts experts.

À cet instant présent, pourtant, elle n’a plus la sensation d’être le bourreau, elle a l’impression d’être la proie, la responsable, l’agonisant, celle allant tout droit sur l’échafaud prête à se faire mettre la corde au cou, ou à recevoir la lame sur la tête. Sydonnie n’avait pas enquêté, ne chercher pas à savoir ce que manigancer la famille de Roland, sa famille. Ni Serena, ni Jacob, ni la mère, ni le cadet de la famille n’avait eu la chance de recevoir sa visite, non, elle avait voulu être un fantôme, transparente, morte…. Inutile. Cependant, aussi surprenant soit-il, son suicide raté, sa fréquentation d’une comtesse dans une relation qu’elle ne comprenait pas, dans la mer de ses regrets, la sergente avait fini par réaliser une chose : on ne pouvait pas vivre sans objectif, on ne pouvait pas vivre en ruminant ses blessures.

Vivre ou ne pas vivre, un choix qu’elle n’avait finalement pas eu, le baron Henry Duchemin ayant préféré sauter pour la sauver. Devenir l’héroïque noble ayant sauvé la tragique princesse en détresse. La noiraude lui en avait voulu, autant qu’il était possible d’en vouloir à quelqu’un, puis peu à peu, les jours s’écoulant, avait-elle fini par lui offrir une certaine reconnaissance. Fallait-il avancer désormais, vivre, définitivement. Roland serait toujours son ombre, un murmure, une sensation d’échec, il lui avait pris tout ce qu’elle avait de plus précieux, il lui avait menti, sans doute peut-être même trompée qu’elle n’en serait aucunement surprise. Ils n’avaient pas été ce couple idyllique, elle s’était menti en y croyant, il s’était menti en essayant de donner le change. Aujourd’hui, fallait-il simplement accepter et ne plus lutter contre des souvenirs. Le passé ne pouvait être changé, l’avenir lui… Était à porter de doigts, de bouteille, ou de n’importe quoi de proche.

La femme d’armes n’était aucune connue pour sa ponctualité, d’autant plus dernièrement, puisque par sanction, pour avoir entaché les espoirs que tous avaient fondés sur sa personne, pour avoir volontairement, paraît-il alourdi le moral des miliciens, elle se retrouvait surchargée de rapport à faire, de missions à vérifier, de tâche de surveillance de la porte. Il était toujours plus simple de reporter la faute sur les autres que sur soi-même et c’est sans doute un peu ce qu’elle faisait encore au travers de Jacob.

En rentrant dans la chope sucrée, les vêtements humides, la chevelure ondulant de cette manière indomptable, elle eut ce léger sourire. Estelle avait fini par faire partie de ce qu’elle pourrait nommer de connaissances proches. Même si la noiraude ne pourrait qu’éternellement lui reprocher sa relation avec Merrick Lorren, fallait-il être sacrément aveugle pour… lâchant un soupir, la sergente mit de côté ses pensées, glissa simplement au comptoir, attendant la patronne pour quémander son étrange demande.


- « Bonsoir Estelle »
- « Sydonnie, tu as presque meilleure mine, comme d’habitude ? »
- « Oui, mais… pourrais-tu faire monter l’ensemble dans une chambre ? J’attends Jacob, je voudrais que notre entretien reste discret ? »
- « Bien sûr ! Pour la nuit ? »
- « Je ne sais pas trop… Je te payerais la nuit de toute façon, on fait comme ça ? Tu le fais monter quand il arrive avec de quoi manger et boire ? »

La rousse avait simplement opiné, sans trop poser de question, néanmoins, il fallait bien admettre que son visage avait fait preuve d’une grande curiosité à son égard. D’abord l’héritier, puis le second… Cette famille était d’une incompréhension sans pareille. Néanmoins, son rôle était évidemment d’assurer de faire tourner sa taverne, hors de questions de froisser les habitués, elle pouvait bien fermer les yeux. Avisant la noiraude monter à l’étage, non sans avoir emporté une bouteille et deux verres, Estelle resta un long moment silencieuse. Quand même, d’abord l’aîné, puis le frère. En soi, ce n’était pas si choquant dans la noblesse, non, c’était peut-être même une suite logique, mais sans doute aurait-elle espéré mieux pour la sergente qu’elle appréciait, malgré la mésentente entre elle et son presque mari.

À l’étage, Sydonnie avait ouvert la porte, abandonnant sagement ses affaires dans un coin, tirant un meuble pour faire office de table s’allongeant simplement sur le lit, pensive. Elle n’avait pas imaginé réellement les retrouvailles et ne savait pas vraiment comment elle allait réagir devant lui. Une lettre, c’était tout ce qu’elle lui avait offert entre mot et maux, entre réalité et pique à peine voilé. Ce soir, tout lui semblait différent, elle avait besoin de retrouver une famille de se reconstruire, elle voulait le faire avec Jacob, elle voulait peut-être dans le fond, rentre fier celui qu’elle avait épousé et qui les avait tous lâchement abandonner. Prenant une inspiration, elle ne résista pas à l’idée de se servir un verre, puis un deuxième évidemment. L’alcool venait lui brûler la gorge, presque douloureusement, alors qu’elle entamait de faire une multitude de pas, peut-être qu’il ne viendrait même pas.

À l’étage inférieur Estelle surveillait la porte, tout en continuant le service, cette histoire continuait à l’intriguait, sans pour autant qu’elle ne tire la moindre conclusion trop… extrême, ce ne fut qu’en voyant la silhouette masculine qu’elle s’imagina avoir raison. Peut-être que le duo avait décidé de remonter la famille ensemble. Sacrée histoire.


- « Mo…Monsieur de Rivefière » fit-elle rapidement avec un plateau entre les mains « Votre… » future femme ? Belle sœur ? Ex-belle-sœur ? Amie ? « Rendez-vous est en haut, première porte à droite… Elle m’a fait préparer de la charcuterie, tout vient du Labret ! Vous ne trouverez rien de meilleur, je me suis fait livrer hier, je vous monte quelque chose, une bouteille ? Comme d’habitude ? »

Elle lui offrit un sourire simplement, elle avait fait ce qu’on lui avait demandé, mais l’idée n’en restait pas moins dérangeante. La rousse l’avait suivi du regard jusqu’à le perdre en haut des marches, ce n’est qu’après ça, qu’elle reprit simplement son service.

Quand la porte s’ouvrit, la noiraude était restée immobile, détaillant cette silhouette qu’elle ne connaissait pas si bien que ça. Sydonnie ne savait pas réellement comment se comporter, où se mettre, ni quoi lui dire. Son regard était froid et brillant à la fois, curieux, triste, un mélange d’émotion qui continuait de la traverser petit à petit, lentement.


- « Jacob… » un prénom, juste un prénom pourtant si douloureux à prononcer, elle aurait voulu qu’il soit quelqu’un d’autre, oui, sans doute, sans réellement se l’avouer « Je te remercie d’être venue, je te sers un verre ? Navrée, j’ai déjà commencé… »

D’un geste de la main elle attrapa le deuxième verre vide, de l’autre, elle montrait celui qu’elle avait vidé à deux reprises déjà. L’alcool n’était plus un problème pour celle qui en abusait sans aucun doute autant que le nouvel héritier :

- « Je voulais te parler… Je pense qu’on doit se parler. » Prenant une inspiration, elle fit preuve de raison « Comment vas-tu Jacob ? »

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Jacob de RivefièreComte
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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyDim 17 Mai 2020 - 10:12
Il avait poussé la porte de la Chope Sucrée sans la moindre arrière-pensée. Un rendez-vous, c'est tout ce qui devait l'attendre dans cette auberge du quartier de la milice qu'il connaissait bien. L'accueil cependant le surprit. "Monsieur de Rivefière", c'était bien la première fois qu'il se trouvait ainsi reçu par la tenancière du lieu. Il avait été un habitué, un ancien milicien qui, avec ses compagnons d'armes de l'époque, s'était retrouvé ici pour quelques soirées bien arrosées. Estelle avait dû le voir, plus d'une fois et à maintes reprises même, titubant et chantant quelques paillardises. Aussi, l'entendre lui donner du "Monsieur" avait de quoi le laisser pensif. Cela annonçait-il le ton d'une entrevue qu'il n'avait pas provoquée, mais à laquelle il devait se soumettre ?
La correction exigeait qu'il accepte de rencontrer Sydonnie. Après tout, elle était la veuve de son défunt frère. Il n'en resta pas moins étonné quand la propriétaire du lieu lui annonça que son "rendez-vous" l'attendait à l'étage. Il n'avait pas prévu de passer sa nuit ici, alors fallait-il qu'on lui explique l'intérêt d'une rencontre dans une auberge, si la discrétion était à ce point essentielle à de simples retrouvailles familiales. Pourquoi Sydonnie souhaitait-elle voir leur entretenue se dérouler dans une chambre ?

Agacé, il déclina le plateau de victuailles que lui tendait Estelle. Il n'avait pas l'intention de se faire le serveur d'une femme qui non seulement l'avait insulté par voie de courrier, mais qui en plus cherchait ostensiblement à le faire tourner en bourrique.
Il avait été patient, s'était montré plus que conciliant, compréhensif et attentif à la détresse de son ancienne belle-soeur. Il avait été jusqu'à recevoir son sauveur, le Baron Henry Duchemin, pour le remercier de son intervention quand Sydonnie avait tenté de mettre fin à ses jours. Il s'était employé à discrètement prendre de ses nouvelles, comme l'exigeaient ses fonctions de Comte et de Chef de famille, en soudoyant quelques miliciens et en exigeant qu'ils en gardent le secret. Alors qu'espérait-elle encore obtenir de lui ?

Montant les marches jusqu'à atteindre l'étage, il ne prit pas la peine de frapper avant d'entrer dans la chambre désignée comme étant celle où l'attendait Sydonnie. Elle s'y trouvait immobile, verre à la main et l'air songeur. Un tableau étrange... Et alors qu'il laissait son regard parcourir la pièce, il nota comme elle avait déplacé un meuble pour en faire une table d'appoint devant le lit. Un choix qui avait de quoi surprendre quand on savait le nombre de sièges disponibles dans la salle du rez-de-chaussée. Mais soit, qu'à cela ne tienne, il était venu pour discuter, pour prendre des nouvelles et identifier tout ces maux que Sydonnie avait voulu coucher sur le papier. Peut être arriverait-il à comprendre ce que sa vie avait de difficile entre ces murs, quand à l'extérieur des enfants se trouvaient livrés à la Fange. Peut être parviendrait-il à entendre que sa souffrance d'avoir perdu Roland était plus profonde que celle d'une mère tout juste veuve et d'un frère également orphelin.

Il retira son manteau, prit le temps de le poser sur un siège, mais se garda de fermer la porte derrière lui. Simple question d'étiquette, mais il ne souhaitait pas que sa belle-soeur puisse se sentir prise au piège et n'avait pas non plus le désir de s'enfermer dans cette pièce. Il avait déjà bien assez le sentiment de se trouver en cage dans son manoir de l'Esplanade.
Sydonnie le remercia pour sa venue et lui proposa un verre qu'il tarda à accepter. Se faisant il nota qu'elle avait posé les yeux sur lui et qu'elle le détaillait d'un air curieux.

Ils n'avaient jamais été proches et leurs rares entrevues s'étaient toujours trouvées brèves ou écourtées par quelques raisons impérieuses. Oh, elle avait bien tenté de le forcer à la réconciliation avec Roland, mais son aîné n'avait jamais été qu'un fantoche. Elle avait bien dû s'en rendre compte aujourd'hui. Ils n'avaient d'ailleurs pas grand chose en commun, son frère et lui. Si ce n'était leur couleur de cheveux d'un blond tout particulièrement clair et leurs yeux bleus hérités de leur père, ils étaient loin de se trouver semblables. Légèrement plus petit que son aîné, Jacob avait le physique plus élancé, une stature moins imposante, mais la silhouette effilée d'un épéiste aguerri. Ses gestes déliés s'en faisaient d'ailleurs les témoins. Fluides, esquissés avec amplitude, ils restaient sûrs et se trouvaient parfaitement maîtrisés. Une caractéristique qui contribuait à son assurance et qui le faisait paraître détaché, presque nonchalant.
À cela s'ajoutait cette faculté à ne jamais sembler trop apprêté. Aucune fioriture sur sa tenue pourtant ajustée, aucun bijou, pas de broderies inutiles ou d'accessoires rutilants, seulement la fierté et la certitude de n'avoir rien à se reprocher. Jacob, en effet, se trouvait persuadé être honnête et sincère. Il avait offert à Sydonnie de prendre le temps dont elle avait besoin pour se remettre. Il lui avait laissé le choix de ses batailles et n'avait rien exigé en retour. Une liberté qu'elle n'avait visiblement pas su apprécier à en juger par le contenu de la missive qu'elle lui avait adressée en amont de cette rencontre.

Sur un soupir, il prit le parti de rester debout. Boire outre mesure n'était pas une bonne idée. Il saisit cependant le verre qu'on lui tendait et remercia Sydonnie d'un inclinaison du chef. S'obligeant à la retenu, il chassa toute ses pensées négatives et leurs inflexions colériques. Il n'était pas question de se laisser aller à quelques éclats de voix ce soir. Il était seulement prévu d'avoir une discussion franche et posée entre membres écorchés d'une même famille.
Le nom qu'il portait tous les deux pouvait se trouver ancré dans leur chair. Lui portait son prix exorbitant sur le visage. Une cicatrice sur sa joue gauche. Le souvenir d'un exil et celui de la perte. Un stigmate qui venait troubler l'harmonie de ses traits et qui, comme un aveu, paraissait vouloir confesser ses faiblesses.

« Comment vas-tu Jacob ? » Demanda t-elle l'air presque sincère.

La question le fit sourire. Comment allait-il ? Qui pouvait bien s'en soucier ? Et surtout, comment aurait-il pu se plaindre de sa situation ? Il était Comte, vivait dans une splendide demeure de l'Esplanade, se trouvait étouffé de privilèges et "gavé" de nourriture - comparé à tous ceux qui mouraient de faim. C'eut été cracher dans la soupe que d'y trouver à redire.
Pourtant, les dieux savaient qu'il aurait pu renoncer à tout cela, s'il n'avait pas été le presque dernier descendant de sa lignée. Il y avait songé, plusieurs fois et très récemment encore, mais le devoir était ancré à son coeur, aussi sûrement que l'était l'alcyon.

Serrant les dents, il laissa ses doigts jouer sur le verre, avant de le caler dans le creux de sa paume. Il n'était décidément pas à l'aise ici, dans cette chambre, à l'étage d'une auberge du quartier de la milice, en compagnie de son ex belle-soeur. Sydonnie n'y était pour rien. Elle était assurément fardée d'intentions raisonnables. Il n'avait rien à lui reprocher et même s'il aurait pu lui en vouloir pour son courrier, pour son absence et son évidente hostilité quand il s'était agi de se montrer uni sous la bannière du deuil, il n'était plus l'heure de se quereller.
Restait donc à savoir pourquoi ce rendez-vous. Pour parler, comme elle l'affirmait avec un peu trop de conviction ? Il n'y voyait aucune objection.

« Je vais Sydonnie, comme tu t'en doutes et comme je n'ai pas le choix. Aussi bien que la situation le permet et aussi mal qu'elle l'inflige. Mais je ne t'apprends rien. Alors dis-moi plutôt comment tu vas toi, avant de m'expliquer les raisons qui ont motivé cette entrevue et celles qui t'ont poussé à penser qu'il serait judicieux que notre presque première rencontre, après la disparition de mon aîné, doive se dérouler dans la chambre de cette auberge. »

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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyLun 25 Mai 2020 - 17:52


- « Je ne me sentais pas en capacité de me rendre dans la demeure familiale » admit-elle sans grande hésitation, plongeant ses lèvres dans le récipient avalant une gorgée « Avais-je la sensation que cela serait sans doute plus simple pour toi aussi. »

Elle aurait pu croiser ses bras sous sa poitrine, prendre cette attitude fermée qui semblait lui coller à la peau. Bon nombre aurait pu témoigner que la noiraude n’était pas une grande bavarde et que comprendre ses pensées où même les entendre formulées étaient un fait bien trop rare pour réellement exister. Ses prunelles presque reptiliennes effleurèrent la silhouette masculine qui se trouvait face à elle, de cette manière à la fois curieuse, mais aussi jugeant. La sergente était toujours pleine de cette révolte, de cette rancœur. Face à lui, face à cette ressemblance familiale, face à ce souvenir trop réel de l’homme qu’elle avait aimé, elle eut cette certitude qu’elle aurait sacrifié son âme pour que les rôles soient échangés : pour que Jacob succombe et que Roland survive. Comment le formuler quand cette simple pensée condamnerait bien des êtres, révolterait bien les dieux. Ses lèvres se pincèrent, alors qu’elle peinait à faire le tri dans son esprit, que son cœur lui donnait la sensation d’exploser dans sa poitrine, que cette porte restait ouverte lui donnant l’amère impression de cette idée de fuite, cette non-envie d’être là. Comme une bête en cage, elle se déplaçait dans la pièce, avant de s’appuyer contre le rebord de la fenêtre. Retenant de justesse de ne pas offrir cette attitude fermée, se croisement de bras, cet air froid presque hostile.

- « Je ne sais pas comment je vais, j’ai arrêté, je crois, de chercher un coupable à mes ressentis. C’est plus simple d’être révoltée, en colère contre le royaume entier plutôt que d’accepter, n’est-ce pas ? »

Il était plus simple d’être en permanence en colère contre les autres, contre sa famille, contre des obligations, contre une vie qui se poursuit, plutôt que d’accepter, que d’essayer. Jacob lui semblait être dans cet entre-deux, cette colère, se battant contre lui-même et sa volonté d’abandonner associé à son besoin de liberté. La femme d’armes pouvait le comprendre, n’était-elle pas un peu dans cette situation ? Pour autant, que pouvait-elle lui dire ? Une main libre nerveuse était venue se perdre à l’arrière de sa nuque, alors que ses doigts fébriles tripotent des mèches de cheveux. Ses idées s’entrechoquent, ses envies également jusqu’à trouver l’espace d’un instant une ouverture, ou plutôt un semblant de courage.

- « J’ai été sotte et tu as été sot dans tes décisions » débute-t-elle avec lenteur « Je ne pourrais jamais retrouver mon indépendance d’avant ce mariage » ses lèvres se pincent, se perdent dans le récipient moitié vide, avalant une gorgée presque douloureuse « Je fais partie de ta famille, autant que ta sœur, ton frère et ta mère. Ce que je fais vous impacte et tes décisions m’impactent »

C’était révoltant à ses yeux, bien évidemment, si elle n’avait pas perdu son enfant, ce serait-elle sans doute retrouvée dans les têtes de décisions avec Jacob, un duo loin d’être de choc. Difficile pour la noiraude de faire le tri dans ses pensées, dans ce qu’elle doit dire, mais doit entendre également. La sergente aurait voulu le secouer, autant qu’elle avait besoin d’être secouée. Elle avait son propre sentiment de solitude, son propre besoin de liberté. Deux ressentis opposés, presque douloureux. Elle avale une nouvelle gorgée, presque nerveuse, termine son verre pour aviser celui qui semble un état similaire, elle ne se souvient plus clairement des propos de sa lettre, mais à conscience de ne pas avoir été si tendre.

- « Nous sommes des enfants Jacob, des enfants refusant de s’intégrer dans une habitude, dans un mode de vie. Tu luttes contre tes envies, tu luttes contre tout ce qui te rend incapable de prendre des décisions et d’agir dignement… » elle détourne les yeux, avise un pan de mur avec cette tristesse dans le regard « Je suis moi-même une enfant que d’avoir imaginé être en mesure de retrouver ma vie d’avant, ma vie ne sera plus jamais comme avant, je ne pourrais plus jamais me détacher de votre nom, hormis par un nouveau mariage et encore… » elle aurait choisi la mort « J’aurais voulu partir à sa place tu sais, cela aurait été tellement plus cohérent, plus simple… » sa gorge se noue « J’aurais voulu le retrouver moi-même pour le tuer de mes propres mains d’avoir été aussi égoïste, alors que… »

Sydonnie avait fait preuve de bon nombre de sacrifice pour les beaux yeux de Roland, elle avait été presque prête à abandonner sa fonction, sa vie de femme d’armes. Elle le lui avait dit, son saut des remparts n’était plus une surprise, le regrettait-elle, pas vraiment. Néanmoins, tout lui semblait encore si compliqué.

- « Je vais être affiliée définitivement à l’extérieur Jacob, je ne suis pas mordu, mais ma blessure des créatures est trop importante… Elle ne guérira pas et ne deviendra pas une cicatrice comme celle que tu portes sur ton visage. » sa main se retrouva une nouvelle fois derrière sa nuque « Il est inutile de te rappeler le risque de l’extérieur, cela ne me dérange pas, je n’ai plus grand-chose à perdre, contrairement à toi. »

Essayait-elle de le faire réagir, de le faire réagir tout en s’autorisant sans doute à faire comprendre qu’elle n’avait plus de but, peut-être espérait-elle en trouver un dans cette rencontre, peut-être espérait-elle avoir face à elle un meneur, quelqu’un qui lui promettrait que tout finirait par s’arranger, mais Jacob en était-il seulement capable.

- « J’ai donné ma vie à cette cité, aux habitants, puis j’ai confié mon existence à ton frère au travers de notre mariage. Je ne serais jamais une noble digne, avec une belle conversation et des manières à faire pâlir la reine elle-même. » elle eut cet étrange sourire « J’ai beaucoup d’erreurs à me faire pardonner par les Trois… Peut-être es-tu dans cette même situation… Je l’ignore. »

Elle finit par s’approcher de quelques pas, abandonnant le récipient vide sur le bord de la table, cherchant dans ce regard qu’elle ne connaît pas réellement cette proximité, ce réconfort familial.

- « Jacob… J’en ai marre d’être en guerre contre l’humanité, contre moi, contre son souvenir, contre votre famille, contre toi… Je voudrais avancer, retrouver la sensation de vivre, de respirer. Je ne dois rien à Roland, je ne le fais pas pour son souvenir, suis-je tout simplement incapable de lui pardonner. Je ne le fais pas pour toi non plus, quoique, suis-je certaine que le mot famille n’est pas sans écho… »

Ses pas s’immobilisent devant la silhouette masculine, plus haut qu’elle, plus large aussi. Son menton se redresse pour détailler ce visage, sans doute pour dévoiler ce qu’elle représente, qui elle est à ce moment précis.

- « J’ai besoin de savoir Jacob, je veux savoir, es-tu prêt à arrêter de te battre contre les mauvaises personnes pour prendre ce qui te revient ? Tu es l’héritier, celui qui provoquera la fin de cette famille, où le nouveau commencement. Je n’arrive pas à savoir ce que tu vas décider… Ni même ce que tu vas faire. Je n’ai pas envie d’être ton ennemie, je n’ai plus envie d’être ma propre ennemie non plus. Quoiqu’il arrive tes choix vont influencer ma vie et les miens la tienne. »

Elle tend une main en sa direction, paume vers le haut, doigt légèrement écarté :


- « Alors j’ai besoin de savoir Jacob, est-ce qu'on avance ensemble ? »

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Jacob de RivefièreComte
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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyDim 31 Mai 2020 - 22:08
C'était une chose étrange, que d'observer cette femme, sa belle-soeur, dire tout son malheur et imaginer le sien à la lueur de sa propre peine. Tantôt perdue dans son mal-être, tantôt farouchement révoltée contre le destin, elle avait l'air en proie à ses fantômes. Elle se perdait dans ses réflexions aussi souvent qu'elle en affirmait ses conclusions. Elle les affichait alors comme des vérités qu'elle lui jetait au visage, sûre de son fait et de son savoir. Il écoutait, observait ses mimiques, le jeu de ses doigts sur sa nuque et dans la masse ondulée de ses longs cheveux noirs. Elle choisissait ses mots pour ne pas laisser filer le vrai ton de sa pensée, mais il connaissait ce regard. Il l'avait si souvent subi, si souvent détesté. Il n'était pas Roland et ne serait jamais cette image parfaite d'un homme sans faille. Il n'était pas semblable à ces portraits fièrement exposés au-dessus d'un âtre. Ceux qui affichaient la fierté illusoire d'un père malhonnête ou qui se contentaient de flatter l'égo du très subjectif héros. Des portraits tissés dans la toile du mensonge et de l'hypocrisie, seulement pour paraître respectable et digne de l'intérêt que vous portent les autres. Un fait d'autant plus risible que cet intérêt ne se trouvait motivé que par le profit personnel qu'il était possible d'en tirer. Être apprécié de quelqu'un d'apprécié vous rend appréciable aux yeux de tous. Pathétique... Tellement humain.

Il n'en restait pas moins triste de n'avoir pas le courage de ses opinions et de se cacher derrière l'image compassée de la bienséance. À force d'écouter les autres ou pire, à force de n'écouter que ses propres ressentis, elle ne pouvait pas se trouver réellement franche. Alors... Pourquoi ne le disait-elle pas clairement ? Pourquoi n'avouait-elle pas enfin qu'elle aurait préféré qu'il meure à la place de Roland ? Elle restait convaincue qu'il était sot au point de ne pas savoir ce qu'elle pensait réellement. Persuadée qu'il ne pouvait pas croire qu'elle serait prête à l'étouffer ici et maintenant, si seulement cela pouvait lui ramener son époux. Pensait-elle qu'ils pouvaient être à ce point différents ? Il connaissait cette peine, cette impression d'avoir perdu tout, ou partie de soi bien trop importante pour avoir seulement le droit d'exister encore. Un sentiment si extrême qu'il faisait se compresser les poumons au point de tarir le souffle. Une culpabilité qui, à l'image de la Fange, rongeait le vivant, mais qui, contrairement à elle, demeurait invisible à l'oeil.

Un frisson désagréable glissa le long de son échine. Il serra les dents, si fort et jusqu'à s'en faire contracter les mâchoires. Il n'était pas question de savoir qui pouvait se targuer d'une plus grande détresse. Il avait perdu son père et son frère, elle se trouvait endeuillée par la mort de son époux et de son enfant à naître. Une douleur qui, comme celle qu'il pouvait lui-même ressentir, ne pouvait se voir quantifiée ou seulement comparée à une autre. Baissant les yeux sur son verre, il prit une profonde inspiration avant d'arquer les sourcils.

« J'entends Sydonnie. J'entends ta peine et les mots que tu associes au chagrin qui t'accable, mais je ne te crois pas lorsque tu dis être en révolte contre le monde. Tu es seulement triste. Triste d'avoir perdu ce qui te faisait te sentir heureuse. Un époux, que tu as peut être eu le temps d'aimer, mais que tu n'as pas eu le temps de connaître parfaitement. Et un enfant, que tu as pu rêver ou imaginer, mais que tu n'as pas tenu dans tes bras. »

Des mots rudes, difficiles à entendre, mais aussi durs à prononcer. Son rôle était cependant de dire les choses. Il n'était pas venu ici pour aider Sydonnie à s'apitoyer sur elle-même, il n'était pas non plus question de l'encourager dans une voie qui l'amènerait une fois encore en haut des remparts. Cependant, il le savait pour l'avoir vécu et pour le vivre encore ; de la perte naissait une incommensurable souffrance, une douleur inqualifiable et presque insurmontable. Un gouffre impossible à combler, mais que le temps aidait à atténuer et que la vie amenait à compenser.

« Je ne cherche pas à te nuire, ni même à te blesser. J'essaye seulement d'être franc et honnête, comme depuis toujours. Alors oui, j'ai peut être été sot de t'offrir le temps et de permettre la distance que tu as toi-même réclamés. Cela ne fait d'ailleurs que peu de doute, puisque tu y as trouvé une opportunité pour tenter de mettre fin à tes jours. »

Il releva les yeux pour les poser sur la femme qui lui faisait face. Il l'observa ainsi pendant quelques instants, sans la moindre animosité et avec la franchise ancrée au coeur.

« Je sais que tu me penses incapable et je me doute de ce que ton mal a pu souffler à ton esprit. Tu n'es pas la première à me voir comme le peu qu'il reste. Je ne t'en veux pas, c'est humain et si tu as pu te sentir en guerre contre moi, je ne t'ai jamais considérée comme une ennemie. À t'entendre cependant, j'ai ce sentiment que tu voudrais que je devienne un tyran contre lequel tu pourrais te dresser... »

Il aurait pu la rejoindre d'un pas rageur, l'attraper par le bras et l'obliger à écouter sa propre misère. La malmener jusqu'à ce qu'elle entende ouvrir les yeux et ne plus les garder river sur son affliction. Cependant, il s'obligea à tempérer son désir d'en découdre. Il se força à calmer le tremblement de ses doigts, annonciateur de ses habituelles colères. Il s'était juré d'éviter tout éclat de voix et de ne pas céder à la tempête.

« Je peux comprendre Sydonnie... Tu penses avoir tout perdu et tu crois que j'ai remporté la mise. À l'image de ses blessures que tu compares, celle qui gangrène ton dos et celle qui s'affiche sainement sur mon visage, tu es convaincue que je cicatrise plus vite que toi. Pire, tu te persuades être la seule à souffrir. Tu crois que non seulement je ne ressens rien, mais qu'en plus, j'ai gagné la palme du bonheur tandis que toi, tu n'as même plus le droit d'espérer survivre. »

Une nouvelle fois il serra les dents, ravalant sa hargne. Ses yeux d'un bleu limpide rivés sur elle, il aurait pu la fusiller du regard. Comment pouvait-elle être aussi égoïste ? Elle lui en voulait pour quelques sombres raisons et parce qu'il était en vie, quand Roland avait choisi de mourir. Elle lui reprochait même d'assumer ses responsabilités de chef de famille et osait, sous couvert de faux bons sentiments, lui rappeler qu'il pourrait y perdre s'il décidait de la renvoyer. Une manière assez peu élégante de lui forcer la main, même si la méthode se trouvait emballée dans des mots de velours.
Pour le moment Sydonnie avait bonne réputation. Ses actes à venir pouvaient cependant se trouver bien moins glorieux – sa tentative de suicide l'avait prouvé - et son nouveau nom, celui qu'elle avait hérité de son mariage avec Roland, lui garantissait l'impact de ses actions sur la renommée des Rivefière. Comme elle l'avait si justement souligné dans sa missive, il se retrouverait à devoir assumer les conséquences des actes de sa belle-soeur, sans pouvoir s'y soustraire autrement qu'en arguant de son incapacité à la gérer. Joyeuse perspective...

« Tu crois que je me fiche de savoir que tu vas risquer ta vie à l'extérieur ? J'ai été milicien et je sais ce que la vie a de précieux. Je ne remets pas en cause ton engagement. Moi-même, si je ne devais pas assumer les responsabilités liées à un titre dont je n'ai jamais voulu, je serais encore aux côtés de mes compagnons d'armes. Mon coeur est resté là-bas, avec ceux qui risquent leur vie pour le bien de la cité et je désespère de ne pas pouvoir les rejoindre aussi souvent que je le souhaiterais. »

Elle s'était approchée de quelques pas, dardant sur lui un regard torturé. Il avait conscience de ces rares points de ressemblance avec son aîné et se doutait bien qu'elle n'avait pas manqué les relever. Mais il n'était pas le moralisateur Rivefière qui allait condamner ses erreurs, ni même celui qui voudrait se repentir des siennes. Il assumait ses défauts et chacun de ses écarts de conduite. Aussi attendait-il la même chose des autres. Il n'était pas de ceux qui, en bons juges, décidaient de la volonté des dieux. Il avait sa conscience pour lui, se trouvait capable de faire ses proches choix et s'efforçait de ne pas en faire reposer la responsabilité sur d'autres.

« Roland était mon aîné et pour beaucoup, il était l'exemple que j'aurais dû suivre. Il ne me revient pas de juger de sa décision, comme je n'ai pas à me prononcer sur les actes qui alourdissent ta conscience. Vis Sydonnie, pour toi, pour ce que demain ne pourra pas te voler. Fais-le sans te sentir responsable de ces choses que tu n'es pas en mesure de contrôler. Personne ne te le demande, tu n'es pas le chef de cette famille. Tu as le droit de pleurer, de te sentir perdue, d'éprouver tout ce que tu ressens. Et si pour ma part j'ai des choses à me faire pardonner, j'espère avoir en moi la force de faire ce qu'il faut pour n'avoir pas à vivre dans le regret. »

Un mensonge, bien sûr, qu'il lui servait sans ciller et tout en gardant son regard ancré au sien. Ses regrets étaient nombreux. Difficiles à taire, quand ils se nourrissaient de sa culpabilité ou qu'ils se faisaient les bourreaux de son coeur. Indomptables, quand ils s'animaient d'une franche passion. Il était en révolte depuis si longtemps, contre le monde et contre son propre destin. Il ne comprenait pas pourquoi les dieux avaient choisi de l'épargner quand ils avaient pris Alys, leur père et Roland. En cela il pouvait admettre les doutes que Sydonnie n'osaient clairement dire. Était-il à la hauteur de ce qu'on attendait de lui ? Se sentait-il capable d'assumer correctement son nouveau rôle ? Il était le presque dernier de sa lignée. Il connaissait les enjeux liés à ce que cela signifiait. Ses choix impacteraient sur l'avenir d'une famille qui n'avait jamais eu à craindre pour son avenir. Dilemme... À l'image de cette main qu'elle tendait vers lui, dans un geste dont il n'arrivait pas à déterminer la sincérité.

Qu'espérait-elle de cette rencontre ?

Elle se tenait devant lui, dans l'attente d'une réaction, l'air insondable. Il aurait voulu pouvoir lire en elle, comprendre ce qui se cachait derrière ces grands yeux clairs qui le fixaient avec curiosité. Au risque de s'en trouver déçu, il aurait voulu savoir ce qu'elle avait derrière la tête. Il posa son verre sur une commode à proximité, puis s'avança pour prendre la main qu'elle lui tendait entre ses paumes. Il en referma les doigts sur eux-même, avant de la libérer.

« Je ne t'oblige à rien Sydonnie et je n'estime pas avoir de compte à te rendre. Si tu choisis de rester Rivefière, fais-le en ton âme et conscience, mais tiens toi à ce que tu as promis le jour où tu as accepté de porter ce nom. Je ne serai ni ton bourreau, ni ton geôlier, mais je ne serai pas non plus celui qui te tiendra la main dans l'épreuve. Ce n'est pas mon rôle. J'ai besoin de toi comme d'un soutien solide et loyal à sa parole. Une alliée sincère et alors tu pourras toi aussi compter sur moi. »



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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyLun 1 Juin 2020 - 0:16


Peut-être eu le temps d’aimer. Elle eut cet étrange sourire sur les lèvres, alors qu’elle aurait pu juste dégainer, laisser fuir sa colère, s’exprimer cette noirceur qui semblait l’envahir parfois. Peut-être qu’il avait osé dire, elle qui avait tout sacrifié pour un nom, une famille, pour éviter les répercussions, peut-être oui. Il en était ridicule à prétendre savoir ce qu’il ne savait pas. Ne pouvait-elle cependant pas lui retirer complètement le point, lui qui avait choisi de mettre fin à ses jours, ne l’avait elle pas vu venir, ni perçu… Irène aussi lui avait dit qu’elle ne le connaissait pas, elle lui avait fait comprendre que dès le départ, dans cette relation, quelque chose n’allait pas dans le bon sens. Ses lèvres se pincèrent, aurait pu se retrousser pour cracher sa haine, comme un animal sur la défensive, mais elle n’en fit absolument rien, laissant simplement un souffle d’air chaud fuir sa bouche, s’échapper bruyamment, lourdement, presque douloureusement. L’évocation de cet enfant qu’elle n’avait jamais voulu ne fut pas ce coup de poignard en plein cœur qu’elle aurait voulu ressentir du plus profond de son être, Roland voulait être père, elle n’avait jamais rien souhaité. Son regard avait dû néanmoins se durcir, ne sachant pas véritablement où le nouvel héritier de Rivefière voulait aller.

Fallait-il être aveugle pour ne pas voir les contractions de sa mâchoire, les pensées filer derrière ses prunelles bleutées. La noiraude n’avait jamais été aveugle, la souffrance, la rancœur, la haine était des amies de longue date qu’elle ne pouvait désormais que reconnaître quand elle voyait les mêmes faces à elle. Déglutissant surveillant son verre trop vide à son goût. Sa présence ici, elle commençait déjà à la regretter, sans trop savoir si cette rencontre n’était pas la poursuite presque naturelle de l’ensemble de ses dérapages. Irène, son saut dans le vide, Alaric… Dernièrement accumulait-elle les situations délicates, sans pour autant regretter, était-ce sans doute ça le pire.

- « Je n’ai pas… » débuta-t-elle avant de renoncer à l’idée, expliquer encore et encore n’avait pas le moindre sens « Ne fais pas mine que cela t’aurait attristé, épargnons-nous au moins ça. Cela aurait été un poids en moins sur tes épaules »

Son regard avait dû croiser le sien, malgré ses propos, la sergente avait du mal à ne pas voir Jacob comme une agression perpétuelle. Pourtant était-ce bien elle qui avait amené cette rencontre, cet arrangement, ce besoin d’échange. Le nouvel héritier avait cependant raison sur de nombreux points, le fait qu’il n’était pas Roland en faisait plus que grandement partie. Elle aurait pu elle aussi se révolter, contre ses mots, contre sa manière qu’il avait de prétendre la cerner, comprendre sa douleur, comment le pourrait-il. Jamais elle ne minimiserait la sienne, le mal rongeant devait être différent, pour autant, quand la noiraude elle-même parvenait à faire le tri dans ses pensées, il était fort complexe d’entrevoir qu’un autre pourrait définir ses idées.

- « Ne prétends pas comprendre s’il te plaît, ni même imaginer mes pensées. Si tu avais été un jour mon ennemi Jacob, crois-moi que j’aurais tenté de te tuer. Je ne crois pas que cela aurait soulagé ma peine un instant, peut-être la tienne à la limite. » Impulsive, elle l’avait toujours été, avait-elle d’ailleurs à la base voulu proposer un duel à l’héritier, c’est sans doute Irène qui l’en avait dissuadée sans même le savoir. « Je n’ai jamais eu l’audace de penser que tu as remporté la mise, j’ai plutôt de la peine pour toi, ce grade est un poids. Roland était consumé par les responsabilités, il était loin d’être aussi parfait que tu as l’air de le penser. »

La suite, ce fut un drôle d’écho, a de nombreuses reprises, la noiraude aurait eu l’occasion de s’emporter, sans aucun doute que peu de temps avant, elle l’aurait fait. La sergente était étrange calme, presque las de tout ça, luter encore luter, toujours luter. Dans sa carrière, dans sa vie personnelle, avec lui désormais, sans véritablement savoir pourquoi. Cherchait-elle quelque chose qu’elle ne retrouvait pas dans les paroles de Jacob, du réconfort, de la présence, de la guidance. Celle qui se retrouvait sans cadre et dont le comportement était loin d’être aussi irréprochable que ce qu’elle aurait voulu. Mais non, le Rivefière était là, prétendre comprendre, toujours comprendre, entendre, avançant le fait qu’il savait parfaitement ce que représentait son engagement. Laissant entendre une nouvelle fois qu’il s’inquiéterait de sa disparition. Menteur. Aurait-elle pu l’applaudir de ses belles paroles, le bel acteur, celui qui prétendait qu’elle n’était pas chef de famille à juste titre, mais qui dans la même idée s’amusait à prétendre qu’il ferait ce qu’il fallait pour ne pas avoir de regret. N’était-ce pas lui qui vivait jusque-là dans le passé ?

La femme d’armes tâchait de laisser de coter ses pensées, ses doutes, ses analyses. Elle était triste, fallait-il l’admettre, sans ne jamais trouver rien qui étanche sa peine. Ses gens lui semblaient parfois fébriles, parfois prête à partir en guerre contre qui voudrait bien d’une arme un peu suicidaire. Encore une fois, celle à la chevelure sombre s’interrogeait, la déception était particulièrement présente, elle qui espérait tellement de cette rencontre, sans rien trouver en réponse. Puis ce fut un instant de faiblesse, un éclair de fragilité dans le fond de ses yeux alors qu’il prenait sa main dans la sienne, pensant très certainement la libérer de son fardeau en lui laissant le choix. Connard de libérateur, de prétendu héros.


- « J’ai toujours été fidèle à ta famille, dans mes choix. J’ai toujours été loyal, même encore aujourd’hui, mais tu sais mieux que personne, je pense, Jacob, que même si tu le voulais tu ne pourrais pas me libérer. » elle abandonna sa position pour avancer jusqu’à la fenêtre, dos à lui, elle avisait l’extérieur, les mains appuyant sur le rebord « Je ne sais pas pourquoi je t’ai demandé de venir, j’aurais voulu voir en toi un guide pour me sauver de moi-même et de mes dérives »

A cet instant, elle n’était pas certaine qu’il soit cet homme qu’elle aurait tant voulu. Oui, la noiraude aurait pu s’imaginer volontiers l’aider dans la reconquête d’un domaine, mourir en le protégeant afin de voir envolé une dette qu’elle devait être la seule à percevoir. Comment continuer à imaginer cela quand lui-même qui exigeait d’elle une honnêteté et des décisions qu’il peinait à faire respecter.

- « Tu ne veux pas être celui qui me tient la main dans l’épreuve, mais tu exiges de moi que je sois un pilier sans faille, sauf que des failles, j’en ai beaucoup trop Jacob. Tu ne peux pas prendre une partie et laisser le reste. » Comme elle ne pouvait pas exiger de lui d’être Roland « Je n’ai plus rien Jacob, ma famille est morte, je n’ai plus que toi, ta mère, ton frère et ta sœur, ta famille. J’aurais voulu que tu me dises que j’y avais ma place, parce que cette place je la cherche continuellement. »

Cette fois-ci elle était honnête, elle ne voulait pas avoir le choix de pouvoir encore fuir, de passer des jours, des semaines, des mois à s’abandonner à se chercher, à s’oublier. Pour avancer, pour se reconstruire, elle devait savoir, comprendre, cadrer parfaitement ce qu’elle avait encore. Laissant un soupir fuir ses lèvres, elle avait l’amère impression de s’être trompée. Là où devait-il percevoir un geste noble de sa part, de la libérer, elle y voyait davantage de chaînes. Pivotant légèrement sur elle, même s’appuyant cette fois dos à la fenêtre, la noiraude aurait voulu pouvoir lire dans son esprit, définir ses pensées, ses doutes, ses hésitations, comprendre ce qu’il ressentait véritablement, sans mensonge, sans faux semblant.

- « Tu as raison Jacob, je ne sais pas ce que je fais ici » souffla-t-elle finalement la gorge nouée « Je ne sais pas qui tu es, dois-je encore avoir la vision de cet homme en conflit avec sa sœur la tenant pour responsable de la mort de sa jumelle, de se frère ne pouvant pas s’entendre avec son aîné, c’est vrai. J’ai été proche de Serena, j’ai été l’épouse de Roland, alors nécessairement quand je te regarde, je ne vois pas que du bon en toi, mais au moins, aurais-je essayé de te rencontrer, de t’ouvrir la porte pour te connaître, pour te laisser me connaître. Je ne remplacerais jamais Alys, je ne serais jamais au niveau de Serena, je suis loin d’avoir la pseudo perfection de Roland… Je suis même en toute franchise plutôt un nid à emmerde, je ne prends jamais les bonnes décisions et dernièrement j’ai tendance à boire plus que de raison… Mais vraiment Jacob, j’aurais voulu croire… Que je pouvais faire véritablement partie de votre famille, de ta famille… Peut-être qu’encore une fois, je n’ai su que m’aveugler et dévoiler mon idiotie… Excuse-moi de t’avoir fait perdre ton temps. »

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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyDim 7 Juin 2020 - 1:09
« C'est maintenant que tu me fais perdre mon temps Sydonnie. »

Il avait presque grogné en prononçant ces mots. La colère au ventre et le souffle armé de morgue, il était prêt à fondre sur elle. Elle avait osé. Comme une odieuse harpie, persuadée d'avoir entre ses griffes une irréfutable vérité, elle lui jetait au visage ce qu'elle avait obtenu des très discutables confidences faites par Serena et Roland. Il était facile aujourd'hui de prétendre dédier sa démarche à l'objectivité, alors qu'elle avait passé deux années à seulement croire ses aînés sur parole. Quand s'était-elle intéressée à ce que la famille avait de gangrène ? Quand elle avait fourré sa langue dans l'oreille de Serena ou quand elle avait écarté les cuisses pour Roland ? Y avait-il plus pure expression de l'hypocrisie ? Rien n'était moins sûr !

Quant à se comparer à Alys... S'il y avait bien un sujet sur lequel il n'avait pas envie de s'épancher, elle venait de le piétiner avec la bassesse du conspuant. Elle pensait savoir ce qui s'était passé ce jour là, sur le chemin de l'exil ? Serena lui avait sans doute raconté comme elle se trouvait désœuvrée et comme elle avait fait tout son possible pour sauver Alys. Elle lui avait assurément dit que son frère ne pouvait pas comprendre. Qu'il la prenait pour responsable, alors qu'elle n'avait rien à se reprocher. Et pourtant... Elle avait certainement tu sa jalousie maladive à l'égard d'Alys. Et ne lui avait probablement pas expliqué comment sa maladresse avait coûté la vie de sa soeur. Il était tellement plus simple de taire ces choses pour crier à l'injuste méchanceté de celui qui osait la culpabiliser.

Non, vraiment, ce n'était ni le lieu, ni le moment, ni même la bonne manière d'aborder ce sujet plus que sensible et si Sydonnie avait espéré adoucir sa pensée en lui parlant d'Alys, elle n'avait fait qu'exacerber son ressentiment. Une manière bien indélicate d’attiser sa colère, déloyale, mais efficace.

Efficace...

Par tous les dieux ! L'évidence frappa aux portes de son esprit avec force et fracas. Elle voulait le pousser à la faute ! Elle cherchait à le provoquer, sciemment et seulement pour pouvoir trouver un juste motif à sa rancoeur. Espérait-elle le voir tirer l'épée ? Il n'était pas fou à ce point. Jamais il ne commettrait une telle erreur et certainement pas pour répondre à un affront aussi grossier.

« Je me fiche de savoir que tu as été proche de Serena et de Roland, comme je me fous de ce qu'ils ont pu te dire à mon sujet. Je connais mes défauts bien mieux qu'ils ont pu te les raconter et je les assume avec bien plus d'honnêteté qu'ils te l'ont probablement laissé entendre. Si j'en veux à Serena, cela ne te concerne en rien et tu n'as ni à te mêler de ce que ma soeur et moi avons à régler ensemble, ni même à tenter d'utiliser cela pour justifier tes préjugés. Quant à me dire que je n'arrivais pas à m'entendre avec Roland et qu'il était loin d'être aussi parfait que je l'imagine...»

Il laissa filer un rire presque moqueur.

« N'essaye pas de m'apprendre quelque chose que tu n'es pas encore capable d'accepter. Parce que ni toi, ni moi, ne l'avons vu venir. Tu te sens peut être responsable, autant que je peux me sentir coupable. Qu'en sais-je ? Je ne te connais pas plus que tu me connais. Cependant, je n'accepterais pas que tu utilises ce que tu sais de notre famille contre moi. »

Il prit une profonde inspiration, dardant sur elle un regard noir, avant de détourner les yeux en expirant. Elle prétendait vouloir se montrer objective, mais venait ici affublée de présomptions. Drapée dans les ragots colportés par ceux de son propre sang et confortée dans son obstination, elle cherchait seulement un moyen de l’affubler des maux qu'elle n'était pas capable d'assumer. Elle faisait tout cela en se présentant en victime revendicatrice. Elle voulait qu'il soit un guide ? Le sien bien évidemment. Qu'il la sauve de ses dérives ? Parce qu'elle était victime de tout et même de ses propres dévoiements... Elle n'était pas même prête à accepter qu'il puisse en être capable. Elle ne cherchait qu'un responsable. Quelqu'un qui aurait pu assumer ses erreurs à sa place et lui imposer une direction à suivre. Elle présentait cela comme un but à atteindre, comme une farouche volonté de retrouver un sens à sa vie. Paradoxale... Elle serait bien capable de lui en vouloir seulement parce qu'il avait respecté sa volonté.

Il baissa les yeux, expira une nouvelle et croisa les bras sur son torse. Il n'y avait rien de bon à nourrir la querelle.

Cette rencontre se profilait déjà comme un échec et pourtant, il était convaincu d'avoir bien agi. Sydonnie n'avait jamais été de ces gens qui, comme un livre ouvert, vous offrent à lire leurs plus intimes pensées sur leur visage. Cependant, en cet instant et alors qu'il se rappelait les mots qu'elle avait couché sur le papier, il se trouvait proprement perdu. Rien ne correspondait plus entre ce qu'elle avait écrit et ce qu'elle affirmait ici.
Ce soir, elle prétendait vouloir faire partie de sa famille, alors que dans son courrier elle le remerciait d'être sorti de sa vie. Elle s'offusquait de le voir remettre en doute sa loyauté envers les Rivefière, alors que dans sa lettre elle disait son dégoût de seulement porter ce nom. Elle lui en voulait de ne pas lui offrir une place au sein de sa famille, mais avait affirmé dans sa missive n'avoir aucun désir d'en être membre. Cela ne tenait décidément plus de la farce, mais ouvrait de nouvelles perspective au ridicule.

Il n'en avait pas moins saisi la déception dans le ton de sa voix. Un brin d'amertume qu'elle avait voulu dissimuler et taire, tout en expliquant sa désillusion. Elle lui avait donné les mauvaises cartes d'un jeu truqué et lui reprochait de ne pas avoir compris qu'il devait perdre. Elle se foutait de lui et s'en défendait avec plus de mauvaise foi qu'un vendeur de tapis.

Relevant la tête et les yeux pour les poser sur la jeune femme, il soupira. Il n'avait pas demandé à se retrouver dans cette situation et ne se trouvait pas légitime pour régler les problèmes existentiels de sa belle-soeur, Sydonnie de Rivefière et encore moins ceux de la Sergente, Sydonnie d'Algrange. Il ne connaissait ni l'une, ni l'autre de ces personnes. Oh bien sûr, il savait les ragots et autres rumeurs qui dressaient le tableau d'une arriviste ambitieuse, impulsive et dure, mais il avait aussi entendu dire que Sydonnie était juste et compétente, qu'elle était tout à fait qualifié et méritante. Alors que pouvait-il bien lui reprocher, sinon de se trouver aussi perdue que lui ?

« Je ne sais pas si je suis à plaindre Sydonnie. Je n'ai pas souhaité cette situation et ne l'ai même jamais imaginée. Devenir Chef de famille, porter le titre de mon père, celui qui était destiné à Roland... » Il marqua un temps d'arrêt avant de reprendre sur un nouveau soupir. « Je ne m'explique pas son geste et je ne comprends pas ce qui lui a pris. J'ai essayé de m'approcher de cet endroit où certains prétendent l'avoir vu pour la dernière fois. J'y suis allé, plusieurs fois. Jamais assez près cependant. J'ignore si c'est la raison qui m'en a tenu éloigné ou si c'était la peur de le voir parmi ces monstres. » Il prit une nouvelle et profonde inspiration. « Je n'ai pas les mots Sydonnie. Aucune bonne parole à prononcer. Aucune formule magique pour tout réparer. Je ne suis pas plus savant aujourd'hui que je l'étais il y a deux mois, seulement parce que je porte aujourd'hui un titre qui ne m'était pas destiné. Je me sens même souvent plus bête encore que je l'étais à l'époque où il me suffisait de suivre un ordre. Alors parfois, quand je passe devant sa chambre, j'en pousse la porte et je me dis qu'il sera peut être là, de retour pour me dire que ce n'était qu'un mauvais rêve. »

C'était la stricte vérité. Celle qu'il se gardait bien de dire à sa mère ou à Drystan et celle qu'il n'aborderait plus une fois ce moment passé.

« Mais tu le sais aussi sûrement que moi. Roland ne reviendra pas. Et ce n'est ni de ta faute, ni de la mienne. C'était son choix et il nous revient de l'assumer, toi en tant que sa veuve, Sydonnie de Rivefière et moi, comme son frère, le deuxième dans l'ordre de succession de notre défunt père. »

Il récupéra son verre encore plein et le porta à ses lèvres pour en prendre une gorgée de vin. Une manière comme une autre d'apporter sa faveur aux mots prononcés et offerts comme une main tendue.

« Je ne te tournerai pas le dos Sydonnie pour repartir à l'Esplanade le coeur plus léger d'être débarrassé de toi. Je ne suis pas aussi mesquin que tu sembles le croire. Tout du moins, je l'espère. Je sais ce que tu as sacrifié pour ce nom que, comme moi, tu détestes autant que tu aimes. Pour autant et contrairement à ce que tu dis, je ne prétends pas comprendre ta peine et je n'essaye pas d'imaginer tes pensées. Si tu pouvais donc ne pas présager des miennes... Cette discussion s'en porterait d'autant mieux. »

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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyDim 7 Juin 2020 - 14:09



La première phrase de Jacob eut le don d’achever celle qui ne savait pas réellement ce qu’elle cherchait. Immobile, avisant la fenêtre, elle sentit le tambour de sa poitrine se faire plus fort, plus intense, plus douloureux. Ses mains s’étaient agrippées au rebord, s’enfonçant presque naturellement dans une colère soudainement étouffante. Percevait-elle dans son dos ce même ressenti, sans le comprendre, sans regretter ses propres paroles. Sydonnie avait la sensation d’être honnête et transparente, sans jamais l’être réellement, sans le constater, l’envisager. Les regrets prenaient possession de son esprit, peu à peu, comme de multitudes d’aiguilles s’enfonçant ici et là, provoquant cette souffrance démesurée de ce qu’elle prenait pour un rejet. Pivotant légèrement, elle ne pouvait que survoler de ses yeux clairs la silhouette masculine, celui de cet homme auquel elle avait voulu s’accrocher, sans vraiment y parvenir. Avec lenteur, elle avait fermé les yeux, prenant une inspiration intense, puis une autre avant d’ouvrir ses prunelles avec l’espoir que ce ne soit plus Jacob, mais Roland. Sans succès évidemment. La noiraude pouvait percevoir la colère au fond des yeux de ce cadet devenu héritier, elle pouvait voir cette respiration plus vive trahissant la colère le rongeant ? Qu’attendait-il pour foncer sur elle, qu’attendait-il pour se faire violent, la recadrer ? Qui pourrait le lui reprocher, lui qui avait les pleins pouvoirs sur les femmes de sa famille l’entourant.

Le Rivefière n’en fit rien, se contentant de taper là encore, où cela faisait mal, évoquant son manque d’intérêt pour sa relation avec Serena, avec Roland, avec tout ce qui faisait que la noiraude avait eu la sensation d’exister, un peu, juste un peu, d’effleurer du bout des doigts un sentiment d’apaisement. Ne le prenait-elle comme bien souvent pas de la bonne manière, alors que sa mâchoire se contractait, qu’elle voyait en ce flot de paroles une manière de lui faire comprendre qu’elle n’était rien ni personne dans cette famille. Utilisé des éléments contre lui, Sydonnie n’avait pas eu la sensation d’être en guerre, avait-elle essayé sans doute maladroitement de lui faire comprendre que sa vision de lui était obligatoirement faussée par les paroles des autres… Était-ce un mal ? Difficile à dire, son honnêteté en prit un coup, elle qui fit mise de côté presque instantanément dans un rire douloureux. Le sentiment de culpabilité survolé, elle ne put que détourner les yeux, glissant ses bras sous sa poitrine, dans cette posture désormais fermée visiblement à tout dialogue. Culpabilisait-elle de la mort de Roland ? Oui. En tant qu’épouse n’aurait-elle pas dû le voir venir ? En tant que future mère de son enfant n’aurait-elle pas dû le sentir ? Elle n’avait rien vu, absolument rien, hormis cette souffrance qu’elle espérait s’être effacée avec l’annonce de sa grossesse.

Lui aussi avait emprunté cette posture fermée, alors qu’elle s’enfermait dans un silence, que sa gorge n’avait de cesse de se nouer, que son ventre se faisait brutal dans ses tortillements. Que pouvait-elle dire, ou faire de plus ? Elle qui avait la sensation de lui avoir hurlé sa peine, elle qui ne voulait juste voir ou entrapercevoir une main tendue, des bras ouverts, trouver un semblant d’attache qui la forcerait nécessairement à survivre, à avoir envie de revenir à chaque mission. Sydonnie ne voyait rien de tout ça, absolument rien, elle n’avait plus de place pour de nouvelles cicatrices, plus de voix pour crier, plus de larmes à laisser s’évader, plus rien. Ses doigts avaient fini par se triturer entre eux, alors que la colère la rongeait. Pas contre Jacob, après tout, avait-elle sûrement était naïf que ce parfait inconnu lui ouvre les bras en murmurant un bienvenue dans la famille, en lui promettant d’être là, en l’imaginant comme une nouvelle sœur à protéger autant qu’elle serait en mesure de le protéger. Non, définitivement ne pouvait-elle pas exiger de lui ce qu’elle hurlait à tous ne pas vouloir, alors que son regard, son âme criait elle aussi tout le contraire.

Définitivement, elle n’avait plus rien et cette sensation, ce vide qui l’avait envahi lui donna l’impression de l’apaiser, pouvait-elle jeter les armes à terre, pouvait-elle refuser l’idée de se battre, de le frapper, de hurler, de crier sa révolte et sa tristesse, la noiraude n’en avait plus la force. Elle eut ce demi-sourire, presque invisible, accompagné de ce soupir du nez, des yeux qui se détournait alors que Jacob reprenait, essayait. Réparer. Le mot était juste et si faux à la fois, on ne pourrait pas réparer une disparition, une cicatrice, on pouvait avancer tout au plus, construire ou reconstruire. Passait-elle des nuits entières sur les toits du chaudron à le chercher, attendait-elle avec l’espoir de voir un jour une mission se dérouler dans cette zone. Dans le fond, elle avait fini par accepter cette idée de ne plus rien avoir à perdre et si Irène lui hurlait autant que possible qu’elle avait besoin d’elle, si Alaric lui avait démontré l’espace d’un instant un soupçon d’intérêt… Irène aurait un mari, Alaric avait une femme. Jacob avait une sœur légitime, un frère légitime, une mère aimante et un titre à honorer. Sydonnie ? Rien de tout ça, rien qui ne lui donnait le goût de lutter encore un peu, juste un peu.


- « Il n’est pas là-bas » murmure-t-elle de cette voix brisée « Je ne le vois pas, jamais… Il y en a tellement, c’est difficile à affirmer, mais… » peut-être avait-il eu la chance d’être dévoré, de ne pas avoir pu se relever, peut-être « Il n’est nulle part où il y a encore nos souvenirs… Je ne vois partout que le vide Jacob… Je ne comprends pas pourquoi… Je ne comprends pas pourquoi je n’ai rien vu… Peut-être que tu as raison, peut-être que je ne l’aimais pas suffisamment pour l’empêcher d’agir, pour percevoir ce mal… Je pensais que…. » le bébé, l’enfant, sa grossesse « que son envie d’être père serait plus fort que le reste, j’ai échoué. Je n’ai jamais voulu être une veuve, ou une épouse… Je voulais simplement être sergente et défendre la ville, les Trois ont un drôle d’humour, parfois..»

Elle laissa un soupir s’échapper, secouant doucement la tête, détournant les yeux, le corps visiblement fermé à la discussion, alors qu’elle discutait pourtant, du moins essayait.

- « Je ne te déteste pas Jacob, je ne te prends pas pour quelqu’un de mesquin » avoua-t-elle lèvre pincée « Tu es jeune, tu agis parfois comme le dernier des petits cons, je suis sergente, ne pense pas que je n’entends pas les murmures te concernant dans la milice… Tu manques à tes collègues d’ailleurs » elle laisse un nouveau soupir fuir tes lèvres « Je t’ai détesté de vivre, je ne vais pas le mentir, autant que je me suis détestée d’être encore là, où n’importe qui d’autre que je croisais… Ce n’était pas toi particulièrement, c’était le royaume entier qui me semblait… insurmontable sans lui. C’est ridicule pour un mariage arrangé, n’est-ce pas ? Tu penses que je ne l’aimais pas ? J’n’en sais rien dans le fond, tu as peut-être raison… Mais j’envisageais sérieusement de tout quitter pour devenir la comtesse de Rivefière. Même si j’aurais fait terriblement tache dans les petites soirées de ta mère. »

Elle était triste, son cœur battait, la noiraude renonçait au combat, sans même savoir ce qu’elle avait gagné ou perdu dans cette discussion, sans même savoir ce qu’elle représentait pour ce nouvel héritier. Un boulet ? Une ennemie ? Une invisible ? Une inutile ? Non, elle ne parvenait pas à le définir, à aucun moment.

- « Est-ce que cette conversation à seulement était autre chose qu’une catastrophe ? » finit par demander en relevant enfin le regard vers lui, le visage fermée dans sa défensive, les yeux plus vibrants « Je ne sais même pas pourquoi je t’ai fait venir ni ce que je voulais entendre… » admit-elle finalement les doigts légèrement tremblants sous l’ensemble des émotions qu’elle essayait de maintenir, de canaliser « J’aurais voulu oublier, faire comme si tout ça n’avait existé, mais chaque pas me ramène à ta famille, à lui, nos promesses… Et inévitablement à toi et tes nouveaux devoirs. » Relevant une nouvelle fois le nez elle s’avoua définitivement vaincue « Je voudrais apprendre à te connaître Jacob, je n’ai pas envie d’être en guerre, je n’ai pas envie de fuir toujours votre famille en permanence. » souffla-t-elle « Est-ce que c’est trop ? Et puis, de toute façon, je ne vais pas me dérober, tu es mon représentant, celui qui décidera qui je vais devoir épouser, parce que ça arrivera, peu importe quand, celui qui recevra mon solde et acceptera ou non de me le redonner. C’est comme ça. Tout ça, je n’en avais peut-être pas conscience, mais je l’ai accepté en me liant à Roland et votre famille durant les Trois. Je ne te rendrais sans doute pas la tâche facile, je te l’ai dit… Je ne suis pas la plus droite des femmes, mais je suis une bonne sergente… La milice, c’est tout ce qui me reste, je te demande juste de ne pas me retirer ça… »

Finalement, elle avait fui un peu son regard, l’ensemble des propos, elle était peu convaincue de sa décision, ni même de cette faiblesse fatiguée qu’elle devait dévoiler. Elle ignorait ce que Jacob savait des événements du couronnement, alors, appuyée contre la fenêtre, elle osa, un peu, juste un peu.

- « Roland était du côté de l’attaque, il a sacrifié une femme et tué une enfant là-bas, pour la survie du plus grand nombre évidemment. Ta sœur lui a reproché, elle était révoltée de son choix. Comment est-ce qu’on pouvait le juger alors que la ville elle-même était sur le point de tomber ? Il s’est fait des ennemis ce jour-là, ceux l’entourant durant la bataille, ils n’ont pas tous compris. Chacun réagit différemment. Ça l’a bouffé, j’aurais dû le voir… Mais je ne pensais pas survivre à mes blessures de la fange, j’étais dans un état pitoyable et le clergé ne donnait pas cher de ma survie…Et puis j’apprenais et il apprenait en même temps que j’étais enceinte… Il était si heureux et moi si…» déçu, révolté, en colère « Peu importe, j’aurais dû mourir durant cette période, mais les Trois ont un drôle d’humour avec moi… Roland a appris… Que… Serena et moi… On avait eu un rapprochement bien avant notre relation. Ne me juge pas Jacob, il ne s’est rien passé, on était triste, on avait bu, un simple baiser, rien de plus. Ça ne voulait rien dire. Je ne peux pas m’embêter de me sentir coupable de sa mort, de croire que les dieux s’amusent, me punissent perpétuellement… Même en sautant d’une putain de rempart je n’ai pas réussi à rejoindre le Royaume d’Anür… C’est pitoyable n’est-ce pas ? »

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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyJeu 18 Juin 2020 - 0:09
Il l'avait écoutée sans chercher à interrompre le flot de ses paroles. Malgré sa posture fermée et probablement adoptée en miroir par rapport à la sienne, Sydonnie s'osait à quelques confidences. Ainsi lui avait-elle enfin livré le fond de sa pensée. Comme il l'avait imaginé, sa belle-soeur se trouvait perdue après les événements qui l'avaient marquée jusque dans sa chair. Perdre un être cher n'était jamais chose évidente à gérer. Le perdre et s'en sentir coupable était pire encore. Il en savait quelque chose, comme il connaissait les doutes et les craintes assortis à une blessure fangeuse. Si les prêtres avaient envisagé le pire pour l'avenir de Sydonnie, la plaie devant être conséquente. Peut être avait-elle même eu loisir de s'infecter. Certaines de leurs écorchures s'accompagnaient de putrescence et rongeaient la chair jusqu'à l'os. Il y avait des gens pour penser que c'était là le signe d'une transformation à venir. Les superstitions et croyances se gonflaient souvent des plus évidentes appréhensions. Personne n'avait été en mesure, jusqu'à présent, de circonvenir ces inquiétudes. Aussi chassait-on les mordus et craignait-on les personnes ayant été griffées. Depuis deux ans qu'il portait sa balafre au visage, il avait eu le temps de s'habituer aux regards inquiets. Il n'y prêtait plus grande attention, mais se gardait toujours de dire l'origine de cette cicatrice à laquelle il avait fini par s'habituer. Ils étaient finalement peu nombreux à savoir comment il l'avait obtenue. Sydonnie en connaissait l'histoire et ce n'était là qu'un signe supplémentaire de son appartenance à la famille.

Une famille dont elle avoua enfin vouloir faire partie. Il était temps !

Le tension qu'il avait senti tendre ses épaules reflua. Petit à petit, ses muscles se détendaient pour permettre que la conversation reprenne sur de nouvelles bases et plus sereinement. Est-ce que cette conversation avait été autre chose qu'une catastrophe ? Oui, il le pensait sincèrement. Elle avait mis des points en évidences, des lacunes, des faiblesses, mais également des forces et des vérités à ne jamais négliger. Il n'y avait pas de supplice plus terrible que la solitude. Cette dernière charriait avec elle ses démons terrifiants dont le plus terrible figurait l'abandon. Ils l'avaient vécu et le vivaient encore. Quand Roland avait décidé de mettre fin à ses jours, il n'avait pas réfléchi – tout du moins Jacob l'espérait – à ce que son geste aurait comme conséquences sur les gens qui l'entouraient. Comme lui, Sydonnie avait ressenti ce besoin de trouver des réponses sur place. Se rendre là-bas, tenter de le trouver parmi la masse des monstres nés du Fléau étaient probablement inutile. Cependant, il l'avait ressenti comme un besoin et comprenait que sa belle-soeur ait pu avoir le même désir impérieux. Pour autant, y avait-il quelque chose à espérer de ce qui paraissait aujourd'hui et maintenant qu'il l'avait dit à haute-voix, aussi stupide qu'insensé ? Aller chercher une aiguille dans une botte de foin, quand on ne dispose d'aucun fil à glisser dans son chas, n'a finalement aucun intérêt. Roland n'aurait jamais l'occasion d'expliquer son geste et s'ils ne pouvaient pas le comprendre, ils devaient simplement se résoudre à l'accepter.

C'était le seul moyen pour eux – ceux qui restaient - d'enfin envisager pouvoir se reconstruire. Ils devaient admettre que Roland avait pris sa décision et qu'ils n'auraient pas été en mesure de le faire changer d'avis. C'était difficile pour tout lemonde, mais plus encore pour un combattant, d'avouer son impuissance. Difficile d'imaginer ne pas être capable d'affronter un ennemi quand celui-ci est sur le point de prendre tout ce qui vous tient le plus à coeur. Il aurait probablement été plus simple d'admettre le départ de Roland s'il avait été emporté par un fangeux dans le coeur de la bataille. Là, il fallait accepter que sa disparition avait été choisie et décidée par lui. Il avait voulu mourir et tout ceux qui l'entouraient ne comptaient alors plus assez à ses yeux pour le retenir. Ou à l'inverse, ils comptaient trop pour celui qui avaient ce sentiment de n'être plus digne d'eux.

Un point qui s'accordait avec ce que Sydonnie lui apprenait.

Les événements entourant le couronnement avaient eu de quoi marquer les esprits. Une attaque fangeuse, au coeur de la cité et imaginée par des fanatiques introuvables... Les conséquences avaient été terribles et elles le demeuraient toujours. La peur, la méfiance, les nouvelles lois, le couvre-feu... Toutes ces choses avaient instauré un climat pesant. La milice avait été sur-sollicitée, parfois dénigrée et même crainte. Lui était resté centré sur sa peine et ses frustrations. Ils avaient perdu leur père ce jour là. Wymarc, Comte de Rivefière était tombé au combat. Roland et Serena avaient été sévèrement blessés. Il se sentait aujourd'hui bien ridicule, d'avoir été aussi impérieusement arrimé à sa propre contrariété. Évidemment et il le répèterait, quitter la milice avait été un crève-coeur, mais qu'était-ce à côté du reste ? Potentiellement tout... C'était de ces choses difficiles à appréhender pour quelqu'un qui n'était pas soldat. Sydonnie le comprenait et l'avait vécu pour le vivre encore. Renoncer à son engagement sincère n'était pas chose aisée. Lui l'avait fait pour sa famille, elle l'avait envisagé pour Roland.

Roland... Ce frère qu'il avait longtemps envié. Il était son modèle depuis toujours. Celui auquel aucune personne de son entourage n'avait jamais omis de le comparer. Roland... L'héritier parfaitement parfait de feu le Comte, Wymarc de Rivefière. Il s'était retrouvé écrasé sous le poids des responsabilités et quand celles-ci avaient achevé de le noyer, aucune main ne s'était tendue vers lui pour le secourir. Finalement, Roland avait été sa propre victime. Incapable d'accepter ses propres fêlures, quand il s'imposait de corriger celles des autres. Fallait-il lui en vouloir pour ses décisions jugées nécessaires et prises dans l'optique de sauver le plus grand nombre ? Peut-être... Il était facile de juger après coup. Très simple, finalement, de se montrer comme un fier moralisateur quand les responsabilités avaient été jetées sur les épaules d'un autre. Serena aurait dû savoir cela. Elle qui lui reprochait son obstination et son manque de compréhension quand il osait l'accabler pour la disparition d'Alys. Roland avait été un exemple à suivre, mais il n'avait toujours été qu'une image sublimée par le mensonge. Un reflet si parfait de ce qu'il devait figurer, que personne n'avait plus vu l'homme devant le miroir. Personne... Pas même lui. Ses actes mis à mal par sa conscience, le manque de soutien de ses proches, la critique de probables inconnus... Tout cela avait fini par le briser définitivement.

Il comprenait ce que Roland avait pu endurer. Lentement, il acquiesça et tout en portant le verre de vin à son menton, il le fit rouler contre sa mâchoire. Le regard perdu dans le vague, il laissa son esprit vagabonder jusqu'à entendre les derniers mots prononcés par Sydonnie. Elle les avait tourné en une question qui probablement n'appelait pas de réelle réponse. Il se sentit cependant forcé de la contredire.

« Non. Il n'y a rien de pitoyable à se trouver un jour désespéré. »

Sa voix s'était faite lointaine tandis qu'il repensait à son ami d'autrefois, Alphonse. Si quelqu'un avait connu le désespoir c'était bien lui.

« Et il y a des situations bien moins enviables que la nôtre. Enfin, je ne t'apprends rien. Les miliciens voient de nombreux drames, parfois même ils en provoquent. J'imagine que l'essentiel est de ne pas se perdre en chemin et donc de ne pas glisser depuis les hauteurs d'un rempart... Ce qui, de toi à moi, s'apparente au comportement d'un petit con. »

Un léger sourire étira ses lèvres. Il n'ignorait rien de ses défauts et savait pertinemment quelle réputation lui collait au train. Des années durant il avait profité, et de sa jeunesse, et de son statut. Il n'avait aucune excuse à brandir pour s'affranchir des conséquences de ces comportements jugés inconvenants. Il n'en éprouvait pas non plus le besoin, ni même l'envie. S'épancher ou se plaindre n'était pas dans sa nature. Un point que, visiblement, il ne partageait pas avec la Sergente. Fallait-il qu'elle se trouve bien désoeuvrer pour verser toute cette énergie dans l’apitoiement. Elle avait pourtant la réputation d'être une femme forte et intransigeante. C'était même une évidence. Comment aurait-elle pu prétendre à un poste de Sergente sinon ? Tout le monde savait comme les femmes étaient mal vues au sein de la milice. Les sévices, les moqueries et autres comportements déplacés étaient monnaie courante. Généralement, les femmes devaient se montrer deux fois plus courageuses, deux fois plus intelligentes et bien plus débrouillardes que leurs homologues masculins pour espérer évoluer au sein de la milice. Et bien souvent, lorsqu'elles atteignaient un poste à responsabilités, l'orgueil voulait que leurs collègues y voient la preuve d'une vertu douteuse. Que diraient-ils s'ils apprenaient que la Sergente d'Algrange et la Coutilière de Rivefière se patinaient dans l'ivresse ? Par tous les dieux, lui-même avait du mal à prendre cette information au sérieux. Tâchant cependant de ne pas éclater de rire, il s'obligea à conserver sa réserve, tandis qu'il reprenait d'un air pincé, la dignité en détresse.

« Un peu comme bécoter la soeur de son fiancé... À ce propos, je me trouve à présent forcé de te demander une faveur. Je ne jugerai pas de ta presque aventure avec Serena, ni de ton mariage avec Roland. Je peux concevoir qu'il y a quelque chose de grisant dans la conquête d'une lignée. J'aurais d'ailleurs quelques histoires à te conter à ce sujet, mais là n'est pas le propos. Non, ce que j'aimerais mettre au clair avec toi, c'est que Drystan est terriblement jeune et que... Je ne voudrais pas avoir à sévir en te confisquant ta solde. »

Fronçant les sourcils pour mimer un air sévère, il se trouva finalement incapable de retenir son hilarité plus longtemps, tandis qu'il se moquait.

« Cette conversation est effectivement un fiasco, mais elle aura eu le don de mettre une chose en évidence. Je te préfère à ton poste de Sergente plutôt qu'à la cour. Je ne tiens pas à ce que tu m'y voles la vedette ! »

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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyDim 30 Aoû 2020 - 11:20


- « Raaah, tu es vraiment trop con !! » souffla la noiraude en roulant des yeux, bras croisés sous sa poitrine.

Un demi-sourire orné pourtant ses lèvres, alors que l’humour Jacob lui semblait si détaché de la réalité. La noiraude s’était sans doute attendue à toutes les éventualités, la colère, l’envie de vengeance, la révolte, l’indignation… Toute oui, sauf celle-ci. Jacbo était un drôle d’oiseau, à la fois beaucoup plus ouvert d’esprit que la totalité du reste de sa famille, mais aussi complètement en décalage avec la réalité de l’instant. Ce n’était pas pour lui déplaire, elle se passait volontiers des remarques au sujet de la Trinité et des relations entre deux femmes, ou deux hommes d’ailleurs. Roulant finalement des épaules, la sergente avait fini par se déplacer pour remplir son verre qu’elle portait cette fois à ses lèvres. Sydonnie ne savait plus vraiment quel était le but de cet échange, de cette entrevue, de ce besoin de le voir, lui, le nouvel héritier. Un soupir avait fui ses lèvres, l’ancienne d’Algrange l’imaginait volontiers percevoir le royaume noble d’une manière complètement différente de celle de Roland. Jacob avait connu la milice, la plèbe, la manière de vivre plus simplement… Il était souvent improbable qu’un noble s’y adapte, mais lui semblait presque regretter ce mode de vie. S’appuyant contre un mur, repliant une jambe contre celui-ci pour conserver un équilibre à la fois précaire et douloureux. La femme d’armes ne le dévisageait pas, non, elle était réellement dans cette observation intensive à la recherche de questions qu’elle ne pensait même pas encore. Il n’était guère évident d’oublier le passer, davantage de s’investir dans le futur, surtout quand on a aucune emprise possible sur ledit futur. Quand Sydonnie regardait Jacob, elle ne voyait pas Roland, malgré sa chevelure blonde, malgré ses yeux bleus, malgré son visage plutôt pâle, bien qu’un peu plus coloré que le restant de la noblesse. La noiraude voyait bien Jacob de Rivefière, avec ses défauts et ses qualités, un peu trop sans doute.

- « Ne t’avise pas de confisquer ma solde, serais-je obligé de te défier en duel, cela me ferait mal de ridiculiser le nouvel héritier de la famille Rivefière » souffla-t-elle un brin malicieuse. La réalité était tout autre, Jacob avait la technique, là où elle avait l’expérience, dans un duel basique, aurait-il sans doute plus de chance de l’emporter, là où dans une action de terrain dominerait-elle sans doute « D’ailleurs… J’aimerais reprendre mes entraînements dès que ma blessure me le permettra… » murmura-t-elle en laissant entendre que malgré le temps s’étant écoulé elle n’était pas remise « J’ai besoin de quelqu’un pour botter le cul de mes coutilleries, si le goût du fer dans la bouche te manque… »

C’était une façon de parler d’autre chose, d’éviter Serena, d’éviter Roland, d’éviter la continuité. Sydonnie ne parviendrait pas à revenir ainsi, du jour au lendemain dans le domaine de famille, elle allait avoir besoin de temps, de beaucoup de temps. Peut-être même ne parviendrait-elle jamais à le faire, mais il lui avait semblé essentiel d’essayer, d’au moins essayer. La sergente avait une nouvelle fois croisé les bras sous sa poitrine, le verra dans la main gauche, les lèvres pincées, elle semblait encore réfléchir. Cette conversation était un fiasco il avait raison, d’ailleurs, hormis assouplir le ressenti que l’un et l’autre pouvaient avoir sur son homologue il ne lui semblait pas en savoir davantage sur la suite, sur ce qu’il fallait ou non faire.

- « Je te promets de laisser Drystan, il est trop jeune de toute façon » avait-elle fini par rebondir un sourire en coin « Toi en revanche, je ne suis pas certaine » tenta-t-elle de plaisanter sans y songer véritablement un seul instant « Enfin. Peu importe, je te laisse le jeu de la cour, cela ne m’a jamais véritablement intéressée. Je trouve même cela effrayant pour être honnête, tous des corbeaux à attendre le premier faux pas pour te manger. » elle avait porté son verre à sa bouche, buvant une gorgée plus longue que les précédentes.

La femme d’armes n’avait pu qu’avaler une nouvelle gorgée, avant de se déplacer avec cette lenteur non négligeable, elle réfléchissait à la suite. En réalité Sydonnie n’avait rien de plus à demander à Jacob, la conversation ne l’avait pas soulagé, mais lui avait quand même permis de formuler certains éléments qui jusque-là étaient restés tapis dans le fond de ses pensées. Dans sa tête tout venait se mélanger, parfois avec violence, parfois avec douceur, parfois de manière évidente ou au contraire de manière beaucoup moins évidente.

- « Je vais rester dans la milice, Sergente, c’est tout ce que je sais faire de bien. » avoua-t-elle-même si cela devait être parfaitement logique dans l’esprit de son interlocuteur « Je voudrais… retaper une vieille maison au niveau du port, ou peut-être dans les faubourgs…. il y a des ruines ou des maisons encore en presque état, mais vides depuis l’événement et je crois que j’ai besoin de reconstruire mon chez-moi, à moi, si tu me l’accordes ? »

En réalité, elle avait déjà amorcé ce projet, mais l’évoquer à Jacob était une manière de l’impliquer, de lui montrer qu’elle était d’une certaine manière rattachée à sa famille et qu’elle ne comptait pas s’en dérober. Il pouvait refuser, sans doute s’y soumettrait-elle non sans grogner un peu. Pour le reste, elle était épuisée alors, autant profiter de l’instant, avancer, essayer tout du moins, les plaies ne guériraient pas un jour.

- « Tâche de ne pas te faire manger tout cru trop vite… Les nobles, ce n’est pas la milice… C’est bien pire. » il semblait que l’ensemble était suffisant pour ce soir « Bien, m’autorises-tu à me dérober, je pense que nous avons fait le tour pour ce soir… Pour le reste, je répondrais présente à tes besoins Jacob. »

Si le lui permettait, elle disparaîtrait, pensant qu’il était sans doute suffisant que cette conversation s’achève ici. Même si elle fut brève, l’ensemble fut parfaitement éprouvant pour la noiraude et malgré son envie de bien faire, elle ressentait toujours cette douleur dans sa poitrine. Aussi préféra-t-elle se répéter qu’il fallait être patiente, prendre le temps de faire les choses convenablement.

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MessageSujet: Re: [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie   [Terminé] Retrouvailles en famille - Sydonnie EmptyDim 13 Sep 2020 - 1:27
Un vif et très bref éclat de rire ponctua la remarque de la milicienne. Oui, il pouvait être « con », mais il était bien loin de s’en sentir gêné. Contrairement à la plupart de ses pairs, il admettait ne pas se situer au-dessus de la masse autrement qu’en ayant fait ses preuves. À celui qui se contentait de jouir d’un rang et des privilèges associés à un statut immérité, il opposait les devoirs et les obligations liés à une charge. N’était pas noble qui voulait, certes, mais n’en demeurait pas toujours digne qui paraissait. Lui plaçait certaines valeurs au-dessus de la morale des bien-pensants et autres culs bénis. La plupart n’étaient de toute façon que des hypocrites prompts à juger, mais bien incapables de seulement se remettre en question. Que celui qui n'a jamais pêché... Tout le monde connaissait la suite, mais ces gens là étaient les premiers à jeter les pierres du châtiment trouvées dans leurs propres jardins... Il n'y avait rien d'honorable à cela.

Prenant une nouvelle gorgée de vin, il laissa sa pensée filer vers ce qu'il espérait de l'avenir. Il avait des ambitions, quelques objectifs qu'il espérait être en mesure d'atteindre et des idées. Le monde lui paraissait prêt à changer. Une perspective aussi exaltante qu'effrayante dans un contexte hasardeux et soumis à l'horreur de la Fange. Cependant, il en était convaincu, il y avait une carte à jouer et des mutations à prévoir. La société telle qu'ils la connaissaient avait besoin d'évoluer. Tout en conservant l'essentiel de ses bases, il était impératif qu'elle s'adapte et se transforme. Ne restait plus qu'à trouver les bons appuis et à actionner les bons leviers. Rien de bien compliqué et pourtant, pour celui qui n'avait toujours été que dans l'ombre de son aîné, la tâche paraissait tout particulièrement ardue. Cependant, à bien y réfléchir, il avait tout à gagner à seulement se montrer audacieux. Il avait appris à l'être, une épée à la main, pourquoi ne pourrait-il pas le devenir l'arme au fourreau ?

« Je ne doute pas une seule seconde de tes talents de bretteuse, ma très chère belle-soeur. J'ai eu vent de tes exploits et si mon aîné s'y est laissé prendre, dans les jardins royaux si ma mémoire est bonne, je me trouverais bien idiot de tirer l'épée contre toi ! »

Le ton était assurément taquin, presque familier, tandis qu'un espiègle sourire venait tirer sur le coin droit de ses lèvres. Il avait conscience que la Sergente ne manquerait pas de relever l'allusion. Il devait même l'espérer. Cependant et alors qu'il s'obligeait à reprendre le plus sérieusement du monde, préféra revenir à quelques sujets plus sérieux.

« J'espère néanmoins que tu prends le temps de te soigner convenablement, même si je me doute que tu souhaites rapidement reprendre l'entraînement. N'hésite pas à solliciter les prêtres et le temple. Nous ferons une plus riche offrande dans les jours à venir. Autant que cela serve. »

Il pinça les lèvres et reposa le verre de vin sur le meuble qui devait leur servir de table.

« En attendant... Compte sur moi pour tes coutilleries. J'aurais grand plaisir à revenir à la milice et encore plus si cela me permet d'y être utile. »

Ce n'était un secret pour personne. Jacob avait apprécié ses années passées au sein de la milice. Il avait même bataillé corps et âme pour seulement avoir le droit de retourner auprès de ses anciens compagnons d'armes quand, à la mort de Wymarc, Roland avait pris la tête de la famille. Mais il n'avait pas obtenu gain de cause et il se souvenait encore de ce jour terrible où, alors que l'invasion fangeuse se trouvait difficilement contenue dans les rues de la cité, « Barquiel » était venu lui annoncer la mort de son père. Il se rappelait chacun de ses mots et pouvait encore sentir le poids de son regard lourd de sens posé sur lui quand il avait laissé retentir la sentence. « Tu dois rentrer. » Cependant, jamais il n'aurait imaginé que la folie puisse aller aussi loin et qu'il se retrouverait à porter le titre de son père. Les dieux avaient décidément un humour à toute épreuve ! Presque aussi cocasse que celui dont Sydonnie faisant présentement preuve.

« Pour le reste, tant que tu épargnes Drystan, je suis certain de pouvoir honorablement gérer. Cependant et je sais que tu me le concéderas facilement, mon attention se trouve aujourd'hui tournée vers un tout autre objectif. »

Tout en passant une main sur son visage, il fronça les sourcils.

« J'aurais préféré rester milicien. Tu peux me croire... Mais je sais m'adapter. Je n'ai de toute façon pas le choix. Et puis... La cour n'est qu'un autre terrain hostile à appréhender. »

L'idée d'évoluer au sein d'une cour surtout dédiée à l'oisiveté ne l'enchantait pas. En tant que non natifs, les Rivefière ne pouvaient pas espérer imposer leur point de vue ou même seulement se faire entendre aussi fort qu'un Rougelac. Cependant, il espérait avoir l'occasion de rallier quelques uns de ses pairs à cette idée qui, depuis quelques jours, faisait son chemin dans son esprit jeune et presque révolutionnaire. Il était persuadé qu'il y avait au sein de la cité et au cœur de l'Esplanade, des gens qui pensaient comme lui. Le tout était seulement de les réunir et de leur soumettre un projet qui, en plus de leur être profitable, le serait également pour Marbrume et ses habitants. Pour cela il avait imaginé un projet phare. Une carte de visite comme un étendard qu'il brandirait pour amener ses potentiels alliés à souscrire à sa folle entreprise. Rien n'était plus important en ces temps d'échecs et de sombres lendemains, de cultiver l'espoir.

« J'aimerais seulement pouvoir le faire à ma manière et pour cela, j'aurais sans nulle doute besoin de ton soutien, Sergente. Alors si je te laisse retaper une maison en ruine, j'aimerais que tu t'investisses dans un autre projet de reconstruction... Un projet que tu pourrais m'aider à conjecturer et consolider. »

Il prit un instant de réflexion et comme s'il était en proie à quelques pensées contradictoires, laissa un silence s'installer avant de reprendre d'un ton décidé.

« Je veux reconquérir Traquemont. Je sais ce que tu vas me répondre et je ne veux pas l'entendre maintenant. Prends le temps d'y réfléchir. En attendant et jusqu'à ce que tu aies trouvé ton bonheur à restaurer, tu sais que tu peux t'installer au manoir. Il y a de la place et mère serait assurément heureuse de te revoir. »

Il n'y avait pas grand chose de plus à dire. En épousant Roland, Sydonnie était devenue une Rivefière. Elle était un membre de la famille et la mort de son époux n'y changeait rien. Quant à lui... Même s'il avait voulu le taire et ne rien imposer à sa belle-soeur, son rôle consistait aujourd'hui à veiller sur elle.

« File donc... Et si je ne te revois pas dans les prochains jours, je peux au moins te donner le nom d'un bon charpentier. Il s'agit de l'ancien apprenti de Maître Corvin. Une vraie tête de mule que tu trouveras dans une coutillerie de l'externe. Celle de Gaubert. Je suis persuadé que vous pourriez vous entendre ! »

Un nouveau sourire vint mettre un terme à l'entrevue alors qu'il récupérait son manteau.

« Au revoir Sydonnie. »

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