Marbrume


Le Deal du moment :
Cartes Pokémon 151 : où trouver le ...
Voir le deal

Partagez

 

 Demain, dès l'aube — Jacob

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Cérène BoiserelSaltimbanque
Cérène Boiserel



Demain, dès l'aube — Jacob Empty
MessageSujet: Demain, dès l'aube — Jacob   Demain, dès l'aube — Jacob EmptyMer 22 Avr 2020 - 21:31
Avril 1166





« Tu es là ! » S’exclame-t-il, à moitié ravi et tracassé, « Je te cherche depuis toute à l’heure, est-ce que tu sais que… » Mais il se coupa, Cérène ne semblant totalement prêter attention à lui. C’est ce qui l’énervait, cette propension impertinente à jouer les beautés détachées et hautaines en sa présence. Ça lui faisait gonfler une colère farouche et sévère et qui se dévalait tel un torrent de lave dans ses veines.

Foutu garce.

Lentement, elle étira ses bras au-dessus d’elle en le fixant comme un chat à la paresse insolente. Léandre l’observa un moment, luttant contre l’envie brûlante de caresser les reliefs de sa poitrine du regard. Sa mâchoire se serra, tandis qu’il se recula instinctivement d’un pas. Cérène avait le don – particulier – et exagéré d’attiser sa colère sans avoir le besoin de s’exprimer.

« Ne tarde pas, on attend » Gronda-t-il sévèrement et Cérène acquiesça, concluant son geste par un léger bâillement. « Et vite, tu vas nous mettre en retard. »
Elle déplie et replie ses doigts et observe avec attention à chaque fois leur lente ondulation.

« J’arrive, j’arrive » Concède-t-elle en se redressant doucement, emboîtant le pas de Léandre, ce dernier pivote vers elle, ouvre la bouche, hésite, puis se ravise « Oui, Léandre, je serais sage. » Et son sourire mutin, étirant de timides fossettes sur ses joues, laisse présager tout le contraire.

La troupe était étroitement agglutinée vers l’entrée de leur bâtisse, Théophile s’en détacha en voyant Cérène arriver. Glissant son bras autour du sien, il murmura près de son oreille.

«Léandre est encore plus de mauvaise humeur que d’habitude, c’est terrible, ce don que tu as de le foutre en rogne, c’est assez incroyable. » Murmure-t-il espiègle, tandis que d’un regard discret, s’assure que Léandre ne soit pas à côté d’eux, puis poursuit « J’ai l’espoir qu’il y aura du monde aujourd’hui, il fait beau, et j’ai faim. Si faim, Cérèèèèène… »

_


La troupe se retrouva proche de quelques petites estrades sur une place centrale. La concurrence était rude, les saltimbanques mangeaient trop peu dernièrement et danser, chanter, divertir s’avérait être de plus en plus épuisant. Cela faisait plusieurs jours que l’estomac de la belle le lui rappelait en lui envoyant des coups de poignards furieux dans le ventre. S’attelant rapidement au vu du monde, Théophile, Gustave et Léon sortirent leurs instruments pour happer l’attention de la foule. Clothilde et Léandre jonglèrent et crachèrent un ballet de flammes pour les impressionner. Cérène, elle, restait encore un peu en retrait, ce n’était pas son tour, alors elle se contentait de dévisager sagement la foule qui commençait à s’avancer et à se regrouper en arc de cercle tout en faisant pianoter ses doigts avec une légère impatience, au rythme de la musique sur son bras presque découvert.

D’un échange de regard avec Gustave et Théo, elle s’élança et bondit sur Léandre qui la réceptionna par la taille dans une figure acrobatique. La reposant doucement au sol, il s’écarta lentement d’elle pour la laisser occuper tout l’espace. De quelques pas félins et agiles, son bras se dressa lentement dans les airs et sa voix puissante suivit le mouvement, se répandant comme une onde de choc chaude et vorace. Ses hanches ondulèrent en vague comme un océan en pleine tempête tandis que sa voix de sirène venait charmer ceux qui s’étaient laissé attirer. Ses bras s'élevèrent agilement et vinrent doucement caresser le vide avant de descendre lentement en oblique autour d’elle, l’auréolant d’une grâce quasi mystique. Chaque geste était exécuté avec une grâce passionnante et reptilienne. Elle pivota au rythme de la musique déchaînée, pivota sur elle-même jusqu’à se trouver proche de la foule.

Son regard semble la scanner et s’arrêta sur l’un d’entre eux.
Ses yeux se mirent à pétiller de malice.

Lui.

Elle s’avança lentement et calmement, son visage venant se prostrer à quelques centimètres de Jacob, elle lui offrit un sourire désarmant, un souffle, alors qu’elle lui attrapait les mains, entremêlant ses doigts aux siens pour l’attirer doucement contre elle. Le balayant d’un rapide coup d’œil, c’est ainsi fait, c’est lui qu’elle aura choisi aujourd’hui.

« Venez dansez avec moi ! » Sourit-elle, la voix sensiblement enthousiaste tout en l’entraînant vers elle en reculant de quelques pas adroits pour quitter la foule, l’étreinte de ses doigts autour des siens se défait pour empoigner agilement son épaule. Et dans un sourire enjôleur, elle précisa moqueusement « Oubliez-tout et laissez-vous guider si vous ne savez pas danser. »

A la pression légèrement exercée sur son épaule, elle lui indiquait silencieusement qu’il n’avait évidemment pas trop le choix.
Revenir en haut Aller en bas
Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



Demain, dès l'aube — Jacob Empty
MessageSujet: Re: Demain, dès l'aube — Jacob   Demain, dès l'aube — Jacob EmptyVen 24 Avr 2020 - 18:36
La journée était à l'image de la saison, printanière. Un soleil radieux, serti dans un ciel sans nuage, invitait à la flânerie et même si l'air s'empesait d'un brin de fraîcheur, les Dames de la haute société s'osaient à la promenade. L'Esplanade offrait quelques jolis panoramas et bien loin des quartiers mis en péril par la misère, c'était un endroit sûr pour ces gens de haute naissance. D'autant plus qu'on avait installé de quoi séparer les deux parties de la ville pour mettre les nantis à l'abri de ces visions de pauvreté qui auraient pu les heurter. Ne manquerait plus que la détresse des plus démunis vienne à blesser les yeux des "puissants" et des "riches" seigneurs.

Jacob était revenu au manoir Rivefière quelques jours auparavant. Une blessure acquise à l'occasion d'une rixe de taverne, l'avait forcé au repos en plus de lui valoir un blâme – un de plus. La punition s'était assortie d'une mise à l'écart et c'est ainsi que le jeune noble avait eu loisir d'entendre son père vociférer, sa mère se plaindre, son aîné se vanter et son plus jeune frère prier. Heureusement Serena ne lui avait pas fait le déplaisir de se joindre à la fête.

N'en demeurait pas moins que les jours passés au manoir prêté par le Duc – puisque son couronnement n'avait pas encore eu lieu – lui avaient paru interminables. Il avait donc saisi la première occasion, trouvé la première excuse et inventé le plus évident des mensonges pour s'en retourner à la caserne. Ainsi, alors qu'il quittait la demeure familiale pour rapidement engloutir la distance qui le séparait de la ville "basse", Jacob hâta le pas. Il était allègre et en bonne disposition, même si le médecin avait mis un terme à ses rêveries en lui interdisant formellement la participation aux joutes à venir. Il aurait pourtant aimé pouvoir botter le cul de Roland et montrer à tous que ce n'étaient pas quelques poils de barbe qui faisaient le guerrier – sauf peut être dans le cas d'Ansgarde. Toujours est-il qu'il avait accepté la sentence et promis de tempérer ses sautes d'humeur à la condition de pouvoir retourner à la milice un jour plus tôt.

Accord conclu, il se trouvait présentement en droit de "tailler la route" sans éprouver la moindre culpabilité et encore moins de remords. À quelques mètres seulement de la ceinture qui gardait l'Esplanade à l'abri des "terribles veuves" et des "redoutables orphelins", Jacob se sentait déjà libre. Quand une voix fluette s'éleva un peu plus loin pour le saluer, il était sur le point de jurer. Se retenant de justesse, il salua bien vite la donzelle qu'il peinait bien sûr à reconnaître. Ce jour arriverait où un mari bafoué, un père aimant ou un frère vociférant en viendraient à lui trancher les doigts – ou pire, mais pour l'heure, il était trop pressé de retrouver ses compagnons d'arme.
Il colla quelques sous dans la paume du milicien qui tenait le passage, afin qu'il le laisse déguerpir plus vite et se glissa de l'autre côté des barricades en mimant pour la belle un air navré. Par les dieux qu'il était parfois difficile de seulement faire semblant !

Jetant à la Fange cette partie là de ses contrariétés, Jacob laissa un sourire s'épanouir sur ses lèvres. Le jour était beau – et c'était assez rare pour le souligner – et il n'aurait plus à souffrir ni les sermons de son père, ni ses comparaisons avec le très merveilleux Roland. Grandir dans l'ombre du fils prodigue n'avait rien d'une partie de plaisir. Étiez-vous prêt à endosser vos responsabilités, qu'on vous rappelait votre place de second. Souhaitiez-vous choisir une autre voie et on vous montrait comme cette idée était loin d'égaler les choix de celui qui porterait la couronne. Au moins, au sein de la milice, tout le monde – ou presque, puisqu'il y avait également des femmes au sein de la milice - était logé à la même enseigne. Arrivait aussi ce moment où il fallait s'interroger sur l'utilité d'une noblesse oisive et entretenue par le labeur de ceux qui prenaient en plus, tous les risques.

Jacob était finalement heureux des décisions qu'il avait prises et même s'il n'était pas le meilleur élément de la milice maritime, il s'y sentait utile et apprécié pour ses quelques qualités.

Certains, bien évidemment, connaissaient ses origines plus que privilégiées. Il n'était cependant pas rare qu'on le traita comme un égal ; avec sympathie et sans hypocrisie. En passant par le quartier bourgeois de la ville, Jacob avait donc souhaité prendre le temps d'un achat qu'il pourrait partager avec ses collègues. Il était alors en quête d'un trésor quand son attention fut attirée par quelques badauds dont l'attroupement amenait à la curiosité.

« Par les Trois ! Quelle beauté ! »

Les exclamations admiratives qui accompagnèrent ces quelques mots lancés au-dessus de la foule, suffirent à convaincre le milicien. Il se donnait là un spectacle qu'il ne pouvait se permettre de rater ! Se faufilant entre deux curieux, il se logea au centre du groupe et se laissa happer d'un regard posé sur la danseuse. Elle était parvenue, en seulement quelques pas, à captiver l'entièreté de son attention. Sensuelle, charmeuse, il y avait dans ses gestes l'expression d'un désir charnel, le dessin envoûtant d'un appel à l'abandon – voire d'un pousse au crime à entendre certains des spectateurs s'exprimer, mais également autre chose. Un bouillonnement, une rage – peut être de vivre et de se sentir vivre, le souhait d'être vu(e) et jamais oublié(e)... Le spectateur acquis à la représentation, tel le profane livré aux dieux, souvent se figure ses propres rêves ou ses atroces démons.

Elle s'avança d'un pas félin, scrutant la foule d'un regard sûr, telle la diablesse en quête du pêcheur. Quand elle posa les yeux sur lui, il sourit. Les monstres savent leur culpabilité et il connaissait ses drames mieux que quiconque. Il était alors aisé de succomber à son parfum, maintenant qu'elle était si proche. Comme il était simple de se laisser charmer par la malice qui, dans le ton de sa voix, invitait au jeu. Jacob n'était pas de ceux qui se privent.
Se faisant le jouet de la danseuse, il la laissa prendre ses mains et l'emmener avec elle. Si la belle se voulait devenir marionnettiste, il pourrait être son pantin. Il n'en nota pas moins la finesse de ses doigts entremêlés aux siens et la taille marquée par la privation. La faim était le plus fidèle compagnon de l'artiste. Comme la mort marchait dans l'ombre du soldat. Mais, sur les pavés de Bourg-Levant, l'un comme l'autre pouvaient bien s'en moquer.

C'était d'ailleurs dans le ton de sa voix, lorsqu'elle pressa son épaule. Une pointe d'amusement qui donnait sa saveur au défi. Est-ce qu'il savait danser ? Évidemment. Est-ce qu'il l'avouerait ? Certainement pas !

« Si j'avais su danser un jour, Madame, j'aurais à présent tout oublié. »

Inclinant la tête, Jacob sourit. Qui de la sirène ou du cygne pouvait prétendre à mieux nager ?
Revenir en haut Aller en bas
Cérène BoiserelSaltimbanque
Cérène Boiserel



Demain, dès l'aube — Jacob Empty
MessageSujet: Re: Demain, dès l'aube — Jacob   Demain, dès l'aube — Jacob EmptyDim 3 Mai 2020 - 19:14
Elle embrassa Jacob d’un regard alangui et flatté, tout en lui était beau, surtout son regard vif et brillant vêtu d’un abysse bleuté profondément saisissant. Une grande flamme perçait ce bleu ciel en s’étirant et s'éparpillant tel un tourbillon d'étincelles jusqu’au coin de ses iris.
Jamais Cérène n’avait vu d’aussi beaux yeux.
Plus amusant encore, la malice semblait être son visage.

« Cérène », le corrigea-t-elle gentiment en laissant couler sur lui en regard intense, « C’est Cérène » reprend-t-elle, à nouveau « Je n’ai rien d’une grande dame. »

Elle glissa souplement sa jambe sur le côté et remarqua qu’il accompagna son mouvement avec une aisance naturelle. Arquant un sourcil amusé, son regard appréciateur balaya le sol avant de remonter jusqu’à lui pour s’y ancrer. Elle suivit le mouvement ample de ses bras et ondula sur elle-même telle une tornade brune et, tournoyante, sa rayonnante figure passait à chaque mouvement devant lui, son regard fiévreux se noyait dans le sien dans l’ivresse du moment.

« Vous êtes doué », constate-t-elle dans un murmure tout en lui saisissant la main pour l’attirer à elle, « Que je pourrais presque croi-… »

Trébuchant sur un pavé qui dépasse, Cérène se sentit perdre l'équilibre. Elle se vit en train de chuter, mais son instinct décida d’agir à sa place. D’une main accompagnée d’une passion feinte, la belle la posa sur l’épaule de Jacob et s’y retient, chavirant dans ses bras telle damoiselle en détresse.
Tête en bas, lui tête en haut, elle l’observa avec étonnement puis lui adressa son plus beau sourire.

« Jolis réflexes », qu’elle ronronne langoureusement, sa main se serrant sur son épaule pour lui servir d'appui pour qu'elle puisse se relever d’un élan agile. « Et avec une sacrée force, en plus de ça » Ajoute-t-elle en riant.

La danse continua un moment, Cérène lui laissant les rênes puis les reprenant par caprice. Elle suivait ses mouvements et dénota qu’à l’aisance et l’amplitude de ses gestes ; il était de la haute, son maintien était bien droit et ses mouvements bien trop vifs et précis pour n’être qu’une personne du peuple. Une pulsion malicieuse l’envahie et elle se décida à le pousser dans ses retranchements, se saisissant de ses mains qu’elle avança près de sa taille menue sans la toucher, ses hanches se mirent à onduler tels des rouleaux de vagues caressant les écueils.
Elle consent à lever les yeux vers lui et offrit un sourire d’un air charmeur.

« Pour cette danse, merci… ? » Laisse-t-elle sous-entendre pour connaître son prénom. Elle inclina la tête et finit par s’éloigner de lui, la musique étant proche de se terminer, elle se devait d’achever le spectacle.

Prenant de l’élan, elle fit une élégante pirouette dans les airs avant de se réceptionner telle une panthère. Le tonnerre d’applaudissement la galvanisa avant qu’elle ne se décide à pivoter la tête vers son partenaire, un baiser qu'elle envoie d'un geste désinvolte envers Jacob, tandis que d’une révérence ironique, elle s'incline face à lui et au public.

« Mesdames, messieurs… » Hèle-t-elle enthousiaste, bondissant tel un chat agile dans la foule, évitant avec les silhouettes et les possibles coups de coudes, une vielle tasse prise en chemin pour cueillir les maigres pièces qui pleuvait. Rapide, vive, elle se retrouva à nouveau face à l’audience, la troupe s’avança et ils s’inclinèrent davantage en même temps. « Merci beaucoup !»

Se redressant, Cérène pivote vers Jacob et lui offrit un léger clin d’œil.
Tout d’un coup, la poigne de Claude la jongleuse qui vint secouer les pans de sa robe par à coups la poussa à se retourner vers elle. Elle était petite, la corpulence nerveuse et agité.

« Oh, je ne sais pas pour toi, Cérène, mais à moi, il me plaît, celui-là ! Oh que oui » Murmure-t-elle admirative, c’était si rare de la voir en pamoison devant un bellâtre que Cérène en rit.

Croisant avec insolence les bras sur sa poitrine tout tournant le dos à Jacob pour se positionner face à elle, Cérène répondit avec amusement.

« Et qu’est-ce que tu attends pour le lui dire avant qu'il s'en aille ? »
Revenir en haut Aller en bas
Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



Demain, dès l'aube — Jacob Empty
MessageSujet: Re: Demain, dès l'aube — Jacob   Demain, dès l'aube — Jacob EmptyJeu 7 Mai 2020 - 23:06
Elle était belle, au-delà du réel, sublimée par son art et animée d'une passion capricieuse. Une femme, la femme, celle qui savait d'un regard envoûtant ou d'un geste savoureux vous lier à son souffle. Celle qui pouvait ensorceler un diable, l'enchaîner à ses pas, tout du moins pour une danse. Il s'y était laissé prendre. Fasciné par la grâce de ses mouvements, captivé par le feu qui animait et flamboyait dans ses prunelles. L'émeraude était de ces pierres précieuses à la beauté enivrante. Son regard en avait la teinte. Un vert saisissant, piqueté d'or, lumineux alors que le soleil printanier s'en faisait le témoin.

Elle lui avait dit son nom. Le prononçant comme une offrande bardée de promesses. Joueuse, Cérène, ensorceleuse tandis qu'elle cherchait à le confondre. De sa jambe au galbe parfait, elle l'avait testé sans s'y tromper. Était-il aussi doué qu'elle avait voulu le lui faire croire ? Qui s'en souciait ? L'instant était à l'ivresse, à l'oubli et les dieux pouvaient bien lui pardonner ce nouvel écart de conduite – il l'estimait à quatre sous, quand le temple lui en avait réclamé cinq pour l'absolution de sa dernière cuite. L'autre monde se trouvait toujours à portée de bourse.
Comme les pauvres devaient alors avoir du mal à se faire entendre des dieux et comme il devaient avoir plus de mal encore à se voir pardonner leurs "fautes". L'ironie voulait que cette seule pensée aurait suffi à le condamner, alors même qu'il faisait partie de cette élite qu'on prétendait bénie des dieux.

Perdu dans ses pensées, seulement pendant un court instant, il avait manqué voir chuter sa partenaire de danse, quand celle-ci avait buté contre un pavé. La belle cependant était agile. Comédienne jusqu'au bout des cils, elle avait tourné la situation à son avantage. Penché au-dessus d'elle, alors qu'elle figurait la pause telle une princesse en quête d'un chevalier servant, il avait pu admirer la finesse de ses traits encore marqués de jeunesse. Ainsi, il avait suivi la ligne des grains de beauté qui ornaient son cou délicat, s'était attardé sur la naissance d'une épaule menue, avant de survoler le galbe de sa poitrine caracolante. Elle était bien faite, la sirène. Comme dessiné par une main amoureuse, son corps avait été généreusement modelé pour flatter l'oeil. Elle était belle, sans fard et sans autres atours que ceux offerts par la nature. Mais s'il s'en était rendu compte avec une aisance toute acquise aux connaisseurs, il avait également compris qu'elle n'en ignorait rien.

Entre des mains expertes, la beauté était une arme redoutable et il ne faisait aucun doute que Cérène connaissait ses charmes. Tantôt dévouée, tantôt rebelle, elle l'avait laissé mener la danse pour en reprendre la direction par toquade, toujours quand il se faisait trop présent. Pour autant, elle n'avait pas manqué attiser ses sens. Enjôleuse provocatrice qui s'offrait l'effronterie séductrice d'une espiègle tentatrice. Quelques vers qui lui allaient bien.

Joueuse Cérène... Il n'avait pas posé ses mains sur sa taille menue et s'était contenté d'en suivre les mouvements ondulants, sans même frôler le satin de sa peau. Ensorceleuse sirène... Il était milicien et non marin. Son regard, cependant, s'était ancré au sien quand elle avait levé les yeux vers lui pour seulement demander son prénom.

« Jacob. »

Il avait répondu simplement, s'inclinant avec l'aisance de la noblesse et confirmant ainsi les soupçons de la saltimbanque, tandis qu'elle s'éloignait. La musique touchait à sa fin, le final promettait quelques nouvelles surprises. Il était redevenu spectateur acquis à la scène et avec la foule, avait applaudit l'artiste. Le baiser qu'elle souffla dans sa direction fut rattrapé d'un geste ampoulé et porté à son coeur avec comédie. Elle avait de l'humour, Cérène et de cela aussi, elle savait jouer. Sa révérence offerte au public avec ironie le fit rire. Une bohémienne avec de l'esprit ! Lui qui les pensait seulement diseuses de bonne aventure.

Toute occupée à ramasser les quelques pièces qui faisaient sonner la tasse qu'elle brandissait tel un étendard, elle l'oublia, lui laissant ainsi loisir d'observer. Elle était le joyau de sa troupe, mais ce n'était pas une surprise. L'était davantage le clin d'oeil qu'elle lui adressa avant d'être harponnée par une probable comparse. Elles échangèrent à voix basse et il comprit qu'il était le sujet de leur conversation au ton qu'employa Cérène quand elle choisit de se placer dos à lui.

Le sourire aux lèvres et l'air affable, il prit donc le parti de se joindre à la discussion, en se plaçant à côté de la danseuse.

« Faudrait-il donc que je sois pressé pour n'avoir pas le temps d'écouter ! Madame, mon attention vous est toute acquise, ou presque ! »

Arquant les sourcils, il se prit à dévisager la jongleuse, après avoir glissé un malicieux coup d'oeil vers Cérène.
Revenir en haut Aller en bas
Cérène BoiserelSaltimbanque
Cérène Boiserel



Demain, dès l'aube — Jacob Empty
MessageSujet: Re: Demain, dès l'aube — Jacob   Demain, dès l'aube — Jacob EmptyDim 4 Oct 2020 - 19:04
« Tu devrais te lancer » Sourit-elle, goguenarde. Claudine l’observe d’un regard vif et réprobateur, l’air de dire « Tu m’as vu ? »

Il est vrai que Claudine n’a rien de remarquable. Elle passe inaperçue et ne fait rien pour attirer l’attention. Elle est toute petite, un physique sec et sans formes. Tout est régulier, moyen chez elle : un visage rond, un front relativement bas et des yeux légèrement bridés et bordés de rides naissantes.

Cérène la contemple silencieusement, avant de rire à nouveau tout en la dévisageant avec tendresse.

« Tu es bête de penser ça, tu sais ? » Se contente-t-elle de dire. «Tu es bien plus que ça »
« On n’est pas toutes comme toi » Se permet de répondre Claudine, sans jalousie déplacée mais comme un terrible constat. Elle reprend doucement « On n’est pas toutes comme toi… »

Cérène n’a pas le temps de répondre qu’une voix l’interrompt.
Et ses yeux se posent soudainement sur Jacob. Elle le fixe intensément de ses yeux perçants et acérés avec une assurance presque insolente. Hypnotisée un temps par le bleu éclatant de ses yeux, Cérène se perd à le scruter avec puissance. Avec un certain défi, elle soutient son regard.
Il ne faut pas lui en vouloir, ce bleu l’appâte.

Elle se reprend en esquissant un rapide sourire. Son regard coule sur la jongleuse « Claudine ? » Elle l’appelle d’une voix exagérément douce pour la faire sortir de sa torpeur. Elle approche sa main de son visage et claque des doigts pour rappeler leur présence, Claudine restée interdite semble s’animer en sursautant. Cérène tente de contenir son rire et poursuit d’un ton taquin « Le monsieur ici présent… » elle le désigne d’un geste ample du bras « … Souhaite poursuivre cette conversation. »
Se tournant vers lui, elle lui sourit d’un air charmant. Ses deux pupilles noires entourées d’une auréole verte semblent se dilater comme ceux d’un fauve amusé. Levant prudemment ses deux mains dans un geste feint d’innocence « Faites comme si je n’étais plus là », avant de se reculer de quelques pas prudents pour ne pas effrayer une bête sauvage, et qui finit par s’éclipser dans un élégant volte-face.

Claudine réponds clairement du tac-au-tac un marmonnement timide et indistinct « Lâcheuse. ». Cérène se contente juste de pivoter la tête par-dessus-son épaule en souriant tendrement, avant de hausser les épaules d’un air candide pour poursuivre sa route en roulant des hanches.
Claudine lie ses doigts noueux entre eux, comme des racines entremêlées d’angoisse, avant de porter son regard vif dans le regard de Jacob.
La panique la gagne.

« Heu… Elle n’a pas osé vous le dire ? » Que c’est lâche, Claudine, de se délester de son honnêteté. Mais elle ne peut s’empêcher de freiner l’idée qui germe, la plus improbable, peut-être la plus bizarre aussi. Elle est bien trop réservée pour se livrer. « Mon amie ici présente » Elle désigne d’un coup de menton Cérène. « Euh… Vous ne l’avez pas laissé indifférente » Quel mensonge catastrophique, quelle idiote, que peut-elle faire d’autre ? Il doit la prendre pour une folle. « C’est pour ça qu’elle est partie. » Elle se permet de rajouter, cela va de soi « Elle est timide. »
La panique lui fait débiter un flot incroyable de parole et elle étoffe son mensonge animé par la panique d’avouer.

Elle lui sourit d’un air mécanique et crispé.
Et d’un côté, ce n’est rien d’autre qu’un petit mensonge. Rien de bien méchant. Il sera flatté, va s’en aller.
Et c’est tout.
Oui, c’est tout.

Son cœur bat une chamade désarticulée qui retentit jusque dans ses tempes.

« … Voilà. »

Cérène, au loin, rejoint le reste de la troupe tranquillement comme un chat paresseux.

« Que fait Claudine ? »
« Je l’ignore, elle parle avec un homme qui ne l’a pas laissé indifférente, elle doit sûrement se confesser » Une certaine lassitude traîne dans ses mots, peut-être est-elle secrètement envieuse de ne plus ressentir ça pour un homme. Le seul pour qui son cœur s’enflamme n’est plus. Il faut qu’elle se fasse à l’idée. Kryss restera l’homme qu’elle ne cessera d’aimer, sous toutes les formes et toutes les intensités. « Je pense que ça lui fera du bien si c’est réciproque »

« Nous allons festoyer ce soir, dans la taverne du coin, elle devrait lui proposer de venir » Suggère Théo en se grattant pensivement le menton.

Claudine échange quelques phrases de politesse avec le bel homme et décide de prendre congés. Elle s’essuie le front avant d’elle aussi, rejoindre la troupe. Gustave la dévisage étrangement.

« Tu devrais lui dire de venir ! »
« Non, non… Ça ira. » Confirme-t-elle timidement. « Ça ira, je pense qu’il est occupé » Elle s’avance vers Cérène « Oh, Cérène, si tu savais j’ai paniqué et j’ai dit n’impor- »
« Hé, toi ! » Hèle Gustave en s’adressant à Jacob « On va à la taverne du coin, tu te joins à nous ? »

Le regard de Cérène jongle de Claudine jusqu’à Jacob avec incompréhension.

« Mais qu’est-ce que tu as- »
« Arrêtez de jacasser toutes les deux, allez hop, on y va ! » Et Gustave les sépare, insistant pour que Jacob se joigne à eux. « Allez allez, vous allez voir la descente de Gustave le "Grand"! Haha ! »
Revenir en haut Aller en bas
Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



Demain, dès l'aube — Jacob Empty
MessageSujet: Re: Demain, dès l'aube — Jacob   Demain, dès l'aube — Jacob EmptyVen 9 Oct 2020 - 22:38
« En toute chose il faut écrire à temps le mot finis, il faut se contenir, quand cela devient urgent, tirer le verrou sur son appétit, mettre au violon sa fantaisie et se mener soi-même au poste. Le sage est celui qui sait à un moment donné opérer sa propre arrestation*. » C’était les mots d’un écrivain et dramaturge qu’il avait eu l’occasion de croiser lors d’une soirée mondaine. Un libre penseur et un génie du langage à l’intelligence affûtée. Un homme de lettres, surtout, amoureux de ses propres romans qu’il présentait comme « ses drames romantiques ».

Il l’avait apostrophé à la veille d’un tournoi, s’extasiant avec théâtre et grandiloquence de ce que sa chevelure si claire lui inspirait de vers et de poésie. Hugo, c’était son nom. Un gaillard dont le visage tout en pointe se trouvait entouré par d’abondantes boucles brunes. Il avait cette même manie qu’avait Claudine, de triturer ses doigts entre eux et de les accrocher ensemble. Une fantaisie qu'il complétait par quelques autres travers bien moins avouables.

Levant les yeux pour abandonner les mains de la jongleuse à leur sort, le Rivefière arqua les sourcils. C’était bien la première fois qu’il se trouvait balloté d’une femme à une autre sans n’avoir rien demandé de plus, sinon de pouvoir profiter d’une belle journée. Son regard trouva cependant à s’ancrer dans les prunelles sombres qui s’étaient relevées vers lui. La pauvrette avait l’air gêné et semblait prête à s’enfuir comme l’avait fait son amie.

Une « lâcheuse », en effet et une bien piètre entremetteuse.

Si elle avait voulu l’abandonner aux mains sèches de ladite Claudine, mieux aurait valu qu’elle s’abstienne d’armer son dernier regard de défi. C’était vraiment de ces manœuvres usitées pour encourager le diable. Une pratique maîtrisée par les plus talentueuses courtisanes qui, de cette manière, vous invitaient à la chasse tout en veillant à vous faire languir.

En d’autres circonstances et en d’autres temps il aurait pu s’y laisser prendre, mais la donne avait très récemment changé.

Sourire aux lèvres et air attentif affiché sur le visage, il écouta donc ce que la jongleuse avait à lui livrer de confidences, sans même chercher à suivre Cérène des yeux. Le discours de l'acrobate était hésitant et manquait de conviction. Entrecoupées d’étranges marottes et de manières témoignant tout à la fois de son embarras et de son inconfort, ses paroles n’avaient de sens que ce qu’il voulait bien leur accorder.

« Mon amie ici présente » …
Ils n’étaient plus que deux… Ladite amie se trouvait déjà loin.

« Vous ne l’avez pas laissé indifférente … C’est pour ça qu’elle est partie. »
Un véritable non-sens.

« Elle est timide. »
Hem… Vraiment ?

Il retint le rire qui voulait le submerger et s’obligea à garder ce qu’il lui restait de sérieux pour ne pas mettre la pauvre Claudine plus mal à l’aise qu'elle ne l'était déjà. Par les Trois, il détestait vraiment ce genre de situations. Quand la belle se découvrait le cœur d’une philanthrope pour satisfaire aux espoirs d’une amie oubliée par Anür, prenait-elle seulement la mesure du mal qu’elle pouvait engendrer ?
Les nerfs visiblement en pelote, Claudine semblait tout particulièrement embarrassée. L’agitation visible dans chacun de ses gestes et le trouble brillant à son front, elle acheva sa tirade (et son mensonge) sur une conclusion bien rapidement bégayée.

« Voilà. »

Il opina du chef et sur un radieux sourire, s’inclina devant l’acrobate. Il n'était pas nécessaire de prolonger le supplice.

« Merci, Madame, pour ce que vous avez bien voulu me livrer des confidences de votre amie. Soyez assurée et je compte sur vous pour le lui dire, que je me trouve tout particulièrement flatté de l’intérêt qu’elle me porte. Néanmoins… J’ai fait une promesse à une personne qui m’est devenue très chère. Et je souhaite à ma parole de demeurer sincère. »

Sans rien ajouter de plus il la laissa rejoindre la troupe de ses compagnons. Il fallait parfois peu de choses pour rendre une journée agréable. Un brin de soleil, une température clémente, quelques pas de danse et le plaisir de retrouver un peu de cette sérénité depuis trop longtemps abandonnée à la Fange. Alors et tandis qu'il prenait le temps de réajuster son baudrier d'armes, il s'osait à imaginer les jours à venir sous un meilleur auspice. Tout à sa besogne et à ses rêveries, il ne comprit pas tout de suite être le « toi » que l'un des saltimbanques voulait héler. Relevant le nez et se pointant lui-même du doigt, il attendit de s'entendre officiellement inviter, avant de se laisser aller à la plaisanterie.

« Sans oser remettre en question la justesse de votre propos, je suis certain que la descente de Gustave trouverait meilleur rival en la personne de Merrick Lorren. C'est un coutillier de l'interne qui, à cette heure avancée du jour, doit se tenir accroché au bar de la Chope Sucrée ! »

Il glissa ses doigts dans la bourse attachée à sa ceinture et en sortit une des rares pièces qu'elle contenait. Coinçant la monnaie rutilante sur son pouce, il la fit voler en direction de la troupe.

« Mettez-le au défi ou prenez un verre à ma santé. Pour ce qui me concerne, je suis présentement attendu et en retard ! »


*:
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Demain, dès l'aube — Jacob Empty
MessageSujet: Re: Demain, dès l'aube — Jacob   Demain, dès l'aube — Jacob Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Demain, dès l'aube — Jacob
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - Quartiers populaires ⚜ :: Bourg-Levant-
Sauter vers: