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 « Aux braises rouges » (titre en construction)

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Anton GunofBoucher
Anton Gunof



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MessageSujet: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyVen 18 Déc 2015 - 13:04
Quand ils furent tous là, les Vêpres venaient d’être scandées au travers de la cité par les clochers. C’étaient trois gaillards, tous portant le surcot aux couleurs de Marbrume et l’armure, qui s’étaient donné rendez-vous dans la soirée dans un lupanar bien famé de la Hanse. « Aux braises rouges, » que s’appelait l’établissement, qui se constituait d’une bâtisse étroite donnant sur un escalier aussi raide qu’une échelle vers un premier étage plus intime, ainsi qu’un huis en rez-de-chaussée où les clients les moins aisés et pudiques pouvaient s’ébattre avec le personnel dans la promiscuité d’une pièce commune jonchée de couffins et autres bancs rembourrés. Le manque d’espace dont pâtissait cette auberge à putains avait donné l’idée aux propriétaires, qui devaient peser pour avoir réussi un agrandissement tel, de faire lever, en après-midi, un petit chapiteau au dessus de la terrasse accotée aux murs de l’établissement.

Ainsi, sans avoir à entrer dans le bâtiment, on pouvait se jeter un godet protégé de la pluie et du froid sous un auvent et des murs de cuir. Sous cette tente faisant comme une antichambre jusqu’au vrai bordel, il y avait deux grandes tables communes séparées par un gros brasero dégageant une fumée chaleureuse et asphyxiante. C’était là qu’étaient nos trois miliciens. Assignés au guet pour la nuit qui venait, l’un d’entre eux avait proposé à Anton Gunof de se rejoindre avant leur quart « Aux braises rouges, » prétextant avoir plusieurs fois aperçu un Fou qui faisait les meilleures sotties de toute la cité ici. Les Fous, ces troubadours qui sous des allures bouffonnes, raillaient les mœurs et les abus de la société en prose ou en vers, étaient particulièrement recherchés en hiver, quand la vie était inversée avec la mort, où tout était renversé, mis sens dessus-dessous. Anton avait d’ailleurs été chargé par des parents de leur trouver un de ces Fous, et un bon, pour leur banquet hivernal.

C’était comme ça que le collègue avait réussi à sortir l’Anton de son antre. Gunof se remettait à peine d’un sale mal qui l’avait gardé alité quelques jours et depuis qu’il s’était remis, il avait esquivé toute offre de pot et autres sorties pour se focaliser sur le seul service. Les gars le trouvaient plus bougon encore que de coutume et s’inquiétaient de sa pâleur. Ils pensèrent que le piéger à s’enfiler une pinte de vin bien chaud et épicé le fortifierait tout en l’écartant de son lit de maladie. Il accepta l’invite de mauvaise grâce et arriva bien tard sous la tente, où il s’attabla avec ses deux compagnons d’armes, qui lui firent remarquer son teint maladif. Il grogna, et l’on discuta un peu en buvant un coup.
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Scarocci CorberaChevalier itinérant
Scarocci Corbera



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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyMar 22 Déc 2015 - 19:58
Aujourd'hui était une bonne journée.

Scarocci chantonnait un air inconnu sous son casque. Toujours monté sur Bidigon, il se laissait aller à la rêverie. Son fidèle destrier trottait sur les pavés. L'immense cheval s'amusait à traumatiser les passants qui s'approchaient de trop près. Résultat, les gens s'écartaient avec crainte du chevalier.

La vision d'un chevalier en armure lourde se baladant dans les quartiers pauvres était devenue presque habituelle pour les habitants. On pourrait penser qu'une personne se baladant ainsi n'aurait pas survécu longtemps. Après tout, un cheval valait son pesant d'or, de même que son équipement. Oui mais voilà, attaquer et piller un chevalier armé de pied en cap n'était pas aussi facile que tabasser deux-trois miliciens ou voler un noble richement vêtu. Le tas d'or que représentait Scarocci savait se défendre.

Après quelques tentatives infructueuses ayant débouchées sur plusieurs blessées, les viles lames avaient abandonnées. Le chevalier n'essayait pas de mettre fin à leur trafic et ne dérangeait pas ses affaires, se contentant de saluer aimablement les "braves citoyens" des bas quartiers.

Toujours prêt à aider, Scarocci avait même aidé deux cambrioleurs à charger leur butin sur leur brouette, avant de leur souhaiter bon courage dans leur déménagement. Pour le reste, Scarocci aidait tout le monde, rattrapant les chats perchés dans les arbres, les vieilles dames à traverser la rue. Selon ses mots, il "diffusait du bonheur" autour de lui. Les gens l'appréciait dans l'ensemble. Du moins, c'est ce qu'il pensait.

Il suffisait de voir comment ils s'écartaient respectueusement de son chemin !

Le preux et vaillant chevalier rendait visite à une de ses plus chères amies, Damoiselle Dénéa Alberick, une jeune et admirable herboriste des bas quartiers. Si sa main gauche était négligemment posée sur le manche de son arme, sa main droite tenait un panier rempli d'ingrédients qu'il espérait être très utile à l'herboriste : Scarocci avait cueilli toutes les fleurs, plantes, herbes et champignon qu'il avait pu trouver ces dernières semaines.

Il arriva devant son magasin. Devant ce dernier, une très jeune fille passait le balai, avant de regarder le monstre cuirassé s'arrêter devant elle. Scarocci sauta de son cheval avec fluidité. Le soleil faisait briller son armure légèrement sale et ébréchée à de multiples endroits.

" SALUTATIONS JEUNE DAME ! EST-CE QUE DENEA EST ICI ? "

La petite fille recula, l'air paniqué, avant de le regarder avec curiosité. Un chevalier ici, ce n'était pas commun. D'autant que Scarocci semblait sortir tout droit d'un conte pour enfant, avec son vaillant destrier. Seul son panier de fleurs faisait un peu tâche.

La jeune fille connaissait Denea. Mieux, elle était son apprentie. Scarocci fut ravi que la jeune femme se trouve de la compagnie et de l'aide, et fit promettre à la jeune apprentie de remettre ce panier d'ingrédients à Denea. Elle regarda le panier d'un air circonspect. Il était évident que le chevalier ne bitait absolument rien en herboristerie, vu ce qu'il avait cueilli. Enfin... c'est l'intention qui compte...

Scarocci demanda ensuite comment allait Denea. La jeune fille lui assura qu'elle allait bien. Avant de détourner le regard.

Scarocci plissa les yeux. Il savait reconnaître le mensonge. Et cette petite fille mentait. Il s'accroupit devant elle, la fixant de ses yeux bleus comme une mer nordique.

" Qu'est ce qui ne va pas ? Quelqu'un lui a fait du mal ? "

Il fallu une bonne demi-douzaine de minutes pour que Scarocci obtienne une réponse de la jeune fille. Pendant ce temps, Bidigon était allé dévorer les fleurs d'une maison voisine et chier devant la porte d'une autre maisonnée dont il n'aimait pas la couleur.

Quelqu'un avait fait du mal à Denea. Un milicien apparemment. La petite n'en savait pas grand chose, si ce n'est que, depuis sa visite, l'herboriste se mettait parfois en colère et pleurait régulièrement d'un seul coup. Elle gardait toujours un poignard aussi, maintenant.

Scarocci gronda. Ainsi, un homme était entré, ils s'étaient disputés, et depuis, Denea pleurait et se mettait en colère.

Qu'est ce qu'il avait fait ? Scarocci n'en savait rien. La petite non plus. Mais un homme avait fait du mal à Denea. Et pour le chevalier, qui avait juré de venir à sa rescousse, de protéger la veuve, l'orphelin et l'innocent, c'était inacceptable.

" Petite, est ce que tu sais comment s'appelle cet homme ? "

Elle n'en savait rien. Palsambleu. Enfin. Il savait que c'était un milicien. Un homme du peuple ! Sensé protéger ce dernier ! Et il faisait du mal à une gentille jeune femme ?! Il abusait de son pouvoir ? C'était inacceptable !

Injuste.

Il remercia la jeune fille.

" Dit à ta maîtresse que Scarocci passe le bonjour. Et qu'elle ne se fasse plus de soucis. Je vais tout régler. "

------

Il marche seul.

Sans son fidèle destrier, le chevalier marche seul. Sans arme. Sans armure. Sans casque. Il avait tout caché dans sa demeure, une bicoque abandonnée et à ciel ouvert, qu'il partageait avec un groupe de drogués à l'herbe de songe. Ils l'avaient accepté. Il les laissait tranquille et inversement. Son équipement était en sécurité, puisque Bidigon le gardait.

A visage découvert, Scarocci avance masqué. Personne ne le remarque. Un homme qui claudique légèrement, ça n'intéresse personne. On en trouve par dizaines ici.

Voilà des jours que Scarocci réfléchit. Un milicien a fait du mal à Denea. Comment le retrouver ? Il ne peut décemment pas tous les tabasser.

Ça lui prendrait des semaines !

Vêtu d'une simple tunique brune, avec une capuche le protégeant de la pluie, Scarocci Corbera avançait dans les rues de la Hanse. L'épaisseur et la longueur de sa capuche cachaient les traits de son visage. Impossible de distinguer plus qu'une mâchoire large et puissante, totalement imberbe.

La pluie n'était pas forte, mais froide et entêtante, comme un refrain pénible. Avisant une bâtisse, il entra. Si certains voyaient un Lupanar, Scarocci ne voyait qu'une auberge avec des serveuses plus gentilles que la moyenne.

Soulevant la toile, il entra sous la tente qui menait à l'entrée.


Dernière édition par Scarocci Corbera le Ven 8 Jan 2016 - 0:02, édité 1 fois
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Anton GunofBoucher
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyLun 4 Jan 2016 - 10:08
La chaleur des braises rouges et du vin alanguissaient peu à peu les hommes de la garde. Leurs muscles sortaient de la torpeur glacée du dehors. Ils s’amollissaient tranquillement au contact du feu. C’était bien confortable. La rumeur des conversations de la clientèle se mêlait aux faibles crépitements du brasero, et Anton, bien que toujours de mauvaise humeur, se laissait aller à se relâcher. Il faisait jouer ses membres pour les réveiller tranquillement, et les attaches de ses armures se rappelaient à lui. Assis qu’il était, il ne sentait guère le poids de son vieux plastron d’acier, et à force de mouvements, son attirail retrouvait sa configuration optimale sur le corps du garde.

« Il arrive point, ton Fou, Tom. » fit l’un des camarades, plus sensible à l’épaisse fumée qui se dégageait du brasero que les autres. Et le dit Tom de répondre en balayant la table d’une main. « Non-p’ ! Fou ou pas Fou, on n’est pas plus mal céans qu’ailleurs, hé, Gunof ? » « … » confirma Anton, qui sirota sa pinte. Était-ce la maladie qui l’affaiblissait comme ça, ou bien le vin tapait fort ici ? N’importe, il était bon, et le milicien crut un instant qu’il goûtait au dernier tonneau de vin non-coupé de Marbrume, au demeurant pas dégueulasse. De plus, il ne comptait pas commencer le service sobre. Cheminer mille allers-retours sur un même pan de mur n’était pas une grande source de distraction, et cette marche morne l’amenait inexorablement à ressasser pensées et réflexions. Or ces occupations de l’esprit, si elles pouvaient en temps normal le distraire de l’ennui et du sommeil, aujourd’hui, il s’en garderait bien.

Car ces derniers temps, il pensait principalement à cette sorcière d’Alberick. Il s’était retrouvé, par quelques coïncidences cosmiques qui semblaient monnaie courante ces derniers temps dans la cité franche, dans la boutique de cette herboriste. C’était il y a quelques jours de cela qu’une bande de gars l’avaient, pour une raison qui lui échappait encore (n’y avait-il ni médicastre ni barbier prêts à s’employer ce jour-ci ?), amené inconscient sur le comptoir de cette jeune femme qu’il avait prise quelques semaines de cela ? Anton, alors en bien mauvais point, s’était retrouvée dans une situation délicate. Souffrant, vulnérable, il avait été à la merci d’une sorcière qui avait des griefs contre lui. Il avait auparavant trouvé dans ses rêves et divers présages des preuves de la vengeance de cette sorcière. A présent qu’il avait été à portée de sa voix et de ses mains, il craignait qu’elle eût pu le maudire de charmes plus puissants encore. Il se souvint même s’être réveillé quand elle lui faisait boire une concoction qui ne lui disait rien qui vaille. A cette pensée, il s’envoya une nouvelle rasade de vin chaud.

Seul avec sa pinte et ses angoisses, Anton ne contribuait guère à la conversation, qui tournicotait autour de ce fameux Fou et des femmes offertes par l’établissement, les deux autres miliciens n’ayant guère d’autres sujets en tête sur le moment. Arriva sur ses entrefaites un homme encapuchonné, d’un fort gabarit et claudiquant légèrement. De sous la capuche se découvrait un peu difficilement un regard d’un bleu très pur et pâle. Les gardes, comme à leur habitude, et faute de mieux, le toisèrent un moment. Et Tom, qui avait promis un Fou à Anton, crut reconnaître dans la silhouette le barde dont il avait rebattu les oreilles de ses amis. Sans ambages, il l’alpagua. « Hé ! Le drôle, tu es le Fol Baldur ? Tu viens te produire ou te reproduire ? »
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyVen 8 Jan 2016 - 0:40
Scarocci avait presque franchit la porte lorsqu'il fut interpellé. Un groupe d'hommes (des miliciens ! ) le regardait.

Lui ? Baldur ? Le fol ? Mais il n'était pas fou !

Scarocci s'arrêta, et réfléchi un peu.Bon. Ces hommes avaient l'air assez sympathiques. Autant leur répondre. Il reprit ses pas, mais, au lieu d'avancer, il reculait, ses pieds glissant surnaturellement sur le sol. Après avoir terminé ce qu'on appelait communément le "marchelune", il tira une chaise et s'assit dessus, jambes croisées, sourire éclatant jusqu'aux oreilles, même si sa capuche cachait tout ce qui était au dessus de ses narines.

" Malheureusement, je ne suis pas Baldur ! Mais puisqu'il n'est pas là, je peux tout à fait le remplacer ! "


" Et je viens me produire naturellement. Je viens de sortir de la reproduction. Votre mère est une dame charmante messire ! "

Le milicien explosa dans son verre de vin, ne s'attendant pas à une réplique aussi directe et peu subtile... ce qui lui convenait.

" Je t'aime bien toi ! "

" Moi aussi, je vous aime, mais hélas, notre amour est impossible ! "dit Scarocci dans un air faussement dramatique. Il venait à peine d'arriver, mais il s'amusait déjà beaucoup, oubliant temporairement ses soucis. Un autre milicien lui demanda son nom.

Scarocci fit une révérence exagérée, sa tête cognant lourdement contre la table, ce qui fit pousser un rire un peu gras et perplexe du garde dont il avait auparavant insulté la mère.

" Je suis Oscar Corbeau, trouvère et guerrier itinérant ! Un poète si vous voulez... "

Il regarda l'assemblée, avant de s'arrêter sur le troisième larron, qui n'avait pas parlé. Un type assez costaud (mais plus petit et moins large que Scarocci), avec la mine d'un chien déprimé et irradiant une sorte odeur d'alcool.

" Votre ami n'a pas l'air dans son assiette. "

Il claqua des doigts devant celui qui s’appelait Anton Gunof, qui cligna des yeux et lui répondit par un grognement. Scarocci se remit à sourire, seule chose visible de lui.

" Et bien, en voilà un qui a besoin de tirer son coup ! Un sire séduisant comme vous a sûrement une petite citadine à trousser non ? "


Dernière édition par Scarocci Corbera le Lun 11 Jan 2016 - 16:22, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyLun 11 Jan 2016 - 12:40
Ca arfait à qui mieux-mieux parmi la coterie de Gunof, à présent. Un camarade avait hélé un simple badaud, qui s’était révélé être un drôle. Et l’homme de démontrer son état de boute-en-train en opérant un tour qui laissa tout ébaudis les miliciens sauf Anton, toujours crispé comme dans ses mauvais jours. Le marchelune était pourtant impressionnant, et l’illustre inconnu gagna la sympathie des deux autres garde par sa démarche tranquillement spectaculaire. L’ambiance était déjà plus gaie, depuis son apparition, et les saillies que le colosse claudiquant leur jetait à la face déclenchait l’hilarité grasse des deux gars, dont l’un, celui à côté d’Anton, essaya de lui communiquer d’un coup de coude. Du genre : on va s’esclaffer un bon coup, non ?

Non. Bien décidé à être un connard, Anton, livide, un reste de fièvre dans les yeux, la mine aussi sombre que s’il avait perdu toute sa famille la veille, maugréa sourdement du côté de son voisin de banc. La sphère de négativité dégagée par l’aura de notre brave héros bougon n’arrêta aucunement le plaisantin, qui mima une maladresse aussi grotesque que sensationnel tout en se remettant debout. Au contraire, excité par ce mur de Gunof, le saltimbanque en civil se mit en tâche de ragaillardir (ou moquer, selon lui) l’ours. Attirant son attention en venant lui claquer les doigts à la gueule, Anton releva la tête, une mine grondeuse et énervée fichée sur le visage, incapable de réagir verbalement et d’ailleurs plus enclin à mettre une châtaigne à ce casse-couille qui se permettait trop. En bon fou, l’individu outrepassa le regard menaçant. Ce qu’il fallait à l’Anton, selon lui, c’était aller besogner une de ses régulières afin de s'extraire la mélancolie à coup de coït. Ouais ? Ah ouais ? Goûtant peu qu’on le prenne à partie, surtout pour être sujet des farces d’un artiste, le chiant ne se dépêtra toujours pas de son attitude de merde.

« Continue de causer à myssègue comme ça et je… » Il essaya de faire comprendre qu’il n’aurait pas besoin de passer la porte du bordel pour être dans quelqu’un si l’homme continuait à le frotter dans le mauvais sens du poil. La répartie ne vint pas. « Je vais t’enfoirer, t’entends ? Et puis qui qu’t’es toi d’abord, où tu crèches, hein ? Je t’ai jamais vu céans, t’es un métèque d’où, hein ? » L’officier sourire cherchait des soucis à faire au malandrin, c’était évidemment. Les deux collègues se dirent que c’était niqué pour mettre leur copain en train, et qu’avec un comportement pareil, le gars allait pas trouver un fou à embaucher avant un bon millénaire. Pas vraiment à l’aise que l’Anton se mette à interroger ce drôle de loufiat alors qu’on n’était même pas en service pendant encore une bonne heure, ils essayèrent de faire tampon entre les deux bonhommes.

« Il l’a dit, Anton, c’est Corbeau qu’y s'appelle. Tu vas pas commencer à casser les eier… »
« Hé Gunof ! En parlant de trousser, y’a bien cette boutiquière qui t’aurait palpé, y’a pas un si long bout, hein ? Arfarf, hein ? Elle commence à te bander le bras et toi tu commences à bander du schwanz, hein ? Arfarfarf. » ajouta l’autre collègue pour essayer de détourner l’attention d’Anton et dissiper la tension que ce con était bien décidé à établir. La référence n’effaça par le rictus patibulaire du ladre, mais eut le mérite de le faire taire et de détourner le regard du saltimbanque.
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyLun 11 Jan 2016 - 17:38
Cet homme là n'était pas joyeux. Pire, il était déprimé. Et déprimant. Scarocci n'aimait pas ça. Les gens avec un balai dans le cul, qui écrasaient la joie des autres ! La vie n'était-elle pas assez dure comme ça ? Non, vraiment, il ne comprenait pas.

Puis, l'homme se mit à menacer Scarocci, lui crachant dessus, l'insultant de métèque, avant de le menacer physiquement.

Le fou était resté interdit, avant d'éclater de rire. Le menacer ? Lui ? Physiquement ? C'était tellement grossier que c'en était drôle. Il rire, gai et joyeux, devint puissant et démoniaque, presque terrifiant. Scarocci semblait grandir, grandir... Le fait qu'on ne puisse voir que sa bouche colossale grande ouverte était encore plus effrayant. Puis, il s'étrangla et tomba à la renverse, disparaissant derrière la table, seules ses deux jambes dépassant.

Il revint juste après, assis sur une chaise.

" Pas de problème, pas de problème ! De toute façon, les coups blessent beaucoup moins que les mots, tout le monde le sait ! Je n'ai rien à craindre d'un soldat ! "

Il ne croyait pas un mot de ce qu'il disait. Scarocci n'avait d'ailleurs jamais compris comment on pouvait être blessé par des mots. Enfin, il suffisait de les ignorer ! Ceux qui croient à ce genre d'anneries, étrangement, ne se sont jamais battus de leur vie...

" Et pour répondre à votre question, messire Gunof, je ne suis en effet pas de Marbrume ! Je suis né dans la forteresse de Bordeleaux ! Peut-être en connaissez vous les prestigieux chevaliers, et les talentueux troubadours qui en sont issus ! Hélas, les fangeux n'ont rien laissé ! Triste journée pour la poésie chevaleresque, ma foi ! "


Reprenant une attitude normale (selon ses critères propres), Scarocci se rassit, avant de se saisir d'une pomme. D'un coup de dent, il en dévora la moitié, comme s'il ne s'agissait que d'un quignon de pain mou et humide.

" Mais sinon, je vois que notre ami a déjà une amante ! Une boutiquière ! Faites attention, certains nobles raffolent de quelques charmantes marchandes ! Imaginez si cette dernière a plusieurs prétendants jaloux ! "

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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyJeu 14 Jan 2016 - 13:33
Les deux collègues avaient le doux espoir d’amorcer une conversation sur du cul, ce grand lieu commun qui avait tendance à mettre tout le monde d’accord. Et Anton, pour bougon qu’il était, semblait la fermer, écoutant les deux autres miliciens qui se donnaient des airs légers pour esquiver la confrontation. Mais c’était sans compter sur le Fol, pas décidé à caresser la bête dans le sens du poil. D’abord muet après la petite tirade d’Anton, ce dernier s’extirpa du mutisme dans une explosion d’hilarité. Le rire moqueur attaqua les oreilles de Gunof, mais l’agacement du garde se transforma vite en appréhension quand ce fou-rire, d’abord moqueur, tourna, se métamorphosa et métamorphosa avec lui Oscar Corbeau. Sa grande gueule n’en finissait pas de vomir ce son guttural et bruyant qui, par sa longueur et son intensité, fit taire toute l’assemblée rassemblée sous les auvents. Ca comme qui dirait bloqua le souffle d’Anton, qui fixa, comme les autres convives, son regard renfrogné vers l’origine de ce son de plus en plus horrible.

Putain, le gars était complètement dingue, pensa-t-il tandis qu’il concluait ce rire étrange en se renversant de sa chaise. La chute eut l’effet de détendre un peu l’atmosphère, carrément tendue, bien qu’un petit air électrique continua à parcourir les deux tables. Le colosse se rassit et engagea la conversation comme si de rien n’était, à la stupéfaction, un peu amusée du côté des deux gardes dont il s’était fait un public, qui n’en restaient pas moins un peu nerveux, de chacun. L’affront semblait être passé, c’est ce qu’il déclara. Et puis il enchaîna sur ses origines, et les gars opinèrent du chef. Incapables de placer trois patelins entourant Marbrume sur une carte, ils pouvaient bien faire que ça, d’opiner du chef. Le sujet passa, les Marbrumeux pas forcément très curieux sur les lieux qui avaient depuis disparu. Ils compatirent indifféremment quand il leur apprit que le lieu n’était plus, et s’animèrent de nouveau quand il revint sur la conversation des amantes.

« Ohoh, pas sûr qu’elle mange de ce pain-là, l’Alberick. C’est la sorte un peu libre, un peu indépendante. »
« Eh ben ? Ca l’empêche pas de croquer plusieurs pommes, har ? Bien au contraire… moi je la connais la petite Alberick, une sacrée pouliche ! Elle a beau avoir son petit carafon, j’aurais bien voulu qu’elle me garde en pension, malade ou pas, hein Anton, petit chançard à la manque ? »
Et l’homme de taper l’épaule de l’intéressé, qui baissait les yeux et glougloutait dans sa pinte de vin, plus raide encore qu’auparavant. Pourtant, il fermait bien sa gueule, aussi fermé soit-il. L’autre collègue, qui semblait avoir déjà aperçu la belle herboriste, ne tint plus, et libéra sa curiosité.

« Tu l’as sailli, dis ? Et me parle pas de ta maladie, Gunof, je t’ai déjà vu prendre une femme avec une dondaine coincée dans la jambe ! » Irrité, le dit Gunof continua de ne rien dire, se désolidarisant tout à fait de la conversation, qui se résumait aux insistances de son camarade, visiblement décidé à recevoir une réponse qui ne venait pourtant pas.
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyLun 18 Jan 2016 - 14:25
Un énorme frisson parcourut le corps de Scarocci lorsqu'il entendit le nom de famille de Denea être prononcé. Les hommes ne prêtaient pas attention à lui, tapant l'épaule de leur camarade, lui demandant s'il avait couché avec elle. Ils vantaient également la... beauté de la jeune boutiquière, clamant à quel points ils rêvaient de lui écarter les jambes pour la prendre contre un comptoir.

Le regard de Scarocci changea légèrement en fixant le garde malade, Anton Gunof, qui n'en menait pas large.

Sans prévenir, l'énorme main de Scarocci attrapa le visage d'Anton Gunof et le fracassa contre la table.

" POURRITURE ! "

Il le traîna jusqu'à lui, foutant un bordel monstre, avant de le balancer au sol.

" ESPECE DE CREVURE ! CHIASSE HUMAINE ! "

Scarocci le souleva du sol et le frappa, avant de lui exploser le visage contre le mur. Le sang éclaboussa la pierre, alors que l'os nasal du milicien était définitivement brisé.

" JE VAIS T ARRACHER LES COUILLES ET TE LES FAIRE BOUFFER ! "


" Hé, Oscar, ca va ? "

Scarocci cligna les yeux. Devant lui se trouvaient les deux gardes et Anton Gunof. La table était impeccable. Rien ne s'était passé. Il avait juste rêvé.

" Excusez moi ! J'ai souvent des moments d'absences ! ". Il fit semblant de réfléchir. "Alberick, Alberick... je crois que ca me dit quelque chose... "

* Espèce d'ordure. *

Il claqua des mains.

" Haha ! Oui ! L'herboriste c'est ça ! C'est vrai qu'elle est farouche d'ordinaire...félicitations Gunof ! "


* Je vais t'écarteler et te jeter aux chiens. *

Il en profita pour se servir d'un morceau de pain.

" Ceci dit, je vois que notre ami Gunof n'est pas d'humeur pour mes petits tours... aussi donc, vais-je vous laisser tranquille pour ce soir ! Je pense que notre ami a besoin d'un peu de repos. "

Il reprit un morceau de pain, et le proposa à un des gardes, qui accepta.

" Ceci dit, ce serait un plaisir de vous revoir ! Vers où patrouillez vous en général ? "

Un des deux gardes, après s'être servi un verre de vin, répondit à Scarocci.

" Nous deux, on est avec Anton, on patrouille notre bonne vieille enceinte extérieure. "

" Toujours au plus prêt du danger ! "

Scarocci ria de bon coeur avec eux, détendu par les visions d'un Anton eviscéré et jeté du haut de l'enceinte, avant de tous leur serrer la main avec chaleur, Anton y compris.

" Au fait, messire Gunof, si vous voulez, je connais un endroit génial pour se détendre et se reposer. Vous me suivrez ? "
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyLun 18 Jan 2016 - 16:24
C’est une main molle, sans entrain, que maître Corbeau serra quand il en arriva à Anton. Ce dernier le toisait d’un regard noir et scrutateur. Pas vraiment le copain. Et puis, bien qu’il fît bonne figure, l’œil glacial de Scarocci renvoya quelque chose de déplaisant au garde, qui plissa les yeux, rendu encore un peu plus méfiant. Il était palot et bougon, toujours à étouffer une sale toux, emmitouflé dans son surcot et sa cape rembourrée de fourrure, faisant un peu peine à voir. Le genre de type plus bas que terre mais qui continue à vous juger de l’œil. Si, ça avait un côté pathétique, croyez-le. Pourtant, ce dernier soupçon de sympathie, il disparut quand Anton eut entendu la proposition d’Oscar Corbeau. Malgré les quintes de toux, malgré l’humeur morne, il ne put s’empêcher de s’esclaffer moqueusement.

« Entends bien ce que je vais te dire, métèque : j’aimerais mieux, la tête dans le cul de la Grande Chèvre, suivre le son de la flûte d’Anür jusqu’aux derniers cercles des enfers que de suivre la grande carcasse loufoque que t’es, même si ça me rendait plus riche qu’un Vauvrur. Klar, Oscar ? »


Dernière édition par Anton Gunof le Mar 19 Jan 2016 - 0:23, édité 1 fois
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Scarocci Corbera



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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyLun 18 Jan 2016 - 23:16
Scarocci soupira intérieurement devant la réplique du garde. Même lorsqu'il était (faussement amical), Scarocci se faisait rembarrer. Quel... grossier personnage aurait dit sa maman. Il le regarda lentement, enregistrant son visage, ses expressions, sa silhouette, son identité. Il fit un sourire.

" Je ne vous en veux pas messire Gunof ! Bonne soirée à vous trois ! "

Il fit une révérence, reculant en marchelune, avant de repartir dans la nuit, traînant un peu sa jambe sur le pavé. Il disparu dans la nuit.

***

Il est tard. Ou tôt. Le soleil n'est pas encore levé, comme un enfant refusant de sortir de son lit. Le ciel est sombre, la nuit recouverte de nuages gris. Il a plu quelques heures auparavant. On est à cette heure flottante, trop tard pour les cambriolages et trop tôt pour les meurtres.

Les rues sont quasiment vides. C'en est fascinant. Malgré ce vide, on sent la force, la vitalité de la ville, alors que des dizaines de milliers d'âmes dorment dans des lits ou des paillasses. Seuls quelques miliciens et marginaux isolés troublent le calme de la ville, leurs pas résonnant sur les pavés.

Un homme isolé est immobile, adossé contre un mur. Plusieurs miliciens l'ont croisé, suspicieux. Il a décliné plusieurs fois son identité. Socar Corneille. Il reste là et ne fait rien. Les miliciens haussent les épaules et laissent l'homme tranquille. Puis, à un moment, après avoir aperçu quelque chose, ou quelqu'un, il disparaît dans l'ombre de la ruelle.

Il porte de solide bottes en cuir, ainsi que de simples habits d'hivers, épais et protégeant du froid. Ses mains épaisses sont nues. Une écharpe très courte, qui ne pend pas, masque son visage en dessous de ses yeux glacés, alors qu'une capuche recouvre tout le dessus, sourcil compris.

Il a vu sa cible. Un homme, un milicien, épuisé et fourbu, fatigué par une longue nuit de garde. Anton Gunof. Scarocci a été patient. Sans se presser, avec une organisation méthodique qu'on aurait jamais cru de lui, le chevalier a su reconnaître de loin l'homme à abattre, trouver son logis, le chemin qu'il prend et à quel moment. Personne ne fait attention à lui dans la rue. Adossé au mur, il attend, mettant à l'épreuve son (excellente ouïe). Il a confiance. Il a bien mangé ces derniers jours. Bien dormi. Il est en pleine forme, et bouillant de motivation.

Soit il a de la chance, et il peut mettre sa vengeance à l'oeuvre. Soit il est malchanceux, et il repousse à demain.

Il a de la chance. Anton Gunof passe juste à portée de bras, dans la rue perpendiculaire à celle où se trouve Scarocci. Une rue minuscule, étriquée et sombre, qui ne donne que sur des murs sans fenêtre. Le genre de rue avec écrit dessus "EMBUSCADE GRATUITE".

La lourde main de Scarocci se pose sur le cou épais de Gunof. Ses doigts deviennent des serres, s’enfonçant dans la chair. Pivotant sur lui même, Scarocci Corbera balance avec aisance le milicien sur le sol boueux et non pavé de la petite rue. Alors que Gunof se relève avec vitesse, Scarocci se contente d'avancer avec lenteur vers lui, gardant le silence.
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Anton Gunof



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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyMar 19 Jan 2016 - 16:59
C’était Franzël qui y avait eu droit. « Elle est estampillée Anton Gunof. »
Le pan est de la muraille extérieure, c’était du gruyère. Malgré les efforts d’entretien quotidiens, il était trop tard pour certaines tours, dont l’état de rien était déjà trop avancé. Et on avait des coins entiers où les moellons étaient si irréguliers, maigre bandage posé sur la plaie d’une vieille brèche, qu’un enfançon aurait été capable de les escalader, et de nuit. Les trous des passe-murailles n’aidaient en rien, et plus loin au nord, plus près de l’océan, ce sont dix pieds de mur qui s’étaient effondrés.

« Klär, vous deux ? Elle est à Anton Gunof, dites-le à quiconque pose les yeux dessus. »
Le quart de nuit, en ce moment, était particulièrement long, froid et hasardeux. On en tirait pas mal aux hasards, des quarts de veille, et les coutiliers avaient même l’habitude de miser de bons quarts au jeu.

La treizième escouade n’avait pas été très chanceuse, ces derniers temps. Aussi les gars de Glemser sortaient d’un long enchaînement de nuits blanches, partagées entre ennui et l’angoisse. Malgré son cuir assez épais, Anton, qui sortait de son lit de maladie, était particulièrement éprouvé. Se faire porter pâle ces derniers temps n’était guère aisé, car entre les simulateurs et l’état de siège, il y avait un commandement qui ne prenait pas encore la mesure de l’épuisement des rangs de la muraille.

En bref, Anton avait passé une grande partie de sa veille sous sa cape, près d’un brasero qui ne serait jamais assez chaud, mi-grelotant, mi-assommé. Il faisait bien peine à voir, et certains s’inquiétaient vraiment. On convint de le laisser roupiller et on répartit ses tours en grognant. Cette délicatesse envers leur fiévreux camarade lui sauva, il semblerait, la vie. Car, quand Franzël attaqua le tour de Gunof, il y eut un incident. On était à une heure de l’aube, les mâtines allaient bientôt tintinnabuler dans les cloches de tous les clochers de Marbrumes. Un mordeur, on n’avait pas trop su d’où il était arrivé, sûrement d’une escalade, avait causé des ennuis aux veilleurs. Le cor sonna, Anton se réveilla, entendit des cris. La bête pourchassée par la bande se réfugia dans la tourelle où il ‘reposait ses yeux’, un bordel innommable se produisit, et à la fin, la bête comme Franzël s’étaient retrouvés par terre, la gorge tranchée. Anton aussi était tombé, emporté dans sa chute par le mordeur qui, dans ses derniers spasmes, jetait ses griffes au hasard. Les viscères de l’homoncule monstrueux, ouverte par un poignard plus tôt dans de la rencontre, s’étaient déversées en partie sur le milicien mal réveillé.

On reçut du renfort et un docteur et on but du vin le reste du quart. Les intestins de la bête laissaient toujours traîner leur odeur, particulièrement du côté d’Anton et de son armure. On parla un peu de feu Franzël solennellement pendant qu’Anton se sentait moins qu’une merde. Il eut une petite pensée pour leur dernière relâche, « Aux braises rouges, » et se reprocha longuement de n’être qu’une sombre merde. Le sentiment diffus d’être coupable de sa mort affreuse se passait d’arguments bien plantés, et Anton se morfondit sans faire de difficulté dans ce dégoût de lui-même qui l’irradiait.

La relève arriva, et il prit deux conscrits à peine sortis de l’enfance entre quatre yeux. Il leur désigna son matériel : plastron, mailles de fer, gantelets, tous souillés par les intestins du mort-vivants. « Hé les connards. Demain je viens chercher tout ça. » Il montra le plastron. « Elle, vous me la lustrez, vous me la briquez, klär ? » Il rêvait que l’un des deux gosses souffle une réticence. De leur casser la gueule, à ces connards du quart de jour. Se défouler sur ces épouvantails qu’allaient surveiller que dalle sinon des travailleurs combler la muraille comme des sombres incompétents. Il les haïssait tous, du duc qui avait conçu cette muraille au dernier maçon qui avait posé un moellon de pierre, tous les connards qui n’avaient pas fait leur devoir. Il était de ceux-ci, mais au moins, il avait des centaines, des milliers d’autres hommes à mépriser en même temps.

C’est dans cet état d’esprit qu’Anton Gunof, délesté de son armure, traînant ses lames, portant difficilement son arbalète, rentrait au bercail, détestant de toutes les parcelles de son cœur le foyer qui l’attendrait. Lorsqu’il arriva à la cour de l’hôtel Fels, une espèce d’oasis de noirceur encerclé de murs aveugles et lépreux, grande pissotière et riche de nombreux souvenirs de coups de mains, il hésita un instant. Passée la cour Fels, il était chez lui. Il ne rêvait que de boire plus et oublier dans les bras câlins d’une putain, s’endormir deux jours dans la quiétude d’une maison de passe. Une violente quinte de toux balaya cette songerie. La chaleur du lit conjugal était à portée de main.

Anton s’enfonça dans la cour lors d’une nuit où de lourds nuages menaçaient. Une brise glaciale s’engouffrait de la mer à la cité, sifflant furieusement entre les stries des maisons. Il frissonna, continuant son chemin, toujours recroquevillé dans sa cape rembourrée. Et comme il parcourait les derniers pas jusqu’à ses portes, une main l’agrippa. Sans qu’il en eut conscience, il fut soulevé de terre, et jeté quelques pas plus loin dans la gadoue givrée du terrain vague. Ca avait eu le mérite de l’extraire de ses mélancolies. Le contact avec la boue gelée, qui le griffa, le rafraichit même complètement. A peine remis sur ses pieds, il dégaina son poignard avant d’être bousculé par une toux malvenue.

« Fils de… KORF KORF. » Il se mit en garde, son arbalète, au milieu, le dérangeait mais il n’arrivait pas à retrouver le nord. Il toussait.

« Hecker, c’est t-… KORF KORF. » Il avait la carrure de cette raclure d’Hecker, cette armoire à glace, mais aux dernières nouvelles, il ne claudiquait pas. Contrairement à celui-là, qui s’avançait avec une lenteur calculée vers sa proie, mettant en valeur l’étrangeté de sa démarche de boîteux.

« C’est les frères Gruski qui t’envoyent ? KORF KORF Sans moi, ils retrouveront jamais la relique, tu m’entends ? Dis ça à tes patrons ! Jam… KORF KORF ! » Ca n’avait pas l’air de donner à cogiter la grande brute, qui s’approchait toujours dans une approche qui en renforçait l’inéluctable. Bien, assez discuté alors. Il pointa son poignard sur le malandrin, appuyé d’un jeu de jambe très direct, porta le plus vite qu’il le pouvait dans la bidoche du type.

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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyMer 20 Jan 2016 - 11:20
Scarocci fut presque surpris que l'homme ne le reconnaisse pas de suite. C'en était presque vexant. N'était-il pas assez marquant ? Pas assez bien ? La fierté puérile du chevalier fut égratignée. Il enregistra les noms dans sa mémoire. Hecker, Gruski. Un jour, ces noms seraient utiles. Il resta silencieux, fixant Anton de haut et avec le regard aussi méprisant dont il était capable.

Le milicien s'était relevé, agitant avec dextérité un poignard assez aiguisé en apparence. L'armement était défavorable pour Scarocci, mais il était plein de courage et animé par une noble cause ! Il ne pouvait pas perdre n'est ce pas ?

Anton Gunof tenta plusieurs coups d'estocs assez prudents, que Scarocci évita avec peine, avant de riposter par un énorme coup de poing. Surpuissant, mais lent et très téléphoné, le coup fut évité sans aucune difficulté par le milicien, et son poignard traça une petite taillade dans le bras de Scarocci. Sans se décourager, Le chevalier reparti à l'attaque, avec un fantastique crochet du gauche. Son poing fermé passa à quelques centimètres du visage du milicien, avec une telle force qu'il en fut décoiffé.

Il continua sa course sur le mur en brique. Grommelant, Scarocci retira son poing, et un peu de brique tomba sur le sol.

" Hum ? "

Le milicien n'avait pas attendu que Scarocci se remette en garde, et le poignard fila vers le torse du chevalier, s’enfonçant profondément dans son pectoral gauche.

" !! "

Scarocci attrapa le bras droit d'Anton, le pressant de toute ses forces avec sa main gauche, tandis que son bras droit filait vers le visage du Milicien, maintenu au contact. La main du chevalier agrippa la tête du milicien comme une grosse pomme, et il le fracassa deux fois contre le mur, jusqu'à ce que le milicien accepte de lâcher son poignard. Scarocci le repoussa encore plus loin dans la ruelle. Le visage de son adversaire dégoulinait de sang, le nez cassé, une arcade sourcilière explosée.

Scarocci regarda le poignard enfoncé dans son torse. Il s'en saisit et le retira avec simplicité, bien qu'il tremblait légèrement. La multitude de couche de vêtements sombres, associés à la nuit environnante, fit qu'il était quasiment impossible de voir du sang couler.

Il jeta le poignard dans la ruelle d'un air négligé et, sans qu'il ne semble en avoir été affecté, repris son avance vers Anton, la respiration plus forte.


Dernière édition par Scarocci Corbera le Mer 20 Jan 2016 - 22:13, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyMer 20 Jan 2016 - 15:02
Qui d'Anton ou de Scarocci remportera cet aimable échange ? 1-15 : Anton ; 16-100 : Scarocci. Résultats : 21 ; 35. Lanceur : Alexandre de Terresang.

Gunof s’affaissait sur lui-même, complètement sonné par la cognade. La rencontre de sa tête avec son mur, en plus de lui rappeler de vilains souvenirs du côté de l’herboristerie Alberick, eut l’effet de lui troubler la vue et l’esprit. L’esprit surtout parce qu’il était persuadé d’avoir enfoncé trois pouces d’acier en plein cœur de cette ordure. Aussi contemplait-il, le souffle rauque, à terre, l’image floutée de son agresseur s’approcher avec la lenteur qui le caractérisait. Derrière Anton, c’était la maison. Propulsé par le colosse sur le pavé de la rue, il était maintenant à dix pas de ses murs, des siens. Mais ses guiboles ne répondaient pas.

« A M… KORF KORF. » La quinte secoua sa tête douloureuse, les rigoles de sang avancèrent par à coup sur son visage, dans son cœur. Le liquide chaud coulait entre ses lèvres, titillait sa langue de son goût ferreux. C’était impossible, le géant devrait être mort. Mort ! Mais il était toujours là, le marcheur, à marcher vers lui, à le suivre, en silence, sa respiration prononcée de plus en plus audible. Il essaya de se relever, mais son épée, coincée entre ses jambes, le fit trébucher, et le voilà à genou, les mains dans la boue dure. Il retentait de se remettre sur ses pieds quand la silhouette menaçante était à sa portée. « Tu veux de l’or ? Je peux te donner de l’or, beaucoup d’… » Un violent taquet lui ferma la gueule et la projeta contre le sol. Le contact froid fit sursauter la conscience du milicien sonné, qui roula sur le côté pour s’éviter une pluie de coups de pied jusqu’à ce qu’il buta contre le mur de la cour. « KORF KORF, » il s’y adossa, le regard dans le vague. La silhouette s’approchait toujours, plus noire que la noirceur qui l’environnait.
« Qu… Quoi tu veux, KORF KORF, huresohn ? »
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyJeu 21 Jan 2016 - 1:01
Dans sa misère et sa détresse, le milicien lui promettait de l'or. Beaucoup d'or. Malheureusement pour lui, si Scarocci avait beaucoup de défauts, il n'était pas matérialiste, ni cupide. Raté donc. Il le lui rappela en écrasant son lourd pied pour le faire taire. Rampant par terre, Anton Gunof s'adossa au mur, le regard vide.

Scarocci avisa le sol où ils se trouvaient. Le milicien possédait toujours son épée, mais il avait laissé traîné son arbalète. Scarocci détestait les arbalètes. Des armes de lâche, capables de vous percer un chevalier à trois cent pas, même si vous ne maîtrisez l'arme que depuis deux heures. Il s'en saisit.

Les lourdes mains du chevaliers entourèrent le bois plaqué de métal, et dans un crissement oppressant et glauque, il tordit l'arbalète, avant de la briser en son milieu, créant deux morceaux de bois brisés reliés par une fine corde. Il balança le cadavre de l'arme derrière.

Il agita son index et son majeur, ordonnant à Gunof de se relever. Ce dernier se releva, avec peine, en soufflant, respirant bruyamment. Il dégaina son épée, avança, et frappa Scarocci.

La frappe était ample, bien équilibrée, mais lente, imprécise et téléphonée, le milicien étant en très mauvais état. Scarocci avança d'un seul coup vers l'avant, bloqua le bras d'Anton et lui administra un formidable coup de tête. La lame fendait le vide derrière le chevalier habillée comme un paysan.

Basculement, ciel qui tourne, corps qui tombe. Le milicien fut vaincu une nouvelle fois par le chevalier, aidé par la gravité. Face contre terre, il pouvait sentir le poids de son agresseur sur son dos, qui avait immobilisé son bras.

" Je viens pour des excuses. "
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MessageSujet: Re: « Aux braises rouges » (titre en construction)   « Aux braises rouges » (titre en construction) EmptyJeu 21 Jan 2016 - 16:19
La dernière chute avait fait encore plus mal que les autres. Anton, après une molle tentative à coup d’épée, avait embrassé la sentence de la gravité avec une résignation qui fit mal à sa mâchoire, sur laquelle il sembla que tout le poids de la chute vint s’écraser. Ses dents firent même un petit mouvement, accompagné d’un son bizarre, que le garde ne comprit pas. Pour seul signal qu’il reçut de la part de son corps, c’était un liquide chaud envahissant sa bouche. Infoutu de se relever, et n’ayant aucunement le moral pour tenter une nouvelle manche, il se contenta de tirer le plus de la situation. Il posa son visage de profil et ouvrit la gueule, pour aspirer l’air et expulser le sang. Il aurait bien voulu voir si des chicots ne s’étaient pas fracassés définitivement sur les pavés de la ruelle, mais l’autre géant était déjà sur lui et le maîtrisait. C’était fini, c’était perdu.

Ca ne semblait pas si terrible.

Il souffrait de partout, mais ça, c’était devenu une habitude ces derniers temps. La position couchée l’aidait bien à prendre du recul sur les mois qui avaient précédé. C’était beaucoup de peine mélangée à de l’angoisse, tout de même. Quelques oasis, mais surtout un petit enfer gelé et personnel pour tout le monde. Alors peut-être que le fait d’être maintenu, prisonnier, sans choix l’aidait à raisonner ainsi, mais ce n’était pas si terrible, en fin de compte. Ca finissait enfin. Il se permit une dernière bravade.

« Pardon ? »
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