Marbrume


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 La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]

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Marin de Luynes



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MessageSujet: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyDim 27 Fév 2022 - 14:33
10 Février 1166

Marcher dans les jardins du Roi avait quelque chose d’irréel. Quand au dehors la nature avait recouvré ses droits en laissant la végétation sauvage pousser de manière anarchique jusqu’à avaler les vestiges du passé, ici tout était différent. Chaque buisson, chaque arbuste, chaque fleur et chaque arbre était taillé à la perfection, chaque brin d’herbe était verdoyant et ce peu importe la météo. Du moins, du printemps à l’automne. L’hiver allait toucher à sa fin dans moins de deux lunes, les températures douces de ces derniers jours avaient verdi la pelouse. Les arbres quant à eux restaient nus et torturés, bien décidé de ne pas pointer leur bourgeons avant la fin mars.

Nonobstant les basses températures, les jardins gardaient une certaine beauté passive. Des touffe de cornouiller rouge et lavande avaient été fraîchement plantés pour border les allées.. Des camélias et et des daphnés rosissaient pour leur admirateurs. Qui a dit qu’un jardin d’hiver était triste ? Les bosquets avait été entourés de pierres pour une allure propre et régulière. Marin se dit que s’il devait faire sa demande à Esmée un jour, il la ferait certainement en ce lieu. Il l’aurait invité à un pique-nique avec des petits gâteaux de miel et au coucher du soleil, il se serait agenouillé.

Toutefois avant de pouvoir faire cela, il devait demander sa main au comte de Sabran, et voilà qui était une toute autre paire de manche. Le père d’Esmée voyait d’un mauvais œil leur relation, et pouvait-on l’en blâmer ? Elle aurait mérité un prince, mais un prince aurait-il su prendre soin d’elle ? Bien sûr que non. Personne ne savait apprécier Esmée à sa juste valeur, et c’était précisément ce qu’il devrait démontrer à son père. En attendant, ils se voyaient sous couverts d’excuses diverses et variées, la jeune femme était très douée pour remplir son agenda de rendez-vous : parfois ils se croisaient au temps le temps d’une chaste conversation, parfois ils suivaient la même sortie éducative ou assistait à la même soirée mondaine. Aujourd’hui, ils faisaient une promenade aux jardins. Marin était venu très à l’avance, trop à l’avance pour que cette rencontre soit hasardeuse. C’était sans compter le petit paquet de feuilles reliée qu’il tenait où il griffonnait les différentes fleurs qu’il voyait. Voilà qui le ferait passer aux yeux des curieux pour un artiste romantique, mais il était hors de question qu’Esmée voit ces horreurs. Le dessin était une activité qu’il appréciait beaucoup enfant mais par manque de pratique, il n’avait jamais su exploité le coup de crayon qu’il avait pris en observant sa mère peindre des enluminures.

Une brise froide lui frôla la joue, et il se rendit compte qu’à rester immobile, il commençait à se refroidir. Il entreprit de faire quelques pas, Esmée n’allait plus tarder.
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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyMer 2 Mar 2022 - 0:17
Encouragée par le bleu d'un ciel lumineux, la cité marbrumienne voulait s'éveiller aux beaux jours. Ainsi le printemps s'annonçait dans les premiers rayons d'un soleil revenu en grâce. Au temps clair s'ajoutait toutefois une brise encore fraîche. Un presque sursaut moribond que la saison hiémale voulait expirer dans un dernier souffle. Ci et là voyait-on pourtant la flore renaître du souvenir afin d'amorcer un nouveau cycle de vie. Une réviviscence que d'aucun aimait associer à l'espoir, souhaitant qu'un miracle en vienne à éclore de ses bourgeons.
Esmée appréciait la métaphore d'un oeil innocent et encore empreint de jeunesse. Une vision somme toute naïve qui l'amenait à se sentir heureuse malgré tout. Malgré les privations et la peur, malgré la Fange et ses monstres. Pourtant, le Fléau s'invitait partout. Il était dans les barricades qui isolaient l'Esplanade des autres quartiers de la ville. Il était dans le lugubre des manoirs qui affichaient le chagrin de leurs familles endeuillées et s'immisçait jusque dans l'anodin des plus simples conversations. Il y avait alors quelque chose de surprenant à saisir en pénétrant dans les jardins ducaux. Une presque magie à ressentir tandis que ce lieux, tel un havre dissimulé, perdurait hors du temps et à l'abri de toute menace.

Ainsi persuadée de ne pouvoir rêver meilleur endroit pour convenir d'une rencontre sous le sceau du hasard, la toute jeune Vicomtesse de Sabran se voulait sereine. Cependant, son coeur impatient et indéniablement épris, caracolait sous le joug d'une trop grande nervosité. En proie à d'indomptables sursauts, il aspirait à se rompre pour mieux s'épancher dans le tendre d'un sourire devenu rêveur. Un prénom venait alors hanter chacune des ses pensées. Un prénom qui enchantait ses songes et se liait à ses pas tandis qu'elle avançait sur le tracé d'un sentier parfaitement entretenu.
Derrière elle, Hermance de Choiseul chaperonnait son enthousiasme sentimental avec une complicité toute maternelle. Le sourire aux lèvres, il lui semblait retrouver dans ce que son époux qualifiait de "malheureux béguin" un peu de cette gaité que la fange lui avait volée. Voir Esmée rayonnante la comblait de joie. Elle était d'autant plus ravie de la constater aussi radieuse, qu'elle savait les romanesques raisons de ce bonheur communicatif.

Marin de Luynes était un jeune homme charmant et tout particulièrement attentionné. Depuis leur première rencontre, à l'occasion d'un bal, Esmée n'avait plus que son nom à la bouche. Un fait qui n'avait pas manqué agacer son père, le Comte de Sabran. Ce dernier, en effet, considérait les Luynes d'un oeil critique et alors qu'il avait espéré marier sa fille dans les plus hautes sphères du pouvoir, il devait à présent composer avec le deuxième fils d'un insignifiant baron. Une guigne que son aînée n'entendait visiblement pas lui épargner.

Le coeur enchaîné à de trop tendres illusions, Esmée vivait son premier amour. Un sentiment qu'elle découvrait dans l'innocence et qu'elle se figurait beau et passionné. Et cet idéal, qu'elle se persuadait être intouchable et impérissable, s'épanouissait dans le secret des quelques rencontres que sa mère avait aidé à organiser.

Un sourire suffisait alors à la combler, quelques mots chuchotés ou seulement un regard dans lequel elle en venait toujours à se perdre. Parce que Marin avait des yeux magnifiques, d'un bleu intense et saisissant. Des yeux bardés de longs cils, sertis dans un visage admirablement dessiné. Cependant, le jeune homme n'était pas seulement beau. Il était également brillant, courtois et courageux, et si ses qualités ne suffisaient pas à convaincre son père, Esmée se savait irrémédiablement liée à celui qui, chaque nuit, la faisait danser dans ses rêves. Un souvenir - le premier de leur histoire - qui jamais ne manquait d'apporter le rose à ses joues quand elle se rappelait leurs mains jointes.
Se laissant alors emporter par l'envoûtante récurrence d'une musique qu'elle estimait leur appartenir, elle en vint inconsciemment à hâter son pas. Dans son dos, Hermance salua cette nouvelle extravagance, d'un haussement de sourcil amusé. Contrairement à son époux, la Comtesse de Sabran appréciait le Chevalier. Elle l'appréciait d'autant plus qu'il se montrait galant et respectueux. Alors si sa fille pouvait s'offrir une part de bonheur avant la fin du monde toute proche, la Choiseul préférait la voir mariée par amour plutôt que par intérêt. C'était aussi pour cela qu'elle dépensait à présent sans compter pour parfois seulement acquérir bijoux et robes précieuses.

Esmée pouvait ainsi compter sur son dévouement pour être toujours apprêtée. Aujourd'hui encore, enveloppée dans un manteau doublé d'hermine blanche, la jeune femme avait l'allure majestueuse. Ses cheveux de jais parfaitement domptés en un chignon serti de fleurs d'or, elle était à l'image d'un joyau dextrement taillé. Manquait-elle d'un peu de plénitude alors que son corps n'avait pas encore eu le temps de parfaitement s'épanouir ? Probablement, mais bien souvent, l'ambre de ses yeux suffisait à capter toute l'attention de ses interlocuteurs.

Reste qu'en cet instant, le précieux de son regard n'aspirait qu'à se perdre dans ce qu'elle aimait à décrire comme un "ciel d'été". Aussi, lorsqu'enfin elle l'aperçut, déambulant entre les parterres de buis et de fleurs taillés, son coeur manqua un battement. Marin... Tout son être voulait s'élancer vers lui et elle en sentait le tumultueux désir jusque dans ses veines. Comme libérée d'une trop longue attente, sa respiration s'emballa dans un souffle nouveau alors que ses doigts en venaient à frémir d'une impatience toute juvénile.
Toutefois et malgré tout le mal qu'elle avait à paraître étonnée, Esmée resta immobile. Debout, à quelques pas seulement de son salut, elle attendit qu'il la remarque pour enfin le rejoindre. C'était alors de ces règles de bienséance qu'elle s'obligeait encore à respecter. Un gage irréfutable de sa très bonne éducation, quand aucun serment n'avait été prononcé. Pour autant et au plus profond de son âme elle en était sûre, il n'y aurait jamais que lui, et c'est sans doute ce qu'elle espérait lui faire comprendre quand ses yeux d'or s'ancrèrent aux siens.

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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyDim 6 Mar 2022 - 17:52
Puis, il eut le sentiment qu’il n’était plus seul dans ces jardins. Il se put qu’il eût senti le regard passionné de la belle aux yeux d’ambre, puisqu’il se retourna aussitôt pour l’attraper. Un sourire ravi gonfla ses pommettes rosies par la brise. Esmée était ravissante en toute circonstance, sa chevelure noire et brillante était tirée en une coiffure savamment étudiée et parsemée d’éclats d’or qui faisait un joli écho au iris de la demoiselle. Elle portait un épais manteau, Marin se demanda quels beaux vêtements parfaitement cintrés se cachaient en dessous aujourd’hui. Il était fort probable avec ce temps qu’il n’en saurait rien. Il fourra ses esquisses dans la grande poche de son manteau et s’avança d’un pas pressant pour saluer les deux femmes. Comme l’étiquette l’exigeait, il salua d’abord l’épouse du Comte de Sabran.

— Dame de Choiseul, bien le bonjour! Vous êtes d’une grande bonté de m’accorder ce rendez-vous avec votre magnifique fille, fit-il en s’inclinant. Puis, il se tourna vers Esmée. Il était regrettable que la situation ne se prêtât pas à un baise-main comme lors des bals, mais en plein milieu d’un jardin public, il n’aurait pas l’occasion d’effleurer le dos de sa main nue du bout du menton. Elle était si affreusement bien empaquetée dans toutes ces couches de tissus et de fourrures qu’il ne pouvait même pas espérer frôler sa peau par « inadvertance. Vaincu par l’hiver, Marin se contenta de la gratifier d’un large sourire en s’inclinant à nouveau.

— Damoiselle de Sabran, c’est toujours un plaisir de vous rencontrer.

Il se redressa de toute sa stature et vint se placer à son côté, lui offrant le bras pour la promenade. Le dos et le menton bien droit, il regardait droit devant lui :

— Il me tardait de vous revoir, je commençais à croire que vous vous étiez lassé de ma compagnie, avoua-t-il sur un ton faussement offensé. Quelques secondes passèrent avant qu’il lui jette un coup d’oeil en coin, emprunt d’une pointe de taquinerie.

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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyLun 7 Mar 2022 - 18:52
Irréprochable, comme depuis le premier jour, Marin se montrait galant et délicieusement avenant. Hermance appréciait son ton affable, ses élégantes manières et la justesse avec laquelle il s'employait à faire valoir sa très plaisante compagnie. Elle se souvenait avoir apprécié ces mêmes qualités chez son propre époux, le Comte Icare de Sabran. Cependant, ce dernier se faisait aujourd'hui devoir de ne plus rien laissé paraître de son charme autrefois sincère. Cette époque lui manquait alors, quand son époux, tout jeune premier de ses soupirants, lui faisait la cour. Elle lui manquait d'autant plus aujourd'hui, à l'approche de ce qu'elle estimait être la fin du monde. Laissant toutefois ses tristes réflexions de côté, elle offrit un bienveillant sourire au jeune Chevalier.

- Messire de Luynes ! Apprenez que j'ai plaisir à voir ma fille soigneusement escortée. C'est à votre sérieux que vous devez d'être privilégié. Vous savez comme mon époux peut se montrer exigeant. Nul besoin donc de me remercier. Profitez seulement de ce que cette journée vous offrira de faveurs. Notre monde change si vite et d'une manière bien trop abrupte pour ne pas savourer ce qu'il nous reste de temps. Esmée ?

Le rose aux joues, seulement pour avoir saisi le flatteur d'un compliment qui lui était destiné, Esmée se tenait toujours en retrait. Rien ne pouvait cependant endiguer ce que son coeur voulait dicter à ses gestes. Aussi, lorsque sa mère l'invita à se joindre à la conversation, la jeune femme s'avança jusqu'à atteindre sa hauteur. Le yeux toujours rivés sur la silhouette du galant, elle l'observa un instant encore, avant de le saluer d'une grâcieuse révérence, tandis que sa mère prenait le parti de s'éloigner.

- Monsieur.

Le mot glissa savoureusement entre ses lèvres pour mourir dans un presque soupir. Le protocole était ce tyran ennuyeux et oppressif. Là où la jeune femme aurait aimé se glisser entre des bras accueillants et protecteurs, elle souffrait de les voir immobiles sous le joug d'une trop sévère bienséance. Il lui en coûtait ! Oh oui... Il lui en coûtait de demeurer impassible, quand elle aspirait irréfutablement à toucher et ressentir. Et ce lot de frustrations, gonflé d'un désir juvénile, en venait à affûter l'épointement de sa trop vive impatience. Un nouveau souffle l'amena néanmoins à esquisser un enjôleur sourire, alors que le jeune homme - enfin - lui offrait son bras.
Elle y glissa le sien, goûtant à sa proximité avec un détestable sursaut de pudeur, mais ne su résister à l'appel de ses sens. Fermant les yeux pour mieux inspirer ce que son contact lui suggérait de rêverie, elle laissa ses doigts glisser jusqu'à son poignet afin qu'ils y trouvent leur assise. Un autre sourire glissa sur ses lèvres alors qu'il prenait la parole, cette fois pour s'adresser à elle. Elle rouvrit les yeux et tout en captant l'espiègle regard que lui lançait son cavalier, se trouva contrainte d'étouffer un rire teinté de malice.

- Que les Trois me pardonnent mon trop plein d'assurance, mais j'avais compté sur l'apparition de quelques nouveaux galants pour enfin avoir l'occasion de me débarrasser de vous. Malheureusement... Je pense ma dot trop misérable pour espérer convaincre l'un ou l'autre veuf. Peut-être que si j'avais été plus jeune ?

À son tour, Esmée lança un coup d'oeil amusé en direction de son aimé, lui laissant loisir d'apprécier la plaisanterie avant de reprendre d'un ton toujours gai.

- En vérité, je vous le dis... Elle se pencha légèrement comme pour échanger sur le ton de la confidence. C'est ma mère qui a insisté pour que nous vous retrouvions ici. Je crois qu'elle a un faible pour vous.

Comme si elle avait su que sa fille parlait d'elle, Hermance adressa un signe de la main au couple, avant de s'en retourner à l'observation des plantes qui avait attiré son attention.

- Vous voyez ?





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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyLun 7 Mar 2022 - 21:09
Malgré son âge, Dame Hermance restait une très belle femme. Il n’était pas difficile d’imaginer qu’en lâchant la bride à sa fille, elle revivait un peu sa jeunesse. Elle aussi avait eu ces moments de passion, peut-être y songeait-elle avec nostalgie. Loin d’être naïve, elle savait parfaitement à quel danger elle exposait sa petite fille : le délice du premier amour ou les affres d’un coeur brisé. Elle savait aussi que l’un comme l’autre participait à la maturation d’une jeune personne. D’autre part il est vrai, Marin avait tout fait pour mettre la Dame de Choiseul en confiance. Lui-même savait qu’il n’y aurait pas de seconde chance, d’ailleurs le comte de Sabran ne le permettrait pas. Le qualifier d’exigeant était pour le moins un euphémisme : rien n’était assez bien pour Esmée, et comment lui en vouloir ?

Quoiqu’il en fût, il était conscience de la chance qui était la sienne et ne comptait pas la gâcher. Aussi, sa reconnaissance grandit lorsque que leur chaperonne s’éloigna discrètement, faisant mine de s’intéresser à la flore brumale. D’un geste timide, la jeune femme prit son bras, il le pressa doucement contre son flanc comme pour mieux sentir son poignet fin à travers l’épaisseur de leurs manteaux.

Esmée n’était pas seulement jeune, belle, d’excellente éducation et de noble naissance. Elle avait un esprit vif et une intelligence qui savait s’exprimer par l’humour. Il éclata d’un rire franc lorsqu’elle évoqua la « misérable » dot, s’amusant de son discours inversé.

— Ah ! La déception de ces quelques veufs ne m’étonne pas, ma dame. Pour m’être renseigné sur votre trousseau avant même vous jamais avoir vu, j’ai songé qu’il m’était plus profitable de faire la cour à Dame Gertrude de Quincaille. Vous comprenez, son… charme antique et... les exhalaisons de... ses douces paroles à l’oignon, m’ont tout de suite séduit, renchérit-il. La pauvre vieille dame de Quincaille était veuve depuis des années et n’était décemment plus disposée à se trouver un troisième mari. Elle préférait, disait-elle, se consacrer à cette foi qui l’avait tant portée même si tout le monde savait que, désormais sept fois grand-mère, peu d’hommes étaient enclins à supporter ses ronflements d’autant qu’elle ne possédait plus un sou et vivait, comme les de Luynes, de la générosité du Duc.

Difficile de ne pas remarquer l’air enjoué de la jeune de Sabran, elle se pencha davantage vers lui et il pencha la tête comme pour mieux tendre l’oreille tandis qu’elle avouait presque avoir été forcée de venir à ce rendez-vous par sa mère. Un air tout à fait étonné se dessina sur son visage, comme si on venait de lui révéler une évidence qu’il avait loupé pendant tout ce temps. Avec une synchronisation suspecte, Hermance se mit à lui faire un petit geste de la main.

— Par les Trois, comment ne m’en suis-je pas douté ? Pensez-vous que c’est donc votre mère que je devrais courtiser ? suggéra-t-il, avide de conseils. Lui aussi, avait baissé le ton de sa voix. C’est donc à elle que je devrais offrir cette gourmandise…

Encore une fois, il avait pu compter sur la complicité de la Comtesse de Sabran pour dégotter les friandises préférées d’Esmée. Il sortit de sa grande poche gauche une boîte allongée délicatement enveloppé dans une étoffe noire brodé de fils dorés. Il sembla se pencher un peu plus vers son interlocutrice, chuchotant presque à son oreille en lui tendant son présent.

— Noir comme vos cheveux, dorés comme vos yeux. Je sais que l’on n’emballe pas de cadeau dans du noir. Mais ce sont les seules couleurs qui me plaisent depuis un certain bal.
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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyMer 9 Mar 2022 - 21:44
Un plein sourire vint s'épanouir sur les lèvres de la jeune noble, tandis que son regard restait inlassablement ancré à celui de son galant. Il lui plaisait de l'entendre rire, de voir le pétillant habiller le bleu de ses yeux et de saisir l'amusement dans le ton de sa voix. Elle adorait sa façon d'apprécier le "vif-esprit", de se l'approprier et d'en jouer pour en exacerber le drôle dans un sémillant brocard. Mais par-dessus tout, elle l'aimait lui, Marin. Sans ambages et sans retenue, sinon celle d'un coeur trop jeune pour saisir tout l'impérialisme d'un tel sentiment, elle l'aimait.
En témoignait le frémissement de ses doigts emprisonnés dans un cuir fin, mais oppressant. Le chuchotait son souffle toujours suspendu à son approche. L'avouait chacun des battements de son coeur, le papillonnant de ses cils et le délicieux frisson né de son seul contact.

Elle s'y laissa d'ailleurs prendre, une fois encore et pendant un instant, elle en perdit le fil de sa pensée. Si proche de lui, pressée et presque lovée contre son flanc seulement pour mimer un échange de confidences, elle se mit à rêver le tendre de son étreinte. Combien de jeunes filles, combien de femmes avaient déjà succombé au caressant de ses mains ? Combien étaient-elles à avoir espéré ses attentions et soupiré leur attente ?
S'il s'en amusait, la noble Quincaille n'avait certainement pas oublié de le remarquer. Lui, jeune Chevalier aux cheveux blonds et à l'allure distinguée. Serviable, trop aimable pour se montrer désobligeant ou seulement sévère. Bienveillant, au-delà du raisonnable. Dévoué par-delà la raison. Esmée n'en avait pas conscience, mais cet idéal qu'elle se figurait voir personnifié ne faisait qu'effleurer la surface de ce qu'elle comprenait ressentir.

- J'avais deviné votre préférence pour ces grandes dames qui se languissent sur votre passage et je les vois encore battre la mesure de leur impatience quand vous avez fait montre de charité à mon égard. Jamais, Messire, je ne pourrais vous dire ma gratitude plus justement qu'en vous offrant l'opportunité d'être sept fois grand-père avant votre vingt-cinquième anniversaire. Dois-je arranger une entrevue avec Madame de Quincaille ? Un mot de vous et je m'exécute.

L'air pincé, mais difficilement crédible, Esmée voulait conserver une mine sérieuse tout en contenant le rire qui menaçait de la submerger. Ce fut malheureusement peine perdue, lorsque Marin la doubla à son propre jeu.

- Par tous les dieux, non ! Pas ma mère ! S'exclama t-elle dans un rire au tinté cristallin. Je vous l'interdis ! D'autant plus qu'elle se trouve présentement hors de portée alors... N'essayez pas de l'appâter ! Renchérit-elle d'un ton joyeux en posant son regard d'ambre sur le présent qu'il avait jusque là caché dans sa poche. Pour autant son amusement s'éteignit au fur et à mesure que le rose lui montait aux joues.

Indéniablement surprise par la délicieuse attention, la jeune noble en fut également touchée. Sincèrement et irrémédiablement. Mais plus encore que l'offrande, ce furent les paroles du Chevalier qui amenèrent ses yeux à papillonner. Elle en oublia presque tout. La convenance et ses règles, la bienséance et ses dogmes. Charmée par les mots qu'il avait murmurés presque contre son oreille. Ensorcelée par son souffle qu'elle se figurait sentir glisser jusque dans son cou.
Un frisson anima ses lèvres d'un chuchotis inconscient, tandis que sa main libre trouva son chemin jusqu'au bras de son cavalier. Elle le pressa bien au-delà du raisonnable, laissant son pouce s'aventurer sur le dessin d'un muscle qu'elle devinait ciselé. Incorrect, indécent... Le péjoratif de sa faiblesse se qualifiait dans le plus intempestif élan, mais il prenait la couleur du ciel et se recueillait dans un seul prénom.

- Marin... Elle soupira presque, sentant son coeur et sa respiration s'emballer. Si proche, trop proche. À deux doigts de succomber à l'appel de ses sens quand elle avait - si souvent - rêvé son premier baiser.

Malheureusement revenue à leur hauteur, la Dame de Choiseul prit le parti de rompre l'instant et son charme.

- Alors ma chère ? N'est-il pas amène ? S'enquit-elle d'une voix enjouée.
Cueillant délicatement le présent entre les mains du Chevalier, Esmée baissa les yeux pour dissimuler son trouble et tout en se mordant la lèvre inférieure, elle acquiesça.
- Si Mère... Il l'est. Un nouveau sourire accompagna ses mots alors qu'elle relevait son visage vers le jeune homme. Merci Monsieur de Luynes. Me permettez-vous de l'ouvrir dès à présent ?

Visiblement enjouée à cette idée, Hermance gratifia le noble d'une œillade complice. Avant de reporter son attention en direction d'une promeneuse qui visiblement, voulait engager la conversation.

- Oh ! Ne serait-ce pas la Baronne de Monteloup ? Veuillez m'excuser, mais il me faut impérativement lui témoigner mon soutien à l'heure où nous apprenons la banqueroute de ses affaires. J'espère que cela ne l'empêchera pas d'assister à notre prochaine fête. D'ailleurs et ce propos, je compte sur votre présence Chevalier ! Lança t-elle par-dessus son épaule avant de s'éloigner une nouvelle fois.

- Pensez-vous qu'elle a conscience de ce que notre statut nous offre de privilèges quand d'autres ne connaissent rien, sinon la souffrance ? Esmée soupira et tout en penchant la tête sur le côté, posa fugacement son front contre l'épaule de son cavalier. Encore une fête durant laquelle je n'aurais que le loisir de vous apercevoir. J'espère que ma mère pensera à convier Madame de Quincaille. Elle pouffa de rire avant de se redresser.

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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyJeu 10 Mar 2022 - 22:43
Qu’il est doux d’entendre son nom s’évanouir au bord de si ravissantes lèvres. Il aurait voulu les cueillir ici et maintenant entre les siennes si Dame Hermance n’en avait pas décidé autrement. Quelle cruelle injustice ! Il ne pouvait détacher son regard de cette bouche délicieuse, apparemment en proie à la même torture que la sienne.

— Il ne serait pas raisonnable de vous interdire quoique ce soit, Mesdames, répondit-il. Il s’adressait aux deux femmes en n’en regardant qu’une puisque la comtesse s’éloignait déjà pour héler la Baronne de Monteloup. Marin comptait bien profiter de chaque opportunité qu’on lui offrait pour être auprès d’Esmée, une promenade, une fête, une prière, qu’importe ! La demoiselle aux yeux d’or l’interrogeait sur leurs privilèges et pour une fois, il se retint d’être tout à fait honnête.

— La vie des petites gens est dure, il est vrai, mais je suis sûr qu’ils savent mieux jouir que nous de leur moment de répit...

Il se savait privilégié, même si son statut de noble était un titre plus qu’une réalité. Lui et les siens bénéficiaient de la bienveillance du Duc et de la tolérance des familles bien plus puissantes que la leur. Ils n’avaient, certes, pas à se préoccuper de ses besoins primaires, mais ne pouvaient se permettre des extravagances telles qu’organiser des bals ou des dîners mondains. Ce simple fait les mettait, de facto, en marge du cercle des familles les plus influentes du duché. Après leur repli à Marbrume, son père n’avait su ni se distinguer par quelque exploit, ni en faisant de bonnes affaires. S’ils venaient un jour à devoir de l’argent pour une raison ou pour une autre, ou si une catastrophe s’abattait sur leur demeure, sans aide de quelque connaissance, ils seraient probablement refoulés dans les quartiers moins aisés, forcés de travailler comme le petit peuple. Pourtant, Marin se disait parfois, comme en cet instant précis, qu’il aurait été plus simple qu’ils soient tout deux misérables, ils n’auraient pas eu à faire tant de manières pour profiter de quelques minutes de chaste entrevue. Ils auraient pu échanger sans gêne leur baiser et s’étreindre avec toute la force de leur bras, coeur contre coeur et à l’heure qu’il était, ils seraient peut-être même déjà mariés.

Alors que eux, bien éduqués qu’ils étaient, devaient se tourner autour jusqu’à ce que le Comte de Sabran consente à tolérer sa présence, au moins le temps de lui accorder la main de sa fille, et ce n’était pas chose faite, loin de là. Comme Madame de Quincaille revenait sur le devant de la scène, Marin eut un soupire théâtral en regardant les cieux, comme si le malheur était sur le point de s’abattre sur lui.

— Ah...j’imagine qu’effectivement, je serais bien chanceux de tomber sur cette grande dame, surtout si elles me délivre de cette potence qu’est le célibat aux yeux de la Trinité. Cela dit, je ne saurais pas dire si l’idée d’être plus jeune que mes beaux-enfants me fascine ou m’horripile. N’arrangez rien, je vous en prie, faites donc confiance aux Trois… Seuls eux sauront me juger digne de sa valeur.

Leur marche s’était interrompue, Esmée avait toujours sa tête sur son épaule gauche. Ces plaisanteries n’étaient pas juste distrayantes pour les deux jeunes gens, elles faisaient rire la fille de Sabran. Encore une mélodie dont Marin n’aurait su se passer. Il se surprit à l’observer avec un peu trop d’insistance, elle, les reflets des rayons sur ses cheveux brillants, la roseur de ses joues, la pression sur son bras, son petit air gêné en voyant la manière dont il la dévorait des yeux. Il laissa les phalanges de sa mains gauche effleurer la joue si douce de sa bien-aimée.

— Ne vous arrêtez jamais de rire... supplia-t-il doucement. Sa main se déploya comme une araignée et emprisonna la nuque de la demoiselle. Son coeur battait à tout rompre, le seul danger était l’hésitation, la sentence serait le remord qui pèserait sur lui comme un échec cuisant jusqu’à ce qu’il attende une autre occasion. Il n’attendrait pas. Cette fois, personne ne les interromprait, il ne le permettrait pas. Ses lèvres se posèrent sur celles d’Esmée pour y découvrir une saveur qui n’avait nulle autre pareil. Sa peau était douce comme de la soie, son parfum envoûtant, il aurait voulu embrasser sa bouche de toute son ardeur, l’enfermer dans ses bras pour ne l’avoir que pour lui encore un instant. Mais, soit qu’elle fut surprise par son initiative osé, soit qu’elle le trouvât tout à fait grossier, il la sentit s’écarter et résista à la tentation de la retenir.

— Pardonnez mon impudence, j’ai été un goujat. Votre esprit, votre visage, votre parfum… Je... J’aurai été fou de ne rien tenter…

Essayait-il de se justifier ? Etait-ce justifiable ? Avait-il vu des signes encourageant là où il n’y avait rien d’autre qu’une agréable compagnie ? Jouait-elle avec lui comme elle pouvait le faire avec d’autres prétendants ? Blaguait-elle ainsi avec d’autres galants ? Y en avait-il d’autres ? Qui étaient ces autres ? Il balaya ces idioties avec plus de culot encore.

— Mais puisque nous en sommes là, je tente le tout pour le tout… Serez-vous ma cavalière au prochain bal, au moins pour une autre danse ?
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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyDim 13 Mar 2022 - 16:37
Certains instants ne pouvaient se mesurer qu'à l'infini. Celui-ci, plus que tout autre, le transcendait. Il avait la saveur du miel, le goût du sel et le délicieux parfum d'une nouvelle saison. Il se drapait dans un pâle soleil hivernal et s'étiolait dans le bleu d'un ciel d'été. Oui... Certains instants ne pouvaient se mesurer qu'à l'infini et celui-ci, plus que tout autre, la transcendait.
N'était-ce alors que le chant caracolant de son souffle ou les battements effrénés de son coeur, Esmée vivait son premier baiser avec une inénarrable intensité. Parce qu'elle avait rêvé ce moment si souvent. Parce qu'elle l'avait vécu en songe chaque nuit depuis leur première danse. Parce qu'elle l'avait attendu et même espéré avec la ferveur d'un coeur épris, il lui semblait capable d'étreindre jusqu'à son âme. Alors, à l'instant où les lèvres de Marin s'étaient posées sur les siennes, dès lors qu'elle avait goûté à leur baiser, Esmée s'était égarée. Submergée par le flot incontrôlable de ses émotions, entraînée dans le tumultueux tourbillon de ses sens, elle avait perdu pied.

Son corps tout entier en était venu à la trahir. Comme s'il avait soudainement échappé à son contrôle il s'était émancipé de sa pensée pour se presser contre celui de son bien aimé. Elle n'avait pu l'en empêcher alors que cet élan, motivé par sa propre folie, s'armait d'un impérieux besoin.

Par Anür... C'était donc cela ?

Sur sa nuque, la main du chevalier diffusait une chaleur ensorcelante. Un envoûtement dont le mystère s'étiolait jusque dans ses veines. Son dos se creusa sans qu'elle ne puisse retenir un soupir inattendu et ses doigts, refermés sur le tissu de son manteau, en tirèrent la manche malgré elle. Sans réellement le comprendre, la jeune femme s'éveillait à un inavouable désir qui voulait éteindre sa conscience. Pour autant, la noble mondaine luttait pour recouvrer un peu de sa raison.
Elle y parvint au prix d'un incommensurable effort, alors que son souffle se brisait dans une exclamation de surprise. Suffoquée par la démesure de sa faiblesse, effrayée par ce qu'elle comprenait de ses attentes, elle avait cédé à la peur. Coupable, impudique, intolérable... Elle entendait déjà les remontrances et la critique d'une société engoncée dans sa morale. Avait-elle mal agi ? Était-ce de sa faute ? Les dieux pardonneraient-ils son égarement ? Le feraient-ils alors qu'elle n'aspirait qu'à se perdre une fois encore dans ses bras ?

Les yeux toujours clos sur son comportement impardonnable, Esmée demeurait silencieuse. Incapable de tempérer les chaotiques battements de son coeur, elle se sentait en proie à ses doutes. Fallait-il éprouver de la honte ? Devait-elle fuir ? S'insurger ou seulement abandonner toutes ses angoisses à la Fange afin d'enfin s'autoriser à vivre ? Elle papillonna des yeux et sans pleinement saisir la mesure de ses propres tergiversations, se laissa seulement porter par le tendre de ses espoirs. Après tout, la folie était part entière de ce nouveau monde.
Un sourire glissa sur ses lèvres alors que les doigts de sa main libre voulaient effleurer celles de son cavalier. Leur périple se suspendit toutefois à l'aune de son souffle tandis qu'elle se perdait, une fois de plus, dans l'azur envoûtant de ses yeux. Être fous ou seulement s'offrir une chance d'être heureux. La différence tenait au détail.

Elle le laissa s'expliquer, s'amusa presque de le voir hésiter. Ne le contredit pas lorsqu'il s'affubla de quelques sobriquets "flatteurs", mais se contenta de pencher la tête sur le côté pour l'observer tandis que sa main survolait la ligne de sa mâchoire admirablement dessinée. Un impudent goujat qui pourtant s'osait à tenter le tout pour le temps. Elle eut envie de rire, mais s'obstina à ne rien laisser paraître de ses réflexions se contentant d'arquer ses fins sourcils. Elle en vint cependant à mordre sa lèvre inférieure, pour ne surtout pas succomber à son amusement et tout en redressant son menton, laissa sa main retomber pour atteindre l'objet qu'elle avait voulu dérober dès qu'elle l'avait aperçu entre ses mains.

- Peut-être... Elle minauda et tout en se saisissant du carnet à croquis qu'il avait voulu lui dissimuler, recula d'un pas en brandissant fièrement le fruit de son larcin. Tout dépendra de ce que je découvrirai dans cet album.

Elle railla, avant de s'élancer dans les jardins, carnet et friandise à la main. Si sa mère avait voulu l'en empêcher, elle n'était parvenue qu'à l'apercevoir tandis qu'Esmée filait pour disparaître derrière un bosquet cerné de tulipiers. Un peu plus loin - la jeune femme le savait - se trouvait un banc sur lequel elle pourrait s'installer et apprécier les (affreuses) esquisses.


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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyDim 13 Mar 2022 - 17:57
— « Peut-être » ? reprit-il, incrédule.

S’il y avait bien une chose à laquelle Marin n’était pas habitué, c’était qu’on lui refuse quoique ce fût. D’abord parce qu’en règle général, il n’avait pas besoin de demander, il obtenait directement ce qui pouvait l’intéresser. Ensuite, il faut l’avouer, n’étant pas habitué à imposer ses exigences, il estimait que s’il faisait une demande, cette faveur lui revenait de droit. D’autant qu’Esmée de Sabran n’avait pas eu l’air si offensée de son audace, elle continuait même de l’aguicher en mordant ces lèvres qu’il s’était résolu à délivrer. Ses sourcils se froncèrent de contrariété et cette expression s’accentua lorsque la jeune femme agita d’un air victorieux le carnet de dessin qu’elle venait de lui dérober. D’un geste vif, il essaya de le récupérer, mais la petite voleuse s’enfuyait déjà à travers les jardins.

Sans aucune attention pour dame Hermance, les deux jeunes gens se lancèrent dans une course qui aurait tôt fait de se terminer au vu de l’accoutrement d’Esmée : sa longue robe contraignait ses mouvements, d’autant qu’elle avait les deux mains prise. A ses trousses, Marin n’aurait aucune pitié pour une telle effronterie ; il avait gagné d’avance. Adieu l’étiquette et la bienséance, hors de question qu’elle voit ses croquis, il s’élança à grande enjambées et il eût tôt fait de la rattraper. Il allait se saisir de son poignet quand elle vira brusquement. Surpris mais réactif, il voulut changer de direction à son tour mais ses pieds glissèrent sur une dalle (comme par hasard). Dans une surprenante acrobatie, le fils de Luynes se retrouva en position horizontale, le coude droit enfoncé dans la terre. S’il parvint à s’éviter une chute complète ce fût au prix d’un changement de coiffure plutôt ébouriffant.

— Esmée… grogna-t-il le regard noir d’un prédateur mis en déroute en voyant fille du Comte rire aux éclats avant de s’enfuir dans une autre direction. Il voulut lui envoyer une motte de terre, hors de question qu’il soit le seul à se salir ! Le projectile mou s’écrasa un peu plus loin, et à sa cible, de rire de plus belle. Le chevalier se releva en trombe. L’effort, et aussi la honte de sa chute, lui avait fait monter le rouge aux joues. Il finit par la rattraper mais trop tard ; elle feuilletait déjà son album. Il soupira, vaincu, et se résolut à frotter son coude pour faire tomber l’herbe et la terre.

— Si je ne vous distrais pas au bal prochain, au moins l’aurais-je assez fait cet après-midi, pour l’année à venir… et ce en moins d’une heure de votre temps.

Il renonça à l’idée de récupérer son bien, après tout, il ne s’était jamais prétendu fin artiste ou poète, et si elle y trouvait quelque note la concernant, y avait-il à en avoir honte si cela venait du coeur ? Il soupira une nouvelle fois et s’installa près d’elle sur le banc, les coudes sur les genoux.

— Je vais devoir réduire au silence tous les témoins de ce cuisant échec, j’espère que vous le comprenez… murmura-t-il amèrement tandis que ses yeux balayaient les alentours à la recherche d’éventuels spectateurs de ce désastre.
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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyDim 13 Mar 2022 - 22:19
Sa course folle et insensée l'avait menée à travers les jardins et jusqu'à atteindre le banc sur lequel elle avait fini par s'installer. Essoufflée, le rose aux joues et la mine enchantée, sans doute n'avait-elle pas réalisé l'incorrection de sa conduite. C'était pourtant faire fi de toutes les convenances que de s'élancer ainsi, le rire aux lèvres, alors qu'elle aurait seulement dû gifler l'impudent qui avait osé lui voler son premier baiser. Les Trois avaient toutefois veillé à punir l'audace du prétendant trop hardi, le laissant choir alors qu'elle échappait à la préhension de sa main tendue.

Peut-être... La provocation n'en restait pas moins évidente alors que le jeu tenait de la fronde.

Elle avait succombé à ses lèvres, mais ne voulait pas s'avouer conquise. Pas encore, pas tout de suite, pas lorsqu'elle pouvait imaginer sa facilité à apprivoiser et gagner les faveurs des plus réticentes. Était-ce alors de la fierté ? Sans doute... Mais Esmée de Sabran n'avait pas l'intention de figurer en marge d'un tableau de chasse qu'elle supposait éloquent.

Reste qu'à présent installée sur la banquette joliment taillée dans la pierre, elle se trouvait bien désolée de voir la mine contrariée du Chevalier tandis qu'il prenait place à côté d'elle.
Elle baissa les yeux sur le carnet qu'elle avait tout juste ouvert sur ses cuisses et considérant son méfait d'un oeil navré, choisit de renoncer à sa victoire. Se faisant, elle referma le petit calepin relié de cuir et d'un geste élégamment exécuté le tendit vers son légitime propriétaire.

- Puis-je briguer un sursis en me montrant complaisante ? Elle attendit d'avoir son attention pour esquisser un sourire et tout en levant son autre main à présent libre vers son visage, patienta jusqu'à pouvoir ancrer son regard dans ses yeux bleus. Ou me faut-il définitivement renoncer à ce qu'il me reste de mystère pour espérer vous convaincre de mon affection.

Tout juste soufflés, ses mots s'armaient d'une saisissante simplicité. Ils prenaient ainsi la couleur d'une tendre sincérité et ne pouvaient que trahir l'émotion qu'elle peinait à dissimuler derrière le battement affolés de ses cils. Au tremblement de sa voix s'ajouta celui de ses lèvres alors que ses doigts, suspendus dans leur quête, attendaient de se voir cueillis et rejetés. Cependant, la sentence redoutée demeura illusion et la main trouva à se perdre dans les mèches blondes pour leur rendre justice.

- Vous n'êtes pas une distraction. Vous ne l'avez jamais été. Tout du moins, pas à mes yeux, mais je conçois pouvoir l'être aux vôtres.

Ramenant sa main dans son giron, elle se détourna quelque peu. Gênée, sans nul doute par ce que ses paroles venaient de confirmer : son attachement, sa probable démesure et sa naïve inexpérience. Pour autant, Esmée n'avait plus le coeur à jouer les intrigantes. Alors s'il avait eu le sentiment de perdre à un jeu d'enfant, elle comprenait avoir été vaincue à celui du coeur. Laissant finalement son regard fuir par-delà les bosquets somptueusement taillés, elle se redressa sur un dernier mot d'excuse.

- Pardon de vous avoir malmené.

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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyMar 15 Mar 2022 - 23:14
Quelques instants auparavant, l’espièglerie lui avait fait outrepasser les convenances, elle s’était prise à un jeu qui l’avait amusée plus que de raison et semblait ne s’en rendre compte que maintenant. La belle aux yeux d’or lui tendit son carnet, renonçant à profiter de sa victoire pourtant méritée puisque c’était bien lui qui, le premier, avait piétiné la bienséance en lui volant un baiser. Marin referma son pouce et son index sur la reliure en levant les yeux vers elle, quelque peu intrigué. Avait-elle eu peur de le froisser en grignotant un part de son intimité ou craignait-elle les secrets qu’elle aurait pu découvrir entre ces pages ? Des louanges énamourées, des écarts passionnels ? La jeune femme s’accrochait à ce qu’il lui restait d’apparences, à ce « peut-être », en espérant pouvoir se faire languir un peu plus longuement avant d’être délaissée. Ses doigts – bien trop gantés – passèrent dans ses cheveux pour les recoiffer, témoignant d’une sincère tendresse. Ce geste anodin tenait en sa candeur une exigence subtile; que celui qui en profita se dût d’être tout à fait honnête. Le chevalier plissa des yeux d’incompréhension ; comment pouvait-elle croire une seconde qu’elle n’était pour lui qu’une distraction ? La main affectueuse se retira et brièvement il détourna la tête, la mâchoire crispée sur un mélange de sentiments contradictoires. Depuis que leurs regards s’étaient croisés, ses pensées divergeaient sans cesse vers ce visage poupin. Dans sa quête de la conquérir, il avait abandonné ses flirts vains, il s’était appliqué à lisser ses habitudes au point que jamais il n’était autant allé au temple. Par la Fange à quel moment lui avait-il fait croire qu’elle n’était qu’une parmi tant d’autres et ce alors même qu’il s’évertuait à ignorer les faveurs intéressées de demoiselles de peu de vertu. Si c’était ce qu’elle croyait, aucun mot et aucun serment ne la détournerait de ses doutes, ce n’était qu’en méritant sa confiance qu’il gagnerait cette bataille. Elle s’excusait d’avoir était trop agréable, il soupira les yeux rivés sur son calepin. Les avants bras toujours appuyés sur ses genoux, il entreprit de feuilleté les pages qu’il avait longuement gribouillé. Le bruit des feuilles de parchemin entre ses doigts finirent par attirer l’oeil d’Esmée.

— Vous n’êtes pas une distraction.

Des annotations temporelles précises allant jusqu’à détailler un mois, une date et une heure et souvent associées à un lieu et à une couleur. Quelques fois, entre les pages, un dessin rapide. Première date, bal, bleue, scintillante. Gribouillage floral non-identifié. Deuxième date, temple, grise, brodée de fleurs. Esquisse d’un épi de blé. Troisième date.( rien??) Quatrième date, dîner chez untel, verte, dentelle. Des plumes, ou des feuilles… Au fil des pages, les dessins étaient fait avec un peu plus d’application. Sur la dernière on pouvait lire : 10 Février 1166, Jardins Ducaux. Sur la page d’en face, la silhouette d’une jeune femme fine engloutie sous une épaisse crinière noire, impudemment lâchée, qui dévore le reste de la page noircie au fusain.

— Vous êtes une obsession, rectifia-t-il en relevant son regard céruléen vers elle. Croyez-vous que j’ai besoin d’une raison pour vous courir après ? S’il vous plaît de me faire languir avec des « peut-être », j’y consens dans l’espoir de vous voler d’autres baisers.

Si proches sur ce banc, il observait les courbes charmantes des lèvres de la jeune femme, il aurait voulu ponctuer ses mots d’une nouvelle envolée passionnée. Il se contenta de sourire tandis qu’une brise froide détachait une mèche noire de sa coiffure si sophistiquée, il la repoussa doucement pour la glisser derrière l’oreille de sa propriétaire.

— Ne me faites pas languir trop longtemps...
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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyMer 16 Mar 2022 - 23:44
Incapable de se défaire de la présence du jeune homme à ses côtés, sa pensée revenait sans cesse vers lui. Vers cette proximité qui pourtant se creusait d'obligations, vers le souvenir de leurs rencontres passées et vers celui, plus récent, de ses doigts déployés sur sa nuque. S'il avait conscience de ce qu'elle pouvait ressentir pour lui, elle s'inquiétait toujours de n'être qu'une passade dans la vie d'un galant qu'elle supposait comblé. Naïve, sans aucun doute, mais suffisamment lucide pour ne pas se croire plus intéressante qu'une habile courtisane. Pourtant, son coeur romantique avait choisi d'espérer. Indocile et insoumis malgré les remontrances, malgré la colère d'un père intransigeant et malgré la critique d'une cour au regard incisif. Était-ce alors utile de feindre l'indifférence quand la rumeur avait déjà jugé de son évidente faiblesse ? Était-il définitivement vain de croire et de souhaiter ? Sans chercher à répondre à ces questionnements, Esmée laissa filer un soupir entre ses lèvres. Sa mère, sans doute, comprenait plus justement ce que le fléau avait apporté d'impératifs à la vie. Alors peut-être fallait-il seulement admettre que le temps n'avait plus à se perdre en faux semblant. Peut-être...

Attiré par le murmure du vélin qui glissait entre les doigts de son cavalier, le regard de la jeune noble se porta sur ses mains. Elle n'avait jamais imaginé leur aisance autrement que dans le maniement des armes. C'était alors presque le redécouvrir que de voir les croquis et annotations qu'il avait esquissés sur le papier parcheminé. Un sentiment étrange s'invita dans son esprit. Une sensation qui, née dans le creux de son ventre, en vint à comprimer son coeur jusqu'à éteindre sa respiration. Une nouvelle fois, ses yeux se mirent à battre pour chasser le trouble qui s'affichait sur ses joues devenues roses. Une obsession... Le mot lui parut étourdissant tandis qu'elle voyait ses oeuvres et se rappelait leurs inspirations. Quelques dates, quelques lieux, des images, des rencontres... Leurs rencontres.

La vie reflua en son sein, laissant l'instant suspendu au bleu de son regard et à cette main qui venait replacer une mèche de ses cheveux. Elle aurait pu se contenter de cette presque caresse et seulement s'égarer dans cet azur qui n'avait d'égal que le ciel, mais c'aurait été ignorer le charnière d'une histoire qui avait débuté quelques mois auparavant.
Alors, sans plus réfléchir aux conséquences, sans plus chercher à endiguer l'élan qui voulait la voir s'émanciper, elle se délesta d'un gant pour ramener sa main vers le visage du chevalier. Elle en cueillit la joue dans sa paume et laissa ses doigts survoler le remarquable de ses traits ; des sourcils à la courbure noble, de hautes pommettes, une mâchoire au tracé volontaire et... Délicatement, son pouce effleura le dessin de ses lèvres. Il en suivit la ligne comme pour en imprégner sa mémoire, comme pour mieux s'en éprendre.

Ses yeux, inlassablement amoureux, demeuraient attentifs. Surprise par sa propre audace, Esmée n'en était pas moins fascinée, curieuse de ce que ses attentions tenaient son souffle en suspend. Sans doute trouverait-il à redire sur ses manières. Après tout, quelle fille de bonne famille s'oserait si hardiment à l'empirisme ? Un léger sourire glissa sur ses lèvres alors qu'elle se figurait le peut-être dans ses actes et tandis qu'elle penchait la tête pour s'enivrer de sa présence dans le creux de son cou.

Peut-être, toujours et encore cette hésitation, cette peur qui voulait la retenir. Marin avait lu en elle comme dans un livre ouvert et pourtant, il l'avait admis. Ce peut-être, cette presque farce qui devait sauver les apparences. Pour qui ? Pour quoi ? Un ultime sourire glissa sur les lèvres de la jeune femme alors que son nez remontait jusqu'à atteindre le menton du chevalier.

- Le seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder. Résistez et votre âme se rend malade à force de languir ce qu'elle s'interdit*... Une citation pour se donner du courage, un regard pour se (dé)livrer. Une danse... Toutes mes danses... Je vous les offre.

Fallait-il rajouter quelques mots savant à cet échange ? Exiger l'une ou l'autre promesses ou espérer un serment ? Non. Pas aujourd'hui, pas ici, pas lorsqu'elle avait aperçu et aimé le portrait de son impudence. Alors sans plus attendre et sans plus hésiter, elle alla cueillir les lèvres du chevalier. Elle l'embrassa avec ferveur, goûtant à la saveur de cet interdit sans une once de retenue. Les joues en feu et le coeur éperdu, libre pour la première fois.




*Oscar Wilde - Le Portrait de Dorian Gray


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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyJeu 17 Mar 2022 - 20:49
Le bout de ses doigts glissait sur la peau de Marin, il eut l’impression d’être fait de souffre et de s’enflammer à ce contact. Il ne bougea pas cette fois, la laissant décider seule de ce qu’elle voulait bien lui accorder. Il se contentait de la caresser du regard tandis qu’elle découvrait les reliefs de chacun des méplats et contours de son visage. La tête de la jeune noble vint se lover dans le creux de sa clavicule. De doux parfums fleuris exhalaient de sa chevelure soyeuse, il pouvait sentir son souffle chaud contre son cou. Quelque chose amusait Esmée, un sourire étira encore ses lèvres et le chevalier se rendit compte qu’il le lui rendait sans savoir depuis combien de temps. Si elle lui offrait dors et déjà toutes ses danses, il grava dans sa mémoire cette promesse dont il comptait abuser.

Il n’était qu’un homme. Tous ces mots déraisonnables qu’elle lui susurrait au creux de l’oreille, il ne devait surtout pas les écouter. Si les femmes avait le pouvoir de soumettre leurs homologues masculins si facilement en jouant avec leur désir, c’était la responsabilité des hommes d’y résister, envers et contre tout. Ce n’est que par la maîtrise de leurs envies qu’ils démontraient leur noblesse, leur mérite et le respect qu’il avait envers la femme qu’il courtisait. C’était aussi de leur devoir de protéger cette femme et sa réputation, avant le désir d’assouvir leur passion. Alors qu’il s’efforçait de garder toutes ces obligations en tête, Esmée vint déposer un baiser brûlant sur ses lèvres, et le feu qui l’embrasait se répandit bientôt dans tout son corps, consumant les liens de la bienséance, réduisant en cendre d’un seul coup toutes les belles pensées qui le torturaient. Il pouvait sentir contre son bras la rigidité du corset qui enfermait le coeur battant de cette beauté qui l’accompagnait, et par delà le tissus de son pantalon, ceux de la jupe et des jupons, leur cuisses se saluaient timidement. Pour parfaire ces présentations, la main du chevalier hardi passa d’un genou à cet autre voisin, plus délicat et frêle, couvert d’une étoffe soyeuse. Les doigts de son autre main remontèrent près de la nuque de la jeune femme pour se glisser dans cette coiffure un peu trop bien domptée. Il n’en avait pas assez de cette bouche délicieuse et si elle s’entrouvrit sa langue s’y invita pour goûter les caresses que seuls des amants s’autorisent.

Pour s’empêcher de faire tout ce qu’il aurait désiré, pour préserver celle qu’il aimait et pour lui démontrer sa patience, il s’était abandonné à ces rêveries osées seul, immobile, ou presque. Il se redressa légèrement pour ramener l'avant bras qui tenait le carnet vers son aine et dissimuler un pli curieux de son pantalon. Alors leurs bouches se séparèrent pour rester à quelques centimètres l’une de l’autre, il l’observait toujours; elle était superbe.

—Je ne peux décemment pas honorer la promesse de toutes ces danses sans demander votre main, soupira-t-il en un murmure. Le Comte de Sabran va m’étriper. Pourtant, la gravité de ces mots sonnaient comme une bonne nouvelle puisqu’elle était portée par un sourire songeur. Comment survivrait-il à l'attente qui les séparerait jusqu'à leur prochain rendez-vous ? Comment convaincrait-il le comte qu'il serait à la hauteur de ses attentes ? Ces problèmes trouveraient leur solution plus tard, il ne gâcherait pas l'instant en doutant et en appréhendant ce que le destin lui réservait. Ses yeux revinrent sur le paquet qu'il avait offert à la dame aux yeux d'or.

— Ne souhaitez-vous pas ouvrir votre cadeau ? Dois-je le remettre à Dame Hermance pour la soudoyer en prévision de mon prochain entretien avec son époux ? suggéra-t-il d'un air, pas complètement convaincu.

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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptyVen 18 Mar 2022 - 16:03
La déraison laissait ses lèvres tourmentées et toujours frémissantes. Si bien que sur la ligne gourmande de sa bouche pourtant comblée, elle savourait encore le souffle chaud de son baiser. Une folie bienheureuse, un élan incontrôlable, un désir non maîtrisé... Elle s'était pourtant persuadée tenir de l'intrépide. Reste que le tremblement de ses doigts la rappelait à l'ordre, tandis que son évidente candeur la laissait bouleversée. Les battements incontrôlables de son coeur en panique en devenaient chaotiques. Douloureux alors que sa respiration peinait à reprendre un rythme normal. Son corset trop serré sur une taille déjà menue comprimait sa poitrine au point qu'elle s'imaginait suffoquer. N'était-ce pourtant que l'extraordinaire d'une étourdissante découverte qui allumait chacun de ses sens au point qu'elle s'imaginait redécouvrir le monde. Naïve petite fille, amoureuse romantique dont l'esprit s'enchaînait inlassablement à l'esquisse d'un sentiment dont elle n'avait décidément pas saisi la démesure.

La saveur qu'il avait donné à leur trop brève étreinte avait le goût de l'insensé. Esmée avait pourtant cru conquérir l'interdit. Dans sa prime inexpérience, s'était-elle alors figurée pouvoir dompter cet inconnu. La caresse inattendue qui s'invita entre ses lèvres avait toutefois mis un terme à ses prétentions. Elle n'était pas prête. Ou alors se trouvait-elle seulement à la merci de ce visage adoré ou de ces mains qui, par-delà le tissu de sa robe, semblaient capables d'enflammer sa peau.
Dieux... Comme elle se sentait vulnérable. Et si cette sensation avait le grisant d'une irrésistible attirance, elle apportait également son lot de tourments. Des doutes et des appréhensions qui voulaient ajouter au tumulte de ses pensées d'ores et déjà torrentueuses. Heureusement Marin trouva-t'il assez de noblesse pour ne pas transgresser toutes les limites qu'elle l'aurait assurément aidé à franchir.

Cette pensée amena un peu plus de confusion dans l'esprit de la jeune femme. Elle aurait dû se sentir coupable et même honteuse, mais elle n'éprouvait rien de tout cela. Elle n'avait pas l'intention de se flageller et n'entendait pas même s'excuser. Les yeux baissés sur cette bouche qu'elle n'aspirait finalement qu'à apprivoiser, elle se prit même à sourire. Ses doigts fins retrouvèrent le chemin de leur exploration alors qu'elle tendait le cou pour poser son front contre celui du chevalier. Cependant, ce dernier la prit de court dans un murmure qui amena son coeur à rater un battement.
Un irréfrénable frisson balaya tout ce qu'il restait de sa conscience, alors que la surprise se faisait maîtresse de son regard. L'or se troubla immanquablement. Il se voila d'une once d'incompréhension avant que ses yeux n'en viennent à papillonner pour retrouver un peu de leur éclat. Sertie dans un écrin de silence, sa gorge demeurait muette. Pourtant, sa bouche voulait dire ses pensées, comme le confirmait le frémissement de ses lèvres. Sans doute n'avait-elle pas compris.

Le sourire qu'il lui adressa n'avait de sens que l'amusement tandis qu'il lui rappelait son oubli. Un présent... Il était posé à côté d'elle, sur la pierre lisse d'un banc qu'elle se rappelait avoir cherché. Elle récupéra le paquet joliment enveloppé dans une étoffe noire brodée de fils d'or. Les seules couleurs qui lui plaisent depuis un certain bal.

- Je... Oui... Pardon. C'est très gentil... Merci... Une nouvelle fois ses yeux papillonnèrent, tandis qu'elle repoussait délicatement le tissu qui gardait la surprise à l'abri de son regard. Ses pensées cependant toujours éparpillées au quatre vents, ne parvenaient pas à se concentrer sur ses gestes et leur ouvrage se suspendit dans un ultime sursaut de lucidité. Elle releva finalement son visage vers lui, en proie au questionnement et le coeur en suspend.

- Qu'avez-vous dit ? Vous voulez...

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MessageSujet: Re: La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée]   La seule rose du jardin d'hiver. [Esmée] EmptySam 19 Mar 2022 - 23:50
Tout dans son doux visage évoquait les cieux ; la douceur des arrondis de ses traits, sa carnation clair de lune, le crépuscule dans ses yeux surmonté de l’horizon noir de ses sourcils joliment dessinés, puis la nuit noire de sa crinière. Seule la rose rouge de ses lèvres rappelait la terre ferme. Il s’y ancra quelques secondes encore. On dit que le battement d’ailes d’un papillon provoque une tempête à l’autre bout du monde. Etait-il si surprenant que les murmures d’un chevalier troublent ce reflet du paradis ? La surprise déplia quelques pétales dévoilant une joliesse différente de cette fleur qu’il peinait à quitter des yeux. L’étonnement fit place à la confusion, puis l’incertitude. Le trouble évident de la jeune femme le ragaillardit. C’était cruel mais tellement flatteur, il ne pouvait le nier, tout comme il ne pouvait s’empêcher d’en profiter. Si pure, l’inexpérience d’Esmée l’avait mise à nue. S’il avait été un gougnafier malintentionné, il aurait pu aisément abuser de cette ingénuité. En quelques déclarations aussi passionnées que fallacieuses, il aurait obtenu d’elle ce qu’une fille de bonne famille ne devait offrir qu’à son époux. Ce ne fut pas qu’elle manquât d’éducation ou de bon sens, c’était plutôt que son œil intelligent brillait de rêves et de cette curiosité qui rend intrépide le plus prudent des esprits. Pourquoi l’appétence de découvrir qui faisait vibrer tout être devait-elle punir seulement les femmes de leurs envies de vivre ? S’il avait réussi à attirer l’œil et à atteindre le coeur d’une femme de cette prestance, lui, plutôt qu’un mieux-né, lui, qu’un plus fortuné, lui, plutôt qu’un autre, alors le moins qu’il puisse faire c’était de lui proposer tout ce qu’il avait. D’aucun aurait dit que ce n’était là que peu de choses, ces gens-là n’ont jamais aimé de tout leur coeur. Marin n’était pas bon joueur. Il n’allait certainement pas la laisser faire son choix sans chercher à l’inciter. Elle l’avait dit ; il n’était pas une distraction. Il allait éprouver cet aveu. Si elle acceptait de l’épouser, elle allait être confrontée à bien des désapprobations. Si elle l’aimait, aucun titre, aucun manoir, aucune terre, ne ferait le poids face au grand amour.

Les balbutiements de la noble et son air submergée la rendait absolument adorable. Il la sentait être emporté par un courant de vents contradictoires faits d’émotions et de doutes. Il la rattrapa en glissant un index sous son menton , les yeux plongés dans les siens, il reprit les mots qu’elle lui avait cité :

— «  Le seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder » ... Je veux bien vous délivrer, je veux bien vous inviter à toutes les danses ... mais ça sera impossible si vous épousez un autre, déplora-t-il, le visage grave. Le constat était clair : tous ces mots qu’ils s’échangeaient étaient vains si leur relation ne s'officialisait pas. Et dans le sérieux de son visage, l'ombre d'un sourire malicieux perça.

— Alors, pour vous faire respecter votre promesse de m’offrir toutes vos danses, je vais devoir vous épouser. Il m'est impensable d'être celui qui vous fait manquer à votre parole.

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