Match retour [PV Alienor & Hector]

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A travers l'entrebâillement d'une porte grinçante, on distinguait tant bien que mal les perspectives de l'Atelier de Madame, pièce octogonale ou s'amassait un bric-à-brac criard tout au long des murs au blanc terne et aux dorures qui n'ont en rien perdues de leurs superbes, c'est ici dans le silence tacite que troublait le crissement des cigales peuplant le jardin ou elle se livrait religieusement à son art.

La pénombre pesante due aux lourds rideaux de taffetas bordeaux ne laissaient que timidement transparaitre la blancheur mate de ce caniculaire après midi de Juillet, et donnait à l'espace ce mysticisme si particulier qui frappe les gens du commun : meubles en bois d'acajou, placards desquels on devine par quelques regards habiles la pile non exhaustive d'échantillons de tissus, de coquillages, de fleurs séchées et épices colorés qui malgré le désordre ambiant s'alignaient entre les lourds bocaux d'huiles, d'enduis et de vernis. Longues tables ou éparses feuilles de croquis et toiles nues soutenaient immobiles le poids de pinceaux salis et des fusains rétrécis, quelques chiffons bariolés de peinture trainaient nonchalamment dans un désordre charmant parfois accompagné d'un verre à l'eau coloré ou d'imposantes coupes dont le fond était acculé de lie de vin.

Centrant la pièce, deux chevalets en hêtre massif soutenait chacun une toile incomplète attendant de rejoindre leurs pairs sur le mur de gauche ou à la fois se dressaient les hautes fenêtres donnant sur le jardin, mais aussi les œuvres finies pour la plupart soigneusement enveloppé de papier brun. L'odeur de résigne et de peinture embaumait d'un parfum entêtant les lieux et alourdissait d'autant plus l'atmosphère.

" Je pense que ce sera tout pour aujourd'hui."

Renfermant la porte d'un geste las, les joues rosies par la chaleur estivale. La jeune baronne, avança distraitement le long du corridor du premier étage ou portraits de familles, tapisseries retraçant des récits de chasses endiablées, sculptures à l'honneur des trois et quelques rares mobiliers habillés les murs. Une servante soutenant une pile non exhaustive de carrés de draps, toute affairée à gagner les différents appartements constituant les pièces du haut, s'inclina respectueusement en murmurant l'usuel " Madame.".

La demeure était plongée dans un calme placide, la canicule avait cet effet tout particulier d'alourdir et de modérer considérablement l'activité des hommes, mais surtout d'amoindrir les sens et les reflexes de la Von Elrich, qui ne songeait qu'a gagner le petit carré de verdure que constituait l'élégant patio aménagé en jardin d'intérieur et s'y prélasser. Les mains tenant un petit couteau plat et un pinceau à la touffe hirsute qu'elle avait distraitement prit en quittant son atelier. La jeune noble se sentie toute attirée par le zéphyr provenant du large balcon surplombant la devanture de l'édifice.

Là, accoudée à la rambarde elle fit le choix de jouir de la faible brise les yeux clos plutôt que de se laisser aller à la contemplation d'un quartier qu'elle ne connaissait que trop bien.

" Par les dieux … ! "

Quelque chose siffla et produisit un bruit sourd en se logeant à même la pierre de la fortification, la chose en question ? Une Hache. La dame étouffa un cri de surprise en reculant prestement, sa lourde poitrine soulevée par la hausse subite de son pouls, la stupeur des premiers instants passés elle se pencha par-dessus son balcon, les sourcils froncés, les boucles habillant ses oreilles tintant dans un joyeux charivari métallique. La silhouette toute rieuse du Baron de Sombrebois se tenait à la manière d'un troubadour à quelques pieds en dessous d'elle, époussetant le plus élégamment du monde sa tunique bleue. Une perdrix ? Et puis quoi encore.

"J'ai pour coutume de me voir apporter des fleurs, des joyaux ou d'agréables missives. Pas que l'on me jette des haches, est-ce la une façon de faire Monsieur ? "

Si le trentenaire semblait avoir un net souvenir de la petite fille espiègle qu'elle était jadis, la jeune femme quant à elle n'a que de brèves images floues et l'associait plus à un évoquer plus récent. Leur rencontre brève datait d'il y'a deux mois déjà et s'était déroulée à la lisière du domaine du Baron, ou ils se disputèrent le temps de quelques joutes paraphrasées la traque d'un sanglier ; gibier qu'elle finit par lui laisser, afin d'éviter d'inutiles brouilles et rejoignit son frère non sans lancer une de ces œillades coquettes qui lui sont propres.

" Ou bien avez-vous pour dessein d'orner le mur de vos trophées de ma tête ? " Alienor tapota le petit couteau plat contre le creux de sa main avant de poursuivre. " Pensez-vous que je puisse vous atteindre avec ceci d'ici ? "

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Alienor sourit, de ces sourires amusés que l'on tâchait toutefois de réprimer. Il y'avait dans le naturel tout provincial du baron une gaieté de bon vivant que l'on rencontrait rarement, un rire contagieux qui vous ferait dissiper le fait qu'une hache a voletée suffisamment haut pour entailler votre balcon mais pas assez pour faire ouvrir votre cabosse en deux.

" Je pense que je me passerais des manières de Sombrebois. Qui plus ai je n'en garde guère bon souvenir, le lieu m'ayant coûté un sanglier." Pointant du bout de l'instrument encore tacheté de pigments elle désigna l'arme qui étonnamment tenait bon dans la brèche nette et creuse qu'elle avait formé en s'encastrant à même la pierre. " Je pense que je vais camper sur mes positions, je préfère le rouge d'un rubis qui ornent mon cou à une lame qui le taillade."

La piquante baronne se plut à rester sur son balcon. Noble et fière elle fixait amusée, partager entre le rire et la bouderie à voir le coquet personnage tout droit, couvre-chef contre sa large poitrine attendre la remontrance promise non sans quelques commentaires paraphrasés à l'égard d'un couple de passants dont les pas précipités et les regards obliques trahissaient leurs ressentis quant à ce drôle de spectacle peu commun dans le quartier résidentielle constituant le tissu urbain de l'Esplanade. Il fallait avouer que les remarques un tantinet friponnes d'Hector l'ennuyaient un peu. Accoutumée à une certaine tenue et exigeant d'elle-même et de son cercle autant d'esprit que de rigueur il y'avait des limites précises à la décadence et la frivolité et Alienor bien que digne " figure de la joie humaine " s'avérait bien sévère aux malheureux qui titillaient sa patience. Aussi accoudée à la rambarde dont le marbre de Caunes conférait ostensiblement un semblant de fraîcheur à la peau de la Dame elle songea qu'une leçon sur les manières ne serait pas de trop.

" Je pense que vous êtes de nous deux vous êtes celui, Monsieur qui s'agite à en ameuter la milice. Ce boucan cacophonique rappellerait presque le marché ! Ou est-ce le soleil qui vous assomme ? "

Elle ne comptait certainement pas l'inviter à entrer ou encore moins descendre de son perchoir -pour le moment- Un sourire ingénu errant sur sa bouche carmin, une nonchalance désavouée dans sa pose. La Von Elrich était comme toutes les femmes cruelle mais tendre, et pour l'heure son appétit n'était repait que par l'image de son invité suant à grosses gouttes. Des pas vifs et lourds firent tourner le visage fuselé de la maîtresse de maison, un garde en livrée rouge & or se positionna à une distance qui était suffisante afin d'intervenir mais aussi pour témoigner du respect dû au rang du Baron.

" Madame, voulez-vous que j'intervienne ? " Il porta un regard interloqué à l'arme encastrée.

" Voyez ce que vous causez comme remue-ménage Baron ! " Puis à son serviteur " Non Adrien, peut être plus tard qui sait ? Restez à bonne distance, il pleut des haches sur l'Esplanade."

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Alienor porta sa main à sa tempe, qu'elle massa dans des gestes mesurés et circulaires. Hector avait définitivement une voix qui porte, mais qui n'était guère au goût de la jeune femme et lui donnait l'impression d'avoir l'oreille martelée par un maréchal ferrant ce qui vous le convenez n'est pas des choses les plus agréables. Aussi sa manie de répéter le fait que le sanglier était sur " SES terres " avait de quoi irriter davantage la jeune femme. Elle aurait volontairement fit volte face afin de retourner dans un geste tout bonnement narquois dans sa demeure, si la suite du discours du Baron n'avait fait tendre la corde fine de ses nerfs.

" Je vais vous dire une chose qui va vous épargner de faire sonner davantage ces cordes vocales. Vous n'avez nullement besoin de hausser le ton afin d'atteindre mes " chères petites oreilles " car je n'ai guère envie de vous entendre."

Loin de porter la moindre attention aux dires de la jeune femme. Messire de Sombrebois se dirigea vers les doubles portes en hêtre massif de la demeure. Il fallait lui reconnaitre une poigne vigoureuse et des bras puissants, car il s'attela si bien à tambouriner que cela attira les pas précipités des malheureux employés rattachés au service domestique qui passaient par l'aile central de la bâtisse.

" Par les trois ! N'a-t-il donc aucune manière ?! " S'exclama tout haut la Dame " Bien-sur Adrien, restez tout penaud à me regarder avec vos grands yeux ronds. Diantre à quoi bon avoir des domestiques si c'est pour se retrouver à tout faire ! " Dans un froissement de jupons, Madame se précipita dans le corridor avant de dévaler à petits pas mesurés les larges marches de marbre qui faisaient communiquer l'étage au rez-de-chaussée.

Le laquais regardait d'un air déconfit, l'apparition tout à fait incongrue. Il s'inclina respectueusement face à l'imposante silhouette du Noble avant de discrètement s'éclipser sur le côté. Le château Von Elrich outre ses façades extérieures raffinées ou on retrouve une alternance de bossage en pierre Saillie, était pourvu d'un intérieur à l'architecture tout aussi recherché que la devanture. L'entrée était de prime abord particulière, un escalier large de quelques marches obscurci par une voute en demi dôme qui déboule aussitôt gravit sur un exquis carré de marbre avec une belle hauteur sur plafond, largement éclairée d'une ribambelle de fenêtres ornementés de clés chichement sculpté, l'espace était cloisonné par une balustrade de marbre de Lavare, et formait ainsi un élégant vestibule dont chaque point cardinal menait au gré à la bibliothèque, la salle de réception, le salon & cabinet particuliers ou l'on recevait les intimes et bien entendu par un second escalier aux appartements privés. Le décor était de Lambris richement décorées de peinture qui couvrent les murs alors que de coutume c'est on retrouve du Lambris d'appuis ou on suspend des tapisseries. Les Von Elrich conservaient les apparences grâce à une esthétique qu'ils préservaient méticuleusement de ce qui restait de leur époque de faste, il ne faut pas se méprendre ils étaient comme bon nombres de contemporains évoluant dans cette cocasse cour plus ou moins ruinés !

" Me…Messire " Bégaya le Maître de maison, un homme achevant sa quarante-deuxième année grand, un peu gros de ceinture, le front haut, le cou puissant, Les joues pleines, le bas du visage un peu court, à la fois carré et arrondi, avec la barbe taillée ras. Il fixait de son œil gris le drôle de personnage créant un grabuge jusqu'alors méconnu dans le Manoir. Il poursuivit en reprenant un peu plus de contenance " Madame la Baronne est à l'étage, elle peint et a demandé à ce qu'on ne la dérange guère. Voulez-vous un rafraîchissement et qu'on vous conduise au salon ? En attendant que nous prévenons Madame de votre venue." Il fit claquer des doigts et l'on ouvrit l'une des hautes portes conduisant audit salon.

" Ce ne sera pas la peine Antoine, Je vous remercie. Monsieur le baron va prendre congés. "

La voix haute et clair d'Alienor emplit l'espace, elle apparut vêtue comme la mode de l'époque l'exigeait d'une robe près du corps, sanglant sa taille par un savant pincement de tissu au dos, des manches amples camouflaient ses bras laiteux. Le bliaud (longue robe ample et très serrée à la taille) était faite d'un tissu topaze léger pour cause de la saison estivale tout a fait caniculaire, brodé de fils d'or à l'encolure du décolleté, des poignets et du bas de la jupe, un long amigaut -fente sur le devant du vêtement en partant de l’encolure- se voyait lui étoffé de galons. Un voile en mousseline blanche soutenu par un bijou de tête tombait sur ses cheveux qu'elle portait détaché.

Bijoux de tête


" Il me semble que le soleil vous a un peu trop tapé sur la tête. Je n'ai guère à souffrir de votre comportement désobligeant. Prenez la porte, je vous prie avant que je ne me fâche davantage."

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Un bruit régulier de talonnades martelant le revêtement du sol retentit, après le grabuge de la fin de matinée on n'avait guère connu d'autres nuisances sonores. Aussi au passage de l'employée en livrée qui accourait haletant rejoindre les cuisines, plus d'un cou se retournait intriguer.

" Monsieur Antoine … C'est le… "

Le souffle court et le visage rougi par l'effort physique mais surtout par la tenue dont le tissu épais ne sied guère à la saison; les restrictions budgétaires drastiques ne permettaient pas en outre que l'on fasse coudre un vêtement d'été pour l'ensemble de la maisonnée -et il était hors de question que les serviteurs se baladent dépareillés comme dans une auberge !- Le jeune homme tâchait d'emplir ses poumons d'air tout en s'expliquant, donnant lieu à un flux inintelligible qui eut pour effet d'ennuyer grandement le maître de maison tout à l'inventaire des maigres réserves de blé & d'orge.

" Parlez que diantre ! Je n'ai guère votre temps ! "

" C'est… l'étrange noble de tantôt."

" Vous faites bien de me quérir. Je m'en charge. Appelez Adrien, on ne sait jamais."

Re-ajustant d'un mouvement sec le col de son pourpoint, il avança lentement en direction du vestibule, fit signe au laquais d'ouvrir la porte par un geste du doigt et attendit raide, le visage impassible que la silhouette massive de l'ours pénètre dans la demeure et le rejoigne. Il fut quelque peu surpris de voir cette figure plus tôt rouge, les traits tirés par l'excitation et les cris à pleins poumons tout d'un coup flegmatique, lisse digne d'une personne de son statut.

Antoine toussota avant de déclarer " Monsieur, vous ne serez guère surpris d'apprendre que Madame est extrêmement fâchée de votre… mmh disons particulière venue." Il jeta une œillade au bouquet pris dans la main puissante de son interlocuteur et songea qu'une réponse trop négative ou imbue lui vaudrait d'être planté dans un carré de terre avec ces mêmes plantes " Bien entendu, je m'en vais de ce pas lui annoncer votre retour et ne manquerait d'insister sur le fait que Monsieur est profondément confus & désolé de son comportement envers Madame. Quel nom dois-je annoncer Monsieur ? Je n'ai que votre titre en tête ? " Il s'inclina respectueusement à sa réponse avant de designer d'un balancement latéral du bras le couloir superbement illuminé par les hautes fenêtres " Si Monsieur veut bien me suivre."

Tout à sa tâche de messager et de diplomate de cœur, Antoine parlait de cet air qui se veut important mais modeste à sa maîtresse. Cette dernière profitait de l'absence des membres de sa famille pour subtiliser & consulter les livrets de compte gardés sous scellé dans le cabinet du feu Lionel Von Elrich et qui aujourd'hui était occupé par son aîné & héritier de la lignée : Gauthier. L'énervement de tantôt et la frustration nourrie par les chiffres couchées sur le papier, la faisait passer par toute une palette de couleurs : blême, rose, pivoine et déformait ses traits. Elle ferma avec véhémence le carnet et leva son minois vers la silhouette droite de son serviteur.

" Ainsi il est venue s'excuser ? "

" Il me semblait profondément affligé du dérangement dont vous avez eu à souffrir tantôt. Il a par ailleurs apporté un bouquet de fleurs."


" Bien. Faîtes-le venir."

Le maître de maison hocha la tête d'un air entendu, et quémanda Jeanne pour appeler et conduire Messire de Sombrebois là ou se trouvait Alienor. Jeanne était une trentenaire à l'embonpoint de nourrice, aux bras rouges, au fichu blanc et au visage d'une chaude couleur d'ambre nuancée par des veines rouges, la peau luisante sans sécheresse, douce sans moiteur. Attachée à la résidence citadine de la famille, elle avait toujours porté une affection toute particulière pour l'espiègle petite fille pas plus haute que trois pommes qui chapardaient les viennoiseries à peine sortis du four et qui aujourd'hui aimait en illustre gourmet à descendre en cuisine et y observer telle une maîtresse de maison toute affairée à la bonne préparation d'un quelconque banquet, les différents mets que l'on prépara et ce même si le menu proposé s'était drastiquement amoindri en vu du peu de victuailles disponibles. Elle avait été profondément interloqué par le remue-ménage matinal, mais n'avait pu étancher sa curiosité sur le personnage derrière l'incident, aussi elle fut bien contente d'être appelé pour escorter le noble.

" Oh ! " Elle ne put cacher une expression de surprise en entendant les balbutiements qui tranchait avec le physique herculéen du trentenaire, il avait du penser que c'était sa maîtresse qui était venue le rejoindre dans le boudoir ! Affichant un sourire affable Jeanne s'inclina profondément avant de prendre la parole " Messire si vous voulez bien me suivre, Madame vous attends." Ainsi, ils traversèrent en silence la demeure en direction du jardin intérieur, la pièce fétiche d'Alienor. La servante, ne pouvait s'empêcher de jeter des regards indiscrets et curieux sur ce géant. " On n'en fait plus des hommes comme ça ! " Pensa-t-elle sincèrement impressionnée.

Le jardin intérieur était un prodige d'architecture et de charme, petit paradis niché au sein des pierres, recueillant un bain de lumière : de forme circulaire entouré de colonnades de marbre, le sol d'une mosaïque bicolore, le tout agrémenté d'un court d'eau artificiel serpentant entre les parterres de fleurs et autres arbustes prenant source d'un paon de bronze figé dans sa splendeur vanité. La Baronne avait fait débarrasser les livrets de comptabilité, on lave son linge sale en privé après tout ! Et était assise au rebord d'une fontaine qui centrait l'espace, faisant mine d'être profondément intéressé par la surface trouble de l'eau. Boudeuse et fière, elle ne daigna ni se lever ni jeter un regard vers son invité encore à quelques mètres d'elle.


" Messire." Jeanne s'inclina profondément avant de disparaitre.

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Comme décrit tantôt, Alienor était toute à la contemplation de la surface trouble de l'eau, la moue boudeuse et le regard empreint d'une dureté de femme coquette froissée, elle s'éventait lestement d'un mouvement de poignet lent et las. Sensible à tout changement de température et supportant très mal l'air étouffant de la grande ville car habituée à jouir des plaisirs de leur résidence balnéaire en cette période caniculaire de l'année, elle prenait son mal en peine et usait de son éventail, un bel objet chichement garni de plumes blanches et dont les brins fait de bois de Santal avait pour avantage de dégager une discrète odeur parfumé, un petit carré de glace ornait l'accessoire lui permettant ainsi par quelques jeux d'angles d'observer les alentours, et en cet instant précis la silhouette herculéenne d'Hector qui descendait les larges marches ocre jaune communiquant au petit chemin aménagé entre les carrés de végétations. Lorsqu'il fut à sa hauteur, elle fit incliner sur le côté l'instrument à plumes et tout en gardant le menton haut, le visage de profil fit mine de n'avoir en rien cessé de détailler le fond de la cuve ou une mosaïque bleu & or représentait la déesse Anur.


Pendant tout le temps ou le baron exprimait d'une voix sincère et étonnamment doucereuse pour un homme de sa carrure et de sa poigne de plates excuses, la jeune femme ne tourna ni son regard ni son minois. Loin d'être touchée par les compliments à l'égard de la demeure familiale, ou par la défense de son interlocuteur, elle restait impassible. Les quelques hommes s'ayant aventuré à la courtiser, essuyèrent bien des peines car lorsque la Von Elrich était froissée cela pourrait durer indéfiniment, tout dépendait de son humeur aussi changeante que violente. Quant il eut finit, elle lui fit face en croisant ses mains blanches sur la jupe de sa toilette, et commença d'abord par détailler la composition florale : Tulipes, Roses, Dahlias. Un sourire étira la commissure de ses lèvres gourmandes et elle prit comme un enfant prend un présent le bouquet entre ses mains afin d'en humer le parfum.


- " Ainsi vous ne faîtes plus à la manière de Sombrebrois ? Avez-vous changer d'avis ? Ou Est-ce parce que vous n'avez plus de hache à me jeter au cou que vous m'offrez des fleurs comme tout homme galant ? "

Alienor caressa du bout des doigts les pétales duveteux des tulipes, consciente de sa position actuelle. Elle savait toutefois qu'il ne fallait trop user de cette corde sous peine de fâcher le fier baron.

- " Je vois à votre air confus, que vous semblez sincèrement désolé de votre comportement de tantôt. Aussi je ne suis guère rancunière … " c'était un euphémisme, il n'y avait plus rancunière que cette piquante demoiselle " Vous êtes tout pardonné. Toutefois ne pensez pas récupérer aussi facilement votre hache de jet, je la garde comme trophée."

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" Dois-je en convenir que vous sous-entendez que je suis une proie qu'il aurait fallu tuer ? "

Fit Alienor d'une voix d’où transperçait un calme somme toute égal mais d’où on devinait un air sévère qui œuvrait à tourner en bourrique son interlocuteur, les femmes dans les salons qui aimaient à torturer leurs congénères de sexe masculin car trop ennuyé par les piques et les jeux de pouvoir entre leurs consœurs usaient souvent de ce " stratagème ".

Elle arqua un sourcil qui donne à son visage une expression toute particulière estampant le peu de candeur que ses joues potelées d'une fraîcheur ingénue lui offre.

" Oh pour votre cas je ne doute pas une seconde qu'il revienne au galop." Souffla la baronne en reportant son attention sur la composition florale, qu'elle finit par déposer sur le rebord en marbre de la fontaine.

" Détrompez-vous après le grabuge de ce matin je pense que vous voir sage, poli et courtois toute un mois ne saurait être suffisant. Les femmes aiment un petit côté sauvage certes mais quand celui-ci est bien dosé."

Puis mimant l'affliction commenta en reprenant son éventail qu'elle s'afféra à utiliser ce qui fit tout naturellement voleter ses mèches et soulever un nuage de musc ou on devinait tout le charme de l'Orient dans un sillage de velours aux notes baumés et aériennes, sa signature olfactive.

" Malheureusement on ne rencontre plus ces hommes-ci, peut-être que la Fange les a happée ou les a transformés en des personnages fort peu galant."

La noble détailla les larges épaules du grand Baron de Sombrebois alors qu'il prenait place à ses côtés, - sans qu'il n'y soit invité- mais Alienor ne fit pas de remarque et se contenta d'observer l'harmonie végétale du particulier jardin d'intérieur, un silence s'installa simplement animé par le bruissement de l'eau et le son lointain et sourd de cigales qui en cette période de l'année chantonnaient dans chaque carré boisé qu'on pouvait rencontrer dans la ville.

La voix de son invité s'éleva et attira son attention, sa question la surprit et la décontenança quelque peu tant elle abordait un sujet somme toute vague et aux aspects multiples dont chaque point serait propre à énumérer et développer en une conversation. Alienor toutefois ne se sentit pas d'humeur à prendre le chemin des confessions: parler de son père mort lors de l'opération de reprise du Labret – fait divers qui a été d'ores et déjà suffisamment ébruité et qui a reçu son lot de condoléances- , les querelles de clan et tant d'autres points concernant sa propre petite personne lui paraissait inintéressant aussi avec une grâce indéniable elle répondit.

" Eh bien Je ne puis chasser étant donné que ces bêtes ignobles ont considérablement gagnés du terrain. "

Tapotant le bout de l'éventail replié sur son menton elle poursuivit " Oh mes seconds fiançailles ont étés avortés et pour une fois je ne suis pas instigatrice de la chose. Mais j'imagine que Marbrume est vouée à devenir une ville d'Amazones au rythme ou l'on perd nos hommes. Et vous, que s'est-il passé dans votre vie ? "

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- " Monsieur si vous cherchez à interpeller quelqu'un, il existe quelque chose somme toute évidente mais je me permets de vous le rappeler. Se faire annoncer à la porte de la demeure." Elle ponctua sa phrase d'un sourire de convenance qui était l'équivaut d'un coup de hache sec.


Soulevant une petite clochette qu'elle fit tinter claire et haut, la jeune femme continua d'écouter les explications avant de commenter toujours fidèle à sa verve mordante mais sans réelle méchanceté.

- " Je ferais en sorte à l'avenir de ne pas vous troubler d'un quelconque enthousiasme"


La suite des dires se focalisa sur la perception des mondains de Marbrume, et une révélation assez intrigante sur l'anatomie des hommes, autant apprendre que le cœur est un muscle fit froncer les sourcils de la dame autant la déclaration du Baron de Sombrebois sur la chose la fit rire.


- " Il est normal que par les temps qui courent, ces " gentils mondains " comme vous les qualifiez ce soit mus en guerriers, que les affres des batailles et le stress des expéditions les rends si peu agréables. Pour ma part, je trouve qu'en ces temps incertains nous devrions plus jouir des plaisirs terrestres." Puis elle ajouta en lissant le tissu de sa robe " Comment votre prêtresse a-t-elle apprit que le cœur n'est qu'un muscle ? En observant les réactions du votre en l'état de conflit et en l'état d'amour ? "


Jeanne apparut en portant haut un plateau circulaire méticuleusement astiqué et poli, le soleil y faisait reluire des reflets bronze. Délicatement disposés bien qu'en quantité moindre en vue de la situation économique des nobles de la ville, des tourtes chaudes au fromage blanc saupoudrés de cannelle et trempées de miel qu'on avait fait servir au petit déjeuner, quelques gâteaux de pâtes d'amandes qui se conservaient admirablement bien et des noix parfumés à l'eau de rose. Pas de liqueur, mais du sirop d'orgeat dans une carafe ou était incisé un lion rugissant symbole des armoiries familiales. Qu'on ne dise point qu'on n'accueille dignement les visiteurs à la résidence Von Elrich ! A gauche, le laquais de tantôt apparut furtivement de derrière une haie pour déplier une petite table en bois sur laquelle la blonde servante disposa les collations. Remerciant d'un signe de tête aimable les deux gens de sa maison, elle désigna de sa main blanche et fine les sucreries.


- " J'imagine que vous préférerez de la viande, mais l'heure du déjeuner est depuis longtemps dépassé. Je vous en prie, je serais chagriné si vous ne touchiez pas à la nourriture." Puis elle poursuivit d'un air sans affliction se gardant bien d'entrer les détails " Ne pas être à l'origine d'un projet ne signifie point que je ne souhaitais pas son abandon."


Piquant délicatement du bout des doigts un gâteau à la pâte d'amande qu'elle dégusta à petite bouchée, savourant tout autant le délicat parfum de citron qui rehaussé le goût de la confiserie que les drôles d'aventures d'Hector, ses histoires l'intéressaient grandement et elle ne sut par ou commencer ses innombrables questions.


- " En quoi consiste le Trésor de Sombrebois ? Et qui sont ces lutins ? " Fit-elle avant de poursuivre sur la même lancée " Je ne pensais pas que le village des bannis étaient bien réel, je pensais qu'il s'agissait d'une fable ou d'une hypothèse. On ne m'en a jamais parlé, pourquoi des impies aurait-il besoin de votre statue ? User de ses matériaux ou faire quelques rituels ? "


Elle poursuivrait sur les jeux d'été un peu plus tard.


- " Oh non Monsieur, les histoires je préfère qu'on me les conte que les vivre voyez-vous." Alienor lui sourit le plus poliment du monde. " Notre domaine était à quelques miles de la mer, donc j'en apprécie particulièrement la beauté. Toutefois, vous devriez faire attention à ne pas laisser votre imagination vagabonder trop loin."

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