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 La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie

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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyVen 24 Juil 2020 - 18:04
10 août 1166


D'un geste à l'apparente délicatesse, Éloïse réajusta les fleurs avec une minutieuse précision. Rien n'avait été laissé au hasard. Le décor, parfaitement préparé pour accueillir l'invitée qui devait la rejoindre, avait été étudié pour correspondre à ce que la douairière avait imaginé mettre en scène. Une idée qui lui était venue à force de réflexion et qui trouvait son origine dans les impertinentes bravades de son deuxième fils, le désormais Comte de Rivefière.

De ses doigts fins, elle lissa un pétale des magnifiques lys logés dans leur précieux vase. Une relique d'un ancien temps, le cadeau que son défunt époux lui avait offert pour la naissance de leur premier fils. C'était une pièce d'orfèvrerie somptueuse. Un vase en alfénide et en argent, décoré d’une scène allégorique figurant les Trois, et dont le poinçon réputé attestait d’une indéniable valeur pécuniaire. Mais plus que cela, il s’agissait là d’un objet surtout cher à son cœur.

Son regard chargé d’émotions caressa le métal bardé de gravures et s’arrêta sur le cygne qui y déployait ses ailes. À l’image de celui qui ornementait la tapisserie affichée dans le hall du manoir, le noble oiseau semblait prêt à prendre son envol. Une manière poétique de se figurer aujourd’hui les sorts de celui qui avait partagé sa vie et de son fils aîné. La métaphore avait cela de beau qu’elle pouvait s’émanciper de ce que le monde comptait de nauséeux.

Toute à sa pensée, Éloïse défroissa sa robe de deuil dans un machinal mouvement d’humeur. Tout ici lui rappelait les jours douloureux. Elle avait tellement perdu et en si peu de temps. Pour autant, il était impensable de se laisser aller à sa seule peine. Leur répit ne durerait pas même le temps des pleurs. À Marbrume et encore plus ici, à l’Esplanade, les places étaient bien trop chères pour qu’elles demeurent entre les mains d’âmes dolentes. Il fallait se battre et garder la tête haute, toujours… Et encore plus lorsque le sort vous frappait avec la dureté de l’indifférence. Les temps étaient à l’action.

Cependant et parce qu’il ne convenait pas de négliger les us ou les coutumes, l’honneur aux morts pour la survie de l’humanité et la protection de son dernier bastion devait s’afficher avec fierté. Ainsi avait-on peint les deux bandes noires et rituelles autour de la porte du manoir Rivefière, pour que personne ne puisse ignorer le courage des valeureux tombés au combat. Dans ce quartier de l’Esplanade, qui figurait parmi les plus prestigieux, le sacrifice consenti par leur lignée appelait au respect.
Les pairs du royaume l’avaient d’ailleurs bien compris. Preuves en étaient les très nombreux témoignages et cadeaux qui affluaient depuis plusieurs semaines. Parmi eux, une missive avait tout particulièrement attiré l’attention de la Comtesse douairière.

Idalie d’Auvray avait l’écriture délicate et déliée d’une jeune femme instruite. Ses mots, adroitement couchés sur un vélin à l’ornement discret mais adorable, avaient probablement été choisis avec précaution. Comme un gage d’intelligence et de finesse, ils s’auréolaient de pudeur pour dire la sollicitude d’une fervente croyante. Le faire-part était à l’image de sa réputation et la désignait comme l’une des plus évidentes prétendantes à ce que la douairière envisageait manigancer.

Pour le peu qu’elle en savait et après l’avoir croisée à de rares occasions, elle s’appuyait surtout sur ce qu’elle avait entendu dire de la jeune femme. Une mignonne au cœur tendre, pieuse et tout particulièrement versée dans l’art de l’étiquette. D’après ce que l’on rapportait d’elle, Idalie d’Auvray n’oubliait jamais de se montrer à la hauteur de ce que l’on attendait d’une dame de haut rang. En cela elle aurait pu figurer comme un parti intéressant pour d’éventuelles épousailles. Malheureusement, si la demoiselle avait l’estime des plus grands, sa dot n’était gonflée que des compliments qui l’honoraient. Un fait regrettable, mais implacable.

Le bruit de quelques pas malmenant les graviers de la cour intérieure fit sortir Éloïse de ses réflexions. La journée était belle et les portes fenêtres qui s’ouvraient sur le jardin laissaient filer un agréable courant d’air entre les lourdes tentures du salon. Le parfum envoûtant du thé noir, aidé de ses notes d'agrumes et de mûre sauvage, invitait à l'indolence, alors que les larges fauteuils assortis de moelleux coussins, se trouvaient parfaitement installés pour accueillir convive et maîtresse de maison dans le confort de leur velours capitonné. Sur un plat de porcelaine fine et décorée de feuilles d'or, quelques confiseries au miel - une vraie folie - se voulaient attirer l'oeil. Non, rien n'avait été laissé au hasard... Vraiment rien.

Éloïse s'en trouva d'autant plus convaincue lorsque son regard se porta par-delà la terrasse ombragée de vigne, sur la tête blonde de son deuxième fils. Le rendez-vous avez été fixé à une heure parfaitement décidée pour correspondre à sa quotidienne séance d'entraînement. C'était là l'unique impératif dont elle ne pouvait éteindre les défauts.

Mal fagoté, comme depuis toujours lorsqu'il prévoyait de croiser le fer avec son maître d'armes ou un autre escrimeur, Jacob avait enfilé son vieux gambison tout juste bon à jeter à la Fange. S'il y avait un seul impair au tableau de son complot, il figurait sans aucun doute dans ce tricot de cuir élimé et puant. Cependant, Éloïse aurait eu bien du mal à convaincre son fils de suer dans une chemise propre et brodée, sans qu'une puce vienne lui souffler sa suspicion à l'oreille. Elle avait donc pris sur elle de le laisser paraître sale et transpirant, gageant que c'était là garantie offerte à sa retenue. Il aurait en effet était malvenu que son coureur de jupons de fils se trouve, dans la manoeuvre imaginée par la douairière, un prétexte à conter fleurette.

Un sourire glissa sur ses lèvres alors que la domestique lui jetait un regard entendu. Margareth était de mèche et connaissait son rôle. Lorsque la maîtresse de maison feindrait son malaise, elle irait quérir "Monsieur le Comte" en toute hâte. Ne resterait ensuite plus qu'à amener la douairière à se retirer - ce qu'elle ferait sans qu'il soit nécessaire de l'en prier - afin que Jacob se retrouve seul avec leur invitée. Il serait alors tout à fait intéressant de voir comment ces deux là s'entendent, pour ensuite envisager tisser les liens d'un mentorat déguisé. Si Éloïse avait vu juste - et elle s'en rendrait rapidement compte en recevant Idalie - cette dernière ne manquerait pas d'insuffler le bon exemple à son gredin de fils, tout en sachant le tenir à distance et sans admettre qu'il puisse seulement envisager lui marcher sur les pieds. Après tout, la jeune demoiselle était issue du même ventre que le Sergent d'Auvray. Il y avait donc fort à parier qu'elle sache manipuler un boutefeu. Alors, si Jacob pouvait s'en trouver inspiré, peut-être y aurait-il avantage à tirer d'une "amitié" avec cette rosière à l'excellente réputation.

Laissant filer un soupir entre ses lèvres, Éloïse redressa le menton. Ses espoirs étaient ceux d'une femme dévouée à son nom mais surtout, ils étaient ceux d'une mère inquiète pour sa progéniture. Pourvu donc qu'elle ait raison. Jacob ne voulait ni de ses conseils, ni même de son aide. Elle n'allait cependant pas le regarder détruire tout ce qu'il restait d'honneur à leur lignée. Les Rivefière ne s'en remettraient pas et... Lui non plus.

S'installant dans son fauteuil, elle fit claquer sa langue avec agacement. Tout se passerait bien ! Il le fallait... Ne restait plus qu'à attendre l'arrivée d'Idalie.

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Idalie de BeauharnaisComtesse
Idalie de Beauharnais



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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyMar 28 Juil 2020 - 2:55
Lorsque le comte Roland de Rivefière avait été déclaré mort, Idalie avait fait ce que toute noble bien éduquée se devait de faire en de telles tragiques circonstances : elle s'était armée de sa plume afin de rédiger un message de condoléances à l'intention de la famille. Si elle ne connaissait que peu les Rivefière, elle avait pris soin d'écrire un mot respectueux, mais sincère, équilibrant en quelques phrases finement tracées étiquette, élégance et empathie. Cachetée au sceau de la famille d'Auvray, que la noble utilisait toujours malgré le nouveau statut de sergent de son frère, la missive avait ensuite été envoyée dans les plus brefs délais au manoir Rivefière, où bien d'autres cadeaux et parchemins de tout acabit inondaient la famille.

Quelques jours plus tard, en consultant son courrier, Idalie fut surprise d'y trouver une lettre de la part d'Éloïse de Rivefière. Croyant d'abord que la veuve avait simplement souhaité les remercier de leur sollicitude, elle et son frère, elle fut doublement étonnée de trouver dans les mots de la mère éplorée une invitation à venir prendre le thé. Elle resta un instant perplexe, les Rivefière étant des connaissances éloignées, croisées lors de diverses soirées mondaines. Elle se dit ensuite que la pauvre femme avait peut-être décidé de rassembler quelques demoiselles de bonne famille pour discuter et se changer les idées. Comment lui en vouloir? Les coups durs s'étaient succédé pour elle et ses proches. Un brin de compagnie ne lui ferait sans doute pas de mal, et Idalie ne comptait pas lui refuser la sienne.

Ainsi, le jour du rendez-vous venu, Idalie se rendit au manoir Rivefière. Le ciel était clair, annonçant une journée ensoleillée. Pour faire face à la chaleur parfois étouffante des rues de la cité, la jeune femme avait revêtu une robe couleur miel au tissu fin qui dévoilait ses bras avec une grande pudeur. Comme toujours, ses cheveux étaient coiffés en un chignon d'une complexité discrète, et elle était parée avec sobriété, seul un pendentif ornant son cou. Elle offrait un portrait d'une charmante simplicité, de menus détails – la qualité du tissu, la coiffure trahissant le savoir-faire d'une domestique, la posture et le port de tête gracieux – soulignant avec subtilité sa noble naissance.

Une fois arrivée à destination, Idalie frappa trois petits coups à la porte, dont les bandes noires rappelaient le deuil qui accablait les Rivefière. Tandis qu'elle attendait qu'on lui ouvre, elle perçut une mélodie qu'elle connaissait bien, celle du choc des lames. Elle étira légèrement le cou dans une tentative d'apercevoir les combattants, en vain. La porte s'ouvrit et dévoila une domestique qui l'accueillit poliment.

« Bonjour, je suis Idalie d'Auvray, se présenta-t-elle en souriant. Je suis attendue par dame de Rivefière. »

La domestique l'invita à entrer, puis lui indiqua de la suivre, ce qu'elle fit en détaillant admirativement le manoir. L'endroit était décoré avec goût, et les splendides armoiries des Rivefière s'intégraient avec finesse à l'ensemble. Après avoir laissé traîner son regard sur une tapisserie particulièrement remarquable, Idalie reporta son entière attention sur la servante, qui annonça quelques secondes plus tard sa présence à la maîtresse de la maison.

« Dame de Rivefière », salua-t-elle la douairière en souriant avec douceur.
Idalie exécuta une jolie révérence d'usage avant des poursuivre, les mains sagement croisées devant elle, le regard posé sur son interlocutrice.

« Je suis ravie d'avoir l'occasion de faire plus longuement votre connaissance et vous remercie de votre aimable invitation. Mon frère m'a demandé de vous transmettre ses salutations et de vous présenter encore une fois ses plus sincères condoléances. Je me joins évidemment à lui. Puissent les Trois veiller sur ceux que vous avez perdus et vous protéger, vous et vos proches. »

Idalie inclina respectueusement la tête et attendit d'être invitée à s'asseoir avant de prendre place non loin de la veuve. Elles seraient seules, a priori... C'était, à tout le moins, ce que laissaient entendre la quantité de confiseries et le nombre de tasses prêtes à accueillir une infusion délicieusement parfumé qui avaient été déposées sur la petite table. Un tête-à-tête, donc.

La jeune femme allait complimenter son hôte sur la décoration du manoir lorsqu'un cri un peu plus sonore que les autres surgit de la cour intérieure et attira momentanément son attention. Une frustration, une provocation, une blessure mineure? Elle n'aurait su le dire, mais la situation devait être sous contrôle, car le son des lames qui se croisaient leur parvint de nouveau quelques secondes plus tard.

« Vous avez deux guerrier à l'œuvre, comme je peux le constater », dit-elle en se tournant vers la veuve, lui tendant une perche pour commencer la conversation sans l'obliger à s'étendre davantage sur le sujet délicat du deuil qui frappait sa famille.
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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyDim 9 Aoû 2020 - 23:23
Idalie d'Auvray était une jeune femme à l'apparence charmante. Visiblement douce et délicate, elle savait se rendre élégante tout en parvenant à mettre en valeur ses incontestables atouts. La jeunesse, bien évidemment était de ceux-là, tout comme l'était sa candeur affichée. Son teint frais, joliment mis en valeur par la teinte de miel de sa tenue, amenait à la considérer avec confiance, tandis que son sourire affable la faisait paraître inoffensive. Elle avait l'air d'une poupée, tout juste sortie de sa boite enrubannée pour se voir offrir. Certains pourraient ainsi la croire débonnaire, mais Éloïse n'avait rien d'une ignorante jouvencelle. Bien au contraire, la douairière était une femme avisée, qui avait forgé son talent de conspiratrice dans les jeux et les intrigues de cour des années durant. Elle avait ainsi appris à se méfier de l'eau qui dort et savait que les apparences étaient souvent trompeuses.
D'ailleurs, le chignon si « simple » qui coiffait la jeune femme, ne pouvait qu'être l'oeuvre d'une camériste aussi douée qu'expérimentée. Il avait l'avantage de dégager le cou pour en souligner la finesse et permettait d'attirer le regard sur une parure d'une discrète coquetterie. Un accessoire dont la pudique présence flattait le tempérament d'une personne bienveillante et assurément dévouée. La jeune Auvray devait ainsi faire sensation au Temple. Elle pouvait y paraître tout à la fois pieuse et engagée, concernée par le malheur des autres, et même sincère.

Elle lui rappelait ses jeunes années. Quand elle-même jouait sa réputation sur la scène du bénévolat et de l'altruisme. Un temps qui lui parut soudainement lointain, tandis que le large miroir accroché au mur face à elle lui renvoyait le cruel reflet du deuil. Elle n'avait que rarement laissé ses yeux pleurer sa peine. C'était arrivé à la mort d'Alys, sur le chemin de l'exil et à leur arrivée à Marbrume. Puis lorsque son époux était tombé face à la Fange, le 1er mai dernier. Et enfin, à l'annonce du décès de Roland. Ce dernier choc avait creusé son regard de cernes. Il avait aussi eu raison des dernières rondeurs qui, sur son visage, avaient jusque-là dissimulé les rides au coin de ses yeux et de ses lèvres.
Cependant, Éloïse de Rivefière gardait de sa prestance les plus glorieux atouts. Un port de tête royal, qui suffisait à caractériser toute la distinction retranscrite dans ses gestes et une présence, sinon un charisme saisissant, assurément sculpté dans le marbre d'une icône. Ainsi la Comtesse douairière demeurait belle, malgré l'âge et les épreuves qui avaient marqué ses traits d'une fatigue dont s'affranchissaient ses prunelles vertes.

Elle gratifia la rosière d'un sourire bienveillant, appréciant la grâce de sa révérence d'un œil expert. Après tout, la Rivefière était l'une des grandes dames de la cour et ses manières s'auréolaient d'une aisance raffinée. Elle apportait de la fluidité à ses mouvements et de l'emphase qui, si elle avait été un homme, aurait tenu du dandysme. Cependant, aujourd'hui toute vêtue de noir, le portrait qu'elle offrait de sa dignité appelait surtout à la compassion. Inclinant doctement la tête, elle salua la jeune femme avec amabilité et l'invita à prendre place.

« Merci pour vos bons mots Mademoiselle. Ils me touchent avec la chaleur du réconfort, comme le fait la sollicitude de votre frère. Je sais que les Trois veillent sur les dévoués défenseurs de notre cité et je gage qu'ils sauront prendre soin de ceux qui sont tombés à leur service, comme ils le font pour ceux qui continuent de se dresser face aux dangers. »

Elle gardait les yeux rivés sur elle, étudiant ses mimiques, son allure et chacun de ses mouvements. Si son plan devait s'exécuter, il lui faudrait être sûre de son choix. Idalie était incontestablement jolie. Avec ses grands yeux ambrés dont la couleur s'assortissait à sa tenue, elle avait des allures de bouton d'or. Une petite fleur à la beauté pastorale que le temps pouvait bien rendre impérissable. Cependant ce n'était pas tant son apparence qui intéressait la douairière. Éloïse, en effet, voulait découvrir ce qu'il y avait de tempérament derrière cette façade de bienséance.
Le fil de sa pensée, malheureusement, se trouva interrompu par un cri qui, venu de l'extérieure, fit sursauter la domestique alors quelle s'apprêtait à servir le thé. Idalie, en revanche, ne parut pas impressionnée et ce constat fit naître un sourire sur les lèvres de la Rivefière. Du sang froid et un calme olympien... C'était là les gages prometteurs d'un caractère affirmé. Éloïse en fut d'ailleurs convaincue quand son interlocutrice engagea la conversation sur cette note inattendue.

« En effet... » Elle esquissa un léger sourire, avant de reprendre tout en cueillant sa tasse de thé. « Le Comte s'entraîne, comme depuis toujours. Mon fils est passionné d'escrime et cela depuis son plus jeune âge. Il est doué, d'après ce qui se dit. Je ne suis pas une experte. Cependant, mon époux, les dieux aient son âme, semblait de cet avis. »

Tournant son visage vers les portes-fenêtres ouvertes sur le jardin, elle fit discrètement claquer sa langue, avant d'expliquer d'un ton plus bas.

« Il extériorise. À coups d'estoc, de taille et en criant. Il n'a jamais été très discret, sauf quand il s'agit de partager de ses pensées. »

Se fendant d'un sourire contrit, elle reporta son attention sur son invitée et attendit qu'elle se saisisse de sa tasse de thé pour porter la sienne à ses lèvres.

« Vous le connaissez ? Jacob ? »

La question pouvait paraître anodine, mais évidemment, il n'en était rien. D'ailleurs, elle n'attendait aucune réponse.

« Oh, mais oui ! Suis-je bête. Vous l'avez assurément croisé à l'inauguration de votre établissement. Le Bonheur des Âmes, c'est bien cela ? J'espère qu'il s'est montré autrement plus modéré qu'en cet instant. »



Dernière édition par Jacob de Rivefière le Jeu 13 Aoû 2020 - 19:49, édité 1 fois
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Idalie de BeauharnaisComtesse
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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyMer 12 Aoû 2020 - 0:19
Malgré le deuil, Éloïse de Rivefière restait l'image même de la dignité, n'étant visiblement pas de celles que la perte d'un être cher pousse à sombrer dans une tristesse léthargique ou une folie hystérique. Pleine d'une prestance qui forçait le respect, la veuve était une grande dame et le montrait à travers la grâce et la subtilité de ses gestes. Calme, elle détaillait minutieusement Idalie, qui avait remarqué qu'elle était observée sans s'en étonner. C'était, après tout, une façon d'agir typique des dames de haute naissance, qui étudiaient scrupuleusement leurs pairs afin d'évaluer leurs forces et leurs faiblesses. Idalie se prêta à un exercice similaire, prenant mentalement note des gestes et des attitudes de la maîtresse des lieux pour en dresser un portrait général qui l'aiderait à faciliter leurs interactions.

Après avoir remercié la domestique, Idalie se saisit de la tasse de thé fumante, humant les arômes qui s'en dégageaient avec délice. À l'extérieur des murs du manoir Rivefière, les combattants avaient repris leur joute, dont l'écho continuait de parvenir aux deux nobles. La douairière expliqua à son invitée que son fils, récemment devenu comte, s'entraînait à l'épée, comme il le faisait depuis bien longtemps déjà. Elle sourit, peu surprise d'apprendre que l'un des escrimeurs n'était nul autre que Jacob de Rivefière. Lors de leur rencontre au Bonheur des âmes, celui-ci lui avait après tout mentionné manier la lame avec aisance et même sortir vainqueur de tous ses duels.

D'après la veuve, Jacob trouvait dans le combat une sorte d'échappatoire lui permettant d'extérioriser sans discrétion aucune une variété d'émotions qu'il ne semblait manifester autrement. À tout le moins, c'est ce qu'Idalie comprit des paroles de la mère de ce nouveau comte qui gardait pour lui ses pensées. Il s'agissait là, à son humble avis, d'une façon d'être loin d'être inhabituelle pour la gent masculine. Son propre frère, parfois avare de mots, parlait plus aisément avec le fil de sa lame, et il en avait été de même avec son autre aîné, Ulrich. De temps à autre, elle enviait aux hommes la possibilité qu'ils avaient de s'exprimer ainsi. Les femmes, elles, devaient souvent se contenter du silence, à moins de ne pas craindre de se voir qualifiées d'hystériques.

« Oh, soyez rassurée, il s'est montré tout à fait aimable, répondit Idalie lorsque la douairière aborda l'inévitable rencontre entre Jacob et elle lors de l'inauguration de l'auberge. Mes obligations d'hôtesse me tenant occupée, nous n'avons discuté que quelques minutes, mais nous avons eu une conversation fort agréable. Nous avons d'ailleurs abordé le sujet de ses talents d'épéiste et de la possibilité de le voir croiser le fer avec mon frère. Chacun serait assurément pour l'autre un adversaire redoutable. Je suis certaine que le spectacle attirerait bien des curieux, dont moi-même. »

Elle sourit, l'air calme, mais le regard brillant et enthousiaste. Bien que de nature pacifiste, Idalie, qui avait grand auprès de guerriers, savait apprécier une bonne joute à sa juste valeur. Le combat était un art dont elle avait appris à comprendre la beauté avec le temps.

Idalie fit une pause et but une gorgée de thé avec discrétion, ne manquant pas de complimenter au passage la qualité et le goût de la boisson. Même si elle ignorait tout des véritables raisons de cette rencontre, elle à l'aise, à l'image d'une jeune femme qui avait été éduquée pour évoluer parmi les belles gens.

« J'ai cru comprendre que votre benjamin a, pour sa part, choisi d'emprunter la voie de la prêtrise plutôt que celle des armes? demanda-t-elle avec un intérêt sincère. J'ai entendu dire qu'il est un élève très assidu. Vous devez être fière de lui. Rares sont ceux qui ont la grandeur d'âme de servir les Trois avec un telle dévotion. »
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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyLun 17 Aoû 2020 - 22:53
Éloïse écoutait la jeune femme avec une attention non feinte. Chacun de ses gestes, le ton de sa voix ou seulement les inflexions qui s’en démarquaient, étaient autant d’informations qu’elle recueillait soigneusement. Ce qu’elle percevait déjà de ses mimiques et attitudes, et alors même que leur discussion se trouvait tout juste entamée, lui plaisait. Oui, derrière chaque mot habilement choisi par la rosière, elle devinait le cheminement d’une réflexion aiguisée avec intelligence. Cette aisance pétrie de bonnes manières admirablement servies, n’était pas encore le fruit d’une habitude lissée par l’expérience. Elle était issue d’un travail d’étude incontestablement appliqué avec astuce et se trouvait enrichie d’une verve délicieusement caressante. Dans le compliment naît la confiance, alors que la flatterie peut amener à la méfiance. Tout était alors question de mesure et de dosage. Une chose qu’Idalie semblait maîtriser avec un charme juvénile et presque innocent.
 
Opinant du chef tout en faisant discrètement teinter les délicats pendants d’oreilles qui complétaient sa tenue, Éloïse esquissa un sourire. Elle savait déjà tout – ou presque - des attitudes et discussions de son fils lorsqu’il s’était rendu à l’inauguration du Bonheur des Âmes. Les rumeurs et autres commérages filaient à la vitesse du vent dans les ruelles de Marbrume et si vous vouliez savoir quelque chose, il suffisait parfois de tendre l’oreille. Cependant et parce qu’il était important qu’elle puisse présager d’une éventuelle entente entre Idalie et la tête de mule qui lui servait de deuxième fils, Éloïse voulait surtout recueillir l’avis de son invitée. Sa version coïncidait avec ce qu’elle avait pu glaner de renseignements, mais surtout elle associait à leur rencontre des mots intéressants.
 
« Aimable », « agréable »… Rien qui ne laisse supposer un intérêt particulier, alors même que l’enthousiasme s’invitait dans le timbre mélodieux de sa voix.
 
Avec un nouveau sourire, la douairière reposa sa tasse de thé sur la table précieusement marquetée. Cette entrevue lui donnait de quoi réfléchir à l’avenir et surtout, elle lui permettait de l’envisager avec un peu de confiance. L’espace d’un instant et tandis qu’elle songeait à ce qu’elle pouvait confier de ses desseins à la jeune femme, son regard s’attarda sur les lignes du décor qui, sur le meuble, figuraient un arrangement floral. Il n'y avait aucune malice dans ce que la jeune femme laissait transparaître de ses pensées. Idalie d'Auvray n'était certainement pas une conspiratrice et devait probablement s'aliéner de toute méchanceté. Cela ne signifiait pas pour autant qu'elle était sans défense. D'ailleurs, quelle femme pouvait encore se permettre de l'être ? Avec l'apparition de la Fange tout avait changé et si Éloïse avait espéré retrouver sa vie d'avant, elle se rendait aujourd'hui à l'évidence ; plus rien ne serait jamais pareil.

Pour autant, elle demeurait attachée, presque accrochée, aux privilèges qui faisaient son rang et celui de sa famille. Une réputation s'auréolait d'apparences et de bienséance, pour se faire le socle durable du prestige et de la gloire. En cela, elle connaissait les terribles lacunes de son fils et craignait de le voir abandonner ce qu'il restait de faste à leur nom à la disgrâce, et au scandale. Un nouveau sourire vint ponctuer sa pensée, afin d'en dissimuler les affres.

« Servez-vous, je vous en prie. » Elle désigna les friandises parfumées au miel d'un élégant geste de la main.

« Vous m'apportez de bonnes nouvelles et si vous me permettez une confidence... » Elle se pencha légèrement pour illustrer son propos et faire mine de confier un secret à son invitée. « Je suis effectivement soulagée d'apprendre que Jacob s'est convenablement comporté lors de l'inauguration de votre auberge. J'imagine que la perspective d'un possible duel contre votre frère l'aura enchanté. De mémoire, votre aîné est Sergent au sein de la milice intérieure. C'est bien cela ? Un homme admirable, sans aucun doute. »

Un nouvel éclat de voix lui fit tourner la tête vers les portes-fenêtres ouvertes sur le jardin. À l'extérieur, les combattants semblaient croiser le fer avec ardeur. Le bruit des lames s'entrechoquant s'était fait plus sonore, gage d'un combat désormais mené avec acharnement.

« Vous appréciez cela ? Les duels et autres escarmouches ? … Il est vrai qu'une joute peut s'avérer être un spectacle fascinant. » Elle marqua un temps d'arrêt, avant de reprendre l'air sombre. « Il est regrettable que les dernières ce soient achevées dans la terreur et le chaos... »

Un instant de silence apporta de la solennité à ses derniers mots. Idalie en profita pour prendre une gorgée de thé, avant de relancer la conversation sur un sujet potentiellement moins glissant.

« Drystan a toujours eu le désir de devenir prêtre. Il avait entamé sa formation à Rivefière, à l'époque où la Fange n'existait pas encore. Quand nous sommes arrivés à Marbrume, Roland a voulu lui enseigner le maniement des armes. Cependant, le plus jeune de mes enfants n'a rien d'un guerrier. Il est doux, rêveur et bien incapable de faire du mal à autrui. Jacob tient à ce qu'il continue sa formation de prêtre et a engagé ce qu'il faut de démarches pour qu'il réintègre le clergé. Drystan s'en montre d'autant plus appliqué et je crois très sincèrement qu'il fera un excellent prêtre. C'est une chance et une bénédiction que de le savoir si dévoué aux Trois. « 

Elle esquissa un sourire.

« Et vous Mademoiselle d'Auvray ? Parlez-moi un peu de vos projets. Comment vous est venue cette idée d'ouvrir une auberge avec la Comtesse de Pessan ? Êtes-vous l'instigatrice de cette entreprise ? »

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Idalie de BeauharnaisComtesse
Idalie de Beauharnais



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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyJeu 20 Aoû 2020 - 20:08
Au geste de la main d'Éloïse de Rivefière, Idalie posa le regard sur les succulentes friandises déposées devant elle. Elle les avait remarquées en entrant, mais ne s'était pas permis de les étudier attentivement avant y avoir été invitée. Les confiseries étaient aussi magnifiques qu'elles devaient être délicieuses et la jeune noble ne doutait pas une seule seconde qu'elles avaient été inspectées avec soin par la douairière, qui semblait accorder une grande importance à la bienséance et aux apparences.

Par politesse – et par plaisir, inutile de se mentir -, Idalie se saisit avec délicatesse d'une pâtisserie, non avoir remercié la maîtresse des lieux au préalable. Après avoir pris une petite bouchée, elle sourit et acquiesça d'un air approbateur, glissant un compliment sincère sur la savoureuse collation. Même si elle avait la dent sucrée et un brin de gourmandise à se reprocher, elle se contenta de grignoter avec l'élégance que l'on attendait d'une sang bleu bien éduquée.

Lorsque la veuve se pencha vers elle, comme pour lui murmurer une confidence, Idalie suivit naturellement le geste. Elle sourit calmement en écoutant son interlocutrice, qui se disait soulagée de savoir que son fils s'était bien comporté lors de l'inauguration de l'auberge. Il n'était pas nécessaire de lui demander d'expliquer ses craintes; la réputation d'enfant terrible de Jacob n'était, après tout, plus à faire. Cependant, Idalie n'avait à reprocher au jeune homme aucun comportement répréhensible. Leur conversation, bien que courte, avait réellement été agréable, et elle aurait probablement pu se poursuivre un bon moment dans d'autres circonstances.

« Oui, c'est bien cela, confirma Idalie lorsque la douairière l'interrogea sur son frère. Son devoir lui tient beaucoup à cœur. Je suis très fière de lui. »

Idalie trouvait son frère admirable et lui vouait un amour indestructible, mais ne parlait que très rarement de la force de leur lien, en particulier avec des inconnus. Aussi ne s'étendit-elle pas davantage sur le sujet, opinant simplement du chef à la question de la douairière. Elle avait un certain goût pour les duels entre hommes d'armes, pour la danse des lames. Un art qui n'avait rien à voir avec les guerres où l'on versait le sang d'innocents ou encore avec les attaques de Fangeux où seule la chance permettait de survivre. Idalie eut un léger frisson, acquiesçant une nouvelle fois du même air grave qu'Éloïse après avoir trempé ses lèvres dans son thé et avoir relancé la conversation.

La veuve parla de son dernier né, Drystan, et Idalie retrouva rapidement son doux sourire. Le benjamin des Rivefière avait trouvé sa voie et, plutôt que de le mener vers les armes, celle-ci l'entraînait vers la prêtrise. Drystan paraissait avoir le tempérament tout indiqué pour devenir un bon clerc et, sans le connaître, Idalie avait le sentiment qu'il ferait un admirable représentant des Trois à Marbrume.

« Assurément, et je suis certaine qu'il servira les Trois honorablement », répondit-elle avant de s'autoriser une nouvelle bouchée de confiserie.

La veuve s'intéressa alors à elle et à ses projets, et Idalie se demanda un instant si son entreprise avec la comtesse de Pessan était le véritable motif de cette rencontre. Ou peut-être Éloïse souhaitait-elle lui confier un projet à son tour? Ou... rien de tout cela. Une simple discussion entre femmes de la haute société.

« Ma foi, j'aurais bien aimé l'être, mais l'établissement appartient à la comtesse de Pessan, dit-elle. Elle venait de le racheter lorsque nous nous sommes rencontrées et elle m'a proposé de m'associer à elle pour le transformer, car il n'était pas des plus... acceptables, si vous me permettez l'euphémisme. L'idée d'une auberge de luxe ayant différentes vocations est venue de notre collaboration et j'admets m'être lancée corps et âme dans ce projet. Il s'agissait d'une belle occasion à saisir, et il est très stimulant de voir ses idées se concrétiser ainsi. »

La jeune femme sourit à son interlocutrice avec un enthousiasme qu'il était inutile de dissimuler. Il était rare de voir des femmes unir leurs forces pour se lancer dans une entreprise de ce genre et elle était fière du travail accompli, d'autant plus qu'elle avait su s'organiser pour ne pas délaisser ses activités au temple ou négliger la tenue de la maison. Elle avait du sommeil à rattraper, mais peu importe!

« Ce projet m'a donné un certain goût pour la rénovation et le commerce, alors j'espère avoir d'autres occasions de mettre mes talents à profit. En attendant, il me tient toujours occupée et je reste présente au temple pour aider mon prochain. »

Elle sourit de nouveau, détournant brièvement le regard vers la fenêtre, d'où provenaient d'autres éclats qui trahissaient un rude combat. Ne s'attardant pas, elle reposa son attention sur la douairière.

« Avez-vous le sens des affaires, Dame de Rivefière? demanda-t-elle. Vous êtes-vous déjà lancée dans une entreprise de ce genre? »
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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyMer 2 Sep 2020 - 22:59
C'était une conversation agréable. Une discussion sans réel enjeu, mais qui devait pourtant permettre à la douairière d'atteindre un objectif qu'elle s'était elle-même fixé. Ainsi, au fur et à mesure qu'elle observait Idalie, et tandis qu'elle la voyait faire montre d'élégance, de retenue et de grâce, Éloïse s'en trouvait de plus en plus convaincue. Sa jeune invitée était indubitablement parfaite pour endosser le rôle qu'elle avait imaginé. Elle ne put cependant s'empêcher d'éprouver une certaine gêne. Un regret qu'elle refusait de nommer et qui, de manière inattendue, se mua en une onde de sympathie dont Idalie ne trouvait être la destinataire. Ce revirement parfaitement inattendu se cristallisa autour d'une pensée.

Elles auraient pu être des amies.... Oui, sans aucun doute. Idalie et Alys auraient trouvé à s'entendre. Malheureusement, Alys n'avait jamais atteint Marbrume et cette pensée ajoutait une nouvelle fois à la peine de la Comtesse douairière.

Éloïse pouvait être forte et faire montre d'une dignité à toute épreuve, il n'en demeurait pas moins que les dieux avaient très largement éprouvé ses limites. Elle sentait aujourd'hui, tandis que son regard se posait sur l'innocente rosière, toutes les fissures creusées dans son cœur par le deuil. Comme des sillons douloureux qui griffaient le battant de sa vie et qui de plus en plus, l'amenait à faillir quand il devait tenir son rôle de meneur. C'était terrible d'imaginer les traits d'un enfant aimé et malheureusement perdu dans le flot de l'horreur, seulement en posant les yeux sur les similitudes qui, dans le geste d'un autre, vous le rappelaient. C'était terrible et à la fois réconfortant, d'apercevoir Alys dans les manières et attitudes d'Idalie. Elles savaient vraiment beaucoup de points communs.

À l'inverse, Serena était tout l'opposé d'Idalie et ce constat ne pouvait que se trouver regrettable. Avec l'exil et avec tout ce qu'ils avaient perdu de leur biens, il n'avait pas été aisé de conserver leur rang. Il avait fallu batailler et accepter de s'avilir. En s'endettant auprès de Rougelac, ils étaient parvenus à garder de leur superbe. La somme prêtée et considérablement élevée, avait permis leur installation, mais les avait maintenus sous la tutelle d'un homme de poigne qu'elle n'aurait pas rechigné à avoir pour gendre. Malheureusement, Serena n'avait pas daigné faire le moindre effort. Pire encore, elle avait scrupuleusement veillé à enterrer tout espoir d'alliance en se montrant désagréable, rebelle et pire encore...En allant rejoindre les rangs de la milice, Serena avait tout gâché de sa réputation. Elle était devenue une honte pour la famille. Quel homme honorable aurait pu vouloir épouser une telle frondeuse ?

Éloïse aimait ses enfants. Les dieux pouvaient lui en être témoins, elle adorait chacun d'entre eux. Mais peut être aurait-elle aimé que Serena soit un peu plus douce. Non pas fragile et cassante, non... Mais juste un peu plus tempérée comme semblait l'être Idalie et comme l'était Alys. Et peut être aurait-elle apprécié que Jacob soit un peu plus responsable et fiable, comme l'était Roland et comme devait l'être le Sergent Zéphyr d'Auvray.

Elle opina du chef pour acquiescer aux propos de sa jeune invitée. Le projet qu'elle lui exposait semblait avoir été mené de main de maître et elle ne pouvait qu'encourager l'engouement qu'elle percevait dans les propos de la petite noble. Contrairement à son fils, le désormais Comte de Rivefière, elle avait vu dans l'inauguration d'un tel établissement une belle preuve de l'amélioration de la condition humaine. Jacob, était resté sceptique et tout particulièrement critique quant à cette entreprise qu'il avait jugée futile et déplacée. Éloïse avait vraiment craint qu'il tienne de ses tirades satyriques mettant en scène une noblesse oisive et un peuple opprimé. Heureusement, il avait su se tenir, en témoignait l'enthousiasme intact de la jeune Auvray.

« Oh oui, je ne doute pas que les transformations apportées à l'établissement l'ont rendu non seulement plus acceptable, mais également plus estimable. C'est une bonne chose que vous soyez intervenue et cela est d'autant plus profitable que cette expérience vous a visiblement enrichie. Il est de bon ton, pour une dame de qualité, de montrer l'exemple d'une belle réussite. Aussi, même si vous n'êtes pas à l'origine du projet, vous n'en déméritez pas moins. Je suis certaine, rien qu'à entendre le ton de votre voix, que vous avez su mettre tout votre cœur dans cet ouvrage. »

À son tour, elle alla cueillir l'une des friandises précieusement enrobées de miel. Elle savait ces douceurs exquises et connaissait leur habituel succès auprès des convives. Leur domestique, Margareth, était un prodige en cuisine. Elle savait préparer un banquet à partir de rien et avait un indéniable talent pour l'ornement. Ainsi et tout en laissant son regard apprécier l'oeuvre de la servante, Éloïse esquissa un sourire.

« J'apprécie cela. C'est un réel plaisir que de découvrir des jeunes gens prêts à s'investir corps et âme dans un projet. C'est également très plaisant de les voir aussi enthousiastes. J'espère sincèrement, Mademoiselle d'Auvray, que vous trouverez à mettre vos nouveaux talents acquis à contribution. Ce serait en effet merveilleux. »

Elle marqua un temps d'arrêt avant de goûter à la gourmandise brillante de sucre. Elle était effectivement succulente, comme à l'habitude.

« J'ai eu cette même chance que vous, lorsque j'étais plus jeune. »

Elle esquissa un sourire, avant de reprendre.

«  Je crois pouvoir dire, sans me laisser aller à la vantardise, que j'ai quelques connaissances, sinon un certain talent pour le jardinage. J'ai ce que l'on appelle communément la main verte. Mon époux, à l'époque de notre première rencontre, avait été tout particulièrement impressionné devant la splendeur de mes rosiers. Même si je l'avais alors très fortement soupçonné de seulement chercher à me flatter, il n'avait pas manqué me surprendre en me laissant... »

Elle papillonna des yeux cherchant visiblement à se rappeler cet ancien souvenir.

« Quels étaient ses mots exacts... ? Hmm... Ah oui ! Il avait parlé de carte blanche ! C'est bien cela. Il me laissait carte blanche pour m'occuper de l'entièreté des jardins de Rivefière... Ils étaient immenses et offraient une vue sur l'océan des plus remarquables. Ma plus jeune fille, Alys, adorait s'y promener. C'était réellement une belle époque. »

Un nouveau silence s'installa. Dédié à la nostalgie, il amena un peu plus de tristesse dans le regard de la douairière. Une mélancolie que son sourire voulait masquer, mais qui n'en demeurait pas moins réelle. Un nouveau cri venu de l'extérieure mit cependant un terme à sa rêverie. Tournant vivement son visage vers la terrasse ombragée, elle fronça les sourcils, avant de glisser un malicieux regard vers Idalie.

« Et si nous allions voir ce qui se trame à l'extérieur... Hmm ? »

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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptySam 5 Sep 2020 - 19:32
Si certaines femmes à la mentalité plus traditionnelle n'aimaient pas voir leurs comparses se tailler une place dans le domaine des affaires, qu'elles jugeaient réservé aux hommes, Éloïse de Rivefière n'était pas de celles-là. Au contraire, la veuve semblait approuver avec sincérité l'entreprise dans laquelle Idalie s'était lancée en ouvrant le Bonheur des âmes en compagnie de la comtesse de Pessan, et la jeune noble ne put que se montrer ravie face à une telle réaction. Idalie était fière du travail accompli dans l'auberge, mais aussi heureuse d'avoir pu, en quelque sorte, confirmer son talent et son goût pour le commerce et la négociation. L'expérience lui avait permis d'affirmer certaines de ses compétences et de s'en découvrir d'autres, un atout qui lui serait non négligeable pour ses éventuels prochains projets.

Aux compliments et aux bons souhaits de la douairière, Idalie inclina doucement la tête avec humilité. Elle ignorait si une autre occasion comme celle du Bonheur se présenterait réellement, mais elle l'espérait. En fait, peut-être initierait-elle elle-même un projet, un de ces jours. Elle ne manquait généralement pas d'idées... juste de moyens. C'était un obstacle, certes, mais il n'était pas nécessairement insurmontable.

La douairière reprit, parlant de son talent pour le jardinage et de la confiance que feu son époux lui avait accordée pour aménager la totalité des jardins de Rivefière. Idalie sourit en imaginant une jeune Éloïse de Rivefière parcourir un territoire immense, l'œil brillant tandis que sa vision prenait vie. Elle ne doutait pas un seul instant que les jardins de Rivefière avaient été grandioses et entretenus avec une rigueur rare.

Respectueuse, Idalie n'interrompit pas le silence qui s'installa quand Éloïse évoqua, la nostalgie et la mélancolie dans le regard, sa fille, Alys. Elle se contenta de regarder la veuve calmement, lui offrant silencieusement son empathie sans lui faire l'affront de lui servir une quelconque pitié. Si Éloïse de Rivefière restait digne, Idalie ressentait et comprenait cette tristesse qu'elle ne parvenait pas tout à fait à dissimuler. Elle savait que la perte d'un être cher ouvrait une blessure qui ne guérissait jamais totalement. Elle ne pouvait toutefois qu'imaginer à quel point cette douleur restait vive lorsque l'être cher en question était son propre enfant.

Le combat qui se jouait à l'extérieur attira momentanément l'attention des deux femmes. Lorsqu'Éloïse proposa d'aller jeter un coup d'œil à ce qui se tramait hors des murs du manoir, Idalie sourit et acquiesça avec enthousiasme.

« Voilà une proposition qui me permettra de satisfaire ma curiosité », dit-elle, ravie d'avoir l'occasion de regarder les deux guerriers en pleine action.

Lorsque son hôtesse se leva, Idalie l'imita, défaisant soigneusement les quelques plis qui marquaient le tissu de sa robe, replaçant coquettement une mèche de cheveux qui avait décidé de se rebeller. Elle suivit ensuite sagement la veuve, puis revint sur leur discussion précédente :

« Puis-je me permettre de vous demander comment elle était? Votre fille, Alys. »

Idalie posa son regard miel dans celui de son interlocutrice. Son intention n'était pas de blesser la mère endeuillée, seulement de l'inviter à parler si elle le souhaitait. Elle lui offrait son oreille sans malice, sans autre but que d'en savoir plus sur cette jeune femme qui était encore bien en vie dans les souvenirs de ceux qui l'aimaient. Étrangement, parler des défunts faisait parfois du bien. C'était en quelque sorte une manière de les ressusciter un bref un instant, de les revoir à une époque heureuse. Elle-même sentait son cœur s'alléger, parfois, lorsqu'elle parlait de ses parents, de son frère ou de sa sœur avec Zephyr.

« Partageait-elle votre passion et votre talent pour le jardinage? ajouta-t-elle. Ma propre sœur, Gracianne, adorait les fleurs et savait les utiliser pour faire des coiffures spectaculaires. »
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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyMer 16 Sep 2020 - 15:48
Éloïse avait redressé le menton, digne, toujours et alors même qu'elle était sur le point de s'avilir dans la manigance. Mais... Les dieux seuls jugeraient de ses choix et ils le feraient en temps et en heure. C'est-à-dire bien assez tôt. Quant à Idalie d'Auvray, elle comprendrait un jour, si Anür lui permettait de devenir mère. En attendant, la douairière s'engagea en direction de la terrasse ombragée.

Le parfum sucré du chèvrefeuille en pleine floraison ne tarda pas à apprivoiser ses sens. La très remarquable plante, toute occupée à grimper le long d'une tonnelle en fer forgé, s'épanouissait au soleil pour offrir une bienveillante protection à qui voulait profiter du jardin. Ses fleurs, roses et crèmes, s'accordaient sans fausse note avec le reste des jasmins, rosiers et clématites ornementant la plate-forme de pierre ainsi que son belvédère. Le tout formait de fait un cocon harmonieux qui, à une autre époque, devait se trouver propice à la détente. D'ailleurs, installés à quelques pas seulement des portes-fenêtres, une bergère et son récamier assorti de larges coussins venaient appuyer cette pensée. Cependant et alors que le bruit de lames s’entrechoquant se faisait ici plus tapageur, force était de constater qu'il serait bien impossible de s'y reposer en toute tranquillité.

L'air presque contrarié, Éloïse plissa les lèvres tandis que, par-delà la rambarde, son regard se posait, sur la silhouette de son fils. Le cheveux en bataille et la mine sérieuse, ce dernier livrait vraisemblablement bataille contre un adversaire qui, de toute évidence, lui donnait du fil à retordre. D'ailleurs, les passes d'armes s’enchaînaient, vives et pressantes, sous le regard fasciné d'un troisième homme. Un manchot au physique pourtant athlétique et dont la barbe entretenue avait pris la teinte du sel. Sa voix puissante et marquée d'enthousiasme s'élevait parfois au-dessus du fracas des armes pour faire entendre son contentement comme son amusement.

« C'est ça ! C'est exactement CA que je voulais voir ! »

Sur un soupir, Éloïse leva les yeux au ciel avant d'inviter Idalie à prendre place.

« Cela dure depuis ce matin... »

Le sourire qu'elle lui adressa en complément de cette confidence était teinté de connivence. La douairière avait conscience de ce que ces entraînements pouvaient avoir d'importance. La noblesse devait tenir son rôle dans les salons, mais également sur les champs de bataille. Le nouveau Comte de Rivefière ne dérogeait pas à cette règle, quand bien même son tempérament fut celui d'un révolutionnaire. Cependant et tandis qu'elle s'installait, Éloïse opina du chef avant de reprendre d'un ton nostalgique et chargé d'une sincère émotion.

« Je n'ai plus souvent l'occasion de parler d'elle... Alys. C'était une jeune femme charmante. Elle appréciait de pouvoir profiter des jardins et comme moi, aimait sentir la terre glisser entre ses doigts. Je me souviens que nous avions planté ensemble un olivier qui, d'année en année s'élançait toujours plus haut vers le ciel. Elle était douce et sensible. Et elle avait le cœur sur la main, vraiment, mais elle n'était pas dénuée de caractère. Elle pouvait même se montrer redoutable. Surtout quand vous deviez l'affronter aux échecs... »

D'un signe de la main, elle appela Margareth - la domestique – à transférer leur collation vers la terrasse.

« Vous me faites un peu penser à elle... Pas physiquement, certes. Alys était aussi blonde que son jumeau, mais... Voyez-vous... Je pense que son tempérament était assez similaire au vôtre. Je suis même persuadée que vous vous seriez bien entendues. Sa perte a été une vraie tragédie et si je la pleure encore, j'imagine que Jacob ne parviendra jamais à faire son deuil. Les clercs affirment que c'est presque impossible pour ceux qui ont partagé le même ventre pendant neuf mois. »

Les paroles étaient sincères. Elles actaient la pensée d'une mère triste et inquiète pour sa progéniture. Une mère indéniablement soucieuse du bien-être de ses enfants et dont l'image présentement assouplie, donnait une vision moins strictes et fermes.

« Parlez-moi de votre sœur, si à votre tour, vous le voulez bien. Gracianne... C'est un joli prénom. À l'image de ces parures fleuris qu'à vos dires j'image glissées dans ses cheveux. »

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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyJeu 17 Sep 2020 - 20:46
Idalie suivit sagement son hôtesse, laissant son regard vagabonder sur les splendides fleurs qui ornaient la terrasse du manoir Rivefière. Discrètement, elle prit une profonde respiration, désireuse de profiter de tous ces parfums qui s'agençaient avec une rare justesse. L'endroit avait tout d'un havre de paix et elle ne doutait pas que la veuve s'y installait souvent pour savourer quelques moments de calme. Enfin, lorsque son fils ne s'entraînait pas avec assiduité non loin de là.

Lorsque le regard d'Éloïse se porta sur la silhouette des combattants, Idalie se permit de laisser libre cours à sa curiosité. Elle reconnut sans peine Jacob, qu'elle avait déjà rencontré et dont la blondeur particulière le rendait presque instantanément reconnaissable, mais dut admettre ignorer l'identité de son adversaire et de leur témoin. Elle sourit en observant les passes d'armes. Même s'il semblait mener un combat acharné, le comte faisait honneur à sa réputation d'excellent épéiste. Idalie suivit le mouvement des lames, ne délaissant la scène pour se retourner vers la douairière que lorsque celle-ci reprit parole.

« Les guerriers ont souvent tendance à être ainsi infatigables », offrit-elle après avoir été invitée à prendre place.

Idalie jeta un dernier coup d'œil aux combattants, puis accorda toute son attention à Éloïse, qui lui parlait désormais d'Alys. Elle fut touchée quand la veuve lui avoua qu'elle lui faisait penser à sa défunte fille. C'était, vu l'amour qu'elle lui portait visiblement, un grand compliment, Idalie sourit doucement en inclinant la tête pour remercier son interlocutrice.

À l'évocation de Jacob, Idalie se tourna momentanément vers ce dernier. Alys était donc sa sœur jumelle... Elle sentit son cœur se serrer en songeant au deuil qui devait accabler le nouveau comte. Perdre un frère ou une sœur était excessivement douloureux, elle en savait quelque chose. Mais perdre une personne avec qui l'on avait grandi dès les premiers jours de la bénédiction de Serus, avec qui l'on avait un lien absolument unique sur terre... C'était inimaginable.

Prise d'un grand sentiment d'empathie, Idalie finit par revenir à Éloïse.

« C'est une perte terrible, dit-elle calmement. J'espère tout de même qu'Anür se montrera bienveillante envers lui et qu'elle l'aidera à se remémorer les bons souvenirs, ceux qui le feront sourire et lui permettront d'atteindre une certaine forme de paix intérieure. Et j'espère également qu'elle en fera de même avec vous. »

Elle sourit avec sincérité, son regard posé dans celui de la douairière.

« Alys semble avoir été une personne merveilleuse... Je suis très honorée d'être comparée à elle. »

Idalie marqua une pause, appréciant une fois de plus les magnifiques couleurs du jardin avant de poursuivre :

« Gracianne était une jeune femme pleine de vie. Elle était enthousiaste et aimait beaucoup rire. Elle avait réellement un grand talent pour la musique, nous avions cette passion en commun. Elle était dotée d'un esprit affuté et d'un goût pour le beau, le grand monde... J'ai reçu toute l'éducation pour partir à la cour et honorer le nom d'Auvray, mais nous avons fini par échanger nos places d'un commun accord. Elle souhaitait tant évoluer parmi d'autres jolies nobles, participer à tous les bals grandiloquents, s'amuser à jouer les intrigantes... Elle était très heureuse, là-bas. »

Gracianne avait été un véritable poisson dans l'eau à la cour. Pourtant, Idalie sentait parfois la culpabilité l'éteindre. Si elles n'avaient pas échangé leurs places, son aînée serait encore en vie. Un léger voile de tristesse passa dans son regard, mais elle le chassa rapidement, comme habituée à demeurer composée, à afficher un air qui ne trahissait pas ses émotions les plus profondes.

« Nous nous entendions à merveille malgré nos caractères plutôt différents. En fait, l'ensemble de la fratrie entretenait des relations en général très harmonieuses... Était-ce le cas pour vos enfants? »
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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyJeu 8 Oct 2020 - 18:00
Éloïse n’eut aucun mal à reconnaître la maîtrise et la pudeur affichées dans le comportement d’Idalie. Elle opina du chef et dans un élan de sympathie tout-à-fait inédit, s’osa à poser une main réconfortante sur l’avant-bras de la rosière. Elle n’avait pas besoin d’en dire plus, la douairière comprenait et savait ce que les silences contenaient de chagrin. Elle connaissait également les impératifs comme les obligations qu’imposait la bienséance.

Les jeunes femmes de bonnes familles apprenaient très tôt à contenir leurs émotions. C’était ainsi qu’il fallait leur céder force de décision. Certaines – et c’était son cas – étaient initiées de cette manière à l’intrigue et aux jeux de cour, ainsi qu’à la gestion et à la diplomatie. Elles pouvaient également se voir instruites et Éloïse avait veillé à ce que ce soit le cas pour ses deux filles. À Rivefière, ses enfants avaient partagé leurs temps d’études, comme leurs précepteurs. Ils avaient appris les sciences, les lettres, les pas de danse et s’étaient soumis – avec plus ou moins de réussite – à l’apprentissage d’un instrument de musique. Cependant, tout ne pouvait être parfait. Entendre Jacob malmener sa guiterne avait été parmi les pires supplices. Même les chiens préféraient alors fuir les sons ravageurs qu’il était capable de créer seulement en pinçant deux cordes.

Toute à sa pensée, Éloïse esquissa un sourire, avant de cueillir entre ses doigts pâles et délicats la tasse de thé que lui tendait la domestique. Nen revenant pas moins rapidement à l’instant présent, elle reporta son attention sur Idalie.

« Notre famille a souffert… »

Elle s’interrompit dans un soupir et sembla chercher ses mots, visiblement soucieuse de trouver la tournure la plus honnête, mais juste. Celle qui n’en viendrait pas à trop cruellement dépeindre une situation devenue compliquée, mais – elle en était convaincue – pas insurmontable.

« …Elle a été très lourdement éprouvée - comme beaucoup d'autres - et même si nous portons tous le même nom, nous ne sommes pas tous faits du même bois. Chacun de mes enfants semble gérer ce qu’il a éprouvé et éprouve encore de chagrin à sa manière. Cela a pu créer quelques désaccords, mais n’altère en rien l’affection qu’ils se portent, malgré les apparences. »

Elle tourna la tête vers le carré d’entraînement et en direction de son deuxième fils qui, occupé à faire valoir sa réputation de fine lame, se lançait dans une impétueuse passe d’armes. Le bruit fort et métallique des lames s’entrechoquant la força un instant au silence. Elle n’était pas une experte et n’avait d’ailleurs aucun goût pour le duel et ses affaires. Elle savait cependant admettre l’indéniable talent du désormais Comte de Rivefière et se figurait sans effort la hargne qui animait ses attaques furibondes. Un œil averti lui aurait pourtant exposé les failles naissantes dans les gestes fatigués du noble. Les eaux les plus déchaînées en venaient toujours à se briser contre de solides rochers.

Tout en proie à la colère, Jacob perdait en précision. Ses feintes mécaniquement exécutées se trouvaient moins souples. Encombrés de courbatures, ses membres l’obligeaient à prendre risques inconsidérés pour seulement approcher son adversaire. Ce dernier, même s’il ne paraissait pas se trouver épargné par la joute, n’en semblait pas moins prêt à prendre le dessus.
Le geste de sa contre-attaque s’imprégna d’une part de félonie. Hors les règles d’une escrime traditionnelle et seulement armée d’efficacité, il frappa durement l’avant-bras du Rivefière. Aidée par une exclamation de surprise, l’arme voulu prendre son envol, mais se trouva tout juste retenue entre les doigts de son propriétaire. Néanmoins exposé, Jacob ne put éviter le coup de bouclier qui le frappa violemment. Le bruit mat et caractéristique accompagna sa chute alors qu’il tombait et que son crâne heurtait l’une des pierres posées en bordure des parterres fleuris.

« Jacob ! »

Se redressant d’un bond, Éloïse avait porté une main à ses lèvres sans que ses doigts ne parviennent à retenir son cri. La tasse qu’elle n’avait pas eu le temps de reposer bascula pour renverser son contenu sur le sol. En proie à l’affolement, le cœur palpitant et prêt à exploser, elle avait écarquillé les yeux sans pouvoir plus réagir davantage.

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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyLun 12 Oct 2020 - 20:24
Lorsque la main d'Éloïse se posa sur son bras, Idalie esquissa un léger sourire reconnaissant à la veuve. C'était un geste simple, mais réconfortant qui témoignait d'une empathie sincère, de ceux qui brillaient le plus souvent par leur absence dans les échanges entre nobles. Les deux femmes, bien que fort différentes sur de nombreux aspects, se comprenaient. Nul besoin d'aller au-delà de ce que les regards pouvaient révéler sur la tristesse qui étreignait parfois leur cœur de sœur, d'épouse, de mère.

Après avoir trempé ses lèvres dans sa tasse de thé, Idalie offrit un sourire compréhensif à Éloïse. La situation semblait être complexe entre les enfants Rivefière, mais comment pouvait-il en être autrement? Une tragédie n'attendait pas l'autre, les plongeant dans un nouveau chaos sans leur laisser le temps de se remettre du précédent.

« Les apparences sont trompeuses, de toute manière, dit Idalie en suivant le regard de son interlocutrice. Les différends et les différences suffisent rarement à ébranler l'amour fraternel. Celui-ci est souvent plus fort qu'on peut l'imaginer. »

La conversation fut momentanément interrompue par le bruit des lames qui, plus loin, s'entrechoquaient énergiquement. Idalie profita de cet instant pour observer avec attention les combattants et apprécier la joute, qui gagnait en intensité. Elle fronça très subtilement le nez en voyant que le comte semblait perdre du terrain. Avait-il épuisé ses forces trop rapidement en se lançant dans une série de coups puissants avant que le bon moment se présente? Était-il simplement fatigué ou distrait? Loin d'être experte dans l'art du duel, Idalie n'aurait su cibler les raisons pour lesquelles le comte de Rivefière perdait de sa superbe; elle en savait juste assez pour constater un changement dans le style du noble combattant. Un changement qui se plaçait entre lui et la victoire.

Idalie espérait voir le comte reprendre du poil de la bête lorsque celui-ci, atteint par un coup inattendu, bascula et se heurta la tête contre une pierre du jardin. Accompagné de sa propre exclamation de surprise, le cri d'inquiétude d'Éloïse retentit. Si la mère resta figée – brièvement à tout le moins -, Idalie eut plutôt le réflexe de se lever et d'accourir auprès de Jacob, malmenant certainement quelques fleurs et sa robe dans le processus.

« Ne bougez pas! », lança-t-elle à l'intention du comte avant de s'agenouiller à côté de lui.

Idalie jaugea le comte, son état général. Le jeune homme était sonné, mais ne semblait pas blessé trop sérieusement. Elle était en train d'évaluer la gravité de sa blessure, de voir si la plaie était superficielle ou si elle nécessiterait d'être recousue, lorsqu'il commença à bouger un peu plus, comme pour tenter de se relever.

« Ne bougez pas », répéta-t-elle.

Le noble semblait cependant en avoir contre son adversaire et vouloir se venger sans attendre, une réaction qui ne l'étonnait pas, notamment parce qu'elle en avait été témoin un nombre incalculable de fois entre ses guerriers de frères à Auvray. En cet instant précis, elle lisait en Jacob comme dans un livre ouvert; les intentions du fougueux comte de Rivière ne lui échappaient nullement.

Alors que le comte tentait une nouvelle fois de se relever, Idalie plaqua une main contre son torse pour l'empêcher de bouger et le fixa droit dans les yeux d'un air sévère.

« Jacob de Rivefière, si vous bougez encore ne serait-ce que le petit doigt, je vous promets que vous regretterez votre désobéissance encore davantage que cette blessure et que votre plus grand combat ne sera pas avec cet homme. »

Elle jeta d'ailleurs un coup d'œil au combattant à l'origine de cette situation qui aurait facilement pu se transformer en une nouvelle tragédie pour la famille Rivefière. Elle ne le connaissait pas, mais lui reprocha tout de même son imprudence, non sans avoir rassuré Éloïse d'un regard avant :

« Vous auriez pu le tuer. Ces coups n'ont pas leur place dans un duel amical. Et encore moins en terrain aussi hasardeux. »

Elle reposa son attention sur Jacob pour étudier sa blessure et grimaça :

« Rendez-vous utile et allez donc quérir auprès de la domestique le matériel nécessaire pour nettoyer et recoudre la plaie. S'il vous plaît. »
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Jacob de RivefièreComte
Jacob de Rivefière



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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptyMer 27 Jan 2021 - 12:00
Un instant sonné par le mauvais coup qu'il venait d'encaisser, mais surtout par sa chute, le Comte de Rivefière peina à retrouver ses esprits. L'ouïe sifflante, les muscles encore affectés et la conscience empesée par la surprise, il restait immobile au milieu du parterre de fleurs ravagées. Les sons, déformés par un étrange bourdonnement, lui paraissaient lointains. N'était-ce le tintement croquignolet d'un murmure cristallin. Un chuchotement délicat, qui se mua en écho pour répéter une étrange injonction. "Ne bougez pas"... L'idée lui parut plaisante. Sur son lit coloré de pétales, le visage offert au soleil estival, il pouvait bien s'offrir un peu de repos, non ?

C'était tout le moins ce qu'il avait imaginé le temps d'un battement de cil. Cependant, son tempérament volcanique ne tarda pas à refaire surface. Au creux de son ventre, la rage reprenait de sa force pour gronder. Une fureur tout juste contenue, exacerbée par son orgueil blessé. Venait-il de trouver meilleure lame que lui ? S'il avait pris le temps de considérer les faits objectivement, la réponse à cette question n'aurait très probablement pas eu le même impact.

Jacob s'entraînait depuis l'aube. Il avait affronté et vaincu - l'un après l'autre - cinq épéistes parmi les meilleurs du royaume, avant de croiser le fer avec le "poulain" de son ancien maître d'armes. Évidemment qu'il était usé. Fatigué d'avoir gardé chacun de ses sens en alerte pendant plusieurs heures d'affilée. Éreinté même de ce qu'il imposait de privations - volontaires ou non - à son corps. Le manque de sommeil, son défaut d'appétit et l'abus de substances réputées dangereuses, concourraient à le rendre moins vaillant. S'il n'avait été entraîné depuis son plus jeune à l'acquisition de ces mécanismes qui faisaient de lui la fine lame que beaucoup vantaient, il n'aurait pas même pu prétendre tenir son arme fermement.

L'honnêteté et le recul cependant, n'étaient pas de l'apanage du pugnace qui ne voulait rien laisser à l'abandon. Jacob en était donc convaincu. Il n'avait pas dit son dernier mot. C'est alors que l'oeil mauvais et rivé sur le gaillard qui se tenait toujours face à lui, il tenta de se mettre debout. Il n'en resterait pas là. Oh non ! Ni l'élancement dans son bras, ni même celui qui faisait exploser quelques douloureuses pensées dans son crâne ne le retiendraient. Et ce n'était pas son nouveau statut qui trouverait le chemin de sa raison. Le Rivefière voulait en découdre. Il y tenait d'autant plus que son opposant avait "triché". Jamais il ne cèderait la victoire à la félonie d'un adversaire qui ne respectait pas les règles !

Cependant et alors qu'il allait se redresser, une main vint à se plaquer contre son torse pour l'en empêcher. Il fronça les sourcils, prêt à se débattre pour chasser l'impudent. L'air revêche et la mine aride, il reporta son attention sur l'insolent. Pour qui se prenait-il ?! Foi de Rivefière, personne ne pourrait l'empêcher de retourner au combat et très certainement pas...

Son regard se heurta à deux prunelles ambrées qui le fixaient avec sévérité. Interdit, tandis qu'il reconnaissait le visage délicat qui lui faisait face, il mit un instant à réaliser qu'Idalie d'Auvray avait entreprit de le gronder comme s'il n'était qu'un vil garnement. Son ton péremptoire - digne d'un sergent de la milice - tout comme les mots qu'elle martelait avec conviction, tenaient de l'injonction.
Il cligna des yeux, plusieurs fois et garda le silence, le temps d'entendre la jeune femme lancer ses ordres. Puis, contre toute attente, il éclata de rire.

« Par tous les dieux, Mademoiselle d'Auvray ! Rappelez-moi de ne jamais vous mettre en colère ! »

Sa main se porta à son crâne douloureux. Elle avait raison. Il aurait pu se tuer dans sa chute, mais la chance continuait visiblement de lui sourire. Baissant les yeux vers ses doigts ensanglantés, il esquissa une légère moue. Une mimique aux allures enfantines, qui voulait rappeler son âge encore jeune. À vingt ans, le nouveau Comte de Rivefière demeurait un presque adolescent. Un tout jeune adulte que la Fange avait obligé, comme beaucoup d'autres, à grandir trop vite. Les gens de sa maisonnée n'en demeuraient pas moins attentifs et disciplinés. Attrapant les directives de la bannerette au vol, ils se mirent en branle.

Hugues de Camaris s'occupa d'éloigner le guerrier des foudres qui allaient s'abattre sur lui en la personne d'Éloïse de Rivefière. Quant à Margareth, la domestique affiliée à l'entretien de la demeure, cette dernière s'échappa pour rapidement trouver le matériel demandé par Idalie.
De son côté, toujours allongé dans ce qu'il restait du parterre fleuri, Jacob parvint à enfin se hisser sur un coude. Posant une nouvelle fois ses yeux clairs sur la jeune femme qui s'était portée à son secours, il esquissa un sourire avant de lancer d'un ton presque taquin.

« Si je ne craignais pas quelques nouvelles représailles, peut-être oserais-je vous demander comment vous êtes arrivée jusqu'ici ? »

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Idalie de BeauharnaisComtesse
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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptySam 30 Jan 2021 - 16:54

Dans la cour intérieure de la demeure Rivefière, tous semblèrent un instant retenir leur souffle. Le comte était-il gravement blessé? Son opposant aurait-il bientôt sa mort sur la conscience? Éloïse de Rivefière serait-elle encore plus endeuillée qu'elle ne l'était déjà? Margareth devrait-elle, le cœur serré, veiller à l'entretien d'une chambre vide, mais déjà pleine de souvenirs au manoir? Les paroles de la demoiselle d'Auvray rassurèrent, sans pourtant effacer les craintes. Celles-ci ne commencèrent réellement à se dissiper que lorsque le rire de Jacob fendit l'air avec une bonne humeur surprenante compte tenu des circonstances.

Bien que soulagée, Éloïse de Rivefière esquissa un pas en direction de son fils et de son invitée. Elle ne fit marche arrière qu'en constatant qu'Hugues de Camaris se chargeait d'éloigner le combattant coupable de la scène. Cet imprudent pensait-il s'en tirer ainsi? Son coup aurait pu tuer le comte de Rivefière! Elle exigeait des explications, et elle les voulait maintenant. Elle échangea un regard avec la jeune d'Auvray, qui acquiesça simplement. Idalie avait la situation en main. Hugues de Camaris sur sa route ou non, le fautif ne lui échapperait pas.

Toute à son étude de la blessure du noble, Idalie repoussa gentiment la main de celui-ci lorsqu'il eut la brillante idée de se mettre les doigts sur son crâne ensanglanté.

« Tenez-vous tranquille », lui intima-t-elle, non sans lui offrir un léger sourire en retour.

Ne pas bouger était un concept abstrait pour le Rivefière, qui se releva sur un coude. Idalie lui servit une moue désapprobatrice, mais finit par l'autoriser à s'asseoir entièrement, l'aidant à se redresser avec prudence.

« À la course puisque certains jugent bon d'ignorer les règles qui, pour de bonnes raisons, régissent l'art du duel », répondit-elle à la question de Jacob.

Elle jeta un coup d'œil réprobateur à l'inconnu, qu'Hugues de Camaris n'avait su protéger bien longtemps d'Éloïse de Riveière, puis reposa son attention sur Jacob.

« Votre mère m'a invitée à prendre le thé, expliqua-t-elle plus sérieusement, répondant doucement au sourire de Jacob. Nous venions tout juste de nous installer dans la cour intérieure pour profiter du jardin et satisfaire ma curiosité à l'égard de votre combat. »

Sur ces paroles, Margareth apparut près des deux nobles, à bout de souffle, mais un sceau d'eau et un panier rempli du matériel dont la jeune femme aurait besoin pour soigner le comte entre les mains. Idalie la remercia gentiment et lui demanda de prendre un moment pour retrouver son souffle avant de farfouiller parmi le matériel apporté. Elle prit un premier chiffon qu'elle trempa dans l'eau et tordit pour le tendre à Jacob.

« Pour vous laver les mains », précisa-t-elle en donnant un petit coup de menton vers les doigts ensanglantés de Jacob.

Avec un autre chiffon, la jeune femme entreprit ensuite de nettoyer la blessure du comte. La bouteille de mauvais alcool posée près d'elle laissait aussi entendre que le travail ne serait pas fait à moitié.

Pour stabiliser la tête de Jacob, Idalie posa une main délicate contre sa mâchoire. Un nouveau Tenez-vous tranquille aussi silencieux qu'impératif. Elle était sur le point de river encore une fois son regard sur la blessure lorsqu'elle se prit à observer le visage de Jacob. Elle croisa ses yeux et ne dit rien durant quelques secondes. Dans cette proximité, Idalie ne pouvait que constater la fatigue du comte. Celle d'avoir combattu, certes, mais cette autre fatigue également, celle que portent les âmes endeuillées qui se cachent derrière un masque d'indifférence et de bravoure.

« La fatigue est l'un des plus grands ennemis des guerriers, Monsieur de Rivefière, dit-elle calmement à voix basse. Vous devriez davantage prendre soin de vous. »

Idalie ajouta, le ton plus léger :

«Autrement dit, vous avez une mine terrible. »

Elle sourit, puis rit chaleureusement avant de se concentrer sur sa tâche. D'un geste, elle montra au comte qu'elle s'apprêtait à nettoyer la plaie avec une petite quantité d'alcool. Un peu de bienveillance ne ferait sans doute pas de mal à ce noble écorché par la vie autant que par le combat.
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MessageSujet: Re: La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie   La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie EmptySam 6 Fév 2021 - 23:48
Éloïse de Rivefière était furieuse. Contre son fils - bien évidemment - contre Hugues de Camaris - il le méritait tout autant - et contre l'imprudent duelliste qui avait bien failli avoir la mort du Comte sur la conscience. D'ailleurs et même s'il n'avait fait qu'appliquer les consignes et recommandations du maître d'armes, le combattant malavisé n'allait pas tarder à découvrir ce que la douairière avait de terrifiant. Elle avait armé un pas incisif dans sa direction et se trouvait sur le point de fondre sur lui lorsque le maître d'armes, Hugues de Camaris, s'interposa. Il connaissait Éloïse de longue date et savait n'avoir d'autre choix que celui de recevoir la tempête sans broncher. Toutefois et très probablement pour permettre que Jacob soit soigné dans de bonnes conditions, il s'évertua à l'éloigner en même temps qu'il reconduisait le duelliste sur ses pas. La diatribe enflammée de la douairière se perdit ainsi dans un écho autoritaire, au fur et à mesure que se creusait la distance entre eux.

Resté seul avec la jeune invitée de sa mère, Jacob ne put que sourire tandis qu'Idalie s'osait à quelques mots d'esprit pour lui répondre. Elle l'avait rejoint à la course, un aveu dédié à l'amusement mais qui témoignait d'une certaine inquiétude. Il ne doutait pas que la scène de sa déconfiture avait eu de quoi impressionner. Sa chute aurait pu être mortelle, mais il avait la tête dure - au sens propre comme au figuré. La question n'était donc pas de savoir si les règles avaient été respectées lors de son duel contre Adeilhac, mais plutôt de comprendre comment il n'avait pas vu venir le coup. Pour autant et alors que son regard était revenu à la jeune femme, il nota que cette dernière avait relevé la déloyauté de son adversaire.

Tout à sa réflexion, il prit le temps de l'observer. Comme lors de leur première rencontre - à l'occasion de l'inauguration du "Bonheur des Âmes" - Idalie d'Auvray était très joliment apprêtée. Dans sa robe de couleur miel, elle avait l'air d'un bouton d'or offert aux rayons du soleil. Elle possédait un charme indéniable. Une beauté d'inspiration champêtre que la lumière du jour mettait en évidence. Ainsi, ses cheveux élégamment coiffé en un chignon haut se teintaient de reflet chatoyants pour subtilement mettre en valeur le satin de sa peau pâle. Quelques grains de beauté, égaré sur ses bras fins, en perçaient la blancheur pour attirer l'oeil du peintre. Une nouvelle fois, Jacob admit que son portrait aurait pu figurer celui d'une nymphe dédiée au fleurissement.

« Vous êtes décidément surprenante Mademoiselle d'Auvray... Et pleine de ressources ! »

Il accompagna ses paroles d'un léger signe de tête, remerciant la jeune femme qui lui tendait un linge humide afin qu'il puisse se laver les mains. Ce geste - pourtant anodin - le fit grimacer. Néanmoins et afin de faire bonne figure, il pencha le visage sur le côté - docile - pour permettre à Idalie de nettoyer sa plaie. L'espace d'un instant, son regard s'évada jusqu'à rencontrer celui de la domestique qui reprenait son souffle. Margareth avait la mine inquiète et son air alarmé amena le jeune noble à froncer les sourcils. Se faisant, il ne tarda pas à repérer la bouteille de mauvais alcool déposée à côté d'Idalie. Un soupir voulu s'échapper d'entre ses lèvres, mais il se trouva étouffé par une moue de dépit. Prêt à se redresser, il s'agita l'espace d'un instant, avant de se trouver rappelé à l'ordre.

Les doigts fins que la bannerette avaient posé contre sa mâchoire tenaient du commandement. Il devait se tenir tranquille et ne surtout pas bouger. L'opération - même si elle n'avait rien de très périlleux - pouvait s'avérer douloureuse. Tout de moins c'est ce que disait la légende. Jacob avait déjà été blessé, plusieurs fois même. Il n'était pas particulièrement douillet, mais aimait à se faire plaindre, de préférence par une jolie fille.

Cette pensée fit naître un nouveau sourire au coin de ses lèvres. Un sourire étrangement fané, qu'il s'empressa de chasser lorsqu'il prit conscience qu'Idalie l'observait. Les mots qu'elle lui adressa n'en demeurèrent pas moins frappés de vérité. La jeune femme avait raison et ses paroles toutes à la fois sensées et justes ne pouvaient qu'atteindre ce qu'il lui restait de jugement. Il acquiesça, d'un hochement de tête presque imperceptible avant de se forcer à la gaité pour répondre d'un ton faussement badin.

« N'aurais-je donc jamais la chance de vous croiser lorsque je serai à mon avantage ? »

Il accompagna ses paroles d'un léger rire, avant d'opiner du chef lorsqu'Idalie lui signifia vouloir désinfecter sa blessure.

« Faites, je vous en prie et soyez d'ores et déjà remerciée pour vos bons soins mais... Avant de procéder, permettez que je vous pose une nouvelle question. Me faut-il espérer pouvoir un jour croiser le fer avec le Sergent d'Auvray ? Ou devrais-je plutôt envisager affronter sa jeune soeur ? Vous m'apparaissez très au fait des règles qui régissent l'art du duel. »

Le regard qu'il ancra dans les prunelles de la jeune Auvray était indubitablement paré de malice. Le Rivefière s'étonnait sans aucun doute de ce que la noble avait laissé entendre de ses connaissances en matière de joute, mais il espérait surtout voir sa curiosité satisfaite. Une manière comme une autre de tenir son esprit occupé, alors que le picotement de l'alcool sur sa plaie l'obligeait à serrer dents et mâchoire.

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