La sagesse se trouve dans une tasse de thé - Idalie

Surprenante et pleine de ressources. Idalie sourit à ces mots. Pleine de ressources, elle tentait de l'être; elle se devait de l'être. En ces temps incertains, la débrouillardise n'avait pas de prix et certaines connaissances, même de base, se révélaient précieuse. Savoir monter à cheval correctement l'avait certainement sauvée lorsqu'elle avait fui Auvray avec les siens. Être capable de soigner certaines blessures lui avaient non seulement permis d'être utile à son frère, mais également d'apporter son aide au temple. Assurer avec rigueur la bonne gestion de la maison avait contribué à aiguiser son sens des affaires et à jouer un rôle important dans l'établissement du Bonheur des âmes. Oui, il valait mieux être pleine de ressources. Et surprenante. Cela avait le mérite de divertir, sans doute.

Après un dernier commentaire, Idalie s'employa à nettoyer la plaie en douceur. Sa main sûre trahissait un geste répété à de nombreuses reprises auprès de ses guerriers de frères, et surtout auprès de son aîné, de qui elle avait toujours été particulièrement proche. Impossible de lui cacher une blessure. Zephyr avait déjà tenté de se soustraire à ses soins, jugeant ses maux mineurs, en vain. L'œil avisé, sa cadette avait appris à reconnaître les signes d'une cheville malmenée, d'un bras douloureux, d'une plaie « habilement » dissimulée. Et lui avait vite compris que toute résistance était inutile.

La réponse de Jacob à sa remarque tira un léger sourire à Idalie. Tout en imbibant un chiffon d'alcool, elle répliqua d'un ton aussi badin que celui de son interlocuteur :

« Veillez simplement à éviter l'abondance de rouge, la prochaine fois. »

Sur ce conseil mode et tendance marbrumiennes, la jeune noble reporta son attention sur la plaie du comte. Délaissant la mâchoire du blessé, elle utilisa cette main libre pour dégager les cheveux blonds de Jacob de la lésion. Une opération qu'elle se retrouva à répéter de façon successive, la brise se permettant quelques interventions malvenues.

« Hélas! je crains devoir vous annoncer que je suis surprenante, mais pas au point de vous cacher des talents d'épéiste accomplie, dit-elle en parvenant finalement à appliquer un peu d'alcool contre la plaie. Je ne connais du duel que les règles. Il m'a paru essentiel de les apprendre pour apprécier toute la beauté de cet art, pour voir comment chaque combattant se l'approprie. »

Elle baissa un instant le regard pour croiser celui de son patient improvisé, s'excusant silencieusement des désagréments que devait causer son traitement. Le comte en avait probablement vu d'autres, et elle tentait de faire preuve de la plus grande délicatesse possible, mais de l'alcool sur une plaie restait de l'alcool sur une plaie. Et l'alcool, même mauvais, les hommes préféraient généralement le boire que l'étaler sur leurs blessures.

« Votre style est impressionnant », poursuivit-elle, marquant une pause tandis qu'elle se concentrait pour étudier la blessure.

Idalie repoussa les cheveux du comte et fronça le nez avec un brin d'agacement quand le vent vint gâcher son travail. Elle n'abandonna pas pour autant, menant son combat contre la brise avec douceur, mais acharnement. Elle aurait pu choisir de rentrer au manoir pour la suite des opérations, mais elle souhaitait laisser à Jacob le temps de reprendre ses esprits. C'était sans compter que la lumière était bien meilleure à l'extérieur.

« Vous êtes agile et audacieux, ajouta-t-elle. Vos coups sont explosifs, mais justes, et une seule attaque, une seule parade suffit pour voir que vous êtes un combattant aguerri, que cet art est pour vous plus qu'un art. C'est une passion. »

Idalie se recula pour observer son travail d'un œil critique. Elle acquiesça pour elle-même, puis nettoya ses mains maculées de sang pour ensuite farfouiller dans le matériel apporté par la domestique.

« Lorsque vous êtes au sommet de votre forme, il doit être difficile de distinguer la frontière entre votre corps et votre lame. Vous ne devez faire qu'un. »

La noble tira aiguille et fil du panier et les montra à Jacob avec une moue navrée.

« J'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur de la torture que je m'apprête à vous infliger, Monsieur de Rivefière. Je vous promets d'être rapide et efficace... ou d'essayer de l'être, à tout le moins. »

Elle servit à Jacob un aircoupable, puis entreprit de préparer son fil et son aiguille.

« Vous sentez-vous d'humeur à me raconter votre meilleur combat tandis que j'use de cette lame miniature pour lutter contre votre blessure? », demanda-t-elle en souriant chaleureusement.