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 Les ignorants [pv Angusel]

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MessageSujet: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptyVen 25 Sep 2020 - 1:21

10 octobre

L’automne était sur eux. Les jours devenaient de plus en plus courts et l’odeur des feuilles mortes était omniprésente dans l’air. Il y avait toujours un peu d’inquiétude entourant l’arrivée de la saison froide, même avant la Fange, mais cette année, l’hiver s’annonçait particulièrement difficile pour Sorsha. C’était le premier qu’elle passerait sans son père et sans le précieux revenu qu’il avait comme bûcheron. Ce n’était pas beaucoup d’argent, mais assez pour mettre de la nourriture sur la table. Là, Sorsha ne pouvait compter que sur ses aptitudes pour s’en sortir, mais si elle connaissait des choses, l’attitude des gens envers elle n’aidait pas du tout sa situation. Voilà des semaines qu’elle ne se démenait pour pas grand-chose au final. Les habitants du village s’étaient toujours un peu méfiés d’elle, d’abord à cause de son apparence puis pour son attitude en général. Puis quand le monde s’était écroulé, ils avaient besoin d’un coupable. Certes, personne ne pouvait prouver quoi que ce soit. Ce n’était que des racontars, mais c’était aussi la seule explication qui leur semblait plausible. S’ils avaient un peu de jugeote, peut-être qu’ils réaliseraient à quel point ça ne faisait aucun sens. Honnêtement, si Sorsha avait eu effectivement une part de responsabilité dans l’arrivée de la fange, elle se serait arrangée pour en profiter. Or, sa mère avait été parmi les premières victimes de ces créatures. Comme tout le monde, elle avait eu faim pendant l’hiver passé derrière les murs de la ville. Comme tout le monde, elle était terrorisée dès que la nuit tombait. Comme tout le monde, le moindre bruit la faisait sursauter. C’était aussi difficile pour elle que pour tous les autres. De toute manière, ils n’auront probablement pas à se préoccuper d’elle encore bien longtemps, car à moins d’un miracle, elle n’allait pas passer à travers de l’hiver.

Malgré cette certitude, Sorsha refusait de baisser les bras.

C’est pourquoi elle marchait dans le village d’un pas raide, mais rapide en serrant l’anse de son panier tellement fort qu’elle en avait les jointures blanches. Elle avait pris la peine de tresser ses cheveux. La coiffure était maladroite et négligée, mais c’était toujours mieux que de les laisser libres. Sorsha transportait des simples. Aucune plante rare, juste ce qu’il fallait pour soigner les maux courants comme les douleurs à l’estomac et la fièvre. À cette période de l’année, il n’y avait plus grand-chose à cueillir. Ce qui lui restait, elle les avait fait sécher dans la cabane avant d’en faire de petits paquets avec de la ficelle. Sorsha espérait pouvoir vendre ces paquets, mais encore fallait-il que les gens en veuillent. Elle était la seule dans ce village à avoir ces connaissances, mais Sorsha souffrait d’une telle réputation que rares étaient ceux qui acceptaient ses plantes. S’ils le faisaient, c’était sans cacher leur méfiance. Jusqu’à maintenant, personne n’avait souffert de ses traitements, mais il suffisait que ça arrive une fois… Non, Sorsha ne voulait même pas y penser.

Il ne devait pas être plus de midi lorsque Sorsha remonta la rue du village à la recherche de client. Il n’y avait pas beaucoup de monde. Peut-être qu’elle n’avait pas très bien choisi son heure, mais elle ne voulait pas attendre en fin de journée. Sorsha devenait nerveuse dès que le soleil commençait à baisser vers l’horizon et à cette période de l’année, ça arrivait vite. Elle vit une jeune femme venant en direction opposée. Elle devait avoir plus ou moins le même âge de Sorsha, mais elle pouvait difficilement être plus différente que la rouquine. Déjà, ses cheveux étaient soigneusement coiffés et cachés sous un bonnet ce qui lui donnait un air tout à fait respectable. Ses vêtements étaient usés, mais bien entretenus alors que l’ourlet de Sorsha était déchiré. Malgré ça, elle n’hésite pas à se planter devant elle.

« J’ai des plantes. » Dit-elle simplement. « Pour les maux d’estomac et ça, c’est pour la fièvre. Ça peut aussi soulager les courbatures. »

La jeune femme, surprise de voir Sorsha apparaître si vite dans son champ de vision, s’arrêta net avant de dévier sa trajectoire sans prendre la peine de lui parler. Elle baissa la tête et pressa le pas afin de s’en éloigner. Sorsha ne la laissa pas des yeux. Ça serait donc une autre de ces journées…

Elle allait reprendre son chemin lorsqu’elle les vit. C’était un groupe de jeunes hommes, certains encore des garçons. Les plus vieux devaient avoir le même âge que Sorsha, peut-être un peu plus jeune. Elle s’arrêta net.

« Sorcière! » S’exclama l’un d’eux bien qu’il ait à peine soufflé le mot. Avant, il n’aurait pas hésité à le crier, mais aujourd’hui, les gens évitaient autant que possible de faire trop de bruit, même quand il était question d’insulter quelqu’un.

« Je ne suis pas une sorcière. » Rétorqua Sorsha d’une voix ferme, mais calme. Elle savait que ça ne suffirait pas à les chasser. Ils avaient peur et ils s’ennuyaient. Il n’en fallait pas plus pour les pousser à agir et aucun adulte ne viendrait la défendre. L’un des plus jeunes lança un caillou en sa direction et Sorsha commença à courir.
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MessageSujet: Re: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptyVen 25 Sep 2020 - 12:45

Usson était fait de torchis et de bois. C'était un village presque silencieux, en cette journée d'automne. Les maisons et les fermes s'étendaient sur plusieurs lieues autour du coeur du village, petits toits de chaume qui perçaient à travers les étendues des champs et des chemins. Au loin le le soleil commençait à baisser vers l’horizon et l'ami Angusel s'apprêtait à rentrer en sa demeure après avoir chevauché dans la lande proche d'Usson. Derrière lui, servant fidèle vêtu d'un pourpoint gris élimé, venait son valet d'arme, Peyre, à cheval sur une haquenée à la robe grise.
Perché sur sa monture, Angusel parvenait les échos lointains de quelques discussions par-ci, par-là. Et le sinistre craquement des huis et des volets, battus en rythme par le vent, le murmure des feuilles dans les arbres et le martèlement régulier provenant de la forge voisine.
En gambison de cuir écarlate, son capuchon sur la tête, il tenait son heaume à bec de fer d’une main. L'autre reposait sur les rênes de sa monture, près de la garde de sa lourde épée. Laquelle était suspendue à sa taille par un double baudrier de buffle. On pouvait apercevoir sur son gambison terni et crotté des traces de sang séché (ou était-ce de la boue ?).
L'étalon qu'il montait, visiblement excité par quelque bataille passée ou à venir, piaffait et faisait virevolter sa crinière noire, maîtrisée d'une main sûre par son cavalier. La raison de cette excitation, Angusel la devina tout de suite lorsqu'au détour d'une maison, un tumulte apparut. Tumulte dont il ignorait la cause, mais qui se matérialisa aussitôt par une (puis deux !) pierres, qui volèrent dans les airs non loin de son destrier.

« Holà, vilains drôles ! Par le culbleu ! Que vous arrive-t-il ?! »

Il aperçut une forme légère et petite. Un éclat orange et vif, qui se précipita dans les jambes de sa monture ; y cherchant un refuge au risque de lui faire et de se faire piétiner ! Il avisa la créature : c'était une mignote d'une vingtaine d'années, fort pâle et l'air enflammé. Et son regard passa tour à tour de la proie acculée à la meute, un peu féroce, des chasseurs. Qui tenait un bâton, qui une pierre, qui une branche.
Courtauds, puants et velus comme des bêtes sauvages, ces paysans avaient le regard cruel, fourbe et coléreux de la foule quand elle réclame son dû.

« Alors quoi... on court la ribaude ? Parlez, marauds ! »

La voix ne souffrait aucune contestation. Les nuques et les épaules se baissèrent, serviles. C'était un chevalier, et chacun savait qu'il leur en couterait cher s'ils se piquaient de quelque impertinence. Tout encapuchonné qu'il était, le cavalier toisait les vilains sans laisser transparaître de réaction ou d’émotion.

« Messer, la drôlesse, s'écria un drôle. C't'une sorcière ! »

« Au bûcher, la rouge ! À poil et au bûcher ! » s'emporta un second.

Lâchant un nouveau juron, le regard du chevalier se figea avec un sourire amusé. Il rit, sourcilla et une lippe vint caresser ses lèvres : quelle étrange chose, dites, que derrière cette petite donzelle se cache une si redoutable (et redoutée !) créature.

« Tout doux l'incendiaire ! Si j'en crois mes yeux, le divin Serus lui a déjà bien roussi le duvet. Une sorcière, hein ? Celle qui a empoisonné l'eau du puit peut-être ? »

« Ça s'pourrait bien, qui sait ! Faut la chasser », cracha un rustaud aux traits aigus et aux yeux gris-vert rieurs.

« Non point, messer chevalier. C'en est une autre ! grogna un jeune coq sombre de peau et sauvage comme un taureau. Celle-là, j'la connais. Aussi vrai que mon nom est Petit Tom et que je suis fils du forgeron. C'est par sa faute qu'les créatures sont v'nues jusqu'à Usson ! »

Celui-là avait le regard dur et noir. Et tout en prenant garde à ne pas blesser la donzelle, le chevalier fit avancer sa monture, un jeune et bel étalon tout noir, de façon à s'interposer entre les paysans et la garcelette. Et la foule, à chaque pas du destrier en avant, sembla reculer d'un pas en arrière, craintive et respectueuse devant la masse puissante que représentaient le cheval et le cavalier. Bourdonnante, chuchotante et frémissante : elle forma un arc de cercle autour d'eux alors que d'autres villageois, attirés par l'agitation et les éclats de voix, venaient se masser derrière les premiers.
De sous la capuche de son manteau, d'où dépassait seulement sa bouche, la voix d'Angusel se fit haute et claire. Lui qui avait le rire et le sourire parfois si faciles, il se fit soudain sérieux comme juge. Et son visage s'efforçant à la gravité, le preux questionna la jeune fille sur ces accusations :

« Eh bien, la garce ? Qu'as-tu à répondre face à toutes ces vilenies ? »

Un fort murmure s'éleva parmi l'assemblée.

« Tu as bien un nom ? »
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MessageSujet: Re: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptySam 26 Sep 2020 - 2:38
La seule chance de Sorsha était la fuite et l’espoir qu’ils se fatigueraient de lui courir après rapidement. Malheureusement, elle n’avait pas fait trente mètres qu’un obstacle de taille se dressait déjà devant elle. Un cheval montré par… Elle n’avait pas le temps de s’attarder à ce genre de détails. Sorsha devait penser vite. Elle fonça directement sur les pattes de l’animal, l’espace sous son ventre. La rouquine n’était pas très grande. Elle pourrait peut-être s’y faufiler, passer sous ses pattes afin de ne pas perdre ses précieuses secondes d’avance sur ses poursuivants. C’était une mauvaise idée. Un cheval n’est pas comme une porte ou une brèche dans un mur. Un cheval bouge et peut aisément être effrayé par un mouvement brusque, surtout si celui-ci se précipite directement sur la partie la plus explosée de son corps, endroit que son instinct fera tout pour protéger. C’est donc sans surprise qu’il fit une embardée, arrêtant net Sorsha dans sa course qui risquait maintenant de se faire piétiner. Elle réussit à s’extraire de sa fâcheuse position, mais le mal était fait. Elle avait perdu son avance sur les autres. Ses assaillants l’avaient rattrapée et la seule chose qui la séparait d’eux était le cavalier… Peut-être qu’elle pourrait profiter de l’effet de surprise? Non, si cet homme décidait de lancer sa monture à sa poursuite, elle n’irait pas loin. Sorsha tâcha donc de maintenir autant que possible le cavalier entre elle et les autres paysans.

Maintenant, elle pouvait voir que ce n’était pas juste un cavalier, mais bien un chevalier. Qui d’autres aurait une monture aussi fière sinon? Certainement pas un marchand. Depuis la Fange, ils ne venaient plus au village. C’était trop risqué. À cause de son capuchon, on ne voyait rien de son visage, seulement sa bouche et un menton volontaire, mais sa voix tonnait et exigeait. Ce furent les autres qui parlèrent d’abord, crachant leurs accusations comme du venin. Sorsha ne dit rien, mais montra plutôt ses dents à la manière d’un grognement même si aucun son de sorti de sa gorge. Ignorant, voilà ce qu’ils étaient. Des ignorants terrifiés, certainement les pires de tous. La peur permet de garder en vie, mais parfois, elle fait aussi de mauvais jugements. Ce chevalier par contre, il était plus éduqué. Il avait plus de connaissances sur des choses qu’eux-mêmes ne savaient pas. Peut-être qu’il sera plus sensible à ses arguments et moins aveuglé par les superstitions si bien ancrées dans l’imaginaire des gens.

« J’suis pas une sorcière! »

Le menton dressé, le regard fixé à celui du chevalier bien qu’elle ne puisse pas le voir à cause du capuchon… Impertinente. O combien impertinent. Sorsha le savait, mais la fierté prenait le dessus sur le reste, sur le bon sens qui devrait plutôt lui faire courber l’échine.

« Ma mère est morte dans la première attaque. » Ajouta-t-elle sur le même ton venimeux. « Mon père a été tué par des bandits il y a quelques semaines à peine. On ne peut pas dire que ça me profite. Je vous suggère de garder vos forces pour quelque chose de plus utile. Je vais être morte de faim avant la fin de l’hiver. »

Cette dernière phrase, elle l’avait dite dans la plus parfaite indifférence. C’était un fait, une fatalité qu’elle ne pouvait changer. Elle jeta un coup d’oeil à la ronde aux badauds qui s’étaient approchés, poussés par la curiosité et excités par le spectacle. Sorsha restait fière… Aussi fière qu’une reine, même en face de ses bourreaux. Elle disait vrai pourtant. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu’elle n’avait que la peau sur les os et cet air un peu hagard qu’ont les gens qui n’ont pas mangé de vrais repas depuis un moment.
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MessageSujet: Re: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptySam 26 Sep 2020 - 21:41

D'une brève pression des talons contre les flancs de sa jument, son valet s'avança vers la joliette en levant sa main gantée de cuir levée pour corriger l’insolente.

« Laisse, mon bon Peyrot ! ordonna Angusel d'une voix sèche, mais amusée. La drôlesse n'a peut-être pas de nom mais sa langue elle, est bien pendue. C'est dit-on qualité de vaillante garce, et signe d'astuce ! »

Un fort murmure s'éleva parmi l'assemblée des villageois présents.
Face au péril, le menton dressé, le regard fixé sur celui du chevalier malgré les rougeurs de son visage, Sorsha défiait la foule et le gentilhomme : pleine d'impertinence et d'insolence. 
On disait qu'une chevelure rousse était signé d'un tempérament passionné ou d'un caractère bien trempé chez les hommes et les femmes du Morguestranc. Et Sorsha semblait bien confirmer cette réputation !
Les poings fermés, le visage de la donzelle s'était tendu d’un masque de crânerie et de bravade. Si elle était terrifiée, elle n'était pas une lâche, songea Angusel en faisant avancer sa monture vers elle. 
Les autres villageois eux, restaient stupéfaits devant tant d'effronteries. Ils grondaient ! Répondre à un noble ? Et tout vêtu de broigne et de mailles, qu'il était ! Quand eux savaient si bien rester à leur place ! Pour qui se prenait-elle, celle-là ? N'était-ce pas là une nouvelle preuve de son commerce avec les forces maléfiques ! 
Stupides, déguenillés, farouches, le bâton levé et la pierre au poing : c'était bien là les stupides paysans, songeait le jeune sire. La superstition leur emplissait l'âme et le front !
Et pourtant, à la cognée et à la serpette, ces hommes et ces femmes défrichaient courageusement, chaque jour, de nouveaux arpents de la forêt. Nu-pieds dans leurs sabots et portant sayons de laine et chausses élimées, ils allaient à demi-nu, ces crèves-la-faim, sans avoir de quoi se vêtir plus chaudement.
Ils vivaient l'échine courbée sous le joug de leurs nobles maîtres, le nez planté dans les champs : ils n'avaient rien à eux, mais ce rien, ils tremblaient qu'on le leur prenne à la moindre alerte... ou au premier signe de sorcellerie.

« Quelque chose de plus utile ? Et quoi donc ?, questionna pensivement le chevalier, un sourire aux lèvres tandis qu'il observait la petite bachelette qui le dévisageait avec arrogance. La jeune femme était accorte, il lui reconnaissait cela. Ses grands yeux verts et petit son nez fin légèrement retroussé avaient quelque chose de charmant. Te voilà bien effrontée la roussotte... »

Sa voix avait changé de ton. Elle exprimait de l'amusement. Curieusement, ce fier discours l’avait touché et il ne savait que décider : laissez la justice populaire faire son oeuvre, ou la prendre sous sa protection et chasser ces marauds, le temps qu'elle s'en revienne à sa cahutte.

« Quoique tes arguments ne soient pas sans quelque pertinence, je le reconnais ! Mais si tu es sorcière... qu'est-ce qui nous assure que ce ne sont pas là de sombres charmes ou des artifices, que tu tisses avec ta voix pour nous tromper ? »

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MessageSujet: Re: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptyDim 27 Sep 2020 - 14:04
La langue bien pendue, effrontée… Voilà des choses qu’on lui avait souvent dites par le passé. Sorsha n’y pouvait rien si elle n’arrivait pas à se taire quand on la traitait de sorcière. Elle savait ce que ça voulait dire et le risque que ça représentait pour elle. Elle ne pouvait pas accepter sans rien faire que les gens la condamnent à cause de leur ignorance. Sa grand-mère lui avait déjà dit que ça ne servait à rien pour femme d’être intelligente, que les hommes n’aiment pas avoir une épouse avec un esprit plus affûtée que le leur. Une question de supériorité, semble-t-il. Toujours selon Jacosta, il était évident que Sorsha n’aurait pas tous ces problèmes si elle était une idiote. Mais attention, si elle avait été simplette, ça ferait longtemps qu’elle aurait été sacrifiée. Il y avait idiot et idiot. Non, il aurait fallu qu’elle soit comme la jeune femme au bonnet de tout à l’heure. Le genre qui gardait les yeux baissés en tout temps, ne disait jamais un mot plus fort que lui autre et que, surtout, n’avait aucune capacité de réflexion et adhérait sans se poser de question à l’opinion populaire. Si quelqu’un disait que Sorsha était une sorcière, alors c’était forcément vrai.

« Si j’avais ce pouvoir, alors je demanderais aux gens du village d’apporter de la nourriture pour que je puisse prendre soin de ma grand-mère dans ses dernières années de vie. Je demandais à ce qu’on m’apporte des vêtements qui ne sont pas déchirés pour ne pas avoir l’air d’une pauvrette. Oui, j’avoue, je trouverais le moyen d’en profiter. »

Sorsha se demanda si c’était la bonne chose à dire, car elle sentait la foule s’agiter autour d’eux. À moins qu’ils soient en train de réaliser qu’elle disait vrai, qu’une personne avec un tel pouvoir ne vivrait pas dans une misère aussi manifeste. Non, ça ne pouvait pas être ça. C’était estimer que la foule était intelligente, alors que tout le monde sait que ce n’est jamais le cas. Il n’y a rien de plus idiot qu’une foule. Sa seule chance était de leur prouver qu’elle n’avait pas ce pouvoir en demandant au chevalier quelque chose qu’il ne pouvait pas accepter.

« Si j’avais ce pouvoir. » Reprit-elle, son ton plus doux. « Je vous demanderai de me prendre à votre service. Je sais cuisiner et je connais les plantes médicinales. Je ne demande aucun gage, juste que vous preniez ma grand-mère également. »

La foule retenait maintenant son souffle, mais Sorsha était confiante. Il n’allait jamais accepter de nourrir deux bouches supplémentaires et son refus prouverait une fois pour toutes qu’elle n’était pas une sorcière.
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MessageSujet: Re: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptyMar 6 Oct 2020 - 11:15

Ah ! Ça : la belle affaire qu'elle lui proposait là ! Le visage du chevalier s'éclaira légèrement devant l'assurance de la jeune femme, qui essayait de se tirer des griffes de ce mauvais pas... par une pirouette des plus inattendue ! Elle lui proposait non seulement de le pendre à sa charge, mais elle y mettait comme condition qu'il prenne son aïeule avec elle par dessus le marché ! Elle n'avait pas froid aux yeux, c'était certain.
Inclinant la tête d'un air pensif, Angusel se rencogna dans sa selle matelassée et agaça ses lèvres, déjà gercées par les frimas de l'automne, entre ses dents.

« Voyez-vous ça ! souffla-t-il, toujours d'un ton amusé. Et ne sachant trop s'il devrait prendre au sérieux cette proposition : était-ce une nouvelle provocation de la part d'une jeune effrontée ? Ou bien une réelle proposition de la part d'une donzelle qui jouait son va tout pour sauver sa vie ? Les mouvements de la roue de la Fortune étaient parfois si sournois. Et souvent hasardeux… Il la considéra à nouveau un moment, en songeant avec facétie que c'était peut-être une nouvelle épreuve que les Trois lui envoyaient. Sorsha n'était dépourvue ni de coeur ni d'esprit. Crois-tu que j'ai si grande fortune par les temps qui courent, pour prendre une bouche inutile à nourrir en plus d'une servante ? » 

A vrai dire, il pouvait bien satisfaire ce caprice grâce aux revenus de sa ferme. Loin du peuple et des miasmes de la ville, Angusel s'était vu attribuer des terres et une demeure sur le plateau, dans le domaine des Pessan. Plansèlve n'était pas une grande exploitation, mais elle suffisait à pourvoir à ses besoins immédiats et à ceux de sa mesnie. La ferme était bonne et pourvue de quelques animaux. Et sauf en cas de nouvelle famine : elle pouvait satisfaire à nourrir deux ou trois bouches de plus ! Ses murs abritaient seulement Hunaud, son homme d'arme et Faron, son intendant. Ainsi qu'un petit page, qu'il avait recueilli à Marbrume. Mais il n'y avait aucune femme pour adoucir les moeurs de ces quatre hommes et cette présence féminine leur manquait. Sauf à être déprécié par ses pairs, un noble ne pouvait pas non plus vivre sans un équipage décent et quelques serviteurs et servantes pour recevoir chez lui ses invités.

Il en était là de ses pensées lorsqu'un faquin un peu impertinent, au profil busqué du prédateur et au faciès revêche, s'avança soudain et se présenta comme Hercule, dit Petitjonc. C'était celui qui avait lancé la première accusation contre Sorsha. La manteline évasée dont il était drapé dissimulait mal le corselet de fer que l'on devinait en deçà. La gueusaille, au Labret, prenait désormais garde à se protéger des attaques des fangeux ou des bandits.

« Par ma foi ! Nous n'voulons point d'elle en notre village, s'trop dangereux... Si Serus l'a d'jà un peu brûlé sur la chevelure et le reste et qu'on peut plus l'faire... ben alors on peut p'tet la noyer. »

« Ouais ! Bonne idée messire, noyons la sorcière ! À la rivière ! »

« Oui-da chevalier, c'est raison parler s'que avez dit ! Si on peut pas la braiser, on peut bien la foutre à l'eau ! »

"Zut", pensa Angusel ! Un peu surpris par ce retournement de situation qu'il n'avait certes pas anticipé. L'estrapade au lieu du bûcher ? C'était cocasse ! Et le chevalier fit faire une ruade à sa monture pour disperser la foule, qui s'était enhardit, mais qui recula aussitôt de quelques pas en se tenant toujours en arc de cercle autour des cavaliers et de Sorsha.

« Cà, çà ! Bonnes gens ! Ne vous vous affolez point ainsi, je connais un moyen évident de savoir si la roussotte est sorcière. »

Angusel connaissait un moyen de préserver la jeune femme d'une mauvaise journée (car le doute, à Usson, persisterait toujours et la foule reviendrait de nouveau à sa poursuite tôt ou tard) et de rabattre l'insolence de la donzelle par le moyen d'une bonne leçon.
Une petite leçon qui ne courroucerait pas non plus le sergent Rainfroi, en charge de l'ordre au village et grâce à laquelle tout le monde en serait quitte pour quelques jorus. Et sans la prévenir et à sa grande surprise ; se penchant vers Sorsha, il la saisit par la taille et la glissa en travers de sa monture, devant lui. 

« L'insolence est charmante, voyons le reste. Amenez une corde et suivez-moi au ruisseau ! »

Immobilisant la garce contre l'arçon, une main posée sur le dos de Sorsha qui ne cessait de gigoter, le chevalier éperonna sa monture, puis saisit son heaume de sa senestre et le coiffa. Il en vit hocher la tête ou esquisser un sourire et d'autres, qui allaient chercher une corde. Ravis, les hommes et les rares femmes alentour se joignaient au groupe et les suivaient au milieu des maisons de torchis et de chaume.
Sous sa poigne, le cavalier sentait les émotions percer et parcourir le corps de Sorsha qui se débattait malgré l’entrave. La frustration ? L’angoisse ? Le désespoir ? Guidant avec dextérité son destrier au milieu des habitants sur le chemin qui menait à un petit cours d'eau, Angusel se pencha vers la donzelle afin d'être entendu d'elle seule :

« Ne t'agite donc pas comme ça, la joliette ! Il me faut donner quelques gages à ces coqueberts. Ils cesseront alors de te faire la chasse pour quelques jours et qui sait ? Peut-être le spectacle me ravira-t-il assez pour vous prendre à mon service, toi et la vieille. »


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MessageSujet: Re: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptyMer 7 Oct 2020 - 1:56
Naturellement, le chevalier refusa. Sorsha croyait avoir prouvé son point, osant même un sourire que l’on pourrait qualifier de triomphant bien qu’il restât timide et prudent. Le soulagement fut de courte durée. Apparemment, il en faudra plus que ça pour convaincre la populace de son innocence. Dans leur ignorance, ils préféraient ne pas courir le risque. Son sacrifice serait minime. Sa mort ne causerait de tort à personne, sa grand-mère n’étant pas tellement mieux qu’elle de toute façon. Son sourire s’évanouit presque aussi vite qu’il était apparu. Elle sentit ses genoux fléchir. Le sol aurait très bien pu se dérober sous ses pieds. Sorsha n’avait plus aucune porte de sortie. Elle cligna des yeux une fois, deux fois… Avant qu’elle ait pu dire quoi que ce soit, le chevalier se penchait sur elle, la soulevant de terre sans difficulté pour la jeter de travers sur le cheval. La selle s’enfonça dans son estomac, lui coupant momentanément le souffle. Elle était trop sous le choc pour réagir. On allait la tuer pour aucune raison, juste parce qu’elle était un peu différente. En quoi c’était de la justice? Ce qui la ramena finalement à la réalité, c’est la vision de son panier tombé au sol. Elle devait l’avoir échappé lorsque le chevalier s’était emparé d’elle. Il était renversé, les plantes séchées éparpillées sur la terre molle et rapidement piétinées par la foule. Ainsi disparaissait sa dernière chance de se faire un peu d’argent avant l’hiver. Elle étouffa une plainte. Non, ça n’allait pas se terminer comme ça.

Sorsha se cambra, la selle s’enfonçant un peu plus. Elle avait mal, mais la douleur n’était rien contrairement à ce qui l’attendait. Elle donna des coups de pieds à l’aveuglette, se tortillant sur la selle comme un chat sauvage que l’on vient de capturer, enfonçant ses ongles dans tout ce qui passait à sa portée. Elle entendit à peine la voix du chevalier lorsqu’il s’adressa à elle, seulement à elle à en juger par le ton de sa voix. Sorsha cessa de se débattre et tourna son visage vers l’homme. Son teint était cramoisi, autant par la colère qui la consumait que par sa position hautement inconfortable qui lui faisait monter le sang à la tête.

« Ils n’arrêteront pas tant que je serais vivante et vous le savez. La peur rend les gens stupides... »

Elle mit tout le venin qu’elle pouvait dans sa voix. Il paraissait trouver la situation tellement amusante, mais ne voyait-il pas que la jeune femme devant lui était terrifiée au-delà de la raison? Elle se battait de toutes ses forces, parce qu’elle ne pouvait pas accepter que ça se termine ainsi. Elle ne pouvait pas accepter la mort qu’on lui imposait. Sorsha allait résister jusqu’au dernier moment même si c’était en vain. Sa fougue passait aisément pour du courage et de la fierté, mais en réalité, elle était terrifiée. C’était la même terreur que lors de la première attaque de la Fange, celle qui met tous les sens en éveille et qui pousse le corps au-delà de ses limites afin de rester en vie. Ça lui servait bien ainsi couché sur la selle! Jamais elle n’avait été aussi humiliée. Évidemment, maintenant qu’ils faisaient route vers la rivière, ils croisaient d’autres gens qui, attirés par ce curieux spectacle, se joignaient à la procession. La rumeur enfla, l’excitation était palpable. Sorsha avait envie de rugir, de leur arracher les yeux des orbites et la langue de la bouche! En même temps, une part d’elle commençait à se demander si ça serait aussi terrible que ça se termine maintenant. L’idée la révolta à peine fut-elle formulée dans sa tête, mais c’était impossible de l’ignorer, comme si son esprit tentait désespérément de se préparer à ce qui semblait être inévitable maintenant. Comme s’il essayait de la présenter en voyant le bon côté des choses… Elle leva à nouveau son visage vers le chevalier. Cette fois, on n’y voyait pas de la colère, mais du désespoir. Elle ne pleurait pas, mais ses yeux étaient brillants.

« S’il vous plaît... »
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MessageSujet: Re: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptyJeu 8 Oct 2020 - 13:47

Coincée entre le troussequin de sa selle et l'encolure de son puissant destrier, Sorsha s'échauffait. Elle avait les joues rouges, et des éclairs de haine, mêlée à la peur et à l'humiliation, traversaient ses yeux. Comment était-il possible d'être ainsi traité par quelqu’un qu’il n’avait jamais rencontré ? Sous son heaume, Angusel émit ce qui avait tout l'air de ressembler à un rire sarcastique. Sa voix avait pris un accent caverneux sous le heaume.
Au loin, de petites silhouettes de paysans vaquent à leurs occupations, éparpillés à travers les labours et sur les essarts entourant le village. Voyant la petite troupe descendre vers le ruisseau, des cris résonnaient. Des bras gesticulaient. Que se passait-il ? Qu'était-ce que tout cette agitation ?
Quelques rires gras leur répondaient, suivis aussitôt d'invites puis d'encouragements. Tout cela était-il bien sérieux ?
Allait-on réellement passer à l'estrapade une donzelle du village ? Lui faire danser la giguedouille ? Ou tout ceci n'était-il finalement que pour rire ? Une sorte de chahut pour s'amuser, un peu cruellement, aux dépens de l'humiliation d'une jeune fille qu'on disait de mauvaise vie. Apeurée et plongée dans l'incertitude, Sorsha, qui sanglotait doucement, n'en avait aucune idée.
Les gueux étaient ainsi lorsqu'une émotion s'emparait d'eux : cruels, fourbes, violents et coléreux.
C'était une démonstration empreinte de violence morale et physique visant à sanctionner une personne qui avait (selon l'avis populaire) enfreint les valeurs morales et les traditions de la communauté. Une soumission doublée d'une domination entre petites gens pour punir les marginaux, les asociaux et les exclus. Par ces temps difficiles, tout était bon pour la populace apeurée par la fange, les bandits et les bannis. Le moindre prétexte devenait force de lois ou de raison. Ici, c'était cette belle chevelure à la couleur des flammes, adoncque, forcément : c'était celle des sorcières et des sorciers ! Celle du souffre.

- Hélas, c'est toujours ainsi lorsqu'on a à faire à la sottise des gueux, répondit uniment Angusel.

N'était l'agitation confuse qui affolait maintenant les quelques paysans rameutés par l'excitation populaire, les masures aux toits de chaume et de galets, écrasées par le soleil d'automne, dormaient toujours dans la quiétude du village au milieu de quelques maisons à pans de bois et de granges.
Au détour d'un chemin, le chevalier vit quelques poules roder et s'enfuir à leur approche.
L'exposition publique était une peine afflictive et infamante il le savait, mais elle avait le mérite de ne pas être mortelle pour Sorsha.
Une fois le rituel effectué, le chevalier n'en doutait pas : le calme reviendrait dans le village. Jusqu'à la prochaine émotion, il était vrai... Mais que pouvait-il y faire lui ? Tout répit n'était-il pas bon à prendre ? C'était toujours une journée de gagnée pour la donzelle.

- En vérité, les gars de ton village semblent être coqueberts et compagnie... Ils étaient moins ségurs, lorsque nous partîmes à l'assaut du plateau avec mon brave Peyre pour le reprendre aux fangeux.

Flanqué des habitants et de quelques paysans sur ses côtés, la petite troupe marchait à présent à l'amble, comme si de rien n'était. De loin, on aurait pu croire que les gens du hameau escortait leur seigneur, revenu de quelque voyage.
Une nouvelle supplique lui parvint et Angusel inclina la tête d'un air pensif vers la jeune fille durant un long moment. Un grand rayon de lumière traversa la voûte des arbres : ses cheveux roux brillaient comme un fanal dans le soleil. C'était un beau brin songea le chevalier, ému par le regard aux yeux brillants qu'elle lui adressait. Le tenait-elle en charmement ?
On murmurait jadis dans le duché que les sorcières étaient de vieilles âmes qui se réincarnaient depuis plusieurs siècles. Leurs yeux, qui étaient les fenêtres de l’âme, étaient très révélateurs. Elles affichaient un regard pénétrant et intense, qui attirait et captivait les gens.

Voulant dissiper ses doutes et le sortilège, il se redressa et entonna d'une voix grave et belle (quoi qu'un peu métallique à cause de son heaume) le début d'une chanson ancienne racontant l'amour d'un écuyer et d'une dame dans le duché du Morguestranc :

« C'est de ta chaleur amoureuse, dame, que je veux,
Réchauffer le froid des absences éperdues ;
Au velours de tes cuisses caresser les voeux,
Des rencontres nouvelles des temps revenus.

Sois le bienvenu, lui dit-elle,
Doux écuyer, qui pris racine dans mon cœur :
Cinq cents écus pour prix de ta noble candeur,
Unis à trois baisers, te viendront de la belle.

De ta bouche de tes dents à mordre les plis,
Du désir de s'aimer j'entends sourdre les flots :
De paroles avides de leurs mille envies,
De jouir du bonheur d'être aimé à nouveau. »


Ils allèrent ainsi encore quelques temps en fredonnant et finalement arrivés au bout d'un chemin, ils pénétrèrent tous dans un boqueteau, puis dans les sous-bois jusqu'à une clairière entourée d'épaisses broussailles, où coulait un cour d'eau sablonneux.
Là, les deux cavaliers s'arrêtèrent sans plus prononcer une parole. Tandis qu'un galapian grimpait sur le tronc d'un arbre et se hissait en s'écorchant aux écorces du résineux. Parvenu jusqu'en haut, on fit circuler de main en main une corde et on la luit tendit pour qu'il la fasse passer par dessus une branche assez solide.

Deux paysans saisirent Sorsha et l'entrainèrent jusqu'à la corde, tandis qu'un troisième larron lui liait les pieds avec un noeud.

Angusel balaya la petite foule des gens assemblés autour de lui. Ils considéraient Sorsha avec un sourire plein de suffisance et de mépris.

- Bonnes gens ! Je suis juge en dernier appel ici, et juge souverain pour la sorcellerie. Quiconque voudrait me le contester : je l'invite à me défier par les armes sur le pré qui se trouve non loin.

Et sous les regards curieux des villageois et des paysans, comme pour donner un peu plus de poids à sa mise en garde : Angusel dégaina avec emphase sa brette, qu'il posa en travers de la selle. Il embrassa l'assemblée avec une expression hautaine mais bienveillante, puis jeta un regard sur l'arbre et Sorsha.

- Certaines gens affirment qu’il n’existe aucun signe physique permettant d’identifier une sorcière. Cependant, il existe des traits physiques communs aux sorcières qui viennent des vies passées... Les sorcières utilisent depuis longtemps les tatouages ​​comme un moyen de renforcer leur pouvoir magique. Si cette donzelle a vraiment commerce obscur, le remède est simple... il vous suffit pour cela de voir si elle n'a pas sur le corps quelques marques des sorciers.

Angusel en vit hocher la tête et d'autres esquisser un sourire. Les hommes et les rares femmes alentour formaient maintenant un demi-cercle clairsemé autour de l'arbre et du chevalier. 
Et tendis que, sur un signal du damoiseau, on hissait Sorsha par les pieds à l'arbre, le jeune homme éperonna sa monture et se rapprocha de la donzelle qui (suspendue à l'envers et la robe à présent renversée), tentait de cacher maladroitement son intimité en repoussant le tissu de sa robe vers le haut.

Hélas pour elle, ses jambes, ses cuisses et ses fesses, qu'elle avait fort belles, étaient maintenant exposées à la vue du tout venant.

- Certains grains de beauté et taches de naissance bien particulières apparaissent sur les sorcières, mais ils sont simplement là pour rappeler les vies passées. Ces marques représentent souvent les restes de torture et d’exécution qui apparaissent sous forme de taches de naissance, bien qu’elles puissent également être des restes d’initiation ou d’autres rituels. Or ça, ajouta le chevalier en contemplant les jolies jambes et les frémissements de peur et de colère qui parcouraient Sorsha par tout le corps. Voyez : elle n'en possède pas la moindre trace !

Le silence régnait désormais dans la clairière. Personne n'osait remettre en question le jugement du chevalier. Faisant alors signe à son valet de délier la corde et de faire descendre Sorsha, Angusel avança sa monture vers les villageois restés muets : Guerpissez à présent ! Et que je ne revois plus vos vilaines trognes !




Dernière édition par Angusel de Cambaire le Ven 9 Oct 2020 - 12:36, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les ignorants [pv Angusel]   Les ignorants [pv Angusel] EmptyVen 9 Oct 2020 - 12:00
Sa supplique ne sembla guère émouvoir le chevalier. Sorsha était donc condamnée. Une fois encore, son esprit tenta désespérément d’amoindrir la peur qui lui déchirait les entrailles et faisait palpiter son coeur. Ça ne sera pas si pire et ça ira très vite, plus facile que de s’endormir, sans doute. Elle n’aura plus à s’inquiéter de la Frange ni de la faim, mais il restait sa grand-mère… Elle ne pourrait jamais survivre sans sa petite fille pour s’occuper d’elle. Personne n’irait l’aider, c’était évident. Sorsha se sentit désolée. Désolée d’être si différente. Elle n’avait pas décidé d’être comme ça. Elle était née ainsi, c’est tout. Quelqu’un ou quelque chose avait jugé bon de lui donner cette chevelure de feu et le tempérament nécessaire pour la porter fièrement tel un étendard. C’était un cadeau et une malédiction. Sorsha cessa de se débattre, sentant son corps s’engourdir sous l’effet de la terreur. Elle était comme une biche surprise par le chasseur. L’instant où ses grands yeux bruns se fixent sur son bourreau et que ses membres se figent le temps d’un souffle. Le temps nécessaire pour qu’une flèche habilement tirée lui enlève la vie.

Ils atteignirent finalement une clairière. Sorsha était maintenant totalement silencieuse et ne bougeait plus. Elle eut un regain de vigueur seulement quand on la descendit du cheval et qu’elle aperçut la corde. C’était l’instinct de survie qui parlait maintenant, cette part qui refusait l’inévitable. Ils étaient deux pour la maîtriser et ce ne fut pas de trop. La peur la rendait étonnement forte malgré sa taille. Elle se débattait dans tous les sens en ruant et griffant, en essayant de mordre aussi. Ils lui passèrent péniblement la corde autour de ses pieds avant de tirer.

À ce moment, quelque chose se brisa en elle. Pas un os, non. Si par un quelconque miracle, elle devait survivre à cet instant, elle sera certainement recouverte d’ecchymoses des pieds à la tête, mais la fracture n’était pas physique. C’était bien plus profond et certainement plus grave que ça. Elle n’entendait plus le chevalier. Elle n’entendait pas non plus la foule. Elle essayait plutôt de repousser sa robe, de cacher ce qu’elle n’avait jamais dévoilé avant. Maintenant, elle pleurait et les sons les plus tristes et les plus pathétiques sortaient de sa bouche. C’était les plaintes d’une jeune femme innocente qui subissait la colère des autres. Elle eut l’impression que ça dura une éternité et c’était peut-être le cas, car même une minute de ce traitement en était déjà une de trop , une minute qui n’aurait jamais dû avoir lieu.

On finit par la ramener sur le sol. Sorsha était toujours vivante, mais elle ne comprenait pas pourquoi. Elle ne comprenait pas ce qu’ils avaient cherché à prouver. Elle tremblait comme une feuille au vent, incapable de contrôler ses membres. Le front appuyé contre la terre, elle gardait les yeux obstinément fermés comme si ça suffirait à faire partir les autre. Tout ce qu’elle voulait maintenant, c’était de disparaître. Jamais elle n’avait été aussi humiliée, dégradée... Éventuellement, elle releva la tête. Elle avait les yeux écarquillés, sous le choc. Son regard balaya la clairière, lentement, pour s’arrêter sur le chevalier dont on ne voyait pas le visage sous le heaume. Depuis le début, elle n’avait jamais vu son visage. Pourquoi?

« J’pensais… J’pensais qu’les gens com’ vous étaient meilleurs que ça. Devaient être meilleurs que ça. »

Sorsha se redressa lentement, le regard toujours sur lui. Peut-être qu’elle sentait qu’elle n’avait plus rien à perdre de toute façon. C’est pourquoi elle parla sans retenue, mais avec un calme presque surnaturel. En réalité, Sorsha avait l’impression d’assister à la scène de l’extérieur, comme si elle n’était plus dans son corps. Certainement la sensation la plus étrange qu’elle ait jamais ne vécut.

« Pourquoi cacher vot’ visage? Parce qu’il doit être laid… Laid à l’image de ce que vous êtes à l’intérieur… Tout pourri. C’est ça un chevalier? C’est pas comme dans les histoires que mon père me racontait... »
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