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 Les Duellistes [Desmond]

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Angusel de CambaireChevalier
Angusel de Cambaire



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MessageSujet: Les Duellistes [Desmond]   Les Duellistes [Desmond] EmptyMar 6 Oct 2020 - 23:23

Août 1166

C'était par une délicieuse et chaude matinée d’été, alors que le soleil ne s'était pas encore paré de sa couronne de feu, que la petite troupe parcourait les chemins du Labret, blanchie par la poussière de la route. Le port et l'assiette des cavaliers trahissaient, sous les capes et les manteaux de voyage fatigués, des harnois de plates et d'acier parfois cabossés. Sur un vieux cheval de bât, derrière, que tirait une frêle silhouette monté sur une mule : on pouvait apercevoir des lances d'arçon et un écu, soigneusement recouvert d'une housse usée. 
Autour des cavaliers, les prés et les bois étaient silencieux. Et seuls les cris perçants de deux rapaces qui tournoyaient dans le ciel troublaient la quiétude des alentours. Quelques daims s’arrêtèrent en les voyant, puis disparurent. Mais les cavaliers n'y prêtèrent guère attention. 
L'homme qui menait la maigre compagnie était revêtu d’une cotte d’armes brodée aux armes de pourpre aux cinq anneaux de maille de fer entremêlés. Le reste de son costume était composé d'une brigandine de couleur écarlate, ternie et crottée, sur laquelle on pouvait apercevoir des traces de sang séché. Ou était-ce de la boue ?
Il tenait son heaume à bec de fer d'une main. Et l'autre reposait sur les rênes de sa monture, près de la garde de sa lourde épée. Laquelle était suspendue à sa taille par un double baudrier de buffle. 
Chevauchant tranquillement, il pencha la tête d’un air pensif en direction d'un bosquet d'où émergeait une douzaine d’hommes armés d'épieux et de haches.

- Est-ce que ce ne seraient pas quelques détrousseurs, qui s'en vont ainsi en longeant les bois ?

- Neni seigneur, c'est une troupe de bucherons. Ou alors des charbonniers, le corrigea la frêle silhouette, qui observait lui aussi les hommes en agaçant ses lèvres déjà gercées entre ses dents.

- Leurs armes me laissent penser qu’ils pourraient aussi s’en prendre aux voyageurs égarés !

- Messire, qui n'en a pas de nos jours ? Entre les bandits, les bannis... et la Fange, il faudrait être fol pour sortir au dehors sans une arme pour se défendre !

Le visage du chevalier s’éclaira légèrement devant l'assurance du petit valet. Il parut même à deux doigts d’esquisser un sourire, mais il était trop déçu de ne pas avoir à faire à de méchants coquins sortis des bois.

- C'est raison parler, Fauvette. Hélas ! Il était un temps en ce duché, où il suffisait de galoper au hasard des chemins pour rencontrer un brave prudhomme ou un gentil baron avec qui mesurer son adresse pour l'honneur et la beauté d'une noble dame.

Interrompant soudain sa réflexion, la tension de l'homme grimpa d'un cran lorsqu'il aperçu cette fois un nuage de poussière qui s'élevait dans le ciel au loin. Ça ! Quel genre de voyageur pouvait mener un tel train d'enfer et pour quelle raison ? Etait-il poursuivi par quelques brigands ou par des fangeux ?
En bon chevalier, Angusel, car c'était lui, mettait un point d'honneur à ne pas mépriser les aventures de la route. Il n'y avait pas de plus belles passes d'armes que dans ces rencontres de hasard : quand des chevaliers audacieux souhaitaient se distinguer et se jetaient le gant pour s'affronter un peu follement. Tirant d'un coup sec sur les rênes de son destrier, il se retourna sur sa selle et dévisagea ses deux serviteurs.

- Sachez mes drôles - si vous me voulez bien servir - que je quêterai toute occasion de gagner de l'honneur. Vous devrez donc m'avertir dès qu'une de ces occasions se portera à votre connaissance : qu'il s'agisse d'un défi, d'une offense ou d'un tort fait à quelqu'un. Fut-il de la roture ! Et plus encore s'il s'agit d'un mal ou d'une infamie dont une damoiselle serait la victime.

Chevalier désormais sans héritage et pourvu d'un trop modeste fief, Angusel n'avait l'espoir de prospérer qu'au moyen des rançons, d'un mariage ou de quelques quêtes. Sans pécule, le mariage étant peu probable ! Adonques, il ne devait compter que sur lui-même, sur ses gens et sur son adresse pour améliorer sa condition !
Après la reprise du Labret il avait engagé des domestiques pour leur vaillance, leur adresse et surtout : pour leur fidélité. Hélas, c'étaient des roturiers et il s'y entendaient bien peu en fait de chevalerie !

- L'honneur mon bon sire ? Mais... mais qu'est-ce que c'est ? questionna l'un, intrigué.

- C'est ce que l'on ne peut vous prendre et qu'on ne vous donnera jamais, répondit Angusel en se gaussant, mais la face sérieuse. L'honneur, compagnons, est le plus cadeau qu'un homme puisse s'offrir.

- Et les garces messire, ont-elles de l'honneur ? demanda l'autre.

- Les femmes sont le coeur de l'honneur, mes bons ! Ne maltraitez jamais une femme et ne médisez point d'un homme sans raison. Car Rikni connaît la voie des justes, et la voie des pécheurs mène à la ruine.

Ou était-ce l'inverse ? Le doute, en lui, s'était initié depuis ce terrible printemps, il y a deux ans. Et il ne l'avait plus quitté depuis. Il l'habitait en tout temps et en toute heure, comme un venin amer. Armée de pied en cap, la petite troupe s'était arrêtée en bordure d'un champ et observait à présent le cavalier qui se rapprochait. Peyrot était un paysan dégourdi qui avait participé à la reprise du Labret. C'était un jeune homme de vingt années, à la chevelure auburn ondulant sur ses tempes et ses épaules. Pour toute armure, il n'avait revêtu qu'un simple gambison et une cotte de maille, sur lesquels il arborait les armes de son maître. Angusel l'avait pris à son service après l'assaut et l'homme lui avait juré sa foi en échange d'une pitance et d'un toit.
Quant au béjaune qui lui servait de page, il avait pour nom Fauvette. Il était orphelin et sous sa tignasse blonde, il ne portait qu'une tunique élimée et une cape grossière. Le chevalier l'avait tiré des griffes des fangeux lors de leur incursion dans Marbrume, à l'occasion de couronnement du roi.

- N'est-ce pas là un chevalier ? demanda tout à coup le damoiseau en se dressant sur ses étriers et en plissant les yeux.

Juste en face des trois cavaliers, l'homme pressait sa monture pour gravir la côte. Il la cravachait et l'éperonnait comme s'il se hâtait vers une destination précise. 
La voix troublée, Fauvette remarqua que le cheval était gris de poussière et tout couvert d'écume. Son cavalier quant à lui, présentait une figure qui sortait de l'ordinaire : une corpulence épaisse et une taille impressionnante, toute en graisse et en muscles. Ses épaules et ses bras semblaient massifs comme des troncs d'arbre.

- Messire, c'est un géant ! souffla Peyre en mettant sa main en visière. Avez-vous vu sa carrure ? Et ce cheval !

- Fi ! Aucune occasion n'est à dédaigner ! s'exclama Angusel, l'air fougueux, en faisant pivoter sa monture pour barrer l'étroit chemin au voyageur pressé. N'en doutez pas mes amis : une banale affaire, si elle est bien menée... peut conduire à une belle et noble joute à la lance ! Et plus grand est le péril, plus grand est l'honneur !

A peine avait-il achevé cette phrase qu'il coiffait déjà son heaume et en baissait le ventail, attendant, solidement campé, que l'inconnu parvienne jusqu'à lui.



Dernière édition par Angusel de Cambaire le Mer 7 Oct 2020 - 21:39, édité 1 fois
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Desmond de Rochemont
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MessageSujet: Re: Les Duellistes [Desmond]   Les Duellistes [Desmond] EmptyMer 7 Oct 2020 - 20:13
Pourquoi cette vieille carne se traine comme un vieillard asthmatique ? Ce n’est quand même pas difficile de galoper pour un cheval ! Je sais bien que l’on est en monté, mais ce n’est pas une raison pour ralentir. Je dois aller au Labret pour simplement apporter des missives secrètes de la part de mon allié, le Comte de Rougelac et je n’ai pas de temps à perdre. C’est pourquoi je me suis à peine arrêté dans les quelques villages survivants sur la route, pour aller plus vite, et maintenant que nous sommes pratiquement arrivés, cette rosse refuse de maintenir le rythme.

Je lève finalement la tête, maintenant que j’ai réussis à obtenir de ma monture un trot décent et je remarque trois individus, tous monté sur un cheval ou une mule qui semble m’attendre. L’un d’eux est un chevalier, facilement reconnaissable à son armure, l’autre est un soldat et le troisième et dernier est un jeune garçon en tenue de page.

J’ai ainsi en face de moi, un noble avec sa petite troupe, pendant que je suis seul. D’ailleurs, lorsque le cavalier met son heaume et m’attend, je fais de même et je m’approche prudemment de la compagnie, avant de saluer :

Je suis Desmond de Rochemand, chevalier en mission, à qui ai-je l’honneur ?

Je suis maintenant assez proche pour apercevoir un blason, qui me semble familier, j’essaye alors de me souvenir, et après quelques secondes de réflexion, je lui demande d’une voix hésitante :

Seigneur de Cambaire, est-ce vous ?

Je me souviens d’avoir régulièrement affronté cet homme entre 1162 et 1164, sa renommé était très importante et j’ai de nombreuses fois mordu la poussière à cause de lui. Il s’est retiré des tournois après une blessure m’a-t-on dit, reçu dans une compétition locale où je n’avais pas participé, trop occupé à boire et je ne l’ai jamais revu. Pour ma part, j’ai continué dans cette voie, enfin les jours où je n’étais pas occupé à faire la fête avec des prostituées, ou à tuer des gens pour le compte de mon seigneur.

J’ignorais totalement qu’il était vivant, mais si un chevalier devait survivre, c’est bien lui. Je l’ai vu mettre à terre des champions bien plus expérimenté que lui, grâce à sa fougue. Je me rends compte que j’ai toujours mon heaume et je l’enlève pour qu’il me reconnaisse, au cas où mon nom lui soit étranger.

Les cris de deux rapaces se faisant une bataille dans les cieux, sans doute pour une question de territoire, me fais lever la tête et je souris à ce spectacle, certaines choses ne changeront jamais et c’est tant mieux. Je baisse mon visage vers mon interlocuteur et j’attends sa réponse, curieux de savoir ce qu’il est advenu de sa famille, espérant pour lui qu’il a échappé au funeste destin qui m’a frappé et que cette dernière soit saine et sauve. C’est ça le problème avec la Fange, elle a frappé tellement rapidement que je ne sais même pas ce qu’il est advenu de la plupart des petites maisonnées comme la mienne.
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MessageSujet: Re: Les Duellistes [Desmond]   Les Duellistes [Desmond] EmptyJeu 8 Oct 2020 - 21:37

La carrure des épaules du Desmond était réellement impressionnante, vu de là où il se trouvait, songeait Angusel, captivé par la force qui émanait de son (pas encore ?) adversaire. L'homme était aussi grand que patibulaire. Encore plus excité par l'idée de d'affronter un géant, le maintien d'Angusel frisait quant à lui l'arrogance. Toujours assis en selle sur grand destrier noir, il restait immobile et contemplait la montagne qui lui faisait face. Quel chevalier de Morguestranc n'eut pas reconnu le sire de Rochemond, l'âme damnée du comte de Rougelac !
Comme la grêle ou la peste, la guerre s'abattait toujours sur la campagne quand on s'y attendait le moins. De préférence, lorsque les blés étaient lourds et les filles jolies... Mais bien que chevalier oint, cet homme-là se distinguait de ses pairs et d'Angusel par une soif inextinguible à tuer le plus possible, abusant des femmes et des filles des vaincus et gagnant une réputation d'homme à ne surtout pas croiser. Implacable et dénué de pitié, il commet les pires monstruosités.

- Lui-même, ou ce qu'il en reste, messire ! s'exclama exaltée, la voix métallique sous le heaume.

A ces mots, une ombre brève et triste passa sur le visage du damoiseau. Etait-ce un vertige ? Sa tête chancela l'espace d'une seconde.
Le jeune étalon qu'il montait, visiblement excité par quelque bataille passée ou à venir, piaffait et faisait virevolter sa crinière claire, maîtrisée d'une main sûre par le cavalier. L'ardeur de la bête semblait rejoindre celle de son maître en s’exhalant de ses larges naseaux inquiets. 

- J'avais ouï dire que vous étiez encore vivant, souffla Angusel. Hélas, nous ne nous sommes point croisés ! Votre force, lors de l'offensive au Labret, eût été la bienvenue...

Etait-ce un reproche ? Peut-être. Au dessus d'eux, le soleil faisait briller la brigandine du seigneur de Cambaire et projetait sa longue ombre derrière lui sur le chemin poussiéreux. Dans le ciel, les féroces rapaces continuaient leur ballet strident malgré l'annonce de sombres et épais nuages. À son tour Angusel regarda cette direction et fit la moue en balançant la tête.

- L'orage sera sur nous avant ce soir ! soupira-t-il. Avant de demander sur un ton badin : Allez-vous sur le plateau ?

A travers la visière de son heaume, le damoiseau attendit qu'il lui réponde et darda de nouveau ses yeux d'un bleu étrange vers Rochemond, qui ôtait son heaume. Quel étrange homme ! songeait Angusel, en contemplant la barbe brune et le front dégarni de son vis à vis. Velu comme un sanglier et sauvage comme un taureau dont il possédait la mâchoire !
Le jeune preux se souvenait qu'il courrait de féroces et sinistres rumeurs à propos de l'Alcide... Accusé d'avoir tué le chef de sa maison, il avait décapité son aîné après un jugement des Trinités. On murmurait, dans le duché (mais jamais devant lui), qu'il avait ensuite emprisonné sa belle-mère et qu'il l'avait tourmenté tant et tant, que cette dernière avait préféré, à la fin, se suicider plutôt que de revoir l’assassin de sa progéniture se moquant d'elle chaque jour.

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MessageSujet: Re: Les Duellistes [Desmond]   Les Duellistes [Desmond] EmptyVen 9 Oct 2020 - 23:47
L’homme qui me fait face, me fais bien signe que j’ai raison, j’ai donc en face ce fameux jouteur, qui m’indique qu’il était également présent lors de l’offensive du Labret. Il est vrai que j’ai beaucoup regretté de ne pas être là, cette expédition devais être magnifique, mais j’étais déjà en mission et je n’ai pas pu la rejoindre à temps. Toutefois, je ne me justifie pas, d’ailleurs l’idée ne me viens même pas à l’esprit que cette remarque soit une critique, personne n’osant faire ce genre de chose à mon égards depuis que j’ai décapité mon demi-frère.

Il me parle ensuite météo et je ne peux qu’acquiescer, le temps est en effet mauvais et il y a fort à parier que le reste de ma route se fasse sous la pluie, toutefois, loin de refroidir mon ardeur, je lui indique :

En effet, je me rends au Labret pour affaire, et vous messire ?

Je le laisse répondre avant de lui poser à mon tour une question :

Il me semble que nous ayons un compte à régler, pour le moment, si ma mémoire est bonne, le décompte est en votre faveur pour quatre victoires et seulement deux défaites contre ma personne. Que diriez-vous d’un combat amical ? Je vous laisse choisir les armes, soit à pied en utilisant nos épées, soit à cheval en utilisant des lances, je me permettrai juste de vous en emprunter une, celle que je tranporte n’étant pas moucheté.

C’est même tout le contraire, mon arme est aiguisée à l’extrême au cas où ma route croise celle d’un Fangeux. D’ailleurs je ne crains pas une arrivée inopportune de la part d’un membre de cette engeance maudite car l’éminence où nous sommes permet de les voir arrivé de loin. De plus il a un soldat et un page qui pourront faire le guet pendant notre affrontement.

J’espère vraiment qu’il va accepter ma proposition, cela fait bien longtemps que je n’ai pas jouté et je meurs d’envie de recommencer. Cela va me rappeler quelques souvenirs bienheureux des temps anciens, avant l’arrivée de la Fange, une époque où tout était plus simple et où j’étais plus riche avec mon propre domaine, bref le bon vieux temps. D’ailleurs pour l’asticoter un peu et le motiver, je lui dis :

Bien sûr, si vous avez peur de vous ridiculisez devant vos hommes et préférez décliner ma proposition, je comprendrai.


Et voilà, avec ce genre de petite phrase assassine, il ne peut plus refuser, au risque de passer pour un lâche. Je suis vraiment machiavélique parfois, mais c’est ma nature d'énerver les gens afin de les faire réagir. Je pense que c’est en étant poussé dans ses derniers retranchements que l’homme arrive à faire de grandes choses et j’ai hâte de savoir si mon opposant de l’époque a toujours quelque chose dans le ventre ou si c’est devenu une femmelette. Je serais bientôt fixé, car pour les chevaliers, les mots ne servent à rien, seules les actes de bravoure comptent !
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MessageSujet: Re: Les Duellistes [Desmond]   Les Duellistes [Desmond] EmptySam 10 Oct 2020 - 14:12

Maîtrisant toujours son cheval excité de la bride fermement tenu par sa main de bouclier, le seigneur de Cambaire écouta en silence les déclarations de Desmond. Bien que l’acier de son deuxième visage ne pouvait montrer sa joie de pouvoir jouter à nouveau, la voix du jeune chevalier ne tarda pas à réparer cette apathie ferreuse avec quelque gourmandise. les rencontres avaient toujours été brèves mais brutales entre eux. Elles n’avaient cependant rien de malveillantes : à la fois festive et guerrière et toujours pleine d'exaltations chez ces deux jeunes gens, qui voulaient en découdre. Ainsi, les deux hommes s’étaient défiés tour à tour, espérant la gloire de la victoire et l’équipement de l’adversaire.

- Votre mémoire vous joue des tours, beau doux sire, trancha la voix sous le heaume avec un sourire ambigu, mêlé d'impertinence. Son visage, marmoréen sous le casque aquilin, ne réagit d'abord pas. Seuls les yeux d’un bleu d’une grande pureté semblaient s’activer à l’ombre des creux servant de cavités au heaume, scrutant son adversaire. C'est de cinq victoires pour deux défaites, qu'il s'agit. Et non de quatre.

Voulait-il se prouver quelque chose en combattant cet homme ? Etait-il toujours en état de tenir la lice face à la Muraille ? Ou même face à n'importe quel chevalier ? Angusel au fond de lui-même, n'en était pas tout à fait certain... Il n'avait plus jouté depuis ce terrible accident qui l'avait laissé alité durant des mois voilà deux ans. Et s'il s'était battu à maintes reprises depuis, c'était, même à la lance de guerre, contre des simples piétons ou des créatures de la Fange et non un homme aduré à cet exercice, en armures de plates et sur un cheval. Le chevalier laissa planer un instant de silence, que l'on devinait chargé de regrets.

- Je vis à présent sur le plateau avec quelques-uns de mes gens, messire. Ma dame, la noble et belle comtesse de Pessan, m'y a baillé terres et ferme, articula lentement Angusel. Hélas, mon fief, comme probablement à vous le vôtre, me manque... Une ferme n'est pas un donjon. Ni un boqueteau, un bois ou un ruisseau... une rivière ! C'est grande pitié que d'en être tenus là... Seules nous restent désormais, à nous autres, gens d'épée, la passion et la vaillance.

L’atmosphère d’orage d’été qui planait au dessus d'eux libérait une lumière tranchante qui durcissait d'autant plus l'allure de chaque armure. Chacun des deux cavaliers se dévisageait avec jubilation, avec la passion des chasseurs pour pour un gibier féroce et de choix. Celle de deux hommes qui n’aimaient rien de plus que la violence d’un combat et la puissance des guerriers.

- Forfanterie ! railla la voix métallique d'Angusel, en balayant la petite phrase assassine de son adversaire. Desmond lui proposait un combat amical ? A la bonne heure !

- Je ne décline jamais une occasion, répondit-il d'un ton réjoui. Brisons d'abord quelques lances voulez-vous ? Les miennes sont vôtres ! Et si nous devons en venir à l'épée ensuite, eh bien... il sera toujours temps ! Appuyant son gantelet mettalique contre sa hanche, il désigna du chef son valet et son page, derrière. Pendant qu'ils les détachent et les préparent, souhaitez du vin ? Le fieffé maraud qui me sert de valet a réussi à s'en procurer une outre par quelque artifice dont il a secret.

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MessageSujet: Re: Les Duellistes [Desmond]   Les Duellistes [Desmond] EmptySam 10 Oct 2020 - 15:25
Angusel commence d’abord par me reprendre, même si j’ai des doutes sur la véracité de ses dires, je sais que je peux me tromper sur les chiffres, j’ai déjà du mal à lire et à écrire, compter m’est encore plus difficile. Je me contente donc d’acquiescer de la tête. De toute façon, ce n’est pas bien grave car je compte bien rattraper rapidement mon retard.

Il m’indique ensuite qu’il s’est allié à la comtesse de Pessan et qu’il a maintenant terre et ferme. Il s’est donc débrouillé mieux que moi, n’ayant qu’une petite propriété à Sombrebois, et encore, toujours en construction. Pour le sentiment de regret de son fief original, je ne peux que lui donner raison et je lui réponds :

Il est vrai que ma propriété me manque énormément, cela faisait des siècles que ma famille y vivait, je connaissais chaque pierre, chaque recoin et j’y étais parfaitement à l’aise. Mais on peut également cela comme une opportunité, nous sommes des survivants et rien n’est impossible dans ce nouveau monde.

Je pense sérieusement à monter dans la hiérarchie, devenir général d’une nouvelle armée ou encore me marier à une noble d’un plus haut rang que le mien, même devenir Roi est quelque chose de possible, si un duc a réussi, pourquoi pas un chevalier ?

Mais je dois revenir sur terre et je fais un large sourire à mon interlocuteur quand il accepte ma proposition de jouter. Nous allons donc commencer par la lance, je ne suis pas un grand expert mais j’espère pouvoir faire bonne impression. Je suis bien plus à l’aise à l’épée, adorant manier une lame à deux mains, décapitant tous ceux qui se présentent devant moi, même si là, je vais y aller doucement car il ne s’agit que d’un affrontement amical.

Lorsqu’il me propose du vin, je lui réponds avec un grand sourire, c’est pile ce qu’il me fallait ! Je descends donc de ma monture et enlève mon heaume pour être plus à l’aise. Je m’attends à ce que le noble fasse de même et je prends la gourde que l’on me tend et je bois quelques longues gorgées. La boisson est bonne, loin de cette infâme piquette que l’on m’a servie lorsque j’habitais à l’auberge, mais n’étant clairement pas au niveau des alcools des Rougelac.

Je tends ensuite le contenant à Angusel, pour qu’il en boive à son tour et l’alcool m’ayant rendu de bonne humeur, je lui demande :

Je suis pour ma part allié au comte de Rougelac, ce n’est pas trop dur d’être au service d’une femme ?

Je sais que je ne pourrais jamais faire cela, il est même impensable qu’une représentante du sexe faible me dise quoi faire. J’attends la réponse de mon interlocuteur, tout en surveillant du coin de l’œil ses deux serviteurs qui s’activent et je l’interroge sur eux :

J’aimerais beaucoup avoir également un page qui puisse m’assister, comment avez-vous recruté le vôtre ?

Je n’ai actuellement pas besoin de soldat, j’ai déjà deux hommes sous mes ordres qui protègent Victor quand je ne suis pas là, mais avoir un page m’aiderais beaucoup, il est parfois difficile de mettre et d’enlever une armure de plaque seul.
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MessageSujet: Re: Les Duellistes [Desmond]   Les Duellistes [Desmond] EmptyLun 12 Oct 2020 - 14:39

Au sourire de Desmond, Angusel se tourna vers ses valets et leur fit signe, puis il inclina la tête en direction de La Muraille et avança sa monture vers lui, pendant que Fauvette décrochait l'outre en cuir de la selle du roncin qui portait le bât.
Plus robuste, Peyre, lui, s'activait pour préparer les lances en bois. C'étaient de belles lances, qu'Angusel avait confectionné avec Hunaud, son homme d'arme, à partir des bois de son boqueteau de Planselve !

- C'est raison parler, chevalier ! Dans ce nouveau monde, notre adresse à l'épée peut nous permettre d'acquérir ce que notre naissance ou notre position nous refusait...

Et lui, que voulait-il ? Les pensées se bousculaient dans son esprit. Il y a longtemps, il avait espéré obtenir le soutien du comte pour retourner sur ses terres. Mais il savait désormais que c'était chose impossible. Il lui fallait penser à une vie nouvelle et lier son sort à ceux de son suzerain et de sa fille : pour le meilleur comme pour le pire. Car sa loyauté indéfectible envers le comte s’étendait à Apolline. Ç'avait été un acte naturel pour lui que de se considérer comme son lige, doublé d'une complicité ancienne née de ses blessures et de la sollicitude de la damoiselle. Apolline n'avait affecté aucune réaction officielle lors de son accident durant le tournoi. Mais par la suite et alors qu'il était plongé dans un profond sommeil, elle était l'une des seules à être venu le visiter dans le donjon de ses parents pour prendre de ses nouvelles.

Un peu fol, ou niais : il avait cru, l'espace d'un moment, à une idylle ou un amour naissant entre les deux jeunes gens. Cette sollicitude et ces marques d'affection de la part de la belle damoiselle, n'étaient-elles pas la marque d'une inclinaison pour le jeune chevalier ? Son père, qui craignait la réaction de son suzerain avait aussitôt balayé l'idée même en invoquant des jeux d'enfants et l'égarement d'esprit du damoiseau, encore convalescent. Angusel visait trop haut. Et s'il avait pu caresser cet espoir, il devait à présent défiguré, y renoncer deux fois plus. Sous peine d'amères et cruelles déceptions pour ce fils de hobereau.

- Dur, messire ? Point. Elle est belle et redoutable, lui déclara-t-il d'une voix songeuse... Elle veille jalousement sur son droit et ses privilèges. Et quand elle est orageuse : que de foudres elle recèle !

Apolline était une femme à qui le prestige de sa maison tenait particulièrement à cœur. Gracieuse, elle n'était pas dénuée d'esprit ni de gouailles : quand tant d'hommes de pouvoir pouvaient s'avérer si faibles et si pusillanimes ! Il aurait pu aussi ajouter qu'elle était amère et qu'elle avait été très éprouvée par la vie. Et qu'elle pouvait faire montre d'une détermination et d'une rancune farouches. Ombrageuse et implacable lorsqu'elle avait décidé de se venger, elle savait tour à tour se faire affable pour amadouer ceux qu'elle entendait duper. Mais cela aurait été par trop indiscret envers un chevalier d'une autre maison que la sienne.

- Elle et son père sont aussi des plus généreux. Comme avez pu le constater. Le seigneur de Rougelac est-il fait de la même étoffe ? Quel genre d'homme est-il ?

En vérité, le poids de cette générosité n’était pas sans conséquences. Une route s'ouvrait devant lui et, une fois engagé dessus, il n'y aurait plus de retour en arrière possible. Il avait lié son sort à celui de la comtesse et de sa famille. Aux dépends d'un mariage qui signifierait une assise sociale avec une autre famille ? Bien sûr il avait accès à d’autres femmes - d"un rang social inférieur - mais, comme nombre de chevaliers cadets il avait longtemps rêver d’une héritière comme épouse. Et d'un domaine où s'établir.

- Si je n'avais pas lié mon sort aux leurs, je me serai sans doute fait routier, souffla-t-il. Et j'aurai loué mon épée et celles de mes hommes au plus offrant. En échange de gages ou d'une terre ! Il n'y a pas de honte à vivre en se battant pour de l'argent.

Au sortir de sa convalescence il avait envisagé de prendre du service parmi ces troupes d'aventuriers et d'épées-louées qui, financées par les princes en temps de guerre, vivaient de pillage et de rançons en temps de trêve ou de paix. Mais la fange était survenue, balayant ses doutes et ses projets !

Sans démonter, le damoisel leva les yeux vers le ciel et scruta les rapaces. Des buses, reconnut-il à leur corpulence. Il ferma les paupières. Le soleil aveuglant du matin lui brûlait la rétine. Dans son esprit, il vit les beaux gerfauts qu'il avait capturé dans les bois du Labret, avant de rencontrer la Mathilde. C'était quatre beaux spécimens. Et celui qui était tombé du nid avait guérie de son aile cassée : il aurait pu être le plus faible des quatre, au lieu de cela, il se révélait le plus prompt et le plus réceptif au dressage.

Rouvrant les yeux et du haut de sa selle, il accepta l'outre que lui proposait à son tour La Muraille et leva son ventail (dévoilant sa blessure au visage) pour en avaler plusieurs gorgées. La lui retournant, il fixa de nouveau Desmond et eut un rire bref, dénué d’humour, et au fond de ses yeux bleus s’alluma une lueur âpre en regardant le jeune garçon qui, après les avoir servi, s'activait à présent à bouchonner les montures. 

- Ça ! Le petit malappris que vous voyez ici est un gueux que j'ai tiré des griffes de la fange à l'occasion du couronnement du duc. Il était orphelin, adoncques : je l'ai pris sous ma protection et j'en ai fait mon page. Et bien m'en a pris ! Ce petit coquelet est hardi et turbulent, mais il a l'oeil vif et la main prompte.

Il désigna de son gantelet d'acier le second.

- Quand à Peyre, qui est mon valet d'arme, il était paysan et a combattu à mes côtés lors de la reprise du Labret. C'est un roturier et il est un peu couard... mais il est parfois capable d'une belle vaillance, comme si Rikni lui prêtait sa force ! Il m'est toujours fidèle et connaît bien la région !

Angusel se rencogna contre l'appui dorsal et matelassé de sa selle et humecta ses lèvres rougies par le vin. C'était un pommeau et un troussequin surdimensionnés, propres au selles de guerre.

- Avec Hunaud, mon homme d'arme, ils feront l'affaire en attendant un écuyer de bonne maison. A moins que je ne prenne un vilain pour ce faire... Après tout, le courage et la vaillance ne sont pas l'apanage du seul sang bleu... êtes-vous de cet avis ?

Les combats contre les bandits, les écorcheurs et la fange avaient creusé de tels rangs dans la noblesse du duché... que plus d'un page ou d'un écuyer se trouvaient orphelins d'un maître, errant dans dans la grande cité de Marbrume sans toit ni couverture, ni personne pour les nourrir. Certains avaient rejoins la Milice, d'autres cherchaient encore de l'emploi.

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Desmond de Rochemont
Desmond de Rochemont



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MessageSujet: Re: Les Duellistes [Desmond]   Les Duellistes [Desmond] EmptyMar 13 Oct 2020 - 20:03
Lorsqu’Angusel me donne les qualités de la comtesse, je reconnais bien là les traits typiques de la noblesse et je peux même dire que veiller sur ces droits et ses privilèges est tout à fais normal. Après la plupart des hommes trouvent la plupart des femmes belles et redoutable, mais ce n’est clairement pas mon cas, je les trouve geignarde et sans défense, vu comment je me suis amusé avec certaines d’entre elles.

Mais il s’agit peut-être d’une exemption et j’aimerais bien faire sa connaissance, c’est une question à creuser. En tout cas cela m’étonnera beaucoup qu’elle soit au niveau d’un homme de la trempe de Victor et lorsque mon compagnon chevalier me demande comment est mon allié, je lui réponds en souriant :

Je doute que Dame de Pessan ai les mêmes centres d’intérêts que la maisonnée de Rougelac, car il est plutôt bâtisseur de l’extrême, il est d’ailleurs gouverneur de Sombrebois, la terre la plus avancé dans les marécages et il essaye d’en faire un havre de paix, contre les Faucheurs. J'espère moi pouvoir y bâtir une maison et qui sait, prendre femme !

Quand il aborde la question de louer son épée au plus offrant, je hoche la tête pour lui montrer mon approbation et je lui indique :

Ce sont là les paroles d’un sage, l’important c’est d’être toujours du côté du gagnant, les grands s’en sortent toujours, mais les petits peuvent se faire écraser, il faut donc être très prudent. Mais les terres, voilà la véritable richesse, pouvoir léguer un bien à ses héritiers est quelque chose dont l’on peut être fier.

Bien sûr, je parle d’une manière générale, car j’ignore toujours le sort de la famille de mon interlocuteur, surtout, si ma mémoire est bonne, qu’il n’a eu qu’une seule fille, ce qui n’est pas facile pour lui. Je le laisse donc boire largement à ma gourde et je peux ainsi observer sa cicatrice qui est très impressionnante, bien peu d’homme aurai pu survivre à une telle blessure. Je reste donc silencieux, méditant sur la vanité des hommes, qu’une blessure peut réduire à néant en l’espace d’un instant.
Je suis tiré de mes idées sombres par la réponse d’Angusel sur ses compagnons et je peux m’empêcher de rire à la description qu’il en fait. Ce sont à coups sur de drôle de gens, non conventionnel et cela me rappel vraiment le chevalier que j’ai connu. C’est donc avec un franc sourire que je lui réponds :

N’importe qui peut devenir un véritable sang bleu, à condition d’être guidé dans cette voie, et je suis sûr que vous ferez un excellent professeur. Après je n’aimerais pas être à sa place, car je connais votre vaillance. Mais assez parlé palabre, il est temps de combattre !

Et joignant le geste à la parole, je prends une des bonnes armes que m’a prêté celui qui viens de dévenir mon adversaire et je me mets prêt à endosser un sacré choc, mon bouclier légèrement sur le côté et mon cheval qui renâcle déjà. Je sais déjà que je vais souffrir car il m’a battu à de nombreuses reprises et qu’il va falloir que je donne le meilleur de moi, mais c’est ça qui rend la joute si excitante et j’espère que l’homme qui me fais face partage le même sentiment que moi !
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