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 Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren

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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren   Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren EmptySam 7 Nov 2020 - 13:38
-- 25 octobre 1166 --
--Genevrey --

Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren Vnt8KZ6

plan de la ville:

- « C’est vous le jeune couple qui vient s’installer c’est ça ? L’aubergiste et le coutilier ? »

Estelle fait silence, les traits de son visage semblent fatigués. La jeune femme n’a pas particulièrement apprécié le trajet de quelques jours en bateau, ni même le parcours en convoi pour arriver jusqu’au fameux village de Genevrey. Nouveau lieu de vie du couple. La tenancière ne savait toujours pas si aménager ici était une bonne idée, elle n’avait pas une très bonne image de cette zone et sa dernière expérience par ici n’était pas très concluante. Coulant un regard vers celui qui était désormais son mari, elle offrit un sourire glissant sa main dans la sienne, elle cherchait à le rassurer autant qu’à se rassurer elle-même. C’est une nouvelle vie qui s’annonce. Plus d’Adrien, plus de difficulté, plus de souvenir d’agression : le début d’une nouvelle histoire, leur histoire. La rousse aurait sans aucun doute préférait commencer par la fin de ce comte : ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Cependant ce n’était pas possible et avant d’arriver à cette finalité, Estelle prenait conscience qu’il y aurait encore beaucoup d’aventure et de ligne à parcourir. Avisant l’homme d’armes qui attendait encore une réponse, elle prit une respiration cherchant à se faire violence pour parvenir à retrouver son entrain habituel, après tout, ne fallait-il pas faire bonne impression pour débuter leur emménagement.

- « Le couple Lorren c’est ça hein ? » reprit l’homme en avisant les quelques bagages qui se trouvaient derrière le duo.
- « Oui c’est ça » reprit Estelle en appuyant du regard sur la silhouette de son cher et tendre « Voici Merrick et je suis Estelle » souffla-t-elle « Enchantée » poursuivit la rouquine avec un peu moins d’entrain qu’à son habitude.
- « J’termine là et j’vous fait faire le tour si vous voulez, vous n’avez qu’à m’attendre dehors, on est bien content de revoir notre auberge reprendre vie, vous savez »

L’homme parle avec un accent très prononcé, il semble rouler certaines lettres, sans que l’ensemble soit particulièrement désagréable. La sonorité de sa voix est plutôt chantante, elle porte et Estelle ne doute aucunement du fait que lorsqu’il force, tout le petit village doit l’entendre. Coulant un regard à Merrick, elle doit conclure silencieusement qu’elle va attendre à l’extérieur de la caserne, ainsi si il veut questionner un peu son futur collègue, c’est possible. Sans doute que cette fuite lui permet aussi de retrouver un peu d’air, alors que la nouvellement madame Lorren ne se sent pas du tout à sa place. Celle qui a toujours grandi dans une grande ville se sent soudainement enfermée dans un minuscule petit village. Relâchant la main de son époux, elle s’éclipse en revenant sur leur pas pour traverser le couloir de la caserne. Dehors, le convoi est encore là et les quelques miliciens présents ont reçu l’aide de paysans pour décharger la cargaison. La rousse a fait un pas en avant, dans l’idée d’aider sans doute, avant de se raviser en voyant une poule traverser l’espace qui l’a séparé des charrettes. Celle qui allait sous peu devenir la nouvelle aubergiste du village eut ce mouvement de recul et ce petit cri de stupeur qu’elle étouffa derrière ses doigts portés rapidement à sa bouche. Derrière le volatile apparut une jeune femme qui semblait avoir en tête de la récupérer pour lui tordre le cou, du moins, c’est ce qu’Estelle en concluait en avisant le couteau que la bonne femme avait entre les mains.

Sa réaction lui avait inévitablement tiré quelques œillades qu’elle fuyait en tournant la tête pour détailler le village avec un peu plus de curiosité. Ce dernier était plutôt rond, entouré de palissade en bois en forme de pique qui semblait avoir été renforcé récemment. Le convoi était arrivé par l’entrée du haut, pourtant il lui semblait voir un peu plus loin une autre ouverture dans la protection de la ville. Les maisons n’étaient guères nombreuses, et les personnes croisées tout aussi rares, elle estimait un village peu peuplé, sans en avoir la certitude. Autour d’elle, se faisait entendre les moutons, les vaches, cochons et autres bruits d’animaux qu’elle n’était pas nécessairement certaine de reconnaître. Un long frisson était remonté le long de son dos, alors qu’elle fixait les demeures qui ne semblaient pas nécessairement en très bon état. La rousse distinguait deux grandes rues, le reste s’apprêtait plus à des sentiers terreux. Oui, le village était petit, mais dense, chargé, ce qui ne soulageait en rien le sentiment d’étouffement qui venait l’étreindre.

Elle fut tirée de son observation par les bruits de pas derrière elle et sans doute l’échange qui devait se dérouler entre son mari et celui dont elle avait déjà oublié le prénom. Étirant ses lèvres dans un large sourire, laissant de côté ses appréhensions, elle ne put que se conforter intérieurement dans cette idée fixe qu’elle était avec Merrick et que finalement c’était bien tout ce qui comptait.


- « Vous allez voir l’établissement est plutôt grand, bon, ça fait quelque temps qu’il est abandonné, y aura des petits travaux à faire, mais c’est minime. Puis honnêtement, j’ai aucun doute que les Genevrois vous aident un peu, la milice aussi, mais l’temps nous manque souvent ‘fin tu verras ça Merrick hein, on va pas t’faire fuir tout de suite »

Le milicien s’était mis à rire, offrant une tape dans l’épaule du coutilier. Estelle était venue récupérer quelques bagages alors que le désormais trio traversait la fameuse grande rue qu’elle avait repérée. Il n’avait pas fallu aller bien loin, non, bien au contraire. Une fois traversé le petit groupe se retrouve face à trois bâtiments, un au centre, en piteuse état, dont la pancarte était en train de tomber, un qui semblait plus agréable et dont une délicieuse odeur de pain chaud se dégageait et celle de l’autre côté une demeure. Plus elle s’approchait, plus Estelle réalisait que l’habitation dégradée était l’auberge et ses lèvres durent se tordre dans une grimace furtive. La bâtisse était grande, fallait-il bien l’admettre, néanmoins le renforcement rajouté semblé l’avoir abimé, certaines fenêtres devaient être changées, l’ensemble n’était pas particulière propre et de nombreuses plantes sauvages étaient venus agripper les pierres. Le bois du toit semblait lui aussi rencontrer des difficultés à faire encore son travail convenable, ce qui tira une nouvelle grimace à la rousse. Appréhendant l’entrée de son nouveau chez elle, alors qu’elle venait de quitter la chope -qui rappelons-le avait connu une grande rénovation et un confort plus convenable- elle sentit son ventre se tordre encore et encore.

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Ce fut finalement un nouveau cri d’effroi qui lui échappa, alors que se qui semblait être un rat sortait des escaliers s’enfonçant sous la bâtisse amenant sans aucun doute à la cave. Le milicien laissa échapper un léger rire qui fut rapidement étouffé devant le regard rancunier de la rouquine.


- « Bien, bien, vous voilà chez vous, j’vous laisse vous installer, pour les travaux on en reparlera hein, bienvenue à Genevrey »
- « Merci… » souffla Estelle sans être convaincue du tout de cette envie de s’installer, avant de se souvenir que dans le fond, elle n’avait pas eu le choix, c’était soit ça, soit vivre à distance de l’homme qu’elle aimait.

Avisant une nouvelle fois son coutilier, elle tenta de sourire, dévoilant ses dents, elle ne put que tenter de relativiser :

- « ça a l’air charmant… » murmura-t-elle doucement en s’approchant pour glisser une main au niveau de sa taille et l’amener jusqu’à elle « Nous voilà donc chez nous… » tenta-t-elle une nouvelle fois en essayant de venir trouver ses lèvres « Mais, mon cher mari, je sens que tu as déjà une mission qui t’attend ! » elle laissa planer un doute avant d’offrir un sourire beaucoup plus sincère « Entrer le premier pour vérifier qu’il n’y a aucune bête à l’intérieur qui pourrait m’attaquer ! » puis plus bas, elle ajouta avec ce soupçon d’effroi dans la voix « Je viens de voir une poule traverser juste devant la caserne et tu ne me croiras jamais, elle avait pleiiiiiiin de plumes ! Elle était terrifiante. »

On aurait pu envisager qu’Estelle plaisantait, enfin pour ça, il aurait sans le moindre doute fut ne pas la connaître. En réalité, la désormais aubergiste était une femme qui possédait une peur peu commune et surtout très généraliste : la peur des animaux en tout genre. Petit, gros, qui se mange ou pas, elle était particulièrement angoissée par tout ce qui n’appartenait pas à la race humaine. Chèvre, vache, mouton, lapin, poule, sanglier et même insectes tout, absolument tout y passait. Alors l’imaginer un instant seulement vivre dans une auberge au milieu des champs et des élevages, cela tenait presque du miracle – ou d’un amour inconditionnel qu’elle éprouvait pour celui qu’elle avait épousé-. Le relâchant finalement, elle le laissait, non sans insister encore si besoin, passer le premier sur le petit passage menant à l’entrée principale, puis pousser la lourde porte en bois qui devait sans contexte grincer et menacer de tomber alors qu’on l’actionnait, elle qui n’avait plus du être ouvert depuis un long moment. S’approchant avec lenteur, tirant ses bagages, la rouquine ne put qu’attendre que Merrick soit parfaitement à l’intérieur, pour oser glisser un œil dans l’établissement.

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- « Tout est parfaitement sécurisé, monsieur Lorren ? » l’interrogea-t-elle d’une voix douce en osant aviser l’intérieur.

La pièce principale était agréable fallait-il bien l’admettre, même si cette dernière était dans un état plutôt… encombré, les tables, les chaises, bien souvent abimées, étaient entassées au milieu de la pièce, le comptoir semblait manquer d’un morceau, des planches du plancher au-dessus de leur tête laissait entrevoir les chambres ou dortoir se trouvant au-dessus d’eux. De là, elle ne voyait pas tout et la jeune femme n’osait pas encore passer le seuil de la porte. Une chose était néanmoins évidente, si tout était particulièrement rustique et dans son jus, il y avait néanmoins de belles perspectives qui ne lui échappaient pas. Du moins, jusqu’à ce qu’elle visualise une poule sortir d’une pièce sur la gauche… Là son regard s’écarquilla brusquement alors qu’un petit mouvement de recul ce fit encore entrevoir. Semblait-il qu’Estelle n’avait pas réalisé encore, qu’ici, elle allait devoir obtenir ses œufs seuls, élever sans doute quelques bêtes… N’avait-elle pas dû comprendre quand on lui avait parlé d’une grange partagée rattachée à la bâtisse qu’il y allait sans aucun doute avoir quelques animaux.

- « Me.. Me… Merrick ! Fais-moi sortir cette poule de chez nous !!!! Elle a encore plus de plumes que la précédente !!!!!! »

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Une idée de plan moche de l'auberge:

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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren   Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren EmptyJeu 17 Déc 2020 - 5:57
- « C’est vous le jeune couple qui vient s’installer c’est ça ? L’aubergiste et le coutilier ? »

Soupirant, Merrick Lorren se retourna. Sale suite à plusieurs jours de voyage, aussi bien sur terre que sur mer, le coutilier avisa celui qui s'était fait entendre en lui jetant un morne coup d'œil. De fait, Estelle et lui-même avaient avalé les kilomètres, encore et encore, accumulant la poussière des chemins et des routes séparant Marbrume du Labret. Fourbu et fatigué, le couple n'en avait pour autant pas terminé, tandis que leur brève escale à Usson les avait vu pousser plus loin à l'intérieur des terres, en direction de ce qui était loin d'être un havre de paix; Genevrey.

Soufflant de nouveau, Lorren se détourna sans répondre pour détacher une sacoche de selle, déposant finalement ce barda et cet attirail sur son épaule. Il avait reconnu la livrée de l'homme les ayant admonestés. Aussi élimé et délavé qu'elle pouvait l'être, sa tunique représentait la fonction qu'il occupait. Il était un milicien. Un homme d'armes à la solde du duc désormais roi, un combattant qui lui rappelait pas sa tenus, l'exécrable et despotique sergente; Sydonnie de Rivefière. De fait, si le couple désormais marié avait quitté la sécurité toute relative des ruelles et des venelles du dernier bastion de l'humanité, c'était à cause de cette infernale supérieure qui n'avait de cesse d'être sur son dos et de l'épier constamment. Pendant une brève période, Lorren avait cru que leur relation s'était améliorée. Après tout, Sydonnie avait été particulièrement agréable, ou à tout le moins humaine, durant son mariage. Toutefois, cela n'avait été que chimère, simagrée de bonhomie, tandis qu'elle était rapidement revenue à son état normal et tyrannique, l'envoyant par delà les mers et les baronnies jusqu'aux confins d'un monde sur le déclin et en perdition.

Dès lors, à cause d'elle, il se retrouvait devant le pire clampin de la milice. Un énergumène qui soulevait potentiellement et probablement plus souvent la fourche que l'épée courte. "Foutue sergente...". Parfois, Merrick regrettait Roland de Rivefière. Non pas simplement et seulement à cause de la disparition de son ami, mais bien pour pouvoir le voir tenir un peu plus fermement les brides de la veuve qui avait été son épouse. D'autre fois, le stupide et insipide ivrogne regrettait simplement que la noiraude ne se soit pas noyée de son saut d'en haut des murailles. Puis, même s'il ne se l'avouait jamais, parfois, en d'infimes circonstances, il appréciait la femme qu'était la gradée. Non pas la de Rivefière, mais bien la d'Algrange. Mais ça, c'était une autre histoire. Et pour le coup, en cet instant, au milieu des paysans et des bovins, dans le fin fond du monde, tout ce qu'il ressentait à l'égard de Sydonnie, c'était aigreur et acrimonie.

L'homme d'armes, aussi idiot qu'il pouvait l'être -lui qui venait du Labret-, finit par réaliser que le silence devenait aussi lourd qu'incongru. Se faisant entendre de nouveau, il tenta grâce à sa bonhomie de faire une bonne impression au couple qui arrivait et qui représentait, aussi bien l'un et l'autre, des personnes d'importances dans cette bourgade, plus taudis que village, qu'était Genevrey. « Le couple Lorren c’est ça hein ? ». Toujours aucunement d'humeur, continuellement taciturne et morose depuis qu'ils avaient traversé les « grandes portes » du village, Merrick continua à s'affairer ici et là, récupérant leur maigre bien qu'ils avaient apporté depuis Marbrume et la Chope Sucrée.

Or, contrairement à lui, une femme d'exception avait toujours à cœur son prochain. Sa femme, celle répondant non plus au nom de Chantauvent mais bien à celui de Lorren -pour le meilleur et surtout pour le pire- vola , consciemment ou non, à la rescousse de cet homme d'armes de la campagne, se faisant entendre et se présentant à la place d'un ivrogne encore trop boudeur pour desserrer les lèvres. Décidément, le mariage ne lui avait pas encore appris la maturité...
« J’termine là et j’vous fais faire le tour si vous voulez, vous n’avez qu’à m’attendre dehors, on est bien content de revoir notre auberge reprendre vie, vous savez ».

Reniflant amèrement, sans se retourner, Lorren se fit entendre pour la première fois. Enfin, pour la seconde, alors qu'il avait damné la vile sergente. "Prenez votre temps. Après tout, où irions-nous ? Et puis, vous ne devriez pas avoir trop de mal pour nous retrouver entre taudis et chaumière, n'est-ce pas ?" Était-ce la meilleure façon d'arriver en ces lieux ? Pas le moins du monde. Or, Merrick Lorren était ce qu'il était. Un salopard ? Sans doute. Un être stupide ? Probablement. Un individu à l'aigreur aussi forte que son ivrognerie ? Complètement. Toujours est-il que, à son corps défendant, chaque cahot de la route, chaque soubresaut brinquebalant de leur convoi avait sapé son moral. De fait, s'enfonçant dans les terres d'un Labret dit reconquis, mais plutôt difficilement habité, le jeune homme avait eu le sentiment de revenir en arrière et de retrouver le village duquel il avait abandonné sa famille lorsque les prédateurs de l'humanité étaient arrivés. Lui qui avait abandonné son métier de fermier pour devenir milicien, puis coutilier, voilà qu'il revenait à la case départ. Du moins, avec une femme qui avait toujours mérité mieux que lui et qui désormais, méritait mieux que l'endroit où ils vivraient pas sa faute. Par sa misérable faute...

Triturant une sangle d'une sacoche, soupirant à s'en fendre l'âme de nouveau, comme si ce sempiternel souffle recraché lui permettrait de retrouver une certaine forme de contenance, Merrick finit par réussir à croiser le regard d'Estelle. Depuis que Genevrey était apparu à l'horizon, il l'avait évité par peur d'y lire une quelconque déception, une quelconque perte de volonté et de conviction. Pour cela, Lorren n'avait pas peur de lui en vouloir. Après tout, cela aurait été complètement normal. Cependant, tout autant couard que lâche qu'il était, ce dernier n'était pas prêt à voir celle qu'il aimait et qu'il chérissait se décomposer devant leur nouveau foyer, qui était devenu réalité non pas par choix, mais bien par obligation.

-"Désolé..." Lâcha-t-il du bout des lèvres, tel un enfant récalcitrant ne reconnaissant pas ses fautes. Se dandinant plus que dansant d'un pied sur l'autre, le coutilier frappa une pierre qui se trouvait au bout de ses bottes. " Ce n'est pas l'idéal, je le sais..." et ce n'est pas mon choix. Mais comment le dire ou le définir de nouveau ? Par le mariage, Lorren avait l'impression d'avoir fait prisonnière l'ancienne tenancière de la Chope Sucrée. Après tout, sans leur mariage, elle n'aurait pas été obligée de venir se perdre avec lui dans ce trou perdu. Lui en voulait-elle ? Il n'avait pas encore eu le courage de lui demander, continuant à se renfermer et à se montrer obstiner. Dès lors, sur le coup, Merrick tentait de s'excuser, n'arrivant finalement pas -comme toujours- à définir les tenants et aboutissants de son esprit, non pas étriqué par un manque de sagacité, mais bien menacé par une fierté mal placée. "Je suis désolé, pour..." Pourquoi, hein, Lorren ? Par la Trinité, voilà qu'il avait fait les premiers pas, faisant enfin entendre à quel point il s'en voulait de l'avoir amené ici, dans ce lieu si loin de la place des pendus devenus celle des chevaliers et de son établissement nommé la Choppe Sucrée. Or, malgré qu'il soit en si bon chemin pour lui faire entendre son repentir, son désarroi face auquel il était démuni et ses doutes desquels il tirait des insomnies, l'ivrogne fit ce qu'il savait faire de mieux; il prit la fuite.

-"Je...je reviens." Tout d'un coup, le milicien de Genevrey qui n'avait pas été une priorité le devint. "Eugène !" Cracha-t-il avec aigreur. Entendant son nom, le milicien à l'allure parfaite quitta sa femme et son fils pour se diriger vers son supérieur. Évidemment, ses hommes avaient fait le voyage avec eux. Croisant le regard d'Hélène, l'épouse d'Eugène, Merrick put y lire une haine viscérale. Il espérait que cette dernière était tournée contre lui seulement et non vis-à-vis d'Estelle. Après tout, il pouvait comprendre que cette dernière n'appréciait guère Genevrey, elle qui avait grandi à Mabrurme toute sa vie durant. Or, il n'accepterait pas cette antipathie à l'égard de son épouse. Glissant une œillade à l'ancienne dame de Chantauvent, le coutilier ne put s'empêcher de se questionner. Estelle vivait-elle cela de la même façon qu'Hélène ? C'est-à-dire avec une haine couvée par l'opprobre d'avoir été expatrié à cause de la profession de son mari ? Allez savoir... lui n'avait pas encore le courage de la questionner. L'aurait-il un jour ?
Et bien, allez savoir...

-"Occupe-toi du groupe. Déchargez le convoi et profitez-en pour prendre le pouls de cet endroit." Laissant son regard vagabonder d'Estelle à Merrick, l'unique homme de confiance du groupuscule finit par hocher la tête sans rien dire avant de se détourner et de partir faire son devoir. Depuis quelque temps, il était de plus en plus silencieux. Faisant de même, Estelle et Merrick avaient gagné la caserne, avant que la tenancière ne laisse son époux seul à seul avec l'homme d'armes qui avait été assermenté pour servir dans sa bourgade natale.

◈ ◈ ◈

Peu ou pas grand-chose ne sortit de l'échange entre le milicien de genevrey et le coutilier Marbrume. Merrick eut la « chance » de voir l'allure de la caserne et de souffler de désespoir en voyant les installations. Ses miliciens devraient dormir chez l'habitant avant de se constituer leur propre foyer digne de ce nom. Pour le coup, il n'était pas pressé de leur dire la nouvelle ! Toujours est-il qu'après quelques informations supplémentaire, plus ou moins importante, le duo regagna rapidement l'extérieur pour retrouver la rouquine qui allait ouvrir une nouvelle auberge en ces lieux reculés de toute humanité. Pour le reste, cela pourrait attendre. En outre, les troupes en présence étaient déjà suffisamment occupées avec les tâches pour ne pas nécessiter une supervision directe de l'ivrogne. Et puis de toute façon, qui irait rapporter son comportement ? En outre, à quelle autorité Lorren serait-il dénoncé ? Il devait être l'un des plus gradés des environs, à tout le moins jusqu'à Usson. Et ça, ça avait le mérite d'être inquiétant. Aussi bien pour lui-même que pour Genevrey au grand complet...

-"Lâchez-moi avec vos histoires de moutons perdus, Edgard..." Lança un Merrick déjà excédé, tandis qu'il retrouvait Estelle.

-"Mais c'est important pour l'hiver, coutilier !"

-"Nous en reparlons." Trancha celui qui ne comprenait pas encore la nécessité de la moindre ressource pour préparer à la fois les convois en partance pour le dernier bastion de l'humanité, que pour survivre ici même aux frimas et aux rigueurs de l'hiver. De fait, comparativement à Marbrume, où bien qu'il manque toujours de nourriture ou de matière première, ici, à Genevrey, la moindre perte pouvait être catastrophique. Devant subvenir à leur besoin, mais aussi respecter les quotas qu'ils devaient livrer, le village se devait de produire sans perdre. Sinon, l'hiver risquait d'être affreux et meurtrier pour la bourgade. D'autant plus que certains convois n'arrivaient jamais à la capitale. Dès lors, Genevrey devait de nouveau offrir denrée et provisions, sacrifiant leur maigre récolte qu'ils avaient conservée pour eux-mêmes en prévision des mois où les jours devenaient courts et les nuits devenaient longues. Depuis quelque temps, cela était même pire, alors que les chariots disparaissaient de temps à autre avant même d'avoir rejoint Usson. Mais ça, c'était une autre histoire...

Redécouvrant Estelle, le milicien laissa de côté ses histoires de brebis égarée pour se concentrer sur l'auberge. Après tout, ouvrir cet endroit risquait d'être une source de réconfort et un baume au coeur pour ces habitants, zélés à la tâche, qui n'avaient aucune source de plaisir, si ce n'était d'honorer la Trinité. « Vous allez voir l’établissement est plutôt grand, bon, ça fait quelque temps qu’il est abandonné, y aura des petits travaux à faire, mais c’est minime. Puis honnêtement, je n’ai aucun doute que les Genevrois vous aident un peu, la milice aussi, mais l’temps nous manque souvent ‘fin tu verras ça Merrick hein, on ne va pas t’faire fuir tout de suite ».

-"C'est Coutilier Lorren pour vous, Edgard." Lâcha Merrick le regard résolument fixé à l'horizon. Décidément, il n'y mettait pas du sien... Entendant le rire du sous-fifre, puis sentant cette tape sur l'épaule, l'ivrogne se retourna pour lui lancer une œillade signifiant qu'il ne plaisantait aucunement. Pour le coup, ledit lascar ne sembla pas la remarquer, ou fit comme s'il n'avait rien vu.

Récupérant à son tour quelques bagages après sa rouquine, Merrick suivit cette dernière le long de la grande rue. Enfin, le long de ce qui s'apparentait à être l'une des seules rues du village. Quand bien même, Lorren remarqua le temple en pierre, unique édifice avec un peu de prestance dans les alentours. Poussant doucement de l'épaule sa femme pour attirer son attention, il pointa de la mention ladite bâtisse construite en l'honneur des trois. "L'unique chose qui semble convenable et tenir droit ici. C'est quand même dommage..." Termina-t-il, commençant à redouter la découverte de cette nouvelle auberge.

N'ayant pas réellement compris le sarcasme, ou préférant passer outre, Edgard se retourna, marchant à reculons tel un guide touristique, heureux de présenter la fierté de sa bourgade. "Vous avez l'œil ! C'est vraiment un beau temple. Nous en sommes très fiers !" Pour le coup, l'unique bâtisse en pierre risquait de ne pas être au goût des citadins venus s'établir en ces lieux. Même son épouse, fidèle croyante de la Trinité, risquait de trouver le foyer du culte quelque peu... désuet.

Finalement, pour le meilleur et pour le pire -surtout pour le pire- ils arrivèrent devant l'auberge en mauvais état. Dire qu'il fallait faire des petits travaux était un euphémisme. Des rénovations complètes semblaient plutôt nécessaires aux yeux de Merrick. Or, quel bâtiment de la bourgade n'en nécessitait pas ? Il semblerait que tout ce qui importait était de travailler et de se préserver de la fange. Vivre, n'avait que peu d'importance en ces lieux. Survivre était la seule et unique priorité. Du coin de l'œil, Lorren capta les moues réprobatrices et les grimaces de celle qui était devenue sa femme. Serrant des mâchoires pour ne pas crier, il se morigéna intérieurement, se faisant violence pour ne pas parler et s'insultant silencieusement pour l'avoir amené en ces terres avec lui.

Bien logiquement, l'apparition d'un rat fit crier la jeune femme, elle qui avait détalé entre forêt et boisé sous l'apparition d'un blaireau tandis que le couple tentait de gagner le Labret durant leur premier voyage. Or, le ricanement d'Edgard se mua en silence, lorsqu'Estelle le foudroya du regard. Souriant, Lorren hocha la tête avec bonhomie. Si le milicien pensait qu'il devait faire attention au coutilier plutôt qu'à sa femme, ce dernier se mettait le doigt dans l'oeil jusqu'au coude... « Bien, bien, vous voilà chez vous, j’vous laisse vous installer, pour les travaux on en reparlera hein, bienvenue à Genevrey ». Sur un dernier remerciement d'Estelle, et un énième silence du milicien, Edgard disparu, laissant le couple enfin seul.

-"Ça à l'air horrible." Corrigea Merrick, buté et obstiné en croisant les bras. Parlaient-ils de Genevrey ou de l'auberge ? Qu'importe. À ses yeux, l'un ne rattrapait pas l'autre. Bien que boudeur, Lorren se laissa attraper par sa femme, tiré vers cette dernière. Lorsqu'elle lui parla d'une "'mission" il fit les gros yeux, avant de rouler ses derniers. "Ne me parle pas à ton tour d'une chasse aux chèvres !" La suite, articulée autour d'un sourire réellement sincère réussi à lui arracher une grimace ayant une ressemblance avec une forme d'amusement. "Vos désirs sont des ordres, madame Lorren." Accepta-t-il, prêt à rentrer le premier pour "affronter" ce qu'ils découvriraient. "Une poule ? Par la Trinité, quel est cet endroit, hein ? Imagine si tu aurais rencontré une vache !" Acheva-t-il avec un brin d'ironie facilement perceptible, sachant pertinemment qu'Estelle devrait s'y faire, dans cet endroit où animaux et humains cohabitaient quasiment les uns sur les autres.

Sur le point de rentrer et d'exaucer son voeu, Merrick suspendit sa manœuvre, préférant rester enfermé dans l'étreinte de la rousse. Là, interdit et indécis, il garda le silence durant quelques instants, avant de se passer une main dans sa chevelure qu'il estimait lui-même comme parfaite et ô combien soyeuse. "On n'a jamais réellement eu la chance d'en parler, Estelle, mais je suis désolé. Désolé pour..." Termina-t-il en levant une main qui lui semblait bien lourde et qui pointait tout ce qui les entourait. Cependant, l'ivrogne ne put en dire plus, bien que ses yeux criaient toute sorte de questionnement nettement plus profond. Désormais qu'ils étaient arrivés, regrettait-elle son choix ? Regrettait-elle leur mariage ? Aurait-elle préféré rester seule à la Chope Sucrée ? Aurait-il dû quitter la milice plutôt que d'être envoyé ici en affection ? Est-ce que cette affectation lui ferait perdre son affection ? Soupirant à s'en fendre l'âme, incapable de faire entendre verbalement ses doutes, et espérant que sa femme comprendrait ses états d'âme, son trouble et son désarroi, Lorren finit pas secouer la tête, vaincue par ce nouveau foyer qu'ils allaient devoir côtoyer ensemble. "Bref, allons-y." Maugréa-t-il en ouvrant la porte.

Rentrant à l'intérieur, s'assurant d'un bref regard rapide qu'aucune bête n'était présente, le jeune homme affirma que l'endroit était sécuritaire; "La voix est libre, princesse !" Lâcha-t-il, tel un preux chevalier ayant sécurisé un quelconque repère. Pour le coup, la pièce principale semblait moins en mauvais état que le reste de la demeure. Certes, le fait que les meubles étaient à moitié entassés ici et là n'aidait aucunement à rendre les lieux habitables et intéressants. Néanmoins, il y avait du potentiel. Et ça, ça avait le mérite d'être la première bonne nouvelle depuis leur arrivée en ces lieux reculés. "Et bien, c'est moins pire que je pensais..." Proféra Lorren, glissant un regard en coin à sa femme, espérant ne pas revoir la même moue défaitiste qu'il avait vue repeindre son faciès lorsqu'elle avait avisé le bâtiment.

Marchant vers le comptoir, passant son index sur ce dernier, puis le levant pour aviser la poussière, Merrick secoua la main en grimaçant. L'endroit aurait bien besoin d'un bon coup de ménage. Chose qu'il exécrait plus que tout autre chose. Sans l'ombre d'un doute, il devrait mettre la main à la tâche. Celle qui répondait précédemment au nom de la Chantauvent était intraitable sur le sujet. Presque aussi despotique que la de Rivefière lorsqu'elle le désirait... Attrapant Estelle par la taille, la soulevant et la faisant s'asseoir sur le comptoir du bar, le coutilier se plaça entre ses jambes, les mains sur ses cuisses et un sourire taquin sur les lèvres. Le voyage avait été long et le manque d'intimité plus que présent. "Nous devrions peut-être nous assurer que le comptoir soit assez solide, non ? Qu'en dite-vous, madame Lorren, mh ?" La questionna-t-il avec des mains glissant peu à peu, démontrant les idées les moins chastes et les moins pures qui l'habitaient en cet instant.

Or, c'était sans compter sous l'apparition d'une bien quelconque poule. Voyant sa femme s'époumoner suite à cette apparition, perdant toute velléité de promiscuité sous la surprise, Merrick lui offrit une moue étonnée avant de secouer la tête, un bref sourire en coin. "Que vais-je y gagner ?" Commença-t-il, en faisant tout de même quelques pas vers ladite volaille pour exaucer le vœu d'Estelle. Chassant une poule s'éclipsant, ayant potentiellement l'air bien idiot de courser le volatile entre chaise et table, Lorren réussit à coincer ledit poulet au niveau de la porte d'entrée. "Échec et mat, poulet !" Cracha-t-il, réellement fier d'avoir bloqué toute échappatoire à l'animal qui l'avait fait courir de droite à gauche pour les beaux yeux d'une femme s'égosillant à la moindre bête.

Soudain, la porte s'ouvrit avec fracas. "Bonjour, bonjour !" Une femme à la forte carrure entra sans s'y faire inviter. "Je vous ai entendus, arriver. Vous savez, les murs sont plutôt fins." Lâcha-t-il en offrant un clin d'œil goguenard au couple. "Je suis Marguerite, la boulangère". Pour le coup, ladite boulangère n'avait rien de la grâce d'une fleur que son nom pouvait laisser supposer. Plus qu'imposante, elle déagegait tout de même une bonhomie à toute épreuve. Voyant le volatil, celle-ci l'attrapa par le coup d'une main experte, délaissant l'homme d'armes pour se diriger vers son épouse. En chemin, elle tordit le cou de la bête, faisant retentir un craquement dans la pièce, alors que le cartilage et les os se rompaient et que la volaille cessait de se débattre. "Bienvenue à Genevrey ! C'est le village qui sera heureux de voir l'auberge reprendre du service. Le dernier tavernier, que la Trinité est sont âme, est morts depuis plusieurs lunes déjà. La fange, vous savez ce que c'est, j'imagine ?"

Complètement interloqué, Lorren regardait cette Marguerite discourir avec Estelle et faire comme chez elle. Cette dernière venait de laisser tomber sa proie sur le comptoir, commençant à déplumer le poulet et à jeter les plumes du volatile sur le sol. "Que..." Sur le point de parler, l'ivrogne n'en eu pas la chance, lâchant plutôt un petit cri, alors que quelque chose venait de lui écraser le pied. "Pardon, Merrick !" Lâcha Edgard, tandis qu'il était revenu en faisant rouler un tonneau. Tonneau qui venait d'écraser les orteils du jeune homme. Entre ses dents serrés, le coutilier grogna. "C'est Lorren pour vous, Edgard." Comme précédemment, celui-ci fit comme s'il n'avait rien entendu. "Voici, François ! Un honnête homme et un ami à moi." Poursuivit-il. "Madame Lorren, m'dame Lorren ! Je vous amène notre spécialité à Genevrey ! Le meilleur alcool de la région !"

N'ayant toujours pas bougé, encore devant cette porte qui s'était ouverte pour laisser rentrer ces incongrus personnages, Merrick secouait la tête, les voyant s'approcher de son épouse qui attirait, comme toujours, les foules. "François, arrête de la regarder en bavant. Elle est déjà mariée. Et toi aussi d'ailleurs !" Lâcha la boulangère qui avait autant de tact que de manière. Dans tous les cas, elle ne semblait pas avoir tort, tandis que l'énergumène tentait d'aplanir une chevelure manquante qui laissait découvrir sa calvitie, complètement subjugué par celle qui venait d'arriver.

Faisant un pas pour ce diriger vers l'incongru groupe qui venait de se former, Lorren fut de nouveau arrêté dans son mouvement, par un coup de bâton au niveau du tibia. "Vous êtes sur le chemin, malotru !" Cracha une vieille femme sortie de nulle part. Claudiquant sur un pied, se reculant et laissant passer l'ancêtre en jurant dans sa barbe, Lorren regarda la vieille peau marcher vers le comptoir, là où tout le monde était regroupé. "Décidément, vous êtes bien maigre, jeune femme !" Lâcha-t-elle en pinçant Estelle. "Comment voulez-vous porter des enfants en étant aussi frêle, mh ?" Continua-t-elle. "Maman, soyez un peu plus polie, voyons !" Lui répondit Edgard, alors que Marguerite coupait la tête de la poule à l'aide d'un couteau. Sur le comptoir. Sur leur comptoir. Dans leur auberge. Tout juste après leur arrivée.

-"Alors, vous ouvrez ce soir, mh ?" Demanda Edgard. "Le village attend après vous depuis tellement longtemps après tout ! Ils seront fous de joie en rentrant des champs !" Soufflant par le nez, sur le point de manquer de tact et d'exploser, Merrick Lorren se pinça l'arête du nez. Le voyage avait été un enfer. Genevrey était une misère. Qui plus est, ils découvraient que sa populace était intrusive, intransigeante et complètement timbrée. Lançant un regard apitoyé à sa femme, se rongeant la lèvre inférieure avec peine, il lui laissa tout le loisir de répondre. Lui, il en avait déjà suffisamment vu. De fait, il avait plus envie de pleurer que de rire. "Sydonnie de Rivefière, je vous déteste."...

Ce serait à Estelle Lorren de gérer sa clientèle. Après tout, c'était elle la nouvelle aubergiste, non ? Lui il n'était que le coutilier qui ne se faisait pas respecter par le milicien du coin, et qui se faisait rosser par la vieille du village...
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Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren   Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren EmptySam 19 Déc 2020 - 11:59


La désormais madame Lorren patientait sagement, ou tout du moins tâchait de mettre de côté son sentiment, cet amertume légère qui prenait place dans le fond de sa gorge, entravant son cou avec force. La rouquine tâchait de digérer, de ne rien dévoiler alors qu’elle percevait plutôt facilement l’insatisfaction de son époux. Le milicien et le coutilier s’étaient éclipsés et Estelle avait pu pleinement prendre la mesure du lieu, de l’endroit, de l’atmosphère. La dame pouvait sentir sous ses chaussures la boue engluer ses semelles, l’air semblait lourd d’une multitude d’odeurs aussi douces que boisées, aussi fraiches que froides. Passant les bras autour de son buste, celle qui aimait s’armer de Brigitte se sentait bien impuissante sans son alliée en main alors que bien trop de menaces différentes semblaient se dresser non loin. Faisant abstraction, la rousse n’avait perçu nullement les différents échanges entre le subalterne et son nouveau responsable, le royaume entier semblait avoir cessé de s’animer alors que son corps se crispait à chaque fois qu’elle visualisait un animal. Ici, les maîtres des lieux avaient des poils, des cornes, des pattes, des sabots et même aux plus grandes dams d’Estelle : des plumes. Son cœur tambouriner avec une force inconnue dans sa poitrine, l’abrutissant à chaque tambour qui n’avait de cesse de frapper encore et encore et encore et encore à l’intérieur de sa cage thoracique, lui donnant la certitude de suffoquer au prochain écho, au prochain rebond. La force des choses, le visage des premiers habitants, même la sonorité de la voix de celui qui avait accueilli le couple et par défaut le petit groupe.

Devant le bâtiment, elle avait été tout aussi dispersée dans ses pensées, balayant chaque idée négative d’un battement de cil, d’une morsure de sa lèvre inférieure, d’un soupir malmené par un souffle chaud qui contrastait parfaitement avec la fraicheur qui envahissait le moindre de ses muscles. Elle voulait tenir, elle devait tenir, pour son mari, pour Merrick, pour ne pas rajouter le moindre soupçon de culpabilité à celui dont elle avait la certitude qu’il en tenait déjà de sacrée couche. Immobile, silence, la rousse détaille le bâtiment, cherchant un élément positif auquel se raccrocher, l’origine n’a pas la moindre importance, elle veut juste s’agripper avec force quitte à en perdre la raison. C’est sa voix à lui, celle qu’elle entend encore en murmure dans une excuse qu’il ne termine pas, fait passé qui revient particulièrement présent, avec un retard démesuré d’analyse de son esprit. Pivotant, elle l’avise revenir, ronchonner à propos d’un mouton… Elle ne peut s’empêcher de visualiser la laine à liste des éléments recouvrant la peau des animaux : plumes, poils ET laine. Lentement, elle affiche un sourire, se secoue légèrement pour se redonner contenance, anime ses yeux d’un éclair d’assurance et de malice, suit le moindre mouvement de celui à qui elle a dit oui pour le meilleur et pour le pire.

- « Vous pouvez dire Merrick » corrigea la rousse dans un large sourire en appuyant du regard la silhouette de son époux « Derrière sa bougonnerie se cache un homme sociable » argumenta-t-elle dans un humour maladroit et incertain.

Dans un léger mouvement tangible, l’épouse vint entrechoquer l’épaule de son mari, comme un effort, une menace silencieuse, ou un encouragement à se détendre. Celle dont la fatigue venait tirer les traits de son visage, offrir des poches sous ses yeux, et faire ressortir cette petite ride au milieu de son front ne put que tenter d’apaiser les choses. Estelle n’avait qu’un seul espoir, quitter ses chaussures collant au sol, retirer ses vêtements, tomber dans un lit moelleux fermer les yeux et se retrouver de nouveau dans sa chope… sa vraie chope. L’ancienne Dame de Chantauvent n’était cependant pas suffisamment épuisée pour croire réellement à cette volonté. Il fallait continuer, s’accrocher, maintenir ce sourire sur ses lèvres pour éviter de voir l’être le plus cher à son cœur se décomposer autant que le fumier qu’elle avait cru voir en coin en rentrant dans le village. Ce fut cette fois-ci au tour de son époux de la surprendre en la bousculant, même si la force émise dans le mouvement était légère, la dame ne put que se décaler légèrement, piétinant un instant le sol, se pinçant la lèvre d’une morsure légère. Observant l’édifice indiqué par le mouvement du menton, la tenancière prend une légère inspiration avant de sentir sa bouche maintenir cette forme de « o » dont il était difficile de savoir si le sentiment provoqué était positif ou négatif.

Le temple donc. Mordillant l’intérieure de sa lèvre, elle sent une nouvelle un rythme de percussion se jouer dans sa poitrine, ça l’étouffe, ça l’oppresse et elle en garde pourtant comme seule expression : un sourire. Au moins, dans celui-ci elle ne se perdra pas, ne se noiera pas dans la foule de représentants du clergé et n’aura pas un choix trop important au point de ne pas savoir vers qui se tourner régulièrement.


- « C’est… parfaitement intégré au paysage » tenta une rousse qui peina à maintenir l’illusion « Vous m’y accompagnerez demain, j’aimerais rencontrer les membres du clergé ici, je devrais pouvoir me libérer la matinée »

L’œillade offert plein de surprise lui fit comprendre sans le moindre doute possible que la matinée entière n’était pas nécessaire pour cette visite-là. Prenant une inspiration aussi rapide qu’inutile, la désormais madame Lorren semblait avoir manqué de s’accrocher au bras de son coutilier, comme pour s’accrocher à une bouée de sauvetage, qu’il n’était pas réellement en cet instant. Se reprenant juste au bon moment, sans doute par l’immobilisation des deux hommes, qui détaillaient déjà la nouvelle demeure du couple. Comme à son habitude, celle à la chevelure flamboyante s’accrocha au moindre élément positif avec tant de force que ses doigts s’enfoncèrent dans sa paume, elle aurait pu oui, donner le change, l’illusion… Jusqu’à un cri s’échappe de ses lèvres devant le mouvement d’un rat qui fuyait le bâtiment à toute patte. Charmant donc, c’est ce qu’elle avait dit avant de chercher à se ressourcer dans l’unique chose tangible, mesurable et parfaitement réelle : le coutilier. La rouquine avait glissé une main à sa taille pour l’attirer jusqu’à lui, murmurant ce besoin de mission, laissant planer le doute, avant de notifier l’urgence de vérifier qu’aucun rat ne résidait encore chez eux, tout en évoquant sa rencontre avec le plumeau vivant. Le laissant s’éloigner, ses doigts agrippèrent son poignet, l’immobilisant alors que ses yeux s’étaient arrondis comme la lune durant son instant de plénitude.

- « [color=#ff99ff]Tu…Tu plai… Tu plaisantes n’est-ce pas ?![:color] » relâchant ses doigts avec lenteur, elle l’avait observé s’éloigner « Il n’y a pas de vache dans les rues... c'est impossible....non ? »

Dans cette proximité, qu’il n’avait finalement pas quittée, l’homme d’armes tenta une nouvelle fois de formuler ce qui ressemblait à des excuses. Faisant cette moue bien trop enfantine, la dame n’était pas parvenue à faire entendre le moindre son. Penchant la tête sur le côté, elle semblait suspendue à ses lèvres, patientant, avisant, lui offrant ce temps qui lui semblait nécessaire sans que jamais elle ne puisse le voir s’y accrocher. Il s’éloignait ? Elle le retenait, l’obligeant à pivoter vers elle cette fois, la fuite, oui, mais pas toujours. Lentement, la future aubergiste du village laissa rouler la pulpe de ses doigts de son poignet, à son avant-bras, son épaule, le creux de son cou, sa joue sur laquelle elle appuya pour voir son doigt s’enfoncer légèrement.

- « Merrick Lorren » fit-elle en relevant son doigt en l’air, maintenant son autre poignet dans sa deuxième main « Je me moque bien de l’endroit où nous vivons, même si pour tes beaux yeux je dois affronter : plumes, laines, pattes, poils et même oui mêmes des bêtes gluantes. » elle laissa un petit sourire en coin se dessiner sur sa bouche, froissant le nez gonflant légèrement les joues « Tu te rends compte à quel point je t’aime pour mener ce combat » elle appuya sur le bout de son nez avant de le relâcher « Maintenant que c’est dit, cela ne te dispense nullement de la chasse au rat, soit mon sauveur, mon chevalier du jour » puis glissant ses lèvres à son oreille, elle murmura « En plus, il faut toujours récompenser un chevalier pour ses actes de bravoure, j’ai déjà une idée de la récompense et toi ? »

S’éloignant pour qu’il s’approche de l’endroit, souriant de cette manière rassurante alors qu’elle tremblait intérieurement d’entendre le moindre couinement, la moindre preuve d’une vie autre qu’humaine ou fangeuse -mais bien pire que ce dernier-. Bras croisés sous sa poitrine, joue légèrement gonflée alors que seule à l’extérieur elle osait une nouvelle fois laisser transparaitre cette moue boudeuse et contrariée. Horrible, avait-il employé le mot le plus juste et le plus proche de ses pensées en cet instant. L’avantage c’est que l’extérieur était tel que l’intérieure ne pouvait être que mieux, non ? C’est ce qu’elle voulait croire. Sortant de ses pensées, balayant d’un geste de la main l’ensemble des mots de sa tête, elle s’approcha vivement jusqu’à rentrer. Immobile, avisant sagement, mais surement, Estelle fut finalement plutôt agréable surprise. Il y avait des travaux, du nettoyage à faire… Mais… le potentiel était réel, autant que la main l’attirant jusqu’au comptoir se glissant sous ses fesses pour la soulager et la faire s’y installer. Penchant légèrement la tête en arrière, défaisant sa chevelure qui cascadait derrière son dos, elle la redressa en avisant celui qu’elle aimait, une petite étincelle au fond des yeux.

- « Je ne suis pas sur de bien comprendre la méthode de teste à … » elle fut coupée par le plumeau vivant qui se pavanait CHEZ EUX. Un couinement, un léger mouvement d’insatisfaction, alors que l’envie provoquait par les quelques sous-entendus de son cher et tendre venait de s’envoler, ou de fondre comme neige au soleil. « Mhhhh, eh bien déjà la possibilité de tester ce fameux comptoir… un jour du moins, car pour l’instant» elle exagéra un frisson désagréable « Nous sommes observés » tenta-t-elle bien que son visage devait clairement exprimer sa frayeur.

Il s’était éloigné, elle l’avait regardé avant de s’amuser avec force devant sa course poursuite avec le vaillant volatile. Se laissant glisser de son perchoir, madame Lorren se surpris à tapoter du bout des doigts dans un applaudissement léger, félicitations son preux chevalier qui venait de la sauver sans le moindre doute d’un meurtrier à plume en devenir. Elle fut néanmoins stoppée dans son envie de récompense par une porte qui s’ouvrit bruyamment, faisant voler en éclat l’espace d’un infime instant tout son masque d’apparence. Ses lèvres se fanèrent en une moue méfiante et teintée de sentiment négatif. Alternant un regard entre la nouvelle venue et celui qui tenait toujours le poulet, elle grimaça avant de tenter un sourire. Marguerite donc.

- « Enchantée » chuchota-t-elle en glissant une main derrière sa nuque avant de s’appuyer contre le comptoir « Je suis Est… » sa voix fut soudainement éteinte, mise au silence par un geste, alors que le poulet croisa le regard d’Estelle, les doigts de la boulangère autour de son cou, la bête ne chercha même pas à se débattre et elle eut une hésitation passagère, celle d’avoir de la peine pour lui.

Elle déglutit, alors que ses yeux avaient fini par s’arrondir une nouvelle fois devant le craquement du cou de la bête. Ses lèvres s’étaient ouvertes, un souffle chaud avait fait vibrer sa gorge, violemment. Sous le choc, Estelle tenta un appel au secours silencieux vers son coutilier, appuyant un long moment sa vision sur sa silhouette masculine. Elle n’eut guère le temps de formuler quoique ce soit, puisque la dame se déplaçait et que d’autres personnes entraient de nouveau chez elle, sans que la moindre invitation ne soit formulée. Son cœur tambourina encore, encore, encore, encore si fort. L’orchestre de percussion semblait avoir soudainement redoublé d’effort pour étouffer le moindre son du flot des paroles prononcées dans un environnement qu’elle n’identifiait pas, qui l’effrayait et qui pourtant devait devenir son chez elle. La dame n’osa qu’à peine tourner la tête vers son comptoir, où les plumes volaient déjà de droite à gauche et où la patte de l’animal s’animait dans un mouvement d’une vie passée qui l’avait désormais quitté. Fixant intensément l’action qui se déroulait juste là, Estelle semblait pâlir à vue d’œil. Des sauvages, c’est ce que ses lèvres formulèrent sans le moindre son, alors qu’elle déglutissait encore avant d’aviser les nouveaux arrivants.

Sursautant au cri de son homme d’armes, elle avisa Edgard rouler un tonneau, accompagné d’un collègue qui eut au moins le mérite de faire oublier à Estelle la scène qui se jouait à quelques pas d’elle. Fixant loin devant elle, cherchant encore de l’aide auprès de Merrick Lorren, la désormais épouse du coutiller s’appliquait encore à faire bonne figure, essayer, tenter…


- « Enchan…tée François » souffla-t-elle avec une conviction digne d’un enterrement « C’est très… aimable » poursuivit-elle en s’accrochant à une rame bien fragile dans cet océan tempétueux qui se jouait dans sa tête, coupée une nouvelle fois par la bonne femme « Et puis je préfère les hommes gradés » tenta de plaisanter une Estelle dont le cœur n’y était définitivement plus.

La suite fut surprenante, l’entrée fracassante d’une espèce de… Estelle allait-elle avoir une pensée dénigrante et pleine de préjugée, quasiment. Grimaçant, elle tâcha de passer une main dans sa chevelure, le même geste répétitif que Merrick effectuait lorsqu’il était nerveux, sa main s’attarda derrière sa nuque, son regard se fit fuyant, alors que la mégère la dégradait à la moindre parole prononcée. L’air semblait soudainement à manquer et son corps continuait à vibrer au rythme du tambour de sa cage thoracique. Glissant une main sur son front, levant un doigt comme pour tenter de s’exprimer la rousse sembla soudainement se noyer, se perdre dans son propre établissement. Déglutissant à trois reprises, elle se décala, laissant ses doigts effleurer sa tenue avec l’espoir qu’elle s’étoffe soudainement de quelques kilos en plus, ses yeux s’arrêtèrent sur la lame coupant le cou de la pauvre bête dont elle avait eu pitié. Sur l’instant, la tenancière était incapable de restituer les paroles, les mots, les phrases. Estelle tentait de s’accrocher à merrick Lorren, sans succès. Elle avait besoin de lui, réellement, et lui s’éloignait en se pinçant le nez, murmurant pour sa propre personne…

- « Merrick » souffla-t-elle d’une voix particulière faible et basse « Je… Je ne sais pas » tenta-t-elle plus fortement en se décalant du groupe qui lui donnait l’impression d’étouffer « Ce soir, c’est un peu tôt, je… nous… » nous, elle l’avisait encore « Merci pour le tonneau. »

Un silence, un silence qui trahissait le mal être de la nouvelle propriétaire des lieux.

- « Eh bah, c’est ça notre nouvelle aubergiste, elle ne cause pas trop hein »
- « Maman ! »
- « Tenez, r’gardez ce beau poulet, vous allez nous le cuisiner n’est-ce pas ? » rajouta Marguerite en le secouant sous le nez de la rousse
- « Elle vient d’la ville, elle ne sait pas faire ça, donne ! » rajouta la vieille en lui tirant des mains

La grand-mère s’était donc retrouvée avec un poulet entre les mains, le secouant de droite à gauche sous le nez d’une rouquine qui semblait perdre de plus en plus pied dans cet endroit dont elle ne maîtrisait absolument aucun code. Prenant une légère inspiration scrutant davantage celui qui semblait se noyer dans son amertume. Nouvelle respiration, nouveau soupir et celle qui aurait rêvé d’avoir Brigitte sur l’instant, avait fini par faire entendre sa voix, qui retrouvait peu à peu de son assurance, à moins qu’elle ne soit légèrement teintée d’une brise de colère.

- « Je sais parfaitement cuisiner un poulet » souffla-t-elle en récupérant l’animal « je ne sais pas l’attraper ni courir derrière » elle avisa le petit groupe qui avait fini par faire silence « Nous n’allons… » elle sentit les sourcils se froncer, les bouches former un ‘o’ de contrariété « Messieurs, aidez donc mon cher mari Lorren à installer les tables… L’anci…Madame » se reprit-elle dans un demi-sourire « Mesdames même, je vais avoir besoin de vous pour un peu de ménage si vous voulez qu’on ce soir » devant l’enthousiasme qui commençait à naître elle enchaina « MAIS, pas longtemps, nous avons du travail ici, on doit s’installer »
- « Donne-moi la bête, le ménage à mon âge c’est plus pour moi ! »

La grand-mère avait de nouveau récupéré le volatil, se déplaçant avec sa canne pour donner un coup de poulet sur la tête de Merrick.

- « Tu rêves de Rikni ou quoi ? » fit-elle en sa direction « On a besoin de tes bras de gradé mon petit… » Appuyant ses doigts au niveau de son ventre elle fit une petite grimace « On voit que tu n’as pas dû soulever beaucoup de buches toi ! Mon garçon il en a soulevé plus que 128 tu sais ! » elle élargit sa bouche dans un sourire, dévoilant une dentition dont la plupart des dents manquaient « Allons bon, je t’entrainerais si tu veux, en privée, tu vas surprendre toute ta troupe »

Continuant sa route, l’ancienne ne put que marche sur le pied du coutilier avant de prendre la direction de la cuisine, bien décidée à cuisiner pour l’ensemble. Marguerite de son côté entrainait déjà Estelle armée d’un chiffon qu’elle avait récupéré derrière le comptoir, débutant le ménage sans attendre. Les deux autres hommes s’approchaient des tables qui se trouvaient les unes sur les autres pour les installer à différent endroit. Fronçant les sourcils, l’ancienne Dame de Chantauvent s’approcha à grands pas de son homme d’arme, lui mettant un petit coup de coude, elle lui offrit un sourire, avant de venir glisser un doigt sous son menton pour lui murmurer avec douceur.

- « Avoue que tu es derrière tout ça » murmura-t-elle les yeux brillants de malice « Ce que tu ne ferais pas pour éviter le ménage » tenta-t-elle dans un jeu qui n’appartenait qu’à eux, puis reprit sérieusement « Merrick, je ne t’en veux pas, ni à toi, ni à la sergente, alors cesse de te tourmenter. En revanche, je t’en voudrais si tous nos voisins se mettent à nous détester parce que tu es aussi sociable que ta sergente ET si tu veux obtenir la récompense que tu n’as pas pu obtenir à cause de notre visite… Il faut vite s’en débarrasser, alors plus vite tout est installé, plus vite tout le monde à vidé le tonneau, plus vite on se retrouve à deux, d’accord ? »

La jeune femme ne peut que lui offrir un sourire, retenir son doigt de son menton et laisser ses mains effleurer ses bras. Estelle se veut rassurante, un pilier, tout en prenant conscience qu’elle aussi aura besoin de son aide, c’est dans cette optique qu’elle avait rajouté à mi-voix :

- « J’ai besoin de toi… » souffla-t-elle en détournant un instant les yeux, consciente de la fragilité qu’elle devait dévoiler « C’est beaucoup de changement et il y a des poules, des vaches, des moutons et sans doute bien pire que ce que j’imagine… »

Heureusement ou malheureusement, madame Lorren n’eut pas vraiment eu le temps de poursuivre cette bien trop courte conversation. La boulangère se faisant déjà entendre sur le fait qu’elle était seule à tout astiquer. Se pinçant les lèvres, elle avait fini par relâcher son milicien, espérant que ce petit interlude lui permettent de se ressaisir, sans quoi, elle ne donnait pas cher de leur intégration, elle ne donnait pas cher de grand-chose en réalité. Son ventre se tordait en tout sens, alors que son regard semblait parfois attiré par cette porte qu’elle avait envie de passer, pour se précipiter vers le chemin qui la ramènerait tout droit vers Marbrume.

- « Tu t’en sors bien la rousse » fit finalement la boulangère en l’attrapant par les épaules « La dernière femme venant de Marbrume étant arrivée ici n’a pas adressé le moindre mot aux habitants avec au moins un mois et quand elle l’a fait c’était pour nous dire bon vent » elle opina vivement avant de rajouter « Bon, elle a pas survécu à la première attaque de la fange, couick, pas une grande perte si tu veux mon avis »

Ce fut un silence, un long et profond silence

- « Je plaisante bien sûr ! C’était la deuxième pour sûr ! »

Un sourire, un triturage de doigt et Estelle semblait avoir atteint sa limite alors qu’elle imaginait la fange partout, se souvenait parfaitement de son premier voyage au Labret. C’était peut-être ce qui la fit perdre un instant contenance, à moins que ce ne soit le hurlement de mère-grand qui venait de faire entendre un cri a faire trembler les murs alors qu’elle s’était sans le moindre doute coincé le dos en soulevant une marmite.

- « Ex… Excusez-moi un instant… C’est la poussière, j’ai besoin d’un peu d’air » tenta-t-elle avant de s’éclipser à grandes enjambées.

Dehors, elle prit une grande inspiration, passa une main dans sa chevelure avant de s’appuyer contre le mur de la bâtisse. Laissant son regard vagabonder un long moment sur l’extérieur, la rouquine sentit davantage son ventre se tordre, rien ici n’était familier, elle n’avait rien à se raccrocher, aucun souvenir, aucune habitude… C’était la campagne, LA campagne dans tout son ensemble. Et maintenant ? Estelle était-elle réellement capable de vivre ici, de s’habituer ? Rien n’était moins sur à ce moment précis, malgré toutes les bonnes apparences et les efforts qu’elle s’appliquait à faire. Relevant la tête, observant le ciel, elle cherchait sans doute encore un peu de force.

- « Sydonnie de Rivefière je vous déteste » souffla-t-elle finalement en laissant le haut de sa tête appuyer contre le mur.

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MessageSujet: Re: Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren   Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren EmptyJeu 24 Déc 2020 - 5:27
Enfermé dans son propre ressenti, et tout concentré à ses maux, aussi bien physiques, suite à l’attaque d’une grand-mère et d’un baril, qu’émotionnels et mentaux, à cause de ce qu’il découvrait de Genevrey, Merrick Lorren n’en menait guère large. En effet, tel un marin devenu naufragé, il se sentait ballotté en tous sens, n’ayant pas le moindre contrôle sur ce qui l’entourait. De fait, les apparitions inopinées d’une partie de la populace dans la nouvelle auberge, ainsi que les découvertes toutes plus décevantes les unes que les autres, le rendaient aigre, amer et ô combien perdu. En quelque sorte, c’était comme si le village perdu au milieu du Labret était une mer déchainée, tandis que les éléments le constituant amenaient tourment et tempête sur ses sens déjà à vif par l’idée de rejoindre cette région reculée après avoir quitté le dernier bastion de l’humanité.

Par ailleurs, pour comble de malheur, à chaque fois que l’ivrogne avait pensé avoir sombré au plus profond de sa déception vis-à-vis de leur nouveau lieu de vie, celui-ci découvrait une nouvelle horreur, un énième détail ou un nouveau défi lui faisant réaliser que le plus exécrable était encore à venir. Ainsi, qu’importe le sujet ou l’endroit où son regard se portait, tout semblait les mener de pire en pire, les guider dans une spirale d’amertume et d’échec toujours plus profonde. Certes, cela pouvait sembler un peu exagéré. Or, puéril à souhait et facilement guidé sur le chemin de la déception, Lorren n’arrivait pas à voir le positif, là en l’instant, tout occupé qu’il fût à ressasser son antipathie et l’acrimonie l’habitant vis-à-vis de Sydonne de Rivefière, cette sergente au coeur de pierre. Dès lors, aveuglé par sa propre rancoeur, Merrick en oubliait la chose la plus importante de son nouveau monde en perdition, sa propre épouse: Estelle Lorren.

De fait, cette dernière semblait tenter de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Effectivement, entre l’arrivée inopinée de Marguerite et sa suite, la nouvelle tenancière de Genevrey tentait de sauver les apparences, malgré le manque de tact de ce groupuscule de bien médiocre qualité. En outre, la jeune femme à la chevelure de feu luttait aussi contre ses propres peurs, alors que leur nouveau lieu de vie était une véritable ferme à ciel ouvert. En effet, bovins, volaille, ainsi qu’une pléthore de leurs congénères peuplait les ruelles bourbeuses et boueuses de la petite agglomération. Sans l’ombre d’un doute, cela devait être suffisant pour rendre folle de peur celle qui avait fui devant un blaireau lors de leur première expédition vers le Labret. Et pourtant, Estelle était celle qui réagissait et interagissait avec l’ambivalente compagnie des fermiers et paysans de Genevrey, tandis que Merrick Lorren se complaisait dans son amertume.

Lorsqu’elle sa femme vint le questionner et faire entendre ses doutes, le coutlier secoua la tête avec force de gauche à droite. “Renvoyons-les chez eux, Estelle. Nous venons d’arriver et il y a tant à faire !” À ses yeux, le choix ne lui revenait pas réellement. Tandis que c’était elle la tenancière. Cependant, si elle lui demandait son avis…” Ils se croient tout permis !” Cracha-t-il en leur lançant un regard sombre par-dessus l’épaule de la rousse. Pour le coup, son aigreur contre Sydonnie, Genevrey et leur nouvelle situation prenaient le pas sur toute forme de réflexion. De fait, dans un si petit village, il n’était guère intelligent de se mettre des gens à dos dès le départ.Aussi pour lui, qui aurait besoin de se faire respecter, que pour Estelle et son commerce. “Je pense que…” L’homme d’armes et la jeune femme n’eurent pas le temps de parler entre eux plus longuement, tandis que les autres personnes en présence revenaient à la charge, se faisant de nouveau entendre. N’écoutant ce babillage intempestif que d’une oreille distraite et peu attentive, Merrick se recula de quelques pas en soupirant et en se passant une main dans sa chevelure. Ils étaient tombés au beau milieu d’un village de fous, pensa-t-il.

Finalement, au bout d’un certain temps, ce dernier réussit à sortir de son marasme, ou du moins en partie, par lui-même lorsqu’il entendit la rouquine faire preuve de plus de fermeté que de douceur vis-à-vis l’ancienne que lui-même détestait déjà. Se retournant, avisant l’échange en croisant les bras, Lorren finit par soupirer et secouer la tête. Une partie de lui avait eu envie d’en rajouter une couche, de voler au secours et à la rescousse de sa femme. De fait, la seule et unique chose qu’il n’accepterait jamais, c’était bien qu’on s’attaque à celle qui symbolisait le centre de son univers. Encore plus depuis l’arrivée en ces lieux… Cependant, le jeune homme ne voulait pas non plus saper l’autorité que l’ancienne dame de Chantauvent se devait de conquérir par elle-même, tandis qu’elle allait gérer la meute avinée bien plus régulièrement que lui-même. Ainsi, déchiré entre son envie d’agir et sa retenue réfléchie, Merrick resta silencieux, tout en se rongeant la lèvre inférieure avant d’avancer de quelques pas pour suivre la suite de l’échange, alerte vis-à-vis de la prochaine incartade qui risquait de prendre pour cible la jeune femme.

Ainsi, suivant -enfin- l’échange, écoutant attentivement la répartie d’Estelle, le coutilier hocha la tête à plusieurs reprises pour faire voir à tout un chacun son assentiment muet concernant les dires de l’ancienne dame de Chantauvent. Or, alors qu’il était sur le point de guider Edgard et son compère François vers le mobilier nécessitant d’être déplacé, l’ivrogne fut admonesté par nul autre que la vieille peau qui revint à l’assaut et à la charge. Décidément, cette dernière semblait être un mal aussi horrible et terrible que la fange. Et vu son allure, Lorren comprenait pourquoi les prédateurs de l’humanité n’avaient pas encore voulu d’elle. Et pour le coup, vu la force de son offensive à l’aide de la carcasse du poulet, il comprenait aussi pourquoi elle n’avait pas encore connu la mort. Quoi que cela s’expliquait peut-être aussi par le fait que la Trinité ne devait guère vouloir de cette dernière auprès d’eux après son décès…

Toujours est-il qu’en se massant le crâne, Lorren la foudroya du regard. “Je rêve plutôt de votre disparition en cuisine, oui !” Lâcha-t-il sans ambages. Sentant le doigt s’enfoncer entre ses côtes, Merrick grogna, coulant un regard meurtrier vers Edgard. “ Nous apprenons à nous battre à Marbrume. Pas à lever des troncs ou à s'occuper d’un quelconque cheptel !” Devant cette répartie, aussi bien François que le fils de la marâtre froncèrent des sourcils. Aussi bien fiers de leur village que de leur fonction, ces derniers n’appréciaient aucunement les propos du gradé. Cependant, ils se gardèrent bien de le faire entendre de vive voix, tandis que leur plus fourbe et vile représentante continuait à mener la vie dure à l’ivrogne. Des cours particuliers et privés, hein ? Vile matrone ! “ Je ne pense pas en avoir besoin. Vous pourriez cependant apprendre à votre fils à respecter l’autorité, mh ? Vous semblez ne pas en manquer, toutefois, il ne semble jamais avoir réellement appris à rester à sa place ! Je compte sur vous pour lui faire la morale et la leçon, voulez-vous ?” Après quelques secondes de silence plus que lourdes, l’homme d’armes fut salué d’un reniflement hautain et d’un dernier mouvement de poulet menaçant avant que la vieille dame ne disparaisse en direction de la cuisine. Évidemment, la mauvaise perdante décida de se venger de la vilenie de l’ivrogne, lui écrasant les orteils de son talon. Jurant dans sa barbe, le jeune homme lui lança un dernier regard meurtrier avant qu’elle ne disparaisse.

Finalement, se tournant vers Edgard, lui faisant face en relevant le menton crânement, Merrick Lorren haussa un sourcil. “Quelque chose à dire ?” Ayant parlé sans réellement réfléchir, tandis que son aigreur ainsi que son acrimonie l’avaient guidée, l’ivrogne était prêt aux risques de la rixe verbale. Il en avait suffisamment entendu et vécu pour aujourd’hui et tout ce qu’il désirait était le calme et la quiétude de la victoire, et ce, aussi néfaste que cela puisse être à l'avenir pour les relations du couple. De fait, peut-être que lui-même, mais aussi Estelle, s’en mordrait les doigts plus tard. Néanmoins, sur l’instant, après avoir été tourné en ridicule encore et encore, Merrick n’avait pas réussi à garder son calme et conserver une apparence de sérénité. Toujours est-il que puéril à souhait et fier à outrance, le jeune homme en avait suffisamment entendu et ne démordait pas d’être dans son bon droit de se défendre, bien qu’une petite partie de sa conscience lui soufflait qu’il s’en mordrait hypothétiquement les doigts.

-”Je pense que tout a été dit, coutilier.” Répondit un Edgard d’une voix morne et d’un regard amer. Tout de suite après, ne laissant pas la chance à son supérieur de répondre, le milicien frappa du coude François pour que celui-ci vienne l’aider à déplacer une table, s’éloignant de celui qu’il commençait peu à peu à prendre en grippe. Voyant déguerpir le duo, Merrick se passa une main dans la chevelure, soupirant pour la forme. Il aurait préféré voir l’homme d’armes réagir et en venir aux mots pour atténuer les maux. En outre, c’était bien la première fois qu’il aurait apprécié que ce dernier le nomme par son prénom, comme Estelle lui avait demandé de le faire, plutôt que de l’entendre -enfin- l’appeler par son nom ou son rang. “Par la Trinité…” Soupira-t-il de nouveau tout en haussant les épaules. Ce qui était fait était fait. Il ne resterait plus qu’à voir si cela ternirait l’image du couple, ou bien leur relation avec ledit milicien.

Avant qu’il n’ait pu se mettre à la tâche, Lorren fut rejoint par une Estelle qui tentait de se montrer tout aussi espiègle que joueuse. Cependant, loin d’être aveugle, connaissant son épouse, le coutilier vit que cette facétie n’était que chimère et façade. Souriant doucement, l’homme d’armes lui offrit un clin d'œil. “Pour être tout à fait honnête avec toi, j’aurais préféré faire le ménage que de devoir subir ça.” Lui avoua-t-il en levant une main pour englober la pièce principale et les personnes qui déambulent dans cette dernière. De fait, aussi incongru que cela puisse paraître, il était plus qu’honnête. Préférant finir sur une note plus amusante, Merrick se corrigea rapidement. “Quoiqu’en étant seuls, nous n’aurions probablement pas fini par faire le ménage, mais plutôt une toute autre activité…” Son sourire taquin et joueur ne laissait guère de doute sur ce qui lui traversait l’esprit à l’instant même.

La suite des paroles de l’ancienne dame de Chantauvent lui arracha une grimace. “Mais moi je m’en veux, Estelle.” Pour toi. “Je...je voul…” J’aurais voulu mieux pour toi. Finalement, le doigt de sa femme lui souleva le menton, coupant son discours décousu et incompréhensible. Lui qui aimait tant parler devenait incapable de se faire entendre quand la discussion devenait sérieuse. C’était pitoyable. “ Tu mérites tellement mieux Que…” que moi. “Que ça !” Or, comme elle savait si bien le faire, Estelle le rassura et le fit sourire, cette fois-ci, avec plus de tendresse que d’amusement. Attrapant ses doigts avant qu’ils ne s’échappent et partent trop loin de son visage, Merrick y déposa ses lèvres, doucement et tendrement. “ Dépêchons-nous alors, princesse. J’ai hâte de reprendre là où nous nous étions arrêtés." Puis, grimaçant, il finit par lui offrir une moue empreinte de culpabilité tout enfantine. “Je crois que c’est un peu trop tard pour ça.” Lâcha-t-il vis-à-vis de l’impératif de ne pas être détesté par le voisinage. L’avait-elle entendu ? Il ne le savait aucunement. Toujours est-il, qu’avant qu’elle puisse le questionner, Lorren leva une main pour se dédouaner, bien qu’il fut complètement coupable. “Mais je vais corriger le tir avec Edgard, promis ! Et… et avec sa mère.” Pour le coup, la seconde partie de sa promesse lui était plus difficile à faire, tandis que l’ancêtre en question lui était déjà et dorénavant aussi horripilante qu’antipathique.

La suite lui arrache de nouveau une petite moue taquine. Décidément, la seule en mesure de souffler le calme et la sérénité sur ses sens était bien l’ancienne dame de Chantauvent. Or, malheureusement, bien que cela soit aussi vrai qu’avéré, tous deux savaient que ce bref échange n’était qu’une accalmie, qu’un interlude avant de devoir retourner à leurs tâches respectives pour préparer une soirée qu’ils ne désiraient aucunement. Toutefois, sur l’instant, Merrick se prêta au jeu, oubliant la suite des choses. “Tenteriez-vous de m’acheter, madame Lorren ?” La questionna-t-il en affichant une fausse mine outrée. “Croyez-vous réellement que moi, un redoutable fêtard, expédierais les célébrations endiablées de cette soirée ?” Pour le coup, il jouait bien évidemment la comédie, tandis que Lorren lui avait dit qu’il ne goûtait qu’amèrement à l’intrusion de tous ces gens. “ Cependant, pour vos beaux yeux, je suis prêt à faire mon possible pour qu’on s’en débarrasse rapidement et qu’on se retrouve enfin seul.” Ainsi, comme pour sceller sa promesse, l’ivrogne se pencha, déposant ses lèvres sur la joue de sa femme.

Comme à leur habitude, au détour des pitreries, un discours plus sérieux vint reprendre la main mise sur l’échange, tandis que toute trace d’amusement disparaissait du visage d’Estelle, laissant plutôt apercevoir une vague de doute venir ronger son cœur et sa conscience. Grimaçant devant cet état des faits, Merrick se mordit la lèvre inférieure, réalisant l'étendue de ses erreurs. Trop concentré à ses propres malheurs, celui-ci avait oublié les peurs et les sentiments de celle qui auparavant était la dame de Chantauvent. “Je…” Que dire pour se dédouaner ? Que faire pour se rattraper, alors qu’il avait déjà commis l’irréparable ? En l’occurrence, le méfait d’avoir abandonné sa propre femme au profit de son ambivalence, de son marasme crasse et puéril ? “ Désolé…” Proférer ce mot devenait une habitude dangereuse chez lui. Enfin, lorsque l’ivrogne s’intéressait à Estelle, car aux oreilles des autres,jamais il ne reconnaîtrait ses torts. “ Je vais me reprendre.” Promit-il en hochant la tête, peut-être idiotement, à plusieurs reprises. Pour le coup, il croyait réellement à ce qu’il disait. Toutefois, malgré sa bonne volonté retrouvée -ou acquise-, est-ce que le couple réussirait à s’en sortir ? À s’intégrer convenablement, malgré les écueils et les récifs en dents de scie qu’ils semblaient rencontrer à Genevrey ? Rien n’était moins certain…

Se retroussant les manches, aussi métaphoriquement que littéralement parlant, Lorren s’approcha d’Edgard et que son comparse, tentant d’offrir un sourire à ceux qu’il avait offensés. “Est-ce que je peux vous aider avec ça ?” Leur demanda-t-il en pointant du menton la table que les deux miliciens portaient ensemble. “Non, merci. On a fini dans ce coin. Vient, François.” Lui répondit l’homme d’armes, s’enfuyant de l’endroit où Merrick était venu les rejoindre. Avisant les chaises qui étaient encore pêle-mêle, preuve irréfutable que le mobilier n’était pas encore complètement positionné dans cette section de la grande salle, Lorren hocha la tête à plusieurs reprises. “Je vois très bien que vous avez fini.” Conlua-t-il sur leur passage, ne cherchant pas à les retenir plus longuement. De fait, le jeune homme avait été sur le point d'admonester les deux miliciens qui avaient grandi à Genevrey, de leur demander si l’ensemble de leur tâche était toujours aussi bâclée et mal faite. Cependant, alors qu’il venait tout juste de promettre à la rouquine qu’il ferait son possible pour faciliter leur intégration, le coutilier avait réussi à circonvenir à son désir de répartie agressive. Se pinçant l’arête du nez, Lorren préféra abandonner pour l’instant, pensant raisonnablement qu’il serait plus facile de réparer les pots cassés une fois que le tonneau de tord-boyaux serait ouvert et que l’alcool coulerait à flots. C’est ainsi, que seul dans le coin de l’auberge, alors que les deux autres hommes l’évitaient désormais comme la peste, que Merrick Lorren commença à positionner chaise et banc tout en lançant des regards furtifs à ces deux lascars pour tenter de découvrir comment il pourrait se racheter sans avouer ses propres fautes. Oui, pour lui, faire preuve de bonne volonté n’était aucunement synonyme d’excuse de sa part. Après tout, il n’était coupable de rien, non…?

Au bout d’un certain temps, comme si l'accalmie qu’Estelle avait soufflée se brisait et volait en éclat, tout se précipita. Dans la cuisine, la vieille poussa un cri de souffrance, faisant probablement entendre les malheurs d’un dos douloureux. Puis, au milieu de la salle principale, Estelle traversa l’endroit sans s’arrêter, se retourner ou se détourner de sa marche rapide vers la porte d’entrée menant à l’extérieur. Telle une tempête, ou simplement une femme prenant la fuite, celle-ci passa devant son époux sans s’arrêter, tandis qu’il la regardait interloqué et qu’il avait tenté de lever une main pour l’arrêter en vain. C’est ainsi, qu’entre une porte se refermant vivement et claquant, et les cris de la vieille peau, que le calme relatif de la nouvelle auberge fut de nouveau rompu. “Estelle !” “Maman !” Crièrent en cœur et à l'unisson Edgard et Merrick. Promptement, le mari se dirigea vers la porte, tandis que rapidement, le fils marchait vers la cuisine.

En arrivant proche de la porte, Lorren entendit une partie du murmure proféré par la rousse qui s’était retranchée à l’extérieur. Pour le coup, Marguerite avait raison; les murs étaient plutôt fins. « ...e Rivefière je vous déteste ». Toujours est-il qu’en ayant entendu cela, l’ivrogne suspendit sa manœuvre et tout mouvement, alors qu’il avait pourtant la main sur la poignée. Devenu hésitant, osant à peine respirer, le coutilier tergiversait. Il fallait le comprendre ! Entendre Estelle proférer l’idée qu’elle détestait quelqu’un, elle qui volait perpétuellement au secours d’autrui et qui voyait toujours le meilleur en chaque personne -notamment chez un certain ivrogne complètement irrécupérable- signifiait la profondeur de son malheur. Soupirant, fermant les yeux un instant, Merrick appuya son front contre le battant. Il venait de lui faire une promesse et déjà, il avait échoué. Il était aussi lamentable que pitoyable. Or, et maintenant ? Que devait-il faire pour se rattraper et l’aider à son tour ? La rejoindre ? Lui offrir un piètre sourire, une parole taquine qui n’aurait aucun effet et qui ne serait d’aucune mesure vis-à-vis de ses tourments ? Non. Il devait agir.

Se retournant, hochant la tête, il déposa ses mains sur ses hanches. En traversant la pièce principale et se rapprochant de l’ensemble du groupuscule, il les invita à le rejoindre vers le comptoir. “Réunion de crise !” Lâcha-t-il d’une voix qui se voulait impérieuse, mais aucunement critique. “Pourquoi vous chuchotez comme ça ?” Lui répondit une Marguerite qui ne comprenait aucunement le coutilier. “Chuuut !” Lui envoya-t-il en déposant son index sur ses lèvres. Haussant les épaules, celle qui faisait le ménage soupira, mais lui emboîta le pas. François et Edgard, qui supportait sa mère, échangèrent un regard soupçonneux, avant de suivre à leur tour, asseyant l’ancêtre sur une chaise non loin du groupe nouvellement reformé.

-”Écoutez-moi.” Demanda tout d’abord Merrick Lorren en se passant une main dans la chevelure. Regardant tour à tour, Edgard, François, Marguerite puis l’ancêtre qui venait de se blesser le dos, il hocha la tête et tenta de se montrer calme et confiant. N’était-il pas habitué -bien que médiocre- à gérer un groupe ? Cela ne devrait guère être différent de sa coutelerie, non ? Dans tous les cas, il allait s’en rendre compte incessamment sous peu, alors qu’il s'apprêtait à faire un discours pour quémander à la fois leur calme et leur aide pour mettre Estelle dans les meilleures dispositions possible pour la soirée à venir. “Vous devez comprendre qu’Estelle n’a jamais connu la campagne comme cela peut être notre cas. Elle fait son possible et elle est une femme incroyable. Je suis convaincu que vous allez vous en rendre compte rapidement !” Puis, après quelques instants de mutisme. “Mais, il vous faut aussi comprendre qu’ici, tout est nouveau pour elle et moi.” Asséna-t-il à titre de première attaque, laissant le silence s’installer et perdurer plus longtemps que précédemment. “ Vous êtes des gens honnêtes et admirables.” Mentit-il. “ Toutefois, nous venons d’arriver. Nous sommes sales et las d’un voyage aussi long que dangereux et pourtant, nous organisons une soirée comme vous nous l’avez demandé. Dès lors, je vous demanderais d’être compatissant et indulgent envers nous, ou à tout le moins, envers Estelle, qui elle, ne mérite aucunement votre aigreur et votre antipathie.” Termina l’ivrogne en glissant un regard en coin à Edgard.

Croisant les bras, Edgard secoua la tête négativement et cracha au sol. “vous savez quoi, Lorren. Je ne vous aime pas.” C’était honnête et sensé. “Vous devriez rentrer vous et votre femme à Marbrume. Je le sais et je le sens; vous n’amènerez que maux et problèmes à Genevrey.” Crachant au sol et pointant le principal concerné du doigt il poursuivit avec acrimonie et aigreur. “ Je ne resterais pas plus longtemps ici. Ne comptez plus sur mon aide, coutilier.”

Soupirant, Merrick haussa les épaules, désireux de ne pas se laisser porter par la haine et la rancoeur pour répondre. De fait, le jeune homme aurait plus qu’apprécié de pouvoir remettre ce milicien à sa place, alors que son rang le lui permettait. Toutefois, Lorren espérait encore convaincre les autres personnes en présence. “Je ne vous retiens pas, Edgard. Sachez cependant que vous devriez apprendre un peu plus de François; son silence est nettement plus intéressant que vos propos !” Puis, en levant une main avant de continuer; “Vous pouvez m’en vouloir, milicien. Cependant, vous n’avez rien contre ma femme et j’espère que cela en restera ainsi.
"

Son opposant, secouant la tête, cracha une dernière phrase avant de disparaître. “François est muet !” L’ivrogne coula une œillade au principal concerné. Le voyant hocher la tête pour assentir aux paroles de son ami, Lorren grimaça. “Je n’avais rien contre votre femme. Néanmoins, si elle vous a épousé, elle est aussi coupable que vous à mes yeux. François !” termina-t-il, ordonnant à son camarade de le suivre. Cependant, contre toute attente, le muet croisa les bras et secoua négativement de la tête. Ainsi, l’idiot coutilier avait au moins réussi à gagner un support dans le groupuscule. Cependant, son unique support, pour l’heure, était un muet. Ce n’était guère gagné d’avance…

Tandis qu’Edgard s’était penché pour aider sa mère, cette dernière le frappa sur la tête. “Bas les pattes, malotru !” Cracha-t-elle. “Je ne t’ai pas élevé ainsi ! Tu peux partir, moi je reste. Nous avons besoin de ces gens à Genevrey.” Cette phrase insolite et incongrue arracha un regard noir au milicien. Néanmoins, celui-ci n’osa pas confronter sa mère, disparaissant vers l’extérieur sans demander son reste. ”Vous savez, je ne suis pas complètement en désaccord avec Edgard.” Conclut Marguerite en s’éloignant avec son chiffon pour continuer à vadrouiller et nettoyer. “Néanmoins, je pense que le village a besoin d’une nouvelle auberge.”

Se passant une main dans la chevelure, Merrick remercia la vieille et François. L’abandon d’Egard était sa faute et était nettement plus grave que les doutes proférés de Marguerite. Dès lors, c’est avec deux alliées, une récalcitrante et un disparu que le couple Lorren allait affronter la soirée. Serait-ce suffisant pour survivre à la meute peuplant Genevrey ? C’était difficile à dire, tandis que les deux seules personnes restées inflexibles vis-à-vis de leur support étaient une vieille marâtre au caractère bien trempé et un muet au sourire facile…

◈◈◈

Si Estelle Lorren n’était pas rentrée durant l’échange, celle-ci pouvait avoir compris en partie les bribes de conversation et de discussion qu’il y avait eu entre le milicien de Marbrume et les citoyens de ce village perdu au milieu du Labret. De fait, le ton était monté à plusieurs reprises, notamment durant les palabres pleines de remontrances d’Edgard, puis la répartie vilipendée de sa mère. Toujours est-il que si la rouquine était encore adossée à l’établissement désormais sien, elle verrait sortir un homme d’armes au regard noir et à la mine amère. Claquant la porte derrière lui, Edgard finirait par apercevoir la présence de celle qui allait être la nouvelle tenancière de Genevrey.

L’avisant, se passant les pouces dans la ceinture et se redressant, le milicien renifla, tentant de laisser transparaître une confiance ne l’habitant aucunement. “Vous devriez rentrer chez vous. Personne ne vous appréciera ici.” Lâcha-t-il, espérant faire chanceler l’épouse pour qu’elle fasse pression sur son mari. “ Si vous restez, tout se terminera mal…” Conclut-il en partant pour de bon, certain de ne plus revenir en cet endroit de misère. Pour le coup, ses dernières paroles n’étaient aucunement menaçantes. Après tout, Edgard n’était pas un être violent ou infâme. Toutefois, il croyait ce qu’il disait; les Lorren n’étaient pas faits pour la vie au Labret. Dès lors, selon lui, rien de bon ne pourrait en ressortir et le village s’en mordrait les doigts. Avait-il raison ? Est-ce que ses propos étaient des présomptions qui s'avéreraient véridiques, ou simplement des augures de mauvais acabit ? Cela était difficile et ô combien dur à dire sur l’instant. De fait, seul l’avenir serait en mesure de répondre à ces propos soufflant le froid sur la continuité de l’aventure à Genevrey.

◈◈◈

À un moment ou un autre, Estelle Lorren avait dû finir par rentrer. Merrick n’était pas allé la chercher, préférant mener les opérations à l’intérieur plutôt que la presser et la brusquer. Néanmoins, à partir du moment que cette dernière fit son apparition, l’ivrogne ne put s’empêcher de la regarder et de lui lancer un regard soucieux. Chiffon en main, alors qu’il nettoyait les tables désormais placées, Lorren fit un pas en direction de la jeune femme, ouvrant la bouche pour dire une quelconque parole. Toutefois, ce dernier fut coupé par la vieille qui prit les devants. “Ma fille, pouvez-vous m’aider à me lever ?” Demanda-t-elle d’une voix plus calme et douce qu’impérieuse. “Pendant que vous y êtes, pourriez-vous m’aider en cuisine et me montrer comment vous vous y prenez ? “ C’est ainsi que bien que cela soit du bout des lèvres, la mère d’Edgard tentait de tendre la main à la rouquine qu’elle avait calomniée à quelques reprises.

Hochant la tête pour encourager sa femme, Merrick détourna rapidement la tête, aucunement désireux de faire comprendre à Estelle qu’il était en partie l’instigateur de cela. Après tout, au final, lui le savait parfaitement; l’ancienne dame de Chantauvent serait appréciée en cet endroit. Pourquoi ? Parce qu’elle était une personne incroyable et adorable. S’aveuglait-il parce qu’il l’aimait ? Lui ne le croyait pas le moins du monde. “Alors, c’est pour aujourd’hui ou pour…” Réalisant qu’elle redevenait agressive, la vieille femme qui faisait des efforts, s’arrêta, se raclant la gorge. “Pourriez-vous m’aider, je vous prie ?"

◈◈◈

Début de soirée, Auberge de Genevrey

Les gens commençaient peu à peu à arriver dans l’auberge fraîchement nettoyée et difficilement remise en ordre. Certes, l’endroit n’était aucunement à la hauteur de la Chope Sucrée et aucunement aussi propre ou en bon état que désiré. Néanmoins, le village du Labret ne semblait rien n’avoir de qualité, si ce n’était de son petit temple. Dès lors, personne dans la pièce ne risquait de lever le nez sur l’allure de la pièce principale. En outre, pour la plupart, après une journée à travailler dans les champs environnants et avoisinants, ceux-ci étaient plus sales et crasses que tout le mobilier pouvant se trouver en ces lieux.

-”Bonjour ! Bonsoir ! Bienvenue !” À l’entrée,des chopes en main, le coutilier se fendait de son plus beau sourire et tentait de donner le change et d’avoir l’air jovial pour accueillir la clientèle. Après tout, ne dit-on pas que la première impression est la bonne ? Dans tous les cas, tentant de ne pas trop se pencher sur l’apparence des badauds peuplant Genevrey, Lorren conservait un sourire d'apparat à même de sauver les apparences. De fait, les propos d’Estelle vis-à-vis de leur intégration l’avaient marqué plus que profondément. Non pas réellement pour lui, habitué à naviguer au travers des regards sombre et teigneux des miliciens le jugent aussi laxiste qu’incapable, mais plutôt pour la rousse qui ne méritait aucunement pareille réputation. Or, maintenant qu’ils étaient mariés, il avait compris que ses actions impacteraient aussi bien Estelle que lui-même. Et à cause de cela, il espérait s’améliorer.

-”Ah, Eugène ! Content de te voir. Et...toi aussi, Hélène. Estelle est là-bas, si jamais !” Répondit Merrick à l’arrivée du membre de sa coutelerie et de son épouse. Depuis leur départ obligatoire de Marbrume vers le Labret, certains miliciens de son propre groupuscule le tenaient pour responsable de cette mutation, alors qu’ils avaient probablement jugé que l’acharnement de la de Rivefière provenait du manque de sérieux de leur gradé. Ainsi, si tout un chacun se retrouvait dans une région reculée et perdue du Morguestanc, ce n’était pas tant à cause de la sergente qu’à cause de leur incapable de coutilier. Toujours est-il que Merrick connaissait la haine d'Hélène, mais n’avait jamais osé questionner son sous-fifre, par peur d’y entendre des remontrances.

Au bout d’un certain temps, alors que le nombre d’arrivants se tarissait enfin et que la clochette -ou plutôt la cloche- de la porte d’entrée se faisait beaucoup moins entendre, Merrick attrapa Estelle, capturant sa taille de ses deux mains. Tout d’abord, pointant le menton de la porte d’entrée, il lui sourit. “J’ai demandé à François de ramener une clochette pour la porte. Tu sais, un peu comme la Chope Sucrée.” Commença-t-il en faisant référence au tintement qui sonnait à chaque nouveau client arrivant dans la pièce principale de l’auberge. De fait, Lorren tentait de recréer en partie les charmes du précédent établissement de la place des chevaliers qu’ils avaient quitté. “Il a fait son possible, mais je crois que c’est un échec.” Continua-t-il en grimaçant alors que la cloche retentissait de nouveau. “Je crois qu’il l’a volé au cou d’un bovin…” termina-t-il en riant à moitié d’amusement et de désespoir.

Déposant son front sur celui d’Estelle, toujours pris par un fou rire qu’il tentait de cacher, mais qui continuait à le faire tressauter les épaules, Merrick secoua la tête. “Par la Trinité, Estelle, où sommes-nous ?” Bien que ses paroles puissent sembler et laisser présager sa précédente morosité, cela n’était plus réellement le cas, alors que ses yeux étaient vif et que son sourire aussi taquin et moqueur était bien présent sur ses lèvres. De fait, l’ivrogne avait accepté son sort, et bien qu’il se moquait de l’ensemble des péripéties que le duo vivait en ce premier soir, il avait aussi accepté de faire, à son tour, contre mauvaise fortune bon cœur. Après tout, lorsqu’il avait vu l’ancienne dame de Chantauvent partir vers l’extérieur, Merrick s’était senti coupable, embrassant la nécessité de réparer les pots cassés qu’il avait en partie lui-même créés. “Est-ce que ça va ? Est-ce que je peux faire autre chose ?” Demanda-t-il finalement, ayant retrouvé une partie de son sérieux et tentant de sonder les yeux gris-bleu de sa partenaire, en quête d’un signe de doute ou de désarroi à même de le guider et de l’aiguiller. “Du moins, à partir du moment que ce n’est pas du ménage, j’entends !”

Au bout d’un certain temps, probablement suffisaient pour qu’Estelle ait la chance de répondre, Lorren souffla avant de parler un peu plus sérieusement encore. “Vis-à-vis d’Edgard…” Commença-t-il, cherchant à définir ce qui s’était déroulé et l'antipathie du milicien pour le couple. “Je crois que…” Or, il ne put terminer sa phrase, alors que la mère dudit scélérat tapa de sa canne sur une table pour attirer l’attention, pour quémander et commander le silence. Insultant ici et là ceux ne se dépêchant pas suffisamment rapidement à son goût de faire preuve de mutisme, ladite vieille femme se tourna vers Estelle Lorren, plongea son regard dans celui de la nouvelle tenancière de Genevrey. “Un discours !” Ordonna-t-elle, rapidement suivie par la nouvelle population qui découvrait celle qui allait désormais accompagner leur soirée avinée.

Hochant doucement de la tête pour encourager sa femme, Merrick Lorren lui offrit un sourire, tirant une chaise et lui offrant sa main pour l’aider à se juger sur ce promontoire de fortune. Accepterait-elle d’être le centre d’attention de la sorte ? Difficile à dire, tandis que la réponse n’appartenait à nul autre qu’Estelle Lorren.
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MessageSujet: Re: Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren   Bienvenue à Genevrey || Merrick Lorren EmptyLun 25 Jan 2021 - 19:18


Estelle était appuyée contre le mur extérieur, ses doigts filant dans sa crinière rousse, tirant un peu sur l’ensemble, alors que sa tête basculait vers l’arrière, que ses yeux avisaient le ciel et que le haut de son crâne reposait contre le bois qui se trouvait derrière elle. Un mélange de soupirs et de désespoir s’était échappé de sa bouche dans un aveu qu’elle regrettait déjà alors qu’elle venait à peine de le formuler. Jamais l’ancienne Chantauvent n’avait maudit qui que ce soit, mais sur l’instant, sur le moment, face à la difficulté, face à cette impression de couler, de boire la tasse, Estelle avait quelque difficulté à faire la part des choses, à laisser sa bonhomie, son dynamisme et sa positive attitude prendre le dessus sur le reste. La rouquine aurait voulu pouvoir s’appuyer sur Merrick, se reposer sur ses épaules, lui laisser pleinement la main et la gestion de la situation, mais très vite, elle avait pu constater sa mauvaise humeur, ses propres doutes… Comme d’habitude, la tenancière avait tout fait pour le soutenir, pour l’aider, pour voler à son secours. Cependant, comment secourir quand on est nous-mêmes naufragé ? Voilà bien un état de fait, une logique pure, une leçon que la dame venait d’apprendre, tout du moins d’en prendre conscience.

Estelle se sentait seule, malgré les mots de son époux, elle aurait voulu être plus forte dans le fond se décevait-elle, sans doute était-ce sa propre difficulté qui était le plus complexe à digérer. Se redressant, frottant ses avant-bras de ses mains, elle s’était apprêté à rentrer, avant de réaliser, à son tour, que les murs étaient en effet que très peu épais et si toute la conversation lui échappa, en grande partie tout du moins, elle comprit le principal : Merrick s’essayait à trouver une solution pour la secourir, pour l’aider, pour la soulager. Un sourire avait fini par reprendre place sur ses lèvres, plus tendre, plus doux, alors que ses yeux avaient dû briller de cette émotion qui lui étreignait la gorge. Comprenant qu’une personne s’approchait vers la porte de sortie, elle s’était décalée, avisant celui qui semblait en colère, révolté, désagréable. Sa prise de parole la fit reculer d’un pas, ses sourcils s’étaient froncés un instant, sa bouche ouverte avant de se refermer rapidement. Déglutissant, la dame n’avait pas trouvé les mots sur l’instant, pourtant elle aurait voulu pouvoir lui rétorquer le contraire, le remettre en place , se révolter, se rebeller. Combien de temps avait-elle passé à l’aviser ainsi, silencieuse, combien de temps le milicien avait-il attendu, s’engouffrant dans la brèche, dans sa blessure. Il s’éloignait, elle ne bougeait pas… Jusque sa propre voix vienne se faire entendre, surprenant la propre émettrice de ce son :


- « Edgard ? »

Il s’était retourné, Estelle avait pris une inspiration, cherchant du courage :

- « Il y a une règle à la chope sucrée… Et si vous ne voulez jamais rencontrer Brigitte, je vous conseille fortement de la respecter » elle fit silence, alors que l’homme ne semblait pas comprendre qui était Brigitte « On respecte les patrons, on vient pour s’amuser, pour profiter… Et vous pourrez bien vous méprendre, me détester, ou détester Merrick, peu importe, si vous voulez boire ça sera ici qu’il faudra venir et la porte vous sera toujours ouverte » elle offrit un sourire « Même si Merrick est maladroit, vous l’êtes tout autant à cet instant. Ne faudrait-il pas se tendre la main, plutôt que se comporter comme des animaux, comme des fangeux ?! »

Il grogna quelque chose, marmonna davantage sans que la rousse ne parvienne à identifier l’ensemble des paroles prononcées. Son regard se fit toujours aussi sombre, son visage était toujours autant teinté d’amertume, mais la main du milicien avait fini par se lever, par réaliser un bref geste de salut, alors qu’il crachait un bonne soirée qui semblait lui avoir terriblement couté. Sans doute que n’importe qui d’autre qu’Estelle se serait offusqué, oui, n’importe qui, mais pas celle qui se sentait parfaitement illégitime dans sa rébellion alors qu’elle était l’inconnue de Genevrey, l’oisillon qui venait de tomber du nid, l’enfant qui venait de naître pour atterrir dans un environnement qu’elle ne connaissait nullement. Ici, elle devait apprendre à marcher, à parler, à se mouvoir, à mettre de côté ses peurs profondes… Recommencer, entièrement, parfaitement, difficilement, tout reprendre sans manuelle, sans pas-à-pas, sans maître, sans exemple… Avisant la silhouette disparaitre, l’ancienne dame de Chantauvent sembla hésiter un infime instant : pourquoi ne disparaitrait-elle pas ? Abandonnant tout pour retourner à Marbrume ? Merrick ne pourrait-il pas être ici et elle dans la forteresse de l’humanité ? À peine pensée, que l’idée disparut. Si une chose semblait bien plus forte que la totalité des peurs de la désormais Lorren, s’était bien son amour sans faille et sans limites pour son époux.

Avisant le lointain jusqu’à ne plus distinguer la silhouette de l’homme d’armes s’éloignant, la rousse prit une importante inspiration, puis une seconde, une troisième, une quatrième. Il lui fallait sans le moindre doute du courage pour entrer une nouvelle fois à l’intérieur, Estelle n’était plus certaine d’en avoir, mais le peu qui lui restait, elle le tirait directement dans la tentative de Merrick Lorren de lui venir en aide. Poussant la porte, la dame avait dû s’immobiliser à l’entrer, écoutant la porte se refermer derrière elle dans un grincement qui la fit frisonne. Étouffer dans sa propre maison, c’était une première et cette première était particulièrement douloureuse pour l’ancienne Chautauvent. Un infime instant, la rousse avait hésité à faire demi-tour, prendre ses jambes à son cou, courir aussi vite que ses pieds lui permettraient pour prendre le chemin la ramenant à Marbrume. Son regard s’accrocha néanmoins a celui de son époux, elle eut cette hésitation, ce mordillage de lèvre, cette main qui se perd dans sa nuque avant de quitter ses yeux pour fixer celle qui venait de lui adresser la parole. Pour la première fois de son existence, Estelle semblait manquer de mot, rien ne s’échappait de sa bouche, alors que ses prunelles survolaient chaque personne présente, chaque action, sans y trouver le moindre sens. S’accrochant comme une naufragée à la vision de la silhouette masculine qu’elle connaissait sur le bout des lèvres, elle fut de nouveau agrippée par la voix un brin plus pressante de l’ancienne. Pressé par l’urgence et l’impatience que dégageait la grand-mère, Estelle ne put que décrocher son expertise de son cher et tendre, se rapprochant de l’ancienne afin de lui proposer son bras.

- « Plutôt pour aujourd’hui » répondit la crinière rousse en réajustant un sourire sur ses lèvres « Prenez mon bras, je vous accompagne en cuisine, à deux nous devrions pouvoir réaliser un plat que tout le monde va adorer. Avec votre expérience et ma… technique, personne ne pourra nous résister ! »

Pour un regard habitué à aviser la tenancière, il doit y avoir des gestes qui trahissent sa nervosité. Sa manière de triturer le tissu de sa tenue du bout des doigts, le pincement de ses lèvres régulier, sa voix qui est certes douce, mais pas aussi chantante qu’habituellement, sont autant d’aspects à ne pas négliger pour traduire son état émotionnel, plutôt instable. Glissant un bras sous celui de la vieille dame, elle l’avait aidé volontiers à se déplacer jusqu’à la cuisine, c’était finalement la première fois qu’elle y mettait les pieds et son regard dû légèrement s’écarquiller devant l’étendu des travaux à effectuer. La vieille n’avait pas pu s’empêcher de lui mettre un coup de canne au niveau des côtes, comme pour la ramener dans l’instant présent, ce qui avait tiré un grognement de surprise à l’ancienne de Chantauvent, qui, prenant une nouvelle fois sur elle avait fini par s’activer sous les directives d’une ancienne qui fallait-il bien l’admettre n’avait pas du tout la même méthodologie que la rouquine. Après plusieurs pincements de lèvres, après plusieurs activités, recettes, désaccord, une agréable odeur avait fini par émaner de la cuisine. La grand-mère semblait même porter un regard un brin différent sur la rat des villes en transition pour devenir des champs. Si elle trouvait toujours Estelle bien trop maniérée, bien trop exigeante, bien trop… Marbrumienne, elle avait néanmoins entre aperçus les talents de la cuisinière de la tenancière et ce n’était pas pour lui déplaire.


C’est en fin d’après-midi, avant que la nuit ne tombe que l’auberge avait commencé à se remplir. La rouquine s’échappant enfin de la cuisine avisait celle qui était sur ses pas et qui déjà commandait une chope bien forte de bière. Le lieu commençait à se remplir et les multitudes de têtes inconnues présentes donnaient quelque peu le tournis à l’ancienne Chantauvent. Pour la première fois de son existence et de ses nombreuses années de profession, la rousse avait du mal à se sentir à l’aise, à sa place. Merrick donnait davantage le change, offrant des sourires, offrant des bières et saluant l’ensemble. Définitivement, pour Estelle l’intégration et l’adaptation semblaient bien plus complexes que ce qu’elle avait imaginé. Au-delà du lieu, de la présence, il y avait autre chose d’important à notifier : l’odeur. À peine l’ensemble des futurs habitués entrés qu’une odeur étrange et qu’elle n’identifiait pas clairement s’était installé dans l’établissement. C’était… amer, quelque peu… agressant vis-à-vis de son odorat. Un mélange d’humidité et d’herbe, mais pas seulement. Quelque chose d’animal, de bestiole et… était-ce vraiment de la bouse que l’homme essuyait contre le petit rebord de la porte principale ? Son regard s’était porté sur la silhouette de son époux se trouvant là, non loin, elle aurait pu crier, le supplier de rentrer à ce moment précis. Au lieu de ça, la désormais Lorren c’était contenté de déglutir à trois reprises, de réajuster un sourire qui hurlait à la fausseté et à faire ce qu’elle savait faire le mieux : servir des chopes et des repas.

Estelle s’était un peu retrouvée en Hélène, alors qu’une vague de soulagement l’avait envahi lorsqu’elle avait entrevu des silhouettes familières. Dans un sens et un peu égoïstement, elle était rassurée de constater que les nouveaux arrivants formant la coutillerie de Merrick -et de leur épouse- dénotaient autant qu’elle dans ce milieu fait de rustre, de vaches, de cochons et de poules. Autant de créatures redoutablement dangereuses que la dame appréhendait de rencontrer chaque jour. Oh, bien sûr, l’ancienne Chantauvent avait été tentée de se précipiter à leur rencontre, pour s’attarder l’air de rien dans des conversations basiques, mais qui ne pouvait ô combien lui faire du bien. Malheureusement, les personnes présentes semblaient tellement ravies d’être là, qu’il n’avait de cesse de la solliciter ou de lui commander davantage « de breuvage femme ». Sentant ses joues s’empourprer nullement de gêne, mais de cette colère grondant qu’elle n’avait pas souvent l’occasion de ressentir, la jeune femme se concentrait sur ses pensées et tout ce qu’elle allait bien pouvoir changer et modifier de cet affreux endroit. L’air de rien, même si la difficulté semblait toujours omniprésente, Estelle se projetait ici et même si elle ne le remarquait pas, n’était-ce pas le signe de bonne chose à venir ?

Sortie de cette pensée par un bruit désagréable, la tenancière avait fini par porter son regard sur l’énorme cloche positionnée au-dessus de la porte. Grimaçant et n’identifiant pas la cloche bien trop grosse pour être comparée au discret cliquetis de celle présente à la chope. Chaque entrée ou sortie était une agression perpétuelle de ses oreilles, agression qu’Estelle se fit la promesse de rapidement faire disparaitre. Ce fut finalement Hélène qui était venue voler à son secours, déposant une main compatissante sur son épaule, Estelle n’avait pu que lui offrir, se laissant volontiers capturer par son regard. L’échange visuel perdura un instant, alors que ni l’une ni l’autre n’avait proféré le moindre mot, après tout, sur l’instant, ce n’était pas nécessairement : elles se comprenaient.

Au bout d’un certain temps d’acharnement, alors que certains clients avaient déjà débuté un départ anticipé que la rousse ne comprenait pas et ne savait pas comment interpréter, Merrick avait fini par la rejoindre. L’attirant en l’attrapant par la taille, l’amoureuse n’avait pu qu’offrir un sourire un brin pincé à son époux, alors que ses lèvres formaient un « o » de surprise devant la première révélation. Retenant un rire, sans doute un peu moqueur, ou un peu inexpliqué dû à la pression qu’elle ressentait ici depuis qu’elle avait passé le premier orteil dans l’établissement.


- « Ooooh, cela vient de toi cette idée » souffla-t-elle en plongeant son regard dans celui de Merrick « C’est très… gentil » tenta-t-elle avant de se reprendre « Une très bonne idée, oui ! » elle réprima un petit rire nerveux avant de déposer son front contre celui de son cher et tendre « C’est très bien… Il faut juste s’habituer à la taille… et au bruit et… » constatant qu’elle énumérait plutôt des points négatifs que positifs, elle préféra rire de nouveau rebondissant sur cette histoire de bovin qu’elle pensait sincèrement être une plaisanterie « Que tu es drôle, je sais bien que les vaches n’ont pas de bijou autour du cou ! Je ne suis pas si sotte du mode de vie du Labret hein ! »

Si seulement elle était en mesure de réaliser à quel point elle était éloignée de la réalité… Mais ça, elle avait le temps de le réaliser, Estelle et Merrick n’étaient après tout qu’au jour un de cette nouvelle aventure. Monsieur Lorren avait néanmoins toujours eu cette faculté à l’apaiser -ou à l’énerver ça dépendait souvent du point de vue-, aussi, fallait-il bien admettre que le moment de proximité retrouver faisait le plus grand bien à la maîtresse des lieux qui s’osait de plus en plus à des gestes démonstratifs d’affections.

- « Dans un lieu qu’on va devoir découvrir ensemble et j’ai bien une petite idée de la manière » souffla-t-elle à sa seule destination, à son oreille, dans une étincelle de malice qui ne laissait nul doute vis-à-vis de ses idées « Cependant, j’ai peur que les meubles ne résistent pas à nos assauts » conclut-elle un brin pensive, mais visiblement sérieuse.

La rousse n’avait cependant que pu se reculer légèrement, fronçant les sourcils alors que Merrick l’interrogeait vis-à-vis de son état. La tenancière n’était pas menteuse, loin de là, aussi hésita-t-elle un peu avant de répondre, pas certaine de vouloir admettre oralement sa difficulté, sa peur, son envie de rentrer… Pourtant, elle n’eut pas le courage de le camoufler et son regard avait dû se teinter d’un voile de tristesse et de doute sincère. Laissant ses doigts effleurer les avant-bras de son coutilier, jusqu’à se glisser dans sa main, elle avait fini par trouver le courage dans une inspiration, avant de répondre.

- « Je ne sais pas trop » admit-elle en détournant les yeux « Je voudrais te dire que tout va bien, être un pilier et un support pour toi Merrick, je suis ta femme, c’est mon rôle, mais… Ce n’est pas si simple » avoua-t-elle en avisant soudainement le sol « On va y arriver ensemble, j’en suis certaine » tenta-t-elle de se renforcer « Après les travaux, la visite, les barrières que tu vas construire autour de la maison pour empêcher tout volatile à plume à poils, à pattes de rentrer ne serait-ce un soupçon de corps chez nous !!!!!! »

Elle glissa un sourire plus sincère sur ses lèvres, un peu amusé par sa propre crainte de revoir un poulet se dandiner sur son plancher. Un frisson désagréable était remonté le long de son dos, alors qu’un autre élément semblait l’interroger et qu’elle comptait bien sur son mari de coutilier pour résoudre cet infâme mystère.

- « Dis-moi… Cette odeur, présente depuis un petit temps, tu sais ce que c’est ? » il n’était pas évident que Merrick accepte de lui révéler la terrible odeur de la campagne, des vaches, du fumier, des champs… Mais osait-elle au moins l’interroger « Hein ? Qui ? » récupérant au fil de sa pensée la conversation, la rousse avait eu le temps de secouer la tête « Je suis certaine que ça va s’arranger… » tenta-t-elle coupé dans sa coupure par l’ancienne.

L’attention s’était soudainement tournée vers elle, alors que la mégère ordonnait un discours, discours qu’Estelle ne désirait nullement faire, pas convaincu de trouver les mots et la manière d’aborder ceux pour qui elle avait malgré elle bien plus de préjugés que d’année d’existence à son compteur de vie. Avisant Merrick de cette manière presque suppliante, l’ancienne Chantauvent avait rencontré bon nombre de difficultés à se détacher de son mari pour accepter son aide pour monter sur une chaise. Ainsi hautement perchée, elle avait davantage la sensation d’étouffer alors que son regard pouvait détailler l’ensemble des têtes, mais aussi des dégâts de la bâtisse, la poussière, les travaux et même des… Non, elle ne préférait pas y penser, nullement, absolument pas. Devant le silence qui devait commencer à s’éterniser et son absence de prise parole, elle avait fini par tousser, se racler la gorge, pour s’essayer à un semblant de conversation, de début de quelque chose.

- « Bienvenue à la… la nouvelle auberge de Genevrey » débuta-t-elle ne sachant pas si elle souhaitait la nommer de la même manière que l’ancienne « Je suis… très… » heureuse, ravie, enjouée d’être ici ? Nullement « Curieuse » conclut-elle en hochant la tête « De découvrir ce si… ce… village et vous bien sur les habitants » cherchant à fixer son attention sur une tête connue, elle insista un peu sur le visage de son époux avant de passer à Hélène ou les membres de la coutillerie « Mon mari et moi-même espérons que vous vous sentirez bien dans cet établissement et… que vous accepterez nos excuses pour nos nombreuses maladresses à venir » elle s’était mis à rire légèrement, se massant l’arrière de la nuque « Mais rassurez-vous, si nous ne sommes pas très au fait de… Nous sommes pleins de bonnes volontés… Alors en attendant qu’on décore l’ensemble à notre…votre… qu’on s’installe, buvez et profitez bien de la soirée, j’offre une tournée ! »

Les verres avaient fini par se lever, néanmoins, ce fut dans un silence qu’Estelle ne reconnaissait pas, on laissait entendre quelques murmures ici et là alors que l’ensemble semblait faire beaucoup moins de bruits qu’auparavant, descendant à l’aide de son mari de son perchoir, Estelle n’était pas convaincue qu’elle s’y était bien prise. Bien au contraire et ce fut finalement une voix qui se fit entendre qui allait l’intégrer :

- « Eh ma jolie » fit une femme à la voix forte et grave « On va bientôt tous s’éclipser, on ne fête pas jusqu’au bout de la nuit comme à Marbrume ici » expliqua-t-elle sous les confirmations des paysans autour d’elle « On boit et on décolle, la fange, la nuit… On va pas t’faire peur de suite hein, mais la règle numéro 1 dès que la nuit tombe, plus personne dehors ! Allez, à la vôtre les Lorren »

Le regard d’Estelle avait fini par s’écarquiller légèrement, alors qu’elle avisait Merrick. Oui, même son organisation allait être chamboulée, les habitants devaient se lever plus tôt, pour rentrer plus tôt… Elle aurait ses soirées, mais le restant et… Elle sentit sa gorge se nouer, alors qu’elle recevait une tape sur l’épaule en guise de salutation et en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, l’ensemble des personnes présentes avaient avalé leur chope pour disparaitre par la porte… Ce fut le silence, le silence et l’instant de nouveau à deux.. Le bazar un peu partout et le ménage à faire et cette odeur persistante qui ne semblait pas vouloir partir alors qu’il ne restait plus qu’eux. Estelle restait silencieuse, s’activant, sans vraiment prendre en considération la présence de Merrick, ses émotions restaient troubles et elle avait peur de s’emporter contre lui, pour des raisons qui n’étaient pas de son fait… Après un certain temps de rangement, elle avait fini par s’immobiliser, les yeux humides dus à sa rumination intérieure.

- « Merrick… » murmura-t-elle en cherchant à le regarder « Je ne sais pas si je vais y arriver.. » avoua-t-elle « Marbrume me manque, la chope me manque… Et…. » secouant doucement la tête « Je suis une piètre épouse… tu vas arriver à me pardonner ? » elle était venue s’engouffrer dans ses bras, comme une tornade, elle avait besoin de son réconfort, de son odeur, de sa proximité, de lui. Glissant son nez dans son cou elle lui avait ronronné des mots d’amour, avant de capturer ses lèvres pour l’embrasser « Ça te plait ici ? » l’interrogea-t-elle « Tu penses que tu ne pourrais pas parler à la Sergente ? »

Peut-être que c’était possible ? Après tout, elle pouvait changer d’avis non ? Se rétracter ? Cherchant des réponses dans le regard de son aimé, elle secoua finalement la tête, réalisant la stupidité de son hésitation. Définitivement, elle était stupide, se mordillant la lèvre, prenant une inspiration elle tâchait de faire fuir ses pensées, grimaçant et plissant le nez, Estelle tentait tant bien que mal de faire contre mauvaise fortune, bon cœur et de se rattraper.

- « Je plaisante… » pas du tout, vraiment pas « Ça va aller, j’en suis convaincue, le plus important c’est toi et moi, non ? » elle étira ses lèvres dans un sourire, déposant sa bouche contre la sienne un infime instant « Demain j’irais faire le tour du village, le temps pour toi de prendre possession de ta fonction, tu n’as cas inviter tes hommes à manger avec nous entre midi, je vais tout préparer… Il faut au moins ça pour l’intégration » elle se pinça encore les lèvres « Je vais demander aux femmes de tes hommes de venir avec moi pour se présenter… Ça permettra de désamorcer un peu le tonnerre qui gronde un peu trop fort »

Estelle était parfaitement au clair sur la situation et si elle avait de bien trop nombreuses difficultés à son goût, elle n’en restait pas moins une femme avisée, capable de l’aider correctement dans sa prise de fonction. Pour autant, Merrick déteignant parfois un peu trop elle, la dame s’autorisait au fil de son argumentation et proposition à venir déboutonner la chemise de son coutilier avec une idée très précise derrière la tête. L’air de rien, sans jamais l’évoquer, sans jamais n’avoir autre que ce geste-ci un sous-entendu ou un comportement aguicheur, elle poursuivait sa prise de parole.

- « Je voudrais trouver un menuisier, négocier pour le bois et les meubles, je me disais qu’on pourrait réussir à faire des tâches nous-même aussi, non ? » glissant son nez dans son cou, elle était venue murmurer avec douceur « Pour voir ce qui tient encore… il faudrait tester la résistance… » lentement elle glissait ses doigts au niveau du pantalon de son mari, défaisant la ceinture pour s’immiscer dans l’ouverture.

Ce début de moment de détente fut néanmoins interrompu par l’ouverture de la porte et du bruit criard de la clochette qui fut sursauter la rousse et la faire s’empourprer alors qu’elle découvrait à son tour la femme qui leur avait notifié pour la fermeture de tout établissement à la tombée de la nuit. Avisant tour à tour le couple, la fermière dû entrevoir l’interruption et ne put que rire légèrement :

- « ‘scusez moi ahah, je frapperais la prochaine fois… » elle leva les mains « Comme vous venez d’arriver, j’me suis dis qu’un p’tit rappel serait bien avant de vous laisser… » elle toussa un peu « Pas de bruits la nuit, bien renforcer les fenêtres, si la cloche sonne.. ; c’est une alerte, on laisse les hommes et la milice s’occuper de l’attaque, on ouvre les volets, fenêtres et porte que lorsqu’il fait jour, si il pleut, faut tout bien garder fermer hein ! J’vous ramènerais une fourche si t’veux venir avec nous bosser un peu, ici tout le monde aide tout le monde, bon.. ; Allez, je vous laisse mettre en route l’héritier, mais oubliez pas hein, pas trop de bruit ! »

Aussi rapidement qu’elle était arrivée, elle avait disparu, laissant cet arrière-goût un peu étrange en bouche d’Estelle. Ça aussi, elle n’était vraiment pas certaine de s’y faire.

- « Tu penses qu’ils sont tous aussi intrusifs que ça… »

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