Fait comme l'oiseau [Victor]

Très rapidement, la tension devient palpable et pour cause, le Comte avait usé de mots non pas graveleux mais tendentieux à l'endroit de sa femme d'arme qui alors se terra dans le silence non sans adresser un regard noir à son hôte. Étirant ses lèvres, le mondain venait de réussir son œuvre qu'il avait mûrement réfléchi.

Laissant la domesticité s'atteler à garnir la table, Victor indiqua alors d'un geste du bras à sa comparse de prendre place avant de s'installer face à elle pour enfin s'éclaircir la gorge.

- Comme vous n'appréciez guère mes jeux de mots ma chère. Voyons, pensez-vous un seul instant que je puis avoir le dessus pour vous soumettre à quelques pulsions libidineuses ? Vous auriez tôt fait de me mater.

Il reprit son gobelet avant d'en examiner le contenu puis fixa à nouveau Alana d'un regard espiègle.

- A moins que j'ai préalablement introduit quelques substances dans votre vin ? Allez savoir !

Taquin, il fini par reposer son gobelet puis souleva la cloche pour en découvrir une pièce de daim fumante et cuite à la perfection.

- J'ai pu remarquer une forme... d'absence dans certaines de vos émotions. Et depuis que vous êtes à mon service, n'ai je vu nul homme réchauffervotre couche, ni même que vos pas ne vous on mené dans quelques établissements peu recommandable. J'ose a en conclure que vous ne partagez pas certain besoin primaire du commun des mortels. Mais ne vais-je vous mettre mal à l'aise, là n'est pas mon intention, il s'agit plutôt d'une curiosité déplacée, j'en conviens.

Il l'invita alors a attaquer les hostilités gourmandes non sans chercher à apaiser les éventuelles tensions qui pouvaient subsister.

- Nous sommes loin du confort et de la foule de la capitale. Comment vivez-vous cette situation ? J'ai bon espoir de repeupler le bourg d'ici à l'été prochain mais je dois vous avouer ne pas savoir encore ce à quoi nous aspirerons à cette date. Tant d'événements peuvent se produire et croyez en mon flair, nous aurons sans doute à réajuster nos plans qui vous souhaitez toujours m'épauler.

M'ouai. Jeu de mots, c'est lui qui le dit. Mais ce n'est pas vraiment ça qui m'a le plus énervé, mais plutôt cette histoire de tente. Mais à nouveau, je ne réplique rien, lui laissant croire qu'il a deviné le fond du problème. Quant à le mater… je n'étais pas vraiment convaincue. A mon avis, il ne se débrouillait pas si mal que ça en combat, enfin je le voyais comme ça, et de toute façon, même si je me trompais, je préférais sur estimer un adversaire potentiel que le contraire. Mais j'avais l'impression qu'il tentait de tourner la situation à son avantage, en parlant d'une éventuelle tentative de droguer le vin.

«Vous en avez bu aussi.»

Réponse certes laconique, mais tout de même réponse. Je n'avais plus envie de tomber dans son jeu, mais ce n'était pas facile. J'avais l'impression qu'il était plus malin que moi à ce petit exercice et cela m'agaçait un tout petit peu. Le sujet était lancé, mais il avait tord sur toute la ligne. Enfin non, pas vraiment. Il ne savait rien de moi et je sentais la moutarde me monter au nez. Le sujet était fort sensible et je sentais que je n'allais pas tarder à devenir désagréable, employeur assez ouvert d'esprit ou pas vis à vis de mon sexe. Mais le repas sentait bon et avait l'air fort appétissant. Je m'assis pour essayer de distraire mon esprit.

«Ce n'est pas du tout ce que vous croyez. J'ai juste été abusée.»

Le ton était sans doute plus sec et agressif que je ne l'aurais souhaité mais même si en général, j'essayais de ne pas trop y penser, les faits étaient bien là. Je ne savais pas ce que cherchais le comte en essayant de savoir pourquoi je ne voulais pas de compagnon ou d'enfant. Pour les descendants, ce n'est pas que je n'en désirais pas, mais je n'avais pas trouvé d'homme qui essaye de me faire rester à la maison. Quand j'en aurai trouvé un, si cela arrivait un jour, peut être que je me laisserais aller à faire des marmots. En attendant, heureusement que Victor avait changé de sujet moins problématique.

«Vous croyez qu'une tente, c'est confortable? Et pourtant, je n'ai pas grandi dans le luxe ou l'aisance. La famille a toujours plus ou moins juste au niveau finance depuis que mon père a été blessé.
Je haussais les épaules en soupirant un peu et préférais rebondir sur l'autre sujet.
Repeupler? Pourquoi pas, mais il faudrait sans doute plus de femmes. Et pour ça, il faut pouvoir garantir un minimum de sécurité. Sans doute pas mal de gens pourraient faire venir leur famille si un trajet escorté était mis en place et que le bourg ait une enceinte suffisamment solide et surveillée. Pour le reste, seul les Trois en décident, à nous de nous adapter.
Et pour le reste, ne vous inquiétez pas, vous seriez le premier informé si je devais changer d'avis vis à vis de mon engagement envers vous.»

J'avais l'impression de trop parler. J'attaquais alors sérieusement le dîner que j'avais dans mon assiette, n'ayant fait que grignoter jusque là. Cela me permettait aussi de me plonger dans le silence.

Le moins que l'on puisse dire c'est que la femme d'arme de noble lignée ne semblait pas vouloir faire étalage de sa vie privée aurpès de Comte de Rougelac, son employeur. Et par la même, Alana n'était pas prête à se détendre face à l'attitude du mondain. Pourtant, elle semblait prendre sur elle pour ne pas commettre d'impair et fini par gagner son assise sans se formaliser plus de quelques mots sur les sujets abordés par Victor d'une note piquante. Ton sec et légère agressif en retour, tout était à présent clair dans l'esprit du Gouverneur de Sombrebois, il avait à faire a une femme au tempérament certain ! En retour, le mondain lui adressa un sourire carnassier, mélangeant satisfaction et douce provocation. Après tout, loin de toute vie social, il fallait trouver quelques moyens de se divertir et Alana semblait jouer son rôle à merveille.

Le duo grignotait tranquillement sa pièce de viande, devisant de manière plutôt tendue jusqu'à ce que la tension commence à s'estomper à mesure que les sujets changeaient de teneur. Resté silencieux tout du long, Rougelac laissa finalement sa femme d'arme attaquer de pied ferme son repas pour quand a lui s'essuyer le bouche, avalant un trait de vin pour faire glisser sa nourriture dans sa gorge avant de finalement s'appliquer à répondre à sa comparse, point par point.

- Si l'inconfort d'une tente vous préoccupe, soyez sûre que cette porte ici même restera grande ouverte pour vous.

L'invitation était donné sans que pour autant le Comte n'ai jouer de quelques salaceries où manières déplacées. Alana ne pourrait lui reprocher ce qu'il n'avait pas dit après tout ? Ensuite, ce n'était qu'une question d'interprétation, en réalité, un peu comme à chaque fois avec Victor qui excellait dans l'art de la verbe.

Il attrapa la bouteille d'hyopcrase et suggéra à Alana de la resservir non sans changer de sujet de conversation, l'homme toujours bien habile à jongler entre affaires légères et sérieuses.

- Je suis intimement convaincu que vous ne changerez point d'avis. Sombrebois n'est qu'une passerelle transitoire à des desseins plus vastes et ambitieux. Je n'attendrais qu'une opportunité pour vous le prouver. Vous savez, le bourg me coute beaucoup d'argent, mais c'est surtout ma fonction de gouverneur qui pourrait m'ouvrir bien d'autres portes. J'ai toujours été un homme d'intrigue et de pouvoir et que vous le croyez ou non, vous me serez d'un grande aide quelque soit le virage que prendrons mes affaires ici comme ailleurs. Ainsi, j'apprécierais de votre part que vous ne soyez jamais sur la réserve. Me suis-je bien fait comprendre ? Je vous promettrais peut-être plus qu'un rôle de capitaine de la garde, gardez cela à l'esprit.

Il lui adressa un sourire sincère avant de conclure.

- Mais surtout, profitons de l'instant présent et j'espère que ma compagnie ne vous ai point désagréable ? Car j'ai le sentiment de vous bousculer dans ma manière d'être. Accoutumez-vous à cela car vous saurez autant me haïr que m'apprécier pour les valeurs.

Mais … C'est qu'il m'invitait dans sa chambre ou quoi? Je le regardais, trop choquée pour protester. Non, décidément, je préférais encore l'inconfort de ma tente que de faire croire à ce malotru que je rêvais d'une chambre bien à moi. Voir même me construire une habitation, me fis je la réflexion en repensant à ce que m'avais dit Desmond une fois. Bref, je savais que je n'avais pas la verve ni vraiment l'envie pour lui répondre. Autant ne pas trop le froisser tout de même. C'était lui qui me payait, je ne devais pas l'oublier. Je trouvais juste que je me faisais la remarque un peu trop souvent, ces derniers temps.

«Non effectivement, je ne changerais pas d'avis. Sauf si j'ai vraiment des raisons impérieuses de le faire. Mais ne plus être sur la réserve... Vous êtes mon employeur et je suis une femme. Une femme dans un milieu d'homme. J'ai subi des choses dont vous n'avez pas idée et dont je ne veux pas parler. L'oubli est parfois la meilleure solution pour survivre.»

Il m'en demandait un peu trop. Il n'était pas un ami, encore moins un confident. Jamais je ne lui parlerais de tout. Je préférais lui signaler tout de suite avant que ces soit disant projets pour moi n'aille plus loin. Tant pis si cela ne lui convenait pas. J'étais prête à faire certains sacrifices, comme m’accommoder au mieux de son coté calculateur, si je suivais bien ce qu'il disait. Dans ce cas, le noble devait aussi accepté ma réserve et le fait que je n'ai pas envie de parler de ma vie. En plus, je ne voyais pas en quoi cela pouvait l'intéresser. Et puis, je réalisais quelque chose.

Bien sûr qu'au niveau financier, une promotion m'intéresserait, mais plus je serais haut gradée, plus j'aurais des soucis pour me faire obéir. Une femme bien placée dans une chaîne de commandement, cela ne se voyait guère, à part les épouses des nobles. Quant à sa dernière remarque, il ne valait peut être mieux pas que je le haïsse. C'était déjà arrivé et le noble avait eu des mauvaises surprises, même s'il n'avait jamais su que c'était moi. J'avais organisé un petit saccage de quelques affaires personnelles. J'avais même pris quelques valeurs, banales, pour ne pas me faire repérer en les écoulant.

«Je suppose que je suis insignifiante à vos yeux, messire, mais ne me bousculer pas trop quand même. Je vous servirais au mieux dans votre quête de puissance. En échange, j'espérais un peu de respect pour qui je suis de votre part.»

Vieilgarde n'en démordait pas. Les quelques appels du pied du Comte de Rougelac n'eurent aucun échos chez la jeune femme, malgré la solitude liée à l'esseulement de cette petite communauté au fin fond des marais. Sa couche ne serait pas de si tôt réchauffée en ce lieu rustique et bien moins divertissant que ne pouvait l'être la capitale. Il fini par hausser des épaules et reprit la dégustation de son plat, après tout, si Alana souhaitait garder pour elle un passé compliqué, cela la regardait. Le dîner se déroulait finalement de manière assez protocolaire, à la déception du Comte mais qui ne se formalisa pas outre mesure sur le sujet.

Pourtant, la femme d'arme semblait un instant se méprendre sur la considération que lui portait son employeur. Le Comte de Rougelac haussa alors un sourcils avant de dévisager la jeune femme d'un œil presque inquisiteur.

- Vous supposez mal, très mal. Il m'étonne d'ailleurs que vous usiez de tels mots. Insignifiant ? Vous ne seriez pas ici si tel était le cas. Je porte grand intérêt et grand soucis à ce que les gens d'importance qui m'entour, puissent eux aussi entrevoir des perspectives jusque là inespérée. Certes, je ne vous promet pas de regagner vos lettres de noblesse, ce serait présomptueux, mais je vais m'efforcer à mettre tous vos atouts et talents en avant et qu'ils vous servent dans un but plus vaste.

Il acheva son assiette avant de s'enfiler une gorger de vin, proposant à nouveau à sa comparse de lui remplir le sien. Il hocha alors machinalement de la tête, approuvant contre mauvaise fortune bon gré.

- Il en sera ainsi. Je m'oserais plus à quelques avances à l'avenir à votre endroit. Si vous voyez en mon attitude en manque de respect, je m'attèlerais à y remédier. J'irais toutefois trouver la baronne demain et ainsi voir si une chambre au deuxième étage serait resté libre, pour vous.

Il lui servit un léger sourire avant de conclure.

- Je dois admettre que vous puissiez trouver le temps long au bourg, mais d'ici au printemps, j'ai bon espoir de mettre tout vos talents à contribution. En attendant, continuez à vous imposer auprès des ouvriers et à développer aptitudes. Tout est à faire ici et vous savez fort bien vous montrer polyvalent, vous me l'avez encore prouvé aujourd'hui et cela vous honore.

S'il le disait. Je ne pouvais qu'essayer de le croire. Et pour le reste, je ne lui avais jamais demander de regagner mes lettres de noblesse. Je savais bien que sans mari, ça serait quasiment mission impossible. Pour le reste, je ne savais pas trop s'il cherchait à m’apaiser par des paroles enjôleuses ou s'il était vraiment sincère quand il disait qu'il avait des projets plus vastes et que j'en faisais partie. Je ne voulais pas trop espérer, ou m'inquiéter d'éventuelles promotions ou je ne sais quoi à mon propos qui pourraient passer par la tête de ce noble, tout de même un peu atypique.

J'eus ensuite un faible sourire aux déclarations de Victor. J'avais tout de même un peu la tête ailleurs, mais peut être que je jetterais un œil plus tard à cette fameuse chambre. J'étais malgré moi dans un abîme de perplexité. J'essayais de me secouer pour reprendre le fil de la conversation.

«C'est tout à votre honneur, messire et je vous en remercie.»

Au moins, je n'étais pas restée comme une gourde sans savoir quoi dire. Je ne pouvais tout de même pas rester muette tout le temps. Finalement, je réalisais que je ne savais pas si j'aurais une chambre ou pas, mais après tout, que m'importait. Le comte et moi étions arrivé à une sorte d'accord et j'avais bon espoir qu'il l’honore. J'avais malgré tout l'impression que c'était ce genre d'homme, même si je ne le connaissais pas encore beaucoup.

«Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas l'intention de devenir oisive. Je trouverais bien de quoi m'occuper, rien qu'avec la garde déjà. Oui, et puis le chantier que vous m'avez confié. Le contremaître se fait toujours un peu tirer l'oreille, mais il finira par s'y faire.»

C'était toujours mieux que la fin de non recevoir que j'avais eu au départ et j'avais dû demander de l'aide au noble. Il avait fait jouer son autorité, sans doute en envoyant quelqu'un remettre les points sur les i et le chef de chantier n'avait plus eu comme choix que de se soumettre. Et maintenant, il était temps de rentrer. Le dîner était fini et la soirée devait déjà être bien avancé. Il était grand temps que je me repose un peu.

«Merci pour ce bon dîner, je vous souhaite le bonsoir.»