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 Le retour d'une milicienne | Beauharnais

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Serena de RivefièreCoutilier
Serena de Rivefière



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MessageSujet: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyVen 12 Fév 2021 - 13:43




Le retour d'une milicienne | Beauharnais J21f


Le Retour d'une milicienne
Domaine de Pessan - 20 décembre 1166


Chaque jour devenait de plus en plus difficile. Loin de tout et perdue dans l’immensité des marais, Serena avançait presque à reculons. La nourriture se faisait de plus en plus rare à mesure que l’automne laissait place à l’hiver. Si elle voulait donc survivre, elle lui fallait rapidement rejoindre le nord et la civilisation. Malgré tout, le chemin était parsemé d’embuche. Avec la nuit de plus en plus présente, la fange rôdait comme jamais tandis que ses forces s’affaiblissaient.

La route était longue et par moment insurmontable. Mais ses pas, ses jambes continuaient d’avancer. Elle n’avait guère le choix. Derrière elle, elle n’avait que trouvé la mort. Et même si elle n’était pas certaine de ce qu’elle trouverait devant elle, elle savait qu’elle ne pouvait pas non plus s’arrêter ici. Pas si elle souhaitait s’accrocher à la vie. Il fallait donc avancer, encore et toujours.

Pour autant, elle ne pouvait pas non plus marcher à l’aveugle, pas dans cette jungle hostile. Elle ne comptait plus les détours qu’elle avait dû emprunter et cela bien malgré elle. Elle ne comptait plus non plus les haltes qu’elle s’était forcée à faire pour pouvoir se nourrir et se reposer un instant. Son cœur et son corps lui criaient de rapidement rejoindre les siens, mais heureusement la raison et ses instincts lui poussaient à faire les bons choix.

Patience… Patience … Serena. Bientôt, oui bientôt.

Évidemment, c’était bien plus facile qu’à faire. Surtout qu’après autant de temps dans la nature, son corps avait changé. Elle était amaigrie, ses forces et ses sens affaiblis. C’était d’ailleurs sans doute pour cela qu’elle commença à accumuler les erreurs. Si jusqu’ici, elles s’étaient fort heureusement montrées sans grande conséquence, ses pas alourdis l’amenèrent à la chute de trop. En effet, alors que la milicienne poursuivait son chemin dans les montagnes, son pied glissa sur un rocher. Ses réflexes ralentis par la fatigue, son corps tomba avant de rouler sur plusieurs mètres.

Désormais allongée sur le dos, elle ne ressentit tout d’abord rien d’anormal. Certes, son corps était lourd et douloureux, mais c’était à prévoir après une telle chute. Elle se redressa alors difficilement avant d’apercevoir une blessure plus grave et problématique à sa jambe. Râpée de partout, elle s’était toutefois ouverte plus profondément au niveau de sa cuisse.

Lèvres pincées sous la douleur, la combattante arracha immédiatement un bout de vêtement pour venir entourer sa blessure et faire appui sur cette dernière. Aussi impressionnante pouvait-elle paraître, sa coupure ne semblait pas suffisamment profonde pour mettre en danger sa vie. Du moins, pas immédiatement. Ses conséquences en revanche risquaient bien de la lui ôter. Sans plus attendre, la milicienne se releva, et cela malgré la vive douleur à sa jambe. Elle ne pouvait pas rester ici. Il lui fallait se mettre à l’abri, puis rapidement contacter un soigneur… Avec un peu de chance, le Labret n’était plus très loin.

Et de la chance, elle en avait. Le plateau se révéla bientôt à l’horizon et sous ses yeux. Quelle étrange sensation était d’apercevoir ses fermes et ses champs majestueux. Quel étrange sentiment de se dire qu’enfin, elle allait pouvoir retrouver les siens. À vrai dire, s’il avait bien une joie et un soulagement sans fond, une crainte fit rapidement son apparition. Allait-elle être accueillie ? Était-elle réellement prête à retrouver cette vie qu’elle avait voulu fuir ? Elle n’en savait trop rien.

Mais son temps était compté. Il lui fallait rejoindre rapidement de l’aide et pour cela ses instincts la poussèrent à partir en direction d’un domaine en particulier. Il était pour elle un mentor et l’un des plus braves camarades qu’elle connaisse. C’était un ami et elle ne doutait pas un seul instant de son aide. Serena se mit donc à longer le plateau avec précaution. Au vu de son allure, il serait dommage qu’un frère d’armes la confonde avec un fangeux ou encore un banni. Elle préféra donc éviter pour l’heure la milice.

Elle passa une dernière nuit, affreuse nuit, dans les arbres qui entouraient la vallée, puis descendit en direction du manoir qui habitait les Beauharnais. Le jour était levé depuis un bon moment déjà, lorsque petit à petit elle traversait ses terres. Il était clair que si sa jambe de lui ne faisait pas souffrir, elle serait déjà en train de toquer à sa porte. Mais alors qu’enfin sa baraque, noble baraque se profilait au loin, un comité d’accueil vint à sa rencontre. Épuisée, blessée et couverte de boue et autres saletés en tout genre, la milicienne se laissa tomber au sol. Assises au milieu d’un champ qui ne lui appartenait point, elle observa les hommes s’approchant.

« Qui êtes- vous ?! Que voulez-vous ?! Vous êtes sur les terres des Pessans ici ! »

Un sourire au coin illumina les lèvres de la jeune milicienne. Elle y était. Elle était arrivée. Enfin. Fatiguée, elle soupira alors simplement.

« Dîtes au Comte de Beauharnais, que Serena est arrivée. »




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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptySam 13 Fév 2021 - 12:17

Le mariage est déjà loin, les obligations qui l'accompagnent moins. D'autant que l'hiver est là. Tout est un peu au ralenti. Faut remuer le foin pour les trois chevaux, les porcs, les lapins, la chèvre, le boeuf, la vache et le taurillon, qui grandit. Pas de gel trop important, au contraire des poils des animaux. Mais il y a toujours de quoi manger. Des légumineuses qui se conservent un bon moment, du fromage, la grande réussite du Comte jusqu'ici, tant celui au chèvre des faubourgs de Marbrume que celui au lait de vache d'ici. C'est l'avantage d'être au domaine, quasi assis sur les sources de nourriture, c'est qu'on ressent moins la famine. Aymeric sort parfois pour chasser, mais pas trop loin. La gestion du Domaine, son besoin de protéger les siens domine désormais ses envies d'ailleurs. Faut dire aussi que vivre à ciel ouvert lui donne moins l'impression d'être en prison, malgré la Fange.

Le débarquement d'Idalie a bousculé sa vie. Avoir une épouse a beaucoup d'avantage, outre celui de réchauffer un lit. Elle est douée pour la diplomatie, les échanges, les courriers, l'administratif. Avec l'érudite, ça fait deux personnes sur le Domaine qui le déchargent d'un boulot qu'il déteste. On va dire que désormais il peut se limiter à contresigner, même s'il se tient au courant. Ils en sont à l'élaboration des projets sociaux et outre le projet "Enfants des rues" qui consiste à sortir les orphelins de la rue pour les mettre en contact avec des artisans et leur offrir un métier, projet que mène son épouse et qui n'en est qu'à ses balbutiements, Aymeric a une envie pour le Labret et Usson : Une salle des fêtes ! Cela ne semble pas prioritaire, mais un lieu où les gens qui se marient pourraient organiser les fêtes, où on pourrait se retrouver et danser sous des lampions pour les fêtes religieuses, ça manque. C'est, aussi, histoire que les Labretans (il préfère cette appellation à Labretiens) puissent se voir autrement que juste travaillant pour nourrir Marbrume. Un lieu de vie, une identité campagnarde sera bon pour le moral des troupes ici et Aymeric est convaincu que cela améliorera la productivité. Reste à obtenir l'aide et le financement, et ça aussi, ça prend du temps.

Et alors qu'il est à son bureau à éplucher quelques doléances qu'un des fermiers voisins qui appartient au domaine Pessan mais vit dans une des deux fermes qui sont sur le très vaste terrain des Pessan débarque en courant vers le lieu de vie des de Beauharnais et informe le Comte, qui a abandonné son bureau en entendant un fermier paniqué, ce qui est inhabituel, qu'une dame sale prétendant se nommer Serena, a débarqué blessée mais consciente et se trouve non loin de leur ferme.

- Serena ? Mais elle est portée disparue depuis des semaines et...

Elle a déjà réussi l'exploit de survivre à sa première sortie hors Marbrume à un fangeux et un banni puis d'avoir retrouvé, seule, son chemin vers la civilisation. Elle a pu survivre, comme le font les bannis, au moins jusqu'à l'hiver. Et quoi, elle revient du côté de Ventfroid ? Quand il a appris la disparition de son escouade, il ne s'était pas interrogé sur sa mission. Bref, pallions au plus pressé !

- Guillaume, tu prends Landroval, tu files à Usson chercher la prêtresse soigneuse. Idalie, tu te faisais couler un bain je pense, ce bain sera pour la blessée. Alix, tu vérifies si on a de quoi manger. Si la blessée est en état de manger, autant la nourrir. Du pain, du fromage, du lait. Demande à notre domestique de l'eau pour une tisane. Ah, mettez des bûches dans l'âtre. Mettez en trop. Mieux vaut avoir trop chaud que trop froid. Moi je vais la chercher et je la ramène. Je file chercher mon cheval.

Et alors qu'il claque dans les mains pour pousser tout le monde à se bouger, retrouvant tous ses instincts d'officier avec un naturel qu'idalie doit reconnaître, ayant été sœur d'un sergent avant d'épouser un ex milicien devenu Comte, il ajoute à son intention à elle :

- Si elle n'a pas menti sur son identité, c'est la soeur de Jacob. La blonde que tu as déjà vue ici, Alix. Accessoirement une très bonne amie, blessée lors des événements du Chaudron. Comme les chats, elle a neuf vies semble-t-il.

Un léger détour par l'écurie où il récupère sa jument, ravie de la sortie et il file vers la blessée, avant de mettre un peu de temps pour reconnaître Serena. Il la fait porter jusqu'à lui, l'installe sur le cheval et repart vers le château en s'assurant qu'il ne la fait pas souffrir. Il tente l'humour.

- Je sais que je suis un homme, que tu es une femme et que si Serus est d'humeur farceuse il pourrait y avoir danger. Je sais que tu es prudente et que tu sais te défendre, puis que tu es assez maligne que pour trouver mille et un artifices pour ne pas être désirable, mais Serena, permets-moi de te dire que là, tu as vachement forcé la dose. Je ne suis pas un monstre, tu pouvais garder un peu de féminité. Voire d'humanité, d'ailleurs. C'est presque vexant je dois dire.

Il tente de sourire puis redevient un peu sérieux.

- Un bain t'attend, ainsi qu'un repas. Une soigneuse est prévenue. Et pour le bain, mon épouse est une femme, qui ressemble à une femme d'ailleurs, et si besoin des domestiques aideront. On a même du savon, cadeau qui nous a été fait à notre mariage. Une fois que toute cette crasse aura disparu, je pourrai m'assurer que tu es bien qui tu prétends être. Et tu me diras qui je dois prévenir, si des gens sont à prévenir. Le Sergent Langlois, le Comte Jacob de Rivefière ou d'autres. Ou personne. Ça sera ma seule question, si telle est ta volonté

Mais qu'est-ce que tu as fichu, Serena, pour te retrouver dans cette situation ? Un mercenaire venu aux nouvelles aide la coutilière à descendre du cheval. Le Comte la suit puis confie sa jument au mercenaire avant de la mener à l'intérieur.

- Non, aucune agression, elle a visiblement marché un moment avant d'arriver ici. Je la connais. Vous pouvez patrouiller naturellement. Profitez-en pour rassurer aussi les fermiers. Cette fatigue, vous la connaissez aussi, c'est celle qu'on a quand on a trop marché, lors d'une trop longue mission en extérieur. Elle, elle vient de battre un record. Moi, mon max, c'était neuf jours. Toi, ça fait quoi ? Neuf semaines ?

Direction la salle d'eau. La soigneuse n'arrivera que dans une vingtaine de minutes.

- Je reste devant la porte, histoire qu'on puisse parler si nécessaire mais histoire aussi que je ne puisse pas regarder, même si dans la milice, la pudeur n'est pas la vertu première. J'sais pas encore si la Comtesse est jalouse, et j'ai pas envie de savoir. Ah, et Alix te prépare de quoi grailler. Fabrication maison. Tiens, possible même qu'elle ajoute de la charcuterie. Ou qu'elle fasse chauffer le pain et le fromage. On va vite te rendre forme humaine et te remettre sur pied, promis !
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Serena de Rivefière



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptySam 13 Fév 2021 - 18:42




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Le Retour d'une milicienne
Domaine de Pessan - 20 décembre 1166


Assise, incapable de bougée, Serena tentait tant bien que mal de rester vive d’esprit, prêt à réagir aux moindres dangers. Car, il fallait le dire, elle ne se sentait pas encore complètement en sécurité. Le comité d’accueil ne lui faisait pas non plus confiance et restait donc à bonne distance. Mais le pire était sans doute la multitude de questions qu’ils se sentaient en droit de lui poser. Évidemment, elle ne pouvait pas réellement leur en vouloir, mais n’avait ni la force ni la détermination de répondre à leur doute. Ses paroles restaient donc simples : amenez le Comte de Beauharnais. C’était là sa seule carte maîtresse et heureusement, oui heureusement, la chance était de son côté. Car à vrai dire, l’homme aurait très bien pu être absent. Possibilité qui commençait fortement à la travailler à mesure des minutes écoulées.

Ses yeux se relevèrent donc avec soulagement lorsque son preux chevalier apparut sur son cheval blanc. Enfin, la réalité était un peu différente, mais cela restait une image amusante dans l’instant. Reconnaissant ainsi un visage familier, mais surtout ami, elle se laissa sagement portée et conduite jusqu’à lui. Désormais en selle, elle utilisa le peu de force qui lui restait pour se maintenir autant se faire se peut. De là, elle écouta les paroles toujours aussi maladroites et un brin provocatrices de ce dernier et esquissa un sourire.

« Ne te l’ai-je jamais dit ? J’aime surprendre. »

Et surpris, elle imaginait à peine à quel point y devait être. Après, et en toute logique, Serena n’était pas du tout au fait des événements s’étant déroulés après sa disparition. Elle ne pouvait donc pas être certaines de ce qui en était de la situation familiale et si son absence avait été rendue publique ou non. Bref, elle n’en savait rien et elle allait sans doute devoir rattraper bien des choses. À commencer, par le mariage de son vieil ami. Elle haussa donc un sourcil, un peu intriguée avant de répondre de manière assez catégorique.

« Personne. »

Si elle était venue jusqu’ici, c’est qu’elle ne se sentait pas encore prête à affronter les siens. Non, elle avait besoin de récolter un peu d’information, se préparer avant toute chose. Bref, pour l’heure, elle ne voulait alerter personne de son retour.

Elle descendit mollement du destrier avant de prendre appui sur son ami. Qu’on se le dise, elle tenait à peine debout. L’échange entre le maître des lieux et ses mercenaires ne lui fit ni chaud, ni froid, bien qu’elle pût se sentir un brin coupable d’affoler autant de braves gens et n’osait clairement pas imaginer son allure. La fin en revanche capta bien plus son attention.

Neuf semaines ? Elle n’en avait aucune idée. Mais cela lui paraissait énorme comme trop peu. Dans les faits, elle avait presque l’impression d’y avoir passé des années, mais savait pertinemment que ce n’était pas le cas. Toujours est-il, cela lui avait paru interminable.

« Merci. »

Fit-elle simplement avant de rentrer dans la salle d’eau minutieusement préparée pour le coup. Franchement, tout lui paraissait un peu irréel. Rien que la chaleur de l’endroit brûlait presque sa peau. Les odeurs également aussi douces soient-ils venaient agresser ses narines avant de finalement les contenter. Il y avait ensuite cette bassine remplie d’eau à température agréable. Elle en avait rêvé pendant bien longtemps, mais la réalité allait vite avoir un goût amer. En effet, à peine prit-elle le temps d’effleurer l’eau si généreusement offert de ses doigts qu’une vive douleur s’en empara. Ses cloques et ses blessures n’allaient clairement pas rendre la tâche facile.

Noble d’origine, la présence d’une domestique pour l’aider à faire sa toilette ne la perturba pas plus que nécessaire. Néanmoins, lorsqu’il fut l’heure pour elle de retirer ses tissus, si on pouvait encore appeler cela ainsi, une légère gêne l’envahit quant à l’idée de révéler son corps à cette étrangère. Jamais n’avait-elle dû voir un corps de femme aussi abîmé. Mais, Serena était trop faible et fatiguée pour lui demander de sortir. Toutes deux allaient donc devoir faire avec.

Hors son immense cicatrice situé à l’abdomen, cadeau direct du chaudron, la milicienne était recouverte de bleus en tout genre, de griffures et de cloques à ses mains et à ses pieds. Il y avait également cette blessure plus profonde et encore vive au niveau de sa cuisse. Lèvres douloureusement pincées, la milicienne entreprit de changer ce qui lui servait de bandage avant de continuer recouvrir et presser sur sa blessure. La suite se promettait extrêmement douloureuse, mais elle était assez éduquée pour savoir qu’elle devait nettoyer ses plaies.

Elle prit donc son courage à deux mains et se faufila dans cette eau, non sans un cri de douleur. Crispée, son corps transpercé par la douleur, ses doigts se resserrèrent avec force aux rebords de la bassine. Mâchoire fermée, visage tendu, elle rassura rapidement son hôte quant à son état avant d’essayer de se détendre gentiment.

Il n’y avait strictement rien d’appréciable à ce bain. Même et même surtout, la main bienveillante de la domestique qui entamait sa toilette et qui par ce fait, venait agresser ses blessures. Bref, le temps fut bien long pour la milicienne et l’eau tourna bien rapidement au noir. D’ailleurs, c’était bien pour toute ces raisons qu’elle refusa que cette dernière n’utilise le précieux savon sur sa personne. Clairement, elle ne le méritait pas et cela serait un véritable gâchis.

« Quel jour sommes-nous ? »

Demanda-t-elle finalement sans réellement savoir si elle devait s’adresser à la porte ou à la domestique. Dans tous les cas, c’était ainsi qu’elle prit un peu plus conscience du temps écoulé : quelques mois. Tout cela paraissait si proche et si lointain en même temps.

Elle soupira avant de finalement avoir l’autorisation de se retirer de l’eau. Après s’être essuyée, elle enfila ce qu’on voulait bien lui prêter. Dès lors, si elle ressemblait bien à une humaine désormais, on était encore bien loin de la noble et vaillante milicienne. Sa peau était terne, son corps amaigri et sa chevelure coupée au niveau de ses épaules et de manière bien maladroite. Il fallait dire qu’elle n’avait guère pris le temps de s’en occuper correctement là dehors.

Désormais totalement vêtue, elle observa la domestique s’apprêter au rangement de ce joyeux bordel avant d’ouvrir la porte. Là, où la milicienne réagit fut lorsqu’elle crut bon s’en prendre à ses affaires dans un état lamentable.

« Attendez ! »

Fit-elle en fronçant les sourcils avant de s’approcher, non sans boiter. De là, elle récupéra minutieusement son fourreau avec son épée, sa dague ainsi que son arc. Elle devait l’air bien ridicule avec ses bras encombrés d’arme, mais il s’agissait là d’élément auxquelles elle s’était raccrochée longuement pour sa propre survie.





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Idalie de BeauharnaisComtesse
Idalie de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyDim 14 Fév 2021 - 0:14
Le vent de panique qui secoua subitement la demeure des Beauharnais fit rapidement venir la maîtresse de la maison dans la salle principale. Idalie, qui s'apprêtait effectivement à abandonner ses vêtements pour plonger dans un bain préparé par Ilda, vit son projet avorté pour une raison inattendue : on racontait que Serena de Rivefière, portée disparue depuis des semaines, se trouvait au domaine Pessan. La comtesse ne masqua pas son étonnement. Était-ce possible? La soeur de Jacob pouvait-elle avoir survécu? Elle adressa une courte prière silencieuse aux Trois et sentit un mélange de tristesse et d'espoir étreindre son cœur. Si, contre toute attente, Serena de Rivefière pouvait réapparaître saine et sauve, peut-être en serait-il de même un jour pour Zephyr...

Idalie acquiesça aux paroles d'Aymeric, acceptant bien entendu de laisser le bain préparé à Serena. Après avoir donné quelques instructions à Ilda, notamment de quérir l'aide d'un autre employé de maison pour terminer de remplir la baignoire rapidement, elle quitta d'un bon pas pour aller chercher du matériel qui serait utile à la soigneuse – linges propres, pansements, eau, etc. Elle était en train d'aménager son centre de soins improvisé lorsqu'Aymeric passa la porte avec la coutilière, menant celle-ci directement à la salle d'eau. Déposant le petit baquet d'eau qu'elle avait encore entre les mains, elle jeta un coup d'œil rapide à la jeune femme. Celle-ci se trouvait dans un piteux état et paraissait – entre autres? – être blessée à la jambe. Idalie s'approcha doucement, ne désirant pas brusquer la nouvelle venue, qui s'engouffra dans la salle d'eau avant même qu'elle ait le temps de lui adresser un seul mot.

Idalie s'arrêta devant la porte et, d'un geste, arrêta Ilda avant qu'elle n'entre à son tour dans la pièce. À voix basse, elle demanda à la domestique de prendre bien soin de la coutilière et de lui faire part de son état général lorsqu'elle le pourrait. Ilda acquiesça, puis se rendit auprès de la blessée. Idalie avait renoncé à accompagner la domestique afin de ne pas imposer sa présence et de laisser à Serena un minimum d'intimité.

Une fois seule avec son mari, Idalie pivota vers celui-ci. Ils n'avaient pas beaucoup parlé de Serena, mais elle savait qu'il s'agissait d'une bonne amie et elle ne pouvait qu'imaginer le soulagement d'Aymeric de la savoir en vie après tout ce temps. Et celui de Jacob et de sa famille lorsqu'ils l'apprendraient.

« Elle est trop grande pour porter mes vêtements, annonça-t-elle. Je vais aller lui chercher ta tenue de chasse, elle lui ira mieux. Et je vais lui faire préparer une chambre aussi. Elle aura besoin de repos. »

Elle regarda Aymeric, puis lui serra doucement la main des siennes, comme pour lui dire que tout irait bien et qu'elle s'occuperait des détails pour que la milicienne puisse se remettre sur pied. Elle s'éloigna ensuite en direction de leur chambre, revenant deux minutes plus tard avec les vêtements. Après avoir frappé à la porte de la salle d'eau, elle entrouvrit celle-ci pour passer la tenue à Ilda ni vu ni connu, en profitant pour s'informer rapidement de l'état de Serena.

Pendant que la domestique s'occupait de Serena, Idalie se rendit aux cuisines pour vérifier que tout se passait bien du côté d'Alix. Constatant que tout était sous contrôle, elle revint pour la millième fois auprès d'Aymeric, juste au moment où Serena ouvrait la porte et s'exclamait dans un Attendez! qui figea automatiquement les gestes de la domestique.

« La soigneuse ne tardera pas à arriver, j'ai préparé le nécessaire pour que vous puissiez vous installer confortablement au salon, intervint-elle avec douceur en regardant Serena. Peut-être Aymeric pourrait-il vous décharger quelque peu le temps de vous rendre là-bas et de déposer le tout près de vous? »

Elle laissa la jeune femme décider, espérant qu'elle accepterait le compromis, puis l'invita à la suivre.

« J'ai également pris la liberté de vous faire préparer une chambre afin que vous puissiez prendre du repos », ajouta-t-elle avant de laisser Serena s'installer, n'osant pas lui proposer son aide de peur de l'insulter.

Idalie sourit calmement à Serena. Quelles horreurs la milicienne avait-elle traversées? Et quelles horreurs Zephyr traversait-il, s'il était encore en vie? La noble sentit son sourire se figer un instant. Un frisson la ramena brusquement à la réalité. Serena de Rivefière, la soeur de Jacob. Il fallait se concentrer sur elle.

« Je peux... Je peux jeter un coup d'œil à votre blessure en attendant la soigneuse, si vous le souhaitez. J'ai quelques bases en soins et je peux certainement commencer le travail, mais ne vous sentez pas ob... Pardon, j'en ai oublié de me présenter. Je suis Idalie de Beauharnais, née d'Auvray. L'épouse d'Aymeric et la soeur de Zephyr d'Auvray. Je suis aussi une amie de votre frère, Jacob. »

Une domestique apparut alors avec la nourriture prévue par Alix. La petite avait visiblement suivi les instructions de son père à la lettre et le plateau contenait du pain, du fromage, du lait et une tisane. Un repas qui ne ferait pas de mal à la milicienne.

De la nourriture, des soins et un toit. Idalie soupira intérieurement de soulagement. C'était un bon début.
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyMar 16 Fév 2021 - 13:30

Le retour de Serena replonge Aymeric dans des souvenirs pas si lointains. Il y a une quinzaine de mois, il était encore milicien de l'externe, et il y a neuf mois de cela, il voyageait encore en solitaire entre Marbrume et le Labret, faisant des haltes forcées dans les Marais. Ses haltes désormais sont volontaires et il est compliqué de l'expliquer à quelqu'un qui n'a pas connu le "grand extérieur". Tout change quand la mort te cerne, il n'y a plus de faux semblants, tout est plus vrai. Et parfois il ressent le besoin de retrouver cette vérité. Aussi, à l'époque, quand il rentrait de mission avait-il du mal à sociabiliser, à discuter, à faire ses rapports. Il le savait tellement que quand c'étaient ses hommes qui rentraient, il leur laissait une nuit pour fournir les détails de la mission.

- Le 20 décembre. Demain, c'est la fête des morts !

Les fêtes religieuses sont un de ces moments où on parvient à se situer, parce que petits déjà on y participait et qu'elles reviennent régulièrement. On ne la fête pas comme à Marbrume dans le Labret, parce qu'il y a un couvre-feu et que les embarcations qui portent les bougies doivent être déposées au coucher du soleil, en théorie. Et forcément, Aymeric est impressionné par le sang froid d'Idalie, qui n'a visiblement rien oublié concernant les vêtements et matériaux de soin. Pourtant, le moment était idéal pour paniquer. Mais il le sait, sa femme est forte, bien plus que sa timidité le laisse paraître. Il lui semble d'ailleurs qu'elle l'est moins.

- Ici tu es protégée et dès que je les ai remis en état, je te rends tes armes, Serena. Même si elles ont été mieux entretenues que toi. C'est fou d'imaginer qu'il y avait une milicienne sous cette crasse.

Oh, il n'ira pas les faire reforger. Pas aujourd'hui en tout cas. Mais un coup de pierre ponce sur la lame, réaffuter les flèches, voire en remettre quelques unes dans ce carquois. L'arc, il le connait bien, c'était le sien et il le lui a offert après que le Roi l'ait honoré d'un nouvel arc de guerre.

- Oh, et si le fait que je vous protège ne suffit pas à te rassurer, sache que mon épouse aussi est armée.

Voilà qui devrait surprendre Serena et lui occuper l'esprit. Mais où la Comtesse a-t-elle pu cacher son arme ? Le temps qu'elle le découvre, elle sera revenue un peu plus vers ici et quittera un brin le "là-bas". La nourriture arrive et les soins vont certainement débuter. Et comme le veut la bienséance plus encore que l'étiquette, hormis si on est soigneur, la présence d'un homme, marié de surcroit, n'est pas la bienvenue dans le local de soins où se trouve une femme. Et oui, Aymeric est chassé de chez lui.

- Même chez moi, on me limite

Marmonne-t-il dans sa barbe, plus amusé qu'autre chose, avant de remettre les armes de Serena en ordre. Voilà une activité masculine qui lui fait le plus grand bien et il ne jette même pas un oeil vers le repas, sinon il aurait remarqué qu'en plus du lait de chèvre chaud au miel, sa fille sait recevoir, du pain chaud au fromage un peu fondu, elle a mis de la charcuterie "de Beauharnais/Pessan". Son fromage est un délice, sa charcuterie n'est pas mauvaise, mais pas du grand luxe non plus. Mais il ne doute pas que Serena adorera. Cela devrait logiquement la changer des vers et des insectes dont on se contente quand chasser n'est pas possible, en raison de l'activité fangeuse ou de la météo. Il se rappelle avoir grignotté une branche d'arbre pour calmer sa faim. Alors son saucisson sec paraîtra divin à Serena. Lui ne le déteste pas, mais bon, comparer à d'autres fabrications du Labret, il sait que ça n'est pas à niveau.

- Tu restes le temps que tu veux, Serena. Même si je me doute que tu en auras vite marre d'avoir des vêtements propres, un ami qui tire mieux à l'arc que toi, son épouse délicieuse et serviable, sa fille qui fabrique mieux les pièges que toi et la sécurité des beaux murs pour te protéger. Tu ressentiras vite le besoin de fuir ce petit paradis sur terre où la nourriture pousse à quelques pas pour aller retrouver le froid, le danger et emmerdes. Puis c'est bien que tu me rationnes un peu, je commence à grossir. La vie de sédentaire...

Il sourit intérieurement. Il fait vraiment attention à son énergie. L'âge venant, il s'entretient, surtout depuis qu'il s'est endormi pendant sa nuit de noces. Ca, ça lui a fichu un coup au moral, lui qui était content d'avoir retrouvé sa ligne en bossant comme quatre. Mais après la souplesse et la musculature, le voilà obligé de travailler son endurance. Mais il est plutôt fier de lui, ici, même s'ils font attention, ils ne connaissent pas la faim. Et ça, c'est vraiment sa définition du luxe.
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Serena de RivefièreCoutilier
Serena de Rivefière



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyMar 16 Fév 2021 - 23:27




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Le Retour d'une milicienne
Domaine de Pessan - 20 décembre 1166


La veille de la fête des morts ? Si cela n’était pas ironique. Elle en retint même un rire. Mais qu’importe, l’important était qu’elle y était arrivée.

Sa voix avait retenti bien plus qu’elle ne l’aurait souhaité. Peut-être même qu’elle s’était montrée agressive sans s’en rendre compte. Du moins, c’est ce qu’elle semblait réaliser en voyant les regards surpris sur sa personne. Accrochée à ses armes comme une enfant à son doudou favori, Serena dévia alors rapidement son regard sur une voix inconnue.

Nul besoin d’être présentées. Il était aisé de deviner qu’elle était face à la nouvelle maîtresse de maison. Comment ? Elle avait cette sublime et noble allure qui ne donnait aucun doute sur son éducation, puis la proximité qui la liait à son époux. Et elle devait bien l’avouer, la milicienne se sentait assez bête pour le coup. Elle n’était clairement pas présentable et si cela la gênait déjà de déranger un ami, imaginez une inconnue.

Les mots lui manquèrent d’ailleurs quelque peu. Vigilante et pourtant un tantinet absente, elle les écouta brièvement parler de ses armes. Elle avait conscience que cela était assez malpoli de sa part de refuser de s’en séparer, mais la tâche était bien plus facile à dire qu’à faire. Elle jaugea alors un instant son vieil ami, tentant tant bien que mal de se rassurer de sa présence avant d’écarquiller les yeux à ses dernières révélations. Son épouse était armée ?

Ses yeux se posèrent alors directement sur elle. Bien évidemment, ce n’était pas quelque chose de commun chez une noble dame. Elle la détailla un peu, comprenant assez rapidement où devait être cachée sa lame, puis se mit à sourire, amusée.

« Je vois que je suis bien gardée… »

Fit-elle avant de finalement accepter à confier son attirail à Aymeric. C’était un geste hautement symbolique pour elle, une preuve de confiance. Car il fallait bien le dire, elle se sentait terriblement dénudée et impuissante sans ses lames. C’était un peu nerveusement, bien aussi discrètement que possible, que ses mains se caressèrent ensemble dans un vain espoir de se rassurer et contenir son anxiété.

L’offre de la fameuse Idalie de Beauharnais la surprit un peu. Elle ne s’attendait pas à ce qu’elle se montre autant aux petits soins. Toutefois, c’était la suite de ses paroles qui l’étonnèrent un peu plus. Sœur de Zephy d’Auvray et amie de Jacob. Le nom du premier lui était vaguement familier, quant au second… Elle hésita un moment à lui demander des nouvelles avant de changer de sujet.

« Je ne saurai vous remercier assez pour accepter de me recevoir… Un plaisir de vous rencontrer. Si cela ne vous dérange pas, j’accepte votre aide avec grand plaisir. »

C’était un peu un mensonge. Pas qu’elle n’appréciait pas la noble dame. Mais elle n’était pas spécialement fière de révéler son corps à qui que ce soit. C’était toutefois une fierté et surtout un complexe qu’elle était prête à mettre de côté. Après tout, elle ne voulait pas se montrer désagréable avec la personne qui avait la gentillesse de l’héberger.

Quant à Aymeric.

« Brrr, tout ce confort…et toute cette graisse que tu amasses… vivement que je puisse retourner aux marais !»

Elle sourit, rit même un petit peu bien que cela soit de courte durée. Peut-être que c’était quand même un peu trop tôt pour rire sur le sujet ? M’enfin, elle préférait pour l’heure ne plus trop penser et se laisser guider. C’est d’ailleurs ce qu’elle fit en suivant Idalie dans la pièce de soin.

« Je suis désolée de m’imposer à vous ainsi. »

Souffla-t-elle avec sincérité lorsqu’elles se retrouvèrent à deux. Délicatement, elle retira le pantalon qui lui avait été gentiment prêté, puis s’allongea là où on le lui indiqua. Elle préférait si possible garder son haut, par pudeur, mais notamment pour cacher la pire de ses cicatrices.

« J’ai eu une mauvaise chute peu de temps avant d’arriver, ici. »

Fit-elle en dévoilant, non sans se pincer les lèvres, sa blessure. Aussi, même si elle n’en parlait point, ses pieds étaient en bien piteux états. C’était toutefois à prévoir avec des semaines de marches en tout genre. Ses mains étaient également abîmées comme presque toute sa peau finalement.







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Idalie de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyMer 17 Fév 2021 - 18:42
Sache que mon épouse aussi est armée. Idalie masqua habilement sa gêne à la révélation spontanée de son mari. Elle aurait préféré qu'il s'abstienne de mentionner qu'elle portait une arme, car la chose n'était pas particulièrement bien vue chez les nobles dames, mais elle garda pour elle son léger mécontentement. Serena était une bonne amie, et sans doute savait-il ce qu'il pouvait lui dévoiler ou non sans risque pour leur réputation. Et une milicienne revenant d'un périple dans les marais avait mieux à faire que de songer à aller répandre des rumeurs sur une femme qu'elle connaissait à peine.

L'idée d'être défendue par une comtesse à la frêle silhouette sembla au moins amuser Serena et la détendre assez pour qu'elle accepte de remettre ses armes à Aymeric. À la boutade de la milicienne, Idalie sourit gentiment.

« Mieux que jamais », répondit-elle avec autodérision.

Si Idalie s'était permis de faire préparer une chambre pour Serena, Aymeric confirma l'invitation en précisant à celle-ci qu'elle était la bienvenue dans sa demeure aussi longtemps qu'elle le souhaitait. La comtesse approuva en hochant la tête, souriant discrètement en écoutant Aymeric énumérer tous les « avantages » de séjourner au manoir.

« Vous voyez, c'est pour contrer cette tendance à la sédentarité que je lui fais transporter vos armes, ajouta Idalie en chassant Aymeric d'un geste des mains. Cela le gardera en forme. »

Elle offrit un dernier sourire à Aymeric, puis entraîna Serena vers le coin soins. Elle ne pensait évidemment pas un traître mot de ce qu'elle venait de dire, trouvant son époux fort actif, encore plus maintenant qu'elle traitait la majorité de la paperasse pour lui. Il restait néanmoins un guerrier dans l'âme et, pour lui, l'exercice physique de sa vie de comte ne pourrait jamais égaler celui de sa vie de milicien.

Abandonnant Aymeric un instant, Idalie guida Serena et s'empressa de rassurer celle-ci lorsqu'elle s'excusa de s'imposer :

« Il n'y a nul besoin d'être désolée. Vous êtes la bienvenue et c'est un véritable soulagement de vous savoir saine et sauve... Je ne manquerai pas de remercier les Trois pour ce miracle. »

Idalie fit signe à Serena de prendre place, puis fit mine de s'intéresser au matériel pendant que la milicienne retirait son pantalon. Une fois la jeune femme installée, elle reposa son regard sur celle-ci, étudiant son état aussi attentivement que respectueusement. Après s'être assise face à la guerrière, elle observa de plus près la plaie.

« Vous permettez? », demanda-t-elle, plus pour prévenir Serena qu'elle allait la toucher que pour réellement avoir la permission déjà donnée quelques minutes auparavant.

Avec délicatesse, Idalie toucha les abords de la plaie pour mieux l'étudier. Elle se détourna ensuite brièvement pour attraper un chiffon et le tremper dans l'eau, puis reporter son attention sur Serena et nettoyer certaines régions moins bien lavées lors du bain. Avec une petite pince, elle en profita également pour retirer les éclats de roche et les autres nuisances qui risquaient de mettre en péril la guérison de la milicienne.

« Je crois que vous êtes arrivée juste à temps pour éviter le pire pour votre jambe, dit calmement Idalie. Votre blessure à la cuisse est plutôt profonde, mais je pense que la soigneuse saura bien la traiter. »

Idalie poursuivit son œuvre, tâchant de se faire le plus douce possible, même lorsqu'elle retirait des éclats trop bien logés dans la peau de la milicienne pour être dégagés sans douleur.

« Pour le reste, je connais la recette d'un onguent qui pourra vous aider. Je le ferai préparer si nous avons tous les ingrédients. Sinon, j'enverrai notre domestique à Usson. Vous n'aurez qu'à appliquer la pâte sur vos pieds, vos mains et toute autre parcelle de peau douloureuse. Elle vous apaisera et contribuera à accélérer votre guérison. »

Idalie releva les yeux sur Serena et lui sourit avec bienveillance. Elle ne pouvait imaginer toutes les épreuves que la milicienne avait traversées – ou plutôt, elle n'osait pas les imaginer, car cela signifiait mettre des images sur ce que vivait peut-être son frère et raviver des douleurs qu'elle s'évertuait à faire taire.

« Je n'ai cependant aucun onguent pour vous éviter les boutades d'Aymeric, continua-t-elle. C'est une souffrance que je ne peux malheureusement vous épargner et avec laquelle vous devrez composer. »

Elle sourit avec un peu plus d'espièglerie avant de se repencher sur la blessure.

« Il m'a parlé de vous. En des termes plus élogieux que ceux qu'il emploie pour s'adresser à vous, rassurez-vous. Il ne m'a toutefois jamais raconté comment vous vous êtes rencontrés exactement. Satisferiez-vous ma curiosité? Vous n'êtes pas obligée si vous n'en avez pas envie. »

Certains préféraient le silence, d'autres la conversation. Lorsqu'elle apportait son aide au temple, Idalie s'adaptait aux souhaits du blessé. Dans ce cas-ci, elle espérait pouvoir changer les idées de Serena et apprendre à la connaître un peu. La milicienne était importante pour Aymeric, mais aussi pour Jacob. Et pour le moment, on ne lui avait parlé d'elle que comme l'on parle d'une personne que l'on ne reverra plus jamais. Comme d'un fantôme, d'un mort. Ce n'état pas suffisant, car Serena de Rivefière était là, en chair et en os. Bien vivante.
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Serena de RivefièreCoutilier
Serena de Rivefière



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyMer 17 Fév 2021 - 20:15




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Le Retour d'une milicienne
Domaine de Pessan - 20 décembre 1166


Ce miracle ? Oui… Cela en était un. Si bien que la milicienne craignait encore de se réveiller à tout moment. Seule la douleur lui permettait de se rassurer, car en principe si elle pouvait la sentir, c’est qu’elle n’était pas loin de la réalité. On ne pouvait pas dire que l’environnement lui était inconnu, le tout lui était même familier. Et pourtant, c’était difficile pour elle d’imaginer tout ce confort et s’y laisser bercer. Un toit, des lumières, de la chaleur et des vêtements secs, que demander de plus ?

Décidément, elle pouvait compter sur la bonté de son hôte. C’était assez méticuleusement et avec grande douceur que la noble dame vint s’attarder sur sa plaie. Elle avait bien envie de lui dire que le déplacement vers Usson n’était pas nécessaire, mais elle commençait à cerner le personnage. Nul doute qu’elle lui dirait que cela n’était pas un problème. Serena se contenta alors de lui sourire et de la remercier, encore.

« D’où viennent vos connaissances dans les soins ? »

Demanda-t-elle alors avec curiosité avant de sourire un peu plus à ses paroles concernant Aymeric.

« Moi qui espérais que vous auriez trouvé le remède miracle… »

Un soupir retentit afin d’accentuer sa mine faussement déçue. Elle était soulagée d’avoir encore un esprit assez éveillé pour plaisanter de la sorte. Cela lui faisait même drôlement du bien. Elle redevint néanmoins un peu plus sérieuse lorsqu’elle lui confia avoir entendu parler d’elle. Aussi confiante pouvait-elle parfois paraître, elle n’avait jamais été à l’aise avec ce genre de conversation. C’était toujours déplaisant d’entendre des rumeurs à son sujet et embarrassant d’en entendre des éloges.

« Oh… mais, je suis certaine que je ne mérite pas la moitié des compliments qu’il ose porter en mon nom. »

Plutôt humble, elle ne se sentait pas nécessairement digne des quelques noms prestigieux qu’on pouvait lui adresser. Elle espérait donc secrètement que la Comtesse ne soit pas trop déçue de la réalité. M’enfin, si elle était amie de Jacob, elle était presque persuadée qu’elle n’avait pas entendue que du bien à son sujet. En y réfléchissant, même Aymeric n’était pas du genre à retenir les critiques. Elle détourna donc un instant son regard avant de réfléchir à leur rencontre et ainsi la décrire.

« Aymeric de Beauharnais était un nom que je connaissais depuis un moment déjà. Même nous n’avions jamais été proches, il s’agissait d’en mentor dans la milice. »

Il possédait donc déjà à l’époque d’une certaine réputation et il était assez logique pour elle que son nom lui soit familier.

« De mémoire, notre première réelle conversation a eu lieu lors d’une fête mondaine… alors qu’il avait repris le titre de Comte. Je ne pourrai plus dire laquelle…. Mais dans tous les cas, nous étions deux à terriblement nous ennuyer et ne pas y trouver sa place. »

Non, cela n’avait jamais été sa tasse de thé. Et pourtant, ce n’était pas comme si Serena manquait d’éducation. C’était même un monde dans lequel elle avait baigné toute sa vie. Mais peut-être était-ce justement pour cela qu’elle n’y voyait aucun intérêt ? Bref, elle poursuit.

« J’ai donc saisi l’occasion pour aller lui faire la conversation. »

Elle sourit un peu au coin.

« On s’est retrouvé à parler de nos aventures et de tactiques en plein banquet. »

Une bien drôle d’image qui n’allait pas du tout avec l’atmosphère sophistiquée d’un banquet. Nul doute que les curieux qui ont cru bon de les écouter devaient se retrouver bien surpris. C’était un décalage qui l’amusait tout comme l’énervait profondément. Mais pour l’heure, à cet instant, elle préférait s’en amuser afin de garder un bon souvenir.

« Lors de cette conversation, il m’a donné de nombreux conseils…. Dont l’un des plus saugrenus ! »

Elle en rit encore un peu avant de regarder son interlocutrice. Elle la fit encore un peu languir avec le suspense avec de tout lui révéler.

« De capturer un chat ! » Il marqua une pause avant de reprendre. « Ridicule, n’est-ce pas ? Pas le genre d’exercice qu’on s’attend à avoir d’un mentor en tout cas ! Mais croyez-le ou non, je l’ai fait et ce n’était pas si facile ! »

Elle ricana un peu tout en espérant que l’anecdote la ferait également sourire. De là, la milicienne prit le temps de respirer un peu. Elle n’avait plus l’habitude de parler autant. Cela la fatiguait tout comme lui donnait une étrange source d’énergie. Elle souhaitait donc continuer encore un peu.

« Il est l’un des rares à avoir été aussi déchiré que moi entre ces deux mondes. On partage donc certains points communs et je le considère aujourd’hui comme un bon ami. »

Avoua-t-elle simplement avant de conclure.

« M’enfin, cela ne nous empêche pas de nous disputer régulièrement. Une vraie tête de mule quand il s’y met avec des principes bien à lui selon moi. »

Elle sourit avec bienveillance avant de le regarder à son tour avec une pointe de curiosité.

« Et vous alors ? Comment le supportez-vous tous les jours ? »






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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyJeu 18 Fév 2021 - 0:57
Idalie avait l'impression de faire bien peu pour une femme qui avait réussi à déjouer la mort, mais Serena semblait tout de même reconnaissante, y compris pour les soins qu'elle lui prodiguait.

« J'ai beaucoup appris en aidant au temple, répondit-elle à la question de Serena. Des prêtres et des prêtresses ont eu la gentillesse de partager avec moi leur savoir si précieux. Ces connaissances me permettent de me rendre utile pour la communauté. Elles m'ont aussi servi auprès des hommes de ma famille par le passé, des guerriers avec quelques accidents ou imprudences à se reprocher. »

Idalie sourit, mais ne s'attarda pas sur le sujet. Parler de sa famille lui était devenu difficile depuis la disparition de son frère aîné. Il ne restait qu'elle. Même si elle avait Aymeric, Alix et, si les Trois le voulaient, un enfant à naître, elle se sentait parfois prise d'une incommensurable solitude. À moins d'un autre miracle, le nom d'Auvray s'était tout simplement éteint quand elle avait pris celui de Beauharnais. C'était presque comme s'il n'avait jamais existé.

La comtesse recentra son attention sur Serena, entamant la conversation avec elle. Tout en poursuivant ses soins, elle écouta la jeune femme lui raconter sa rencontre avec Aymeric. Elle visualisa son mari et la milicienne parler guerre au beau milieu d'une fête mondaine et dut admettre qui lui était peint n'était pas très étonnant. Aymeric n'aimait pas les soirées organisées par la haute société et elle imaginait sans peine son ennui – tout comme celui de Serena, d'ailleurs. Après tout, une femme de bonne naissance qui décidait de prendre les armes devait avoir peu d'attrait pour les banquets de la noblesse.

Idalie releva les yeux sur le visage de Serena quand celle-ci mentionna qu'Aymeric lui avait donné un conseil bien saugrenu. Elle regarda sa patiente improvisée avec curiosité, puis pouffa. Attraper un chat. C'était effectivement une drôle demande de la part d'un mentor, mais Aymeric ne faisait jamais rien comme les autres. C'était un noble qui avait choisi une vie de milicienne et qui, en accomplissant son devoir d'héritier, avait décidé de s'installer au Labret. C'était un homme qui n'avait pas hésité à prendre sous son aile sa fille née d'une aventure et à épouser une femme qui n'avait aucune dot à offrir. Conseiller d'attraper un chat à une milicienne? C'était un détail, le genre de choses qui allaient de soi pour Aymeric et pour lesquelles Idalie l'aimait.

« Et c'est sans doute parce que vous lui tenez tête et que vous avez le courage et l'ouverture d'esprit de suivre ses idées même si elles vous paraissent étranges qu'il vous apprécie autant, dit Idalie quand Serena eut terminé son histoire. Je suis heureuse que vous ayez trouvé l'un chez l'autre une personne en mesure de comprendre ce déchirement dont vous me parlez. »

Idalie étudia de nouveau la blessure de Serena, à la recherche d'autres éclats. Elle osait à peine l'admettre, surtout en de pareilles circonstances, mais il était bizarre de songer à l'amitié entre Aymeric et Serena, à la proximité qu'ils partageaient par leurs expériences et la similitude de leurs champs d'intérêt. La milicienne connaissait tout un aspect du comte qu'elle-même ignorait. Même si Aymeric disait ne pas avoir de secrets, il restait encore mystérieux à certains égards pour Idalie, qui venait à peine de débarquer dans sa vie. Elle aurait aimé pouvoir voler quelques images dans la tête de Serena, juste pour avoir un aperçu de l'Aymeric d'avant, de celui qu'il avait été auparavant.

« J'ai appris à parler le Beauharnais, plaisanta gentiment Idalie en retirant un petit morceau de roche dans la plaie de Serena. Plus sérieusement, Aymeric et moi sommes à la fois très différents et très similaires... Nous nous respectons mutuellement et nous arrivons toujours à nous comprendre. Nous nous complétons. »

La blessure semblant propre, Idalie se redressa et attrapa un chiffon mouillé pour se laver les mains. Elle n'avait pu échapper à quelques gouttes de sang tandis qu'elle enlevait les éclats, mais ne s'était pas émue de se salir ainsi. Elle en avait vu d'autres.

« Nous nous sommes mariés il y a un peu moins de deux mois. Par choix. Et je l'aime avec ses drôles d'idées, sa tête de mule et la fausse graisse qu'il prétend accumuler alors qu'il passe ses journées à travailler sur mille et un projets. »

Trois coups frappés à la porte interrompirent la conversation des deux femmes. Idalie tendit une couverture à Serena afin qu'elle puisse se couvrir, puis se dirigea vers la porte et l'entrouvrit. Lorsqu'elle vit qu'il s'agissait de la soigneuse, elle laissa cette dernière entrer, puis se tourna vers Serena.

« Je vais vous laisser entre les bonnes mains d'une spécialiste, dit-elle à l'intention de Serena. Je reste tout près, n'hésitez donc pas à faire appel à moi s'il y a quoi que ce soit. »

Idalie fit à Serena un regard encourageant et sortit en refermant la porte derrière elle. Sans trop s'éloigner de la pièce, elle appela Ilda et lui demanda de vérifier si elles avaient tout au manoir pour préparer l'onguent dont elle avait parlé à Serena. Elle attendit ensuite non loin, histoire de garder une oreille attentive aux possibles appels de la blessée.

La guérisseuse était à l'œuvre depuis plusieurs minutes déjà lorsqu'Aymeric reparut. Idalie s'avança vers lui et lui offrit un sourire rassurant.

« La soigneuse est avec elle, annonça-t-elle d'emblée. Je me suis occupée de mieux nettoyer sa plaie, mais il vaut mieux que la guérisseuse se charge du reste, qui risque d'être plus douloureux. »

Idalie fronça le nez, espérant que la soigneuse se montrerait délicate avec Serena. Elle marqua une pause, puis murmura :

« Devrais-je écrire à Jacob pour le prévenir?... Ou me contenter de laisser encre et parchemin dans la chambre préparée pour Serena, peut-être? Je n'ai pas osé lui demander si elle souhaitait écrire à sa famille. »
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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyJeu 18 Fév 2021 - 8:27

Idalie et Serena ont l'air de se comprendre, aussi puis-je abandonner mon poste d'observation pour travailler plus sérieusement sur ses armes. Elle les a bien entretenues, si on considère qu'elle était en extérieur. Cela n'est pas toujours évident de le faire dans un environnement hostile, même si, quand on se retrouve bloqué dans un arbre par la météo par exemple, c'est pour ainsi dire la seule occupation qu'on ait. Ah, visiblement, elle a trouvé le temps de fabriquer des flèches. Elle est plutôt douée. Décidément, cette femme est pleine de surprises.

Alors qu'il aiguise le tranchant des lames, il se plait à imaginer Idalie et Serena en train de dire affectueusement du mal de lui. Lui ne se prive pas pour les chambrer non plus, parce que c'est fait avec gentillesse. User de l'humour permet de désamorcer certaines situations et si les sentiments sont trop lourds, aux rires succèdent les larmes, ce qui n'est pas plus mal. Les gens comme lui ont tendance à garder leurs sentiments en eux et c'est comme si ça rongeait de l'intérieur. Depuis qu'il l'a compris, Aymeric les exprime. Il dit s'il est fâché, déçu, heureux. Il ne cesse de dire à sa fille combien il est fier d'elle, de ses apprentissages, de la place qu'elle occupe, de son travail, de sa piété, et de combien c'est une belle personne. Il l'a informée aussi qu'il réfléchissait à un bon parti pour elle, mais qu'il prendrait son temps, car elle devient un parti des plus intéressants et qu'ils auront le choix, le moment venu. Mais cette perspective semble enchanter l'aînée des de Beauharnais.

A son épouse, il dit combien elle compte pour lui, combien il est bien avec elle, combien il ne comprend pas pourquoi il a été autant attiré par elle. Il lui a même dit que la perspective de l'héritier ne l'enchantait pas tant que ça pour l'heure, qu'il aurait bien passé un an à essayer de le faire plutôt que de l'avoir mis en route aussi vite, mais l'appétit d'Idalie pour les plaisirs de Serus font qu'il ne souffre pas d'un manque. A croire que la grossesse aiguise son appétit. C'est une chance et une autre bénédiction des Trois, certaines épouses souffrant au point qu'il n'est plus possible à leurs époux de les honorer. Et ils ne se lassent toujours pas l'un de l'autre.

Puis l'exploitation... Tout va plutôt bien. Ils ne manqueront pas de fromage cet hiver même si plus aucun ne devait venir jusqu'ici. Il parvient à faire son repas par jour, souvent agrémenté au moins d'un oeuf. Ils ont jusqu'à trois viandes par semaine, sans compter les charcuteries, pas divines mais consommables quand même. Et il y a toujours moyen de sacrifier un lapin ou une poule ou deux s'ils ont de la visite. Cela attendra demain, le plateau qu'Alix a préparé pouvant remplir deux solides estomacs. Il travaille dur, ça n'est pas un gestionnaire, Aymeric se salit les mains et est plus souvent en mission bricolage qu'en représentation. Son épouse le seconde habilement pour tout ce qui est administratif. L'érudite/législatrice détachée par la de Pessan gère ce qui est compte et taxes, non seulement pour lui mais pour la Comtesse puisqu'elle se charge aussi de l'exploitation agricole (les deux fermes attenantes).

C'est le travail de protection du domaine qui lui prend le plus de temps. L'installation de la Compagnie lui convient bien, car cela fait du monde et ils peuvent s'organiser pour la protection du domaine. Cela rajoute des chevaux sur place, mais il y a moyen de les faire paître et il est connu de tous, désormais, qu'avec un archer émérite (le Comte) et des mercenaires, ainsi que la milice qui passe car il faut se rappeler au bon souvenir du Comte, qui fournit régulièrement la milice en nourriture mais l'aide aussi avec la Forge à Usson, le domaine est bien gardé. Seulement, c'est du boulot. Les clôtures, les grillages pour protéger lapins et poules des renards, les pirates qui peuvent bifurquer par ici mais évitent pour l'heure, les bannis, les vagabonds, qu'il faut différencier de ceux qui cherchent du travail ou des conseils. Comme il s'est plu à le rappeler, Aymeric n'est pas une oeuvre sociale, il ne peut engager tous les mordus. Alors il donne des adresses mais ces dernières aussi ont leurs limites. Et l'automne se finit, les exploitations vont être en pause et les gens devront quand même manger. Les risques d'insurrection sont présentes. Il songe à augmenter ses dons au Temple, sauf qu'il vit déjà à perte. Tout ceci sera tout sauf simple. Le Labret n'avait pour pauvre que les incompétents, ce n'est plus le cas. Sans parler des rumeurs. Il veut bien aider sur les enquêtes, mais il a ses limites aussi, une exploitation, une épouse enceinte, une fille qu'il faut éduquer.

Tiens, ça fait un moment qu'elle n'a plus chassé le chat. C'était une bonne façon de se dépenser, mais sa petite tient de lui de ce point de vue. Elle est agile et rapide. Jamais sans doute jeune Vicomtesse n'a été armée à ce point pour se débrouiller face à la fange. Piégeage de gibier, grimpage aux arbres, fuite, déplacement silencieux, combat au bâton et tir à l'arc, c'est peu habituel pour une fillette. Et à côté, elle a l'alphabétisation, les cours de maintien, la diplomatie et tout ce qui est vie de cours qu'elle apprend avec Idalie et la législatrice qui fait aussi office de dame de Compagnie. Et Ilda, pour la cuisine, les vêtements. Elle sait coudre aussi. Tout pour faire d'elle une terrible mercenaire ou une femme au foyer des plus respectables. il n'en est pas peu fier.

Bon, les armes sont nettoyées et affutées, il remplit son carquois. Elle récupérera un armement impeccable. On lui fera coudre une nouvelle tenue. Il est à parier que l'activité plaira à Alix, qui s'empressera d'aider. Bref, Aymeric ramènera la soigneuse pour aller prendre du tissu couleur milicienne. Parce que ces anciens vêtements sont trop élimés pour être réparables. A la Milice on les lui remplacerait aussi. Mais il les lui rendra aussi, une fois nettoyés. Il a donné des ordres en ce sens. Ah, mince, il a trop pris son temps. Idalie est déjà sortie de la salle de soins. Il a vu passer la soigneuse peu avant, mais a sans doute pris trop de plaisir à nettoyer les armes, se remémorant son passé de milicien.

- Désolé, j'ai pris le temps de briquer son matériel comme s'il était le mien. J'aimais ça aussi à l'époque. Un petit plaisir solitaire qui n'est pas incompatible avec une vie d'époux... euh, enfin je crois... mais je réalise que je t'ai laissée un peu seule. Preuve que je sais pouvoir me reposer sur toi. Et, euh, désolé de t'imposer sa présence, même si je me doute que ça ne te dérange pas. Tu as un coeur grand comme ça...

Un vrai baiser d'amoureux, fougueux, passionné, plein de promesses. Mais bon, là, sur la porte alors que derrière il y a une prêtresse soigneuse qui fait des soins, c'est pas tip top. Mais Aymeric est d'excellente humeur et en grande forme, Idalie n'a pas à en douter.

- Non, c'est trop tôt. Elle entame un retour à la civilisation. Etre dehors, c'est vraiment une coupure, on perd la notion des autres et du temps. L'espace devient absolu, c'est une autre impression. Le décalage doit être aussi fort qu'entre la vie à l'Esplanade et la vie au Labret, l'absence de murs extérieurs, des espaces verts à perte de vue. Les sens changent, on est plus aux aguets de certaines choses et on en oublie d'autres. On avance différemment, la faim devient différente, les notions d'hygiène et de confort changent. Alors, revoir du monde est très perturbant. On a perdu les codes qui veulent qu'on reste pudique, qu'on cache des choses ou qu'on se tienne bien, tout simplement. Cela revient vite, mais "l'autre" en tant que personne est perturbant. Il faut avoir connu les missions en extérieur pour comprendre, surtout en solitaire. Je pense que c'est pour ça que ton frère et moi nous nous sommes compris de suite. On savait. Pareil pour Serena, elle avait survécu dans les Marais seule, ce qui était un exploit car elle n'avait pas été formée pour. Là, elle reprend pied avec la civilisation. Je lui ai posé la question, elle m'a demandé de ne prévenir personne. Mais ne t'inquiète pas, elle le fera. Il lui faudra quelques heures, peut-être quelques jours, et elle le fera.

Il grimace.

- Je vais te choquer, mais il n'y a pas d'urgence. Ils pensent qu'elle est perdue, la nouvelle qui viendra les remplira de joie. Si on les avertit maintenant, ils vivront dans l'inquiétude et l'expectative de savoir si c'est vrai et l'attente sera affreuse. La surprise sera plus agréable pour eux s'ils en ont la preuve de visu rapidement après car il reste quelque chose en nous qui se refuse à y croire, tu vois ? Ou alors ils partiront immédiatement vers ici pour s'en assurer. Avec les dangers du trajet. Si Jacob peut se débrouiller en extérieur, il était de la marine. Par les routes, c'est différent. Je suis doué sur les routes, je vire au vert sur la mer. L'inverse doit être vrai pour lui. Inutile de les mettre en danger. Et si on va trop vite, Serena pourrait fuir. Il faut lui laisser le temps. D'accord ?

Il parle d'expérience mais il sait qu'elle comprendra. Son frère Zephyr était aussi un "de l'extérieur" et il avait besoin de ces coupures. Ici, le séjour dehors a été fort long. Trop sans doute. C'est ici qu'elle reprendra pied avec la civilisation. Puis elle repartira vers sa famille, sans doute. Il n'est pas au courant de tout. Mais sur ce point, Idalie devrait lui faire confiance, même si ça peut paraître choquant.

- Elle nous le demandera quand elle aura beson de papier et de parchemin. Pour ça, elle est comme moi, je pense qu'elle fait de l'urticaire en y songeant. Et il n'y a pas que sa famille, il y a la milice aussi. On attendra pour prévenir Langlois. Il comprendra aussi.

Le "secret" ne saura pas être gardé éternellement et Serena n'est pas une fugitive, cela n'est que pour un temps, de toute façon. Bon, la soigneuse doit avoir fini d'apposer les points, du moins imagine-t-il qu'elle en a besoin, les lotions et bandages doivent suivre.

- Tu as faim ?
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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyMer 10 Mar 2021 - 19:42




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Le Retour d'une milicienne
Domaine de Pessan - 20 décembre 1166


Il serait faux de dire que la milicienne n’enviait pas un peu son hôtesse. À dire vrai, une vie avec Aymeric lui avait déjà traversé l’esprit. Il était après tout un des rares nobles qu’elle respectait et possédait de quoi offrir une vie… disons plus stable que la sienne. Toutefois, cela n’avait rien avoir avec des sentiments intimes ou non. Ce n’était pas ainsi qu’elle regardait ce dernier, qui restait donc avant tout un camarade, un frère d’armes et un mentor. Non, c’était plus cette image d’une vie différente, plus ordinaire qu’elle jalousait secrètement. Toutefois, cela n’était qu’une illusion et elle avait pleinement consciente. Les choses auraient été bien différentes si elle avait été à la place d’Idalie. Jamais, Serena aurait pu compléter aussi bien Aymeric. Elle n’imaginait pas non plus pouvoir avoir une relation aussi belle avec lui. Et très franchement, elle n’aurait jamais pu remplir ses devoirs correctement. Bref, cela aurait été plus une catastrophe qu’autre chose lorsqu’elle y pensait avec clarté.

Et c’était d’ailleurs pour toutes ces raisons qu’elle était sincèrement heureuse et soulagée de les voir ainsi ensemble. Elle pouvait ressentir le respect qu’ils avaient l’un envers l’autre. L’ouverture d’esprit était également un élément essentiel dans leur relation qui les permettaient d’accepter et compléter les différences de l’autre. En soi, de ce qu’elle pouvait entrapercevoir à travers les dires et les gestes, cela ressemblait réellement à une relation des plus équilibrées.

La conversation était donc agréable. Et cela lui permettait aussi de faire fi de la douleur qu’elle pouvait ressentir à travers les soins. Lorsque la soigneuse arriva, elle remercia à nouveau la noble Idalie avant de laisser la spécialiste terminer le travail. Évidemment, la suite était bien plus désagréable. Lorsque celle-ci se mit à désinfecter sa plaie, la milicienne n’eut d’autre choix que de pousser un cri étouffé. La suite n’était pas bien plus agréable, mais cela restait tenable.

Une fois les soins terminés, Serena n’attendit pas plus longtemps pour se relever comme elle pouvait. Rester trop longtemps immobile la rendait un peu nerveuse. Elle voulait changer d’air, de pièce et alla donc rejoindre le couple en dehors de la chambre. Bien que la fatigue était visible sur son visage, la milicienne tenta un sourire ainsi qu’un peu d’humour.

« Je suis presque comme neuve ! »

Une manière un peu maladroite pour rassurer ses hôtes. La question de son mentor la prit toutefois un peu de court. Avait-elle faim ? En réalité, cela était difficile à dire. Plus le temps était passé, plus son estomac avait dû s’adapter à un rythme archaïque. Si au début, elle ressentait la faim, très vite celle-ci s’est transformée en douleur puis en nausée. Dès lors, peu à peu, elle apprit à en faire fi et simplement saisir les occasions qui se présentaient à elle pour survivre.

Toutefois, elle savait pertinemment qu’un repas, un réel repas, chaud et préparé l’attendait en cuisine. L’idée de manger normalement lui donna une sensation étrange. Elle se réjouissait, elle était même plutôt émue. Mais il y avait aussi comme un sentiment de gêne, de timidité. Elle n’osait pas montrer toutes ces explosions d’émotion à l’idée de manger quelque chose de chaud.

Serena se pinça donc les lèvres, sourit légèrement avant de simplement hocher la tête.

Une fois arrivée à la salle à manger, après s’être trainée comme elle pouvait, et cela un peu malgré les indications de la soigneuse, elle salua chaleureusement la petite Alix qu’elle reconnut immédiatement.

« Ravie de vous revoir, gente demoiselle. »

Fit-elle dans un sourire avant de s’incliner très légèrement comme un chevalier devant une noble dame. Elle lui fit alors un clin d’œil avant de s’asseoir après y être invitée. Un peu dépassée par les événements, Serena se perdit à nouveau dans ses pensées alors qu’elle observait avec attention la pièce, puis les assiettes présentées.

Sa tête était lourde et légère à la fois. Tout semblait étrangement irréel. Elle n’arrivait pas vraiment à croire qu’elle était parvenue à revenir ici. Et encore moins qu’elle se retrouvait soudainement à table, au chaud et en sécurité. D’ailleurs, il fallait bien le dire, elle avait toute la peine du monde à se détendre. Ses réflexes et ses instincts de survie la poussaient régulièrement à jeter un coup d’œil vers les fenêtres et les portes de la pièce.

Soudain, elle sentit un peu les regards sur elle. Elle regarda donc ceux qui avaient la gentillesse de l’héberger, mais surtout la secourir de ce mauvais pas. Elle sourit alors à nouveau avec gêne, baissant un peu la tête.

« Pardon, j’ai encore de la peine à réaliser où je suis. »

Elle inspira profondément, puis reprit.

« J’avais presque oublié cette sensation. Merci.»

Vraiment, jamais elle ne pourrait assez les remercier pour leur hospitalité. Et elle réalisait plus que jamais la chance qu’ils avaient d’avoir un toit, de quoi se chauffer, manger et dormir pratiquement en toute sécurité. Évidemment, elle-même avait un foyer qui l’attendait, enfin… c’est ce qu’elle espérait.

« Avez-vous des nouvelles de ma famille ? »

Demanda-t-elle finalement avant de changer de sujet.

« Et vous ? Comment vous portez-vous depuis ? »


Spoiler:




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Idalie de BeauharnaisComtesse
Idalie de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyVen 12 Mar 2021 - 1:16

Idalie sourit pour rassurer son époux. Il l'avait laissée un peu seule, mais elle ne s'en offusquait pas. Ils s'étaient tous deux rendus utiles à leur manière, lui en affûtant les armes de Serena, elle en donnant quelques soins de base à la guerrière. L'attente ne l'avait pas dérangée, tout comme la présence de la milicienne ne l'importunait pas. Elle s'adaptait. Ces derniers temps, elle ne faisait que cela, à vrai dire : s'adapter. À la vie au Labret. À son rôle d'épouse, de belle-mère et de future mère. À la plaie béante laissée par la disparition de Zephyr dans son cœur. À côté de tout cela, s'ajuster pour accueillir Serena quelques jours ou semaines lui paraissait banal malgré l'étrangeté de la situation.

« Ne t'en f... », commença-t-elle avant d'être interrompue par le baiser fougueux d'Aymeric.

Idalie répondit au baiser de son époux, puis se recula doucement, histoire d'éviter de tenter le diable. Ce n'était ni l'endroit ni le moment, mais ils savaient tous deux que l'endroit et le moment finissaient toujours par venir, car ils étaient loin de fuir cette intimité que certains couples redoutaient. Idalie la recherchait même plus qu'elle avait pu l'imaginer, et elle trouvait même dans les bras d'Aymeric un réconfort qui parvenait à lui faire oublier momentanément les épreuves des dernières semaines.

Laissant pour l'heure leurs envies amoureuses de côté, les époux revinrent à Serena. Idalie écouta les arguments d'Aymeric, hochant doucement la tête pour lui indiquer qu'elle comprenait et ne comptait pas écrire aux Rivefière sans son accord.

« Oui, je comprends, dit-elle. Je ne souhaite évidemment pas qu'elle fuie ou mettre qui que ce soit en danger. Je crois que je me disais seulement... »

Elle s'interrompit et baisse brièvement les yeux avant de les reposer sur Aymeric.

« J'aurais aimé savoir dans la seconde près si j'avais été Jacob, si nos rôles étaient aujourd'hui inversés, termina-t-elle. Je lui en aurais peut-être voulu d'avoir gardé le secret. Mais c'est idiot. Il s'agit d'une réponse émotive, je... je ne vois pas cette situation avec le même recul que toi. »

Elle força un sourire, s'excusant en quelque sorte d'avoir dit à voix haute ce qu'elle aurait dû penser tout bas. Serena était de retour. Pas Zephyr. Et il était malvenu de sa part d s'imaginer à la place de Jacob.

« Tu as raison, conclut-elle. Il vaut mieux préserver la sécurité de tous et respecter le choix de Serena. »

Après quelques secondes, la porte s'ouvrit sur ladite Serena. Idalie sourit en voyant la jeune femme, puis lui demanda de l'excuser un instant pour lui permettre d'aller voir la guérisseuse. Laissant Aymeric avec son amie, la comtesse discuta avec la soigneuse, s'informant sur l'état de la milicienne et lui demandant des recommandations tandis qu'elle la raccompagnait à la porte. Une fois la femme partie, elle rejoignit Aymeric et Serena dans la salle à manger.

« Navrée, je souhaitais la remercier », dit-elle en prenant à son tour place à la table.

Elle accepta l'infusion que la domestique lui présenta et lui fit discrètement signe de ne pas trop remplir son assiette. Son appétit était devenu irrégulier et imprévisible, malheureux mélange d'une envie de manger en chute depuis la disparition de son frère et de désirs subits d'avaler jusqu'à la dernière miette d'aliments en particulier. Elle avait rarement faim à l'heure du repas, mais se forçait toujours pour montrer le bon exemple à Alix. Et elle tentait également de maîtriser ses envies parfois déraisonnables, n'osant les partager avec Aymeric que lorsqu'elles la rongeaient au point de l'empêcher de penser à autre chose.

Ainsi, Idalie se contenta de grignoter, accompagnant leur invitée par principe et par politesse. Serena aurait probablement été mal à l'aise d'être la seule à manger, et la comtesse souhaitait lui éviter toute forme de gêne. Elle n'y parvint toutefois pas totalement, car la guerrière s'excusa avec embarras, comme si elle avait fait quelque chose de déplacé.

« Prenez tout le temps qu'il vous faut, la rassura Idalie. Je ne peux qu'imaginer à quel point tout cela peut être déstabilisant pour vous après ce que vous avez vécu. »

Serena demanda ensuite des nouvelles de sa famille avant de changer de sujet. Idalie but une gorgée d'infusion, puis répondit :

« Nous avons vu Jacob lors du mariage à la fin octobre. Il semblait se porter plutôt bien, mais je crains ne pas avoir eu l'occasion de discuter longuement avec lui. Quant à madame votre mère et à votre frère Drystan, il ne m'a rien rapporté à leur sujet. J'en déduis donc qu'il n'avait rien à signaler les concernant. »

Idalie aurait aimé en avoir davantage à dire à Serena, mais la vérité était que les nouvelles entraient parfois au compte-goutte au Labret. Elle avait également un manque d'assiduité à se reprocher. Plongée dans le tourbillon de son mariage, de sa vie conjugale, de ses nouvelles responsabilités, de la perte de son frère et de la découverte de sa grossesse, elle avait mis de côté certaines correspondances plus personnelles. Elle espérait que Jacob le lui pardonnerait.

« Ils sont souvent dans mes prières et votre présence ici me laisse croire que les Trois veillent sur eux. »

Idalie offrit un dernier sourire réconfortant à Serena, puis se tourna vers Aymeric, le laissant répondre à la deuxième question de la jeune femme. Celle-ci s'adressait après tout principalement à lui, et il saurait quoi dire ou taire.
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Le retour d'une milicienne | Beauharnais   Le retour d'une milicienne | Beauharnais EmptyMar 16 Mar 2021 - 15:12
- Et ce fut comme si elle sortait de terre, porteuse d'une nouvelle humanité...

lança, philosophe, Aymeric, quand Serena sortit de la salle de soins. Et il ne put s'empêcher d'ajouter, avec un sourire en coin :

- Là, tu es presqu'épousable... "Presque" !

Un regard vers Idalie qui va s'enquérir des suites à donner aux soins et évidemment il la laisse s'en charger. Lui n'est pas soigneur, n'a jamais été bénévole en soins au Temple et s'il a dû soigner des confrères, c'était souvent au petit bonheur la chance et avec des résultats forcément plus que discutables. Mais il réalise sans peine dans quel tourment Serena voyage pour le moment et le côté probablement irréel qu'elle ressent. Il le lui avait déjà dit quand il avait agi avec elle comme un mentor : La vérité est là, à l'extérieur et pas dans la protection des murs. C'est parce qu'il a connu ces sensations qu'il ressent encore le besoin de partir seul, pas pour affronter le danger, même si c'est cela qu'il fait, mais pour retrouver ces sensations si fortes et qui finissent par lui manquer et le bouffer de l'intérieur. Aussi juge-t-il non nécessaire de dire un mot de plus et pose-t-il une main sur l'épaule de Serena, en guise de soutien, comme il pouvait le faire, du temps où il était coutilier, avec l'un de ses hommes. Il sait aussi que même le repas sera une épreuve. Et le silence n'aide pas, quand ils sont à table, clairement. Aussi décide-t-il de rompre le silence en parlant un peu de lui.

- J'ai été un bien mauvais mentor, car j'ai échappé aux blessures à chacune de mes sorties, tant du temps où j'étais coutilier que depuis que je suis redevenu un "noble chasseur". Et pourtant, avec la boue qui rend la zone glissante, les animaux sauvages et accessoirement les fangeux, les motifs de s'écorcher ou de se tordre une jambe ou un pied sont nombreuses. Le bricolage est plus dangereux pour moi. Toute proportion gardée évidemment. Il suffit d'être surpris et tout tourne à la catastrophe, dans les bois ou dans les marais. Avec le bricolage, cela peut se limiter à une tape sur les doigts.

Il sourit, il s'est déjà martyrisé les doigts et cela s'est entendu dans la bicoque, jusqu'au troisième étage. Aymeric n'a pas la souffrance silencieuse, ni polie, du moins quand il est à l'intérieur. Mais histoire de ne pas laisser croire qu'il ne craint rien, il ajoute :

- Je n'ai pas une peur démesurée des ours, des loups ou des fangeux. Cela ne me poussera pas à aller leur faire un câlin, évidemment. Je ne crains pas ce qui est grand, je crains ce qui est petit. Tout petit. Ma plus grosse blessure, elle a été causée par un taon. Une saleté de taon qui s'est mis dans la tête de piquer ma monture. Elle s'est cabrée, je suis tombé et j'ai passé de très longues semaines au Temple, et pas pour prier. Je suis entré dans le chaudron avec un arc et j'en suis ressorti indemne, mais j'ai croisé la route d'un taon énervé et j'ai failli finir boiteux. Comme quoi on ne choisit pas. Cette maison est protégée contre le fangeux ou l'ours, mais pas contre les taons. Il faudra que je fasse avec...

Il hausse les épaules, mais se dit que cette anecdote aura fait sourire. On peut être héroique et avoir peur d'un ennemi de la taille d'un moustique. Mais s'il devait être franc, il a bien d'autres peurs. Rater sa vie de père et d'époux, déplaire aux Trois, la grossesse d'Idalie. Ces peurs-là, il en parle beaucoup plus rarement. Il essaie d'armer sa fille pour le cas où il ne serait plus là et a l'impression de ne pas trop mal y réussir, mais avec Idalie, il ressent un tel sentiment d'impuissance que ça lui donne le vertige. Aussi est-il ravi que Serena ait relancé la discussion et qu'Idalie y ait, en grande partie, répondu.

- Je n'ai vu ton frère qu'une fois, à mon mariage, mais on n'a pas vraiment eu le temps de parler. Il m'a fait bonne impression, et du peu que j'ai compris, le reste de la famille va bien.

Il préfère le nouveau Comte au précédent, d'autant qu'ils ont un trait commun, ils n'étaient pas destinés à devenir Comte et avaient opté pour la Milice, Aymeric par défaut, ayant fui sa famille adolescent, Jacob par choix.

- Mais je t'avoue que nous sommes peu mondains, surtout moi, et un peu loin de tout. Aucune rumeur concernant les tiens ne nous est parvenue. Si quelque chose était arrivé depuis ta disparition, nous l'aurions appris quand même. Avec du retard, sans doute, mais nous l'aurions appris.

Quant à comment ils vont, Aymeric n'a pas grand chose à cacher.

- Malgré le fait que tout est un peu trop féminin à mon goût par ici, je commence à vraiment apprécier cette habitation et tout le confort qu'elle implique. Je t'avoue que c'est une surprise pour moi, qui me serait volontiers contenté d'une cabane dans les bois. Ma femme et ma fille ont un art consommé pour me rendre chèvre sans le réaliser, elles bouleversent ma vie dans le bon sens. Je sors moins qu'avant et mes sorties sont plus courtes, même si j'en ressens toujours le besoin.

Et il se tourne vers Idalie et Alix pour expliquer la chose.

- Vivre dehors, pour un amoureux de la nature et j'ai la prétention de l'être, c'est presque vital, même si ici il me suffit de franchir la porte ou même d'observer par les fenêtres pour m'en abreuver. Mais il reste des moments où l'appel se fait fort, où j'ai besoin d'aller vivre au milieu de la faune, de la flore et des arbres. Malgré le danger. Parce que, quand on l'a vécu, quand on a connu le grand extérieur, tout est différent, aussi différent que cela a dû l'être pour vous de vivre ici. Et je comprends très bien que par moments vous ressentiez le besoin de retrouver Marbrume, parce que je ressens ce même besoin, mais pour les Marais. Et je n'ai plus besoin de cette nourriture délicieuse, de ce lit douillet malgré les pieds glacés de la Comtesse ou du moelleux des divans du salon, ou même des statues qui accueillent mes prières. C'est dehors que je me sens le plus proche des Trois, et de moi. Et désormais, c'est ici que je me sens le plus proche des miens, et cela m'est désormais tout aussi vital. Ce sentiment, je ne l'avais jamais connu, avant.

C'est fort comme aveu, trop sans doute. Aussi poursuit-il en parlant d'Alix.

- Ma fille devient une jeune femme, avec beaucoup d'élégance. Je sais qu'elle n'en parle pas trop mais qu'elle rêve déjà de mariage. De nous trois, elle est la plus noble, de coeur, et me sert souvent de modèle car quand j'ai une décision à prendre, je m'inquiète toujours de savoir si elle approuvera et sera fière de mes choix, surtout quand ils ne sont pas simples. Elle a repris des couleurs, est moins famélique et j'espère vraiment qu'elle est heureuse, pas d'avoir un papa, pas d'avoir une nouvelle maman, pas de ses robes ou de cette maison, mais heureuse d'être ici, et maintenant.

Visiblement, les aveux continuent, Aymeric est ému, comme souvent, en regardant sa fille.

- Et Idalie. C'est surprenant, mais elle m'est d'une aide précieuse. Les affaires ne tournent pas toujours comme je veux, ma charcuterie n'est pas du niveau que j'espérais, les projets que j'ai en tête prennent du temps. je pense que ça aurait fini par m'énerver, mais plus maintenant. Parce qu'elle est là, avec sa force tranquille. Elle me tempère, elle me pousse à me dépasser aussi, à trouver d'autres idées. Avec elle, j'ai gagné en sagesse mais aussi en spontanéité. J'ai l'impression d'être plus libre que jamais et pourtant elle m'a dompté. Je te souhaite de connaître ça, Serena. Pas forcément le couple, ça n'est pas obligatoire, mais cette étrange sérénité qui m'habite, parfois. Les choses sont devenues plus simples maintenant qu'elle vit ici. Tout est loin d'être parfait, et bizarrement, c'est tant mieux.

Il n'a pas le sentiment d'avoir été très clair, et finalement décide de retourner à son repas. Cela ne lui déplairait pas que Serena s'installe ici quelque temps, voire qu'ils s'offrent une sortie à deux. Quoi qu'il y a un point qu'il ignore encore : ses aptitudes comme cavalière

- Dis, tu montes bien ?
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