23 février 1167 - Une erreur à réparer pour créer la confiance [PV Rosen]

Sombrebois – 23 février 1167

Abandonné dans le château de Sombrebois pas Desmond de Rochemont et Rosen, Alban avait eu du mal à trouver sa place à savoir comment s’occuper. Il avait fini par trouver le pilier de la maisonnée en Pénélope qui s’occupait de la cuisine et que tout fonctionne. D’abord coincé dans ses pattes, il avait fini par réussir à lui donner un coup de main, et ils avaient échangé. Elle lui avait appris quelques expressions du coin comme « mon vier » dont elle l’affublait ou encore « Vent d'ouest, nuit aride ; vent d'est, nuit humide ». En échange il essayait de l’aider comme il le pouvait dans la cuisine, en lui apportant du bois, en sortant les bons ustensiles, en remuant doucement une marmite tout en la surveillant. Il n’avait bien entendu pas avoué la raison de sa présence, mais avait lâché qu’il était arrivé avec le chevalier et que Rosen ne le portait pas dans son cœur. La douce Pénélope s’était donc trouvée obligée de lui donner quelques conseils pour essayer de se faire pardonner.

Alban avait aussi passé beaucoup de temps au temple et avait pu admirer le grand saule qui était planté pas très loin. Les prières avaient été nombreuses sans que sa situation s’améliore. Le matin même, il était allé cueillir quelques jolies fleurs que Pénélope ne jugeait pas trop odorante pour ne pas importuner sa maitresse enceinte mais de la variété qui plairait à la baronne. Puis il les avait mis dans l’eau et aidé Pénélope à cuisiner le déjeuner du midi. Lorsque le travail avait été terminé et le service fait, il avait pu à son tour manger sur leur lieu de travail. Il avait vu quelques enfants passer, mais ces derniers n’avaient pas cherché à communiquer avec l’étranger qu’il était.

Dans l’après-midi, il avait réussi à se renseigner pour savoir si la baronne serait disponible pour un entretien, et après un long moment d’attente, on avait fini par lui répondre positivement et lui indiquer une pièce. Récupérant ses fleurs, n’ayant rien de plus qu’il puisse apporter pour tenter d’apaiser le début de discussion, il toqua à la porte et attendu religieusement qu’on lui autorise l’entrée.
Une fois qu’il reçut les paroles magiques, il poussa la porte pour se retrouver dans une nouvelle pièce qu’il n’avait jamais exploré, c’était une nouvelle fois une découverte, mais il se contint d’observer ou plutôt de dévorer du regard tout ce qui l’entourait.

« Ma dame, je tenais à vous porter ces quelques fleurs, qui ne pourront effacer mon erreur, mais qui, j’espère, permettront d’exprimer mes profonds regrets… »

Il avait eu largement le temps de réfléchir ses paroles et d’essayer de sélectionner les meilleures. Cependant il s’attendait encore à une nouvelle colère de la dame de Sombrebois.

Laforge venait de rentrer dans une magnifique chambre qui semblait douillette et confortable. La baronne était assise dans son lit et elle ne semblait pas encore avoir réellement récupéré de leur virée dans les marais, ses traits étaient tirés, ses cheveux moins soignés que ce que l’on pourrait attendre d’une noble de son rang et ses vêtements étaient froissés comme si elle avait le sommeil bien agité. Et la réaction de Rosen ne se fait pas attendre, elle le rejette d’emblée en l’invectivant. Gêné Alban ne sait plus comment se tenir et fait reposer le poids de son corps d’un côté puis de l’autre, hésitant sur la posture à tenir.
La noble dame lui lance même un regard aussi noir qu’un orage d’hiver, et s’il avait pu fondre sous ses yeux incendiaires, il ne serait pas resté grand-chose du forgeron. Il ouvre la bouche pour se défendre, mais n’a même pas le temps de prononcer un mot qu’elle surenchérit. Et elle finit même par des menaces très violentes, démontrant toute la haine qu’elle porte à l’encontre de celui qui lui avait apporté de si terribles nouvelles. Alban reste un moment silencieux avant de répondre, d’abord avec une voix douce et calme.

« Ma dame, comme vous l’avez signalé, je ne suis pas un traqueur. J’ai moins de chance que vous de retrouver votre mari s’il s’est perdu dans la campagne ou les marais.
Quant aux malfrats qui m’ont échangé ce sac… vous ne m’avez jamais laissé l’occasion de m’expliquer. Pourtant j’aurais imaginé qu’avec vos origines, votre naissance qui n’a rien d’honteuse… Vous, vous auriez pu comprendre et imaginer. Savoir que parfois on essaye simplement de survivre. »

Sa voix commençait à gronder en descendant dans les graves, les humiliations répétées, ce voyage qu’il n’aurait jamais dû entreprendre, tout cela commençait aussi à lui peser.

« Ils sont arrivés à trois, et je serai bien incapable de savoir où les trouver… Ils savaient déjà ce qu’ils voulaient et ils ne comptaient pas repartir sans. Si je m’étais dressés contre eux, je serais sûrement mort sans rien y gagner. Et vous seriez encore dans l’ignorance. »

Il appuya fortement sur ce dernier mot, imaginait bien que sa mort possible ne causerait aucun trouble à la noble. Ils ne se connaissaient pas et elle n’avait aucun respect pour lui. Ce qui importait à la baronne c’était son mari, ce qui était bien compréhensible. Alban aussi avait toujours fait passer sa famille d’abord.

« Je ne suis pas un guerrier comme monseigneur de Rochemont, je ne sais pas me battre. J’ai surtout voulu me débarrasser d’eux et du danger qu’ils représentaient au plus vite. »

Il hochait la tête pour appuyer ses propos et surtout ses souvenirs qui dataient déjà de nombreux jours.

« Faire ce qu’il fallait pour les arrêter ? Je ne suis pas médium et j’ignorais d’où venaient ces possessions.
La milice ? Pensez-vous réellement ce que vous dites ? Leur faites-vous aveuglément confiance ? Vous devez bien savoir comment agit la milice, elle agit et ensuite elle réfléchit… Je serai sûrement derrière les barreaux. Pour avoir échangé des biens dont j’ignorais la provenance exacte. Pensez-vous vraiment qu’en ayant fait le lien avec le baron de Sombrebois la milice aurait poussé des recherches ?
Ma dame… votre réputation auprès des nobles… même au sein du peuple, vous devez savoir qu’elle n’est pas des plus formidables, tout comme auprès du peuple. Certes on vous envie, mais les gens ont plus vite fait de cracher sur un nom… Qu’avez-vous fait pour nous ? »

Certes ce n’était pas à lui de la juger, et elle avait agi comme tout un chacun l’aurait fait. Cependant pouvait-elle réellement balayer tant d’années de vies sans même plus y penser ? Suffisait-il de dormir dans des draps de soie pour oublier la difficulté de vivre du peuple ?
Les dernières paroles de Rosen touchèrent dans le mille et ravivèrent la colère du forgeron qui s’emporta. Il agita les fleurs qu’il avait en main, ce qui fit pleuvoir une pluie de pétales sur le plancher.

« Justement les affaires appartenaient à un noble ! Vous savez ce qu’on fait à ceux qui volent un noble ?! On les pend !
Je n’ai rien volé !
Si j’avais prévenu la milice, ils n’auraient pas cherché plus loin… C’est ce qui est arrivé à mon frère ! On mourrait de faim, tous, on crevait à cause de cette foutue famine ! Il voulait juste manger, est-ce vraiment un crime d’essayer de survivre ?! »

Emporté dans son exaspération il jeta le bouquet qui retomba mollement sur le lit.

« J’aurais pu fondre le métal de ces armes et brûler ces vêtements en quelques heures… Je ne l’ai pas fait car j’ai pensé que ce ne serait pas honorable, que je ne pouvais pas laisser quelqu’un espérer le retour de l’être aimé, du père indéfiniment.
J’aurais vu rester chez moi à Marbrume et ne prendre aucun risque. »

Sa voix se cassa sur ces dernières paroles. Ces sujets ravivant des douleurs refoulées : son frère décédé à cause du vol d’un noble, sa sœur qui était partie sans se retourner et dont ils n’avaient pas de nouvelles… elle était sûrement morte, mais ils n’avaient aucune preuve formelle.
Le forgeron regrettait que le ton soit monté aussi vite, il était venu pour apaiser les tensions et non pas les raviver. Il y avait eu la goutte d’eau de trop, ou plutôt le mot qui avait fait s’effondrer le fragile château de cartes de sa contenance. Il ne s’était pas montré violent physiquement, toutefois ses paroles avaient aussi étaient très dures.

« Réussir à les reconnaitre si on me les présente et les retrouver, c’est deux choses bien différentes… Ce n’est pas comme si je les croisais tous les quatre matins. »

Des inconnus dont il ne savait rien, sauf leur dangerosité. D’ailleurs, il savait qu’ils étaient des voleurs, mais il n’aurait pas imaginé qu’ils puissent être aussi des assassins. Cependant cela expliquait leur besoin d’obtenir des épées…
Lâche, le mot résonna et Alban n’osa pas le contester. C’est vrai, il n’était pas un preux chevalier et il ne rêvait pas d’aventures ou de risquer sa vie chaque jour. Il préférait être tranquille et éviter les ennuis, enfin ça c’était jusqu’à sa rencontre avec Desmond de Rochemont qui avait bouleversé le chemin tout tracé que lui avait préparé le destin. Reprendre la forge de son père, avoir une famille et léguer son bien à l’un de ses fils.
Sûrement qu’il avait mal agit. Mais après la négociation du sac, il l’avait laissé dans un coin, l’oubliant presque, jusqu’aux remarques d’Elphège Lamora qui avait fait remonter le souvenir de cette étrange rencontre car la rumeur rapportée semblait étrangement liée. Baissant les épaules, le forgeron répondit maladroitement.

« Mais vous avez fait passer un message pour qu’on vous apporte personnellement toute information. Je… pensais me rattraper ainsi. »

Remontant d’un ton à l’insulte envers sa famille, il lança tel une claque.

« Ma famille n’est pas une famille de voleurs ! »

Cependant il reçu la volée de mots suivants avec la même force que ceux qu’il avait lancé. Observant autour de lui, il contempla les pauvres pétales qui étaient tombés sur le plancher, tapissant le bois de vives couleurs. Il tenta de pousser du pied les pétales pour les regroupe, n’arrivant qu’à maladroitement les écraser. La baronne abattit une étrange punition qui semblait être un ordre. Ne plus cueillir de fleurs ? N’avait-elle pas compris qu’il l’avait fait plus pour elle que pour lui ? Il pouvait fort bien se passer de tuer ces pauvres plantes qui ne lui avait rien fait. Néanmoins il lui avait toujours semblé que la gent féminine était touchée par ces plantes odorantes. Se serait-il trompé ?

En tout cas ses efforts, n’avaient fait qu’énerver encore plus la noble qui le défiait de rajouter le moindre mot, au risque d’être jeté dehors parmi la fange et de devoir rentrer seul et par ses propres moyens. Serait-elle aussi cruelle ? Certes, elle était quasiment en deuil tout en devant supporter les affres de la maternité, mais… N’osant plus dire un mot, Alban se fit le roi du silence et posant un genou à terre, il collecta dans ses mains les pétales de fleurs qui jonchaient le sol. C’est vrai que ces pauvres plantes ne lui avaient rien fait et les voilà désormais inutiles et décédées pour rien…

La colère de la baronne semble enfin apaisée, sa voix est plus douce et elle s’excuse à demi-mots de paroles qui ont dépassées ses pensées. Rosen finit même par le rassurer en lui assurant ne pas vouloir le jeter dehors. La menace de toute façon ne collait pas à l’attitude globale de la jeune femme, elle parlait beaucoup et fort, mais visiblement elle traitait bien ses proches et ses serviteurs lui étaient loyaux car elle le leur rendait bien. Si elle était tyrannique, elle n’aurait pas réussi à s’attirer autant de sympathie. On voyait bien que la ville de Sombrebois n’était pas au plus reluisant de son histoire, cependant chacun gardait espoir et confiance en la baronne qui les guidait.

« Merci ma dame. »

S’exprimant, la jeune femme qui était toujours dans son lit, avança que ses réactions étaient liées aux derniers événements dont elle subissait les effets. Les conseils qu’elle lui prodigua ensuite étaient pertinents et logiques. Bien sûr le forgeron aurait dû y penser et mieux réagir. Peut-être était finalement son avidité personnelle qui avait parlé, sûrement même par deux fois. Il faudrait qu’il aille au temple demander pardon et faire des offrandes aux divinités. C’était certainement Rikni qui lui avait tendu ce piège sous forme de choix, et il avait échoué au test, ou peut-être pas ? Il avait joué selon ses propres intérêts avant de penser à ceux des autres et à l’impact de ses actions sur la vie d’autrui.
La baronne semble s’effondrer entre ses mains, allait-elle pleurer ? Alban n’était jamais à l’aise lorsqu’il fallait réussir à égayer quelqu’un. Heureusement la noble se reprit très vite, réaffirmant son ordre et reprenant de la contenance.

« D’accord, je n’y toucherai plus, mais… dites moi ce que je peux faire pour vous aider pendant mon séjour alors ? »

Sortant un morceau de tissu qui devait servir de mouchoir, il y plaça le plus de pétales dedans, avant de glisser le tout dans sa poche. Puis il s’approcha pour récupérer les tiges qui avaient conservés quelques feuilles et parfois avec de la chance la tête de la fleur.

« Je n’ai pas l’habitude d’être logé et nourri gratuitement alors que je pourrais essayer de me rendre utile. »

Sa mère aimait les massages de pieds lorsqu’elle était enceinte car cela soulageait ses douleurs et la détendait, toutefois il se voyait mal le proposer à son hôte. Desmond au moins pouvait aller chasser et ramener de la nourriture fraiche.

Encore une fois le ton de Rosen était sec et cassant, le blond avait l’impression que chacune de ses paroles serait jugée et déclarée coupable, même pour des remerciements. Entendant les propositions de Rosen, il se figea avant de se détendre petit à petit. Elle avait tout de même suggéré qu’il a aille à la chasse, alors qu’il n’y connaissait rien et risquait plus de faire fuir le gibier que d’aider à quoi que ce soit. D’autres suggestions étaient plus raisonnables comme aider Pénélope ou surveiller sur les remparts.
Prier, ça c’était largement dans ses cordes, cependant il ignorait si les dieux l’écouteraient car il ignorait tout d’Hector de Sombrebois. A moins bien sûr que la Trinité soit particulièrement touchée de voir cet homme qui priait pour un autre alors qu’ils n’avaient aucun lien. Alban hocha la tête pour confirmer que le mari de Rosen serait dans ses pensées lors des prières quotidiennes.
La baronne se rallongea sur le lit, ne réclamant rien pour elle-même. Pourtant elle semblait bien mal en point, cependant personne d’autre qu’Hector ne semblait capable de pouvoir apaiser ses souffrances.

« Les Dieux aiment semer leurs bienfaits et leurs nuisances équitablement, mais ils manquent parfois de parcimonie… »

La question de la baronne le surpris, bien sûr il avait besoin de bois pour sa forge, c’était nécessaire et il en utilisait quotidiennement. La famine ? Alban l’avait en effet constaté en se baladant dans la ville, et en constatant comment fonctionnait la cuisine du prestigieux château de Sombrebois. Peut-être que l’absence du baron y était pour quelque chose, en tout cas la situation avait dû être plus glorieuse en d’autres temps. Pourtant Rosen ne semblait pas être une noble dépensière qui pourrait abuser de ses privilèges pour demander robes et bijoux par dizaine.

« Cet échange me conviendrait parfaitement, je pourrais même tenter de convaincre certains de mes voisins de privilégier le bois venant de chez vous…
Est-ce qu’il y a un argument que vous utilisez particulièrement pour vanter votre bois ? »

C’était en tout cas un petit effort qu’il pouvait largement faire que de changer de fournisseur, surtout s’il lui suffisait de payer en pointes de flèches, qu’il pouvait faire rapidement et facilement. Il faudrait juste définir exactement la quantité de l’échange, mais avoir un fournisseur de bois qui accepte un paiement direct par l’un de ses produits était un gros avantage sur lequel il ne cracherait pas.

La foi avait toujours eu une part tellement importante dans la vie du forgeron qu’il n’imaginait pas une journée sans prier ou une semaine sans aller au temple, il voyait des signes des Trois dans la vie quotidienne, puisque c’était eux qui guidaient les humains sur Terre. Et si Sombrebois avait besoin d’aide, nul doute qu’Anür, Serus et Rikni baisseraient leurs regards sur la petite ville s’ils avaient suffisamment de supplications.
Le prix était souvent un argument imbattable, surtout pour ceux du peuple qui peinaient à survivre. Alban fut surpris de la suite de la requête et leva un sourcil. La réputation de Sombrebois était elle si terrible pour qu’il soit plus prudent de cacher son origine ? Cependant il ne voyait pas de problème à mentir par omission en ne donnant pas de précisions sur l’origine exacte du bois. Ravi de pouvoir aider la baronne, il allait esquisser un sourire lorsque Rosen annonça que leur besoin prioritaire serait de trouver une ferme qui accepterait de leur troquer de la nourriture. Dépité, il baissa les yeux et laissa retomber ses épaules.

« Malheureusement je ne quitte jamais, enfin presque jamais Marbrume, je peux voir avec d’autres commerçants mais je ne connais aucun fermier directement. »

La baronne de Sombrebois disait que la chasse ne suffisait pas, mais peut-être pourrait-il au moins aider là-dessus ?

« Et des pièges supplémentaires pourraient tout de même aider un peu ? »

Soudain une idée lui vint, il hésita, se morigénant que cela avait déjà dû être proposé, cependant mieux valait passer pour un idiot que ne pas chercher à discuter.

« En revanche je connais des pêcheurs, eux accepteraient de vous négocier du bois. La livraison par la route pourrait être compliqué, cependant si la situation persiste, il pourrait être intéressant pour vous de sécuriser une route vers la mer. »

Et puis il y avait ces rumeurs, qu’il avait entendu chez Elphège Lamora, de plus en plus de pirates ou de fraudeurs tentaient d’échanger leurs marchandises de contrebande et ils cherchaient toujours de nouveaux clients.

Alban ne s’attendait pas à la proposition d’être payé pour faciliter les ventes de bois, si cela pouvait lui rapporter un peu, c’était en effet plus qu’intéressant. Surtout qu’entre sa consommation personnelle et professionnelle cela représentait déjà la consommation d’une famille complète. Et il connaissait suffisamment de personnes pour représenter un bon chargement de bois.

« Ça me va. »

Il ne pouvait pas se permettre de cracher dans la soupe et de refuser une proposition de paiement sur une transaction dans laquelle il pourrait prendre part.

« Vous venez parfois faire des livraisons jusqu’à la capitale ? »

Repoussant la proposition des pièges, le forgeron ne chercha pas à insister, il n’y connaissait fichtrement rien en chasse et aurait été bien incapable de donner le moindre conseil utile. Avec soulagement Alban vit que sa proposition de se fier aux pêcheurs plus qu’aux paysans faisait son effet. L’avantage des poissons, en plus d’être une bénédiction d’Anür, c’est qu’ils ne demandaient pas d’attendre une certaine période de l’année pour être cueillit ou ramassés. Ils redonnaient de la force et étaient gouteux. Cependant ils étaient plus compliqués à stocker car il fallait souvent les saler.

« Je ne m’y connais vraiment pas, mais… vous avez pensé aussi à diversifier votre activité en produisant du sel ? Il pourrait constituer une très bonne monnaie d’échange, et avec tout votre bois, c’est une bonne façon de le convertir. »

Le blond avait déjà vu faire sur le port de Marbrume avec des poêles à sel, mais cette technique nécessitait beaucoup de bois.
En tout cas la baronne semblait prête à tout pour sauver sa ville et ses habitants. Aucun doute qu’avec cette énergie, elle réussirait à convaincre d’autres personnes de se joindre à elle à la démarche. Certes le voyage n’était pas de toute repos et il aurait mieux valu qu’il soit effectué par des hommes armés, cependant parfois un chargement qui semblait inoffensif pouvait décourager les bandits de grands chemins. Bon contre les fangeux il n’y avait pas grand-chose à faire à part rester discret et fuir rapidement.

Essayant de s’intégrer aux us et coutumes de la ville tenta de glisser un dicton qui avait entendu, fier de lui.

« Et ainsi nos échanges seront fructueux, comme deux troncs d’arbres dans une charrette ! »

Constatant que la fatigue de la baronne semblait toujours lui peser, il se demanda s’il ne valait pas mieux s’éclipser pour la laisser tenter de faire une sieste et ainsi redonner des forces à la mère ainsi qu’à son enfant.

« Merci… »

Oups, Rosen lui avait dit de ne pas remercier. Heureusement il aurait moins de mal à se retenir de cueillir des fleurs.

« … pour la discussion que vous m’avez accordée. Je vais me retirer pour vous laisser prendre un peu de repos. »

Alban comptait aller au temple, puis continuer la visite de la ville avant de revenir aider Pénélope dans la soirée pour la préparation du diner. Peut-être que cette balade lui donnerait d’autres idées, ou bien lui permettrait de réfléchir à une stratégie pour convaincre ses amis d’utiliser un fournisseur de bois plutôt qu’un autre.