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 Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]

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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyDim 8 Mar 2020 - 19:25

« Pour affronter les abysses, il faut les découvrir … »

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Autrefois fringant aristocrate, symbole de la jeune noblesse sur laquelle tous les espoirs du petit peuple se reposait, fils d’un pieux seigneur à l’âge avancé, l’élégant Baldur de Blanchemuraille n’était plus qu’un spectacle de foire, une bête balbutiante, un pantin délirant.

Dans la demeure seigneuriale à l’est de l’Esplanade, le blond sir était enfermé dans sa chambre gardée par deux hommes d’armes aux mines sinistres, mais pâles en comparaison avec le regard dévasté du père qui contemplait son fils entre les barreaux de la portière. Le chatelain de Blanchemuraille, Kern le Pieux, a longtemps épuisé la force brute de sa jeunesse, son corps de paladin endurci ayant vécu maintes batailles s’était fragilisé sous l’érosion de l’âge, ne tenant plus que grâce à un bâton d’orme sculpté. Ce bon seigneur était aimé de ses sujets et respecté de ses pairs, surtout que le nom de sa famille était un signe de sang noble et vaillant, véritables croisés de la Vraie Foi. Imaginez-donc ce fier guerrier reposer tous ses espoirs sur son héritier unique, puis voir ce dernier réduit à l’état de loques vivantes. On pourrait presque voir le cœur de Kern se déchirer à chaque fois que son fils balbutiait des mots incompréhensibles, se tordant dans un angle de sa chambre en se grattant frénétiquement la tête au point d’arracher des touffes de sa chevelure blonde. Son esprit s’était effrité au même titre que son corps devenu frêle et tordu, le dément refusant ne grignotant que des miettes de ses repas avant de plonger dans une autre crise de manie furieuse.

« Pourquoi, mes pères ? Pourquoi la ruine a décidé de s’abattre sur la prunelle de mes yeux, le flambeau de notre lignée ? »

Près du grisonnant paternel, deux figures religieuses fixaient avec un tout autre intérêt l’homme en cage. Leur stature rigide, leurs regards sévères, les robes immaculées et sobres, tout indiquait qu’ils étaient des prêtres du Clergé. Le premier était Volkmar, un adepte de Rikni au crâne rasé et à la moustache plus impressionnante que la balafre qui marquait sa joue gauche. L’inquisiteur était un ami de longue date du chatelain de Blanchemuraille et avait suivit avec appréhension l’état de décadence croissante de son héritier, en particulier face à l’échec de toutes les médecines traditionnelles exercées par les guérisseurs du seigneur et du Temple combinés. À ses côtés se tenait un pratiquant zélé qui avait fait ses preuves aux yeux de nombreux anciens du Clergé, s’attirant les faveurs des plus imminents devant son désir ardent de gravir les échelons ecclésiastiques. Un jeune ascète qui avait vécu, survécu et triomphé contre la Fange durant le terrible carnage de ce qu’on appelait désormais le tristement célèbre Chaudron. Le modeste Cesare allait une fois de plus devoir puiser dans toutes ses forces et son savoir pour relever un nouveau défi que les Trois lui imposaient dans Leur Sagesse.

On croirait que la présence des agents de la Trinité avait pour objectif de réconforter le triste sir ou essayer d’apaiser l’agonie mentale du jeune Baldur, mais c’était une toute autre mission qui requérait leur « expertise ».

« Pourquoi une sorcière a choisi mon fils parmi tant d’autres ? Quelle malédiction s’est abattue sur notre lignée ? Ô Anür, accorde ta clémence aux victimes des suppôts de la ruine !»


Une sorcière. Ce mot n’avait pas été utilisé à la légère et expliquait la présence des prêtres. On suspectait les artifices d’une enchanteresse à travers les rares paroles compréhensibles du petit seigneur dans sa démence, implorant la pitié d’une femme anonyme qui tourmentait son âme dans son sommeil. Volkmar, un vétéran dans l’art de chasser l’ennemi intérieur du Clergé, avait confirmé cette hypothèse lorsqu’il découvrit un petit sac de cuir noir sur lequel était brodé une rune cabalistique. La montrant à Cesare, ce dernier avait fait un pas en arrière en reconnaissant un des vils sortilèges qui composait la science occulte de la sorcellerie. Par cet objet à l’apparence insolite, la jeteuse de sortilèges maudissait sa victime dans le couvert de son repère. Si la curiosité de Cesare le rongeait au point de vouloir découvrir ce que contenait cet objet maléfique, il freina bien vite ce désir et laissa le soin à l’inquisiteur de jeter le sec dans les flammes de la cheminée de Kern. L’odeur âcre et nauséabonde qui en émana révulsa le moins expérimenté des deux.

Promettant au châtelain de retrouver la responsable de la chute de son héritier et la traîner en justice, les hommes de foi prirent congé et reprirent la route vers le Haut Temple. Pensif, le brun essayait de comprendre les motifs qui avaient poussé quelqu’un d’abject à commettre une telle félonie. C’est arrivé aux portes de l’édifice sacré que Volkmar s’arrêta brusquement, les mains croisées derrière son dos. Un long silence s’en suivit au cours duquel Cesare essayait de deviner ce à quoi pensait l’inquisiteur. Quels plans, quelle expérience, quelles pensées pouvaient traverser la tête de ce redoutable gardien de l’ordre sacré ? Quelles horreurs a-t-il dû affronter pour garder la paix et la justice dans un monde gangrené par l’apostasie et le péché ?

La voix du prêtre de Rikni résonna comme le frottement d’une lame qu’on extirpait de son fourreau, coupante et froide. Nul doute que bon nombre d’hérétiques avaient cédé aux interrogations de cette figure d’autorité aussi intimidante que le plus brutal sergent de la Milice.

« Tu te souviens de la purge de Percefolle, Cesare ? »

Haussement de sourcils surpris fut la première réaction de l’adepte de la Trinité. Cette affaire était une histoire sordide dans laquelle son mentor et père adoptif avait joué un rôle crucial aux côtés de Volkmar. Il se souvenait encore des récits de son maître, racontant comment une enquête relative à un nombre anormal de morts en peu de temps au sein du petit hameau de Percefolle avait conduit à la découverte d’un réseau familial de cultistes des marais.

« Maître Cuthbert avait découvert que les poignées de portes de plusieurs chaumières avaient été enduites de poison. Vous avez pris en flagrant délit un vieux couple de fossoyeurs entrain de faire fondre des cadavres de pestiférés dans un chaudron pour leur mixture empoisonnée. »

L’inquisiteur garda sa position, immobile comme une gargouille de pierre, son regard transperçant le ciel grisonnant. Serait-il entrain de voir ses souvenirs se défiler le long des paresseux et lourds nuages qui flottaient au-dessus de la cité ?

« Ces rejetons du mal étaient prêts à condamner leurs proches et leurs voisins à une longue agonie, tout ça au nom de leur dieu païen. Toute ma vie, je l’ai consacré à dénicher le mal qui s’évertue à se camoufler derrière les apparences les plus mondaines. Le combat contre la sorcellerie est une guerre sans fin, mais qui doit être menée implacablement. Laisse une vermine en liberté et tu te retrouveras avec un fléau à ta porte. » Se retournant alors vers son interlocuteur, ses sourcils broussailleux froncés et sa moustache frissonnante, il marmonna sur un ton plus doux « Cuthbert serait surement fier de toi, à suivre ses préceptes avec passion et fougue. Je sais que depuis ton plus jeune âge, tu as cette flamme de redorer le blason de notre Clergé. Tu t’acharnes nuit et jour à rendre service aux Trois et aujourd’hui, je te confie une tâche de la plus haute importance. Tu m’aideras à traquer l’adoratrice du mal, Cesare. »

Avant que ce dernier ne puisse souffler un mot, son aîné dressa une main autoritaire, l’obligeant au silence.

« Tu as déjà tout appris de mon défunt ami et frère. Tu connais les arcannes cabalistiques, l’occulte et les pratiques païennes. Tu suivras les pas de ton mentor comme il te l’a enseigné. Je dois me rendre à nouveau auprès du seigneur de Blanchemuraille, par crainte qu’il ne soit lui-aussi dans la liste de cette maudite chimère. J’ai besoin d’hommes comme Cuthbert, mon fils. Le temps presse et la menace rôde toujours. Comprends-tu ?»

« Oui, Père. »

« C’est tout ce que j’avais à te dire. Puisse les Trois t’aider dans ta quête. »



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Ainsi s’était-il retrouvé dans le rôle inattendu de chasseur de sorcières. Lui qui avait passé son existence à prêcher, lire et apprendre les textes sacrés, agir en affaires religieuses et participer aux corvées du Temple se retrouvait désormais en mission de traque impitoyable. Armé uniquement de sa Foi et ses connaissances tirées de son éducation et des apprentissages divulgués par feu son maître, il prit son nouveau rôle très au sérieux mais non sans une grande appréhension. Sermonner un infidèle était une chose, capturer une sorcière en était une autre. Une entreprise extrêmement périlleuse où il risquait bien plus que sa vie, mais son âme aussi.

S’armant de courage et de volonté en multipliant les prières dans sa chambre, enivré d’encens et de méditations, il s’était alors élancé dans la collecte d’informations précieuses. Sachant pertinemment qu’il ne tirerait rien de Baldur, il approcha son entourage, plus précisément ses serfs, ses pages, ses serviteurs. Petit à petit, ses questions commençaient à tracer un tout autre portrait du noble héritier à mesure qu’il tirait ses informations de gens plus modestes. Baldur était connu de ses compagnons et certains habitués des tavernes comme un amoureux des festivités et un partisan des plaisirs. Ami de la boisson, des jeux et de la bonne compagnie, il était stupéfiant de savoir que son père n’avait jamais suspecté que son fils fréquentait plus les auberges et les bordels que les temples et les écuries.

C’est un cordonnier qui lui devait quelques sous après un jeu de dès qui lui révéla une piste plausible ; Selon lui, l’héritier des Blanchemuraille s’était prit d’affection pour un nouveau refuge après avoir eut une violente altercation arrosée avec le tavernier de son auberge favorite. Refuge étant un terme poli qu’avait utilisé le bonhomme pour décrire une maison close particulière. Quelle ne fut sa surprise lorsqu’il en découvrit le nom.

La Balsamine. Ce seul mot le frappa comme une gifle. Trop tard, voilà que les souvenirs qui s’étaient endormis depuis les tragiques événements du Chaudron resurgissaient avec fureur, grattant l’antichambre de sa mémoire avec des griffes acérés. Ombeline … voilà bien longtemps qu’il n’avait plus eu de nouvelles de l’indocile et espiègle hermine qui avait bousculé sa monotone existence par son caractère, sa vivacité d’esprit, ses taquineries et son incroyable ténacité qui ferait pâlir d’envie de plus têtu des mulets. Était-ce un signe du Destin, ou l’ironie du monde ? Inconsciemment, il tritura dans les pans de sa robe le petit chapelet qu’il avait emprunté à la fleur de trottoir.

Peut-être que c’était la Volonté des Trois.


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Près du porche d’une petite orfèvrerie, assis sur l’escalier en bois grinçant, Cesare patientait, nerveux. Il avait troqué la somptueuse robe de lin qu’on lui avait offerte en récompense de sa bravoure lors de la défense de Marbrume contre une cape à la couleur brune fatiguée. Si la discrétion était primordiale pour cette dangereuse expédition en territoire ennemi, c’était aussi par honte. Le lieu qu’il devait pénétrer était le pinacle de ce qu’il méprisait le plus, un fief d’hédonisme et de dépravation, un nid de concupiscence et de lente décadence. Jamais il n’aurait ne serait-ce qu’imaginé mettre les pieds dans le repère des sirènes qu’il condamnait tant. Mais c’était là que se cachait peut-être l’ennemie de sa religion. Il ne devait guère laisser son angoisse et son dégoût l’empêcher de mener à bien sa mission sacrée.

Mais pour plonger dans la gueule du loup, il avait besoin d’un guide, quelqu’un qui était habitué à arpenter le vestibule des tentations. Quelqu’un qui l’aiderait à décrire chaque acteur de cette étrange pièce. Pour traverser le Styx jusqu’aux Enfers, il avait besoin du Passeur. Et son Charon n’était pas un squelettique personnage encapuchonné comme la faucheuse, mais bel et bien la seule femme de cette profession si détestable qu’il pouvait supporter dans sa périphérie immédiate.

Cesare avait fait appel aux services d’un marin habitué des lieux. Ignorant du mieux qu’il pouvait le profond sentiment de colère qu’il ressentait envers les habitudes pécheresses du loup de mer, il l’avait prié de transmettre les salutations du prêtre Cesare ainsi que son désir de lui parler. Le mousse avait obtempéré non sans laisser un clin d’œil dont le sens était bien trop provoquant pour notre ardent clerc qui s’était aussitôt éclipsé, les joues en feu.

Ses doigts parcourant chaque perle de son chapelet avec nervosité, c’est du bout d’une canine que l’ascète se mordillait le corail de sa lèvre inférieure. Tout dans cette histoire lui laissait un glacial pressentiment. Seul, il se sentait incapable d’accomplir cette tâche insensée.

Tout reposait désormais sur l’aide providentielle d’une femme qui allait se retrouver emmêlée dans une histoire de sorcellerie, d’enquête … et de maladresse.

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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyLun 9 Mar 2020 - 0:25
Assise en travers des genoux d'un marchand passé là pour dépenser un peu d'argent dans un repas décent, Ombeline écoutait attentivement l'histoire qu'il était en train de lui conter. Elle ne pouvait pas vraiment flatter quelqu'un à propos de son physique, mais elle prenait un plaisir tout particulier à écouter les histoires et poser des questions. En plus d'être divertissante, cette activité avait le bon goût de flatter l'égo des hommes mieux que n'importe quel compliment. Ils pouvaient parler d'eux et enjoliver autant qu'ils le voulaient, s'improvisant barde ou conteur l'espace d'un instant pour le plaisir de voir la jeune aveugle s'illuminer d'un sourire conquis. Bien entendu, certaines histoires étaient bien plus intéressantes que d'autres et il fallait de temps en temps feindre l'émerveillement, mais en fin de compte cela en valait la peine.

Toute occupée qu'elle était à mettre à l'aise ce client pour l'inciter à rester un peu plus malgré le fait qu'il ne soit pas encore midi, Ombeline ne vit pas (et n'entendit pas) arriver le mousse dans son dos. Bien que l'établissement se mette à ouvrir ses portes en début de journée depuis les événements du printemps dernier, les clients n'étaient pas légion à venir aux aurores. Si quelques marins ou commerçants se présentaient, c'était plus dans l'espoir de manger pour pas trop cher que dans l'idée de s'offrir une petite pipe avant d'aller ouvrir boutique.
D'ailleurs toutes les filles n'étaient pas là et n'avaient pas l'obligation de se montrer, la matinée leur étant toujours réservée à se reposer de la veille. Seule Béatrice, une môme de dix ans à la mine effrayée, était obligée d'être de service. Ménage, service, cuisine, la gamine avait été ramenée par Madame Vesseur trois semaines auparavant comme nouvelle recrue pour donner un coup de main à l'établissement. Avec trois gagneuses en moins, il fallait remplir de nouveau les rangs.

La jeune femme tourna la tête lorsque le nouveau venu posa une main sur son épaule. Il s'excusa auprès du marchand pour l'interruption, mais se disait porteur d'un message de la plus haute importance. Un message presque divin, ce qu'il appuya d'un rire soufflé par le nez. Intriguée, Ombeline s'excusa auprès du marchand qui lui promit de revenir pour lui raconter d'autres histoires et elle suivit le jeune mousse jusqu'au comptoir où il commanda une pinte.

Tu dois être sacrément bonne parce qu'accrocher des prêtres c'est pas donné à toutes les catins, héhé ! J'dois te passer les salutations du Père Cesare. Il voudrait très vivement te "parler" et y t'attends dehors.

La donzelle ne dissimula en rien son air surprit. Elle ne s'attendait pas à entendre parler du prêtre en cette matinée et encore moins pour apprendre qu'il souhaitait la voir. Cela faisait des mois qu'elle n'avait plus de ses nouvelles, rien depuis l'invasion en fait. Bien entendu, elle savait qu'il ne comptait pas faire appel à ses services malgré les sous-entendus du mousse et s'en trouvait doublement intriguée : qu'est-ce qui pouvait pousser le froid et abstinent prêtre Cesare à venir la chercher de bonne heure dans son bordel ?

Tu es sûr que c'était bien Cesare son nom ?

Ouais, certain. Un nom comme ça on peut pas vraiment l'oublier.

Elle s'efforça de souffler un rire par le nez et remercia le mousse en le dédommageant pour sa peine d'un baiser sur la joue et en payant pour lui la première bière.
Dom ne leva même pas les yeux du plan de travail qu'il était en train de briquer mais il avait bien évidemment tout entendu de ce qui s'était dit à tout juste un mètre de lui. Sans se détacher de son ouvrage, il conseilla à la jeune femme de prendre avec elle son chien histoire de le promener. Savoir qu'un prêtre demandait l'une des filles ne semblait pas l'émouvoir. En vérité, rien ne semblait pouvoir ébranler l'air grincheux de l'homme.

Ombeline regagna sa chambre sans tarder, avec un goût d'appréhension au fond de la bouche. Sa dernière rencontre avec le prêtre s'était faite dans des circonstances plutôt dramatiques et bien qu'ils se soient montré proches à cette occasion, il s'était écoulé de longs mois depuis. Elle n'était pas certaine de savoir quel accueil elle devait s'attendre à recevoir et se demandait bien pourquoi tout à coup il ressentait le besoin de lui parler. Elle avait déduit de cette longue période de silence qu'il ne souhaitait pas s'accoquiner plus avec une catin et malgré deux ou trois visites au temple, elle n'était jamais parvenue à le recroiser. Peut-être avait-elle tiré de trop rapides conclusions ?

Réveillant le molosse qui partageait sa chambre, la fleur de trottoir le gratifia de quelques caresses avant d'enfiler sa cape pour se prémunir du froid qui commençait déjà à revenir. L'automne commençait tout juste et pourtant il fallait déjà se couvrir. Habillée d'une robe simple, elle ne prit pas la peine de s'attacher les cheveux, les laissant libres de flotter sur ses épaules et dans son dos. Le duo inséparable quitta la Balsamine par la porte de derrière après avoir traversé la cuisine. Kornog fut ravi de pouvoir se dégourdir les pattes est se mit à fureter avec joie dans le moindre recoin de rue. Ombeline ayant demandé où elle devait se rendre précisément, elle se mit en marche d'un pas décidé. L'orfèvrerie n'était éloignée que de quelques mètres et elle put rapidement distinguer la silhouette qui attendait devant sans bouger.

Sans se faire remarquer, Ombeline approcha tranquillement jusqu'à ce que l'odeur caractéristique de l'encens et des herbes médicinales lui parviennent, confirmant l'identité de l'homme assit sur le seuil. Elle ne résista pas à l'envie de lui jouer un mauvais tour, en punition de cette attente qu'il lui avait fait vivre. Arrêtant ses pas devant lui, elle se pencha en avant en appuyant ses mains contre ses genoux, ce qui donnait une vue spectaculaire sur le décolleté de sa robe déjà fort adaptée à la saison.

Bonjour Messire. Vous devez avoir les doigts gelés, à attendre ainsi dans le froid. Je pourrais peut-être vous aider à les réchauffer ?

Sur ses mots et sans laisser le temps à Cesare de répondre, un sourire aguicheur aux lèvres, elle porta une main au laçage de son col pour faire mine de le dénouer, ce qui révèlerait d'elle tout ce qui n'était pas déjà exposé. Et les Trois soient témoins, il lui fallut toute la volonté du monde pour ne pas éclater de rire en imaginant l'air parfaitement outré du prêtre juste devant elle.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptySam 14 Mar 2020 - 23:51
Pendant un certain moment de réflexion personnelle, l’apprenti chasseur d’hérétiques maudit son inexpérience tandis qu’il ressassait sa procédure à priori discrète et efficace, mais dont il commençait à entrevoir les failles maladroites. Il avait révélé son identité à un habitué des demeures de batifolages indécents, là où l’alcool et les femmes délient langues et autres appendices incongrus. Ce marin pouvait très bien raconter comment un noble prêtre sensé les redresser vers la bonne voie allait s’emmitoufler entre les bras d’une catin dans le catimini d’une ruelle. Honte et colère s’alliaient contre sa conscience, lui donnant le furieux élan de s’administrer des gifles sonores. Feu son mentor l’aurait sermonné avec justesse pour ce manque de tactique. Tout ce qui restait désormais à faire était d’attendre et espérer que sa réputation ne commence pas déjà à s’écrouler à cause de sa gaffe. Mais sa réputation était le cadet de ses soucis, car le marin pouvait tout aussi bien trahir sa présence et mettre en alerte le renard dans son terrier. Catastrophe ! Si la sorcière venait à apprendre qu’un agent du Clergé s’aventurait dans son territoire, elle pouvait très bien fuir et disparaître dans une autre cachette sombre … ou préparer un piège mortel à l’intru qui lui cherchait du mal.

Cette dernière idée lui arracha un frisson, malgré tout le courage et sa foi aveugle. On avait beau être fanatisé et formaté dans une pure démagogie, endoctriné aussi strictement que les régiments d’élite d’un souverain, la magie noire avait toujours ce pouvoir d’instiller la terreur profonde de l’ignorance, aussi vieille que l’humanité même. Ce qu’on ne comprend pas était, après tout, ce qui nous terrorise le plus. Qui pouvait alors prétendre connaître les arcannes de la sorcellerie, les sources impies desquelles ce pouvoir était tiré et le prix à payer pour cette puissance nuisible ? Les damnés, bien sûr, ceux qu’on détestait et chassait comme des pestiférés, cherchant à sauver nos âmes d’une peste spirituelle, un mal qui corrompe non pas le corps mais l’âme même. Cet art interdit avait toujours inquiété grandement le brun torturé. Malédictions apportant le malheur aux foyers, poisons faisant fondre les entrailles dans le corps de leurs victimes, maléfices ressuscitant des mort-nés en diablotins anthropophages, tempêtes de criquets et pluies de sang … Autant de récits que Cesare avait découvert dans les méandres poussiéreux de la bibliothèque du Temple, là où les parchemins d’antiques théologistes décrivaient les œuvres macabres de ces serviteurs des démons. Plus d’une fois, il avait précipitamment refermé le grimoire parcheminé, convaincu que la lecture de ces pages sirotait à chaque lettre lue une parcelle de son amour pour le monde. Si les petites gens savaient lire, la consultation de pareils livres saints ferait bouillir un sang guerrier dans leurs veines et réveillerait un instinct de purge sans précédent.

Noyé dans ses nébuleuses histoires de diables et de pendus, l’ascète ne remarqua pas tout de suite que son ombre s’entremêlait désormais avec celle de l’espiègle brune aux prunelles laiteuses. Quand il releva les yeux au son de cette voix si familière, il arqua des sourcils avec surprise. Puis avec une plus grande confusion mêlée à un simulacre d’étouffement et d’indignation lorsqu’Ombeline, éternelle maligne provocatrice, lui fit une approche des plus aguicheuses. Si la proximité seule était assez incongrue au goût conservateur du pratiquant, il ne fallait pas être un oracle pour deviner la réaction du clerc, qui devait sans doute être à la hauteur des attentes de la capricieuse demoiselle.

« Doux Serus, Ombeline ! »

Lancée comme une incantation, ce « Vade Retro » sonnait plus comme une exclamation d’apeurement. Après tout, qui d’autre que Cesare se cacherait les yeux devant la vue avantageuse d’une naissance de buste des plus louables ? Le teint du prêtre tourna bien vite au rouge, ajoutant un peu de couleur à la pâleur de celui qui préférait les ténèbres vénérables du Temple aux caresses du soleil.

Se relevant précipitamment, il tandis à l’aveuglette une main pour empêcher celle de son interlocutrice de faire l’irréparable. Maladroit, il n’osa pas regarder tant que sa main ne s’était pas refermée sur le bras de l’Indocile.

« Miséricorde, tu ne changeras donc jamais ? Qu’Anür te redonne raison, par tous les martyrs ! »

Se rendant compte que le ton de sa voix s’était élevée d’un cran, il attira rapidement celle dont il tenait le bras dans l’obscurité de la portière, à l’abris des regards curieux de potentiels promeneurs. Fort heureusement, peu de clients avaient les moyens pour quémander les services de l’orfèvre qui passait la grande majorité de son temps dans son atelier, protégeant ainsi le duo improbable de toute surprise malvenue. Si Ombeline était connue des lieux, la conclusion logique qui passerait dans les esprits des simples gens en voyant le prêtre encapuchonné dans les ombres était évidente.

Les prunelles d’ambre parcouraient chaque recoin de la petite place, à croire qu’il avait développé des sens qui lui permettaient de voir des choses invisibles. Ou simplement qu’il avait attrapé une fièvre délirante.

« Tu n’as pas été suivie ? Tu es bien sûre d’être seule ? Personne ne sait que tu viens à ma rencontre ?» Bombarda l’ecclésiastique sans se donner le répit de respirer, emporté par ses émotions, ou plutôt ses peurs. Quand Cesare était inquiet, il affichait clairement les caractéristiques d’un animal aux aguets, un peu comme ces daims qui dressent tête et oreilles au moindre bruit suspect, le plus faible bruissement.

Quand il fut convaincu, en tout cas en partie, que nulle âme qui vive ne rôdait dans les parages, le prêtre se permit alors de libérer sa chevelure de jais du lourd capuchon qui commençait à lui peser. La fine pellicule de sueur qui faisait lueur son front n’était pas le fruit d’une quelconque chaleur. Cette nervosité qui rongeait ses nerfs était aussi stressante que le jour où il défila les ruelles ensanglantées du Goulot aux côtés de compagnons de fortune, marchant vers ce qui avait semblé être une mort certaine. Mais avec les Fangeux au moins, c’était votre chair qui était à risque, non pas votre âme …

« Dieux, donnez-moi la force … »
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyMer 18 Mar 2020 - 22:03
Pouffant de rire, Ombeline se laissa entraîner dans l'ombre du porche sans se débattre. Elle avait obtenu ce qu'elle voulait, le pauvre Cesare ne savait plus où poser ses mains et c'était bien fait pour lui. La jeune femme s'amusa d'autant plus en le devinant se retourner pour vérifier qu'on ne les espionnait pas, visiblement nerveux à l'idée d'être aperçu en sa compagnie. C'était à la limite du vexant : il avait déjà marché en sa compagnie, ils s'étaient assit à la même table dans une taverne, et pourtant il n'avait jamais fait mine de redouter pour sa réputation. La proximité du bordel y était-elle pour quelque chose ? Étant donné qu'il ne voulait même pas y entrer pour venir lui-même chercher celle qu'il voulait, ce devait être la raison de son agitation. Difficile de ne pas se moquer.

Par les Trois, Cesare, arrête de t'agiter comme ça. Si quelqu'un devait se faire remarquer ici, ça serait toi et tes manières bizarres : on fait difficilement plus suspect qu'un homme encapuchonné qui jette des regards nerveux autour de lui depuis le recoin sombre d'un porche.

Elle sourit en coin et posa sa main libre sur la sienne qui tenait toujours fermement son bras. Malgré l'amusement évident que provoquait chez elle ce comportement inhabituel, la jeune femme était tout de même préoccupée : depuis quand le prêtre austère et colérique qu'elle connaissait se conduisait comme un animal traqué ? Qu'avait-il vécu depuis ces derniers mois pour être si craintif ?
Une fois libérée de la poigne qui la retenait, et constatant que le prêtre repoussait son capuchon, elle leva les mains à son visage pour le prendre en coupe et l'examiner à sa façon. Elle ne sentit aucune barbe piquante ou amaigrissement alarmant, tout semblait assez normal.

Personne ne sait que je suis ici en dehors du marin que tu as envoyé, du client que j'essayais d'amuser et que j'ai dû abandonner pour te rejoindre, ainsi que Dom qui était au comptoir à ce moment-là et qui sait tout ce qui se passe à la Balsamine. En résumé, tu aurais aussi bien pu entrer toi-même pour venir me chercher.

Elle eut un haussement d'épaules. À quoi bon se cacher de toutes manières ? Il y avait moins matière à messes basses lorsqu'un prêtre entrait sans sourciller dans un bordel pour en ressortir presque immédiatement plutôt que de surprendre un prêtre envoyer quérir une catin en secret. Et elle en savait quelque chose puisque des novices elle en connaissait quelques-uns...

Bon, tu n'es clairement pas venu pour consommer et certainement pas pour me voir en particulier... Alors qu'est-ce que tu fais là ?

Ombeline ne se voilait pas la face : le prêtre n'était sans doute pas venu pour s'enquérir de sa santé ou le simple plaisir de passer du temps avec elle. Si a plusieurs reprises elle avait essayé de le revoir en se rendant au temple et même en demandant à des novices au détour d'un couloir, il était évident que l'envie n'était pas réciproque. Elle n'allait pas le blâmer, elle savait bien ce qu'elle pouvait représenter à ses yeux et si leurs échanges étaient moins houleux désormais, elle n'en restait pas moins une catin et lui un prêtre à la réputation immaculée.

Ramenant à elle ses mains, la fleur de trottoir s'adossa contre la porte close de la joaillerie. Peu importait qu'il ne soit venu que pour lui demander une faveur ou un service, elle était heureuse de le retrouver. Et si l'invasion lui avait appris quelque chose, c'était bien que les amis étaient assez peu nombreux et trop précieux pour leur tourner le dos lorsqu'on avait l'occasion de passer un peu de temps avec eux. Même si les amis en question n'avait pas conscient de la valeur qu'ils pouvaient avoir.
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CesarePrêtre responsable
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyMer 1 Avr 2020 - 20:47
« … suis-je à ce point indiscret ? »

Le clerc se mordit la langue, déçu de sa performance. Volkmar l’aurait sans doute bien sermonné pour sa maladresse et Cesare aurait accepté avec grand plaisir de se faire gronder plutôt que garder pour lui son sentiment de faillite. Mais ces pensées négatives s’évaporèrent l’espace d’un instant quand les mains réconfortantes de la demoiselle se refermèrent sur ses traits. Un fugace soupir s’extirpa de la commissure de ses lèvres tandis que la pulpe de ses doigts parcourait son visage marqué par l’anxiété. Brièvement, très brièvement, il se demanda si c’était pour cette sensation que les citoyens venaient se réfugier entre les bras d’une fille de joie. La sensation de réconfort, l’oubli, juste un contact.

Se giflant mentalement pour reprendre consistance, le brun ténébreux se ressaisit et arrêta de jeter des regards effarouchés à chaque recoin de la portière. Ombeline avait parfaitement raison, son agitation à peine dissimulée avait de quoi attirer des regards indiscrets. Il devait se fondre dans le décor et se dissimuler dans la banalité du quotidien. Moins il agirait de façon suspecte et mieux il pourra approcher l’antre du diable.

« Permets-moi de m’excuser de venir te déranger durant ta … profession. J’ai bien conscience que notre séparation a été longue et que je n’ai pas été un ami idéal en venant prendre de tes nouvelles. Ces derniers mois ont été particulièrement éprouvants, j’en ai bien peur. »

Si certains avaient enterré les souvenirs sordides et panser leurs blessures, les cicatrices qui marquaient l’âme de l’ascète étaient toujours aussi vives et brûlantes. Le poids de ses actions ce jour-là, les sacrifices à entreprendre, sa foi mise en péril par un déferlement de désespoir et de mort. Par les Trois, il avait vu la mort en personne, ses ménestrels aux faciès livides et imperturbables réclamant sa chair, son cœur, son âme. Combien de jours, de semaines s’était-il enfermé dans les alcôves de son Temple, à méditer désespérément, à chercher une réponse dans le silence accusateur des statues qui le contemplaient de haut ? Le parfum de l’encens devenait intoxicant, le baiser du fouet n’avait plus sa douceur libératrice, ses prières résonnaient avec une monotonie agonisante tandis que, chaque jour, des centaines de fidèles quémandaient les conseils du prêtre, cherchaient une réponse à ses mêmes questions.

Les Dieux les avaient-ils abandonnés ? Etaient-ils condamnés ? Les fantômes des défunts le narguaient toujours, pâles feuilles d’automnes tremblantes susurrant dans son sommeil le doute et la peur, celle d’une fatalité qu’il se refusait d’imaginer. Pourtant ses rêves, eux, étaient parfois bien animés et fiévreux, fruits de ses croyances quelque peu extrêmes qui visualisaient l’apostasie comme une éternelle damnation dans l’entre-deux mondes, devenant une coquille vide affamée, un démon … un fangeux.

« Je n’irais pas par quatre chemins, le temps nous est imparti. Le Clergé ne s’est pas limité à prendre soin des blessés et incinérer les morts depuis l’invasion, Ombeline. Tout portait à croire que des individus malfaisants étaient derrière le massacre. Une chasse qui dure à cette heure pour traquer ces dangereux parias. J’ai été mandaté par un de mes supérieurs d’enquêter sur un cas particulièrement morbide de sorcellerie, un jeune seigneur ayant perdu la raison par quelques enchantements macabres. »

S’humectant les lèvres, il laissa l’abandonnée des Dieux procéder ces informations assez glaçantes pour le commun des citoyens, puis poursuivit sur un ton tout aussi neutre et sérieux :

« Je suis quasiment sûr qu’il s’agit de l’œuvre d’une sorcière terrée dans ton foyer. Je ne peux néanmoins faire appel à la Milice pour boucler la Balsamine sans avoir d’abord déterminé si, oui ou non, l’enchanteresse est une des vôtres. Il me faut des preuves solides, surtout connaissant les terribles conséquences que la simple rumeur peut entraîner dans tout le quartier. »

Joignant ses mains derrière son dos, il se doutait bien que la nouvelle était un coup dur pour celle dont la demeure et lieu de profession était en péril. Les histoires qu’on racontait sur des inquisiteurs rasant des chaumières suspectées d’abriter des traces de corruption impie n’étaient pas le fruit de l’imaginaire des villageois locaux, les chiens de chasse du Clergé se montrant souvent très zélés dans l’exercice de leur juste mission. Ce qu’il était entrain de lui dire c’est que n’importe qui dans la Balsamine pouvait être un manipulateur des forces obscurs, un hérétique, un païen, un apostat. Autant d’accusations graves qui mettaient la maison close en péril.

« J’ai l’ardent désir de sauver Marbrume de la gangrène qui la ronge de l’intérieur. Je ne peux tolérer l’existence d’un être qui aurait abandonné l’amour de la Trinité pour semer la graine de la discorde tandis que nos enfants et nos frères et sœurs souffrent mille maux en silence. Restée impunie, cette sorcière continuera à détruire d’autres vies pour son malsain plaisir. Je suis prêt à défier cette diablesse et la traîner en justice, mais mon expérience est médiocre et je m’aventure dans un territoire qui, tu t’en doute bien, m’est très, très étranger. »

Hésitant un instant, il plongea son regard dans les deux opales de l’indocile. Il allait lui demander d’être la complice d’une chasse aux sorcières. Un vrai ami risquerait-il la vie de quelqu’un qu’il appréciait pour accomplir son devoir ? Surtout que ses amitiés se comptaient sur les doigts d’une main mutilée …

« J’ai besoin de toi. Je suis très maladroit hors de la juridiction du Temple, c’est devenu une évidence pour toi depuis le premier jour de notre rencontre et je ne ferais pas long feu dans les murs de votre nid d’hédonisme incongru. Voudrais-tu bien, pour l’amour de ce qui est bon en ce monde, m’aider à traquer la vermine qui souille ta maison ? »
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyVen 3 Avr 2020 - 14:56
Entendre Cesare s'excuser de la déranger pendant qu'elle s'occupait d'un client était un signe grave que les choses devaient aller bien mal car encore quelques mois auparavant, il était sorti de ses gonds en un instant à la simple idée qu'elle puisse exercer un métier si infamant. Bien sûr, elle n'ignorait pas qu'il avait appris deux ou trois choses à son contact, mais elle était tout de même inquiète d'un tel revirement de situation.
La jeune femme hocha la tête pour marquer son assentiment : les temps étaient durs pour tout le monde depuis l'invasion et à cela s'ajoutait l'arrivée inopinée de tous les réfugiés du naufrage. Elle avait assez entendu les miliciens en parler pour savoir tout le raffut que cela avait causé au temple.

Ça ne fait rien, tu dois être très demandé. Je ne vais pas jouer les enfants capricieuses parce que tu n'es pas descendu dans mon bordel pour boire un verre, fit-elle avec un sourire pour souligner sa bonne volonté.

Elle regrettait de ne pas pouvoir passer plus de temps avec le prêtre, mais ç'aurait été bien mesquin de le tenir pour responsable. Ils s'en sortaient remarquablement bien, l'un comme l'autre, au milieu de toutes ces catastrophes et il fallait être reconnaissant envers les dieux pour cela.

— J’ai été mandaté par un de mes supérieurs d’enquêter sur un cas particulièrement morbide de sorcellerie, un jeune seigneur ayant perdu la raison par quelques enchantements macabres.

Ombeline haussa les sourcils, à la fois incrédule et inquiète. La sorcellerie, c'était quelque chose qui ne se croisait pas à tous les coins de rue et on n'osait pas y croire malgré la frayeur que cela réveillait toujours. Des hommes et des femmes capables d'invoquer des forces inconnues et de faire tourner le lait, empoisonner le bétail, générer de mauvais vents, maudire des familles entières... Tout le monde savait que ça existait mais en ville on ne voulait pas croire que ça puisse arriver. C'était des fléaux de campagne, des maux de village. Alors si même le mal sombre qui dormait ordinairement dans les bois et les vallées oubliées s'invitait à Marbrume, comment pouvait-on espérer des lendemains meilleurs ? Entre fangeux, sectaires et sorcières, ce n'était plus qu'une question de temps avant que la dernière âme innocente ne succombe.

La jeune femme ne sut quoi dire, mais l'expression de malaise et d'inquiétude qui lui fit resserrer les pans de sa cape sur elle suffit à trahir ce qu'elle pensait d'une chasse aux sorcières. Et bien sûr, il fallait que ce soit Cesare qui s'en occupe. Mais sa réaction fut plus vive encore lorsqu'il lui dit que la suspecte de son affaire était vraisemblablement terrée à la Balsamine. La bouche couverte d'une main dans une expression choquée et apeurée, elle se refusait à croire ce qu'il était en train de dire. Mais elle avait beau faire non de la tête, il poursuivait.

Elle refusait de croire que qui que ce soit à la Balsamine puisse être une mauvaise personne. Il s'agissait de sa famille, de femmes et d'hommes qu'elle connaissait depuis longtemps, parfois même depuis toujours. Elle avait perdu trois sœurs dans l'invasion et à présent on lui disait qu'il pouvait y avoir une sorcière entre les murs de ce qu'elle considérait comme un foyer ? Elle n'ignorait pas non plus que le simple fait d'accuser la Balsamine d'être un repaire de sorcière, même à tort, pouvait signer l'arrêt de mort de l'établissement.

Ombeline se gifla mentalement à deux reprises pour sortir de l'état de stupeur dans lequel elle était plongée. Assez de trembler de peur, elle ne pouvait pas laisser les choses se dérouler sans intervenir. S'accrochant fermement au col de Cesare, elle se hissa sur la pointe des pieds pour se grandir le plus possible.

Tu te rends bien compte que tu es en train d'accuser des femmes qui ont été comme des sœurs pour moi depuis ma plus tendre enfance ? Que tes soupçons et ton enquête pourraient nous coûter à toutes notre foyer et notre gagne-pain ? La réputation est ce qui fait la différence entre une maison close sûre et fréquentée par la milice et un bouge putride où viennent se soulager les pires vermines du Goulot ! Je me refuse à croire qu'il puisse y avoir une sorcière chez moi et je vais te le prouver.

S'il voulait son aide, il devrait s'accommoder de sa façon de faire car elle ne comptait pas laisser sombrer son établissement aussi facilement. Refuser de s'impliquer serait laisser entre les mains du hasard et de Cesare le destin de ce foyer qui l'avait préservé du plus dur pendant toutes ces années.

Personne ne doit savoir ce que tu cherches, si la rumeur se répands que des filles de chez nous sont suspectées d'être des sorcières alors c'en est terminé de nous.

Desserrant sa prise sur le vêtement, la belle-de-nuit dut faire un effort pour que le calme revienne sous son crâne en ébullition. S'ils jouaient bien, tout ceci pouvait se passer sans problème. Pas de raisons de s'inquiéter. Les affaires allaient un peu mal dernièrement, mais ce n'était pas encore la fin, elle ne le permettrait pas. Lissant des mains le tissu qu'elle avait froissé, elle prit une profonde inspiration.

Je vais t'aider. Mais tu découvriras qu'il n'y a que des innocentes entre ces murs ! Et puisque je tiens autant que toi à ce que tu restes discret, j'espère que tu es prêt à faire quelques sacrifices.

Elle lui tendit la main pour sceller leur accord. Il devait bien s'en douter, pour passer inaperçu dans un bordel, il fallait se fondre dans la masse. Pour un homme, ça se résumait à être un client, même pour quelqu'un portant une soutane au quotidien. Même Cesare pouvait s'en douter.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyVen 17 Avr 2020 - 0:15
Etrange, en effet, qu’une sorcière trouve l’audace d’exercer ses arts obscurs et occultes si près du centre du pouvoir du Duché, si près du Clergé. D’habitude, ces odieuses servantes du mal pratiquaient leurs maléfices dans des régions plus provinciales, souvent de petits hameaux, à l’écart du regard inquisiteur des représentants de la loi divine. De plus, on parlait plus de sorcellerie quand il s’agissait de naissances de bébés atrophiés, de puits empoisonnés, de récoltes en décomposition ou, plus terrible encore, de profanations de tombes. Quand on perdait une chèvre ou tout autre bétail, on se doutait qu’une cultiste l’ait égorgé dans une caverne pour servir un de ses rituels damnés. Mais que fait une enchanteresse à Marbrume ? C’était absolument inédit et, surtout, il a fallu que ce soit à Cesare d’élucider ce mystère morbide.

Comme il s’y était attendu, la renarde aux yeux de verre fut outragée par les dires du prêtre devenu chasseur. Quoi de plus normal, après tout ? Il venait d’accuser avec tout le sang-froid d’un inquisiteur qu’une de ses amies proches pouvait bien être le prochain combustible d’un bûcher ardent. Sans doute l’image d’une des catins traînées à même la boue vers les geôles pour être promptement interrogée à grand renforts de tenailles et autres outils peu reluisants avait de quoi révulser. Un triste souvenir frôla la mémoire de Cesare qui se raidit l’espace d’un instant, des odeurs factices étouffant ses narines tandis que des gémissements illusoires résonnaient au fond de sa tête. Un fiasco.

Les mains d’Ombeline se refermèrent sur sa cape avec fermeté et il s’attendit presque à recevoir une cuisante raclée de sa part. Fort heureusement aucune gifle ne vint martyriser son visage inquiet, mais les paroles de la jeune femme atteignirent tout de même l’imperméable pratiquant.

« J’en ai bien conscience, c’est pour cela que je fais preuve d’autan de discrétion. Je n’ai aucune sympathie pour ton foyer mais c’est justement pour toi que je prends autant de précautions. Je ne vais pas condamner des innocents au gibet sur un caprice, c’est le fruit d’une longue enquête. Tout porte à croire que quelqu’un exerce ses maléfices entre les murs de la Balsamine. »

L’ascète aurait ajouté qu’il espérait se tromper, mais ce serait un mensonge amer. Chaque jour qui passe amenuise considérablement ses chances de capturer sa cible, chaque heure où la sorcière respire encore est un blasphème pour leurs Créateurs. Si effectivement la maison close était dénuée de toute présence malsaine autre que ses activités détestables, sa traque aura été un échec. Ses supérieurs verraient sa prestation comme médiocre et ses années de durs labeurs et services épuisants seraient effacés. Lui qui rêvait d’atteindre les hautes sphères du Clergé et guider les survivants de l’humanité vers la pénitence et la rédemption, il devra ruminer ses rêves perdus dans l’ombre du Temple.

Puis il se mordit la joue, furieux contre cette soudaine marque d’orgueil qui avait effleuré son esprit. Était-il en train d’ignorer l’avenir de celle qui voulait bien l’aider au profit de ses ambitions ? Cette simple pensée le dégouta. Il était mieux que ça, les préceptes divins encourageaient la compassion et l’entraide plutôt que la soif de pouvoir et de gloire. Son cœur ne pouvait se permettre de sacrifier Ombeline pour un succès falsifié.

Quand elle lui tendit la main, il plissa des yeux pendant quelques secondes, essayant de deviner ce qu’elle entendait par sacrifices. Bien sûr qu’il allait se sacrifier sans hésiter ! Il était prêt à donner son âme au service de la Trinité, ses larmes, sa sueur et son sang pouvaient bien servir à nettoyer les plaies de l’hérésie et l’apostasie, ses … puis il comprit. Sa bouche s’entrouvrit à la manière d’un poisson surprit, balbutiant quelques mots incompréhensibles.

« Tu veux que je me fasse passer pour … un client ? »

Ce dernier mot était si lourdement prononcé qu’on croirait que sa langue en était pétrifiée. Sa grimace exagérée trahissait bien sa gêne soudaine, encore plus lorsque ses doigts pâles trituraient nerveusement les pans de sa cape.

« Non, il doit y avoir un autre moyen. Je … non, même pas en acteur … Serus ne nous pardonnerait pas ! On ne peut combattre le mal par le péché, ça ne marche pas comme ça … pas moi, enfin ! Je peux être discret, je me ferais passer pour … pour … un ami, qui vient prendre de tes nouvelles ? Ou un … Dieux miséricordieux, ma tête n’arrive plus à formuler un mot. »

Le pratiquant passa ses mains froides sur son visage pour tenter de refroidir ses joues et redonner de l’ordre au maelström vrombissant qui résonnait dans ses oreilles. Si mon défunt mentor le voyait, qu’en penserait-il ? Jamais de sa vie modeste et pieuse n’avait-il imaginé qu’il devrait plonger les deux pieds dans la tentation pour accomplir la volonté des Tout-Puissants. Surtout pas comme ça. Ceux qui connaissaient le fervent agent du Clergé savaient qu’il était particulièrement tatillon sur les règles les plus strictes de la religion du royaume, flirtant avec le fanatisme bien qu’on l’ait jamais surpris à essayer de provoquer une émeute sanglante ou à prôner une purge. Imaginer Cesare dans un bordel serait comme imaginer un pirate à la tête du Clergé. C’était aussi loufoque qu’improbable et pourtant, voilà qu’il était piégé dans une impasse dont la seule issue était de pénétrer le temple de l’hédonisme. Le sens du sacrifice prenait un tout autre sens désormais, lui qui avait toujours payé par la sueur et le sang.

Mais il ne pouvait abandonner sa juste cause. Cette quête était capitale pour que la fragile paix puisse subsister dans une cité aussi délicate qu’une feuille d’automne. Une fois de plus, il allait devoir quitter sa zone de confort et explorer des voies obscures pour servir la volonté des Trois. Avalant bruyamment sa salive, il détourna avec gêne le regard vers ses sandales avant de saisir la main d’Ombeline, incapable de croiser son regard. Le prêtre se contenta d’hocher la tête avec un air abattu, attendant qu’elle le guide vers une demeure qu’il avait toujours moqué durant ses sermons.

Le destin avait un sens de l’ironie particulièrement mesquin.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyLun 20 Avr 2020 - 16:14
Sourde aux protestations du prêtre qui ne manqua pas d'imaginer d'autres manières de se sortir de ce guêpier où il était désormais fourré, Ombeline demeura droite et immobile, la main tendue. Qu'il n'espère pas trouver une façon d'échapper à cette punition qu'elle comptait lui infliger, elle ne flancherait pas. De plus, ce n'était pas en se faisant passer pour "un ami" qu'il arriverait à se fondre dans la masse puisqu'une catin qui a des amis aussi haut placés au temple, c'est aussi probable qu'un fangeux capable de danser.
Elle lui serra fermement la main pour marquer leur accord lorsqu’il lui offrit la sienne, sans se laisser émouvoir par l'abattement qu'elle devinait peser sur les épaules de son partenaire d'enquête. La jeune femme connaissait suffisamment Cesare pour savoir qu’il avait le sens du devoir chevillé à l’âme et qu’en dépit du profond dégoût que la luxure pouvait lui inspirer, il préfèrerait toujours mener sa mission à bien plutôt que de se préserver lui-même.

J'imagine sans mal l'expression abattue de ton visage alors laisse-moi te donner un bon conseil : tu as le droit d'être gêné en entrant dans un bordel, mais si tu veux avoir l'air crédible, tu ne peux pas faire une tête d'enterrement. Ce n'est qu'un lupanar, pas une salle de torture, par tous les dieux ! soupira-t-elle.

Sentant qu'il était temps pour elle de prendre les choses en mains, Ombeline tenta de rassembler ses idées pour agir au mieux : elle devait permettre à Cesare de mener son enquête discrètement, sans éveiller trop de soupçons et surtout sans se faire prendre. Bien sûr elle n’avait aucune idée de comment il comptait procéder à son enquête, mais il faudrait sans doute qu’il aille fouiller les chambres des autres… De préférence lorsqu’elles n’y étaient pas. Les bras croisés, une main portée à son menton, elle se tapotait la lèvre inférieure de l’index tout en se remémorant chaque instant de la journée durant lequel ses compagnes pouvaient être absentes de leur chambre. En mettant les emplois du temps de chacune bout à bout, elle avait bien une idée, mais il faudrait débourser quelques écus et prendre son mal en patience.

Nous étions sept il y a encore quelques mois. Désormais il n’y a plus que moi, Fleur, Clothilde et Manon. Ça te fera moins de chambres à fouiller, mais je te conseille de ne pas t’attarder. Et je ne crois pas que tu puisses tout faire dès aujourd’hui sans que ça semble étrange.

Elle eut un haussement d’épaules qui laissait entendre que c’était comme ça, qu’elle n’y pouvait rien.

Si tu es prêt à débourser quelques écus, je sais comment tu pourras t’y prendre en deux soirées seulement.

Un endroit fréquenté comme un bordel avait autant d’avantages que d’inconvénients : du monde, une entente tacite pour ne pas trop s’intéresser aux activités du voisin, de l’animation, il était simple d’être un parmi tant d’autres et ne de rien avoir de particulier, cependant il existait des règles et le moindre écart pouvait immédiatement sembler étrange, suspect ou dangereux. Faire des entorses aux règles discrètement avait ses limites et la jeune femme ne voulait pas courir le risque de se faire démasquer en allant trop vite. Qu’on les surprennent à fouiner une fois dans la mauvaise pièce au mauvais moment et c’en était terminé de la discrétion de l’enquête. Pour le prêtre ce serait un vilain contre-temps, pour la catin ça pouvait être la fin pure et simple de sa vie à la Balsamine : Madame était peu conciliante avec les filles qui complotaient sans l’en avertir. Mais elle se garda bien de le préciser à son partenaire.

Ce soir tu pourras faire le tour de ma chambre autant de fois que nécessaire et visiter celle de Clothilde en t’y prenant assez tôt. Mais Justin te remarquera si tu vas fouiner du côté des autres portes, c’est certain. En revanche, si tu réserves un bain pour demain soir, tu pourras plus facilement aller dans les chambres de Fleur et Manon puisqu’elles sont de part et d’autre de la pièce où se trouve le bain.

La jeune femme décroisa les bras et avança les mains vers le torse du prêtre, repoussant les pans de sa cape pour tâtonner le vêtement qu’il portait. Elle fit une moue désapprobatrice en passant le pouce sur les motifs brodés avant de se pencher en avant aussi près que possible de lui, plissant les yeux pour essayer de deviner plus clairement ce qu’elle supposait être les signes distinctifs d’une soutane.

Tu portes tes vêtements du temple, pas vrai ? Ça ne va pas, il faudra te changer. N’importe quoi de banal qu’un habitant moyen pourrait porter, fit-elle avec un ton dégagé en se redressant. Les officiants du temple ne s’affichent jamais avec les couleurs des Trois dans un bordel, ils tentent toujours d’être discrets en se fondant dans la masse. On les reconnait à l’odeur d’encens malgré tout, mais je crois bien que je suis la seule à y prêter attention. Tu n’auras qu’à te cacher dans ta grande cape mystérieuse si tu ne veux pas qu’on voit ton visage, ne t’en fais pas, tu ne seras pas le premier.

Elle afficha un sourire en coin goguenard. Son mensonge était tout trouvé pour expliquer la présence de ce client particulier : elle avait fini par le faire céder malgré sa timidité et il venait désormais demander ses services en tentant de se faire le plus discret possible. Une histoire plutôt banale et assez proche de la réalité pour pouvoir s’y tenir, mais qui ne manquerait pas de faire glousser ses amies.

Aller, ne te mets pas la rate au court-bouillon : je veillerai sur toi, promit-elle avec plus de douceur. C'est d'accord ?
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Cesare



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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyDim 3 Mai 2020 - 19:42
Entrer dans une maison close, se faire passer pour un client, payer des prestations … Cesare se rendait compte de n’avoir aucunement prévu son enquête de prendre une telle approche, lui qui s’était imaginé pénétrer discrètement le bordel et y mener sa petite fouille tout en lorgnant sur la clientèle douteuse à la recherche de quelques indices. Ombeline se montrait déjà fort utile en lui fournissant une panoplie de conseils et d’informations précieuses, mais le clerc ne parvenait toujours pas à se débarrasser de la bile amère qui étouffait sa gorge à la simple idée d’évoluer dans un environnement où le péché et la luxure étaient non seulement tolérés, mais encouragés.

Un soupir las s’extirpa de sa gorge tendue comme un arc. Ce n’était pas le moment de laisser les mains insidieuses du doute s’emparer de son corps et le clouer sur place. Maintenant plus que jamais, la cité avait besoin de son aide.

« Tu as raison. Des sacrifices doivent être faits. Je vais améliorer mon jeu d’acteur, il suffit que j’essaye de me mettre dans la peau d’un infidèle … Heum, d’un client. Je viens découvrir les charmes de la Balsamine, voilà. Je ne suis qu’un simple citoyen allant dépenser ses écus durement gagnés pour de la compagnie. Suis-je convainquant ? »

Le prêtre essayait même de prendre une posture nonchalante, traînant des pieds et battant des mains sur ses flancs. Se rendant compte du ridicule de la situation, il toussota et reprit contenance. Quand la belle de nuit détailla les horaires de service de la maison close, l’ascète essaya de mémoriser chaque information tout en se projetant vers l’avenir, s’imaginant glisser en catimini dans des chambres sulfureuses au mobilier douteux pour y trouver des indices trahissant toute sorcellerie. Pour certains, cette perspective serait excitante et ferait bouillir le sang des aventuriers, mais l’agent du Temple était plus inquiet d’être découvert par sa proie qu’autre chose.

« Si feu Cuthbert me voyait dépenser un sou dans un bordel, je suis sûr qu’il s’agiterait dans sa tombe. Enfin … je suivrais tes directives, mais je compte sur toi pour couvrir mes arrières et empêcher tout intru d’interrompre mes recherches. Il faut trouver le plus infime objet qui puisse trahir une enchanteresse. Des runes, un grimoire, des talismans et j’en passe. »

Quand elle tâta ses vêtements, il ne put s’empêcher de détourner légèrement le regard avec pudeur. Ombeline avait toujours eu cet élan naturel de proximité, chose qui avait toujours dérangé le vertueux pratiquant à différents niveaux, bien que les choses aient changé depuis quelques temps. Avant, il serait irrité et gronderait la brune tandis qu’elle gloussait avec malice. Mais ils avaient partagé des moments particuliers. Il y’avait une étrange complicité et surtout une tolérance de la part de Cesare. À leur première rencontre, il désirait la voir châtiée. Aujourd’hui, elle était sa complice pour une mission cléricale de la plus haute importance. L’ironie est un art que seuls les Trois savent exercer avec autant de brio.

« Je ne suis pas bête, Ombeline. Je ne vais pas afficher mes couleurs comme un chasseur sonnerait la corne avant de pourchasser les renards ! »

Sur ses mots, il recula de quelques pas pour rejoindre un petit tonneau qu’il repoussa pour y extirper une tenue de lin de la plus modeste facture. Délavée, sa couleur d’origine rouge avait des noirceurs apparentes qui ressemblaient à des cloques sorties de la peau d’un pestiféré.

« Nous n’avons pas beaucoup de vêtements autres que nos robes de bure et soutanes, j’ai donc dû récupérer les biens appartenant à un frère qui a récemment périt. Nous gardons souvent leurs vêtements comme reliques lorsque leurs anciens porteurs étaient réputés pour leurs actes de grande piété, ou de martyr. Frère Edmund avait autrefois fondé une maladrerie par le passé pour prendre soin des lépreux et affligés jusqu’à ce que le fléau le frappe à son tour. »

Avec révérence, le prêtre glissa lentement ses mains le long du tissu soyeux, ses prunelles explorant avec adoration un bout de lin relativement simple mais à la valeur spirituelle incomparable.

« Peut-être que je cherche aussi sa protection, pour être franc avec toi. Ainsi que la tienne. Je te suis très reconnaissant pour ta coopération. Nous servons tous les deux la Trinité en ce jour. Puisse les Dieux nous venir en aide. »

Après s’être changé dans la discrétion des ombres du pont et à l’abris des regards indiscrets, le père spirituel se drapa à nouveau de sa cape et cacha sa robe derrière le tonnelet avec le plus grand soin. Tâtant ses poches, il en extirpa une maigre bourse qu’il garda au creux de sa paume avec un air renfrogné. Une très maigre fortune qui finira entre les mains d’une femme qui use de ses protégées pour s’enrichir à travers les vices de la chair. Il avait bien envie d’exprimer ses sentiments vis-à-vis de la patronne à sa complice mais se ravisa. La mission devait primer avant tout le reste.

« Bien. Allons-y. »

Fixant la porte menant à la Balsamine, il se pinça les lèvres. Le moment fatidique. Tout doute, toute peur, toute hésitation devaient quitter son esprit lorsqu’il pénétrera le hall de cette bâtisse. Fort d’une détermination nouvelle, il posa une main amicale sur l’épaule d’Ombeline. Peut-être plus pour y puiser du courage que pour lui faire signe qu’il était prêt.
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OmbelineProstituée
Ombeline



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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyMer 6 Mai 2020 - 15:43
Ombeline hocha la tête lorsqu’il lui fit le détail fort peu original de son excuse toute trouvée pour entrer à la Balsamine. Inutile de chercher midi à quatorze heures, il n’avait qu’à être un client parmi tant d’autres. Connaissant l’animal, c’était déjà beaucoup lui demander que de feindre le désir. Elle se garda bien de faire le moindre commentaire lorsqu’il lui affirma ne pas être assez bête pour se promener dans un bordel avec sa tenue de prêtre, mais il était sans doute vain de lui rappeler qu’il avait très finement signalé sa venue à presque toute la Balsamine alors qu’il cherchait à être discret.
En revanche, elle eut clairement un mouvement de recul et une mine de dégoût lorsqu’il lui raconta l’histoire du vêtement qu’il comptait enfiler. C’était absolument répugnant...

Je suis ravie de savoir que tu considères ces nippes comme des reliques sacrées mais imaginer qu’elles ont été portée par un prêtre mort il y a encore quelques semaines… C’est tout simplement dégoûtant. Tu as intérêt à les avoir récuré à fond, je te préviens.

Heureusement, l’odeur du vêtement indiquait qu’on l’avait effectivement lessivé récemment. Non mais quelle idée d’enfiler ce genre de chose sur le dos en se remémorant son ancien propriétaire… Elle chassa cette sensation avec un frémissement.

— Nous servons tous les deux la Trinité en ce jour. Puisse les Dieux nous venir en aide.

Si l’on m’avait dit un jour que moi je serais volontairement au service du temple pour une affaire de sorcière, je n’en aurais pas cru un mot. Enfin, si toute cette comédie peut blanchir le nom de la Balsamine, je vais faire de mon mieux, affirma-t-elle en croisant les bras.

Laissant un peu d’intimité au prêtre qu’elle n’aurait de toute façon pas pu reluquer du coin de l'œil, Ombeline siffla son chien pour le ramener à elle et guida son compagnon vers l’établissement de débauche où ils avaient rendez-vous pour la plus belle improvisation de toute leur vie.

Arrivée devant la porte du bordel, la jeune femme prit la main que Cesare lui avait posé sur l’épaule et la serra brièvement avec un sourire. Pourquoi ne profiterait-elle pas de l’occasion pour s’amuser un peu de lui ? Après tous les sermons, toutes les remontrances, toutes les remarques qu’il lui avait fait, aujourd’hui il avait besoin d’elle et devait s’en remettre à son bon-vouloir pour mener à bien sa mission. Cela ne méritait-il pas qu’elle tire quelques avantages de la situation ?
Bien sûr, il allait déjà la payer pour simuler une passe, mais cette rétribution purement financière n’avait pas la douceur d’une petite vengeance plus personnelle. Et puis cela lui apprendrait à ne pas donner de nouvelles pendant des semaines !

Poussant la porte de l’établissement, la fleur de trottoir plongea dans cet environnement qui lui était si familier, son chien en tête de marche et Cesare derrière elle. Plusieurs clients consommaient au bar ou à une table, profitant d’une bière médiocre mais peu chère ou d’un ragoût un peu chiche mais assez savoureux. Dom faisait des miracles en cuisine avec trois fois rien, c’était de notoriété public. Et entre les tables, les filles allaient et venaient pour faire la conversation ou servir un plat.
Il y avait la belle Clothilde à l’épaisse chevelure noire et à la gorge fort avantageuse qui semblait être prête à entraîner un nouveau client à l’étage. Et puis il y avait Fleur, douce et jolie, prête à se nicher dans les bras d’un milicien qui pourrait la protéger. Enfin il y avait Manon, vive et pétillante, sûre de sa beauté juvénile et pourtant si naïve dans sa façon de répondre aux remarques parfois grivoises.

Entraînant son compagnon vers une table vide, Ombeline lui fit signe de prendre une chaise et adressa un signe de la main en direction du comptoir où elle savait que Dom se tenait. Il lui rendit son signe avec assez d’amplitude pour qu’elle puisse le percevoir à distance et disparut en cuisine pour aller chercher ce qu’elle demandait.
Satisfaite, la diablesse revint alors au prêtre à qui elle demanda de faire un peu de place sur ses genoux pour pouvoir s’y asseoir. Si l’idée de s’étouffer d’indignation pu effleurer l’esprit de son compagnon, il n’en fit cependant pas la remarque à voix haute et elle pu s’installer en travers de ses cuisses avec aisance, lui en laçant le cou des deux bras.

Ne me gronde pas tout de suite, c’est simplement plus poli si tu prends le temps de consommer un peu avant de monter. On peut facilement croire que tu t’es laissé convaincre d’entrer, mais ça serait suspect si tu filais d'emblée dans ma chambre.

Tout en lui expliquant cette stratégie ô combien complexe, elle lui prit guida ses mains pour qu’il lui tienne la taille d’un bras et pose l’autre contre ses cuisses. Sans aller jusqu’à lui demander de lui mettre une main au derrière, elle n’allait pas le laisser demeurer les bras ballants comme le dernier des puceaux.

Par Serus, mets-y un peu du tien Cesare ! le gronda-t-elle tout bas. Si je te répugne à ce point, tu n’as qu’à imaginer poser tes mains sur une femme qui te fait envie. Ou sur une statue d’Anür, tiens. Et ne me fais pas croire qu’il n’existe rien sur cette terre qui ne te fasse avoir quelques bouffées de chaleur, tous les hommes ont un appétit pour quelque chose.

Le gérant du comptoir ne tarda pas à leur apporter une écuelle de ragoût ainsi qu'une chope de bière et fit signe à la jeune femme sous forme d'une brève et légère pression sur l'épaule avant de s'en retourner à son poste. Sans s'attarder sur cet échange aussi furtif qu'énigmatique, Ombeline prit la chope pour y tremper les lèvres. Difficile de croire que Cesare accepterait de la boire de toute façon.

Tu n'as qu'à voir cette épreuve comme un entraînement pour l'avenir. Il va bien falloir que tu te maries un jour si tu espères garder ta crédibilité de prêtre. Comment veux-tu convaincre une femme d'accepter de t'épouser si tu n'arrives même pas à lui adresser un peu de tendresse ?
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyLun 18 Mai 2020 - 1:42
« Ces nippes, comme tu dis, recèlent encore l’aura d’un homme d’une grande piété, un remarquable serviteur de la Trinité. Bien sûr qu’elles seront propres ! C’est le moins qu’on puisse faire pour préserver la mémoire d’un illustre mais modeste clerc. Ses anciens collègues m’ont raconté qu’il avait jadis résisté à la malédiction lancée par une sorcière qui avait égorgé un coq devant la portière de sa maisonnée. Aucun mal ne lui a été fait, ce qui prouve qu’il avait forcément les faveurs des divins ! Je ne peux qu’espérer que son aura protectrice nous préserve des maléfices qui conspirent contre nous. »

Il fallait bien se douter que les agents du Clergé ne partageaient pas son avis. En vérité, beaucoup seraient très consternés d’apprendre que Cesare avait emprunté les vêtements d’un défunt comme relique. Les vrais icones sacrés étaient si bien protégés au sein du Temple que même la trésorerie du Roi en serait pale de jalousie. Une fois de plus l’ascète se montrait particulièrement extrême dans ses interprétations des lois divines.

Enfin, les voilà qui pénétraient l’antre du mal, le gouffre des pécheurs, la ruche des tiques assoiffées d’or et de luxure. En posant le premier pas sur le parquet remarquablement propre, là où il s’attendait à voir des scènes dignes des plus obscures peintures murales de démons entrelacés dans la plus scandaleuse impunité, ses yeux accusateurs furent presque soulagés de ne voir qu’une réplique d’auberge à quelques exceptions près. Le parfum du ragoût qui lui parvint jusqu’aux narines fut à deux doigts d’arracher un grondement de protestation au prêtre qui se rendit compte qu’il était presque affamé. Inutile de dire que le stress et la pression exercée par cette mission des plus délicates avait coupé l’appétit du zélé serviteur du Clergé qui ne s’était sustenté qu’à petites rasades d’eau fraîche. Ou peut-être que c’était l’emprise de ces lieux qui, déjà, l’invitaient à oublier ses malheurs et aller se remplir la panse en toute tranquillité ? Voilà qui était bien fourbe ! Son estomac pouvait bien gargouiller avec l’insistance d’un bambin gâté, il ne se détournerait pas de sitôt de sa tâche. Pas tant qu’il n’aura pas trouvé quelques indices qui affirmeraient ou non la présence de démons enveloppés dans une peau humaine.

Si la clientèle n’avait de yeux que pour les douces nymphes qui gambadaient joyeusement d’une table à l’autre pour servir leurs divers appétits, l’homme de foi regardait plutôt ces pauvres malheureux qui venaient dépenser leurs pièces pour un amour factice. Par le passé, il se serait dressé sur l’une des tables avant de pointer un doigt accusateur sur chacun de ces impénitents, mettant à nu leurs vices et leur honte. Mais pas aujourd’hui. Qu’ils se prélassent dans leurs fautes, Cesare avait un gibier bien plus redoutable à harponner.

S’installant sur l’une des chaises indiquées par Ombeline, il tira un peu plus sur sa capuche, mal à l’aise malgré tous ses efforts pour se mêler dans le décor. C’était très inhabituel pour lui, un peu comme un enfant qui découvre pour la première fois la mer et entre en contact avec l’eau froide. Ce n’était nullement fascinant et encore moins intéressant, il ne ressentait qu’une profonde sensation de ne pas être à sa place, d’être cerné de mauvaises énergies qui grignotaient petit à petit la vertu de son âme à chaque palpitation de son cœur. Or, la situation allait devenir encore plus compliquée lorsque sa partenaire eut l’indécente initiative de prendre place sur ses jambes. Raide comme un arc, les yeux presque écarquillés, l’ascète puisait dans une mer de retenue pour ne pas se relever brusquement avec indignation. L’indocile s’était bien vengée de lui, malicieuse comme elle l’était, il aurait dû voir venir pareille farce.

« Ombeline … si on s’en sort, attends-toi à ce que je te tire les deux oreilles. »

Docile malgré lui, il laissa la jeune femme guider ses mains non sans baisser le regard avec une brulante timidité. Pourvu qu’aucun malabar ne le regardait avec moquerie se laisser manipuler par une fille de joie.

« Ne mentionne pas le dieu du mariage sacré dans cette antre de débauche ! C’est à peine si je ne sens pas son regard me contempler du haut de son royaume. Si je commençais à parler de petites anecdotes sur tel ou tel désir indécent, comment veux-tu qu’on obtienne l’aide des Trois ? Hm ? »

Soupirant longuement, il délaissa sa prise sur Ombeline pour adopter sa propre conception de la douceur. Plutôt qu’encercler ses bras autour de la taille de la fleur de trottoir comme un objet précieux, il préféra tenir une de ses mains entre les siennes puis parcourir lentement chacun de ses doigts, les pétrissant entre les siens à la manière d’un sculpteur modelant son argile avec attention. On croirait presque qu’il y prenait plaisir, mais la brune pouvait deviner les traits ridés du prêtre.

« Je sais être tendre, pourquoi j’ai l’impression qu’on me prend toujours pour une statue de pierre ? Nous avons déjà discuté de ce sujet, je me suis donné corps et âme à mes tâches sacrées, à mon devoir de guide spirituel, de berger. Je suis humain, tout comme toi j’ai des désirs, des rêves, une curiosité que j’engourdis en l’enfouissant dans le sable de l’abstinence et la servitude ecclésiastique. Me priver de joie n’est pas un luxe, c’est une manière de veiller à ce que mon esprit soit toujours rationnel, indélébile de toute corruption. Mes objectifs doivent être aussi clairs qu’un phare dans l’obscurité. »

Serrant un peu plus la main de sa partenaire d’enquête entre les siennes, il resta pensif un bon moment, le mot mariage rebondissant dans l’antichambre de sa tête avec insistance. Les murmures de ses collègues derrière son dos, le regard de certaines dames dans le Temple, insistantes, la mine réprobatrice de ses ainés. Tôt ou tard, il se devait de briser son long isolement et penser à remplir un des devoirs de l’humanité … surtout s’il voulait enfin avoir la chance de siéger sur le trône du pouvoir ecclésiastique.

« J’en ai conscience, que le mariage est un devoir que je dois remplir. Je ne me sentais pas prêt, je devais encore me découvrir, me faire connaitre tant chez les hauts dignitaires du Clergé qu’aux yeux des Dieux. L’amour qu’Ils m’offraient me suffisait bien largement, contrairement à cette tendresse factice que vous vendez temporairement à ces ignorants. Je ne sais pas si tu es bien placée pour me donner des leçons, mais je reconnais que tes paroles ont du sens. Ça n’empêche pas que je ne te permets pas de dire que j’ai des sentiments pour l’effigie d’Anür, franchement ! Suis-je un fétichiste malsain ? »

Un claquement de langue désapprobateur fut sa dernière manière d’exprimer un simulacre de mine boudeuse, une autre preuve que les sentiments et Cesare étaient deux éléments aussi paradoxaux qu’entremêlés.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyMer 27 Mai 2020 - 14:49
Lui cédant sa main sans rechigner, elle le laissa faire avec une certaine curiosité. Elle voulait bien lui accorder qu'il n'était pas le monstre sans cœur qu'elle avait d'abord pensé qu'il était, mais de là à dire qu'il pouvait faire preuve de tendresse... En quelle occasion pouvait-il le démontrer s'il gardait perpétuellement une distance exagérée avec tous ses congénères au nom d'une supposée pureté d'âme et d'esprit ? Ombeline reconnaissait tout de même être un peu dure envers lui : ne l'avait-il pas étreinte sans hésiter après cette terrible journée d'invasion ? Et il s'était aussi montré bienveillant et plein de douceur lorsqu'elle était convalescente au temple, fiévreuse et le dos lacéré de coups. Oui, elle n'était sans doute pas très honnête avec lui, mais il était si divertissant de le voir s'indigner et se défendre tout en rougissant ! Les Trois la pardonnent.

La suite lui fit souffler un rire par le nez lorsqu'elle entendit revenir l'éternelle complainte à propos de son métier peu reluisant. Elle n'était peut-être pas la mieux placée pour parler de mariage (quoi que...) mais pour ce qui était de l'amour elle se targuait d'être largement plus experte qu'un petit prêtre réfractaire aux sentiments romantiques.
Pour toute réponse à cet air renfrogné qu'elle devinait sans aucun mal sur le visage du prêtre, la jeune femme piqua un baiser sur sa tempe avec un sourire amusé. Il prenait si facilement la mouche qu'elle ne se laissait jamais de le taquiner.

Allons allons, ne t'emporte pas pour si peu. C'est bien triste de ne jamais laisser personne t'approcher assez pour lui faire une petite place dans ton cœur si plein de lumière divine, mais je suppose qu'une harpie dans mon genre n'arrivera jamais à te convaincre du contraire, le nargua-t-elle en encore un peu avant de reprendre plus de sérieux. Puisque tu ne veux pas parler d'histoires d'amour et de mariage, et puisqu'il est hors de question d'aborder le sujet de la chair, laisse-moi te parler un peu de la Balsamine.

Il y avait du bruit dans la grande salle, personne ne leur prêtait attention et un groupe de quatre nouveaux miliciens entra à cet instant, ajoutant de nouvelles voix à l'atmosphère joyeuse et un peu avinée. Ombeline savait d'expérience qu'aucune oreille indiscrète ne surprendrait leur échange.

Comme je te le disais, toutes les chambres ne sont plus occupées depuis que la Fange a emporté mes amies. Il reste quand même quatre filles : Manon, Clothilde, Fleur et moi-même. Manon c'est la petite blonde avec les joues roses qui se pavane dans une jolie robe jaune. Elle ne passe pas souvent la nuit avec un client mais elle attire du monde. C'est une vraie bêcheuse mais je la vois mal lancer des malédictions.

La jeune fille en question se trouvait dans leur champ de vision, un peu plus loin, entourée de trois hommes assez jeunes qui semblaient essayer d'attirer son attention à tour de rôle. Un jeu plutôt innocent quoi qu'il soit plutôt évident que le gagnant qui s'attirerait ses faveurs payerait pour une passe. Elle riait fort mais avec une certaine élégance et rayonnait d'une jeunesse que même son métier n'avait pas encore écorné.

Fleur est brune, un peu plus commune, mais il n'y a pas plus gentil sur cette terre. Tu la reconnaitras peut-être, elle va très souvent au temple pour prier ou faire des offrandes. S'il y en a une que les Trois devraient sauver dans ce bordel, c'est elle... ajouta la jeune femme avec un sourire un peu plus triste.

L'intéressée faisait des allers-retours entre les tables avec un plateau et adressait un mot gentil à chacun de ses clients. Désormais doyenne de la Balsamine, on devinait quelques cheveux blancs discrets dans la masse brune de sa crinière soigneusement coiffée et malgré une robe aussi modeste et ouverte que celle de ses comparses, elle portait en évidence une petite amulette des Trois autour du cou.

Enfin Clothilde, qui ne devrait pas tarder à se montrer. Elle a beaucoup de clients très réguliers, elle est très belle. Sous ses airs dédaigneux c'est une bonne personne et elle m'a beaucoup aidé lorsque j'étais enfant. Ça ne m'étonnerait pas qu'on l'accuse d'être une sorcière juste par jalousie mais je suis certaine que tu ne trouveras rien qui puisse l'inculper, affirma-t-elle en hochant la tête avec conviction. Et puis il y a moi. Tu as déjà ta petite idée à mon sujet et ma chambre sera la plus facile à fouiller.

Ce fut à son tour de serrer les mains de Cesare. N'ayant rien à se reprocher, elle ne voyait aucun inconvénient à ce qu'il passe sa petite chambre au peigne fin si le cœur lui en disait. Quant aux autres filles, elle n'avait pas de doute à propos de leur innocence. Si quelqu'un essayer de jeter le discrédit sur l'établissement ou de faire enfermer une ancienne maîtresse qui l'aurait boudé, l'excuse de la sorcellerie était bien pratique, mais Ombeline ne laisserait pas les choses se faire sans y mettre son grain de sel.
Se penchant à l'oreille de son compagnon, elle le mit en garde à voix basse :

À l'entrée des escaliers il y a Justin, notre molosse de garde. Il n'en a pas l'air mais il garde un œil à la fois sur la salle et sur les chambres alors ne te fais pas prendre parce que je l'ai déjà vu mettre trois miliciens au tapis à lui tout seul.

Un seul chien de garde pouvait paraître peu mais il était efficace dans son travail, c'était indéniable. La jeune femme doutait qu'il se montre vraiment violent avec un client qui ne faisait pas mine de rendre les coups, et elle se garda bien de dire qu'elle interviendrait immédiatement si les choses tournaient au vinaigre car il valait mieux que Cesare prennent trop de précautions que pas assez.
Elle s'écarta assez pour désigner du menton l'assiette qui attendait toujours devant eux et lui offrit même un peu d'espace personnel en se levant pour prendre place sur la chaise juste à côté.

Mange donc, je n'arrête pas d'entendre ton estomac grogner et tu me fais de la peine. Entraîne-moi à l'étage quand tu auras terminé, comme ça tu pourras commencer ta petite enquête.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyJeu 28 Mai 2020 - 17:26
Ce n’était pas si mal.

Oui, cet endroit ne transpirait pas la sueur et le stupre à chaque inhalation imprudente. Les « amies » d’Ombeline n’avaient pas cette apparence de sirènes drapées de bijoux outrageux mettant en valeur leurs atouts, la nourriture servie n’était pas un mélange douteux de drogues et aphrodisiaques et la clientèle … ne montrait pas les signes presque caricaturaux de maladies corruptrices rongeant leur peau et leur dentition. Pour une première impression, Cesare était surpris que son imagination lui fasse défaut. La ruche de l’hédonisme ne différait pas énormément d’une auberge digne de ce nom, bien qu’il se doutât que ce n’était que façade et que, au-dessus de sa tête, des acrobaties indécentes étaient à l’œuvre. Sa vigilance n’en était que plus éveillée. Un exploit pour certains malabars qui jalouseraient sa position actuelle, et pour cause.

Le contact fugace des lèvres de sa complice sur sa tempe eut l’effet d’un artifice, ébranlant un instant sa concentration spartiate.

« Me convaincre est une entreprise bien trop dure avec quelqu’un de ma conviction, mais je serais un piètre menteur si je ne ressentais pas de l’amusement à chacune de nos joutes verbales. »

Mais l’heure n’était pas aux débats philosophiques. Comme de bons stratèges, il fallait développer des tactiques pour surprendre l’ennemi, le prendre à revers. Cela nécessitait de connaître aussi bien le territoire que les habitudes de l’ennemi. Bon, peut-être que l’utilisation de termes militaires donnait à leur conversation un aspect bien martial qui ne laissait rien présager de bon, cependant notre apprenti chasseur de sorcières avait la sensation étrange d’être au bon milieu d’un champs de bataille où les tranchées étaient des chambres de sauteries débauchées et où l’ennemi était aussi discret et mystérieux que le plus sournois des espions. On pourrait dire que c’est un excellent exercice pour l’obéissant soldat qui escomptait devenir leader, si l’exercice en question n’avait pas des risques insensés à en juger par l’état de la toute dernière victime de magie noire. Les balbutiements délirants du jeune noble résonnaient encore dans sa tête, hérissant la chevelure de sa nuque.

Cesare fixa tour par tour les femmes de profession qu’Ombeline décrivait, passant une main sur son menton d’un air pensif. Détrompez-vous, il ne se perdait pas dans les avantageuses expositions de corps que ces lubriques dames pavanaient avec insolence, mais il devait reconnaître qu’elles n’avaient pas de traits trahissant une quelconque affiliation aux forces de la ruine et de la damnation. Elles semblaient toutes … innocentes. Etrange.

« Je ne peux accuser tes amies d’un simple regard. Elles ont l’air d’être de braves filles, en particulier la jeune Fleur. Qu’il est regrettable de voir des jeunes âmes réduites à une chose aussi superficielle … Quoi qu’il en soit, je ne pourrais avancer dans cette enquête qu’en vérifiant leurs chambres. J’essayerais d’éviter l’ire de votre garde, loin de moi l’idée de me faire tabasser comme le dernier des soudards. »

Quand elle lui proposa de se restaurer avec son propre repas, un sourire reconnaissant éclaira les traits concentrés du prêtre qui n’hésita pas, la faim ayant le dessus sur sa réticence naturelle.

« Bénits sont ceux qui sauvent un fidèle de la faim et de la soif. »

Sa façon de manger reflétait fidèlement sa propre personnalité : il mangeait avec retenue, lentement, chaque bouchée semblant être une prière qu’il mastiquait avec révérence et calme. Minutieux, peut-être machinal aussi. Un petit hochement de tête cependant dévoila qu’il appréciait la gastronomie de l’établissement. Le cuisinier devait jouer un rôle indéniable pour attirer la clientèle.

Un gloussement attira son attention. Une femme avait fait son entrée dans l’édifice, retirant sa cape avant d’aller rejoindre une des filles qu’elle aborda sur un ton assez familier et amical pour qu’il devine qu’elles se connaissaient. Fronçant des sourcils, il reposa son écuelle et pianota du bout des doigts la table, visiblement confus.

« Ombeline ? J’ai peur de la question que je m’apprête à te poser, mais est-ce que votre clientèle se résume à plus que des hommes ? Le vice est-il poussé aussi loin que partager la couche d’une personne du même sexe ? »

Ce serait scandaleux, assurément ! Mais cette révélation pouvait aussi lui donner une nouvelle piste à explorer. Si réellement l’héritier du châtelain de Blanchemuraille avait été frappé par une femme et non un démon, il ne serait plus surprenant d’imaginer qu’une sorcière pouvait aisément passer d’un bordel à l’autre pour semer les graines de la discorde. Une hypothèse quelque peu sauvage et sortie de nulle part, mais son instinct lui criait que cette possibilité pouvait bien être la clé d’un coffre recelant bien des révélations obscures. Une boîte de Pandore qui pourrait bien coûter cher au duo invétéré. Entre ça et découvrir que l’adultère était poussé à des extrémités impensables … s’en était bien trop à digérer pour notre héros tragique qui repoussa son écuelle, son estomac définitivement noué par un esprit rongé par la méfiance.

« On devrait y aller. Plus je m’attarde ici et plus j’ai l’impression que quelque chose de monstrueux nous guette et nous nargue. Mes soupçons commencent à prendre une ampleur calamiteuse »
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyDim 31 Mai 2020 - 15:32
Ombeline fut heureuse d'apprendre que son sévère compagnon n'était pas aussi prompt à juger au premier regard qu'elle ne l'avait pensé. Il reconnaissait volontiers ne pas être en mesure d'accuser les filles de la Balsamine simplement en les jaugeant à vue et la jeune aveugle reprit un peu espoir : elle n'oubliait pas que son objectif premier était d'innocenter ses amies et de laver le nom de son établissement.

Laissant le prêtre profiter de son repas avec un sourire amusé par cette rapide bénédiction qu'il lui dispensait, la caractérielle demoiselle réfléchissait rapidement à ce qui pouvait conduire quelqu'un à accuser une prostituée. Si la victime de cette malédiction n'était plus en état de parler, peut-être un membre de sa famille profitait-il de l'occasion pour ternir l'image du bordel ? Un père fatigué des frasques de son fils ou une fiancée vexée ? Cesare ne lui avait pas expliqué en détail comment il en était venu à suspecter la Balsamine d'être un nid de sorcières, mais quelqu'un avait forcément vendu la mèche auparavant. Malgré tous ses défauts et sa tendance parfois inquiétante au zèle en matière de pratiques religieuses, le prêtre n'était pas une mauvaise personne et Ombeline refusait de croire qu'il ait immédiatement pointé la Balsamine du doigt en entendant parler de sorcellerie. On l'avait forcément mis sur la piste au préalable et cette personne était soit parfaitement ignorante du mal qu'elle pouvait causer, soit au contraire tout à fait consciente de son acte. Par habitude sans doute la jeune femme envisageait plus la seconde option. Les catins ne se font pas beaucoup d'amis chez les bonnes familles bien pensantes.

Interrompue dans le fil de sa pensée par une question de son comparse, la donzelle fut prise de court et ne put articuler qu'un "euh..." d'hésitation tandis que son teint prenait une coloration plus soutenue. Elle n'avait pas honte de grand-chose, mais il était certains vices qu'elle-même ne pouvait avouer ouvertement sans ressentir une pointe de culpabilité. Immédiatement elle songea à Irène et redouta de la trahir si elle en disait trop. Elle savait bien que c'était aller contre la volonté des Trois que de s'abandonner aux bras d'une personne du même sexe, mais elle aimait sincèrement la compagnie de la comtesse et leurs échanges réguliers. Plus qu'une cliente un peu originale, Irène avait une place toute particulière aux yeux d'Ombeline : elle était belle, bienveillante, attentionnée, elle avait même proposé de donner des leçons de chant et de danse. Il n'était pas envisageable un seul instant de trahir la confiance et les secrets d'une personne si bonne. La jeune femme se contenta donc de hocher vaguement la tête.
Heureusement, elle n'eut pas besoin de développer son propos car l'ascète demanda à quitter les lieux immédiatement, mis mal à l'aise par la perspective d'une telle débauche sans doute. Retrouvant toute sa contenance, Ombeline chassa de ses pensées le moindre souvenir trahissant la profondeur de son propre déshonneur et se leva pour contourner la chaise de son comparse.

Viens, suis-moi.

Elle l'invita à prendre sa main et serra ses doigts brièvement en l'entraînant à sa suite vers les escaliers. Justin les regarda passer du coin de l'œil avant de revenir à sa surveillance de la salle, ne leur prêtant aucune attention. Ce spectacle lui était trop familier pour qu'il s'en émeuve.
L'escalier était large et montait jusqu'à un couloir couvert d'un côté sur la salle en contrebas, donnant de l'autre sur plusieurs pièces fermées. Sans hésiter, la jeune femme s'avança vers la porte la plus proche et en poussa le battant pour entrer la première et refermer derrière son invité.

La chambre d'Ombeline n'était pas la plus grande ni la mieux meublée, mais elle était sienne depuis si longtemps qu'elle l'avait décorée de quelques éléments la rendant particulière : une couverture rouge couvrait le lit aux draps fatigués, une petite table bancale et une chaise servaient de coiffeuse où un peigne et quelques rares produits cosmétiques reposaient, un délicat mobile fait de morceaux de verre teintés était suspendu près de la fenêtre par laquelle la lumière entrait en journée et un paravent en tissu dans un coin de la pièce créait un espace à part. Kornog, sortant à peine de sa sieste, passa son gros museau derrière le paravent pour jeter un œil au nouveau venu et le flairer à sa guise. Il ne lui fallut qu'un instant pour se remémorer le triste épisode de leur première rencontre au Temple et se mettre à grogner.

Hé là, tout doux mon chien ! fit la jeune femme en se penchant vers lui pour lui caresser le cou. C'est un ami maintenant, tout va bien.

Apaisé par le ton calme de sa maîtresse et les caresses, le molosse baissa la tête et s'approcha du prêtre pour l'inspecter avec beaucoup de minutie. Il semblait prendre très à cœur son rôle de gardien et comptait s'assurer que cet hurluberlu ne représente aucun danger.
Ombeline ne dissimula pas l'amusement que cela lui procurait de voir son chien jouer les inspecteurs à sa manière.

Voilà ce que l'on gagne à gronder les gens à la première rencontre. Laisse-le faire, il ne mordra pas. Tu pourras examiner tous les recoins de la pièce quand il sera lassé de te tourner autour.

Laissant Kornog et Cesare devenir les meilleurs amis du monde, la fleur de trottoir se dirigea vers la grande armoire contre le mur et en ouvrit une porte. L'intérieur était assez peu garni mais visiblement organisé de manière à ce qu'elle trouve toujours les mêmes choses aux mêmes endroits. Choisissant au toucher une des deux robes qui était repliée sur une étagère, elle laissa les portes ouvertes pour que le prêtre fasse son inspection à loisir. En dehors de quelques dessous de vêtement en lin, des draps usés et des guêtres en laine pour l'hiver, il n'y trouverait rien de suspect.
Elle déposa la robe sur le lit et s'assit à côté, l'air d'attendre.
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MessageSujet: Re: Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline]   Malleus Maleficarum ♠ [Ombeline] EmptyJeu 10 Sep 2020 - 17:09
Ce monde était décidément condamné, c’était les pensées préliminaires qui obscurcissaient l’esprit de notre vertueux héros tandis qu’il suivait Ombeline à travers les escaliers, indifférent de son entourage et emprisonné dans de noires contemplations sur la décadence croissante d’une humanité ingrate et du chemin toujours lointain et exponentiel de la pénitence. Quand il pensait qu’il souffrait maints maux en versant son sang pour implorer les divins d’épargner leurs misérables existences, juste pour découvrir avec amertume que ses « protégés » pensaient plus à briser chaque sceau retenant le jugement céleste qui est prêt à achever les miettes éparses de l’humanité. Cesare était le capitaine d’un navire coulant, utilisant une écuelle pour rejeter l’eau grimpante hors du bastingage tandis que son équipage se mutinait contre lui. Folie.

Pas étonnant qu’on suspecte la Balsamine d’être un nid de sorcières quand pareilles pratiques outrageuses étaient non seulement tolérées, mais encouragées. Quelle affliction pouvait bien grignoter la cervelle de ces malheureux manants pour qu’ils puissent trouver du plaisir dans quelque chose d’aussi contrenature, une anomalie de l’existence même, un sacrilège à la vie et à l’ordre des choses ? C’était au-dessus de ses interprétations religieuses, un mystère qui ne pouvait être expliqué que par les fils tirés par quelques entités sordides et malveillantes. Serus devait s’en mordre les doigts tant cette déviance était une insulte à tous ses préceptes.

Pénétrant la chambre sommaire mais mille fois plus luxueuse que celle de Cesare, ce dernier essaya de se concentrer à nouveau sur sa mission plutôt que sur cette nouvelle source d’irritation profonde. Il semblait que le fugace moment où le prêtre avait éprouvé un peu de compassion pour cet endroit s’était volatilisé pour laisser place à son ancienne hostilité. Or, ce n’était certainement pas l’apparition du damné molosse de sa partenaire qui allait arranger les choses. La bête était aussi imposante que dans ses souvenirs, cette nuit fatidique où son train de vie monotone mais tranquille allait être bousculé par la foudre indocile qu’était Ombeline. Le chien semblait aisément le reconnaître à en juger par son grognement menaçant. Rancunière, la bestiole !

« Au pied, sauvage ! Tu devrais lui mettre une laisse, il risquerait de gober dans sa gueule béante les indices que je cherche. »

Ils étaient loin d’être les meilleurs amis du monde, ça sautait aux yeux. Quoi qu’il en soit, le pratiquant était enfin prêt à se lancer dans sa recherche intensive des marques impies que pouvait laisser un agent du mal, pour peu que l’imposant chien ne traîne pas entre ses pieds.

« Hm. »

L’index et le majeur emprisonnant son menton, l’apprenti chasseur de sorcières commença à visualiser toutes les directives qu’il avait consulté dans les anciens documents écrits par la plume des inquisiteurs les plus zélés et des vétérans les plus implacables. L’étape la plus délicate n’était pas de soutirer les révélations de la bouche sanguinolente d’une païenne, mais de trouver les traces de ses exercices. Il tournait lentement autour de la petite pièce, tâtant de temps à temps sa périphérie, scrutant le bois du plancher à la recherche d’un cheveu, d’un sigil, fourrant ses mains au plus profond des robes et tissus pour en extirper quelques sceaux ou autres catalyses.

Spoiler:

Sans succès. Soit Ombeline avait été épargnée par la malveillance de la jeteuse de sorts, soit elle était infiniment plus douée que lui dans l’art de la dissimulation. On racontait que les plus talentueuses servantes des démons pouvaient rendre invisibles les artifices les plus complexes, créant le « parfait piège ». Une perspective terrifiante, il espéra donc que ce n’était pas son flair qui lui faisait défaut et qu’il condamnait sa complice à un sortilège néfaste. Après avoir exploré le dessous de la couche de la fleur de trottoir, il arriva à la conclusion qu’il ne trouvera rien que l’œil humain ne pouvait apercevoir. Soupirant par les narines en glissant ses doigts le long de sa chevelure, il ne remarqua pas que cette dernière était en bataille tant il s’était effréné dans ses fouilles aussi véhémentes que celles d’un pirate dépouillant un coffre enterré. Cesare ne laissait que rarement ses cheveux libres, considérant ceci comme une forme de rébellion à son mode de vie stricte et rigide.

« Je crois que ton chien a effrayé la sorcière. Qui oserait t’approcher avec un garde aussi loyal ? Bon, je dois avouer que je suis soulagé de ne rien trouver dans ta chambre. On va devoir visiter tes amies. »

Posant ses mains sur ses hanches, il baissa la tête pour fixer le plancher, comme si ce dernier allait peut-être lui révéler quelques secrets qui pourraient faciliter sa quête, mais il ne rencontra qu’un long et plat silence. Tapotant du bout du pied, il se mit à donner un compte rendu de ses propres pensées à voix basse.

« Le noble qui a été victime de démence a bien été ensorcelé, les preuves sont irréfutables. On sait que sa dernière visite était à la Balsamine, mais ce serait très inconscient de la part de la sorcière de ne pas couvrir ses traces. Peut-être qu’elle essayait d’attirer notre attention ici exprès, tandis qu’elle agit ailleurs … non, pas de conclusions hâtives. Ceci dit … »

Se rappelant l’étrange mélange de feuilles qui avait constitué le sac de cuir retrouvé dans la poche du jeune Baldur, il se rendit compte qu’il fallait des connaissances poussées en botanique et autres arts des plantes pour mettre au point cette mystérieuse alchimie. Des connaissances qu’une prostituée ordinaire ne pouvait se permettre de détenir, la profession demandant bien trop d’investissement physique pour qu’elle puisse allait apprendre à mélanger les plantes.

« Dis-moi Ombeline. Tes amies n’ont pas de connaissances en érudition ou dans une autre … profession, non ? Tu les connais mieux que quiconque, tu sais si l’une d’entre elles fréquente un herboriste ou quelqu’un de relativement sage ou savant ? »
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