Une visite au Chaudron

Le 21 décembre 1166

Je pense que comme toute chose, la reconnaissance a des limites. Je sais bien que Marguerite l'ancienne herboriste a des contacts un peu partout, puisque plus d’une fois, elle a rendu des services en soignant des gens peu recommandables, mais de là, à l’aider à aller dans le Chaudron, il y a un sacré pas à franchir ! En plus, je ne connais rien du commanditaire, tout ce que je sais, c’est que l’on m’a demandé de l’aider et lorsque j’ai trouvé la jeune femme, elle m’a tranquillement indiqué que je devais la ramener dans son ancienne boutique afin de récupérer quelques biens.

Je me demande ce qu’il y a assez de valeur pour risquer ainsi la vie de deux personnes. Mais la mission est très bien payée et l’on m’a assuré que les gardes situés à une certaine porte nous laisseraient passer, j’imagine donc qu’il s’agit que son « protecteur » est soit un membre influent de la pègre, soit fait partie de l’entourage du Roi.

J’ai même reçu un plan du quartier pour m’aider dans mes recherches, ce qui en plus des souvenirs de Marguerite pourrait m’aider, même si cette dernière n’a pas l’air très intelligente la pauvresse, la perte de son gagne-pain et des gens qu’elle devait connaître semble l’avoir beaucoup affecté. Je devrais être comme cela quand j’ai perdu mon domaine avec les serviteurs que je connaissais depuis mon enfance, mais je me suis repris ce qui ne semble pas être son cas.

Comme je dois emmener l’ancienne apothicaire avec moi et que je veux la protéger un minimum, pour éviter qu’elle me claque entre les doigts, je l’emmène dans une boutique où je suis sûr que je ne serais pas reconnu. Je jette mon dévolu sur une simple échoppe, où j’entre avec elle, dans la pièce principale, il y a des établis avec tous les outils nécessaires du bon cordonnier ainsi que des étagères au mur avec des morceaux de cuir de différentes tailles et de différentes couleurs.

Il y a également des portes manteaux où pendent des vestes, des ceintures et des lanières. Tout au fond se trouve un petit comptoir où je me dirige et frappant sur le meuble, je demande d’une voix forte :

Il y a quelqu’un ici ?

Je ne sais pas si j’ai entendu et alors que j’allais renouveler mon appel, Marguerite me demande :

J'ai vraiment besoin d’une armure pour me rendre au Chaudron ?

Ce n’est pas possible d’être aussi bête et je lui dis d’un ton autoritaire :

Personne n’a besoin de savoir où nous allons, alors tais-toi pour l’amour des Trois !

Depuis la mort de Baruk, Kalam a repris la boutique de son maitre. Entre les commandes, les papiers à remplir et les fournisseurs qu’il faut convaincre de continuer à livrer les peaux à tanner, le jeune homme n’a plus de temps pour lui. Mais après deux mois de travail sans relâche, il commence enfin à voir le bout du tunnel. Il va pouvoir s’offrir un peu de temps libre et vaquer à ses occupations. Cela fait un moment d’ailleurs qu’il n’a plus accepté de « contrat ». Cela pourrait lui faire du bien de se changer les idées en assassinant quelqu’un. Et puis, il n’a pas oublié la promesse qu’il s’est faite après les incidents survenus pendant le couronnement du Duc. Il a toujours l’intention de se rendre dans le Chaudron. Il garde un mince espoir de retrouver ses anciens amis de la rue, malgré tous les mois qui ont passés depuis. Il faut juste qu’il attende le bon moment pour y aller.
Il se rappelle être descendu dans les égouts afin d’accéder au désormais quartier maudit mais les membres de la guilde des voleurs lui ont interdit l’accès, prétextant que pour le moment, ils ne laissaient passer personne. Il se dit que peut-être maintenant le moment est venu de tenter sa chance à nouveau ou de trouver un autre moyen d’y accéder.
Perdu dans ses pensées, il ne s’aperçoit pas qu’un client potentiel vient de rentrer dans sa boutique. Tout occupé qu’il est à tanner du cuir dans l’arrière-boutique, il n’entend pas les voix résonner près de son petit comptoir. Il s’arrête et passe la tête pour entendre la fin d’une phrase qui attire tout bonnement son attention, « me rendre au Chaudron ». Il est d’abord surpris mais se reprend très rapidement en voyant le grand gaillard qui accompagne la jeune demoiselle qui vient de prononcer ces paroles. Serait-ce un signe envoyé par Ethiol pour lui signifier qu’il peut désormais se rendre dans le Chaudron ? Il sort de l’arrière-boutique, accompagné de son sourire de circonstance : - Bienvenue monsieur et madame. Que puis-je faire pour vous ? Puis tout bas, il ajoute : - J’ai entendu que vous vouliez vous rendre dans le Chaudron. Est-ce vrai ? Si c’est le cas, vous avez sonné à la bonne porte. Si ce n’est pas le cas, avec un sourire, et bien, vous n’avez rien entendu. Mais je serais dans l'obligation de vous tuer, pense-t-il, tout en gardant son sourire.

Je viens juste de sermonner Marguerite quand un homme débarque de l’arrière-boutique, sans doute le propriétaire ou le gérant. Je prends un peu de temps pour bien l’observer, vêtu d’un simple tablier en cuir, il ne paye pas de mine avec ses cheveux attaché et je pense que j’aurais pu l’oublier dans la seconde si je n’avais pas été surpris par ses yeux très durs, comme si le monde ne lui avait pas fait de cadeau et qu’il lui rendait bien.

Lorsqu’il nous adresse la parole, ce n’est pas nous demander ce que nous voulons acheter, mais pour nous indiquer de manière bien peu subtile qu’il nous a écouté et que nous sommes au bon endroit. Je me demande bien ce qu’il veut dire par là, car nous sommes entrés par hasard dans sa boutique. J’ai maintenant plusieurs choix, le plus simple, le plus expéditif serais de le tuer maintenant, mais cela risque de faire du bruit et les miliciens sont toujours présent au moment endroit et au mauvais moment.

La seconde serait de le menacer ou de le soudoyer, mais on n’est jamais sûr qu’il ne va pas changer d’avis une fois que j’aurais le dos tourné et qu’il va nous dénoncer, enfin la troisième est de lui faire confiance pour lui parler de notre projet, car c’est lui qui est venu vers nous. La plus prudente et qui me permet de voir venir est la dernière, c’est pourquoi je lui réponds en souriant :

Vous avez raison, nous allons bien dans le Chaudron, mais je ne vois pas très bien en quoi vous pouvez nous aider.

Je le regarde plus sérieusement et je lui indique :

Nous n’avons pas besoin d’un passeur, car tout est déjà prévu.

Je l"examine ensuite de la tête aux pieds avant de conclure :

A moins que vous ne soyez plus qu’un simple tanneur, car sans vouloir vous offensez, je n’ai pas besoin d’une personne à protéger supplémentaire.

Je le laisse donc me répondre, puis j’enchaîne sur le but initial de ma visite :

Je cherche une veste de cuir pour cette femme, elle doit rentrer et sortir en bonne santé et comme elle ne peut pas avoir une armure de plaque comme la mienne, et qu’elle ne sait pas non plus se servir d’une arme, c’est la seule solution que j’ai trouvée.

L’ancienne apothicaire prend la parole et m'indique :

Je peux toujours...

Je me retourne vers elle, lui disant d’un ton sans réplique :

Tais-toi et reste à ta place.

Elle ferme sa boîte à camembert d’un coup et j’apprécie le silence, car protégé ou non, elle a vraiment une voix de crecelle.

Bien qu’il commence à sentir une légère douleur au niveau des zygomatiques, Kalam garde son sourire de circonstance. Il observe les deux nouveaux arrivants. Le grand gaillard, malgré sa carrure, ne l’impressionne pas. Il en a déjà zigouillé des plus costauds que lui. De toute façon, se dit-il, on est tous égaux avec une dague plantée dans le dos. Il sourit intérieurement. Puis il regarde la jeune femme à ses côtés. Son visage lui dit quelque chose. Kalam est persuadé de l’avoir déjà rencontré quelque part. Mais où ? Soudain, ses yeux s’illuminent. L’apothicaire ! Mais oui ! L’apothicaire dans le Goulot ! L’assassin se rappelle être entré dans sa boutique lorsqu’il était encore un jeune adolescent. La lame d’une dague lui avait effleuré les côtés, laissant une jolie cicatrice. La jeune apothicaire avait bien voulu le soigner sans rien demander en retour. Apparemment elle ne l’a pas reconnu. Tant mieux.
Tout en repensant à ses années dans le Goulot, Kalam n’en oublie pas pour autant d’écouter le colosse lui répond. Il réplique avec calme et sérieux : - Vous allez donc bien dans le Goulot ? Voilà qui est intéressant. Enfin je veux dire dans le Chaudron. J’ai encore du mal avec cette nouvelle appellation. Il s’arrête comme s’il réfléchissait à ce qu’il allait dire : - Ne vous inquiétez pas pour moi, je connais les rues de ce bas-quartier comme ma poche. J’y ai vécu pendant toute mon enfance. Il observe l’apothicaire afin d’y déceler une quelconque lueur de reconnaissance dans ses yeux. Puis il continue : - Et je ne suis pas qu’un simple tanneur, j’ai un certain talent, qui je pense, vous sera utile dans un endroit comme celui-ci. Cette fois, il s’attarde sur le colosse afin d’observer sa réaction. - Je ne vous cache pas que cela fait un moment que je désire me rendre dans cet endroit. Donc si vous voulez que je vous accompagne, je pourrai vous guider à travers les ruelles. Je connais tous les raccourcis. Et en contrepartie, vous pourrez m’aider à retrouver mes compagnons d’enfance. Enfin ceux qui sont encore en vie.
L’assassin est coupé dans ses pensées par le colosse qui lui demande une veste de cuir. Il répond derechef : - Oui bien-sûr, j’ai ce qu’il vous faut. Laissez-moi juste quelques instants. Il se dirige vers le mur où pendent des vestes et toutes sortes de vêtement en cuir. Il se retourne afin d’observer la carrure de la frêle jeune femme et choisit une veste adéquate. Pendant qu’il cherche, il entend le colosse réprimander l’ancienne apothicaire et la rabaisser plus bas que terre. Suite à ses mots, le visage de l’assassin se ferme, il devient mauvais. Il reste dos au couple, les poings serrés et respire un grand coup afin de faire passer sa colère. Il déteste entendre un homme parler ainsi à une femme, cela lui rappelle son père. En prenant la veste, il met la main dans la poche de son tablier et sert justement le couteau qui lui a permis de trancher la gorge de son paternel. Le calme revient en lui. Il se dirige à nouveaut vers son comptoir et tend la veste en cuir à la jeune femme. - Tenez je vous l’offre. En échange de service rendu. Elle provient d’un cadavre. J’espère qu’il n’y a plus de sang dessus.

Mon interlocuteur ne se démonte pas et m’indique qu’il connaît bien le quartier et qu’il a des compétences cachées. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne pense pas qu’il s’agit de poterie ou l’écriture de poésie, mais quelque chose de plus dangereux.

Je l’écoute sans l’interrompre et il m’informe qu’il souhaite se rendre au Chaudron, mais sans nous dire la raison de sa petite visite. Je me doute bien qu’il ne s’agît pas d’un hobby, mais malgré moi, je suis un peu curieux de savoir pourquoi il risque sa vie ainsi. J’en saurais sans doute plus si j’accepte qu’il nous accompagne, car il émet de sérieux arguments, si vraiment, il connaît des raccourcis, nous allons pouvoir gagner un temps précieux.
Pendant que je réfléchis, il offre à Mathilde une veste en cuir, ce qui est une bonne chose et en plus quand elle l’essaye, elle lui va parfaitement. J’ai donc affaire à un véritable marchand et le mystère s’épaissit. Finalement, il faut bien que je prenne une décision et je lui indique simplement :

C’est d’accord, si tu es prêt nous pouvons partir dès maintenant, il est encore tôt et de toute façon, je ne compte pas m’attarder plus longtemps que nécessaire, impossible d’y rester la nuit.

Les ténèbres et l’obscurité sont les domaines des Fangeux et il est impossible de les combattre dans leur environnement, je compte faire un trajet éclair et ne m’attarder en aucun cas. D’ailleurs, pendant qu’il se prépare, je l’informe du but de ma mission :

Nous allons dans l’ancienne boutique de l’apothicaire, on reste quelques minutes sur place, puis on décampe. Ce n’est pas une mission pour se venger contre des goules au cas où tu aurais cette idée, mais une simple tâche de récupération, tu as bien compris ?

J’attends sa réponse, puis je lui indique :

Tu n’as plus qu’à nous suivre, j’ai rendez-vous dans une rue, à la frontière entre Le Goulot et le Chaudron, il faudra entrer dans une maison, habituellement tenue pas des miliciens dont pas un ne nous arrêtera, il faudra alors soulever une lourde barre en bois fermant une porte. Je te conseil de ne pas nous doubler, car pour le retour, ils n’ouvriront qu’à moi.

Si je reviens seul ou que Marguerite est blessée, je sais que je perdrais beaucoup dans l’affaire, raison pour laquelle je veux la protéger. À l’inverse, personne ne va pleurer la vie d’un artisan, alors si ce dernier essaye de faire le malin en me donnant un coup de poignard dans le dos, il faut qu’il en connaisse les conséquences.

Si mon interlocuteur est d’accord avec toutes mes conditions, nous pouvons quitter la boutique et commencer notre aventure.

- Maintenant ?! Kalam ne s’attendait pas à partir si rapidement. Cependant il ne peut pas laisser passer une telle occasion de se rendre dans le Chaudron. Depuis le temps qu’il attend. - Très bien. Laissez-moi juste le temps de fermer la boutique et je suis à vous. Je pense que tu as raison, il ne vaut mieux pas rester trop longtemps sur place. Il se lève et commence à ranger ses affaires, tout en écoutant le colosse. Puis il répond : - Ce n’est pas un problème pour nous rendre dans l’ancienne boutique de l’apothicaire, je sais exactement où elle se trouve. Et je ne suis pas assez fou pour tenter quoique ce soit contre les fangeux. Je te prie de croire que si on en croise, je ferai tout pour ne pas attirer leur attention. Donc tu peux compter sur moi, on récupère tes trucs, enfin les siens, dit-il en regardant Marguerite, - et on se bouge. Pas de problème avec ça. Et si on a le temps, on fera un petit détour avant ou après.
Il passe dans l’arrière-boutique afin de récupérer les clés. Il passe la tête dans l’encadrement et répond : – C’est bon à savoir ça. Mais t’as pas d’inquiétude à te faire là-dessus. Je te mettrai pas un coup de poignard dans le dos. On part à trois et on revient à trois. Ou à quatre, cinq... - Maintenant vous pouvez sortir et m’attendre deux rues plus loin. Je vous rejoins. Il part mais revient rapidement : - Mais avant, attends ! Tu sais dans quel endroit on va arriver dans le Chaudron ? Histoire que je me remémore les lieux et que je me fasse mon itinéraire. Comme ça, on ira plus vite jusqu'à la boutique.
Après que le colosse ait répondu, l’assassin attend que les deux soient sortis pour fermer la porte de la boutique derrière eux. Ensuite il file dans sa chambre et enlève son tablier. Il enfile des vêtements pour être plus à l’aise dans ses déplacements. Sa veste et ses jambières de cuir ainsi que son capuchon. Il range ses armes à sa taille et sort par la fenêtre. Arrivé sur la toiture de la boutique, il se déplace discrètement de toit en toit et parvient à se rendre deux rues plus loin, là où l’attendent le colosse et l’apothicaire. Il les rejoint. Ils peuvent tous les deux remarquer qu’il a changé d’apparence. Il baisse légèrement sa capuche pour montrer un bout de son visage et la remet immédiatement afin de rester dans l’ombre.
- Au fait moi c’est Kalam. Et toi ?

Je vois que mon interlocuteur est surpris par le délai que je lui annonce, mais il se reprend vite et accepte de nous suivre. Je l’écoute pendant qu’il se prépare et je suis rassuré lorsqu’il m’indique qu’il connaît le chemin et qu’il n’est pas suicidaire.

Nous quittons donc la boutique à sa demande et lorsqu’il me demande où l’on va débarquer, je réfléchis quelques secondes avant de lui répondre :

La maison est au trois rue des pendus, je suppose donc que va sortir au niveau du numéro cinq ou pas loin. La principale difficulté est qu’il risque d’avoir eu pas mal d’éboulement, aussi bien à cause du manque d’entretien que pour les matériaux pris dans les autres bâtiments lors de l’édification.

A l’époque, on avait fait aussi vite que possible pour complètement couper la zone contaminée des autres quartiers de la capitale, on n’a pas pris de gants et on avait fait au plus presser. Nous arrivons à l’endroit indiqué par le boutiquier et j’attends un peu, espérant que notre nouveau compagnon de voyage ne sera pas trop long. Je vois débarquer un autre homme, je mets un peu de temps à le reconnaître, tellement il a changé d’apparence.

Il est maintenant habillé en tenue de combat et pourtant assez souple pour ne pas gêner ses mouvements et il nous montre son visage au cas où nous aurions des doutes. Il se présente alors et je fais de même en lui indiquant simplement :

Je suis le chevalier Desmond de Rochemont.

L’apothicaire intervient alors avec sa voix criarde :

Et moi c’est Marguerite !

Je me retiens pour ne pas me boucher les oreilles tellement chacune de ses paroles me vrillent les tympans. Mais je dois rester concentré et je prononce un simple :

Allons-y.

Nous arrivons donc rapidement devant notre objectif et je dis au garde de faction devant la porte, le fameux mot de passe :

Le chien aboie mais la caravane passe.

Il hoche la tête et ouvre la porte. A l’intérieur, se trouvent cinq miliciens qui nous regardent d’un air curieux mais pas un ne fait le signe de nous arrêter, il y a juste le coutilier qui me demande :

Vous ne devriez pas être deux ?

Je hausse les épaules et je réponds à sa question par une autre question :

Qu’est-ce que cela change ?

Je le vois froncer les sourcils, mais il ne dit rien et nous emmène devant une porte en métal, fermé par une imposante barre et il l'a fait coulisser, m’informant :

A votre retour, on vérifiera si vous n’avez pas été blessé, si c’est le cas, inutile de revenir, car vous serez tué à vue. Le signal est de trois coups rapprochés quand vous souhaitez que l’on vous ouvre la porte.

Je hoche la tête et j’entre le premier, passant une sorte de petit tunnel et je fais ainsi mes premiers pas depuis bien longtemps, dans le Goulot.

- Ok ouais c’est bon, je vois où c’est. C’est parfait ! Les éboulis ne devraient pas nous poser trop de problème. Répond Kalam avant de filer se préparer. Il réfléchit au meilleur chemin à emprunter afin de se rendre le rapidement possible chez l’apothicaire. Au passage, il se dit qu’il va essayer de prendre quelques ruelles où il avait l’habitude de trainer lorsqu’il était plus jeune. Il pourra ainsi vérifier s’il n’y a pas une vieille connaissance ou deux qui trainent dans les parages. Je demande où ils sont tous passés. Est-ce qu’ils ont réussi à se sortir de là ?

Après avoir rejoint Desmond et Marguerite, Kalam reste silencieux. Il hoche simplement la tête lorsque les deux se présentent. C’est un chevalier ! J’y crois pas... Quelle chance ! Avec lui pour me couvrir, je ne pouvais pas rêver mieux pour m’aventurer dans le Goulot. Il remet sa capuche sur la tête et suit le grand gaillard à travers les rues de Marbrume.

Arrivé devant les gardes en faction, l’assassin a un léger mouvement de recul. Par habitude, il met la main à sa ceinture, prêt à dégainer sa dague de jet. En entendant le mot de passe, il reprend ses esprits et tente de le retenir. Il se demande d’ailleurs si le Chevalier a fait exprès de le dire à voix haute devant lui. Il avait l’air réticent à l’idée que je les accompagne. Il m’a même prévenu de ne pas lui jouer un mauvais tour. Et pourtant, il me fait assez confiance pour dire le mot de passe devant moi. Il doit certainement anticiper notre retour. Si quelque chose lui arrive, il veut s’assurer que Marguerite puisse revenir en lieu sûr. En tout cas, s’il est blessé, je ne me vois pas le transporter sur les épaules ou le soutenir pour avancer. Il devra se débrouiller tout seul.

En entrant dans le bâtiment, l’assassin observe les miliciens. Il n’est toujours pas rassuré. Il garde une main à sa ceinture.
Mais quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il aperçoit le Couturé. J’aurais dû m’en douter qu’il était dans le coup. Après que ce dernier ait fait une remarque à Desmond, Kalam baisse sa capuche pour montrer son visage. Étant un des Couteau du Couturé, il est rapidement reconnu. Il fait simplement un hochement de tête pour saluer le Maitre de la Guilde des Voleurs. Avec ses doigts, il lui fait également quelques gestes, discrètement, afin de lui signifier qu’il peut compter sur lui pour mener à bien cette mission.
Étant donné que le Couturé n’ajoute rien derrière, Kalam imagine avoir été compris.

Il le suit ensuite jusqu’à la porte en métal qu’il fait coulisser. Kalam ne répond rien lorsque le Maitre de sa Guilde les met en garde sur leur retour. Il est tellement pressé de retourner dans le quartier qui l’a vu naitre qu’il se dépêche de suivre Desmond et Marguerite qui s’enfoncent déjà dans le tunnel. Arrivé au bout et voyant de la lumière, il prend une inspiration et pose le pied par terre. Me revoilà à la maison. Enfin... après toutes ces années Il observe les alentours. C’est une vision chaotique qui s’impose à lui. Néanmoins la plupart des bâtiments tiennent encore debout malgré l’état de décrépitude avancé. Cependant Kalam retrouve facilement ses repères. Il passe devant : - Maintenant suivez-moi et faites-moi confiance. Ne vous inquiétez pas, on ne va pas se perdre. Il raffermi la capuche sur sa tête et avance légèrement courbé en longeant les murs. Il reste aux aguets. Au moindre danger, il sort sa dague.

Il prend des raccourcis mais également quelques ruelles sombres qu’il pourrait éviter. Cependant il s’est juré de revenir dans le coin pour voir s’il y avait des survivants. Pour le moment, il n’en voit aucun. Bientôt, il arrive en vue de la boutique de l’apothicaire. Il se retourne : - Nous y sommes presque. C’est droit devant.

Je suis vraiment inquiet, je pense même n’avoir jamais été aussi inquiet de ma vie, pourtant, je suis, à de très nombreuses reprises, sortit des remparts de Marbrume mais c’était toujours à l’extérieur, le plus souvent à cheval et je pouvais toujours m’enfuir ou monter à un arbre, mais là, c’est différent. Je suis dans un endroit où peuvent facilement se trouver des milliers de fangeux et il suffit d’un bruit pour qu’ils rappliquent tous.

Je ne pourrais pas échapper à une telle horde et je me demande vraiment ce que je fais ici. J’ai beau me dire que je peux toujours sacrifier un de mes deux compagnons de voyage pour m’en sortir, en leur brisant les rotules par exemple afin de les offrir en sacrifice, je ne suis toujours pas rassuré.

Heureusement que nous avons notre guide qui nous permet d’utiliser des chemins assez ouverts et ainsi d’éviter les ruelles trop sombres. La dévastation est partout, avec des charrettes brisées, des squelettes épars et des vêtements éparpillé façon puzzle. L’attaque a dû être terrible et sans pitié, surprenant les gens dans leurs activités quotidiennes. Je vois bien ici et là quelques barricades, mais elles ont toutes été enfoncées, à cause de la force terrible des goules.

Marguerite semble aussi déprimée que moi et sursaute à chaque bruit, que ce dernier soit celui causé par l’envol d’un corbeau ou le grincement d’une porte battant au vent. Pourtant, son visage s’illumine quand Kalam nous indique que nous sommes enfin arrivés à destination. La boutique semble intacte et chose étrange, les volets et la porte sont fermés et paraissent en bon état.

Je fais donc signe à mes compagnons de voyage de s’arrêter, rendu méfiant pour toutes ces incohérences. Je dégaine ensuite mon épée et j’avance le plus silencieusement possible pour tester la porte, elle est fermée de l’intérieur, et sans aucun doute à l’aide d’une barre. Malgré ma tentative de discrétion, je n’ai pas réussi à passer inaperçu, car j’entends que l’on enlève le bout de bois qui bloque l’ouvrant et la porte s’ouvre d’un coup, laissant apparaître une femme d’une trentaine d’années qui semble aussi surpris que moi.

Toutefois, je ne la laisse pas reprendre ses esprits et je la pousse à l’intérieur, faisant signe à mes acolytes d’entrer, car rester plus longtemps à l’extérieur serait dangereux. Une fois que tout ce petit monde est à l’abri, je demande à notre squatteuse d’un ton ferme, qui appelle une réponse immédiate :

Qui es-tu ?

Voyant le soupir de soulagement ainsi que la lueur d’espoir dans les yeux de l’apothicaire, l’assassin sourit intérieurement. Cela ne lui arrive pas souvent d’apercevoir des mines réjouis lorsqu’il remplit un contrat. D’habitude, il ne voit même pas les yeux de sa victime lorsqu’il leur plante une lame dans le dos ou alors c’est exceptionnel et cela signifie qu’il les tue de face.

Cependant pour le moment, le contrat est à moitié rempli puisqu’après avoir amené le chevalier et la demoiselle jusqu’à la boutique, il va falloir faire le chemin inverse.
Et pour le moment, je n’ai encore rencontré personne. Mais où peuvent-ils bien être ?

Pour le chemin du retour, Kalam songe déjà à passer par un autre endroit afin de visiter un maximum de lieux.
Je vais profiter de la présence du Chevalier. Je ne sais pas si j’aurai l’occasion de revenir avant un moment. Et surtout accompagné d’un colosse pareil.

N’ayant encore jamais rencontré de fangeux, l’assassin ne sait pas à quoi s’attendre. Il a néanmoins entendu toutes sortes de récits à leur égard et il sait que même accompagné d’un grand gaillard comme Desmond, ils ne font pas le poids contre un seul des leurs.
D’après ce qu’on dit, ces créatures ont une force impressionnante, je n’ai pas envie d’en croiser une.
Tout en réfléchissant à ce qu’il ferait s’il venait à faire une rencontre fortuite avec une de ces monstruosité, Kalam avance doucement en direction de la boutique. Il observe également les bâtiments qui l’entourent.

Je ne sais pas si elles savent grimper sur les toits. En cas d’attaque, si ça arrive, je bondis sur une fenêtre puis je me hisse tout en haut des bâtiments. Desmond doit être trop pataud pour me suivre, il sera coincé en bas... Tant mieux, ça me fera une diversion et je pourrai filer. Et puis, à mon avis, l’apothicaire sera paniquée pour agir, en voyant ces engeances du mal, elle sera la première à se faire attaquer. Ce qui signifie qu’en cas d’attaque des fangeux, j’ai toutes les chances de m’en sortir vivant. Du moins, si une fois sur les toits, je cours assez vite pour les semer.

Perdu dans ses pensées, Kalam ne remarque pas tout de suite que le chevalier a pris les devants. Il se retrouve avec l’apothicaire. Après avoir remarqué les volets et la porte fermées, il lui chuchote discrètement:

- Je pensais que ta boutique était abandonnée. Mais elle m’a l’air occupée. J’espère que tu nous a pas amenés dans un piège. Sinon...

Il ne finit pas sa phrase, mais le geste de la main qui passe sous sa gorge est sans équivoque pour la jeune femme. Elle ne répond rien mais d’après sa mine, elle a parfaitement compris ce qui allait lui arrivait si sa boutique renfermait le moindre danger.

- Suis Desmond, je vais passer par les toits. Mais tu dis rien.

Mettant son agilité à l’épreuve, Kalam s’avance vers la boutique tel un félin. Il prend appui sur le rebord de la fenêtre et grimpe en haut du bâtiment. Arrivé sur les toits, il cherche après une fenêtre. Il l’ouvre facilement, puis pénètre dans la pièce. La pénombre lui permet de se dissimuler sans difficulté. Il sort sa dague et baisse délicatement la poignée de la porte qui donne dans le couloir. Il entend la voix de Desmond qui pose une question. Caché dans les ombres, Kalam attend la réponse avant d’agir.

Alors que j’attendais la réponse de l’inconnu, je remarque qu’il n’y a qu’une seule personne qui m’a suivi à l’intérieur, Marguerite, Kalam, lui, s’étant enfuis ou ayant préféré rester à l’extérieur. Ce n’est pas trop grave, je pourrais sans doute trouver le chemin tout seul, j’indique donc à l’herboriste d’une voix ferme :

Remet la barre en place.

Ce serait quand même dommage de se faire prendre à revers par des inconnus et une fois que la porte est à nouveau bloquée, je reporte toute mon attention sur la jeune femme qui me réponds d’une voix tremblante :

Pitié mon seigneur, ne me faites pas de mal, il n’y a que des femmes et des enfants ici.

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qu’elle me raconte, pourquoi des gens restent dans ce taudis ? C’est alors qu’une idée me traverse l’esprit et regardant son bras, je découvre l’horrible vérité et je lui dis d’un ton sans pitié :

Vous êtes des bannis !

Ceci explique pourquoi ces personnes préfèrent rester dans ce lieu très dangereux, car ils n’ont pas d’autres endroits ùu aller. Je relâche enfin ma prisonnière et je lui indique simplement :

Nous sommes venus chercher quelque chose, alors va prévenir les autres et que personne ne nous dérange
.
Je n’ai en effet pas grand-chose à craindre d’une bande de gueuse et j’indique simplement à ma compagne de voyage :

On y va Marguerite.

Je vois la jeune femme que je viens d’interroger et qui allais monter les escaliers s’arrêter d’un coup et demander à mon interlocutrice :

Marguerite ? Je ne t’avais pas reconnu, je suis Abigaëlle ! Tu m’avais soigné juste après mon bannissement, tu te souviens ? C’est grâce à toi que j’ai pu survivre !

Je les vois tomber dans les bras l’une de l’autre et j’assiste à des retrouvailles qui si j’étais sensibl,e m’aurait fait pleurer. Heureusement, ce n’est pas mon cas, et j’ai juste l’impression de perdre mon temps, surtout qu’elles commencent à parler tranquillement, comme si je n’étais pas là.

Oui, je me souviens de toi, les autres sont comme toi alors ?

Et ça continu, encore et encore de véritables commères :

Oui, nous avons réussi à venir ici, l’extérieur étant trop dangereux pour des femmes et nous subsistons grâce à ton potager, utilisant tes plantes en cas de maladie, ta maison nous as sauvé la vie !

Que des femmes et des enfants ?

Écoutant au pas de la porte, Kalam se retourne et observe à nouveau la chambre dans laquelle il est entré. Au premier abord, elle lui semblait vide, mais en regardant de plus près, il remarque une anomalie sur le lit. C’était comme si ce dernier avait sa propre respiration. L’assassin s’avance sans faire de bruit et lève la couverture. Deux enfants, apeurés le regarde avec des yeux rougis par les larmes. Kalam leur souffle :

- Vous en faites pas, je vais rien vous faire. Enfin tant que vous restez calmes et que vous ne criez pas.

Il leur offre son plus beau sourire carnassier, ce qui a le don de les calmer immédiatement. Puis il retourne écouter la suite de la discussion.

Des bannis ! Ce sont-elles fait mordre ? Pourquoi n’ont-elles pas essayer de sortir du Goulot ? Et où sont les hommes ?

Énormément de questions se bousculent dans la tête de l’assassin. Cependant il n’a pas le temps de s’y intéresser davantage, il entend des pas monter dans l’escalier. Il passe furtivement sa tête par l’encadrement de la porte et aperçoit Marguerite prête à gravir les marches.
Il observe et écoute les retrouvailles entre les deux femmes. Il commence à comprendre ce qu’elles font ici. Néanmoins il n’a pas envie de s’attarder plus que de raison.

Et Desmond qui ne réagit pas, il les laisse papoter. Si on ne fait rien, ça va durer des heures, voire toute la nuit.

L’assassin se retourne et regarde les deux enfants apeurés dans leur lit qui commencent à chouiner. D’un signe de la main, il leur ordonne de se taire. Puis il ouvre la porte et s’avance en haut des escaliers. La dénommée Abigaëlle, sans lever la tête, s’écrie :

- C’est rien Adélaïde, repars te coucher.

Au bout de quelques secondes, elle daigne enfin lever la tête et aperçoit une silhouette encapuchonnée.

- Par les Trois ! Mais qui est-ce ? Et les enfants !

Elle s’empresse de gravir les marches mais Marguerite l’arrête immédiatement.

- Ne t’en fais pas. Il est avec nous. J’aurais dû te prévenir. Il est monté par le toit.

Ravi de l’effet de surprise qu’il a suscité chez la femme, Kalam sourit sous sa capuche. Puis sans rien dire, il descend. Arrivé en bas de l’escalier, il regarde l’herboriste en lui disant :

- On n’a pas toute la journée, Marguerite. Tu récupères ce que tu es venue chercher et on file. Si tu veux, tu pourras revenir, mais sans nous.

Il s’avance vers le chevalier.

- La femme a raison. Y’a que des enfants là-haut. Enfin j’ai pas fait toutes les pièces, mais ça m’a l’air calme.

Il se tourne ensuite vers elle.

- Où sont les hommes ? Pourquoi il n’y en a aucun ? Ils se sont fait mordre ? Vous n’avez pas peur d’être attaquées par des fangeux ? Pourquoi ne pas essayer de partir du Goulot ?

N’ayant jamais rencontré ces créatures, l’assassin se pose beaucoup de questions à leur sujet. Et il ne comprend pas comment des femmes arrivent à survivre dans un milieu aussi hostile. Il revient ensuite vers le chevalier.

- T’es déjà tombé sur l’un d’entre eux ? Sur un fangeux, je veux dire.

Une silhouette encapuchonnée que je connais fort bien débarque en haut des escaliers et je fronce les sourcils en le voyant arrivé, je pensais qu’il nous avait abandonné mais il a place, il a préféré jouer les Monte-en-l’air, quitte à se casser le cou dans sa manœuvre.

Adélaïde le remarque aussi et il faut l’intervention de Marguerite pour la calmer, Kalam demande alors à l’apothicaire de se dépêcher et je suis bien d’accord avec lui, même si je tique un peu sur le fait qu’elle puisse revenir ici toute seule, mais cela ne me concerne pas, j’ai signé pour une seule mission et pas deux. Si mon mystérieux commanditaire embauche un nouveau chaperon, pour un autre voyage, et qu’ils se font tous les deux manger par des Fangeux ce n’est pas mon problème.

L’autre information que m’apporte l’encapuchonné, c’est que notre hôte involontaire ne nous a pas mentit et qu’il ne doit y avoir que des moches en haut, ce qui est une bonne chose, même si je doute qu’ils survivent longtemps dans cet endroit.

Mon acolyte pose ensuite de nombreuses questions en rafale à la pauvre Adélaïde qui ne doit pas être habitué à tant de curiosité, les visites de courtoisie devant être assez rare dans le Chaudron, elle essaye donc d’y répondre le mieux possible :

Nos maris se sont fait tuer en nous protégeant lors de l’attaque initiale et c’est grâce à eux que nous avons survécu. Nous avons peur tous les jours des Fangeux, mais l’extérieur nous fait encore plus peur. Ici, nous avons de haut mur, un potager, un lieu que nous connaissons, dehors, c’est l’inconnu, nous ne sommes jamais sortis de Marbrume !

Elle part ensuite dans une crise de larmes et remonte l’escalier en courant, suivit de peu par Marguerite à qui je dis pendant qu’elle part rejoindre sa super copine :

On part dans une heure, quoi qu’il arrive.

C’est maintenant à mon tour de faire les frais des interrogations de Kalam, cette fois-ci sur les fangeux et je lui réponds en toute honnêteté :

J’en ai déjà croisé à de nombreuses reprises mais j’ai toujours réussi à m’échapper grâce aux Trois. Certains disent qu’on peut les tuer, et c’est vrai, mais là n’est pas le problème, car en les combattant tu peux être très légèrement blessé par la créature. C’est là, que les difficultés entrent en jeu, est-ce que tu vas te transformer en goule dans une heure, une semaine ou jamais ? Les affronter, c’est prendre le risque de perdre ton âme et de tuer tous tes proches si tu te transformes.

- Grâce aux Trois ! Grâce aux Trois... Moi je dirais plutôt que c’est à cause d’eux si on est dans cette merde. Je suis persuadé que tout ça c’est de la faute de Änur. Elle se venge sur nous. Quelqu’un a dû lui faire quelque chose qui ne lui a pas plu. Et elle le fait payer à tous les Royaumes. C’est une putain de salo...

Il s’arrête, ne sachant pas ce que Desmond va penser de ses paroles. Si le colosse décide de lui en coller une pour ses paroles hérétiques, Kalam ne s’en relèvera pas.

- Après je comprends que certains aient Foi en eux et je ne remets pas ça en cause. C’est juste mon opinion. Mais moi, si je m’en sors face aux fangeux, ce ne sera pas grâce aux Trois, ça je te le dis. Qu’ils aillent se faire foutre. Sauf Rikini, elle je l’aime bien.

L’assassin prend place sur une chaise et attend quelques instants en tapant du pied. Il trépigne d’impatience. Il n’aime pas rester en place sans rien faire.

- Bon je ne tiens plus, je vais aller faire un tour dehors. J'ai envie de voir à quoi elles ressemblent ces créatures. Je vais passer par les toits. Et en même temps, je voudrais voir si certains de mes anciens compagnons sont encore en vie. Je reviens dans une heure. Si tu ne me vois pas arriver, prend le même chemin qu’à l’aller et je vous rejoindrai au niveau du tunnel.

Kalam monte les escaliers et retourne dans la même chambre par laquelle il est entré. Comme il le pensait, cette dernière est vide. Il entend des sanglots dans la chambre d’à côté. Les enfants se sont certainement tous rassemblés dans la pièce voisine. L’assassin ouvre la fenêtre et sort à nouveau par les toits. Il déambule pendant de longues minutes en sautant de toiture en toiture. Il ne rencontre quasiment aucune âme qui vive dans les rues. Seules quelques silhouettes se dépêchent d’entrer ou de sortir d’un bâtiment.

Soudain, il voit de la fumée devant lui. Il s’approche discrètement et découvre les restes d’une carriole en train de prendre feu. Au loin, un attroupement. Il observe les alentours et descend du toit. Il s’avance doucement de la carriole et attrape un morceau de bois enflammé. Puis il se dirige vers le groupe qui se trouve à quelques mètres de lui. Il a l’impression de reconnaître une silhouette ou deux.

Bragan ? Silar ?

Les paroles de mon interlocuteur sont très loin de me faire plaisir, je les trouve même blasphématoires, comment ose-t-il dire que l’arrivée des Fangeux est dû à la déesse Änur ! Le Temple ne serait pas du tout d’accord avec cette vision des choses, d’ailleurs, il doit avoir compris que je ne suis pas la bonne personne à qui en parler, car il s’arrête au bon moment.

Je pense que s’il aurait continué, je l’aurais allongé d’un seul coup-de-poing, car je déteste les hérétiques, pour moi, ils méritent de mourir comme les cultisites. J’ai toujours mon âme et je compte bien la garder jusqu’à ma mort, bien sûr, j’ai commis quelques péchés, mais après une confession et un don au Trois, tout va bien.
Mais alors que je pensais qu’il avait compris, il insulte à nouveau les Dieux, sauf Rikni, qui est également ma déesse préférée. De toute façon, je vois le trépigner d’impatience et il prend alors la décision d’aller faire du tourisme ! Alors que je suis constamment stressé à l’extérieur, lui, il va aller tranquillement se promener au milieu des Fangeux ! Il m’indique qu’il en a pour une heure et je lui précise alors :

Nous partons donc ce laps de temps écoulé, mais on ne t’attend pas dans le tunnel, c’est à toi d’être là.

Je ne veux pas passer une minute de plus ici que nécessaire, c’est bien assez dangereux comme cela. Je le vois partir en direction de l’étage et je devine qu’il va vouloir encore jouer les équilibristes. Pour ma part, je préfère rester sur le sol plutôt que risquer ma vie ainsi et je monte à mon tour l’escalier pour retrouver Marguerite.
Je la vois en train de charger plusieurs petits sacs d’une cache et je lui indique :

Nous partons dans une heure.

La femme sursaute en m’entendant et elle se retourne, en me disant d’un ton contrit :

C’est entendu, il faudra juste m’aider à transporter tout ceci.

Je m’approche pour voir de quoi il s’agit et je reconnais immédiatement l’odeur qui s’en échappe, il s’agit de drogue ! Voilà pourquoi j’ai risqué ma vie ! Bon, je n’ai rien contre cela, puisque j’en ai utilisé lors de fêtes débridées, de plus, contre la douleur cela fonctionne très bien, mais je sais que l’abus est mauvais pour le corps qui ne peut plus s’en passer.

Mais cela n’est pas mon problème, je sais que la Milice est contre, mais mon sens moral a toujours été assez souple sur ce genre de chose. Je prends donc les sacs pour les mettre dans un grand panier et je descends cela au rez-de-chaussée. Cela représente une bonne quantité et à la revente, le prix doit être très important.
Pendant une heure, je prépare notre expédition, essayant de bien caler les différents poids pour pouvoir courir le plus rapidement possible et à la fin de l’heure, je vais à la fenêtre afin de voir si Kalam est arrivé.