Sujet: [Convocation]A l'aube d'une lune. Mer 9 Juin 2021 - 20:07
21 mars 1167.
La fête des fleurs avait commencé avec l’aube, bien que moins faste qu’elle n’avait pu l’être à la grande époque d’avant la fange, il était plus que plaisant, si ce n’est rassurant que de voir que cette année les rues embaumée à nouveau les fleurs, que de nombreuses boutiques avaient pu afficher un voir plusieurs bouquets dans leur vitrines ou sur leurs étals. Cela donnait presque une impression de normalité. Avec la réintégration de Sombrebois dans le giron de la couronne, l’augmentation des convois et les récents décrets royaux, le moral remontait dans la cité. Pour la première fois depuis longtemps, l’espoir revenait entre les murs de Marbrume.
Cette ambiance se devait aussi au travail du Temple, qui, non contente d’avoir soutenu les décisions royales, notamment concernant l’apprentissage des lettres accessible à tous, avait travaillé d’arrache pieds dans ses jardins afin d’alimenter les rues principales de la ville avec ses fleurs, et ce, des grandes portes jusqu’à l’esplanade. Plusieurs groupes de prêtres arpentaient la cité en louant la gloire de Serus, agitant leur encensoir au bout de longue chaine d’argent. C’était aussi dans ce but qu’un convoi très particulier avait été préparé. Pas de nourriture, pas de bien, par d’or, mais de larges et basses jarres remplies de terre dont dépasser des fleurs de toutes couleur. Deux chariots, l’un contenant des plantes, l’autre presque vide avec l’essentiel pour la route et un peu de place pour les passagers.
Quatre miliciens tournaient autour contrôlant les roues sous les consignes d’un cinquième. L’ambiance était bonne, et des sourire tranquille se dessinait sur leur visage. Une mission simple pour une fois. Le temple avait décidé d’organiser une petite procession, distribuant des fleurs à chaque étape de la route menant au labret, ce jusqu’à Salers, afin de faire savoir à tout ceux que voulaient bien l’entendre que Les Trois et le Temple n’oubliaient pas leurs enfants, même hors des murs. C’était un geste symbolique, qui ne coutait d’ailleurs pas grand-chose d’où le convoi assez réduit qui prenait la route. Deux prêtres, ou plutôt un prête assermenté accompagnée d’une femme qui venait, vu son jeune âge, sans doute d’obtenir son titre définitif et se voyait peut-être là confier sa première épreuve. Ils descendaient tranquillement la rue menant à la porte quand ils aperçurent leur escorte et véhicule.
- Loués soit les trois, il semble bien que nous partions à l’heure. Marmonna l’homme près d’elle dans sa toge sombre.
S’il n’avait pas l’âge d’être considéré comme vieux, il portait un air de soucis permanent qui lui donnait plus d’années qu’il n’en avait réellement. Le dos voûté mais les épaules raides, il n’avait pas franchement l’air ravi de leur petite escapade. Sans doute bien plus intéressé à l’idée travailler sur de véritables choses au temple. Qu’en était-il de la jeune Isolde ? Ce voyage l’excitait-il ? lui faisait-il peur ? S’en moquait-elle ?
Le jeune homme qui donnait des ordres à ses camarades les aperçus. Si son visage resta stoïque alors qu’il observait le prêtre, mais quand il glissa sur elle, il se teinta d’un franc sourire qui lui allait rudement bien au visage, il fallait l’admettre. Il s’approcha en les saluant.
- Mon père, ma sœur, je suis le coutiller Romiel, mes hommes et moi assurerons votre sécurité pendant le voyage. Vous…
- oui oui, en route voyons ! le coupa le prêtre en bourgeonnant le dépassant pour monter dans l’une des charrettes.
Le jeune homme haussa les épaules et se tourna vers Isolde.
- Et bien ça fait toujours plaisir d’avoir un aimable passager à bord. plaisanta-t-il avant de lui tendre la main pour la saluer plus simplement. Léandre, enchanté, sœur… ?
HRP:
Bienvenue dans ta convocation très cher Isolde. Afin que tu joues en connaissance de cause, sache que le voyage n'est pas sans risque, comme tout trajets hors de murs mais dépendra pour beaucoup de ton jeu jusqu'à ce que nous arrivions au Labret et que l'important commence.
Afin de t'aider à visualiser les personnages qui t'accompagne, laisse moi te présenter le père Magelus, ton acolyte, et Léandre, le chef de ta petite escouade.
j'espère que ce petit voyage te donnera du plaisir de jeu, et comme d'habitude je suis à ta disposition si tu as la moindre question.
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 9 Juin 2022 - 13:58, édité 1 fois
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Jeu 10 Juin 2021 - 16:28
Solange était adossée à l’un des murs en pierre du temple. Les bras croisés avec nonchalance sur sa poitrine, elle observait Isolde, debout, en train de ranger un livre qu’elle lisait aux enfants. Depuis qu’Isolde avait été sous sa tutelle, Solange avait appris à la connaître sans chercher à la déjouer, cherchant à la comprendre, lire entre les lignes de sa secrète mais puissante personnalité. Elle savait qu’Isolde digérait mal l’éclat qui avait explosé en lambeaux sa famille, que se logeait en son cœur un empire bâti de colère et de rancœur.
« Ton frère, Thibault, est-il toujours en vie, Isolde ? » C’était sorti de nul part, comme un tremblement de terre dangereux et menaçant.
Dans un froissement discret, cette dernière se contenta d’un haussement d’épaule las tandis qu’elle pivota vers elle, l’observant avec un air de reproche.
« Je l’ignore, Solange, comment veux-tu que je le sache ? » « Parce que tu vas avoir l’occasion de le revoir. »
Elle aperçut le frémissement de sourcil qui s’agita sur son visage bien qu’elle essaya de s’en cacher.
« Un convoi au Labret, avec le père Magelus. Tu as quelques jours pour te préparer, vous irez déposer des fleurs en la gloire de Serus, est-ce bien clair ? »
Isolde sentit ses jambes tremblantes et menaçants de s’écrouler sous son poids, elle recula de quelques pas en arrière, hébétée et finit par s'asseoir mollement pour ne pas s’effondrer, perdant de sa superbe.
« Tu as quelques semaines avant le départ. Prépare-toi » ordonne Solange en la fixant d’un air sévère. Un sourire, plus doux, vient illuminer son visage.« Les remerciements viendront à ton retour… » Un temps, avant qu’elle poursuive. « Si tu reviens. »
Solange laissa déraper un sourire en s’éloignant lorsqu’elle entendit le “Merci” soufflé et pourtant portée par une haute reconnaissance.
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Les préparatifs avaient été faits, elle s’y était investie corps et âme, sûrement portée par la détermination de revoir ce frère jeté hors des murs. Galvanisée d’un élan, elle sembla oublier la Fange, ses traits tirés semblent se détendre.
« Oui » répond-t-elle tout en observant Magelus en biais « quelle chance. » Tente-t-elle sur un ton léger.
Isolde était pressée de se trouver au Labret - ou espérer une entrevue avec son plus jeune frère - quoique dotée d’une certaine appréhension puisque les entrevues avec la Fange avait tendance à se conclure sur des carnages - mais elle s’en tenait au factuel et ne laissait guère de place à l’imagination. Quitter les murs rassurants de Marbrume pour se jeter dans l’interdit, dans la gueule de ce qu’il ne pouvait être contrôlé. Elle était projetée hors de ce qu’elle connaissait mais ne semblait pas s’en accommoder, pour l’instant, elle était bien trop emportée par l'idée de revoir son plus jeune frères. Ses traits étaient moins contrariés, comme si elle dépassait les barreaux d’une cage trop étroite qu’on avait érigée autour d’elle.
Alors qu’ils s’avançaient vers le convoi, elle aperçut un groupe de miliciens s’y atteler, obéissant aux ordres d’un autre. Ce dernier se détacha du groupe pour s’avancer vers eux.
Elle sentit le regard du milicien se poser sur elle et aperçut son sourire auquel elle répondit avec une délicate discrétion. Dans son regard, elle sentit quelque chose alors que l'inconnu dévoilait deux billes marrons tachetées d’or. Il y avait un je-ne-sais-quoi qui régnait sur ces pupilles, un éclat qui aurait pu être troublant alors que s’y reflétait une espèce de malice espiègle.
Le prêtre interrompit sa phrase en se dirigeant vers l’une des charrettes, les laissant tous les deux.
Isolde observa Léandre un instant, comme amusée de sa plaisanterie. Nichant sa main dans le creux de sa paume dans une poignée confiante mais souple, tranchant radicalement de son flegme étrange, un réel nuage de délicatesse.
« ...Isolde » semble-t-elle accompagner d'un sourire quelque peu discret mais sincère « Enchantée, Coutilier Léandre. S’il vous plaît, ne lui en tenez pas rigueur, il n’est pas réellement comme ça. » D’un regard entendu, ses yeux désignent Magelus prenant place sur l’une des charrettes. Elle le savait travailleur et soupçonnait un flot d’angoisse agitant son âme déjà bien trop soucieuse.
Retirant sa main de la sienne, elle laissa échapper une légère interjection surprise.
« Oh ! » Semble-t-elle se souvenir, tandis qu’elle découvre de sa besace quelques fleurs. "C’est pour vous et vos hommes, vous y avez le droit, vous aussi. » Elle en profite pour placer une fleur dans le creux de sa main, ajoutant avec douceur. « Elles ont été bénites par les orphelins du Temple pour que notre voyage ensemble soit sauf, je ne doute point que vous saurez les porter avec honneur, ils y tiennent. » Souligne-t-elle avec un ton calme tout en le dévisageant avec curiosité.
Se reprenant bien vite de sa contemplation, elle le contourna en hochant rapidement la tête avec respect, offrant le reste des fleurs aux hommes de la milice. Quand les portes de Marbrume s’ouvrirent, un ressenti étrange agita Isolde qui monta agilement sur l’une des charrettes. L’un des miliciens se présente galamment à elle pour l’aider à grimper.
Prenant doucement place face à Magelus, elle le regarda.
« Père Magelus, comment vous sentez-vous ? » Demande-t-elle, concernée par lui. Il était son aîné mais elle voulait lui signifier qu’elle était là pour lui, s’il en exprimait le besoin.
Elle se tenait accoudée sur le rebord en bois, oubliant la vision du père Magelus pour observer le paysage, admirant la parade éphémère de cette soudaine liberté. L’impression que ses poumons manquant d’air et comprimés par le poids des contraintes se relâchaient pour prendre une nouvelle inspiration.
Pour une courte durée, tout du moins.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Ven 11 Juin 2021 - 3:50
21 mars 1167.
Sans retenir sa main Léandre s’arrangea tout de même pour que ses doigts glissent le long des siens plutôt que de simplement les quitter. Son sourire se fit plus doux encore quand il réagit à son inquiétude en haussant les épaules.
- Si je devais me froisser chaque fois qu’une personne a peur en quittant l’enceinte des murs ma sœur, je ferais un métier bien pénible. Ça ira mieux après un jour ou deux pour lui.
Il leva un sourcil surpris quand elle extirpa la petite plante fleurie de son sac pour la poser dans sa paume. Un mélange d’incrédulité et d’amusement passa dans ses yeux rieurs alors qu’elle le sermonnait sans s’en rendre compte sur les conséquences s’il n’appréciait pas son cadeau à sa juste valeur. Après un instant il la porta a son nez et en huma le parfum, puis la glissa dans une maille de sa côte pour la porter comme un écusson végétal.
- Et bien si c’est pour les orphelins, plus qu’avec honneur, c’est avec joie que je la porterais, ma dame. Un bouclier de plus n’est jamais perdu, surtout s’il est aussi joli. dit-il d’un ton léger qui rendait difficile de savoir si son compliment était vraiment pour l’objet.
Il l’observa pratiquer le même rituel avec ses hommes et secoua doucement la tête, surement un peu décontenancé par cette initiative, mais sans que son sourire ne perde de sa tranquillité divertie. Très vite tout le monde pris place que ce soit sur les chariots ou sur leurs côtés, et Léandre donna l’ordre de départ. Face à sa cadette de l’ordre, le père Magelus mit longtemps à répondre à sa question, ses doigts crispés sur ses genoux au point d’en froisser sa toge. Ce n’est qu’à une centaine de mètre des murs, alors qu’ils remontaient les faubourgs, que sa mâchoire se desserra suffisamment pour qu’il parvienne à prononcer une phrase intelligible.
- C’est la première fois que je sors de la cité depuis…
Il ne parvint pas à aller au bout de sa phrase, mais en avait-il réellement besoin ? La cité de Marbrume avait un effet claustrophobique sur certaines âmes. Mais pour beaucoup d’autres, elle était le seul rempart entre l’esprit et le chaos. Le cas du père Magelus était tout sauf rare.
- Il me faut juste un peu de temps. dit-il enfin avant de se murer à nouveau dans son mutisme en détaillant le fond de bois de leur charrette avec une telle intensité qu’on aurait pu croire qu’il cherchait à en mémoriser les détails. Ce n’est qu’une fois dépasser les faubourgs que Léandre, qui marchait en tête du convoi ralenti le pas pour se retrouver à leur hauteur.
- Nous avons de la chance ! dit-il en venant se positionner à un pas de la charrette. Il n’a pas plus depuis une bonne semaine, et le temps est clair. La route va être bien sèche et les moustiques rares. Croyez-moi, on parle souvent du gout pour le sang des fangeux, mais ces sales petites bêtes pompe le sang par litre entier si on les laisse faire.
Il jeta un coup d’œil au père qui n’avait pas même levé la tête, et se rendit compte que ce serait peine perdu de tenter de le distraire par la conversation. Il reporta alors son attention sur la jeune prêtresse.
- Alors, dites-moi sœur Isolde. Qu’est-ce qui vous a mené dans les ordres ? demanda-t-il en extirpant une pomme de sous son gambison. Sans vouloir vous blessez, vous avez pas vraiment le type.
Il coupa le fruit en deux d'un coup de couteau expert et en offrit une moitié à son interlocutrice.
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Ven 11 Juin 2021 - 14:52
Elle observa le père Magelus, plongé dans des pensées qui lui semblèrent douloureuses. Il avait l’air d’être secoué de profonds ressentiments corrosifs au creux de ses entrailles. Au lieu d’insister, elle préféra lui laisser le loisir de songer, prêtant quelques coups d’yeux attentifs de temps à autre. Si Léandre avait raison, il lui fallait plus de temps, et elle le comprenait.
« Alors prenez le temps qu’il vous faudra, mon père » L’encourage-t-elle d’un ton rassurant, préférant le laisser errer dans son mutisme plutôt que de l’acculer en tentant de l’en sortir.
Un long silence suivit sa phrase. Il ne s'agissait ni d'un silence de gêne ou d'hésitation, mais bel et bien d'un silence profond et lour de sens. Les Faubourgs baignait dans un calme plaisant, elle sentit soudain une brise fraîche et ne put retenir qu'un léger frisson. D’une main souple, elle remit une mèche de cheveux dissidente derrière l’oreille.
Quelque temps après, elle entendit le coutilier plaisanter. Léandre semblait être avec elle, juste à ses côtés, tant sa voix calme et espiègle emplissait tout l'espace. Il faisait preuve d’un sens de l’humour assez fin – quoi que délicieusement sarcastique. Il semblait évidemment en une tentative de de les détendre, Isolde jeta à la dérobée un bref regard furtif sur le père Magelus, toujours égaré dans ses pensées, et se décida de prendre la parole.
« Quelle bonne nouvelle » Ajoute-t-elle en souriant légèrement. « Il faut croire que les Trois sont avec nous s’ils nous en épargne » Répondit-elle sur le même ton.
Léandre s'était approché d'elle, lui offrant un fruit qu’il avait coupé avec une adresse fine et précise. Isolde, surprise, tendit sa main au-delà du rebord en bois pour s’en emparer.
« Je vous remercie, Léandre. » Et elle le couve d’un regard appréciateur tandis que d’une question aussi anodine soit-elle, éveilla un certain trouble dans ses pensées.
Sa voix douce et polie serpenta à travers les pans de son esprit, soulevant une question auquel elle n'osait donner de réponse précise. Un vif éclair d’étonnement passa sur son visage. Elle pencha la tête vers lui, comme un chat curieux, toute son attention concentrée sur lui.
« Mh ? Vraiment ? » Elle offre un léger sourire goguenard. « Et de quel type ai-je l'air, alors, mon fils ? » Demande-t-elle, d’un air mutin, insistant particulièrement sur le dernier mot avec une légère note insolente. Ses yeux se plissent d’un air amusé, tandis qu’elle poursuit, croquant d’un air désinvolte dans la moitié de pomme. « Ma famille m’a… » Elle semble hésiter sur le terme à employer. « Hautement encouragée à poursuivre dans cette voie, disons. » S’humectant les lèvres, elle laisse planer un temps, réfléchit. « Je pense que c’était l’un des meilleurs choix à faire, qui sait, aurais-je pu finir contrebandière ou autre. » Ironise-t-elle, toujours sur le ton de la plaisanterie.
Mais il est vrai qu’Isolde avait été sermonnée pour son manque de discipline par Solange, sa forte tête, son côté délicat mais volcanique, sa manie de remettre en question les préceptes de l’Ordre et les connaissances de Solange, aujourd’hui elle semblait s’être adoucie. En apparence. Sûrement que sa mère, l’ayant vivement forcée à poursuivre, avait senti qu’Isolde, au fil de ses fréquentations auraient peut-être pu mal tournée. Et qu’en était-il, de lui ? Pensivement, elle se demanda si la Fange ne l’avait pas propulsé à cette place-là.
« Et vous, Sire ? » Demande-t-elle, intriguée. « De quel type êtes-vous ? » Croquant à nouveau dans le morceau de pomme, son regard glissa sur un point fixe avant de se planter dans les siens. Ses yeux se posèrent sur lui comme deux lucioles embrasées qui brillaient dans sa direction.
Elle le fixait d'un regard perçant et sans détours.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Ven 11 Juin 2021 - 16:46
21 mars 1167.
Léandre ne pipa mot, observant du coin de l’œil la jeune femme qui se plaisait visiblement à jouer de ses paroles en croquant dans sa moitié de pomme. Il sembla assez perplexe mais pas moins amusé de voir qu’elle n’hésitait pas le moins du monde à participer à cette petite joute qu’il lui avait lancé. Un trouble passa dans ses yeux quand elle évoqua les pressions de sa famille pour la guider vers les ordres, et s’il ne se permit pas de commenter cette histoire, son visage affichait une compréhension et un soutien muet.
- Cela aurait été un aussi terrible destin sans doute. Nous serions surement entrain de batailler épée à la main plutôt que de partager une pomme. Quel malheur n’est-ce pas ? plaisanta-t-il en jetant un nouveau coup d’œil à Magelus qui ne se déridait pas.
D’un petit bond souple il posa son pied sur la marche latérale de la charrette et s’agrippa d’une main au rebord, se rapprochant d’Isole une vingtaine de centimètres. Avec un petit sourire malicieux il lui dit tout bas.
- Vous avez justement le type de celle qui finirait contrebandière… Hum… non, plutôt capitaine d’un navire pirate, vos longs cheveux noirs agités par le vent marin, fière et droite sur le pont de bois !
Comme pour simuler la scène il souffla doucement sur sa joue, envoyant quelques mèches de ses cheveux voleter en arrière et faisant frissonner sa peau. Il lui fit un clin d’œil avant de se laisser tomber de son perchoir pour lui laisser à nouveau un peu d’espace. Il poursuivit comme si de rien été, sa voix redevenue normal.
- Je ne sais pas trop à quoi ça tient. Mais vous ne ressemblez pas aux autres prêtresses que j’ai croisé au temple.
- Il veut dire que vous êtes trop jolie m’dame. lança par-dessus son épaule celui qui guidait la monture trainant leur charrette. Léandre lui lança son trognon de pomme, qui rebondit sur son épaule avant de tomber au sol.
- Tais-toi donc Harold ! lança-t-il sans trop de conviction, le visage empourpré. Il se tourna vers Isolde tandis que son collègue riait sous cape. N’écoutez donc pas cet idiot. C’est un brave gars, mais il ne sait même pas ce que le mot manière veut dire. Sa mère l’a élevé avec des cochons.
Nouveaux rires, à plusieurs endroits du convoi, et même Léandre ne put s’empêcher de sourire, soulignant avec évident la fraternité que partager ces hommes qui avaient bravé sans doute le danger ensemble. Le jeune coutiller leva ses mains pour se défendre, comme si elle l’avait attaqué.
- Je vous en prie, pas de Sire avec moi. Juste Léandre. Je me sens déjà bien trop vieux pour mon âge ! dit-il en simulant une peur maladroite qui cachait mal son plaisir à l’échange. Un ton qui cessa quand elle fixa sur lui un regard perçant, brûlant même. Elle avait visiblement un don pour rendre une situation intense, se dit le jeune homme en supportant cet incisif, mais pas désagréable, examen. Il lui envoya lui aussi un regard, en se demandant comment elle l’interprèterait. Il finit par hausser les épaules.
- Oh moi, je suis un rat de bibliothèque. Du moins c’est ce que je voulais être avant tout ça. Vous savez ce que c’est on se voit marcher dans les traces de sa famille. J’allais devenir scribe, comme ma sœur, et mon père avant elle.
Une partie de sa joie latente sembla s’échapper de lui comme de l’eau à travers une fissure à cette évocation. Mais il reprit tout de même.
- Mais je me suis retrouvé seul, et on avait besoin de plus d’épées que de plumes alors. Et à présent, je ne peux même pas dire de quitter ma charge, sinon on les retrouverait mort de faim dans les bois à cents pas de la cité après s’être perdu. dit-il en désignant ses compagnons d’armes.
Nouveaux rires.
- Votre famille… Elle est nombreuse ?
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 17 Juin 2021 - 1:13, édité 1 fois
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Dim 13 Juin 2021 - 21:46
Il lui transmit une espèce de soutien tacite dans son regard qu’elle observa, et elle ne sembla pas comprendre pour quoi semblait-il la comprendre sur ce point-là.
« Ce qui serait malheureux » souffle-t-elle dans la confidence pour qu’il ne soit entendu qu’elle, « c’est que je vous aurais sûrement battu à ce duel d’épée. » Ri-t-elle en se fendant d’un sourire malicieux.
Il avait bondi agilement vers elle, dans une souplesse féline, un silence propre au chat. Avec l’aisance d’un singe saisit le rebord avec nonchalance, et se trouva près, très près d’elle pour lui répondre sur le même ton. Plus ou moins proche de son visage, Isolde sentit, à son souffle sa chair s’hérisser en plusieurs vagues de frissons successives. Et ses mèches s’élevèrent comme portées par le courant aérien calme et profond d’un fleuve invisible. Si elle ne se montra en rien troublée par cette curieuse intervention, le teint rosé que prirent ses joues en témoignaient tout l’inverse.
« Je vais finalement réellement croire que vous désirez qu’on finisse par batailler à l’épée. Il fallait le dire plus tôt ! » Sourit-elle, tandis qu’il s’éloigne à nouveau, reprenant sa position initiale, ne semblant remarquer son trouble. Et tant mieux.
Il sembla la comparer aux autres prêtresses du temple et elle tiqua.
« Les autres Prêtresses du temple ? » Demande-t-elle en haussant un sourcil. « Qu’est-ce q- ? »
L’homme postait à l’avant de la charrette lui répondit, créant l’hilarité générale. Et c’est avec un curieux sentiment d’orgueil qu’elle l’observa lorsqu’il se mit à s’empourprer. Et qu’elle, sembla cueillir le compliment d’un geste ampoulé de la main sur son cœur tout en s’habillant d’un lent sourire. Elle calma son rire clair en portant le dos de sa main sur ses lèvres.
« Voyons, je ne suis pas là pour juger, mon fi- Je veux dire, Léandre. » Se corrige-t- elle, préférant les observer échanger tout laissant déraper des sourires et rires discrets, ne pouvant refouler une certaine envie.
Peut-être elle aussi aurait souhaité se sentir incluse dans sa famille. Il répondit à son regard par un autre qu’elle jugea indéchiffrable. Peut-être une pointe de malice, mais il y avait indéniablement autre chose. Ses yeux avaient la couleur de l'automne et se couvraient de longue stries dorés. Une teinte dorée à la jonction entre le miel et un crépuscule un soir d’été.
Des beaux yeux.
Elle sembla retrouver ses esprits en décidant de se séparer de son regard.
« Vous êtes un homme d’esprit » Relève-t-elle, en l’observant. « Pardonnez-moi, mais… » Elle prit un air moqueur. « Vous n’avez vraiment pas le type, sans vouloir vous blesser. » Et cette petite pique se veut plus plaisante que réellement blessante.
Et sans vouloir relever le fait qu’il précise qu’il soit seul, elle se contenta d’un soutien également silencieux. Hochant la tête avec compréhension, elle décida de ne pas poursuivre sur ce terrain-là, elle savait que le passé ravivait des souvenirs encore bien trop douloureux, n’en témoigne l’état de Magelus. Il était agité d'une espèce de crise de mélancolie ou juste était-il sous l'emprise d'un silence méditatif. En attendant son absence ne semblait pas en faire pâtir la dynamique de groupe.
A l'évocation de la famille, un éclat plus vif, une douleur silencieuse s’agita dans ses yeux, c'était un terrain dangereux. Elle sembla perdre son sourire et se renferma un peu plus, comme une créature sauvage cherchant à battre en retraite sous la méfiance. Elle avait également bien cru comprendre que Léandre était seul et se sentit gênée à l’idée de parler des siens en s’imaginant qu’il n’avait plus personne.
« Nous sommes nombreux, oui. J’ai une grande fratrie. Un grand frère et un jumeau » Souffle-t-elle, pensive, en pensant à eux. « Nous y avons tous perdu quelque chose, n’est-ce pas ? » Semble-t-elle faire allusion à sa grande sœur décédée mais elle ne peut en parler tant la douleur l’écartèle intérieurement. Une puissante émotion sembla la traverser. « Mon plus jeune frère est au Labret, il y a été envoyé suite au… Couronnement. » Elle se permet à nouveau un demi-sourire. « J’ai été retardée mais c’est l’occasion pour moi de le retrouver. » Murmure-t-elle. « C’est aussi pour ça que je suis ici. » Ajoute-t-elle avec conviction.
Isolde termina cette phrase en regardant l’horizon. Prenant appui sur ses genoux, elle posa l’une de ses mains sur le rebord, de l’autre valide, elle saisit une gourde qu’elle lui tendit.
« Je n’ai pas de pomme à partager avec vous, néanmoins, si vous avez soif… » Elle prit un faux air navré. « Je n’aimerais pas que vous finissiez assoiffé. »
Lorsqu’il tendit la main, elle la garda captive en posant la sienne par-dessus.
« J’aimerais parier avec vous, Léandre. Vous me semblez être bon joueur et croyez-moi, je sais être observatrice. » Un silence, avant qu’elle murmure. « Promettez-moi un jour de jouer contre moi aux Echecs, à défaut de battre de l'épée... » Elle eût un faux air navré.
Puis elle lui relâcha la main, avec douceur.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Jeu 17 Juin 2021 - 5:17
21 mars 1167.
Le chef du petit groupe pouffa quand la jeune prêtresse se joua de lui en retournant sa formulation contre lui. Loin de s’offusquer, il semblait apprécier l’audace malicieuse de cette femme qui malgré son métier n’en préservait pas moins une certaine liberté de pensée et de parole.
- Vous me brisez le cœur Isolde ! Moi qui pensais que mon intelligence transpirait par chaque pore de ma peau, me voilà blessez dans mon estime de moi-même.
Il posa le dos de sa main contre son front, l’autre sur son cœur, parodiant un artiste de rue surjouant une scène dramatique. Le dénommé Harold renâcla, visiblement peu convaincu par l’interprétation, mais resta le regard fixé loin devant eux. Le jeune milicien devint moins exubérant, presque silencieux quand elle choisit de répondre à sa question, et sembla sincèrement peiné de la voir souffrir, même silencieusement à l’évocation de ce sujet, qu’il regretta d’avoir soulevé. Il haussa un sourcil plus que surpris cependant aux informations qu’elle lui dévoila. Les jumeaux étaient rares, et l’interprétation de leur naissance allait souvent du cadeau à la malédiction. Mais ce n’est pas à cela qu’il réagit en premier lieu.
- Et bien si notre voyage vous permet effectivement de le revoir, je crois bien que cela pourra être considérer comme un véritable succès pour chacun d’entre nous ma sœur. Je prierais les trois pour que votre souhait soit exaucé. dit-il solennel sans pour autant que cela ressemble à une simple formule de politesse.
Dans l’âme de ce jeune homme, réunir deux proches semblaient visiblement plus important que de livrer des fleurs le long de la route menant au labret. Il s’approcha, tendant volontiers la main pour saisir la gourde qu’elle lui offrait. Il leva un œil interrogateur quand elle captura sa main, mais ne fit clairement d’effort pour lui échapper. Même eût-il l’audace de glisser son pouce dans une caresse par-dessus le siens, mêlant leurs doigts un court instant.
- Il y a des années que je n’ai pas joué, mais si vous êtes douce avec moi… au début, alors je vous promets de me laisser tenter par une partie. Son sourire se fit plus taquin. Mais si nous parions, il faudra discuter des gages en jeu. dit-il d’un ton légèrement provocateur, mais surtout joueur. Il ne cherchait visiblement pas à la mettre mal à l’aise, mais pas non plus la laisser dans sa zone de confort. On pouvait se demander à quoi jouer ces deux oisillons avec leurs échanges de pique tel deux bretteurs. Mais ni l’un ni l’autre ne semblait trouvé cela déplaisant.
Il but à la gourde offerte et la salua une dernière fois avant de remonter le minuscule convoi pour donner des consignes à l’un de ses hommes. Le reste de cette première partie du trajet se déroula de manière plus monotone. Léandre, qui ne semblait pas démériter son poste les fit stopper par deux fois pour observer la route et leur environnement. Et sans qu’il n’en explique la raison, il leur fit forcer l’allure sur plus de deux kilomètres. Ses hommes obéirent sans un mot et ils avancèrent avec les charrettes cahotantes. Ils arrivèrent à Conques en tout début d’après-midi. Le village, proche de la cité, était assez vivace, et des bambins couraient dans les rues alors que plusieurs personnes traversaient la place centrale pour passer d’un bâtiment à l’autre. Ils attirèrent de nombreux regard en passant les palissades, pas parce que les convois étaient rares, mais parce que le leur semblait minuscule et surtout, les deux membres du clergé dénotés fortement des passagers habituels. Les mains du père Magelus frémirent sur ses genoux d’où elle n’avait pas bougé depuis deux heures. Ses yeux clignèrent tandis qu’il observait les visages tournés vers eux.
- Parce que tu es notre voix, tu te montreras fort pour les faibles. marmonna-t-il en récitant un psaume qu’Isolde sut attribuer à Anür par des années d’études des textes. Il tourna sa tête vers elle et sourit faiblement. Il est temps de faire notre devoir ma sœur. M’aiderez-vous dans cette tâche ? demanda-t-il en lui tendant une main fébrile pour qu’elle l’aide à se relever.
Chose que bien entendu Isolde fit. Une fois debout, le prêtre leva son bras libre pour saluer la petite foule qui lentement avait cessé son activité pour les observer. Il signa avec adresse l’air d’une bénédiction commune, reconnaissable de tous. Quand sa voix quitta à nouveau ses lèvres, elle avait perdu toute la fragilité et les doutes dont il avait fait montre depuis leur départ. Elle était forte mais calme, profonde, aimante, comme celle d’un père rassurant un enfant.
- Fils et filles de la trinité. Que la bénédiction des trois et de leur temple soit sur vous. Le chemin tracé par Serus s’ouvre devant nous, et dans ses pas la vie renait tel le bourgeon d’une fleur naissante. Ne craignez pas les épreuves à venir, car c’est lui qui vous montrera la voie, à vous tous qui avait aidé son peuple à survivre. Approchez, approchez, venez récolter ses premières fleurs du renouveau.
Léandre les aida à descendre, jetant un coup d’œil surpris et peut-être légèrement inquiet à la jeune femme tandis que se rassemblait autour d’eux un groupe de plus en plus conséquent. Ainsi commença leur première étape. Il était surprenant de voir avec quelle avidité le peuple de ce village buvait la présence des deux représentant du temple. Comme un accès direct au trois, ils s’adressaient à eux avec un mélange de supplique et d’espoir. Alors que chaque famille recevait une fleur dont la racine était empaquetée dans un petit sac emplit de terre pour en préserver la vivacité, les deux croyants furent vite tout occupé à dispenser sermons et promesse, si bien que très vite deux miliciens de leurs groupes s’occupèrent de la distribution pour leur laisser le temps de répondre à chacun.
Magelus promettait des semences fertiles aux fermiers venant du labret, ou une belle saison aux voyageurs tandis qu’Isolde se voyait la charge de bénir les nouveaux nés et les naissances encore à venir. Les femmes pressaient ses doigts avec intensité comme pour puiser dans sa force, qu’elle devait forcément avoir grande, n’est-ce pas ? Elle put remarquer que l’air de rien Léandre se tenait toujours quelque pas derrière elle, près à jouer des coudes si la situation dégénérait. Mais à l’exception d’une courte dispute pour une fleur écrasée que la jeune prêtresse régla aisément, l’événement se révéla joyeux, plein d’espoir, et sans incident, bien qu’épuisant. Le soleil avait déjà nettement descendu vers une fin d’après-midi quand enfin la foule se dispersa plus ou moins pour discuter en plus petit groupe.
L’aubergiste insista pour offrir la nuit aux deux membres du clergé dans son établissement, et très vite se retrouvèrent-ils assis à une table avec une bière fraîche et une assiette de bouillon bien garnie de morceau de viande. Quand l’aubergiste les laissa seul avec leur repas. Magelus redevint blanc comme un linge, et c’est d’une main tremblante qu’il se saisit de son broc pour le porter à ses lèvres. Il but une longue gorgée avant de le reposer.
- ça ne s’est pas trop mal passé, qu’en pensez-vous ? demanda-t-il d’une voix un peu faible.
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Sam 19 Juin 2021 - 11:20
Leurs doigts s'étaient entrelacés comme deux lianes tortueuses et se quittèrent dans une promesse. Il la salua avant de s’avancer à la tête du convoi, et ils s’échinèrent le long de la route, au bord des champs baignés de lumière s’agitant comme des vagues sous les caresses légères du vent. Elle sembla attentive aux ordres de Léandre qui fit changer l'allure de ses hommes d'un pas plus martial et soutenu, à tel point qu’elle s’en interrogea sur le sens de cette démarche. Son regard balaya le paysage à la recherche d'indice mais ses questions ne trouvèrent pas de réponses.
Peu de temps arrivés à Conques, Magelus sembla reprendre vie, il entra en mouvement et elle le suivit avec calme, quittant finalement la charrette, se levant avec dignité. Ils furent accueillis par un cortège de fidèles attentifs, attendant la bénédiction des Trois. Du coin de l’œil, elle observa avec surprise l’aplomb de la voix de Magelus coupant avec son mutisme tout au long de la matinée. Elle rassura Léandre silencieusement en lui souriant quand il échangea un regard inquiet.
« Ça ira, ne vous en faites pas. »
Et la journée commença, la vraie. Léandre s’était tenu non loin d’elle tel un gardien silencieux.
« Ma sœur… » Souffla une femme enceinte en lui saisissant les mains, nouant ses doigts aux siens comme pour fusionner avec, serrant ses jointures avec une force apeurée et carnivore. « Je vous en prie, faites que mon enfant soit fort et vigoureux. » Elle sembla implorer « S’il vous plaît, pour qu’il puisse survivre dans ce monde. »
Isolde l’observa et soutint son étreinte, elle fut frappée par le regard implorant, le ton suppliant, les lèvres tremblantes.
« Vous permettez ? » Murmure-t-elle, tandis que l’une de ses mains se détachait de cette étreinte pour la poser doucement sur l’arrondi de son ventre. Isolde ferma les yeux tout en réfléchissant puis fini par sourire. Un coup vif bien que tacite vint répondre contre sa paume de main.
Lâchant un petite sourire, elle annonça.
« Il sera téméraire, Ma Dame, croyez-moi, il aura tout ce qu’il faut pour survivre. » Elle ajouta devant l’air ému de la future mère. « Et vous saurez lui apporter ce dont il a besoin, je vous prierais pour vous deux aux Trois, c’est une promesse. »
Une dispute éclata au loin et Isolde réussit à y mettre un terme tout en essayant d’arranger les deux partis, les traitant avec douceur mais d’un ton résolument ferme à la manière d’une mère.
À la fin de la journée, Isolde essuya les quelques perles de sueurs sur son front d’un revers souple de la main. Elle était épuisée dans le bon sens du terme : pour la première, la toute première fois de sa vie, elle sembla trouver un but à ce qu’elle faisait. Son regard perçant erra dans la foule à la recherche Léandre dans les quelques groupes dissipés sans parvenir à le retrouver.
___________
Fin de journée.
Le père Magelus semblait percer un peu plus cette camisole de silence et sa voix fébrile trancha avec le calme profond qu’il affichait un peu plus tôt dans la journée. Sa voix était porteuse d’espoir et il avait su se montrer sous des traits rassurants pour le Village. Isolde mangeait avec politesse tout en l’écoutant mais ne pouvait s’empêcher de se demander si les miliciens avaient le droit à un tel traitement de faveur ? Elle but une lampée de la bière et lécha d’un coup de langue discret la mousse laissée sur le bord de ses lèvres.
« Nous nous en sommes bien sortis, mon père » Affirma-t-elle en tentant de lui sourire pour le rassurer. « Les gens sont heureux et vous avez su les rassurer lorsqu’ils ont exprimé leur doute les plus sincères. » Elle s’arrêta, l’observa avec une attention toute particulière, puis reprit. « Vous avez su leur donner de l’espoir pour la nouvelle saison. » Elle hocha la tête.
« Je pense que pour une première journée, nous pouvons appeler ça une réussite même, mon père, qu’en pensez-vous ? » Elle plissa les yeux avec détermination, un faible sourire qui s’esquisse comme pour le rassurer, elle n’est pas là pour l’achever dans ses insécurités.
Ils discutèrent un peu plus cette fois-ci, Isolde ne chercha pas à meubler les silences de Magelus, elle commençait à cerner le tempérament taciturne du Prêtre et respectait ses limites sans chercher à s’imposer. Une fois leur repas terminé, ils jugèrent qu’il était temps de monter dans leur chambre.
« Un sceau d’eau vous attends pour votre toilette, ma sœur. » Informa l’aubergiste en souriant alors qu’elle lui rendait son assiette. « L’eau est chaude, nous l’avons fait chauffer pour vous. » Il désigna d’un menton l’arrière de la cuisine. « Enfin, ils, plutôt. »
Elle hocha la tête avec reconnaissance en leur direction.
« Ce n’était pas nécessaire, je vous en prie. » Murmura-t-elle. « Nous y tenons. »
Se contentant de remerciements chaleureux, elle monta à l’étage et salua le père Magelus qui s’engouffra dans sa chambre puis fit de même. En ouvrant sa porte, lorsqu’elle découvrit la pièce, elle fut surprise d’y voir une chambre étroite mais qui présentait quelques petits meubles et s’approcha du sceau encore chaud avec un bout de tissu à côté.
Détressant ses nattes sévèrement nouées, sa chevelure libre s’étala en de longues boucles épaisses jusqu’à la pointe de ses omoplates, ses doigts vinrent s’égarer dans son épaisse tignasse pour se masser le cuir chevelu. Poussant un léger sentiment de bienêtre, elle commença à glisser le bout de tissu sur son visage pour se le nettoyer. Elle se dépouilla de sa robe de prêtresse qu’elle déposa soigneusement sur le dossier d’une chaise pour en porter une plus simple en dessous.
Elle se démêla les cheveux agilement avec ses doigts tout en repassant l’épisode de la journée et elle se surprit à laisser ses pensées dévier sans chercher les retenir. Une fois la toilette achevée, elle sortit son carnet de sa besace pour voir les fleurs qu’elle avait reçues dans la journée. Il faudra qu’elle songe à écrire leurs propriétés.
En haut de la page du carnet était écrit « De la part d’Odile Pour Isolde. »
« Tu serais si contente de ce qu’il s’est passé aujourd’hui, Od’… » Et ses yeux se fermèrent calmement.
Un grattement à la porte, discret, la fit se redresser tandis qu’elle feuilletait son carnet de fleur séchée.
« J’arrive ! » S’écrie-t-elle en s’allongeant au travers de son lit pour jeter le carnet vulgairement sur la table de nuit, ce dernier glissa et tomba au sol. Elle esquissa une grimace avant d’entendre à nouveau les grincements. « J’arrive ! » Rechigne-t-elle.
Elle se leva et croisa ses bras sous la poitrine en s’avançant vers l’entrée de sa chambre. Alors qu’elle ouvrit la porte, elle aperçut une silhouette familière accoudée à l’encadrement, toujours à emporter ce sourire qu’il lui était propre.
« Lé… Léandre ? » Elle semble le scruter avec étonnement « Je vous en prie, ne restez pas là ! » Elle se ressaisit en se décalant rapidement pour le laisser entrer. « Je… Hm… » Elle se racla la gorge pour chasser une légère gêne. « Je ne m’attendais pas à vous voir ici. » Poursuit-elle en refermant la porte doucement derrière elle.
Elle le laissa scanner la chambre, puis désigna un siège d’un geste ample de la main pour l’inviter à s’asseoir s’il le désirait. Son index vint remonter le long de sa nuque qu’elle caressa discrètement de la pointe du doigt, c’était la première fois qu’elle se trouvait dans un lieu aussi intime avec un homme. De plus, elle n’apparaissait que très rarement ainsi, les cheveux libres, elle avait ainsi l’impression d’être complètement mise à nue aux yeux d’un inconnu. Pas de tenue de Prêtresse pour se protéger du monde, il n’y avait plus de sœur, il ne restait qu’Isolde.
« Que se-passe-t-il ? Tout va bien ? » Questionne-t-elle en prenant place sur une chaise juste en face de lui, les yeux espiègles du milicien semblaient pétiller de mystère. Elle laissa déraper un sourire discret, contaminée par sa bonne humeur. « Vous avez le don de me laisser perplexe, Léandre, que me réservez-vous, cette fois-ci ? Une autre moitié de pomme pour le dessert ? » Plaisante-t-elle.
Comme pour achever l’attente dans laquelle elle se trouvait, il laissa découvrir un jeu d’échec et Isolde, très étonnée, fixa la boite d’un regard vif qui bondit jusqu’aux yeux du milicien auxquels elle s’accrocha avec une délicieuse étincelle de surprise.
« Décidément » Débute-t-elle, dans un demi-sourire en se caressant le menton d’un nouveau geste gracieux de l’index. « Vous ne cessez de m’étonner, vous avez de la ressource. »
Un léger sourire vint étirer la commissure de ses lèvres. Léandre était tout ce qu’il y avait de plus troublant et ce serait mentir de dire que ça la laissait insensible.
« J’ignorais que vous me prendriez au mot le jour même. » Et elle est sincère, Isolde, tandis qu’elle poursuit. « Vous êtes... » Et elle ne sembla pas réussir à terminer sa phrase qui sembla s’élever dans l’air dans un silence léger.
Cette fois-ci, elle posa ses deux coudes sur la table où ils se faisaient face puis vint poser son visage, soutenue par ses deux mains.
« Est-ce le moment où nous devons parler du gage, Monsieur le Coutilier ? » Semble-t-elle s’en amuser. « Si je gagne... » Elle réfléchit puis ajouta. « Je souhaiterais que vous m’appreniez le combat à l’épée, qui sait, serais-je peut être convaincue de me reconvertir en pirate sous votre enseignement. »
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Sam 19 Juin 2021 - 15:14
21 mars 1167.
Le jeune milicien avait sans doute voulu se donnait un air assuré et charmeur, mais il fallait bien admettre que le silence qui le saisit quand Isolde ouvrit la porte de sa petite chambre, fut produit par sa beauté dévoilée au naturel. Heureusement il parvint à ne pas s’abaisser à voir sa mâchoire se décrocher trop brutalement devant la prêtresse. Il ne put s’empêcher de l’observer une longue seconde avant d’hocher la tête et d’entrer à sa suite quand elle l’y invita. Promenant son regard dans la petite chambre le temps de se donner une contenance, il revint à Isolde avec les yeux amusés.
- Pardonnez-moi, mais j’ai laissé les pommes dans la charrette, demain promis ! répondit-il d’un ton tout sauf désolé.
Il lui montra un petit jeu d’échec qui tenait presque dans la paume de sa main, rappelant les jeux portatifs des officiers en campagne. Il l’ouvrit pour en dévoiler les pièces, de minuscule forme de bois qui semblaient, malgré le passage des années, avoir reçu beaucoup d’attention et de soin de la part de son propriétaire.
- Je remettais quelques lettres au bourgmestre quand j’ai aperçu son jeu. Je ne suis pas très friand de la destinée, mais j’aurais été bien en peine de ne pas y voir un signe.
Il l’observa encore, ne cachant pas le plaisir qu’il prenait à détailler sa beauté sans que la moindre trace de concupiscence ne vienne entacher ses beaux yeux.
- Pourquoi attendre ? demanda-t-il, son sourire s’agrandissant malicieusement face à sa phrase non finie, comme si cette absence de conclusion était finalement plus significative qu’un choix de mot précis. Mais je ne voulais pas non plus vous déranger si vous comptiez vous reposer.
Mais devant l’attitude de la jeune femme, il prit bien soin de ne plus se confondre en excuse et commença à doucement disposer les pièces sur le petit plateau entre eux. Il haussa un sourcil à son choix de gage.
- Que voilà un choix intéressant… Vous semblez avoir soif d’aventure Isolde, plus encore que je ne l’aurais cru. Mais soit ! Puisque là est votre choix, je vous enseignerais le peu que je sais durant notre voyage. Quant à moi… dit-il en plaçant sa reine à sa place.
- J’ai rêvé quelques heures à vous demander un baiser je l’admets. lança-t-il d’une voix assurée et joueuse son regard glissant dans l’intensité de celui de la jeune femme. Oui c’est certain que cela à trainé dans mon esprit. Puis j’ai réalisé qu’un baiser volé, aussi agréable me paraisse-t-il ne serait une récompense que trop éphémère…
Il avança la première pièce, ayant visiblement décidé qu’étant celle qui avait lancé le défi, il était normal que ce soit à lui de commencer.
- Alors voilà mon gage, si je gagne, vous me promettrez d’accepter de me revoir lorsque nous aurons regagné la cité. Il lui sourit, plein d’espoir et d’amusement. Et ils débutèrent la partie. Si son style ne manquait pas d’audace, il fallut bien vite reconnaître qu’Isolde en maîtrisait mieux les subtilités. En quelque tours, sa possession du plateau devint assez évidente et le Coutilier du se rabattre sur un jeu plus défensif. Il faillit bien la mettre en difficulté, en jouant son va tout à un moment où elle pensait son emprise totale, mais après une grosse sueur froide, sa victoire fut assurée. Si bien que Léandre, soucieux de reconnaître la beauté de sa victoire, coucha son roi alors qu’il aurait pu la fuir plusieurs tours avant d’être obliger d’admettre sa défaite.
- Je savais que j’aurais dû m’entrainer en premier lieu, je suis trop impatient ! admit-il sans sembler gêner d’avoir perdu face à une femme. Une nuit noire était visible dehors, leur petite bataille avait dû être plus longue qu’il n’y paraissait.
Léandre s’étira dans un petit gémissement félin et entreprit de ranger les pièces.
- Demain nous ferons un peu de théorie pendant la route, la plupart des combats se gagnent dans la tête avant même d’avoir l’épée en main. annonça-t-il en se relevant.
Elle l’accompagna à la porte, mais il finit par se retourner vers elle, et glissa sa main dans la sienne. Doucement il se pencha vers elle, son regard brûlant, et une tension agréable monta entre eux. Mais il ne se permit pas de l’embrasser, quand bien même ses yeux en hurlaient d’envie. Il se contenta de chuchoter à son oreille.
- J’aurais vraiment voulu gagner…
Il porta sa main douce à ses lèvres et l’effleura d’un délicat baiser.
- Bonne nuit, Isolde. dit-il avant de la laisser seule dans sa chambre.
…………………………………
Le départ fut une nouvelle fois annoncé à l’aube le lendemain matin. Comme l’avait prédit Léandre la veille, Magelus après une journée hors de la cité semblait se montrer bien plus serein que la veille. Sans faire preuve non plus de dynamisme ou de joie, il se montra plus ouvert à l’échange et finit même par s’entendre avec Harold qui été passé en tête de convoi, avec qui il se mit à débattre politique intérieure et importance du clergé. Si bien que durant l’une des pause, il choisit de lui-même de rejoindre la charrette de tête et d’en prendre les rennes pour se trouver plus proche de son adversaire de joute verbale.
Léandre bondit sur l’occasion pour passer plus de temps avec la prêtresse. Comme promit, marchant à coté de son véhicule, ou parfois même installer sur le banc près d’elle, il entreprit de lui expliquer les rudiments de l’épée. Comment la tenir pour ne pas la voir s’envoler au moindre coup, où mettre ses pieds, comment respirer en posant une main sur son ventre. Toutes les choses qui pouvaient être abordées par la parole avant les actes. Mais il ne se contenta pas de lui donner des leçons. Volubile et curieux, il lui posa de nombreuses questions sur son quotidien au temple, ses passions, ses espoirs, en évitant soigneusement de parler à nouveau de sa famille, sujet qui semblait faire souffrir Isolde. Il lui parla en retour de sa sœur, morte certes, mais pour qui il vouait presque une forme de vénération, un modèle qui lui avait donné envie d’étudier les lettres. Mais aussi de sa vie dans la milice, de son rapprochement avec son escouade. En somme, il s’astreint à la divertir de sa présence tout en se montrant véritablement intéressé par tout ce qu’elle voulait bien lui concéder.
Il n’y a qu’à la nuit tombante, quand il fut évident qu’ils devraient établir le camp dehors qu’il se montra moins prompt à l’échange. Magelus aussi redevint taciturne. Ils finirent par trouver une zone suffisamment dégagée près d’un grand arbre mort mais toujours debout. Ils disposèrent donc les charrettes afin de se protéger du vent. Et Léandre consentit à allumer un petit feu en constatant la pâleur du prêtre à l’idée de passé la nuit dans un noir absolu. Les attaques avaient été rare récemment, et le coutilier estima que le risque était acceptable.
Une lune parfaitement ronde et jaune se leva derrière eux, comme une aube inversée, et les baigna dans une étrange lumière pâle. Un duo chuchotait tout bas, deux autres, dont Harold, patrouillaient tranquillement autour d’eux. Si on exceptait le prêtre qui fixait le feu comme pour ignorer la nuit elle-même, l’ambiance était encore détendue, bien que pleine de prudence. Léandre fini par sortir des ombres en tenant de bout de bois grossièrement taillés. Il en tendit un à la jeune femme, tout sourire.
- Un peu de pratique ?
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Lun 21 Juin 2021 - 18:48
Le trouble s’était emparé d’Isolde. Troublée qu’il lui avoue avec tant de facilité, de spontanéité qu’il aurait désiré un baiser et de cette manière dévoiler qu’elle l’attirait. N’osant donner de réponse, elle battit en retraite dans un silence, non pas parce que ce n’était pas réciproque mais bien parce qu’elle était encore étrangère à ce genre de franchise. Lorsqu’Isolde l’accompagna jusqu’à la porte, elle ne put s’empêcher de sentir son cœur s’emballer d’une chamade désordonnée quand il se pencha vers elle, son visage surplombant le sien de son ombre. Ses yeux s’étaient enflammés d’une toute autre lueur, comme deux petits lampions en fusion. Une chaleur apparut doucement dans la pièce, s'étalant au fur et à mesure que leurs regards s'embrassaient comme deux astres en collision. Une chaleur incompréhensible lui souleva le ventre en une réponse muette à son regard fiévreux alors qu’il lui murmurait un bien joli aveu à l’oreille. Ils s’observèrent en silence, l’air se chargea d’une tension un peu plus électrique entre eux. La pièce ne venait-elle pas de gagner en chaleur ?
« Peut-être que vous serez meilleur que moi la prochaine fois. » Murmure-t-elle doucement, perdant un fragment d’assurance dans le filet de voix qui s’en échappa.
Déposant ses lèvres sur sa main en un baise main galant, il s’éclipsa.
Elle lui offrit un dernier sourire avant de s'adosser lentement contre le bois de la porte. Si elle était rassasiée de cette victoire aux Echecs, indéniablement, il l’avait laissée affamée sur un tout autre terrain. La chaleur grondante d’un immense brasier enflammant son bas-ventre qui le réclamait. Léandre provoquait comme une onde de choc ce qu’elle pensait sous contrôle, ou du moins, fermement verrouillées. Il mettait en lumière des choses qu’elle souhaitait à jamais dissimuler dans l’ombre, lui privant du contrôle qui l’enchaînait à ce qu’elle pensait être juste et vrai. Elle ne le voyait pas en ennemi, pire encore et cet aveu silencieux l’acheva, il l’attirait comme un fangeux assoiffé de carnage.
Une main hésitante se porta à son visage pour s’offrir une contenance tandis qu’elle captura sa lèvre inférieure entre ses dents. Comment cet homme pouvait-il désarmer sa méfiance naturelle avec tant d’aisance ? Comment savait-il la déjouer sans ne serait-ce fournir strictement aucun effort ? Se décollant de la porte, elle se dirigea et se glissa dans son lit, songeuse. Sur le dos, sa main posée sur son ventre sembla hésiter à calmer le feu qui s’agitait en elle, un cran plus bas.
« Par Anür, que m’arrive-t-il ? » Un silence moqueur, bien que lourd de vérité sembla lui répondre.
Au final sans ne rien faire, la fatigue eût raison d’elle et l’emporta dans un sommeil sans rêve tant la journée avait été intense.
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Léandre passa une bonne partie de la journée avec elle, en début de matinée Isolde eût l’air plus revêche que la veille, et l’assena de quelques piques un peu plus affûtées comme si elle lui en voulait de ce qu’il avait pu déclencher chez elle, comme pour le chasser et dresser ses barrières de nouveau. Mais au revers d’une plaisanterie, il réussit à lui soutirer un demi-sourire ponctué d’un rire clair. L’ambiance désamorcée, la discussion redevint à nouveau fluide entre eux, elle l’écouta très attentivement, et remarqua qu’ils avaient indéniablement des points communs surtout concernant leur sœur. Elle n’osa rien ajouter en ce qui concernait la sienne, se contentant de sourire, de lui répondre, et fit preuve d’une grande écoute quand il lui parla du lien fort et fraternel qui semblait l’unir à son escouade. Le soleil se déclina rapidement et perça l’horizon d’une vive lueur rougeoyante. La jeune prêtresse s’arrêta dans son mouvement pour le contempler un long moment, hypnotisée par la beauté de ce qu’elle voyait. Lorsque Léandre énonça l’idée de faire un feu, Isolde n’émit aucune objection, elle faisait confiance aux compétences du coutilier. Ne désirant pas être dans les pattes des miliciens qui avaient décidé d’établir un camp pour cette nuit, elle ne put réprimer une forte appréhension au creux du ventre. Refusant de laisser la peur gouverner le reste, elle s’attela aux quelques tâches qu’elle pouvait accomplir, ne désirant pas être un poids pour le reste du groupe ou la belle poupée qu’on pouvait laisser docilement dans un coin.
Très vite la Lune se leva en souveraine de Nuit, baignant d’une atmosphère presque rassurante le petit groupe. L’ombre du grand arbre mort semblait s’étendre comme des bras implorants sous ses rayons crus, étendant sa lueur dans une vaste étendue de champs désormais argentée, baignée par les reflets lunaire et bercée par un vent discret. Alors qu’elle était assise proche du feu, les mains dressées vers la chaleur, paumes tendues vinrent caresser les flammes. Tout d’un coup, intriguée mais méfiante, elle pivota la tête vers un bruissement dans les ombres en s’immobilisant tout à fait attentive.
Elle soupira de soulagement en s’apercevant qu’il ne s’agissait que du coutilier.
« Léandre ! » Rechigne-t-elle en un léger grognement mécontent, roulant élégamment ses yeux au ciel. « Par Anür ce n’est que vous, vous m’avez fait peur. »
Se redressant en prenant appui sur ses genoux, elle s’avança de quelques pas curieux vers lui et se saisit de l’un des deux bâtons qu’il lui tendit. Elle le soupesa légèrement avec son autre paume de main.
« Nous sommes sur votre terrain de jeu, là, Léandre. » Elle poursuivit. « Je tâcherai d’être une bonne élève. »
Se plaçant derrière lui, légèrement de biais pour avoir une vue totale sur l’ensemble de ses mouvements. Elle tenta de prendre une posture similaire à la sienne, bien moins précise, même si se dégageait d’elle une certaine élégance. Comme une chorégraphie, elle se mit à tenter de reproduire chaque geste avec concentration, l’éclat de la lune reportant leur silhouette comme deux ombres chinoises sur le sol. Alors que Léandre effectuait une nouvelle gestuelle, il put sentir le choc de l’impact d’un petit caillou contre son épaule, se retournant, il aurait pu voir Isolde le dévisager avec innocence.
« Pourquoi vous arrêtez-vous ? » Questionne-t-elle, jouant les parfaites élèves offusquées qu’on les trouble dans leur apprentissage. « J’étais vraiment concentrée en plus ! » Mentit-elle, légèrement provocante.
Alors qu’ils révisaient à nouveau leurs mouvements, toujours dos à elle, Isolde lui lança cette fois-ci un autre petit caillou qui rebondit contre son épaule. Alors qu’il pivotait à nouveau vers elle, Isolde mima d’être profondément plongée dans l’étude de sa posture.
« Quoi ? Qu’avez-vous à me dévisager comme ça ? » Sourit-elle d’un air espiègle, cachant de tenter tant bien que mal son léger rire. « Reprenons, voulez-vous ? » Et dans tout ce qu’il y avait de ces provocations les plus subtiles, elle lui offrit un sourire très malicieux, un brin insolent.
Léandre, dans sa plus grande délicatesse d’esprit, décida qu’il était temps de passer aux choses sérieuses. Isolde l’observa hébétée, perdant légèrement de sa superbe.
« Aussi tôt ? » Demanda-t-elle, légèrement étonnée. « Un duel ? Je sais à peine tenir ce bâton… »
_________________________
« Ah ! » Souffla-t-elle en reculant avant de se laisser tomber au sol, tentant de récupérer son souffle. Sa poitrine se levant et se soulevant profondément pour trouver à nouveau un rythme de respiration normale. « Vous...Attendez, laissez-moi… » Elle inspira profondément à nouveau. « Laissez-moi… reprendre mon souffle. » Elle remarqua qu’il l’observait et son regard s’en détourna. S’essuyant du dos de la main son front, elle lui tendit son autre main avec gentillesse. « Pouvez-vous m'aider à me relever, Léandre ? Vous n’avez pas été tendre, décidément. » Ajoute-t-elle, jouant les beautés vexées. « Si j’avais su, je n’aurais pas cherché à préserver votre égo durant cette partie d’échecs. » Se moqua-t-elle tendrement.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Lun 21 Juin 2021 - 21:31
21 mars 1167.
Léandre gloussa dans les ténèbres devant l’air gentiment offusqué et un peu forcé de la jeune femme. Elle avait bien faillit l’agacer quelques minutes plus tôt avec ses petites provocations, mais au final, il ne l’appréciait surement que d’autant plus. Cet aspect sauvage, inattendu, qui se révélait chez la jeune femme à mesure qu’elle acceptait de se laisser découvrir avait sur son sang l’effet d’un feu liquide, et son esprit ne pouvait qu’assez rarement dévier de l’image de ses lèvres.
- Peut-être auriez-vous du en effet, mais je ne me plains pas non plus d’avoir encore un domaine où j’ai l’occasion de vous dépasser.
Il s’avança vers elle, son sourire le plus charmant aux lèvres, sans aucune trace de moquerie ou de remord.
- Peut-être pourrions-nous trouver un autre domaine vous offrant une occasion de revanche ? dit-il en prenant ses doigts entre les siens pour l’aider à se relever. Mais au contraire de ses attentes, ou peut-être que non, il ne la laissa pas reculer ou lâcher sa main. Au contraire, il posa l’autre au creux de ses reins. Le tissu de sa toge légèrement moite rendant la sensation plus tactile encore. Il la pressa contre lui. Plus grand qu’elle, il avait le regard plongé dans le sien. Sa haute stature et la pénombre suffisant à cacher la scène à leurs compagnons tout occupé.
- Rien ne vous obligera à être tendre avec moi, je vous le promets. dit-il en glissant ses doigts sous son menton pour lever son visage vers lui et venir, enfin, lui prendre le baiser qu’il avait rêvé ces deux derniers jours.
Un bourdonnement puissant occupait l’esprit d’Isolde, le sang battait dans ses tempes à mesure que leurs lèvres parcouraient la distance les séparant. Un bourdonnement toujours plus fort… ou plutôt un sifflement à présent, qui lui était désagréable à l’oreille. Celui-ci s’arrêta dans un bruit mat, et Léandre pâlit dans une étrange grimace alors qu’un jet de liquide chaud zébrait le visage d’Isolde, des gouttes lui laissant un goût de cuivre sur la langue.
Elle baissa les yeux, décontenancée sans doute en observant la pointe de flèche qui jaillissait du buste de Léandre, à quelques millimètres à peine de sa propre peau. Mais déjà le milicien basculé en avant, l’emportant dans sa chute. Ils tombèrent lourdement au sol alors qu’une voix hurlait. La sienne. D’autres cris suivirent, ceux des miliciens signalant l’attaque. Des ombres parfaitement silencieuses courraient vers le camp dans la nuit, seule la lueur de leurs lames et leur regard brillant les rendant quelque peu visible.
Par réflexe de guérisseuse, par instinct d’aide, ou simplement incapable d’imposer à son esprit de réagir autrement, elle fit basculer Léandre de sur elle et s’agenouilla près de lui pour tenter de compresser la plaie. Le jeune homme, plus pale que la lune, l’observait avec un mélange d’incompréhension et de peur. Surpris de sentir sa vie le quitter. Lentement, alors qu’elle essayait d’endiguer le flot de sang, couvrant ses mains de rouge sombre, il extirpa son épée de son fourreau et faiblement la força à la prendre entre ses doigts souillés. Il la repoussa, la faisant tomber en arrière. Elle revint près de lui, mais il la repoussa encore. Son regard la suppliant de fuir.
Elle se releva en trébuchant, tenant l’épée en tremblant. Mais il était déjà trop tard pour cela. Le combat avait été aussi prompte à se conclure qu’à débuter. Une quinzaine de silhouettes entourée la jeune femme, refermant lentement un grand cercle, l’empêchant de focaliser son regard quelque part.
Une forme passa le rideau infranchissable. Une jeune femme, surement pas beaucoup plus âgée qu’elle, mais dont le regard sauvage semblait presque la priver d’humanité. La moitié de son crâne était soigneusement rasée, et une cascade blonde ou châtain tombait de l’autre côté. D’étrange symbole lui peinturlurait le visage d’un bleu doux qui ressortait à la lumière lunaire. Elle ignora la jeune prêtresse tétanisée comme s’il ne s’était agit que d’un arbre planté au bord de la route et se dirigea vers Léandre auprès duquel elle s’accroupit.
- Hey, t’es mort ? demanda l’inconnue au jeune homme qui ne parvint qu’à toussoter du sang. Tu te souviens de ça ? le questionna t’elle en extirpant ce qui ressemblait à un pendentif grossier à la forme de la trinité, mal taillé dans du bois noir.
Le jeune homme remua avec peine, comme pour exprimer quelque chose.
- Bien. conclut-elle.
Le coup fut si vif et brutal, que la lame plus tranchante qu’un rasoir décapita presque Léandre, sa tête basculant atrocement vers Isolde dans un bruit gluant, uniquement retenue à son corps par ses vertèbres. La vie le quitta et ses yeux si charmants devinrent vitreux et effrayant. La femme resta accroupie près de lui jusqu’à ce que le flot de sang cesse. Elle ne semblait pas spécialement exaltée par la scène, mais une certaine satisfaction était discernable dans ses traits redevenus calme. Un homme, massif, deux ou trois fois plus large que les deux femmes, s’avança vers elle.
- Alors ?
- Un blessé chez nous, rien d’handicapant. Un survivant parmi les verts, un prêtre… et elle.
La tueuse hocha la tête à ce rapport si anodin en apparence, et pourtant si sanglant.
- Mets leurs têtes dans un des chariots, et envoie le vers Sarrant. dit-elle en se redressant. L’homme hocha la tête et se détourna tandis qu’elle, s’avançait vers la pauvre Isolde et son épée tremblante.
Son sourire fut presque sympathique tandis qu’elle s’adressait à elle pour la première fois, ce qui rendait le moment plus étrangement horrible encore.
- Si tu ne lâches pas ça, je vais devoir t’y forcer, et crois moi tu n’apprécieras pas l’expérience. dit-elle en indiquant l’arme maladroitement tenue et qu’une seule leçon rendait presque parfaitement inutile.
HRP:
Comme tu peux le voir, la situation est... à en perdre la tête. Je te laisse décider de ta réaction à cet instant, qui définira une bonne part de la suite.
Bonne chance, et RIP Léandre
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Mer 23 Juin 2021 - 18:34
Des gouttes sombres perlèrent sur son visage, Isolde cligna un instant des yeux, hantée par cette grimace et tenta de chasser un arrière-goût de sang qui venait d'apparaitre dans les profondeurs de sa gorge. Ses yeux s’affaissèrent vers un détail métallique qui manqua de se loger entre ses deux seins. Et de l’incompréhension naïve naquit la stupéfaction de l’horreur, s’imposant dans son esprit comme un tremblement sourd et vorace, son cri remonta le long de sa gorge et se porta sur l’ensemble du camp, propulsé par une vague d’effarement. Perdant doucement l’équilibre, Léandre tituba dangereusement avant de chuter et de s’écraser lourdement sur elle, l’emportant de tout son poids dans sa chute. Retombant lourdement sur le dos dans un bruit étouffé par la terre meuble. Léandre cracha à nouveau sang qui se projeta en des flaques rougeâtres sur son visage, dessinant des arabesques sur son nez et sur ses joues.
« Léandre !! » S’écria-t-elle tandis que d’un mouvement vif de l’épaule, elle le bascula sur le côté, se redressant presque instinctivement sur lui. Nettoyant les tâches qui lui brouillèrent la vue d’un geste rapide de l’avant-bras, elle réprima un haut le cœur.
Ses mains paniquées tâtèrent de manière hystérique la pointe de la flèche avant de distinguer plus précisément la plaie, elle s’arracha un bout tissu de sa robe à l’aide de ses dents, l’écrasa sur la blessure d’où le sang jaillissait à gros bouillons. Elle sentit le liquide épais couler sur ses mains, s'insinuer entre ses doigts, glisser le long de ses avant-bras pour ensuite tomber en lourdes gouttes au sol. Comprenant l’évidence sans toutefois l’accepter, elle s’acharna à stopper les saignements, le monde et les silhouettes semblaient s’évanouir autour d’elle. S’entêtant à ne point faillir à sa tâche, Isolde n’arrivait pas à voir le massacre autour d’elle. Ou peut-être s’y refusait-elle ?
« Léandre, s’il vous plaît, regardez-moi… »
Il la repoussa une première fois, et Isolde retomba en arrière mais se releva presque aussitôt pour se ruer à nouveau sur son corps gisant au sol. Léandre avait les traits déformés par la peur et son regard incompréhensif sembla à nouveau s’agiter dans les branchages de l’Arbre mort, juste au-dessus de lui. Isolde appuya un plus fort dessus sur sa blessure, sans se rendre compte que peut-être le faisait-elle plus souffrir, trop obnubilée par l’idée de le sauver.
« Assez ! » S’énerve-t-elle, montant un cran dans les aigus. « Laissez-moi vous ai – »
Et il la poussa une deuxième fois, glissant son épée à nouveau entre ses mains qui tomba une première fois à cause du glissement de ses doigts humides. Horrifiée mais impuissante, le regard que le lui lança Léandre la freina à nouveau dans son élan.
Soudainement prise dans un étau qu’elle ne sembla remarquer que maintenant, Isolde se raidit, reculant à nouveau de quelques pas effrayés, saisissant le pommeau et braquant la pointe de l’épée vers les ombres se découpant dans la nuit. Sa vue troublée de sang distingua une forme, comprenant rapidement que cela devait être la personne derrière tout cela. Elle s’avança d’un pas tranquille vers Léandre qui s’agitait faiblement avant de braquer sa lame pour lui trancher la tête, lui arrachant un sursaut d’effroi. Son geste avait été si nonchalant qu’elle n’aurait jamais imaginé ne serait-ce qu’une seconde que cette simple attaque puisse être aussi rapide et mortelle. Sa tête fut retenue par son corps et à cette vision, son ventre se comprima mais elle ne réussit à vomir que du vide, son estomac en feu se déchaînant en elle.
La mort recouvrait Léandre, la nuit recouvrait le champ, la peur recouvrait ses pensées. Sa chevelure d'ordinaire si sombre et si belle n'était que bataille et saleté, son éclatante couleur chocolat s’était muée en un marron terne. Isolde n'offrait comme ultime symbole de fierté que sa beauté ternie, dans ce cauchemar qui ne semblait jamais vouloir finir. Avilie par ce sang qui n’était pas le sien et lui barbouillant le visage, achevant sa stature si fière en celui d’un animal acculé, comme si salit par la crasse, elle en était devenue sauvage. La meurtrière s’adressa à elle et lorsqu’elle s’avança d’un premier pas, lourd de menace et de représailles silencieuses, Isolde pointa l’épée vers elle.
Prisonnière de son corps et ne semblant plus maîtresse d’elle-même, ses genoux s'affaissèrent et se plantèrent au sol comme deux piquets, et ses bras ballants retombèrent lentement le long de ses hanches. Néanmoins, sa poigne autour de l'épée sembla se resserrer, elle ne la brandissait plus comme menace mais la maintenait toujours à côté d’elle. Elle serra la mâchoire, son charisme et sa dignité ne sauraient être entachés par cette horrible situation… Quitte à mourir, autant le faire de la meilleure des manières.
Elle se mentait à elle-même. En vérité, elle était terrorisée. D’un geste lent et exagéré de sorte à ce que Priscilla le distingue dans la nuit, l’épée fut jetée un peu plus loin, à un mètre tout au plus.
Ses mains vinrent se poser sur le haut de ses cuisses, agrippant les pans de sa robe en les serrant dans des tremblements confus à mi-chemin entre la rage et la peur, comme un loup pris en embuscade hors de sa tanière. Lorsque la silhouette de la meurtrière se précisa dans la nuit, Isolde imprima avec attention chaque trait de son visage, se jurant que si elle s’en sortait, elle le lui ferait payer. Tout. Au centuple.
Elle la haïssait, la haïssait, la haïssait.
Alors qu’elle s’avançait un peu plus. Pensant sûrement qu’elle était vulnérable, d’un geste vif, Isolde pivota sa tête vers elle, son nez se retroussant dans une pulsion de colère, et la prêtresse, de sa bouche cernée de rouge dévoila ses dents, et lorsque Priscilla fut plus proche encore, Isolde la grogna.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Mer 23 Juin 2021 - 22:13
21 mars 1167.
Priscilla pencha légèrement la tête en observant le rictus sauvage de la prêtresse, comme un animal prêt à lui sauter à la gorge pour enfoncer ses crocs profondément dans sa chaire et faire jaillir le sang. La bannie se contenta de sourire. Le coup fut brutal, bien que paume ouverte, telle une gifle. La tête d’Isolde parti violemment sur le côté et sentit ses pieds quitter le sol pour l’envoyer rouler un peu plus loin de l’épée et de son assurance sauvage. Il était difficile d’imaginer qu’un si petit corps puisse recéler tant de force. Sa violente interlocutrice avait pourtant la parfaite maîtrise de sa voix quand elle reprit la parole. Pas même une once de colère ou de domination ne s’y insinuait.
- Alors Rikni, ses épées couvertes du sang des injustes dit à son plus valeureux ennemi. « La colère est miel, la haine est délice, et c’est pour cela que la vengeance vous consume. »
Elle pencha et ramassa l’épée. L’une comme l’autre connaissait l’écrit sacré que venait de cité la chef des assassins. Chaque ordonné l’avait lu, un jour ou l’autre pour porter sa robe.
- Tu peux bien me haïr petite sœur, tu ne seras ni la première ni la dernière, mais tâche de choisir le bon moment quand tu montres les crocs. Sous peine qu’on te les arrache avant que tu puisses t’en servir. dit-elle sans s’émouvoir outre mesure d’avoir visiblement une ennemie mortelle à quelque pas d’elle. On les embarque tous les deux.
Deux bras soulevèrent Isolde pour la remettre sur pieds sans douceur alors qu’elle pouvait voir le dos de la meurtrière qui s’éloignait dans les ombres. On lui lia les mains, et banda les yeux à lui faire mal. Et le groupe se mit en route sans plus de cérémonies vers les marais loin de la route. On bousculait la jeune prêtresse, pressant dans son dos pour lui faire accélérer le pas malgré son aveuglement. Seules d’étranges lueurs vertes se mouvant devant elle travers les maille du tissu lui indiquait la direction à suivre, et elle trébuchait régulièrement sur une pierre ou une racine, parfois sa jambe s’enfonçant jusqu’au mollet dans une vase gluante. Mais toujours quand elle semblait sur le point de tomber une main la rattraper, la redresser avant de l’inciter à avancer à nouveau.
Elle entendit des chouinements devant, des pleurs peut-être, l’image de Magelus, ligoté comme elle, s’imposa à son esprit. Un bruit mat et un couinement en signèrent la fin, ou du moins la diminution. La marche dura de longues heures, mais parut une éternité au deux captifs privés de leur sens et de leur liberté. Quand enfin on jeta Isolde sur une pierre large et plate couverte de mousse, c’est avec soulagement qu’elle put soupirer de ne plus devoir mettre un seul pied devant elle. On la débarrassa du tissu qui lui bloqué la vue, et elle put découvrir une petite clairière marécageuse baignée par la lumière de la pleine lune qui avait depuis longtemps atteint son zénith.
Les assaillants étaient là, à se mouvoir dans le cercle, d’étrange petites lanternes émettant une lueur verdâtre à leur côté. La lumière était bien moins forte que celle émise par une bougie ou de l’huile, mais suffisait visiblement à leur permette de se déplacer sans mal tout en étant bien plus discret qu’un homme qui se serait promené avec une torche, comme un phare au milieu de la nuit noire. Même si proche d’eux, et parfaitement au courant de leurs présences, la prêtresse avait du mal à les différencier de grosses lucioles.
De l’autre coté de la clairière elle devina plus qu’elle ne le reconnut, le père Magelus dans sa robe sale et déchirée, et accroupi face à lui, la tueuse de Léandre. Ils discutèrent de longues minutes, et un moment la femme posa sa main sur sa la poignée de sa dague. Le prêtre se recroquevilla contre le tronc d’arbre qui lui servait d’appui, imaginant déjà sa tête rouler comme les autres. Mais elle n’en fit rien. Elle se releva et disparu dans les ombres. Isolde tenta bien de la suivre des yeux mais l’obscurité des marais était trop épaisse, et la jeune femme ne portait pas l’une des étranges lanternes. Ce n’est qu’en sentant soudain une présence près d’elle, mue par un instinct animal, qu’elle parvint à distinguer la silhouette à quelques pas d’elle seulement.
La tueuse s’approcha, deux bols de bois à la main. Elle en posa un devant la fille d’église et s’accroupit face à elle. Des sortes de morceaux de viande séchés et des graines trainaient dans le récipient.
- Mange petite sœur, tu risques d’en avoir besoin. dit-elle sans attendre pour elle-même porter un morceau à ses lèvres qu’elle mastiqua lentement.
- Ton nom et la raison de votre voyage. exigea-t-elle calmement.
IsoldeQueen
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Sam 26 Juin 2021 - 11:56
Elle sentait que son esprit commençait à errer sur une zone sombre qu’elle ne soupçonnait pas, que son cerveau se changeait en un instinct hargneux, sans maîtrise, sans attaches, sans marques.
Puis soudain, cette gifle humiliante.
D’abord, son visage encaissa douloureusement le coup avant de basculer brutalement sur le côté, son corps suivant le mouvement. Son flanc se heurta au sol en accusant le choc en premier, le dos ensuite qui lui arracha un grognement douloureux avant de rouler mollement sur le ventre. Se relevant difficilement en s’appuyant sur les coudes tout en portant une main sur sa joue, dans l’élan ses lèvres crachèrent un peu de sang. Ses poings se serrèrent à nouveau très fort, si forts que ses ongles auraient pu s’écorcher jusqu’à la chair vive contre sa peau. Elle fronça les sourcils en affichant un rictus interdit - non pas par colère mais comme s’il s’agissait d’une mauvaise blague lorsque la meurtrière énonça un extrait qu’elle ne connaissait que trop bien et dont l’adresse de ses mots fit écho en son esprit. La vengeance, Rikni, dans sa mémoire, elle continua la suite de l’histoire. Pire encore, elle comprenait la subtilité dont Priscilla venait de faire preuve. D’un air incrédule, son regard se braqua en le sien à la recherche d’une réponse tandis qu’elle se redressait difficilement. Mais déjà elle s’en allait, avalée par l’Obscurité.
Ses mains furent liées, sa vue fut barrée et elle s’achemina difficilement sur une marche à l’aveugle, manquant de trébucher. Pourtant, dans cette poigne qui semblait la retenir à chaque moment où elle se voyait s’écraser au sol pour ne plus se relever, elle y perçut même une sorte de bienveillance. La marche parvint à apaiser son esprit et sa colère. Son esprit reprit lentement le contrôle sur ses émotions et imposa dans son esprit une raison implacable et militaire. Maintenant, il fallait survivre et rester calme. Logique. Ne plus paniquer. Et étouffer tout le reste.
Epuisée, lorsqu’on la jeta cette fois sur une pierre ronde et qu’on lui retira ce bandeau, elle jeta des regards à la dérobée sur ce qu’il se passait autour d’elle. Et son regard cherchant et décortiquant avec minutie le décor ténébreux l’entourant, elle découvrit alors le prêtre avec cette femme. Ils discutèrent, un long moment. Magelus passa alors de la crainte tacite à l'hystérie de la panique, jetant sa carcasse contre un arbre pour prier les Trois, offrant sa nuque dans le tronc réconfortant de l'arbre. Il semblait désespéré, laissant ses larmes couler sur le gouffre de ses joues. Son interlocutrice semblait indifférente puis se redressa avant d’à nouveau disparaître. Comment faisait-elle pour garder une telle maîtrise d’elle-même ? Pourquoi tout semblait lui glisser dessus ?
La cherchant de longues secondes, Isolde la perçut du coin du regard au dernier moment et ne bougea pas. La jeune femme brandit un bol de nourriture et le présenta à Isolde qui resta immobile et silencieuse, la bouche légèrement entrouverte, comme devant un animal dangereux qu’il ne faudrait surtout pas énerver par des gestes trop brusques. Posant ses yeux sur le bol, Isolde leva ensuite son regard farouche vers elle et la détailla avec attention. Elle semblait dangereuse et pourtant tout faisait d’elle une jeune femme presque parfaite : une gorge délicieusement sculptée sur un visage aux arabesques bleutées entrelacées, ses yeux bleus ressortaient d’une brillance surnaturelle dans la lumière de la lune, en un éclat qui semblait se briser en milles morceaux. Elle ressemblait à l’une de ses lames courbées qui invitait au meurtre. Les yeux d'Isolde viraient de nouveau noir complet, ravivant la scène sanglante dans sa mémoire, des souvenirs encore tout frais.
« Mon nom contre le tien. » furent les premiers mots d’Isolde à son encontre.
Isolde détacha lentement son regard de la meurtrière pour scanner l’endroit où elles se trouvaient. Des marécages épars, avalés par la Nuit, dire qu’à son arrivée hors des murs elle avait trouvé les couleurs éclatantes et belles. Elle s’y était faite, à ça comme à tout le reste du voyage pourtant elle ne parvenait toujours pas à s’habituer à l’Obscurité poisseuse. Et depuis ce soir, elle ne lui avait jamais semblé aussi menaçante.
Un échange d’information, elle fut tentée de lui mentir, de se noyer sous la peau d’une autre. De tuer Isolde pour faire revivre Odile. Mais après sa longue discussion avec Magelus, elle la devinait suffisamment informée pour se lancer dans une manœuvre aussi risquée qu’était le mensonge. Et Isolde n’était pas assez stupide pour provoquer un nouveau coup humiliant mais elle ne comptait pas lui rendre la tâche aisée non plus. Elle jouerait sur un terrain qui lui ira mieux. Celui de l’esprit. Un nom contre un autre, cela lui semblait équitable, il fallait qu’elle pose un prénom à ce visage. Un nom auquel il faudra s’accrocher avec force si un jour l’oubli vint flouter ses traits. Erèbe lui irait bien.
« Isolde, lâche-t-elle comme s’il s’agissait d’un fait anodin. Son regard s’attarda sur elle. Je m’appelle Isolde. »
Son ton est d’une méfiance polie, elle fait taire ce qui l’agite dans un coin de son esprit. Elle le réservera exclusivement à Priscilla pour plus tard, elle se savait suffisamment patiente pour se terrer en embuscade jusqu’à ce que l’occasion se présente à elle. Et l’étreinte de ses crocs autour de sa gorge sera sa plus belle et puissante vengeance.
Sa main s’avança vers le bol sans hésitation, saisissant un morceau de viande séchée et se forçant à le porter à sa bouche maladroitement, à cause du manque de mouvement dues à ses mains liées. Elle n’aimait pas être dépendante de cette femme mais il fallait également se l’avouer, elle était aussi son seul et unique moyen de survie. Elle n’aimait pas cette position mais étouffa sa fierté pour penser à l’utile.
Elle avait l’air moins énervée, moins hostile en apparence. Elle lui avait bien conseiller de faire attention le jour où elle serait tentée de sortir les crocs à nouveau, non ? Alors telle une tigresse en embuscade, elle attendrait tapie dans les ombres, jusqu’au jour où il faudra bondir.
« Nous étions censés partir de Marbrume et remonter jusqu’au Labret pour donner des fleurs à chaque arrêt aux habitants pour la fête des Fleurs, en l’honneur de Serus. »
Son regard remonta le long de sa gorge jusqu’à ses yeux avant de s’y planter.
« Mais je ne t’apprends rien, n’est-ce pas ? »
Elle la dévisagea calmement.
« Tu as récité un verset qui n’est pas connu de tout le monde » Constata-t-elle sans cesser de la fixer. « Tu parles d’un moment important, un moment clé important. »
Un instant de flottement.
« Et de vengeance, grande sœur. »
Elle ignorait qui elle était mais devina sans difficulté qu’elle avait suivi une instruction liée à Rikni.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]A l'aube d'une lune. Sam 26 Juin 2021 - 18:55
21 mars 1167.
La bannie sourit une fois encore de l’audace de la prêtresse, mais finit par hocher la tête, assentiment silencieux à sa demande plus qu’osée vu la situation. Son rictus disparu quand elle lui donna son nom, et un étrange éclair passa dans ses yeux, sans pour autant qu’elle ne cesse de consommer son frugal repas.
- Isolde, un prénom peu courant.
Elle fixait Isolde sans pour autant sembler concentrée sur elle, comme regardait un paysage à travers un fin rideau dont on oubli la présence. Elle resta silencieuse jusqu’à ce que reprenne sa captive pour lui expliquer le but de son périple. Et refaire preuve d’une certaine bravade. Mais la Bannie ne lui en tint visiblement pas rigueur, se contentant une fois encore d’hocher la tête.
- En effet, tu ne m’apprends pas grand-chose, le manifeste était clair, et ton confrère Magelus a déjà confirmé cela. Mais c’était un bon moyen de savoir si une cervelle se cachait derrière ta passion. Si tu m’avais menti, je t’aurais pris un doigt. dit-elle comme si elle parlait de la pluie et du beau temps.
Elle mâcha lentement le morceau suivant avant de reprendre.
- Je l’ai appris de la même manière que toi je suppose, même si j’admets que les écrits sur Rikni n’étaient pas vraiment mes études de texte favorites lors de mon ordonnance. Mais il faut bien admettre que des nuits comme celle-ci, ses paroles semblent toucher plus justement que la compassion de la mère de la vie et de la mort. Quoique j’aurais peut-être pu te parler du passage vers la grande voûte de ton ami mangeur de pomme, et du pardon ou de la pitié que tu devrais ressentir, non ?
Elle gloussa pour elle-même comme si l’idée de pardon dans sa forme la plus simple avait quelque chose de comique, de ridicule même.
- Non, petite sœur, toi comme moi sommes d’accords pour dire que la vengeance est une motivation plus que suffisante ce soir. Même si à ta place je ne gâcherais pas trop de mon esprit pour ces verts. Ils n’en valent pas la peine. dit-elle, le même air satisfait qui était passé sur ses traits quelques heures plus tôt alors qu’elle prenait la vie de Léandre.
- Mais tu me sembles bien jeune pour être de ce voyage Isolde. C’est un acte politique, petit certes mais réel. Je comprends qu’on envoie le vieux, juste assez important pour marquer l’occasion, mais sacrifiable. Par contre la jeune prêtresse sans réputation ni expérience… cela m’intrigue. Je ne vois pas ce que tu apportes à ce voyage. Donc…
Elle saisit une gourde à sa ceinture et la porta à ses lèvres, un alcool artisanal et assez fort pour décaper les pierres lui glissa dans la gorge, mettant agréablement le feu à son ventre. Elle tendit sa gourde à la prêtresse.
- …soit il s’agit là d’une punition, et dans ce cas je me demande ce que tu as fait. Ou tout au contraire, d’une faveur, et dans ce cas je me demande en quoi t’envoyer loin de la cité vers les fermiers en est une… Tu m’éclaires ? demanda-t-elle toute souriante.
- Priscilla, Priscilla Dorvian, ancienne Prêtresse d’Anür, aujourd’hui bannie de la dernière cité des hommes. rajouta-t-elle finalement, tenant sa part du marché.