C'est toujours les meilleurs qui s'en vont avec Rosen

4 avril 1167

Décidément, rien ne vaut la maison car après trois jours de trajet presque ininterrompu, pour escorter un convoi de Lods à Balazuc, je suis contenant de pouvoir enfin me reposer. Bien sûr Sombrebois n’est pas Marbrume, il n’y a pas de bain, ni même une maison de passe, mais cela reste quand même un lieu accueillant, avec une taverne et sécurisé, ce qui, par les temps qui courent, est déjà pas mal.

Je passe devant ma maison et le domicile de Victor et les travaux avancent bien. Je pourrais bientôt accueillir les membres de ma Guilde de mercenaire de manière décente, car là, ils dorment sous la tente. Moi-même, j’ai prévu de me réserver le premier étage, d’y mettre un lit à ma taille et de faire de ce coin, mon havre de paix.

En parlant de paix, j’apprends des gardes à l’entrée que le corps d’Hector a été retrouvé et qu’une cérémonie funèbre a été célébré en mon absence. J’avoue avoir de la peine pour le baron, c’était avant tout un guerrier, tout comme moi et il ne méritait pas de finir ainsi. J’entre donc dans le bourg, un peu perdu dans mes pensées, marchant tout en tenant mon cheval par la bride et je manque de me faire renverser par un milicien faisant partie d’un petit groupe avec la belle Roxanne au milieu.

Je ne comprends pas ce qu’il se passe, je vois de loin Rosen qui est en train de parler à la châtelaine et j’ai du mal à comprendre leurs échanges à cause de la distance, elle semble vouloir que celle-ci reste, alors elle n’a qu’à lui ordonner, elle a un titre plus important qu’elle. Je n’ai jamais compris ce qu’elle faisait d’ailleurs ici, et nous n’avons pas eu l’occasion d’échanger. De toute façon, Roxanne s'en va et Rosen pars en direction de l'écurie.

En tout cas, si Rosen reste dehors par ce temps, elle va tomber malade, alors je la rejoins alors qu'elle est en train de seller sa jument et je lui indique gentiment, mettant les formes car il y a un palefrenier non loin :

Dame de Sombrebois, vous devriez rentrer au chaud, sinon vous allez prendre froid.

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Rosen feat Desmond

Bien évidemment, elle part. Eh bien, qu’il en soit ainsi ! Je me précipite dans l’écurie, balançant un coup de pieds au passage dans un saut qui traîne sur mon chemin. Trop, c’est trop.

Que tout s’arrête, que tout cesse. La douleur, les intrigues, les consignes, les responsabilité. J’en peux plus. Puisqu’elle a décidé de partir, je pars aussi mettre un terme à toute cette histoire.

Si ça lui v a, ça me va aussi. Après tout, ce n’est pas comme si j’accordais une grande importance à la vie. Je me presse donc de seller ma monture au plus vite afin de la rattraper.

Allons voir le Roi, voilà. Et qu’on en finisse une bonne fois pour toute. La suite, je l’ignore.Mais que je sombre au fond des marais n’aurait pas grande importance.

Les Trois, ils ne voudront jamais de moi, ça, je le sais. Alors… je ne m’attends pas à reposer en paix de l’autre côté non plus.

Alors que j’arnache FrouFrou, je vois Desmond débarquer dans l’écurie. Manquait plus que lui… j’écoute à peine ce qu’il me dit.

« Je repars, définitivement cette fois. Adieu. »

Oui, un voyage sans retour. Voilà, j’ai fini de préparer ma jument. C’est l’heure d’en finir. Je mets le pieds à l'étrier pour me dépêcher de partir.

Rosen me répond tranquillement qu’elle part, et qu’elle ne reviendra pas. Je le craignais depuis longtemps, mais la baronne a finalement perdu la tête et elle part se suicider. Je lui réponds gentiment, tout en m’approchant d’elle :

Je t’ai déjà laissé partir et tu as disparu pendant des jours pour finalement revenir avec le cadavre d’Hector, alors même si je ne comprends pas ce qu’il se passe, tu vas rester ici et…

Je ne finis pas ma phrase et attrape ma cible d’un seul coup, lui mettant mes deux mains sur mes épaules, qui doivent être froide et dure, car j’ai toujours mon armure et la pousse vers la sortie. Je quitte tranquillement l’écurie, sans me soucier de ce que peut dire mon paquet, comptant sur le fait qu'elle ne dira rien devant témoin pour ne pas faire de vague, et j’indique au palefrenier :

Occupe-toi d’enlever la selle de la monture de la maîtresse des lieux et par la même occasion occupe-toi de mon étalon.

Une fois ce point réglé, je rejoins le château, passant devant les gardes, comme si de rien n'était, continuant à la guider sans lui laisser le temps de s'arrêter et je continue jusqu’à la cuisine pour dire à la championne des tartes :

La dame de Sombrebois ne se sent pas bien, préparez quelque chose de chaud, je la ramène dans sa chambre.

Joignant le geste à la parole et toujours avec Rosen entre mes mains, prenant bien soin de ne pas la cogner contre les murs, je l’amène à sa chambre et la pousse sur le lit. Quant à moi, je m’assieds par terre, contre la porte, l’empêchant ainsi de sortir et lui demande d’une voix fatiguée par mon voyage :

Alors, il se passe quoi ?

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Rosen feat Desmond

Allons bon ! Il faut qu’il s’y mette lui aussi maintenant… Mais tout le monde est vraiment contre moi ?! Comment je peux espérer rattraper les choses si cet idiot me barre la route ?! Je n’ai rien le temps de répondre alors qu’il traite mon époux de cadavre qu’il m’attrape par les épaules pour me faire retourner au château.

« Lâche-moi, tu comprends pas ! Il faut que je la rattrape ! »

Il ne veut rien savoir, l’inverse eut été étonnant. Je ne résiste pas longtemps parce que c’est inutile, je sais bien qu’il n’aura aucun mal à me traîner de force hors de l’écurie. Et autant arrêter de faire n’importe quoi et de me faire remarquer. Mais il faut que je parte…

Il me conduit donc jusqu’à ma chambre et me pousse sur le lit avant de s’asseoir contre la porte pour m’empêcher de sortir. Là, il me demande ce qu’il se passe. Ce qu’il se passe !

« C’est trop long à expliquer ! je m’exclame énervée. T’avais qu’à être là ! »

Je suis à bout, je suis furieuse, je ne sais plus quoi faire.

« Elle est partie parce qu’elle en a marre de mes conneries. Ça te va ? Maintenant laisse moi sortir. De toute façon, ça va forcément mal finir cette histoire… tu ne pourras pas empêcher le Roi de me faire exécuter s’il lui en prend l’envie. Alors laisse moi la suivre ! De toute façon je n’apporte rien de bon à personne, alors à quoi bon me retenir ? »

C’est tout Rosen, je lui pose une question simple, mais elle me dit que c’est trop long de me répondre et ne souhaite qu’une seule chose, que je la laisse partir. Elle m’indique plusieurs choses curieuses et je prends un peu de temps pour réfléchir avant de la rassurer :

Tout d’abord, le Roi n’exécute pas les Nobles et tu l’es officiellement, même s’il envoie une troupe, les habitants d’ici ne laisseront pas faire et il le sait très bien. De plus, nous avons pas mal de temps s’il décide de la faire et nous pourrons être partis bien avant leurs arrivées, alors tu peux te calmer, il n’y aucune urgence.

Je lui souris et je lui dis :

Dans ton état, tu n’as aucune chance de rattraper Roxanne et tu le sais très bien.

Je reprends donc, toujours d’un ton plus calme :

Alors, maintenant, dis-moi pourquoi l’ancien duc voudrait se débarrasser de toi ?

J’attends sa réponse, puis je lui dis d’un ton compatissant ;

Tu es parti sans dire un mot et même si le contraire aurait été surprenant, tu as maintenant la certitude qu’Hector est mort, comment tu te sens ?

C’est la question cruciale, je pense que le choc a dut être terrible pour elle, sans personne à ses côtés, sans préparation et sur le point d’accoucher, elle a dû vivre l’enfer. Tout cela aurait pu être évité si nous avions été ensemble, mais je sais que je ne compte guère pour elle, m’utilisant juste pour assouvir ses différentes envies.

Mais il ne sert à rien de revenir sur le passé, ce qui est fait, est fait comme disant mon père. J’attends donc la réponse de mon interlocutrice, mal installé avec mon armure contre la porte, mais n’osant pas bougé de peur que la jeune femme en profite pour s’enfuir.

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J’abandonne toute idée de lui expliquer. C’est inutile. Ce serait comme essayer d’expliquer quelque chose à un mur. Il est persuadé que le Roi ne peut rien me faire, Que tout Sombrebois va me sauver, que je ne peux pas rattraper la châtelaine. Que je n’ai qu’à fuir. Mais fuir, je crois que je l’ai déjà trop fait.

« Tu crois vraiment que le Roi ne peut rien me faire ?! »

Bordel, mais il le fait exprès ! On parle de la couronne quand même. Je pourrais lui demander pourquoi il me propose de fuir alors. Mais je suis trop fatiguée.

« J’ai fait n’importe quoi… je voulais arranger les choses, mais c’est encore pire. J’en ai tellement marre de tout ça… Ça va trop loin. »

Je n’ai aucune idée de comment rattraper tout ce merdier.

« Je voulais juste le retrouver... Mais comment je pouvais faire autrement ? Que j’aille lui dire ce qu’il s’est passé ? Qu’une sectaire m’a dit que Hector est mort, que c’est probablement elle qui l’a tuée, qu’elle savait où était son corps et que j’ai rien pu faire pour m’en assurer parce que sinon j’aurai dû la tuer. Que je ne pouvais rien dire à personne, parce que sinon, je m’impliquais là dedans parce qu’elle aurait forcément parlé de ce qu’elle m’a fait faire cet automne et c’en aurait été fini. Ah ben oui, tu vois comme je suis futée ? J’ai quand même dû parler pareil au final. J’ai juste repoussé l’échéance le temps de pouvoir ramener Hector… c’est tout ce que j’ai pu faire, mais je savais comment ça finirait. Maintenant, je suis vraiment foutue. »

Qu’elle parle, qu’elle ne parle pas, qu’importe au fond. Je veux juste que tout s’arrête. Je m’allonge sur le lit puisqu’il ne veut pas me laisser partir. Je suis trop fatiguée pour insister. Je suis même trop fatiguée pour voyager encore de toute façon.

« Je suis épuisée... j'ai fait ce que j'avais à faire, alors que ça se termine vite. »

Oui, ça aurait été plus rapide s’il m’avait laissé aller à Marbrume, mais il m’en empêche et maintenant, je vais devoir attendre, jour après jour, sans savoir ce qu’il va bien pouvoir me tomber sur le coin de la gueule ni quand.

J’écoute Rosen sans l’interrompt et mes sourcils se froncent de plus en plus, lorsqu’elle passe aux aveux. Il faut dire que son accord avec une sectaire frôle la trahison et l’historique qu’elle a eu avec elle ne plaide pas en sa faveur. En tout cas, elle se couche enfin sur le lit, semblant abandonner toute envie de s’enfuir à nouveau.

Je peux ainsi enlever mon armure de plaque et ma cotte de maille, ne gardant que la partie matelassée, ce qui me fait beaucoup de bien et à peine ai-je terminé que j’entends que l’on frappe à la porte. J’ouvre et sent une bonne odeur de tarte, la cuisinière a encore frappé, je la remercie donc et prenant le plat, je l’apporte à la baronne.

Je m’assied ensuite sur la chaise renforcée près de lit, et je lui dis :

Tu devrais manger, cela te fera du bien.

J’attends son éventuelle réponse avant de lui dire :

J’ai des contacts dans une ferme au Labret où tu pourras te cacher en attendant de voir comment les choses se passent.

C’est pour moi, la meilleure solution, partir pour éviter d’être pris au piège dans les marécages. Je lui précise même :

Tu n’auras qu’à désigné un administrateur pendant ton absence et si on te pose des questions, tu vas tout simplement accoucher au Temple de Marbrume, tout le monde comprendra.

Parfois, je suis très intelligent, j’arrive à trouver des solutions à tout. Je suis sûr que les trois sœurs accepteront de l’héberger, après tout, je leur ai sauvé la vie. Il faudra bien préparer le voyage avec un chariot confortable pour Rosen, de la nourriture et des chevaux supplémentaires, car nous ne pourrons pas nous arrêter dans le moindre village, mais cela reste possible.

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Rosen feat Desmond

Desmond ne fait pas le moindre commentaire sur mon ébauche de récit, et j’imagine que c’est mieux comme ça. Oui, c’est toujours mieux quand l’un ou l’autre de nous deux arrive à fermer sa gueule dans des moments comme celui-ci. A son regard, je peux néanmoins percevoir une certaine forme de contrariété.

Il se contente de retirer son armure et j’entends taper à la porte sans grande surprise, puisque Desmond a demandé à Pénélope de m’amener quelque chose.

« Est-ce que ça va mieux ? », s’inquiète-t-elle.

Probablement qu’elle insisterait pour savoir ce qu’il se passe si le moment était mieux choisi. Mais je me dois de la rassurer. Elle n’a pas à s’angoisser des jours durant avec moi, par ma faute.

« Tout va bien Pénélope, tout va bien… Je suis juste fatiguée. »

Alors elle se retire, et la connaissant, je me dis qu’il pourrait bien lui venir l’idée d’écouter derrière la porte.

« J’ai pas faim », réponds-je lorsque l’ancien chevalier me demande de manger après s'être assis sur la chaise.

Qu’il me gave s’il en a envie, après tout j’ai l’habitude maintenant.

« Et si personne ne me trouve au temple, gros malin, que pensera-t-on ? Je n’ai pas envie de fuir, Desmond. La fuite n’a jamais arrangé quoi que ce soit. »

J’ai déjà pris le risque d’attirer des ennuis à Edwige, tout ça pour rien. Je ne veux pas mettre en danger qui que ce soit d’autre dorénavant. Je ne veux pas que des gens se fassent torturer par ma faute, parce qu’ils ne savent pas dire où je me suis volatiliser ou parce qu’ils m’ont recueillis ou aider à m’enfuir. Non, tout cela a assez duré.

Je m’assieds sur le lit en prenant mon visage dans mes mains dans un soupir. D’un autre côté, ça me ferait du bien, de changer d’air. J’en ai vraiment besoin. Je vais bientôt donner naissance et je n’ai encore trouver une seule minute à moi pour préparer quoi que ce soit. Je ne sais même pas comment je pourrais bien l’appeler…

« Mais j’aimerais me reposer… ça me ferait du bien de me changer les idées. Par contre, le Labret est loin. Je ne sais pas si c’est une bonne idée… »

Je ne sais pas, je suis perdue. Partir est-elle vraiment la meilleure chose à faire ? Et combien de temps ? Une semaine, deux semaines ? Jusqu’à l’accouchement ? Allez savoir…

Comme d’habitude, Rosen refuse de manger et comme je commence à bien la connaître, je n’insiste pas, je suis sûr qu’elle a décliné mon offre par pur esprit de contradiction. Elle mangera sûrement une fois que je serais parti, comme d’habitude. Mais ce n’est pas fini, elle me traite de gros malin, ce qui, dans sa bouche, est une injure et je l’écoute m’exposer ses différents arguments, auxquels je réponds toujours d’une voix calme :

Imaginons que tu restes ici, tu te vois craindre tous les jours les envoyés de la Couronne ? Personne ne peut vivre ainsi dans la peur. En plus, s’ils viennent pour t’arrêter, tu imagines la réaction des habitants ? La femme qui a tant souffert avec eux, enceinte de surcroit, est emmené par des gens représentant la Couronne, ils vont se rebeller, c’est certain et il y aura des morts dans les deux camps.

Je pense au bien connu Alaric, il ne laissera jamais la jeune femme partir les fers aux pieds. Après tout, c’est Rosen et elle seule qui a su convaincre le Roi d’aider Sombrebois, c’est elle qui les a sauvés et les résidents du bourg en ont bien conscience.

Je ne te propose pas de t’enfuir, mais juste de trouver un endroit tranquille et à l’abri pour accoucher. Tu feras le point sur ce que tu veux faire de ta vie, une fois l’enfant né, il n’y a rien de mal à cela.

Quand elle m’indique que le Labret est loin, je lui dis d’un ton amical :

Oui, il est assez éloigné, pas de marécage, des champs, de l’herbe, de la nourriture saine et fraîche, bref tout ce qu’il faut à une future maman.

Je ne le rajoute pas, mais leur alcool de cerise est tout à fait fameux.

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Rosen feat Desmond

Je prends une grande inspiration une fois que Desmond a fini de parler. Qu’il pense ce qu’il veut, grand bien lui fasse. Moi ? Je connais la vérité. C’est le principal… Non, j’ai fait promettre à Alaric de ne jamais s’interposer s’il doit m’arriver quelque chose, chose qu’il s’est empressé de me promettre sans la moindre contestation. Personne ne fera rien. Tant mieux.

A quoi cela servirait-il que tout le monde ne meure avec moi ? Un petit rire fatigué s’échappe d’entre mes lèvres malgré moi.

« Je ne suis pas un chef de guerre, Desmond… Je ne suis pas Hector. Je suis... juste une pauvre folle… Je ne vais pas déclarer d’hostilités contre qui que ce soit, je refuse d’avoir d’autres morts sur la conscience. J’en ai bien assez comme ça. »

Les Dieux savent à quel point mon époux n’aurait pas hésité une seule seconde à livrer bataille pour ses terres, pour sa liberté, et qu’importe les morts. Mais je ne suis pas Hector... Je n’étais que sa femme. Si je dois mourir, je mourrai seule.

« Lui, il l’aurait fait sans hésité. Il n'était pas lâche... La mort ne l’aurait pas arrêté, il serait mort libre et au combat avec tout le monde à sa suite. Les gens l’auraient suivi. Ses gens. Ça a déjà failli arrivé, d’ailleurs. Tu te souviens ? »

Bien sûr qu’il s’en souvient.

« Je ne sais pas si les gens me suivraient, moi, mais je n’aimerait mieux pas. Hector, il avait le respect de tout le monde. Les gens l’aimaient et il en était digne. Peut-être que je devrais définitivement partir et laisser Sombrebois à quelqu’un d’autre… Ce serait sans doute le mieux pour tout le monde. »

A l’écouter, le Labret est en havre de paix sans danger. Il ne se rend pas compte qu’on pourrait mourir sur le chemin ou même sur place, entre les brigands et la fange. D’un autre côté, si je reste ici, je risque à chaque jour de recevoir la visite d’un nouveau représentant royal.

Et qui sait comment ça finira… mal, pour sûr.

« D’accord, si tu penses que c’est le mieux à faire je le ferai. »

Desmond n’est sans doute pas la meilleure personne à écouter – après tout il a lui même eu des ennuis avec la couronne - mais je gage que ça sera toujours mieux que de m’écouter moi même.

« Je ne sais pas combien de temps je resterai là-bas, peut-être pas si longtemps. Je verrai en fonction de comment évoluent les choses… »

J’ai comme un étourdissement, alors je me rallonge dans le lit, me laissant retomber mollement. Rien que l’idée du voyage m’achève.

« On fait quoi… on repart demain alors ? »

J’écoute la maîtresse des lieux se chercher de nouvelles excuses, elle fait même appel à mes souvenirs pour que je me rappel de la grosse altercation entre Hector, son époux aujourd’hui décédé et Victor, le comte de Rougelac. À ce moment, nous avions évité le bain de sang de justesse. Puis petit à petit, elle semble changé d’avis et finalement se range à mon idée.

Je lui souris largement et quand elle me demande ensuite quel est la suite des évènements, je lui serre doucement la main et je lui réponds :

Oui, nous partirons demain matin, je vais tout organiser pour que tu voyages avec tout le confort possible. Nous aurons un chariot tiré par un petit équipage, Froufrou nous suivra attacher à une longe et j’ai un de mes hommes qui le conduira. Pour ma part, je serais monté sur mon étalon et nous pourrons rejoindre le Labret en quelques jours.

Je sais déjà à qui je vais demander cela, Jean Mangefeuille, un mercenaire de laGuilde des Boucliers est arrivé aujourd’hui, après avoir escorté un petit convoi et il est assez compétent dans la conduite de ce genre de véhicule, je continu donc.

Je vais devoir prendre une bonne quantité de nourriture, car nous allons devoir éviter tous les villages afin de ne pas donner de piste si un mandat d’arrêt est lancé.

En effet, c’est dans l’ordre du possible, même si je pense, que si le Roi décide de venir chercher Rosen, il enverra une troupe directement à Sombrebois et non une proclamation officielle dans tout le Royaume. Mais je sens bien que la jeune femme est très fatiguée alors je lui propose :

Tu devrais vraiment manger quelque chose, puis t’endormir, je vais demander à ce que personne ne vienne te déranger.

Je lui ébouriffe gentiment les cheveux avec ma main de libre en lui disant, toujours avec un grand sourire :

Tu as une tête à faire peur.

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Rosen feat Desmond

A voir ce franc sourire victorieux illuminer son visage, je pourrais bien sérieusement le regarder de travers. Est-ce vraiment le moment de se réjouir ?

Il prend ma main dans la sienne et je me sens mal à l’aise. Ça fait un moment que j’ai bien compris qu’il me tourne autour, et aussi qu’il cherche à m’isoler pour m’avoir avec lui.

Mais je le répète ; est-ce vraiment bien le moment ? Dans une situation aussi critique où l’inquiétude est de mise, je n’en suis pas si sûre. Je pourrais même douter et me demander si je ne suis pas en train de prendre une mauvaise décision à le suivre.

Ce n’est un secret pour personne, les idées de Desmond sont loin d’être les plus judicieuses et il n’est pas des meilleures influences.

Mais je suis épuisée, j’ai besoin de repos de toute urgence. J’ai mal au ventre et je vais finir par accoucher bien avant terme si ça continue. Mon corps sonne l'alarme, je le sens bien.

Il pourrait avoir la décence de rester un peu plus compatissant, mais il est comme ça, de ceux qui pensent avant tout à eux avant de penser aux autres.

Le malheurs des uns fait les bonheur des autres comme on dit, et en l’occurrence, il ne fait même pas l’effort de chercher à le cacher. Peut-être sent-il juste que je suis trop épuisée pour chercher à l’engueuler ou lui tenir rigueur. A moins qu’il n’ait l’esprit bien trop primaire pour seulement comprendre que sa réaction est totalement déplacée.

Il m’explique ensuite qu’il veut éviter tous les villages. Quoi, il veut dormir dans les marais, au milieu de la fange maintenant ?

« Mais où veux-tu que l’on dorme si l’on évite les villages ? je lui demande. Et où veux-tu que l’on aille si on est recherchés ?! On ne va pas passer notre vie dans les marais à se cacher… »

Quelle histoire de dingue… j’ai du mal à respirer. Si je m’écoutais, je partirais sur le champ loin d'ici. Et après ?

« Tu te rends compte que si l’on considère que tu m’as aidé à fuir, tu seras exécuté ? Il vaudrait peut-être mieux pas que l’on parte ensemble… »

Lui, il est content, il continue de me sourire visiblement heureux en passant sa main dans mes cheveux. Il ne comprend donc rien ? Il va me rendre folle. Soit c’est le dernier des cons et il ne se rend pas compte du danger que représente ce qu’il envisage avec moi, soit il profite simplement de cette instant de faiblesse sans s’inquiéter du danger que j'encours à présent.

Je ne sais franchement pas ce qu’est le pire…

Son contact m’est vraiment désagréable. Je crois que je ne supporte plus de sentir le contact de quoi que ce soit sur moi.

« Merci pour le compliment, lui réponds-je lorsqu’il dit que j’ai une tête à faire peur. Tu sais comment parler aux femmes, toi. Ça ne fait aucun doute. »

Je ferme en suite les yeux, les rouvrant régulièrement pour regarder le plafond. Je suis tellement fatiguée de tout ça… J’en ai tellement assez d’être ballottée d’un endroit à un autre en permanence.

« Tu resteras avec moi là-bas ? », je lui demande doucement comme mes paupières sont de plus en plus lourdes, suivant la progression de tout un tas d’insectes derrière mes paupières.

Mon interlocutrice semble avoir mal compris mes paroles, et je lui explique doucement point par point, car je vois bien qu’elle est très fatiguée :

Je connais certains endroits qui nous permettrons de voyager à l’abri et pour le moment, tu n’es pas recherché, je cherche juste à éviter de laisser des traces, pour que l’on ne puisse pas remonter à nous si un jour la couronne souhaite savoir où tu es.

Quand elle m’indique que je risque gros à l’aider, je lui réponds en haussant les épaules :

Pour le moment, j’aide simplement la baronne de Sombrebois à accoucher au calme, si tu tiens vraiment à m’aider si les choses tournent mal, tu diras que tu m’en as donné l’ordre, voilà tout.

Parfois, il est inutile de se poser trop de questions, mais Rosen ne partage pas mon avis, d’ailleurs ma remarque l’a rendu un peu bougonne, car elle ne peut s’empêcher de m’envoyer une petite pique. Je vois ses yeux qui se ferment tout doucement et quand elle me demande si je resterais avec elle, je lui réponds, sans cesser de lui caresser les cheveux :

Juste quelques jours, j’ai de nombreuses obligations avec ma Guilde, mais tu seras en sécurité là-bas, je te le promets.

Je suis sûr que les trois sœurs, Jasmine, Florence et Ramona seront aux petits soins avec elle. L’air frais de la campagne, lui fera le plus grand bien à elle et au bébé, contrairement à la puanteur des marécages.

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Rosen feat Desmond

« Ça ne va pas jouer en ma faveur si je commence à partir comme ça, sans laisser de traces, comme si je fuyais… Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Je sais pas… »

Je frémis un peu comme la main de Desmond commence à caresser les cheveux. Mes yeux toujours fermés, je fronce les sourcils quelques secondes avant de me détendre.

Ce n’est que sa main… Juste sa main. Il dit qu’il restera avec moi quelques jours seulement car il a à faire, ce qui se comprend.

Desmond a toujours plein de conneries à aller faire quelque part. Je crois qu’il est un peu comme moi, au fond. Toujours à faire n’importe quoi. Je souris quelques secondes, puis je soupir.

« Ne me fais plus de promesses que tu ne peux pas tenir. »

Oui, il m’en a déjà fait une qu’il n’a plus tenir, la plus importante à mes yeux.

« Je préparerai mes affaires tout à l’heure. Mais il faudra dire où tu m’amènes aux autres. Si jamais le Roi décide de faire envoyer des gens pour me chercher, il faut qu’il puisse avoir une piste pour me retrouver. Je ne veux pas qu’il fasse massacrer tout le château pour ça… Je ne le supporterai pas. Et je voudrais avoir des nouvelles de Sombrebois quand même. »

Je serre sa main contre moi en tirant un peu sur son poignet pour le ramener contre ma poitrine.

« Mais par contre, dans cette ferme, je ne serais qu’une simple fille de Mabrume qui cherche un toit pour quelques temps. Je ne veux pas qu’on sache qui je suis là-bas. »

Oui, je ne veux oublier qui je suis pour quelques temps. Les responsabilités, les taches… Juste me reposer dans un cadre calme, loin de toute forme de d’angoisses.

Rosen ressort les anciens dossiers, comme quoi il y a une promesse que j’ai faite et que je n’ai pas pu tenir, typiquement féminin ! À l’époque, j’avais promis que je retrouvais Hector et finalement, c’est elle qui a réussi sans mon aide, mais elle a triché, elle a obtenu l’aide d’une cultisite ! Toutefois, je ne dis rien, car je suis sûr que mon argumentation va engendrer une nouvelle dispute.

Elle souhaite changer légèrement mon plan et je lui réponds d’une voix très douce, car je sais qu’elle est sur le point de s’endormir :

Il en sera fait selon ta volonté, je vais les prévenir, leur indiquant simplement que nous partons pour le village d’Usson, la ferme est un peu à l’extérieur de la ville et si j’entends que l‘on nous recherche, cela nous permettra de voir comment évolue la situation.

Elle me demande ensuite de ne pas donner son nom, ni son titre avec, je lui dis en souriant :

Comment veux-tu que l’on te nomme ?

J’imagine bien Douce, ce prénom lui irait comme un gant. Sinon, un prénom très moderne, comme Gertrude, c’est difficile à dire, tout lui va bien? En tout cas je compte rester près d’elle jusqu’à ce qu’elle s’endorme, continuant à lui caresser les cheveux. Une fois qu’elle sera partie au pays des songes, je lui laisserai le plat près d’elle pour qu’elle puisse manger si elle a faim, allumerai une bougie et je quitterai la pièce sans faire de bruit, emportant les morceaux de mon armure que j’ai laissé au sol.

Comme convenu, j'ai prévu d’indiquer aux gens du château ce que nous avons prévu et suis sur que je verrais avec satisfaction, tout le monde s’activer. Pour ma part, je vais devoir tout expliquer à Jean, mon employé et je finirai pas faire une bonne sieste, je suis mort de fatigue.