[Terminé]Si long et pourtant si court!

HRP:

Gudrun se réveilla, l'esprit embrumé, avachie sur la table. Que s'était-il donc passé pour qu'elle fasse la sieste ainsi ? Et le soir qui tombait déjà ! Avait-elle dormi depuis sa sortie en fin de matinée avec Marie-Ange ? Elle se dépêcha de faire le tour de ses patients, avant de se hâter pour barricader les portes, comme tout le monde le faisait à la nuit tombée. La Fange semblait tellement proche au milieu de ces bois, et les palissades du bourg tellement fragiles !

Malgré une journée riche en émotions, elle avait du mal à tenir en place après ce long sommeil. Ainsi qu'une petite faim... Elle avait envie d'aller chercher Eric, mais se rappelait trop vivement les circonstances gênantes dans lesquelles elle l'avait laissé. Elle s'empourpra rien que d'y penser. Certes, la situation n'était pas banale. Mais elle avait été si proche de céder... Elle se sentait presque honteuse de ce qui aurait pu se passer ! Ce ne serait vraiment pas très raisonnable d'aller le chercher... Mais après tout, pouvait-elle laisser son futur époux sans même un repas, le jour même de leurs fiançailles ? Ridicule ! Elle n'hésita qu'un instant avant d'attraper un drap de lin, et de partir pour la chambre où elle l'avait laissé. Elle toqua, puis poussa résolument la porte.

- Voudrais-tu manger avec moi pour fêter ce jour ? Je n'ai rien d'exceptionnel à te proposer, mais je crois bien qu'il me reste du vin... Non que je boive habituellement ! Mais c'est souvent utile pour le... hum... traitement... de certains patients.

Tout en faisant la conversation, elle s'avança pour lui passer le drap autour de la taille, continuant à parler sans penser à rien d'autre qu'à sa tâche. Elle finit en le nouant fermement, et s'écarta de lui rapidement.

- Te voilà dans un habit un peu plus convenable ! Bien que je n'ai rien contre le fait de te voir nu... Je veux dire que j'y suis habituée ! Enfin, à voir des hommes nus ! Je... C'est simplement que c'est mieux comme ça, voilà ! Oh, je sais que ce n'est pas la coutume ici, mais sais-tu que, dans un duché éloigné, par delà la mer, il y a des hommes qui vont en jupe courte... Je t'assure ! J'en avais aperçu à l'époque où mon père accueillait certains de ses partenaires commerciaux. Je dois avouer que c'était surprenant malgré tout...

Un peu gênée par son explication bancale, elle repartit vers son logement.

- Assieds-toi, le temps que je nous cherche de quoi manger ! Ce ne sera pas le plus copieux festin de fiançailles du royaume, j'en ai bien peur... Par les dieux ! Où ai-je bien pu mettre cette bouteille... Je... Tu vas finir par croire que je ne sais pas tenir une maison, je suis vraiment confuse... Ce n'est pas dans mes habitudes d'égarer les choses... Ah, la voici !

Elle s'affairait de-ci, de-là dans la pièce, sortant une bouteille de vin d'un coffre, du pain, du fromage...

Après le départ de Gudrun, le temps m’avait semblé un peu long il faut bien l’admettre. Habillé de ma seule chemise qui me couvrait à peine sous la taille, pour ne pas dire qu’à moitié, tandis que le reste de mes vêtements avaient été portés à laver, je n’avais eu d’autre choix que de rester sagement dans les quartiers de ma douce prêtresse. Elle avait des tâches à accomplir et je ne pouvais la garder près de moi, à grand regret.

Aussi, j’avais eu tout le loisir d’observer les lieux, de chercher des yeux des éléments racontant un peu la vie de ma fiancée. Non pas que je voulais découvrir ses secrets, c’était de la simple curiosité et à aucun moment je n’allais fouiller dans son coffre ou ses armoires. J’observais les quelques babioles qui traînaient ça et là, lançant quelques bûches dans la cheminée pour que la pièce demeure chaude et agréable. Même si je ne crains pas particulièrement le froid, c’est appréciable d’avoir une pièce bien chauffée quand on à les fesses à moitié à l’air!

A l’évidence, ma future épouse était quelqu’un de très ordonnée. En effet, très peu d’effets personnels étaient visibles et, à part la table un peu encombrée, rien n’était vraiment en bazar. Je me posais alors la question de savoir comment je serais dans une maison.
Habitué que j’étais à toujours tout trimballer sur moi et dans mes sacoches, il me paraissait évident que je mettrais du temps pour m’habituer à chercher des vêtements dans une armoire et non dans ma besace.

J’étais penché vers la cheminée, jouant du tison, lorsque j’entendis frapper à la porte avant que cette dernière ne s’ouvre dans la foulée. Tournant la tête, je pus voir Gudrun entrer puis refermer la porte, un drap dans les mains. Je me redressais alors, lui offrant un large sourire.

Bien évidemment que je veux manger avec toi, vin ou pas vin.

Je la laissais approcher et levais les bras, la laissant me passer le drap à la taille pour le fermer par un nœud. C’était étrange car je n’avais pas l’habitude que l’on s’occupe de moi, excluant les fois où j’avais eu besoin de soins. Dans ce rare cas, on m’avait plutôt déshabillé qu’habillé, mais il me faut bien avouer qu’il n’est pas désagréable de se faire ainsi chouchouter.

Après, je ne te cache pas que je n’ai rien contre un bon vin. Cela fait une éternité que je n’en ai pas bu.

Je lui souriais toujours lorsqu’elle affirma que j’étais maintenant plus présentable et qu’elle s'emmêla les pensées par la suite. Je ris gentiment alors qu’elle tentait de se rattraper en me parlant d’une région où les hommes allaient en jupette.
Je lui caressais tendrement la joue.

Tu as le droit d’apprécier de me voir nu comme de me préférer couvert. Tu sais que je ne suis pas compliqué. Et puis, ma foi, si ton désir est de me voir en jupette pour attendre un coup de vent, il suffit de raccourcir ce drap.

Je lui fis un clin d'œil en lui embrassant la joue avant de chuchoter à son oreille.

Moi, j’aime beaucoup t’avoir nue à mes côtés mais que tu sois habillée ne me dérange pas, cela me permet d’avoir le plaisir de te dévêtir.

Je dépose un bref baiser dans son cou avant de la laisser poursuivre et fouiller son logement à la recherche de la bouteille de vin. Obéissant, je prends place sur une chaise, ce qui est maintenant bien plus confortable avec le drap entre le bois et la peau. Je l’observais alors qu’elle remuait ses affaires à la recherche de la bouteille qu’elle finit par extraire de son coffre. Elle déposa ensuite quelques victuailles sur la table, du genre que je ne mangeais que rarement pour ne pas dire jamais.
Je finis par me relever pour venir dans son dos, passant mes bras autour de sa taille et posant les mains sur son ventre, calant le menton sur son épaule.

Ce n’est pas le contenu des assiettes qui fait de ce repas un festin, c’est que tu sois avec moi et qu’il marque nos fiançailles.

Son explication était mal passée, et la réponse qu'il lui fit ne faisait qu'ajouter à son embarras. Elle était bien trop tendue pour apprécier les caresses et les baisers, alors elle continuait de s'affairer pour se changer les idées. Décidément, quelle opinion se faisait-il d'elle avec cette accumulation de maladresses et de moments de faiblesse !

Comme pour venir confirmer cela, il vint soudain l'entourer de ses bras sans plus de cérémonie. Elle soupira, vaincue, et lui déposa un baiser sur la joue. Elle chercherait le reste plus tard... Elle lui saisit les mains, l'entraîna de nouveau vers la table, et enjamba le banc pour s'y asseoir, lui souriant pour l'encourager à venir la rejoindre.

- Ce n'est pas très convenable de dîner serrés l'un contre l'autre, mais il semble que tu ne me laisses pas le choix... Ne te méprends pas sur mon attitude cependant : je ne le fais que parce que nous serons mariés dans quelques jours, si les dieux le veulent. Je... Je n'aime pas observer les hommes en jupe courte un jour de vent ! Et même si je suis flattée de tes gentils mots depuis ce matin...

Elle avait repris un regard sévère, et s'affairait à servir deux verres de vin.

- La principale tâche d'une bonne épouse, après celle, bien sûr, de donner des enfants, est de s'occuper du foyer... C'est la raison même du mariage ! Je n'ai rien d'autre à t'apporter, ni famille, ni richesse, et... Ma situation n'est pas glorieuse non plus. Je n'ai jamais voulu te le cacher, mais peut-être ne sais-tu pas que les étrangers ne sont pas les bienvenus ici. Le roi nous a officiellement accueillis les bras ouverts, mais au jour le jour, ce n'est pas ainsi qu'on nous voit. Alors... S'il te plaît... Laisse-moi t'être utile à ma manière ! Si c'est une assiette remplie que tu veux, demande-la moi !

Malgré son air austère et les ordres qu'elle semblait lui donner, elle n'était pas en colère. Simplement désespérée de pouvoir retrouver une place auprès de quelqu'un. Un foyer. Elle appréciait plus que de raison Éric, mais à quoi bon se marier si elle ne servait toujours à rien ? Il se contentait de si peu que c'en était frustrant.

Elle leva son verre pour trinquer, essayant à nouveau de déchiffrer ses yeux marrons si impénétrables.

J’eus un sourire au baiser de Gudrun, la sentant se détendre dans un soupir. Loin d’être moqueur, je comprenais bien qu’elle était en proie au stress. J’imagine que tout allait un peu vite pour elle et pas de la façon la plus courante, ou convenable qui soit.
Cela se confirma d’ailleurs après qu’elle se soit libérée de mes bras pour s’installer sur le banc, m’invitant à la rejoindre d’un sourire. Je ne perdais pas de temps pour venir m’asseoir à ses côtés, l’écoutant alors parler d’un ton un peu…anxieux ? Cela y ressemble fortement en tous cas. J’avais furieusement envie de poser une main sur son épaule pour répondre après qu’elle eut servi deux verres de vin mais je me contentais de doucement lui saisir la main en plongeant mon regard dans le sien, un tendre sourire aux lèvres.

Je sais que ce n’est pas dans tes habitudes. Je sais que toute cette situation te rends un peu fébrile, j’imagine que c’est aller trop vite et j’ai conscience que nous sommes complètement en dehors des convenances sociales. Mais à aucun moment il ne m’est venu à l’esprit que tu étais une habituée de ce genre de situation.

J’écoutais attentivement la suite de sa revendication pour en saisir tout le sens et toute la profondeur avant de répondre, lui prenant cette fois la main dans les deux miennes.
Ce qu’elle exprimait là, c’était un besoin profond, un ardent désir, une nécessitée de vie ! Alors je me devais, en tant que futur époux, d’en prendre la pleine mesure.

Pour ce qui est des enfants, nous en avons déjà vaguement parlé. Si cette hypothèse me réjouis, nous nous en remettrons aux Dieux. Et je suis disposer à parler de cela avec toi autant que tu le souhaite.

Je marquais une brève pause avant de serrer un peu plus fort sa main, ne la quittant pas des yeux.

Je n’ai pas voulue de toi pour une quelconque richesse ou puissance familiale. J’ai encore moins que toi à apporter à notre future famille. Si je veux de toi, c’est uniquement pour toi, pour celle que tu es. Cela inclus tes immenses qualités y compris celles que je n’ai pas encore découvertes, tes défauts également, même ceux dont je n’ai pas encore conscience. Je veux aussi épouser tes désirs, tes souhaits même les plus profonds, les plus secrets, ceux que tu es la seule à connaître et que j’espère que tu me partageras. Aussi, je comprends parfaitement ton souhait de gérer notre foyer et je m’en remets pleinement à toi. Je te promets de tout faire pour que tu te sentes pleinement à ta place à mes côtés.

Je pris mon verre après avoir lâché sa main et haussais brièvement les épaules.

Je savais que les étrangers n’étaient pas particulièrement biens vus, mais les déserteurs non plus, alors en soit… A mes yeux, tu n’es pas une étrangère, tu es celle que j’aime

Je trinquais avec elle, lui offrant un sourire doux et sincère, lui offrant mes pupilles où elle pouvait voir que je pensais chacun des mots que j’avais prononcé.

A notre union prochaine Gudrun, un moment qui sera le plus beau de ma vie !

Elle sentit étrangement son coeur battre un peu plus fort quand Éric lui prit la main. Toutes ces phrases n'étaient donc que pures taquineries... Même si elle s'en était doutée, l'entendre confirmer restait un soulagement, puisque... Oui, il fallait bien le dire, toute la situation n'avait rien de normal.

Cependant la suite la crispa légèrement.

- Je te l'ai déjà dit : les dieux... Ils ne m'ont pas donné cette chance, en dix-sept années de mariage. Je ne peux pas avoir d'enfants. Mais je ne leur en veux pas. Ils ont leurs plans pour nous, nous ne le voyons simplement pas dans son entièreté. Mais... Cela ne m'empêche pas de ressentir de la tristesse et des regrets. Ce n'est pas un sujet dont j'ai envie de parler. Mais si tu le veux, tu n'auras qu'à me demander. Je n'ai rien à te cacher.

Les mots suivants la rassurèrent, la flattèrent, la mirent mal à l'aise tour à tour. Si elle ne savait toujours pas ce qu'elle ressentait pour lui, une chose était sûre : il faisait la pluie et le beau temps dans son coeur, finissant par lever son verre comme si tout était aussi simple que cela ! Il avait l'air si sûr de ce qu'il affirmait, si... honnête. Elle regrettait la chaleur des mains qui l'avaient lâchée un court instant. Alors elle trinqua avec lui avec un timide sourire, se sentant obligée de répondre à son hommage.

- A nos fiançailles Éric, je remercie les dieux de t'avoir mis sur ma route !

Elle but. Ce n'était pas de la piquette, mais elle avait déjà bu de meilleurs vins... C'était agréable d'avoir quelque chose à célébrer. Néanmoins, le malaise qu'il venait de provoquer en elle ne disparaissait pas, tiraillée entre la confiance qu'elle lui accordait et la méfiance qui l'avait protégée jusqu'ici. Des secrets... Elle faisait tourner nerveusement son verre entre ses doigts, fixant le fond de liquide sombre comme si elle pouvait y lire une réponse, gardant le silence quelques instants. Elle finit par reprendre la parole.

- Si je me suis laissée aller à te faire confiance il y a deux semaines, c'est parce qu'un brillant professeur du temple m'a fait réaliser cet hiver qu'on ne peut pas se méfier de tout et tout le monde tout le temps. Et puis... Si je dois m'en remettre à quelqu'un, j'imagine que ce quelqu'un devrait être mon mari, n'est-ce pas ? Encore une fois, je ne t'ai pas tout dit, parce que je ne voyais pas l'intérêt de te rajouter un fardeau. Mais cela risquerait de m'échapper à un moment ou à un autre, alors autant te l'avouer maintenant.

Tourner autour du pot était une chose. Se dévoiler en était une autre. Elle but de nouveau pour gagner un peu de temps, fixant toujours son verre.

- Je ne sais pas ce que tu as entendu au sujet d'Hendoire. Dans toutes les rumeurs, il y a beaucoup de faux. Et un soupçon de vérité. Je... Non, nous. Nous vénérions quatre dieux. Pas trois. Le quatrième, eh bien, c'est Étiol. Dieu de la maladie, du mensonge et bourreau des âmes viles. Il n'est pas apprécié ici. Pour des raisons qui m'échappent, il est même dangereux d'avouer reconnaître son existence, ou, encore pire, lui accorder une place au même niveau que les autres dieux. Mais moi... Je ne peux pas me résoudre à accepter ce manque. Tout devient incohérent, ça ne peut pas être. Je sais qu'Étiol existe, qu'on ne peut pas l'ignorer.

Elle finit par lever un regard brillant vers Éric, lui saisit la main.

- Je m'en remets à toi pour garder cela secret. J'ai peur de mourir inutilement à cause de cela. J'ai peur, mais j'ai eu... Une vision ce midi. Je crois que je serais prête à mourir si c'est pour mes convictions. Toi, tu fais ce que tu penses juste sans te soucier des conséquences pour toi-même. C'est cela que j'admire en toi plus que tout. J'aimerais pouvoir en faire autant.

Je hochais la tête d’un air un peu plus grave, montrant que je comprenais bien ce qu’elle venait de dire.

Je te désir Gudrun, que tu puisses enfanter ou non. Être père n’était pas une aspiration particulière pour moi, comment aurais-je pu avec mes conditions de vie? Cela étant, si les Dieux décident de changer leurs plans, j’accueillerais cela avec plaisir et, sans doute, anxiété. Mais je n’en parlerais plus si cela te pèse.

Nous trinquons nos verres et je lui souriais, taquin.

A vrai dire, c’est plutôt toi qui était sur mon chemin!

Je bus une gorgée, appréciant le passage du liquide dans mon gosier. Le vin était bon, très bon! Bien différent du jus insipide auquel j’étais habitué. Je ne trouvais généralement que du vieux vin bon marché sur les chariots abandonnés, la dotation de quelques miliciens sans doute. J’allais faire un commentaire mais aperçu l’air préoccupé de la prêtresse. Aussi, je restais muet pour ne pas perturber sa pensée.
Elle m’expliquait alors une des raisons pour lesquelles elle m’avait fait confiance avant d’avouer avoir un secret. Un secret qu’elle tenait à me révéler maintenant plutôt que par mégarde. Je ne dis mot et me contente de plonger mon regard dans le sien, affirmant ainsi qu’elle à mon attention la plus complète.
Alors, je la laisse parler sans la quitter des yeux, prenant ainsi toute la mesure du secret qu’elle me confie et de la confiance qu’elle me fait.
Lorsqu’elle conclut, je reste muet quelques instants, impassible, distinguant l’humidité dans son regard. Je sentais bien qu’un fardeau venait de tomber de ses épaules.
Je pris la parole d’une voix neutre.

Il faut du courage pour avouer ce genre de croyance. Tu n’es pas sans savoir que la religion n’est pas la clé de voûte de mon existence, aussi n’ais-je que vaguement entendu parler de cela, d’Etiol, mais suffisamment pour savoir que c’est en effet très mal perçu dans les environs.

Je lui prends tendrement les mains.

De nous deux, c’est toi la prêtresse, c’est toi la plus au fait de ce qui touche à la religion. Comme tu l’as dit juste avant, ils ont leurs plans et nous ne les voyons pas dans leur entièreté ni dans leur complexité. Il serait bien présomptueux pour moi de te dire que tu as tort de croire en l’un d’eux tout comme il ne me revient pas de juger ta foi. Quel époux serais-je si je dictais ce que devaient être tes pensées?

J’approchais légèrement mon visage du sien, un fin sourire aux lèvres.

Tu me fais confiance Gudrun, moi l’inconnue de la mine qui va t’épouser! Alors je te promets de toute mon âme et de tout mon coeur que ton secret sera bien gardé. C’est maintenant le nôtre et je mourrais plutôt que de te trahir!

Je déposais un délicat baiser sur sa joue avant de préciser.

Ce n’est pas que je ne me soucie pas des conséquences pour moi, c’est que je les estime acceptables. Avant de te rencontrer, je n’existais pour personne, il n’y avait donc aucun dommage à ce que je disparaisse du jour au lendemain. Et, dans certaines situations, ma vie n’a que peu d’importance par rapport à celle de quelqu’un d’autre. Cela, j’en suis seul juge.
Dans tous les cas, sache que je t’écouterais me parler d’Hendoire avec plaisir si le cœur t’en dit.

Elle se remit à sourire légèrement en entendant les paroles rassurantes de son fiancé. Elle ne put s'empêcher d'ajouter :

- On ne peut dicter les croyances de quelqu'un... Mais je ne désespère pas de te convaincre de revenir vers les dieux. Tu es un homme meilleur que bien des croyants que je connais... Tu mérites que ton âme soit accueillie au royaume d'Anür.

Ses paroles lui réchauffaient le coeur autant que ses mains réchauffaient les siennes. Son sourire s'élargit quand il évoqua la mine. Ces souvenirs semblaient si loin et pourtant si proches... Comment avait-elle pu seulement le confondre avec un vulgaire bandit ? Un engourdissement agréable l'avait envahie. Sans qu'elle s'en rende compte, ses épaules se relâchaient, elle se sentait bien. Très bien, même. Sans réfléchir, elle lui caressa le menton doucement, fixant avec des yeux rêveurs cette bouche si tentante.

- Ces souvenirs-là sont doux-amers... Mon père était négociant en vins. Il en faisait venir du royaume entier par bateau... J'ai bien peur de sa réaction s'il m'avait vu en train de boire du vin de piètre qualité en compagnie d'un homme aussi peu... respectable que toi !

Elle eut un petit rire, car l'idée même d'avoir pu considérer Éric comme un brigand lui semblait soudain très drôle.

- Mais nul autre bandit vivant dans ces bois ne pourrait m'apporter autant de chaleur et de douceur que tu le fais !

Je lui offrais un sourire.

Peut-être que je reviendrais un jour vers eux. Cela étant, j’imagine que si je suis aussi bon que tu le pense, ils sauront l’apprécier en temps voulu et qu’ils me pardonneront mon éloignement. Comme tu le sais, je ne les ai pas réfuté, je suis simplement plus mesuré dans ma croyance.

Je raffole de son sourire. Ce sourire qui, depuis peu, à donné un sens à ma vie, un but à mon existence. Depuis toutes ces années, c’est elle qu’il me manquait. Nous sommes tellement différents et pourtant tellement proches. Nous formons un équilibre incongru mais, je n’en doute pas un seul instant, d’une absolue solidité. Je sais qu’à l’avenir nous aurons des moments de tangage, mais au fond de moi je sais que rien ne fera jamais tomber cette union. Notre union.

L’avantage d’avoir à faire à quelqu’un d’aussi peu respectable et convenable que moi, c’est que la marge de progression qui s’ouvre est grande!

Je lui souriais en lui lançant un petit coup d’épaule.

Tu aurais choisi un bien piètre bandit comme fiancé, j’espère que tu ne comptais pas sur mes rapines pour remplir le garde manger!

Je bus une nouvelle gorgée de ce vin que je trouvais très correct.

Comment imagines-tu la suite des événements? Le mariage je veux dire, qu’est-ce qui te ferait plaisir? Que dois-je prévoir? Comment cela se déroule t’il?

C’était là une vraie question. Je n’avais aucune idée du déroulé de ce moment que j’attendais avec impatience. Profitant de ma question, je viens embrasser sa joue avec tendresse.

Elle ne comprenait vraiment pas le point de vue d'Éric sur les dieux. Elle ne pouvait l'envisager ni de près, ni de loin, tellement ces paroles semblaient étrangères à toute logique. Plus d'une fois elle avait croisé des personnes qui priaient les dieux, ne rataient aucun office, aucune bénédiction ; mais qui oubliaient leurs commandements sitôt sortis du temple. Pour Éric, c'était l'inverse : il disait ne rien attendre des dieux, ni de bonnes choses, ni de mauvaises ; et pourtant il était plus proche d'un modèle de vertu qu'elle-même. Soit il avait le coeur plus pur que les petits enfants, soit il était très croyant sans arriver à se l'avouer lui-même. Cela l'aurait rendue pensive à un autre moment que celui-ci, mais pour l'heure le vin et la compagnie de cet énigmatique mais charmant fiancé lui faisaient oublier ce mystère. Elle se prit à rire doucement à ses taquineries et s'affaira à remplir les assiettes et les verres.

- Profite donc de ce festin avant que le vin ne te pousse à dire davantage de bêtises !

Mais c'était tout autre chose que son promis semblait avoir en tête : pour une fois, il semblait avoir davantage les pieds sur terre qu'elle. Difficile de garder la tête froide avec toutes ces marques d'attention cependant. Elle se rappelait qu'il lui avait avoué n'avoir jamais assisté à un mariage, et se sentait gênée de ne plus y avoir pensé.

- Où ai-je la tête ce soir ! Bien sûr... Vois-tu, c'est assez simple, il n'y a que deux prêtresses dans ce bourg. C'est donc ma consoeur Marie-Ange qui officiera. Ça ne durera pas très longtemps... Elle connaît la cérémonie sur le bout des doigts ainsi que les paroles rituelles, tu n'auras qu'à dire oui si on te pose une question.

Très simple en vérité ! Elle prenait plaisir à anticiper cette cérémonie et son sourire ne la quittait plus. Elle se tourna légèrement sur le banc vers Éric et prit ses deux mains entre les siennes.

- Alors elle nouera un ruban... Tiens ! Il nous faudra en trouver un... Je disais donc qu'elle nouera un ruban comme ceci autour de nos deux mains... Et puis, la cérémonie au temple sera terminée. D'habitude, on fait la fête avec la famille et les proches mais... Mais désormais ce sera toi ma famille. Alors nous pourrons fêter cela comme tu voudras. Et puis, il y aura une dernière chose avant de pouvoir nous considérer comme mari et femme. Il faut consommer le mariage... D'habitude, il faut un témoin mais au vu des circonstances, je pense qu'on nous pardonnera aisément cette petite entorse au protocole. Les dieux sont témoins que je ne compte pas me soustraire à cette obligation, alors... Alors je pense qu'au terme de cette nuit de noce nous serons mariés, aux yeux des dieux et aux yeux des hommes.

Ses mains avaient mimé le noeud autour de celles d'Éric, de manière automatique, sans même avoir besoin d'y penser. Si les légères rougeurs sur ses joues seraient sans doute apparues de gêne, elles étaient bel et bien dues au vin à ce moment là. Elle abandonna le ruban imaginaire pour inspecter la chemise qu'il portait, tirant légèrement le col, les plis, pour examiner les coutures.

- Quant à ce qui me ferait plaisir... Cela me touche beaucoup que tu le demandes. Je voudrais simplement que l'on fasse ça sans public. Toi, moi, Marie-Ange et les dieux. Je ne veux pas de badaud ou de colporteurs de rumeurs. Malgré tout... J'aimerais aussi que l'on soit présentables devant les dieux, alors penses-tu avoir le temps de faire laver cette chemise ? Si j'ai bien compris, c'est ta chemise de rechange. Elle m'a l'air correcte. Mais si seulement je pouvais te trouver des braies neuves d'ici là ! Tes habits donnent l'impression d'avoir été portés toute une vie...

Elle s'interrompit brusquement pour le fixer droit dans les yeux, effarée.

- C'est un peu gênant mais... Ce ne serait pas très convenable de... De sceller notre union dans le temple ! Il me faudrait demander un logement hors du temple maintenant que je suis fiancée... C'est le château qui s'occupe d'attribuer les maisons et les bâtiments dans le bourg, mais les derniers temps ont été si troublés ! Je ne sais si la baronne et ses aides pourront s'en occuper rapidement... Miséricorde ! Faudra-t-il attendre encore longtemps ?

Je souriais à Gudrun tandis qu’elle me servait, me poussant à manger avant que l’ivresse ne me gagne. Cela faisait bien longtemps que l’alcool ne m’avait pas endormis les sens et l’esprit. Ceci n’était pas seulement lié au fait que j’avais rarement l’occasion d’en boire car, même lorsque j’en consommais une belle quantité, mon esprit restait lucide et mon équilibre intact.
Ne voyant cependant pas l’intérêt d’une telle précision, mon sourire fut la seule réponse.

Elle se lança alors dans les explications que je lui avais demandé, à savoir comment allait se dérouler la cérémonie.
Celle qui nous unira sera donc celle qui m’a recousu le ventre il y a un an, très bien.
Je n’aurais qu’un mot à prononcer lorsque l’on me posera la question, excellent!
Je la laissais me prendre les mains, appréciant ce contact plus que tout, et la laissant poursuivre sans l’interrompre.
Nous allions devoir trouver un ruban pour que Marie-Ange le noue autour de nos mains, geste que Gudrun mima et qui me fit frissonner d’un sourire.

Elle m’expliqua ensuite que, habituellement, cette cérémonie se faisait en présence des familles. Notre situation simplifie dès lors grandement la liste des convives.
J’avais imaginé, à tort, une cérémonie complexe et délicate, mais il semblerait que je me sois trompé. Je ne quittais pas ces yeux, notamment lorsqu’elle évoque le dernier point à réaliser pour sceller notre union.
Je caressais ses mains de mes pouces tandis que j’observais le rose envahir doucement ses joues sur lesquelles s’étirait un sourire.

Elle inspecta alors ma chemise, seul réel vêtement que je portais et qui était complétée par une couverture à la taille. Elle m'informe alors qu’elle apprécierait grandement limiter au strict minimum le public et que je fasse laver ma chemise.
Je lui souriais toujours.

Qu’il y ait le moins de monde possible me convient parfaitement, tu te doute que je ne suis pas amateur de grandes foules. Pour la chemise, la faire laver ne devrait pas être un problème. J’ai même une somme d’argent pour éventuellement acheter de nouveaux habits!... Enfin, j’imagine…

Ma perplexité soudaine devait se lire sur mon visage.

Je…J’ai effectué une mission pour un noble et il m’a rémunéré en échange mais…Je dois bien avouer n’avoir aucune idée de ce que la somme qu’il m’a remise me permet de faire…Je m’avance peut-être quand à un éventuel achat, je n’en ai en fait aucune idée…J’imagine que ce serait bien en effet de changer d’habits car ils ont étés portés toute une vie.

Je fus alors pris de court par le brusque changement de regard qu’elle braquait au fond de mes pupilles. Elle réalisait que le dernier acte de notre mariage ne pouvait se dérouler en ce lieu et, de fait, qu’il faudrait obtenir grâce d’un logement provisoire. Cette soudaine révélation, évidente en soit, posait le problème de savoir si la Baronne serait encline à nous faire ce cadeau…
La Baronne…
Rosen…

Je me sentais alors un peu mal et lâchais les mains de ma bien-aimée pour me lever. Ses derniers mots trahissaient son réel désir de s’unir à moi, ce qui me réchauffait le cœur, mais une part d’ombre venait entacher le tableau.

Debout, je faisais face à Gudrun la mine grave et les joues roses de honte.

Je…Je ne sais comment le dire alors pardonne moi si cela te parait brusque.
Cela remonte à près d’un an mais alors que j’errais dans les marais je suis tombé sur la Baronne enlisée dans des sables mouvants. Je lui suis naturellement venu en aide et l’ai sortie de son piège mais par la suite, j’ai eu un comportement…odieux.
Je n’avais déserté que depuis peu et mon esprit était en proie aux doutes, j’étais perdu même si cela n’est point une excuse.
Le fait est que j’ai eu, avec la Baronne, un rapport charnel qu’elle n’a pas souhaité…Elle m’a poussé dans mes retranchements et s'est montrée provocante mais je n’aurais pas dû franchir cette ligne. Cela étant, je lui ai présenté mes excuses et lui ai offert ma vie, dont-elle n’a pas souhaité disposer. Toujours est-il que, même un an après, je doute qu’elle ne me porte une quelconque considération…

Je me sentais glisser vers le désespoir. Alors que mon existence semblait prendre un tournant extraordinaire, mon passé et mes actes me rattrapaient. Moi qui, de toute mon existence, n’avait que subi ou agit dans la droiture, mon seul écart de conduite venait mettre en péril tout ce que j’avais commencé à bâtir.
Évidemment, cette faute était terrible, mais je ne pouvais la taire à celle que je souhaitais épouser.
Je demeurais immobile en attendant sa réaction, me préparant déjà à devoir quitter les lieux.

Si la question de savoir comment leur vie allait changer après ce mariage était cruciale, Gudrun ne s'était pas attendue à voir son promis prendre un air aussi grave et s'éloigner d'elle ainsi. L'esprit légèrement embrumé par l'alcool, elle le regarda parler sans trop comprendre. Quelque chose n'allait pas dans ce récit, une sorte d'incohérence flottant entre les lignes, un décalage gênant entre les faits et l'homme qu'elle avait en face d'elle. Et puis, que dire de cette mine si grave sur un visage qu'elle peinait si souvent à déchiffrer ? Pourquoi se tenir là, debout, bêtement, alors qu'ils étaient si bien tous les deux ? Elle resta perplexe un long moment, essayant d'associer les mots, les phrases, le sens même des sons, à cet homme qui se tenait en face d'elle, un air contrit sur le visage.

- A qui t'adresses-tu ? A ta future épouse ? Ou à une prêtresse ? Tu m'as dit que tu n'avais pas besoin de te confesser. Et pourtant... Pourtant cela ressemble bel et bien à une confession ! Qu'Anür me maudisse si ça n'en est pas une ! Bon sang... Rassieds-toi, s'il te plaît.

Elle laissa échapper un soupir de lassitude, et but à nouveau. Son sourire s'était effacé, car la journée avait été longue, et cette soudaine révélation ne lui faisait guère plaisir. Bien sûr, elle se doutait qu'il avait pu connaître d'autres femmes dans sa vie... Mais elle n'avait pas envie d'en entendre parler. Ni d'entendre de confession ce soir. Elle aurait simplement voulu se détendre et profiter... Mais ce qu'on veut et ce que l'on a sont souvent deux choses bien différentes, et ce qui devait être fait... serait fait, quoi qu'il en coûte.

- Ce n'est pas facile pour moi d'entendre ce genre de confession, tu t'en doutes. J'ai bien peur que mon avis ne soit un peu... partial. Je vais faire de mon mieux, mais sache une chose : si des actes, ou même des pensées, te pèsent sur le coeur ainsi... Va voir un prêtre ! Ne le laisse pas te pourrir le coeur... Un an ! Grands dieux, un an ! Tu peux chercher des excuses : tu en avais peut-être. La baronne est jeune et jolie, je te l'accorde.

Cela lui faisait une petite pointe au coeur de l'admettre néanmoins. Elle était particulièrement méfiante envers la baronne, et imaginer que... Elle se rendit compte qu'elle s'était arrêtée un petit instant, songeuse. Elle releva la tête pour regarder Eric et poursuivit.

- Le fait est que c'était une erreur de ta part. Tu as cédé aux doux murmures d'Etiol, tu t'es laissé berner par tes pulsions plutôt que tes envies profondes. Mais c'est grâce aux noirceurs les plus sombres que nous pouvons trouver la lumière. Tu regrettes. Tu t'excuses. Tu offres ta vie. Pourquoi continuer à te flageller ainsi ? Faut-il que je t'avoue tous les péchés que j'ai commis depuis ma naissance ? Ce sont pourtant grâce à eux que je suis la femme que tu as sous les yeux aujourd'hui. Non, vraiment, ça ne correspond pas à l'homme que j'ai en face de moi et que j'ai choisi d'épouser.

Puisqu'après tout, elle s'était retrouvée dans la même situation que la baronne. Qu'il s'était comporté de manière admirablement convenable. D'ailleurs, sans pouvoir retrouver les mots exacts, il l'avait rassurée sur ce point dès le premier soir. Il avait changé, ou alors il l'avait trouvée moins désirable que la baronne... Elle secoua la tête pour chasser ces idées fugaces.

- Quoi qu'il en soit, j'en déduis que la baronne te connaît. Connaît ton nom, ta figure, ton statut de déserteur, sans doute ? Dans ces conditions, il est hors de question que je lui demande de me reloger ailleurs. Ou même de lui dire que je me marie avec toi.

Les implications de tout cela sautaient aux yeux. Pas de foyer chaleureux. Un risque à chaque retrouvailles. Un risque à se marier, tout court. Elle se releva, agitée, pour faire les cent pas. Ces milliers de petites choses qu'elle s'était naïvement imaginée pouvoir retrouver, se voilant la face sur le fait qu'à Sombrebois aussi, Éric pourrait être reconnu. Qu'on la considère comme une paria de par ses origines, ou de par ce mariage si étrange, c'était une chose. Ne pas pouvoir profiter de cette vie, c'en était une autre. Comme d'habitude, sa tristesse se muait en colère. A quoi jouaient donc les dieux pour lui laisser croire qu'elle pourrait se marier, compter pour quelqu'un, et trouver sa place, pour ensuite la laisser dans cette situation ? C'était injuste, et d'autant plus douloureux que le réveil était soudain. Tout ça bouillonnait intérieurement... Elle réalisa soudain que, même si Éric semblait parfois deviner ses pensées les plus profondes, il pouvait interpréter son attitude de bien des façons. Elle s'arrêta pour le regarder à nouveau, toute colère évanouie, tournant des yeux larmoyants vers lui.

- Je... Je suis perdue Éric. Tu ne m'aurais tout de même pas proposé de t'épouser sans penser à tout cela ?

Ainsi qu’elle me le demande, je m'assois.
Je réponds ensuite à sa question, avant de la laisser parler et réfléchir sans l’interrompre, attendant mon tour de nouveau et, surtout, de savoir comment elle accueille mes dires.

Non, ce n’est pas une confession! Je m’adresse bel et bien à ma future épouse. Je ne pensais pas t’en parler mais la situation me semblait l’exiger. Je ne pouvais te laisser aller au devant de la Baronne sans que tu ne saches l’accueil qu’elle risque de faire à cette nouvelle, à ta demande.

Elle me parlait alors sans doute un peu avec sa vision de prêtresse. Il faut avouer que même si ce n’était pas une confession, cela devait y ressembler fortement. Je considérais cela plutôt comme un aveu, pour ne pas laisser ma future épouse dans l’inconnu.
A mon sens cependant, elle faisait fausse route.
Cette histoire m’avait pesée sur le cœur un long moment mais, avec le recul, il m’était apparu que j’avais offert à Rosen toutes les opportunités possibles et imaginables d’obtenir réparation mais qu’elle s’était évertuée à refuser.
Aujourd’hui, si j’en parlais, c’était pour que Gudrun soit au courant. J’imaginais en effet assez mal Rosen accueillir la nouvelle de notre mariage avec enthousiasme. A mon sens, il fallait donc qu’elle sache la réaction que pouvait avoir la Baronne. Par ailleurs, j’ai bien trop de respect pour ma Gudrun pour qu’elle ne l’apprenne d’un autre.

J’eu l’impression que l’on piquait le torse lorsqu’elle évoquait qu’il était de fait impossible de demander un nouveau logement ou même d’annoncer notre mariage.
Je me sens coupable en entendant sa dernière question alors qu’elle s’est mise à faire les cent pas.

Je cherchais son regard sans trop savoir quelle attitude adopter. Je pris le pari de parler d’un ton calme, ne voyant de toute façon aucune raison de m’énerver.

Je…J’imaginais bien que pour un mariage le Temple serait de la partie mais…Je ne savais pas que c’étaient les nobles qui tenaient les registres ou attribuaient des logements. Avant de déserter, j’étais en caserne et avant…Bref! Ces éléments-là, je n’en avais pas connaissance. Je ne connais pas cette vie.

Toujours calmement, je me levais à mon tour pour me saisir de ma besace. J’en extrayais une bourse que je vidais sur la table. Je montrais alors les nombreuses pièces qui jonchaient la table.

Voici ce que m’a rapporté ma mission d’escorte…Presque quatre écus de ce que l’on m’a dit…Je ne sais même pas ce que cela représente. Si j’avais su tout cela je…Je t’aurais quand-même demandé en mariage mais j’aurais sans doute cherché à te convaincre d’aller ailleurs…

Doucement, quelque chose germait dans mon esprit.

Je te désire Gudrun, plus que tout. Je vais trouver une solution! Reviens près de moi s'il te plait

Immobile, elle le regardait, submergée par l'émotion. Il exposait des faits.Il avait été de bonne foi en lui faisant sa demande, et elle-même n'y avait guère plus réfléchi. Elle aurait pourtant été la mieux placée pour savoir... Pour être raisonnable. Elle lui avait fait confiance à nouveau, car, pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, ou plutôt qu'elle ne voulait pas s'avouer, elle avait le sentiment que tout irait bien. Les yeux rivés sur les pièces qu'il exhibait, non pas fièrement, mais avec son calme et sa franchise habituelles, elle l'écoutait parler.

Il avait voulu se donner les moyens pour ce mariage. Mais la volonté, cela ne suffisait pas toujours. Les pensées de la prêtresse tournaient en rond... Elle obéit sans réfléchir à son injonction, se rapprochant à portée de bras, le fixant droit dans les yeux.

- Je n'ai peut-être pas voulu penser à toutes les conséquences de cet engagement, mais je ne l'ai pas pris à la légère Éric. Pourquoi serais-je allée ailleurs si ce sont les dieux eux-mêmes qui t'ont mis sur ma route ?

La rencontre. La vision de Rikni l'après-midi même. Tout cela aussi, c'était rassurant. Ça n'était pas une simple passade de jeune fille. C'était le destin même ! Il n'y avait qu'à le suivre... Elle leva la main pour caresser la joue imberbe rêveusement.

- Dès demain. Si tu as peur qu'on te reconnaisse. Tant pis pour la chemise blanche. Je pense... J'espère que Marie-Ange saura être discrète. Quand le vin est tiré, il faut le boire, n'est-ce pas ? Alors... Je te laisse en décider. Tu as toute ma confiance.

J'esquissais un fin sourire lorsqu’elle confirma ne pas avoir accepté de m’épouser sur un simple coup de tête. Elle y avait bel et bien réfléchi, elle avait attendu que je fasse de même et nous avions alors tous deux souhaité, ensemble, nous unir.
C’est un choix qui à été étudié.
Alors, je lui retourne brièvement.

Et c’est de toute ma conscience et de tout mon cœur que je t’ai proposé cet engagement.

Sa main sur ma joue me fait frissonner tandis qu’elle exprime un souhait qui fait finalement office de réponse à mon aveu. Elle choisit de passer outre cette information ou, plutôt, de me prendre malgré ce grave écart de conduite. Elle semble abandonner l’idée de la chemise blanche, espère que Marie-Ange saura ne pas faire d’émules…
Alors, elle me donne son entière confiance avant même que le ruban ne nous ai lié.

Je viens tendrement poser la main sur la sienne qui parcourt ma joue. Souriant un peu plus franchement, je lui lance un regard taquin.

Tu as ma confiance depuis que tu as choisi de lâcher ton couteau.

Je dépose un baiser sur son front avant de poursuivre, affichant un air sérieux et décidé.

Je refuse que notre mariage soit embarrassant ou que tu ne puisses avoir cette chemise blanche. Je veux que notre union soit à notre image et non pas entachée. Si tu me fais confiance, alors laisse moi trouver une solution. Résoudre des problèmes pour vivre, c’est mon rayon après tout!

Je viens alors chercher ses lèvres dans un doux baiser.
Je n’ai plus envie maintenant que de passer du temps simple et tendre avec elle, en buvant un peu de vin.
Demain risque d’être plus agité.


Vu avec Gudrun: RP Clos :)
La suite ... après!