- Ne nous éloignons pas trop mon ami. Je n’ai pas l’habitude de boire. Si je dois rentrer à la boutique en titubant, je préfère que ce ne soit pas loin.
Kalam sourit. Ce n’est pas dans ses habitudes de sortir en plein jour et encore moins d’aller boire dans les bars. Mais aujourd’hui est une journée spéciale pour l’assassin, enfin pour le cordonnier, car en ce jour, il a laissé ses vêtements sombres au placard pour enfiler son tablier de travail. Aujourd’hui, donc, il peut se permettre de boire un coup afin de sceller un accord entre deux artisans. Aujourd’hui il peut se laisser aller sans penser à ce qui va lui arriver en rentrant. Aujourd’hui il peut profiter de discuter à découvert avec un ami. Chose qui ne lui est quasiment jamais arrivé depuis qu’il est passé à l’âge adulte.
Cheveux au vent, il se laisse guider jusqu’à l’auberge la plus proche tout en discutant tranquillement de choses et d’autres avec Alban.
- Ça ne fait pas longtemps que je suis ici.
- Oui j’habitais dans le Goulot avant, dans l’endroit qu’on appelle Le Chaudron maintenant.
- Un jour je suis entré dans la boutique de Baruk.
Dès qu’ils entrent dans l’auberge, Kalam ne peut s’empêcher de visualiser tout ce qui se passe à l’intérieur. Il observe chaque recoin de l’établissement comme si quelqu’un allait lui tomber dessus et qu’il devait ne pas se laisser surprendre. Instinctivement il porte la main à sa ceinture, là où habituellement il porte sa dague. Sentant une lame courbée, il se rappelle l’arme qu’il vient d’acheter au forgeron. Il laisse glisser ses doigts sur le manche et sur le pointe. Puis il reprend son calme après avoir remarqué que rien ne peut lui arriver et surtout qu’il est un client comme un autre aujourd’hui. Néanmoins il est ravi de constater qu’Alban choisit une table à l’écart. Il pourra ainsi discuter tout en ayant un œil sur les clients qui entrent et qui sortent de l’auberge.
Il s’installe sur une des trois chaises et attend qu’une serveuse vienne prendre leur commande.
- Euh je ne sais pas trop, je prendrais la même chose que toi. Une bière ?
Dès que la serveuse part chercher leurs verres, Kalam demande à Alban :
- Alors tu me parles un peu de toi ? T’as toujours voulu être forgeron ou c’est parce que ton père fait ce métier que tu t’es senti obligé de prendre la relève ?