Marbrume


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 Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort.

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Céleste CourtelameBannie
Céleste Courtelame



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MessageSujet: Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort.   Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort. EmptyDim 6 Fév 2022 - 19:58



Le 20 avril 1167, au pied d’une petite ferme de Menerbes.


Aube du quatrième jour.
Céleste s'éveilla en hurlant de terreur, le corps trempé de sueur et les joues inondées de larmes brûlantes. Encore ce cauchemar, ce maudit cauchemar ! s'agaça-t-elle. Tentant de reprendre ses esprits, elle s'agita dans son rustique petit lit de paille pendant de longues minutes, la douleur comme une étreinte autour de sa tête. Ses tempes palpitaient fébrilement au rythme de son corps malade ; ses poumons à l'agonie tremblaient et sifflaient à chacune de ses inspirations, semblables à deux cloches jumelles qui sonnent le glas de la mort. Le corps entièrement recouvert d'une épaisse cape brune décrépite, la jeune femme haletait comme un petit poisson de rivière tout juste sorti de l'eau et jeté dans le panier d'un pêcheur pour y mourir. Lentement.

Depuis trois nuits maintenant, elle faisait toujours ce même rêve étrange. Un rêve qui ne faisait qu'en précéder un autre, incertain, plus sombre et plus inquiétant encore. Du corps d'un homme de haute stature, recouvert de loques sordides et au visage difforme, se déversait un flot continu de sang noir et opaque, semblable à une ombre. Lentement, ce sang dévalait la terre, dévorant tout son passage, de plus en plus voracement, détruisant les montagnes, les champs, les villes et les forêts, ingurgitant la totalité du Royaume. Quand enfin il ne restait plus qu'elle, l'homme l'entourait de ses bras de chair et de plumes, et recueillait sa tête sur son épaule. Alors elle se mettait à pleurer, sans pouvoir s'arrêter.

« Je déteste ce rêve..., marmonna-t-elle en attrapant sa tête entre ses mains. »
« Bêê...! »

De surprise, Céleste sursauta, vociférant des insultes dont elle ignorait pour la plupart le véritable sens. Effrayées par le bruit et l’agitation soudaine, deux brebis, un canard, un petit cochon et une douzaine de poules s’enfuirent dans le champ attenant dans une course effrénée, perdant au passage quelques plumes, poils et touffes de laines.

« C'est ça, barrez-vous ! Sales bêtes ! acheva-t-elle de crier. »

Haletante, la jeune femme recula lentement sur sa paillasse et heurta de la tête l'une des poutres qui supportait le toit, ravalant cette fois-ci le juron bien salé qui lui frôla les lèvres. Le plafond de bois gondolé était si bas que Céleste ne pouvait se tenir debout sans être contrainte de se courber. Il y avait en fait tout juste assez de place dans ce cabanon pour accueillir quelques animaux de ferme, un baquet d'eau tiède croupie et un petit peu de paille. Une imposante toile d'araignée, suspendue en haut du chambranle fissuré, retenait l'eau de la rosée, quelques insectes morts et une épaisse couche de poussière, que le vent avait inlassablement charrié tout au long de la nuit passée. Il régnait ici une épouvantable odeur de rance, d'excréments et de moisissure. Des bruits étouffés de conversations lui parvenaient depuis l'auberge voisine. Les éclats de voix et les rires gras des clients de la taverne lui glaçaient le sang dans les veines et lui étranglaient la voix. Des miliciens.

Le sommeil et la douleur assourdissaient à nouveau ses paupières, quand un craquement retentit. Soudain, une main agrippa sa cheville et la tira en arrière, la sortant du cabanon aussi facilement qu'un sac de farine. Avec un cri de frustration, elle se débattit, envoyant des coups de pied à son agresseur pour tenter de se défaire de son emprise. Cependant, elle se rendit vite compte que ses efforts ne servaient à rien. Elle avait l'impression d'affronter un rocher.

« Qu'est-ce que t'fiches ici toi ? T'es venu voler mes poules, c'est ça ? grogna l'homme dont l'imposante carrure rappelait non sans mal celle des ours. »
« Lâchez-moi ! J'ai rien fait ! »

Il jura. Peut-être avait-elle réussi à lui faire mal, malgré tout. Quand elle le frappa à la main, elle parvint cette fois-ci à lui faire lâcher prise. Mais alors qu'elle plongeait dans le cabanon, cherchant frénétiquement le manche de sa hache, des doigts puissants enserrèrent ses mollets comme des pinces. Il la traîna de nouveau vers lui, si fort qu'elle s'égratigna les bras contre le sol. Refusant de s'avouer vaincue, Céleste se retourna d'un mouvement vif et asséna un coup de genou dans le bas ventre de son agresseur, avant de le frapper de toutes ses forces au visage avec sa hache. D'un bond de côté, l'homme évita de justesse le genou, mais pas la lame qui l'atteignit à la tempe. Le sang gicla et il s'effondra au sol en gémissant.

Se relevant péniblement, Céleste prit la fuite en titubant.




Dernière édition par Céleste Courtelame le Ven 18 Fév 2022 - 11:11, édité 2 fois
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Le GoupilContrebandier
Le Goupil



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MessageSujet: Re: Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort.   Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort. EmptyLun 7 Fév 2022 - 17:09

« Tibert et Renart »*
20 avril 1167

— Goupil. Eh, Renard. Debout.

Aucune réaction de la part du corps avachi sur le comptoir de l’auberge.

— Réveille-toi, faraud ! menaça-t-on, en vain, par les Trois...

Des tréfonds d’un inconscient ténébreux, le contrebandier crut pouvoir aspirer à la paix. Parti de Marbrume la veille et arrivé à Menerbes peu avant le crépuscule, il s’était assis sur une chaise qu’il n’avait plus quittée de la nuit et occupait encore au matin, après une énième soirée passée à jouer et à s’enivrer.

Inévitablement, l’éveil, comme toujours, serait difficile. Il le fut d’autant plus que c’est avec un seau plein d’une eau glacée que le tenancier lui souhaita le bonjour.
Arrachée de ses rêves en sursaut, la maigre carcasse du marchand se redressa d’une traite dans quelques craquements disgracieux, bascula en arrière et emporta avec elle chaise et bonhomme.

— Eh beh. Pour un gringalet, t’en fais du boucan ! s’esclaffa l’aubergiste d’un rire porcin.

Une grimace aux lèvres, le renard s’assit au sol, retira ses bésicles et s’ébroua à la manière d’un animal. Lorsqu’il chaussa de nouveau sa paire d’yeux, ce ne fut que pour mieux la darder sur son tortionnaire.

— Je vide tes tord-boyaux, et c’est ainsi que tu me remercies ?
— Fais pas ta comtesse, flagorneur. Puis c’est toi qu’as demandé d’êt’ réveillé.
— J’ai fait ça ? s’étonna l’intéressé.
— Oui-da. Mais t’avais déjà descendu une bouteille, alors...

Les sourcils froncés par une concentration trop intense, le renard tâcha de recoller les morceaux d’une mémoire en miettes. Il lui fallut plusieurs minutes pour se souvenir des raisons qui l’avaient conduit en ce bourg ; une simple halte sur l’itinéraire le menant à Sombrebois, dans l’espoir d'y faire affaire avec la baronne.
Ces réminiscences jetèrent son attention sur sa besace, restée au pied du comptoir. Dans un soupir, il redressa carcasse et chaise avant de se rasseoir.

— Un dernier pour la route, je te prie.

Et tandis que le contrebandier luttait contre la gueule de bois avec un verre d’alcool, quelques miliciens firent une entrée fracassante dans l’auberge et alimentèrent sa migraine de leurs rires tonitruants.

Bien vite, cette ambiance qu’il affectionnait tant le soir et abhorrait si vivement le matin le poussa à reprendre un chemin sur lequel il croisa un géant maugréant, à qui prêtait l’oreille, une histoire ubuesque impliquant des poules, des cheveux blancs et une hache. Il n’en fallut pas davantage au roublard pour vivifier une imagination débordante, qui ne s’enraya qu’à l'orée du village, à l’écoute d’un bruissement dans les fourrées.
Aiguisée par des mois passés à arpenter les marais, l’attention du Goupil se focalisa sur l’origine du frémissement sans qu’il n’en laisse rien paraître. Pourtant, sa méfiance s’estompa dès que le haut d’un crâne à la chevelure de craie trahit une incompétence confinant au suicide.

Dénué de toute compassion à l’égard de ses semblables, encore moins bon pédagogue, le renard aurait pu lâcher l’affaire si une idée insane n’avait pas germé en son esprit. Car s’il était une chose qui pouvait lui faire reconsidérer ses préférences, c’était bien la perspective de se jouer de son prochain.
Sous couvert d’une application douteuse de l’enseignement selon lequel « on apprend de ses erreurs », le contrebandier approcha ainsi des fourrés en feignant presque trop parfaitement une innocence qu’il ne possédait pourtant plus – et n’avait peut-être, d’ailleurs, jamais possédée.
Figé devant le buisson, le marchand réprima un bâillement, cependant qu’il posait son baluchon au sol.

— J’ai une de ses envies de pisser, moi.

Le plus naturellement du monde, il abaissa alors ses chausses pour mieux se soulager dans les herbes, au moins jusqu’à ce qu’il en émerge ce qu’il aurait juré être une morveuse, au premier abord.

Un sourire au coin des lèvres, le roublard ne prit pas même la peine de jouer les surpris.

— Règle n° 1 : lorsque l’on fuit un géant ou la Milice, on ne reste pas près des chemins. Règle n° 2 : si on s’aventure loin des chemins, il faut savoir grimper aux arbres, gloussa-t-il, maintenant, écarte-toi : j’ai vraiment envie de pisser… Cela étant, vu ta fragrance musquée, ça ne changerait pas grand-chose.

Et sur ces belles paroles, Le Goupil mit à exécution ses desseins.
__________________
* : une fois n’est pas coutume, puisque l’intitulé originel de cette illustration est un peu long, je me suis permis de le retranscrire avec le nom des personnages concernés, tirés du Roman de Renart. Bien qu’il ne manque pas de ruse lui-même, Tibert, le chat, finit piégé par Renart, le renard. Pour t’en convaincre, voici le « titre » original : « Le chat grimpe, à gauche, le long d’une grange, pour entrer dans le trou où le renard lui a fait croire qu’il trouverait beaucoup de souris ». Alors, mon chaton, écouteras-tu les conseils du roublard ? ;]
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Céleste CourtelameBannie
Céleste Courtelame



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MessageSujet: Re: Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort.   Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort. EmptyMar 15 Fév 2022 - 17:35



« Espèce de couille de rat ! J'vais chier dans la pute t'a mise au monde ! hurla-t-elle en reculant précipitamment. Range...range ça...dans ton futal avant que j'la coupe et la file à bouffer aux cochons ! ajouta-t-elle, les joues soudain rougies de honte. »

Céleste ferma les yeux. Sous l'effet de la peur ? De la confusion ? De la colère ? Ou de la gêne suscitée par ce qui avait failli se produire ? Elle avait beau essayer de rester parfaitement immobile et tendue, tous ses membres étaient à présents secoués de tremblements incontrôlables. Son cœur battait la chamade tandis qu'une main invisible l'enserrait comme pour en interrompre les battements saccadés. La jeune femme commença à respirer avec difficultés. Son souffle devint rauque et elle porta une main pâle à sa poitrine, les yeux à présent rivés sur le sol. Puis, comme une comédie qu'elle avait répété une centaine de fois devant un grand miroir, elle inspira par le nez et souffla doucement pour essayer de se détendre un peu. Un exercice difficile lorsqu'un mufle urine sans retenue ni pudeur au pied du buisson dans lequel elle avait trouvé refuge quelques instants plus tôt.

« Par les Trois ! marmonna-t-elle en saisissant fébrilement le manche de sa hache. Toi tu pues l'alcool et la sueur à dix lieues à la ronde, alors je t'emmerde ! Elle sembla reprendre son souffle, avant d'ajouter : Va chier ! »

Céleste se releva difficilement, ne prenant même pas la peine de dissimuler son mépris envers l'homme qui lui faisait face. Dans son regard brillait à présent une rage froide, à peine contenue. Ses longs cheveux blancs, trempés de sueur, d'eau et de boue, tombaient lourdement sur son front et ses tempes en mèches entremêlées. Ses épaules affaissées, ses joues creusées et sa bouche au pli fielleux trahissaient son état de fatigue mais aussi la terrible colère qui l'aidait à tenir sur ses deux jambes. Ses doigts enserrant toujours le manche de sa hache, Céleste avança d'un pas lent et pataud vers l'ivrogne, traînant l'arme au sol comme s'il s'agissait d'une vulgaire poupée de chiffon. La hache, lourde et inconfortable, dessina, languissamment, un long sillon dans la terre.

Puis soudain, un rictus mauvais se dessina sur ses lèvres. Sa main gauche saisit à son tour le manche de sa hache ; avec un cri rauque, elle la souleva dans les airs et tenta de frapper l'homme, visant la jonction de l'épaule et du cou. Ses yeux devinrent comme des braises et, à la vitesse de l'éclair, la hache s'abattit juste à côté de sa cible, s'enfonçant dans la terre comme dans du beurre. Tandis qu'elle retirait la lame de son arme enfoncée par gaucherie dans le sol, elle tomba à genoux, prise d'un vertige insoutenable.

« Et merde ! Merde, merde, merde ! »

Lâchant le manche de sa hache, elle prit sa tête entre ses mains. Sa vue se brouilla.

« Pas maintenant... murmura-t-elle en serrant les dents. »



Dernière édition par Céleste Courtelame le Ven 18 Fév 2022 - 11:12, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort.   Une nouvelle vie commence toujours par une petite mort. EmptyJeu 17 Fév 2022 - 22:16

« Tibert et Renart »
Le renard avait souffert de si nombreuses insultes – lui-même n’étant par ailleurs pas en reste – qu’il ne prêtait plus guère d’attention à toutes celles dont on l’affublait. En la matière, les maris bafoués occupaient le premier rang des diffamateurs, quoique certaines exceptions viennent confirmer la règle.

Comme cette fille.

Ce ne fut pourtant pas tant l’originalité de l’invective que le sens même des paroles, qui titilla la curiosité du contrebandier et le poussa à jeter un œil à son bas-ventre – comme pour vérifier qu’il n’avait pas perdu quelques attributs pendant la nuit. De deux choses l’une : soit la demoiselle avait rencontré des rats particulièrement bien fournis en matière de couilles, soit elle n’avait jamais vu d’homme nu de sa vie.

À la façon qu’elle eut de rougir en se murant derrière ses paupières, Le Goupil favorisa le second postulat.

— Aaah… Ces ignorantes pucelles. Deuxième fléau du monde, juste après la Fange, déplora-t-il dans un soupir.

À retardement, le roublard obtempéra à l'injonction – peu après une répartie qu’il jugea passable, trop conscient du parfum qu’il portait – et se rhabilla, afin d’ôter aux yeux innocents ce qui, par nature, offensait la décence.

De trop nombreux mois à fréquenter les bannis et à observer le comportement de ceux qui ne cessaient d’affluer pour grossir leurs rangs, lui avaient appris à reconnaître les prémices des crises d’angoisse. Sans qu’il ne sache rien de la demoiselle à quelques pas de lui, il avait ainsi décelé en elle une blessure trop fraîche pour être encore comblée, suintant le sang et le pu, altérant son souffle et ses mouvements.
Un instant d’égarement dans la trame du temps aurait pu le conduire à se remémorer ce jour où il était né des cendres d’un autre. L’attitude de la donzelle l’en préserva.

Surpris par la vivacité succédant à la mollesse, Le Goupil n’avait vu que trop tardivement la hache se lever. Son corps s’était déplacé sur le côté, mais pas assez pour l’épargner tout à fait, si elle n’avait pas si mal visé. Plus exactement : si elle n’avait pas failli en cours de route.
Plus que le trouble qui l’amena à se morfondre à même le sol, ce fut la colère perçue tantôt, qui titilla la curiosité de l’animal. Qu’avait-elle bien pu vivre pour souffrir d’un tel trouble du comportement ?

Les bésicles du contrebandier se portèrent sur le chemin vers Sombrebois, puis à l’opposé, sur celui menant à Menerbes. La crinière de la morveuse lui ôtait le peu de discrétion à laquelle elle pouvait prétendre. Elle serait vue, dénoncée, traquée par le géant et les miliciens. À ce constat, le roublard réprima un soupir.
Sans un mot, sa grande carcasse se plia afin de saisir son baluchon de la senestre. Il contourna ensuite le buisson, tassa du pied la terre meurtrie par la lame de la hache, qu’il ne tarda d’ailleurs pas à récupérer par le manche. En dernier lieu, il rejoignit la demoiselle, se pencha et, sans semonce ni explication, enserra sa taille pour la basculer sur son épaule et ainsi s’éloigner de la traverse – non sans avoir également effacé le sillon laissé par l’arme.

— Tu la fermes, ordonna-t-il sans préavis, sans doute pour prévenir tout cri qui viendrait lui percer le tympan, afin que les choses soient claires : si je t’emmène loin du sentier, c’est pour que ta tignasse de vieillarde n’attire pas l’attention des miliciens qui ne vont pas tarder. Le but n’est donc pas que tu les guides jusqu’à toi en hurlant, murmura-t-il en s’enfonçant sans bruit dans les marais, du reste, dis-toi bien que si tu cries loin des sentiers, les soldats deviendront très vite le cadet de tes soucis.

Pour avoir plusieurs fois croisé, sur les bords de route, les vestiges de ce qui avait un jour été un convoi de vivres ou d’humains, le renard avait bien conscience que la Fange ne se cantonnait pas aux paluds et arpentait également les chemins aménagés par l’Homme. Il lui semblait néanmoins que plus l’on s’enlisait dans les marécages, plus les monstres s’avéraient nombreux.

À quelques dizaines de toises de la cavée, Le Goupil opéra un demi-tour, plissa les paupières pour s’assurer de ce qu’ils se trouvaient suffisamment loin, et relâcha enfin sa captive sans une once de délicatesse, en prenant tout juste la peine de se pencher, alors qu’il déroulait le bras qui avait jusque-là ceint sa taille. Instinctivement, son regard se posa sur la hache qu’il tenait encore en main. La nature du bois employé pour le manche, la qualité du métal de la lame, les décorations qu’elle arborait, contribuaient à faire de cette hache un outil de bonne facture. Une excellence normalement hors de portée de gens comme elle et lui.

— Voilà un bien bel objet...

Le rictus du roublard étira le coin de ses lippes comme il s’approchait d’un arbre dans le tronc duquel s’enfonça la lame, au gré d’un puissant coup, donné en hauteur à bout de bras. Fier de sa manœuvre, le contrebandier se retourna vers la fugitive avec une insolence palpable, cependant qu’il déposait son baluchon au sol.

— Délestée de ton arme, tu devrais être plus encline à discuter, supposa-t-il, ô rassure-toi. Loin de moi l’idée de te penser inoffensive : vu ta taille, si tu te penches un peu trop, tu serais probablement en mesure de m’asséner un coup de tête droit dans les burnes, alors… Je ne suis à l’abri de rien, s’amusa-t-il en se grattant la barbe du bout des ongles, j’ignore tout de ta vie, et très sincèrement, je m’en contrefous. Je ne sais pas où tu as volé cette arme, pourquoi tu as cru bon d’enfoncer la hache dans le crâne d’un géant sans parvenir à le tuer, et pourquoi tu entendais me décapiter avec, énuméra-t-il patiemment, le fait est que tu ne vas pas faire long feu ici-bas, si tu ne te caches pas un peu mieux, si tu gueules comme une damnée à la moindre occasion, si tu te mets à perdre tous tes moyens devant n’importe qui ou n’importe quoi, ou si tu entreprends de vouloir occire tous ceux qui croisent ton chemin... y compris les infortunés promeneurs qui auraient le malheur de choisir, en toute bonne foi, le buisson dans lequel tu as cru bon de te dissimuler.

De sa barbe, ses griffes migrèrent jusqu’à l’arrière de son crâne pour gratter la racine de ses cheveux. La morveuse n’avait pas tort : un bain ne serait pas du luxe.

— Où te rends-tu, au juste ?
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