Une patrouille au port

J’allais tendre la main vers la poignée mais la prénommée Alix surgit de nulle part pour m’en bloquer l’accès. J’étais furieuse et si elle n’avait pas rapidement pris la parole, j’aurais laissé ma langue devenir acerbe. Mais elle me devança immédiatement en me renvoyant à mes provisions. Elle me tendait plusieurs sacs de jute tout en revenant sur ses paroles précédentes.

Je tendais alors la main pour attraper un seul et unique sac. Avec celui que j’ai déjà commencé à remplir, cela m’en ferait deux, c’est bien assez.
Je rétorquais alors à sa seconde phrase.

Quand bien même le service qu’il m’aurait demandé aurait été de l’ordre de celui auquel vous avez pensé, je n’ai aucun compte à vous rendre. Si c’était ce qu’il avait souhaité, c’est ce qu’il aurait reçu ! Vous ne me connaissez pas, je n’ai pas à souffrir de votre jalousie ! Merci pour le sac !

Je tournais les talons pour retourner vers la remise tandis qu’elle affirmait que je pouvais prendre mon temps car j’étais en sécurité. Je ne compris pas bien le parallèle qu’elle faisait entre ma sécurité et l’interdiction des relations hors mariage.

Je ne me sens pas menacée outre mesure, mais je ne veux pas faire du temps au chevalier. J’ai le temps de l’attendre, lui non.

Je continue donc de remplir mon sac, m’arrêtant dans mon mouvement lorsqu’elle me demande quel est donc le type de service que j’ai rendu à Desmond pour qu’il m’offre ainsi des vivres. Je me tourne vers la jeune femme. Je me suis un peu radoucie car, même si elle ne s’est pas excusée concrètement, je sens que reconnaître sa jalousie est plus ou moins sa façon de le faire.

J’ai convaincu un homme qu’il voulait impérativement recruter de venir lui parler alors que cet homme semblait difficile d’approche. J’avoue que ce n’était pas le service auquel je me serais attendu du fait de ma profession, mais cela me convient bien comme ceci.

Récit d'Alix :

La jeune femme accepte de rester et j’en suis soulagé, si j’avais dû annoncer au chevalier que j’avais fait fuir son invité, j’aurais sûrement eu droit à un de ses regards glaçants. En tout cas, elle répond bien à mes demandes et elle se dépêche de prendre des légumes. J’apprends également le service qu’elle a rendu à Desmond et je lui indique, en souriant :

Certes, le seigneur est vraiment une personne très surprenante, il est venu à mon aide, me soignant après que j’ai tenté de mettre fin à mes jours et prenant soin de moi et de mon frère handicapé. Il nous a même offert un véritable travail avec interdiction d’exercer mon ancienne profession pour ne pas nuire à la respectabilité de la Guilde.

Une fois qu’elle a fini, je m’écarte de la porte pour la laisser passer. Je suis soulagé qu’elle quitte cet endroit, car avec son joli minois, elle aurait pu faire tourner bien des têtes. Les autres femmes mercenaires sont toutes moches, ne prenant pas vraiment soin de leur apparence et c’est très bien comme cela.

Je n’ai plus qu’à remonter prévenir le maître des lieux qu'Olga est prête.

Récit de Desmond :

Après avoir mis le contenu du sac dans un coffre, car il ne partira que demain, je me mets à nettoyer les quelques taches sur mon armure, c’est fou comme une armure de plaque se salit vite ! Je venais juste d’en enlever une particulièrement tenace quand mon employé m’indique que la rousse a terminé ses emplettes.
Je descends donc et lui indique :

Même règle qu’à l’aller. Il commence à faire un peu sombre, donc il faut être encore plus prudent.

C’est quand même malheureux que la carrière de pierre soit si loin, on pourrait augmenter la taille des remparts pour y inclure les faubourgs, mais ce n’est pas possible actuellement.

Je me fige soudain lorsque j’écoute la jeune femme raconter un peu son histoire et, surtout, son arrivée ici. Une lueur d’espoir dans le regard, je me tourne vers elle et la fixe.

Il vous a sortie de la prostitution?

Il était indéniable que mes yeux trahissaient mon désir profond de croire que le chevalier pouvait reproduire cet exploit. Concrètement, je serais presque prête à tout pour sortir de ce cercle qui, quelques sous mis à part, ne m’apporte que souffrance et désespoir. Il y a bien quelques clients réguliers que la récurrence à finit par me faire apprécier. Des hommes qui ne se contentent pas de simplement faire leur affaire. Parfois, ils arrivent avec une petite attention tel qu’une miche de pain frais ou une bouteille à partager.
Je me détournais alors, entendant les pas lourds du chevalier dans l’escalier.

Non, laissez tomber…

Je me dirige vers le chevalier sans laisser le temps à la jeune femme de répondre et acquisse à sa remarque sur la prudence.

Je reste avec vous Monseigneur!

Je me dirigeais donc vers la porte.

Récit de Desmond :

Ce que j’aime bien Olga, c’est qu’elle obéit aux ordres sans discuter, c’est vraiment une brave fille. J’ouvre donc la porte, passant en premier pour m’assurer qu’il n’y a pas de danger. Il n’y a pas un chat, ce qui est d’ailleurs assez bizarre, normalement, je devrais voir des ouvriers agricoles rentrer chez eux très rapidement, mais là, aucun mouvement à l’horizon.

Je fais signe à la visiteuse de venir avec son sac et nous faisons quelques dizaines de mètres, jusqu’à ce que nous croisions une patrouille, bien armée, avoir leurs arbalètes de type Sigfroi, qui nous interpelle, d’un air pas très content :

Que faites-vous ici ? Des Fangeux ont été repérés et les portes de la ville se sont fermé en avance, rentré vite chez vous
.
Cette fois-ci, c’est moi qui obéis sans dire un mot et je me dépêche de revenir à l’abri. Une fois de nouveau à l’intérieur de la Guilde, je lui dis, un peu essoufflé :

Désolé pour le contre-temps, à la première heure, demain, je vous ramènerai chez vous, j’espère que vous n’avez pas d’enfants à gérer ?

J’attends sa réponse, ce qui me permet d’aller mieux et je lui dis :

Ce soir, vous pourrez manger chez nous, prendre un bain et dormir un peu. Alix, va vous montrer tout cela.

Récit d’Alix :

Alors que je pensais être définitivement débarrassé d’elle, la voilà qui revient ! Le seigneur me donne des consignes et je m’efforce de les appliquer du mieux que je peux, malgré ma désapprobation évidente. J’indique donc à mon ancienne collègue :

Suis-moi, tu peux laisser ton sac de légume ici, tu le reprendras demain.

Je lui montre ensuite la salle de bain, chauffée par un grand feu disposant d’un grand bac d’eau et d’un plus petit pour la lessive, une étagère contenant des vêtements basiques de lin blanc est à disposition des invités. Je n’ai plus qu’à lui dire :

Fais ce que tu as à faire, les habits sont à ta disposition si tu souhaites en changer. Je viendrais te chercher dans une quinzaine de minutes.

Je pars ensuite préparer le repas, espérant qu’Olga sait cuisiner.

Visiblement, quelque chose n’allait pas. Desmond revient au pas de course et me fait immédiatement rentrer dans le bâtiment. Les portes sont fermées pour ce soir à cause de fangeux repérés à proximité.
Malgré les paroles rassurantes du colosse, je frissonne.

Bien Mon Seigneur, merci pour votre accueille.

Le voilà à peine parti que Alix revient vers moi. Je pose donc mes sacs là où elle me l’indique et la suis dans le couloir jusqu’à la salle de bain. Elle m’explique alors que je dispose d’une quinzaine de minutes pour me laver si je le désire.
Après qu’elle soit sortie, je me déshabille pour me plonger dans le bain chaud. La journée fut malgré tout assez intense et cela faisait un bien fou de pouvoir me prélasser même quelques instants dans un bain chaud avec du savon.
Je libérais mes cheveux et frottais tout mon corps avec du savon, sentant mes muscles se détendre. Personne ne semblait inquiété par la présence potentielle de fangeux non loin, ce qui participait à me détendre.

Ce bain me faisait tellement de bien que j’en oubliais le temps.

Récit d’Alix :

Au bout d’une quinzaine de minute, le repas est en train de mijoté, ce seront des légumes avec un petit peu de lard, un marchand particulièrement satisfait nous à livrer un bon morceau de porc comme paiement. C’est quelque chose d’assez rare et je suis particulièrement contente de pouvoir goûter à cette bonne nourriture.
Ne voyant toujours pas arrivé Olga, je pars en direction de la salle de bain. Devant la porte, je vois Laure la Dure, elle est très maigre, a un nez trop grand, une bouche minuscule et des cheveux filasse, ancienne chasseuse, elle sait très bien tirer à l'arc. J’ai déjà pu échanger quelques mots avec elle et elle me demande :

Qui est à l’intérieur ? On avait que je pourrais me laver les cheveux ce soir.

Je souris à sa demande, elle en a en effet bien besoin, je lui réponds donc :

Il s’agit d’une invitée du Chevalier, je vais voir si elle a terminé.

J’ouvre donc la porte et je vois que la rousse est toujours dans son bain. Elle a l’air tellement bien, que je n’ai pas le cœur de lui faire des réflexions désagréables et je lui dis simplement :

Lorsque j’ai pris mon premier bain, j’y suis aussi resté très longtemps. Je sais que c’est très agréable comme endroit, mais malheureusement, une mercenaire en a besoin et moi je dois aller servir les plats.

Je la laisse répondre avant de lui indiquer :

Peux-tu te préparer et venir m’aider ? Tu as de la chance, nous avons même droit à de la viande ce soir.

Je l’écoute, espérant qu’elle va bien vouloir me donner un coup de main, puis je lui communique une dernière information :

Après le repas, le chevalier m’a demandé de t’amener dans son bureau, il aurait un dernier point à voir avec toi. Ensuite, je te montrerai notre dortoir et je te prêterai des couvertures, les nuits peuvent être fraiche par ici.

Ce bain me faisait le plus grand bien, à tel point que j’en oubliais le temps. La porte s’ouvre doucement et je ne m’affole pas jusqu’à ce que je réalise que quelqu’un est entré. Il s’agit d’Alix qui m’explique tranquillement qu’elle aussi avait pris son temps lors de son premier bain ici. Hélas, mon temps était écoulé et une mercenaire attendait son tour derrière la porte.

Oh ! Mince, désolé je n’ai pas fait attention au temps !

Elle me demande alors de me préparer pour venir l’aider avec le repas, expliquant qu’il y a de la viande au menu. Elle m’indique ensuite que Desmond veut me voir après le repas et qu’elle finira par me montrer l’espace nuit.
Je me levais et sortie du bac d’eau pour m’enrouler dans une serviette.

Oui, bien sûr ! Je me dépêche de te rejoindre ! Tu peux dire au chevalier que je serais là… Et à la mercenaire que je suis sortie dans une minute !

Hors de question de se mettre une mercenaire à dos. Après tout, je suis une invitée ici.
Je quitte donc l’endroit, m’excusant auprès de la femme qui attendait son tour, avant de rejoindre Alix en cuisine. J’espère qu’elle ne prévoit pas de me faire préparer le repas, je ne sais pas faire à manger plus que cela. J’entre donc doucement en frappant au chambranle de la porte.

Que puis-je faire pour toi ?

Récit d’Alix :

Olga, manifestement bien élevée s’excuse envers moi et la mercenaire et elle sort promptement de l’eau, me laissant ainsi le loisir d’admirer son corps. Elle est plutôt bien fichue cette petite, cela ne doit pas faire très longtemps qu’elle est dans le milieu, vu l’absence de marque. Ce n’était malheureusement pas mon cas, mon petit copain de l’époque me tabassait pas mal et certains clients également. Je garde mes réflexions pour moi et une fois qu’elle m'a rejoins en cuisine, je lui indique :

D’habitude, c’est Elodie Santana, qui s’occupe de la cuisine. Elle a suivi son frère dans son bannissement quand celui-ci a été mordu. Peu de temps après ils sont tombés dans une embuscade tendue par des brigands et il a été tué. Elle a été sauvée par le Chevalier et des Miliciens et sert maintenant de cuisinière et de bonne à tout faire. Elle entretient également le jardin aromatique, mais elle est partie voir sa famille et ne sera là que demain.

Je lui montre la pile d’assiettes vides et de couvert en bois et je lui demande :

Peux-tu aller en salle et mettre ceci sur la grande table ? Nous avons une bonne dizaine de mercenaire aujourd’hui, heureusement que l’effectif n’est pas au complet. J’aurais ensuite besoin d’aide pour porter la marmite et nous pourrons manger en même temps que les autres. Le chevalier se met en bout de table, comme tu es son invité, tu te mettras à sa gauche et moi à sa droite.

Je prends ensuite le temps de la regarder droit dans les yeux et je lui dis :

Tu pourras manger autant que tu voudras, inutile de prendre des gants, nous sommes à la bonne franquette ici. L’ambiance est bonne et tant que tu ne blasphèmes pas, notre chef est bienveillant et à même un certain sens de l’humour.

A ma question, la jeune femme répondit par des explications. La personne qui s’occupait habituellement des repas était absente car en famille. Le reste, je dois bien avouer que cela me confortait dans l’idée que j’avais fait une rencontre intéressante avec ce noble. Il semble volontaire pour aider certaines personnes dans la misère.
Nous vivons dans un monde où avoir ce genre de personnes en relation est toujours possiblement utile, parfois salvateur.

Je hoche la tête pour démontrer qu’elle a mon attention avant de la laisser poursuivre. Elle me donne alors à faire avant de m’expliquer comment se déroulera le repas. A l’idée de manger en étant juste à côté du géant me fait me crisper un peu. J’ai beaucoup de mal à le cerner mais je me dois de relativiser.

Je m’occupe de dresser la table, très bien ! Je reviens ensuite t’aider avec la marmite.

Elle accroche alors mon regard pour m’annoncer de ne pas hésiter à manger. A se demander si je ne semble pas trop décharnée… Je ne retiens pas un sourire lorsqu’elle dit que Desmond à un sens de l’humour. C’est difficile à croire mais j’ai appris à ne pas juger au premier regard.

Je m’occupe donc de disposer assiettes et couverts avec grand soin, tel que l’on me l’a enseigné, essuyant certains couverts qui n’étaient pas tout à fait propres. J’ai évidemment passé un coup de chiffon humide sur la table avant pour la nettoyer. Ceci fait, j’installe quelques bougeoirs trouvés à différents endroits et les allumes avec une branche incandescente.
Alors, je reviens en cuisine pour aider Alix à apporter la marmite.

C’est bon pour moi, je suis prête à t’aider avec la marmite.

Récit d’Alix :

La jeune femme accepte mes consignes sans discuter et m’aide à porter la lourde marmite. Toutes les personnes sont arrivées, ce qui fait quand même douze personnes en nous comptant moi et mon invité. Un certain brouhaha a commencé, composé de différentes conversations.

Aidé par Olga, je pose la marmite sur la table et commence à servir tous les bols en bois. La fumée qui s’en échappe me fait sourire et je ne suis pas la seule à être dans cet état, un bon repas chaud, par le temps qui court, suffit à être heureux.

Une fois que tout le monde a devant lui sa pitance, Desmond prends la parole.

Récit de Desmond :

J’ai une faim d’ogre ! Je suis donc descendu dès que j’ai entendu les autres mercenaires se mettre à table. Il ne reste plus qu’à me poser au bout, puis lorsqu’Olga et Alix se sont assises, je me lève en silence, car ayant enlevé mon armure et mis ma tenue habituelle noir et argenté, je fais moins de bruit. Aussitôt, le silence se fait et je commence la prière :

Je remercie les Trois pour nous avoir fourni ce repas, Anür de nous avoir protégé des malheurs, Serus pour avoir créé les animaux et les légumes que nous pouvons manger et Rikni de nous avoir donné des armes pour nous défendre.

Tous mes mercenaires font le signe saint et nous pouvons enfin commencer à manger. De mon côté, je me tourne vers Olga pour lui dire en souriant :

Vous semblez beaucoup plus reposé ainsi. Nous allons pouvoir avoir notre petite discussion après le repas.

J’attaque ensuite mon plat et je me verse un bon verre de vin avant de montrer la bouteille à la jeune femme et de lui demander :

Vous en voulez ?

Tout le monde prit place et j’aidais Alix à faire le service. Je lui apportais les bols que je déposais ensuite devant chaque personne. Je ne dis pas un mot, impressionnée par les personnages présents. Tous sont des guerriers et des vrais. Pas de sombres sentinelles comme les miliciens de la ville, non. Là, ce sont des hommes rompus au combat et qui ont défié la mort plus d’une fois.
Je pris ensuite place à table en même temps qu’Alix, observant alors le géant entamer une prière. J’incline la tête pour respecter cet instant avant de reproduire le geste et de commencer à manger.

Il faut bien avouer que cela fait du bien. Je me penche légèrement vers Alix pour lui murmurer.

Le repas est excellent, vraiment !

Desmond se tourne alors vers moi pour me parler et je le regarde par politesse, rougissant légèrement à sa remarque.

Merci à vous de m’accueillir et de m’avoir permis de profiter du bain, c’était très agréable et vraiment bienvenu.

J’acceptais ensuite sa proposition et goûtais le vin qui s’avérait délicieux. Je n’en avais pas bu depuis tellement longtemps que je veillais à le siroter afin qu’il ne me monte pas trop vite en tête.