Marbrume



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 [Terminé] Un pas après l'autre.

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Laura LucetCouturière
Laura Lucet



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MessageSujet: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyDim 13 Mar 2022 - 15:48
19 mai 1167.
Village de Balazuc.
Crépuscule.

En ouvrant les yeux sur le visage encore assoupi de Pierrick, Laura prit une lente et profonde inspiration. Autour d’eux, l’agitation commençait à monter : Balazuc était en train de se réveiller pour affronter une nouvelle journée de travail et de survie. La jeune fille se leva silencieusement pour ne pas réveiller son frère et se dirigea vers un petit baquet pour se rincer le visage : comme tout le monde, elle allait devoir se retrousser les manches et faire preuve de son utilité, d’autant plus que Pierrick n’était toujours pas en état de travailler.

Il fallait dire qu’il avait pris une flèche dans le ventre ; les prêtresses qui s’étaient occupées de lui à son arrivée s’étaient même étonnées qu’il ne développe pas une grave forme d’infection. Cela avait un peu moins surpris Laura : son aîné avait toujours été particulièrement robuste, sinon, comment aurait-il survécu là où tous leurs autres frères et sœurs avaient péri de la fièvre ou de la dysenterie ? Ce déni quant à la situation fragile de son frère permettait pourtant à la jeune fille de tenir : tant que Pierrick ne pouvait pas se montrer utile, elle allait devoir le faire à sa place pour assurer leur place à Balazuc.

La couturière tressa sommairement ses cheveux et les rassembla sur sa nuque, les faisant tenir à l’aide de son peigne en bois. Les deux adolescents vivaient toujours sous la tente qui servait d'hospice aux prêtres de la Trinité : ces derniers toléraient la présence des enfants puisque ces derniers n’avaient nul part ailleurs où dormir et que Pierrick nécessitait encore des soins. Les hommes et femmes de foi avaient accepté que Laura reste auprès de son frère : la jeune fille ne faisait pas la difficile et dormait parterre, à côté de la couche de Pierrick pour pouvoir veiller sur lui, l’aidant au quotidien afin de ne pas alourdir la charge de travail des religieux. De tout façon, elle savait qu’elle ne parviendrait pas à dormir si on l’éloignait de son aîné : comment le pourrait-elle alors qu’il était son ancre, sa dernière famille, le seul sur lequel elle pouvait compter alors qu’ils avaient été libéré de leurs geôliers voilà tout juste un mois auparavant et que leur situation n’était pas encore tout à fait stabilisée ? Ils pouvaient être expulsés de Balazuc à tout moment… Laura tira sur la manche de sa robe pour recouvrir soigneusement les vilaines cicatrices striant son avant-bras gauche. Même chassée de Marbrume, elle restait une mordue et Balazuc grouillait de miliciens. Elle avait de la chance que quelqu’un ait accepté de la prendre sous son aile pour travailler ; d’ailleurs, la jeune fille sortit de la tente pour rejoindre son poste de travail, sous la tente qui servait de réfectoire.

Liliane était venue la voir elle et son frère peu de temps après leur arrivée à Balazuc : cette veuve aux hanches encore bien charnues et au sourire facile avait accepté de les prendre sous son aile à la demande d’un ami, avait-elle expliqué. Après un peu de discussion, cet ami s’était avéré être Théophile, l’homme qui avait ramené Laura en la portant sur tout le trajet séparant le camp des bandits qui fut sa prison pendant une année et Balazuc. Il était difficile de refuser une telle main tendue, aussi Laura accepta-t-elle immédiatement de prêter main forte à la cuisinière, s’assurant ainsi un travail et une utilité, quand bien même l’idée d’être redevable à quelqu’un, de surcroît à un milicien, ne lui plaisait guère.

Toute la journée, Laura s’attela à faire ce qu’elle faisait le mieux : cuisiner et coudre. Elle passa la matinée à réparer un coin de la voilure qui protégeait la cantine qui s’était déchiré puis elle assura le service du midi avec Liliane ; l’après-midi, elle frotta les marmites et les ustensiles de cuisine avant de retourner à la préparation du souper : un convoi était en route pour Sombrebois et allait s’arrêter à Balazuc pour la nuit, il allait y avoir plus de monde et la préparation du repas nécessitait donc plus de travail.

Le soir tombait sur Balazuc. Alors qu’un bouillon de légumes agrémenté d’un peu d’épeautre mijotait, Laura tranchait des lèches de pain. Liliane était occupée de son côté ; la veuve était autrement plus bavarde que l’adolescente mais, même si la sœur de Pierrick ne répondait pas avec un enthousiasme débordant, cette dernière avait le sentiment que la cuisinière appréciait son travail. C’était le principal après tout, non ?
A un moment donné, Liliane s’éloigna de sa marmite ; Laura ne leva pas le nez de son ouvrage, occupée à présent à découper des bulbes à ajouter à son potage. Une nouvelle agitation commença à se faire entendre derrière elle : c’était sûrement le convoi tant attendu qui venait d’arriver, mieux valait pour elle qu’elle se dépêche de finir sa préparation.


Dernière édition par Laura Lucet le Dim 10 Avr 2022 - 21:12, édité 2 fois
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyDim 13 Mar 2022 - 20:54
Deux jours que le convoi était parti de Marbrume, et pour la deuxième fois cette année, Théophile se retrouva devant les fortifications de Balazuc. Elles étaient désormais solides et avaient fière allure, contrairement à sa dernière visite. Les murs en bois se tenaient solidement entre les marais hostile et le petit village qui reprenait vie. Il eut aussi la surprise de voir la route continuer et traverser le village, là où seule la terre d’un niveau inégal était présente un mois auparavant.

Ce laps de temps était court, si on le comparait à une vie, mais pour le milicien, il semblait que c’était une éternité auparavant qu’il s’était retrouvé sur le rocher, près du grand chêne, pour monter la garde. Pour être tout à fait exact, tout son début d’année ressemblait à un grand bordel sans queue ni tête. Les Dieux avaient-ils décidés de le mettre à l’épreuve ? Peut-être Soeur Gudrun pourrait le lui dire, si elle se sentait à l’écoute après la nouvelle qu’il s’apprêtait à lui annoncer.

Le borgne n’avait pas le temps de s’appesantir. Comme c’était le cas lors des autres voyages, l’arrêt des chariots ne signifiait pas la fin de la journée. Les miliciens devaient aider à décharger ce qui avait vocation à rester ici, dans le hameau en reconstruction. Il s’agissait seulement de quelques vivres et matériaux, mais ceux-ci était essentiels pour que l’humanité s’implémente durablement ici.

C’est donc les bras chargés d’une caisse de ce qui semblait être de la viande séché, que Théophile se présenta à la cuisine du camp. Son amie Liliane, maîtresse des fourneaux, préparait ce qui devait être leur repas pour le soir. A vu de nez, elle avait réussit à faire quelque chose d’extraordinaire avec le peu qu’ils avaient ici. La cuisinière releva le nez de son fourneau et envoya un grand sourire à son coursier. Elle essuya par réflexe ses mains, pourtant déjà propres, sur son tablier et s’avança vers lui.

« Ca sent bon le thym par ici. Tu nous gâtes Liliane. »

Il renifla encore la bonne odeur qui se dégageait des lieux puis sourit à sa bonne amie.

« Si j’avais su que tu étais là, je t’aurais peut-être préparé quelque chose d’encore plus consistant et goûteux. C’est une très bonne surprise. »

« T’attends-tu que je protège le village pour vouloir me dorloter ainsi me ? »

La femme laissa errer un instant son regard vers ce que la veste en cuir ouverte laissait apparaître du torse du soldat, c’est à dire pas mal de peau et de muscles, avant de fixer à nouveau son visage.

« Au besoin oui. Mais j’espère plutôt que tu gardes tes forces pour une autre activité, en ma compagnie. Cette nuit. »

Le regard suggestif qu’elle lui lança ne laissait que peu de place au doute sur quel type d’activité elle souhaitait mener avec cet homme, plus jeune qu’elle d’au moins dix ans. Ce qui ne semblait absolument pas gêner ce dernier, qui regardait la veuve avec la même étincelle.

« Ce programme me plaît beaucoup. J’en déduis que tu n’as toujours pas trouvé chaussure à ton pied pour te réchauffer. »


Elle renifla avec dédain.

« Et m’embarrasser d’un nouvel incapable égoïste ? Non merci. Tant qu’on me laisse à peu près tranquille, je préfère rester libre de mes mouvements. »

Liliane et Théophile avaient parlé un peu de leur passé respectif. Le genre de confidence sur l’oreiller que deux amants pouvaient se faire après avoir laissé leurs corps se connaître intimement. Surtout quand ils avaient pris le temps d’apprécier la chose...

La cuisinière avait été sous le joug d’un mari insensible à sa femme. Mariés plus ou moins de force par leurs parents, elle se trouva liée à un homme bien plus vieux qu’elle alors qu’elle sortait à peine de l’adolescence. Il n’avait jamais prit soin d’elle, ne prenant que ce qui faisait son bon plaisir à lui et le salaire qu’elle s’efforçait durement de gagner. Il s’en servait pour payer de la boisson et des femmes au bordel. Liliane lui avait avoué qu’elle préférait qu’il aille voir ailleurs plutôt que de subir ses assauts quasi-forcés.

C’est pourquoi il lui avait été si facile d’accepter Pierrick et Laura à ses côtés. Même la morsure de la jeune fille ne l’avait pas rebutée. Ses deux fils avaient péri le jour du couronnement. Elle aurait tellement aimé les savoir vivants et mordus, que faisant parti de ces créatures. Comme Théo la comprenait, lui qui espérait de toutes ses forces que sa propre femme n’ait pas terminé dans le même état…

Penser aux deux adolescent lui fit se demander ce qu’il en était d’eux. Cette question le taraudait souvent, ainsi que celles qui en découlaient. L’archer, encore armé, déposa son chargement à côté d’une caisse semblable. Cela laissa le temps à son amie de se reprendre et d’oublier ce souvenir négatif.

« Les enfants, comment vont-ils ? »

« Pierrick est toujours en train de se remettre, les prêtres l’ont laissé sous leur tente. Laura doit-être dans le coin, tu pourra voir par toi-même. »

Elle se tourna et chercha sa protégée des yeux. Lorsqu’elle la trouva, un peu plus loin en train de continuer à préparer de quoi nourrir la troupe qui venait d’arriver, elle afficha un doux sourire et l’appela.

« Laura, vient par ici ma petite, que je te présente Théophile. »

Ce dernier pu apercevoir l’adolescente de profil. Elle n’était pas très loin, et n’avait sûrement raté aucune miette de leur entrevue. Son visage ressemblait un peu plus à celui que devait arborer une jeune fille de son âge. Débarrassé de toute crasse, la nourriture régulière lui avait redonné quelques légères rondeurs sur les joues. Sa coiffure n’était plus cet imbroglio de cheveux et de saletés emmêlés, mais une jolie tresse qu’elle avait retenu avec un objet quelconque pour qu’elle ne la gêne pas dans son travail. De même, elle ne portait plus les haillons dans lesquels il l’avait trouvée, mais le simple chiffon qu’elle portait ne convenait pas au milicien. Il aurait aimé qu’elle puisse revêtir une robe comme il pouvait voir beaucoup de jeunes femmes en porter à Marbrume.

Malheureusement, il n’était toujours pas sûr qu’elle sache que l’homme qui l’avait sauvé, était aussi celui qui avait aussi gravement blessé son frère. Alors lorsque Laura leva ses deux magnifiques yeux sur lui, il attendait presque aussi sûrement son jugement que son silence.
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Laura LucetCouturière
Laura Lucet



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyLun 14 Mar 2022 - 0:06
Liliane conversa un moment avec un homme qu’elle connaissait manifestement assez bien au vu du ton badin de leur échange. Le regard de Laura ne lâchait pas ses oignons qu’elle prit ensuite par poignées pour les jeter dans la marmite avec le reste des légumes. La jeune fille se concentrait au maximum sur sa tâche, entendant malgré elle le sujet de la conversation entre la cuisinière et l’homme, ce qui fit naitre une boule dans sa gorge encore un peu maigre.
Sa protectrice avait essayé quelques fois de la faire parler sur ce qu’elle avait vécu dans les marécages mais la sœur de Pierrick était restée farouchement silencieuse. Sans trop se perdre dans les détails, la veuve avait fait comprendre à l’adolescente qu’elle avait une idée de ce qu’elle avait traversé et de ce qu’elle vivait encore dans sa tête mais Laura avait continué d’éluder le sujet. Ce fardeau, elle comptait le porter seule : seul Pierrick savait et, quand bien même Liliane faisait beaucoup pour leur assurer une nouvelle place au sein de la petite communauté de Balazuc, ce n’était pas suffisant pour pousser la jeune femme aux confidences. Que ne donnerait-elle pas pour tout oublier, tout enfouir sous la fange qui recouvrait les alentours du village ? Hélas, comme les marais dont semblaient sortir les fangeux, ces souvenirs se rappelaient à elle constamment, qu’elle fut éveillée ou assoupie. Combien de fois s’était-elle réveillée en sursaut, le souffle coupée comme si un corps lui écrasait la poitrine et le ventre ? Combien de fois avait-elle agrippé la main de Pierrick pour se raccrocher à la réalité, le perturbant dans son repos ? Elle avait vite arrêté de compter.

Lorsque l’homme s’enquit de savoir comment « les enfants » allaient, Liliane répondit par les prénoms de Pierrick et de Laura ; cette dernière tendit donc l’oreille un peu plus, son menton légèrement tourné en direction de la cuisinière pour mieux entendre. En la hélant, la veuve confirma ce que l’adolescente avait commencé à imaginer : ce n’était rien de moins que son sauveur qui venait prendre de ses nouvelles. Laura leva son regard céruléen en direction de sa protectrice et du dénommé Théophile et, après avoir posé son coutelas entre deux miches de pain, rejoignit les deux adultes tout en réajustant sa coiffure qui s’était quelque peu desserrée.

La sœur de Pierrick s’efforça de sourire un peu mais l’on ne pouvait pas dire qu’elle était pour autant très à son aise au moment de faire face à celui qui l’avait sorti des griffes de ses geôliers. Outre le fait qu’elle ignorait encore le rôle de Théophile dans la blessure de son frère, Laura était surtout retranchée derrière cette méfiance qui lui faisait regarder chaque homme comme un potentiel ennemi. La reconnaissance que la jeune fille ressentait envers ce soldat pour l’avoir ramené auprès de Pierrick, elle la voyait comme un piège vicieux qui la liait malgré elle à cet homme, un milicien de surcroît. Heureusement que Liliane était toujours à leurs côtés, cela rassurait un peu Laura qui releva ses prunelles bleues vers le visage dudit Théophile : il semblait gentil pourtant, avec son sourire affable, mais son regard ambivalent troubla l’adolescente qui, après quelques papillonnements de cils, détourna un peu les yeux.

« - Bonsoir. »

La demoiselle avait la voix un peu rauque, de celle qui parlait peu : il fallait dire qu’elle n’avait pratiquement pas ouvert la bouche tout le temps que sa captivité avait duré et Liliane avait amplement eu le loisir de constater qu’il n’était pas dans la nature de sa protégée de faire dans les babillages sans fin. De toute façon, déjà avant tout cela, le couronnement, l’expulsion de la ville par la garde… Laura n’avait jamais été une grande bavarde.

« - C’est donc vous que Pierrick a envoyé me chercher... »

Sa carrière de pilleur avait été bien courte mais la punition avait été sévère : son aîné était toujours à l’infirmerie, la cicatrice barrant son ventre tout juste rose. Qu’avaient donc fait les Lucet pour offenser à ce point les Dieux ?
Laura se gratta distraitement l’oreille tout en regardant Théophile un peu de biais, toujours un peu troublée par la pâleur laiteuse de son œil gauche.

« - Merci... pour ce soir-là et pour Liliane. »

Car non content de l'avoir libéré, il avait envoyé son amie les recueillir pour leur assurer une protection, une activité, une nouvelle stabilité. Pour celle qui ne voyait plus les miliciens que comme ceux qui l’ont jeté hors de Marbrume en la traitant comme une criminelle, elle qui n’avait jamais osé ne serait-ce que voler une pomme sur l’étal d’un marchand, c’était on-ne-peut-plus surprenant.
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyLun 14 Mar 2022 - 22:25
Laura, à l’appel de sa bienfaitrice, se leva et vint rejoindre le couple. La timidité qui se dégageait d’elle n’était pas étonnante. Après ce qu’elle avait vécu, personne ne pouvait en vouloir à cette jeune fille de se méfier de toute personne étrangère, un homme de surcroît. Le courage dont elle faisait preuve, d’avoir accepté l’offre de Liliane et de travailler était déjà un bon signe. La jeune fille ne se laissait pas aller au désespoir. C’était en fait assez peu le cas chez beaucoup de femmes qu’il avait pu croiser. Leur résilience était bien supérieur à celle de la plupart des hommes. Ce n’était pas pour rien qu’elles continuaient de résister envers et contre tout, alors que leurs maris se roulaient avec complaisance dans leurs travers.

L’archer la regarda avec douceur, tentant d’apaiser le sentiment d’injustice qui avait tendance à le saisir parfois, se demandant à quel jeu les Dieux se prêtaient avec leur fidèles ouailles.

« Vous n’avez pas à me remercier Laura. Vous n’auriez jamais dû vous trouver dans cette situation. Ni Pierrick, ni vous.  »

La jeune cuisinière avait détourné deux fois le regard après avoir tenté de le fixer. Ce genre de réaction, il connaissait. Son oeil aveugle, bien qu’objectivement pas si moche que ça, était hors norme. Contrairement à d’autres borgnes, Théophile avait choisi de ne pas le cacher. A quoi bon ? Depuis son jeune âge, il avait préféré l’afficher plutôt que d’en faire un secret honteux. Dans les deux cas, il dérangeait, engendrait des sentiments de dégoût ou de pitié. Cette dernière, il l’abhorrait. Elle faisait de lui un faible, et le réduisait à son état d’handicapé. Jamais il ne l’accepterait.

Mais pour le moment, il ne s’agissait pas de lui. Ses états-d’âme, il cohabitait avec depuis assez longtemps pour les laisser de côté. A contrario, Laura devait vivre avec ses souffrances et supporter en plus la peur que son état amenait sur son passage.

« Qui aurait cru qu’en dehors de Marbrume certains profitaient de la détresse... »


Les mots de Pierrick le percutèrent à nouveau, comme si c’était hier qu’il les avaient prononcé

Ils ont...violé les deux femmes du groupe et ma soeur et ils nous ont fait r'garder en rigolant


Quelles séquelles cela avait-il laissé dans leurs esprits ? L’une ayant perdue deux fois son innocence en peu de temps, le second ayant vendu son âme pour protéger ce qu’il lui restait de sa famille. Quelque chose en ce grand frère faisait écho en lui, alors qu’il avait lui-même abandonné son âme-sœur pour protéger son cadet. Maintenant il était face aux conséquences de son choix, et l’incertitude de ce qui était arrivé à Alice continuait de le poursuivre. Ses recherches étaient la seule chose qui apaisait la cicatrice béante que tout ceci avait laissé dans son âme et son cœur.

Mais Laura, qu’avait-elle ? Bien peu de choses...revêtant son masque de crétin, celui qui ne s’appesantissait pas sur ce genre de sujet sérieux, il s’appuya sur ce qui ressemblait à une table et croisa les bras.

« Vous vous faites à la vie à Balazuc ? Et Pierrick, comment va sa blessure ? »


C’était bien beau de s’inquiéter pour lui maintenant lui aurait dit Soeur Gudrun...Pourtant, aucune culpabilité ne l’assaillait. Au moment où il avait tiré, le garçon avait été l’ennemi, celui qui menaçait les braves gens qui tentaient de faire quelque chose de cet endroit abandonné. L’espoir que chaque reconstruction amenait avec elle n’avait pas de prix, et la vie de ceux qui usaient de leur sueur dans ce projet non plus.
Le milicien avait entendu que le gamin devait être traité en coupable, mais Théo comprenait ses raisons. Pierrick n’avait pas eu le choix. Pas quand il devait protéger sa famille. Lui aussi devrait supporter les rumeurs sur son passage.

L’archer attrapa une feuille de menthe d’un bouquet posé un peu plus loin de lui, et l’enfouit dans sa bouche rapidement quand il vit le regard courroucé de la cuisinière. Elle tapa son couteau bien trop fort contre sa planche et le milicien reposa bien rapidement la seconde feuille qu’il avait compté engloutir.

« Ceci n’est pas pour toi ! C’est pour les responsables. J’avais oublié que tu m’avais escroqué deux bouquets entier la dernière fois...Laura, sors-le de ma cuisine avant que je ne succombe à ses suppliques. Tu n’as qu’à l’amener voir ton frère, puisqu’il s’en inquiète. »

« Mais Liliane ? »

Comme un garçon puni, il tentait de l’attendrir avec un regard digne du meilleur des chiots.

« Nenni ! Nous verrons tout cela plus tard. »

La cuisinière leur fit signe de déguerpir, un sourire pendu à ses lèvres indiquait tout de même qu’elle n’était pas réellement en colère. Elle avait plutôt peur de manquer de matière pour le plat qu’elle préparait pour les gradés.
En s’approchant de celle qui allait lui servir de guide, lui laissant tout de même un peu d'espace personnel, Théo chuchota.

« Est-elle aussi un tyran avec vous ? »

Bien évidemment, lui aussi n’en pensait pas un traître mot. Son expression, au diapason avec celle de sa bonne amie, laissait entrevoir qu’il était plutôt content de l’effet qu’il avait.
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Laura LucetCouturière
Laura Lucet



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyMar 15 Mar 2022 - 0:51
Le léger sourire poli qui ourlait les lèvres de Laura s’affaissa sitôt que Théophile lui répondit d’une voix douce et apaisée, la même qui l’avait réveillé au cœur de la pénombre des marais un mois auparavant. Ils n’auraient jamais du se retrouver dans cette situation, vraiment ? Il fallait le dire à ses collègues de Marbrume alors… la main qui grattait son oreille descendit pour se figer sur son bras droit, celui encore intact : c’était là que le jeune milicien l’avait attrapé pour la sortir de sa maison et la trainer jusqu’à la sortie de la ville. Elle avait échappé à la marque des bannis de peu, les mordus étaient si nombreux ce jour-là que les gardes avaient préféré expulser vite fait bien fait toute cette foule de pestiférés plutôt que de prendre le temps de les marquer comme des bêtes.

Lorsque le grand brun ouvrit de nouveau la bouche, la deuxième main de Laura vint se poser sur son bras mordu. Les bras croisés ainsi sous sa poitrine, l’adolescente contenait son ressentiment. A trop se frotter aux Fangeux, Théophile en avait-il oublié que l’humanité était tout à fait capable du pire par elle-même et envers elle-même, toute seule comme une grande ? Laura avait du mal à y croire et pourtant, son interlocuteur semblait honnêtement surpris que des brigands aient pu profiter de leur dénuement et de leur faiblesse pour obtenir ce qu’ils voulaient : des esclaves corvéables à merci qu’ils pouvaient maltraiter à volonté pour leur bon plaisir sadique. En quoi cela était-il si incongru par les temps troubles qui courraient depuis ce qui semblait maintenant une éternité ?

Avait-il senti que ses paroles maladroites avaient jeté un froid dans leur petite assemblée ? Théophile s’accouda avec nonchalance à une table, s’enquérant plutôt de savoir comment ça se passait à Balazuc pour elle et son frère. Laura battit des cils, un peu désarçonnée. Alors que sa bouche amorçait un début de réponse, son regard suivit la main du milicien qui chipa une feuille de menthe, ce qui déplut fortement à Liliane. Avant que l’adolescente n’eut le temps de parler, la cuisinière en chef avait commencé à houspiller le soldat qui était manifestement un habitué des chapardages.
Au moment où Liliane demanda à sa petite assistante d’éloigner le pique-assiette de son espace de travail, le regard de la sœur de Pierrick sauta entre sa protectrice et sa marmite : elle n’aurait pas pu la renvoyer aux fourneaux plutôt ? La veuve ne se laissa pourtant attendrir ni par le regard larmoyant de son ami, ni par celui gêné de l’adolescente qui se plia bon gré mal gré à la demande de son aînée ; elle prit les devants, les mains jointes devant elle, suivie par Théophile qui lui murmura une question plus amusée qu’autre chose.

« - Liliane est très gentille avec moi, pas seulement parce qu’elle me fait travailler. Elle a l’air de vraiment s’intéresser à moi. »

Parfois, elle lui rappelait sa mère. Souvent, Laura avait un peu honte de ne pas parvenir à lui rendre la pareil, à se montrer aussi cordiale qu’elle et à être une vraie compagne de labeur. La jeune fille fronça soudain les sourcils sur ses yeux clairs en prenant conscience d’une chose curieuse.

« - Et vous avez pas besoin de me vouvoyer, vous savez, j’suis pas bien vieille. »

Avait-elle passé les quinze printemps ? Laura n’en était pas parfaitement sûre, elle qui savait juste qu’elle était née la même année que le plus jeune prince – ce qui ne l’avançait guère pour connaitre sa date de naissance – et qui avait été détaché de la civilisation un long moment.
La tente des prêtres n’était pas très loin : ces derniers laissèrent entrer Laura et Théophile sans difficultés, la première car elle faisait partie du décor et le second en raison de son statut indiscutable. Pendant un instant, la jeune fille se demanda si les collègues du milicien n’allaient pas pester quant à son absence mais, après tout, s’il se faisait remonter les bretelles car il avait laissé ses frères d’armes faire tout le boulot, ça ne la concernait pas.

Laura trouva son frère debout à côté de sa couche en train de lacer de sa tunique. Les sourcils toujours aussi froncés, la jeune fille l’interpella :

« - Tu comptes allez où comme ça ? »

Le garçon sursauta légèrement mais, en reconnaissant sa sœur, il se tourna vers elle avec un franc sourire quoiqu’un peu maladroit.

« - Bah je pensais venir vous aider toi et Liliane… vous travaillez si dur toutes les deux, j’peux pas rester éternellement là… »

Aux bras croisés et au gros yeux de Laura, Pierrick comprit aussitôt à quel point sa cadette désapprouvait l’initiative. Laura escomptait que son frère se repose au maximum, même au-delà du délai recommandé par les religieux : il avait tant fait pour elle, qu’elle s’échine à assurer leur tranquillité pendant qu’il se faisait soigner était un moindre mal pour elle et tout simplement la plus petite chose qu’elle pouvait faire pour son aîné qui avait quand même pris une flèche dans le ventre pour elle.
Ce dernier pivota légèrement et vit alors Théophile légèrement en retrait ; surpris, il s’écria :

« - Tiens, que faites-vous là ? »

Le regard bleu interloqué de Laura se tourna lentement en direction de Théophile avant de revenir à son frère.

« - Tu le connais ? »

« - Euh oui, enfin, connaître, c’est un bien grand mot… »

Les doigts de Laura trituraient nerveusement le tissu rêche de sa robe usée tandis qu’elle recollait mentalement les pièces du casse-tête, le regard baissé sur la tunique débraillée de son frère, au niveau de la cicatrice qui lui barrait l’abdomen. Celui-ci leva un regard gêné en direction de Théophile : il était clair qu'il n'avait pas parlé de leur entrevue à sa sœur et cette dernière commençait à toucher du doigt la raison de ce silence.
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Théophile CastaingMilicien
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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyMar 15 Mar 2022 - 21:16
Théophile suivit la jeune fille, lui laissant l’espace nécessaire pour qu’elle puisse engager la conversation comme elle le souhaitait. Il fut heureux de savoir qu’il avait fait le bon choix en demandant à Liliane de s’occuper des deux enfants. Que ce soit pour elle, qui pouvait retrouver son instinct maternel, ainsi que pour Pierrick et Laura, qui avaient de nouveau un adulte pour veiller sur eux.

Sous la tente des soigneurs, son frère était en train de finir de s’habiller convenablement. Cette tenue simple changeait de celle de brigand, ou des bandages ensanglantés. Le garçon avait reprit des couleurs et un peu de poids, mais pas autant que sa sœur. Sa convalescence avait fait fondre une partie de sa musculature, et il n’était pas encore prêt à assumer complètement sa part des tâches.
L’archer observa avec amusement la petite colère que la jeune cuisinière eut à l’encontre du blessé. Elle pouvait donc avoir ce genre d’expression...être près de Pierrick lui faisait baisser ses défenses. Il y avait donc de l’espoir pour qu’elle puisse réapprendre à être simplement une fille de son âge. Avec un peu de temps, et le soutient des bonnes personnes, cela se ferait. Théo espérait que les Dieux aient désormais envie de les aider plutôt que les mettre encore à l’épreuve.

Alors que le sujet de la discussion revint sur lui, le milicien attrapa de quoi s’asseoir. Un des soigneurs avait laissé un tabouret, il le saisit pour se mettre au bout du lit et fit signe aux deux jeunes de s’asseoir. Pierrick avait visiblement gardé le secret sur l’origine de la blessure qu’il avait récolté. Il ne devait pas être facile de savoir se situer quand l’homme qui se tenait en face de vous était à la fois le bourreau et le sauveur.

« Il a fallu interroger Pierrick pour en savoir plus sur l’attaque qui a été menée à Balazuc cette nuit-là. Ses premières pensées ont été pour sa petite sœur et les autres prisonniers. C’est ce qui t’a sauvé la vie. »


Si Pierrick avait eut le ton belliqueux, Sire de Rochemond se serait sans doute délecté de lui trancher la gorge. Tout autant que Théo aurait joué avec les nerfs du garçon jusqu’à ce qu’il crache les informations qu’il connaissait. Le garçon devait sûrement le comprendre alors que la pupille ambre du milicien le fixait.
Celui-ci étala ses grandes guibolles, il était bien trop inconfortable pour lui de tenter de tenir assis correctement sur ce petit morceau de bois.

« Pour répondre à ta question, je suis de passage à Balazuc. Je ne reste pas cette fois, le convoi que j’escorte se rend à Sombrebois. Sur place, je dois voir Soeur Gudrun, la prêtresse qui t’a sauvé la vie, le lendemain du sauvetage. Elle sera sans doute soulagée de savoir qu’elle n’a pas passé tout ce temps à te soigner pour rien. »

Abandonnant en partie son attitude détachée, il fixa tour à tout le frère puis la sœur. Devant eux, se tenait le soldat qui avait convaincu le responsable du village d’accepter la mission suicide du mois précédant. Le même soldat qui n’avait pas laissé de répit à Pierrick en lui demandant de décrire le camp dans lequel il avait été retenu, ou lorsqu’il l’interrogeait sur ce qu’il comptait faire de son futur.

« Ecoutez, si mon frère et moi avions été dans la même situation que vous deux, j’aurais aimé savoir pouvoir compter sur quelqu’un. Vous avez Liliane, je sais qu’elle vous soutiendra autant qu’il le faudra. Mais n’hésitez jamais à me contacter en cas de soucis. Je ne pourrais pas faire de miracles, seulement ce qu’il m’est possible. Seulement, savoir qu’on a quelqu’un sur qui s’appuyer, ça peut parfois faire une grosse différence. »

En tant que milicien, il ne pouvait prendre position contre les décisions du Roi si il souhaitait garder son poste et son droit d’entrée dans la cité aux murs protecteurs. Rien ne l’empêchait cependant de faire quelques bonnes actions. Comme demander à une amie l’asile pour deux jeunes perdus, ou bien annoncer à une femme qu'il estimait que l’homme qu’elle devait épouser était dans une sale posture sans qu’elle n’en sache rien. Peut-être que les Dieux auraient ainsi pitié de l’âme de ceux qu’il aimait.

D’un coup, il se redressa et soupira en se décoiffant. On aurait pu se demander ce qu’un homme aussi débraillé faisait dans la milice, si ses traits et son physique ne rendaient pas cela aussi agréable à lorgner.

« Quel crétin...Je ne me suis même pas présenté correctement. Mon nom complet est Théophile Castaing, je suis affecté à la milice des remparts de Marbrume, même si il m’arrive quelques fois de faire des missions à l’extérieur. Les murs vous sont peut-être interdits, mais vous pouvez toujours me faire envoyer un message. »

Le moment sérieux était passé. Son attitude était déroutante, parfois insaisissable lui avait-on balancé. L’homme jonglait avec une gravité mesurée et une frivolité assumée aussi facilement qu’un saltimbanque. Encore une fois, il venait d’en donner la preuve à Pierrick et Laura qui devraient décider d’eux-même quel crédit donner à ce phénomène.
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Laura LucetCouturière
Laura Lucet



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyMar 15 Mar 2022 - 23:54
Pressentant qu’une discussion était nécessaire, l’archer attrapa de quoi s’asseoir et incita le frère et la sœur à faire de même. Laura prit place sur la couche de son frère, à moitié dissimulée derrière son aîné. Ça cogitait fort du côté de l’adolescente tandis que Théophile racontait brièvement le déroulé de cette nuit-là. Il avait intercepté Pierrick dans sa tentative de pillage, il l’avait interrogé, c’était une flèche qui avait blessé son frère…
C’était lui qui avait essayé de le tuer.
Laura sentit le sang battre à ses oreilles à cette pensée, ses petits poings se serrèrent sur ses cuisses mais elle resta muette, cachée par le dos un peu vouté de Pierrick, entendant sans écouter leur interlocuteur leur raconter son programme des prochains jours. Son aîné semblait particulièrement calme, ce qui amena sa sœur à le fixer lourdement, l’esprit embrasé. Il lui semblait évident que son aîné pardonnait tout à Théophile puisque ce dernier lui avait ramené sa petite sœur en vie et cette dernière sentit son cœur battre sourdement dans sa poitrine à mesure qu’une flopée de contradictions lui sautaient au visage : le milicien avait arrêté Pierrick avant qu’il ne commette l’irréparable mais il l’avait également grièvement blessé ; il l’avait écouté et l’avait sauvé et Laura vomissait ce sentiment d’être redevable d’une dette qu’elle ne pourrait jamais éponger, or, jamais elle n’aurait pu se libérer seule, clouée au sol par le sort qui avait été réservé à ceux qui avaient tenté de fuir…

Théophile était sûrement d’une parfaite honnêteté lorsqu’il se proposa de les aider de son mieux dans la mesure de ses moyens mais sa considération ne fit que participer à renforcer l’aigreur de la bile qui brûlait l’estomac de Laura qui s’était mise à fixer le sol pour éviter un malheureux regard perçant à l’adresse du soldat. Lorsque l’archer leur apprit qu’il était d’ordinaire affecté aux remparts, ce fut la goutte d’eau de trop : toute la colère qui crispait la mâchoire de la petite Lucet se matérialisa dans un commentaire sec et cinglant.

« - Non merci. Les miliciens, vous nous avez fait assez de mal comme ça. »

Lorsqu’elle releva le nez, ce fut pour croiser les yeux de Pierrick, ronds comme des galets. Le garçon ne s’attendait clairement pas à ce qu’un tel fiel sorte de la bouche de sa sœur ; comment aurait-il pu le savoir ? Sa cadette ne lui disait presque plus rien...

« - Laura !… »

Pierrick s’écria mais modula immédiatement sa voix de peur de déranger les prêtres. Il jeta un coup d’œil plein de gravité en direction de Théophile, craignant de découvrir de la vexation sur son visage, avant de se retourner vers sa cadette, la bouche tordue dans une expression mêlant inquiétude et rogne, parlant avec précipitation.

« - Laura, qu’est-ce qui te prend ? Il t’a sauvé ! Et il se propose encore de nous aider ! Tu devrais le remercier de faire tout ce qu’il fait pour nous ! »

« - Si son collègue nous avait pas jeté dehors, on en serait pas là. Tu n’en serais pas là. »

La jeune fille dévisagea son frère, observant la lente décomposition de son expression sévère.

« - T’aurais jamais dû sortir de Marbrume pour me suivre. T’aurais du me laisser. T’es un bon gars Pierrick, des voisins t’auraient recueilli, t’aurais appris un métier, t’aurais refait ta vie. T’aurais jamais été obligé de voler pour sauver ma pomme, t’aurais jamais manqué de mourir et on serait pas là à attendre encore de savoir le sort que la Milice nous réserve. »

Ça, elle n’en savait fichtre rien mais, en l’instant, lancée dans sa logorrhée, pour Laura, c’était une évidence : la cicatrice de son frère, c’était une plaie béante dans son propre cœur, une blessure qui lui susurrait que rien de tout cela ne serait arrivé si elle s’était davantage accrochée à la main de leur mère, si elle n’avait pas laissé trainer son bras à la portée des dents de ce Fangeux, si elle avait décidé de se diriger vers le Labret plutôt que vers Sombrebois, si, si, si… La culpabilité l’étouffait littéralement et, à rester là, bêtement assise et inactive sur les chiffons qui servaient de couverture à son frère, Laura se sentait petit à petit envahie par ses émotions.
Pierrick resta muet face au regard brillant de sa cadette et à ses lèvres pincées ; il ne trouva pas la force de bouger lorsqu’elle se remit sur ses pieds, époussetant sa robe.

« - Je ferais mieux de retourner travailler. »

La cadette Lucet se força à ne pas regarder dans la direction de Théophile et s’éclipsa d’un pas particulièrement pressé, le nez résolument baissé vers le sol : travailler, c’était ce qu’elle pouvait faire de plus constructif, travailler pour assurer leur place à tous les deux, pour montrer patte blanche à ces soldats dont elle était honteusement dépendante et, surtout, pour s’occuper l’esprit.
Pierrick la suivit du regard, stupéfait, avant de se retourner vers l’archer, très mal à l’aise.

« - S’il vous plait Sir Castaing, lui en voulez pas, elle… elle est pas rancunière d’habitude, j’comprends pas… moi j’vous en veux pas de m’avoir blessé, vous m’avez écouté et puis vous me l’avez ramené, j’pourrais jamais assez vous remercier, y a rien que je puisse dire qui serait assez fort pour dire que je vous suis reconnaissant mais Laura… s’il vous plait, ne répétez pas ce qu’elle a dit, j’suis sûr qu’elle le pensait pas… »

S’il n’avait pas les deux mains posées bien à plat devant lui, elles seraient sûrement en train de trembler. Le garçon était vraiment inquiet à l’idée que Théophile puisse se lever et filer voir le commandant de Balazuc pour exiger leur expulsion immédiate, même s’il ne donnait pas l’impression d’être ce genre de gars : Laura faisait tant d’efforts pour que ça marche, son frère ne voulait pas que tout soit foutu en l’air comme ça, d’un simple claquement de doigts.
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyJeu 17 Mar 2022 - 22:51
L’éclat de voix de Laura résonna autour d’eux. Heureusement, peu de prêtres étaient présents, et les quelques blessés étaient certainement trop mal en point pour faire attention à ce qui se disait plus loin. Le ressentiment de la jeune fille se lisait clairement sur son visage. Avoir parlé de la milice avait peut-être ravivé ses mauvais souvenir du couronnement, et tout ce qui en avait découlé. Elle bouillonnait encore alors que ses pas rageurs quittaient les lieux.

Le pauvre Pierrick était complètement sonné. Encore bien en convalescence, les mots de sa cadette l’avait descendu aussi sûrement que si sa plaie s’était remise à saigner. Il était perdu, à jongler avec ce nouveau changement de vie et une Laura qui n’était pas encore tout à fait sortie de ce camp dans lequel il avaient été prisonniers et esclaves.

« Théophile, Pierrick, ou Théo. Je ne suis pas un de ces nobles. Et tu ne me dois rien d’accord ? Si tu veux me remercier, vis ta vie pleinement et aide ta sœur à faire de même. Ca n’a pas été facile pour vous deux. Mais tu sais, sa colère vaut mieux que son silence. Des fois il n’y a que comme ça que la vérité ressurgit. »

Ca, il en savait quelque chose...Combien de personnes avait-il agacé par pur amusement avant de découvrir leur véritable visage dès que leur courroux parlait à leur place ? Assez pour savoir que les paroles de Laura cachaient des sentiments forts. Celui d’avoir été abandonnée, celui d’avoir entraîné son frère avec elle, sans compter toute la souffrance qu’ils avaient tous deux enduré.

« Je vais essayer de lui parler. De ton côté, ne force pas tant que tu es blessé, tu mettras encore plus de temps à guérir. Profites-en pour réfléchir à ce que tu veux faire une fois pleinement rétablit. Elle aura besoin que tu sois aussi solide que possible pour la soutenir. »

L’archer posa serra l’épaule de l’adolescent un instant, en signe de réconfort, puis quitta les lieux. Aucun des deux n’avaient besoin d’évoquer la flèche que le milicien avait planté dans le ventre de l’ex-brigand. Le regard échangé lorsqu’ils s’étaient revus avait suffit. Ils savaient tous deux que ça aurait pu être pire, et que les Dieux l’avaient voulu ainsi. Sans ce prix qu’avait payé le garçon, leur situation serait sans doute différente aujourd’hui.

Théophile chercha des yeux la jeune cuisinière et la trouva plus loin. Le soleil couchant se reflétait dans ses mèches, les éclaircissant d’or, alors qu’elle avançait d’un pas vif vers la cantine. Théophile courut pour la rattraper.

« Laura, attends ! »

Le borgne s’arrêta devant elle, la forçant à stopper son chemin.

« Est-ce que tu acceptes de m’écouter un instant ? »


Bien sûr, elle pourrait toujours le contourner, mais pas sans qu’il la suive. La jeune fille devrait écouter son laïus, qu’elle le veuille ou non. Il ne restait pas assez longtemps pour prendre des pincettes. Et pus, ce n’était pas vraiment dans sa nature que de laisser tomber...

« Pierrick ne te laissera pas. Tu es la seule famille qui lui reste Laura. Le repousser ne changera rien à cela, si ce n’est uniquement le blesser. Quand on est un grand frère, rien ne saurait nous empêcher de faire ce que l’on a à faire. »

Ou bien peu de choses en tous cas, mais le demoiselle n’avait pas besoin de cette précision. Ce qui était important, c’était qu’elle comprenne que Pierrick serait derrière elle quoi qu’elle fasse. Une chance, mais aussi une responsabilité. Laura n’en avait pas besoin d’une de plus, mais elle ne pouvait se voiler la face. Si elle avançait, son ombre se nommerait Pierrick.

« Je comprends que tu détestes les miliciens, et certains le méritent vraiment. Mais ne va pas compromettre vos chances de survit par colère. Que penses-tu qu’il se passerait si quelqu’un de mal intentionné t’avais entendue ? Je ne dis pas que tu dois cacher ta colère, bien au contraire. Tu dois juste trouver d’autres moyens de l’exprimer. Tu pourrais apprendre à te battre par exemple... »

Fut une époque, cette hypothèse aurait été choquante. Pourtant, la fange avait changé la donne. Une femme pouvait désormais tenir une dague, même une épée ou un arc sans que cela ne soit aussi mal perçu. Bien entendu, certains ânes continuaient à dénigrer ce qu’ils considéraient le sexe faible...Ces types n’avaient jamais eu la lame d’une certaine mercenaire contre la gorge…
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Laura LucetCouturière
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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyVen 18 Mar 2022 - 22:41
Pierrick était pâle comme un linge mais les mots de Théophile lui rendirent quelques couleurs éparses sur les joues et le front. Le garçon comprit bien vite que le milicien n’avait pas l’intention de répéter au commandant de Balazuc les malheureuses paroles de sa sœur : si ces dernières avaient été relayé, l’exil aurait surement été la peine la plus douce qu’il aurait alors pu espérer. Le souffle du frère de Laura se calme peu à peu et il hocha simplement la tête lorsque son interlocuteur se proposa de rattraper sa sœur et lui conseilla de se reposer pour réfléchir à la suite et revenir plus fort. L’adolescent resta assis et regarda l’archer s’éloigner, ses pensées tournées vers sa cadette : cette dernière l’avait littéralement abattu, comme si ses mots l’avait criblé de dizaines de flèches à la fois. Cette pensée tira un pauvre sourire triste à l’aîné Lucet.

Ses mots, justement, Laura les avait regretté sitôt qu’ils avaient franchi ses lèvres : alors, pour garder contenance devant Théophile qui avait assisté à son petit spectacle, elle avait préféré fuir. Elle était presque arrivée au réfectoire lorsque la voix de l’archer l’interpella. La jeune fille ne se figea que lorsqu’elle vit le bas de la veste de cuir du milicien devant elle. L’adolescente mit un temps à répondre à la question de Théophile et se contenta d’un hochement de tête.
Les mots qu’il lui asséna furent durs mais le regard humide de la jeune fille posé sur une toile de tente boueuse l’était tout autant. Naturellement, l’idée d’être éloignée de Pierrick lui était d’une telle horreur qu’elle n’osait l’imaginer sérieusement : elle était déterminée à vivre de nouveau, à retrouver sa dignité et, pour qu’elle puisse retrouver cet équilibre, elle avait absolument besoin de Pierrick ; cependant, dans le même temps, que ne donnerait-elle pas pour que son aîné retrouve une vie paisible, loin de l’étiquette de voleur qui lui collerai désormais à la peau si leur mésaventure venait à s’ébruiter ? Il ne méritait pas ça, lui qui était toujours été si droit, si serviable, si attentionné. Laura se sentit si profondément odieuse qu’elle dû prendre une grande inspiration pour contenir les larmes de rage qui perlaient à ses yeux.

« - Je sais, je sais... » souffla-t-elle dans un murmure.

Théophile la mit également en garde contre sa colère mal contrôlée à l’encontre de la Milice. Laura serra ses bras autour d’elle comme si elle avait froid, secouée par un bref frisson : ses paroles lui aurait sûrement valu un aller simple à la potence si elles étaient tombées dans les oreilles d’un autre soldat que l’archer et la demoiselle se trouva soudain particulièrement stupide d'avoir craqué aussi bêtement quelques instants auparavant. Enfin, le milicien lui proposa une drôle d’alternative, si curieuse qu’elle recentra le regard de Laura dans celui borgne de son interlocuteur.

La cadette Lucet savait bien que des femmes pouvaient se battre puisque certaines étaient membres de la Milice. Théophile sous-entendait il que cela pouvait également être son cas sachant tout le mépris que l’institution lui inspirait encore ? Sachant qu’elle serait alors entourée d’hommes potentiellement hostiles à sa présence ? La sœur de Pierrick souffla du nez avant de marmonner entre ses dents :

« - M’est avis que vous aurez pas le temps de vous charger de mon entrainement vu que vous semblez avoir plein de choses à faire. Et alors, si vous connaissez quelqu’un qui serait d’accord pour apprendre à une gamine mordue à se battre… je demande à voir. »

Toute sa vie, ses parents lui avaient seulement appris à s’occuper de la maison et de sa famille. S’ils lui avaient appris à se défendre, peut-être que l’issue de cette rencontre avec les bandits aurait été différente. Seulement, les filles, ça ne faisait pas ça : Laura se souvenait encore des commentaires désobligeants de son père lorsque la fille du teinturier s’était enrôlée.
La jeune fille se gratta l’épaule tout en suivant du regard des miliciens qui passèrent à côté d’elle et de Théophile, plongées dans des pensées plus troubles. A quoi ressemblerait-elle si elle savait tenir un couteau, si elle n’avait plus peur ? Pendant sa captivité, elle avait imaginé mille fois tout ce qu’elle aurait fait subir à ses geôliers si elle en avait eu l’opportunité : ces pensées d’une noirceur sans nom qui l’avaient aidé à tenir pendant sa captivité la choquaient aujourd’hui. Si elle était capable de mettre à exécution de tels désirs, serait-elle encore humaine ? Qu’est-ce qui la différencierai alors des fangeux, hormis la parole ?

En regardant autour d’elle, Laura croisa le regard légèrement plissé d’un milicien : cela parut la ranimer et la jeune fille se remit en marche dans l’optique de rejoindre Liliane.

« - Comme j’vous l’ai dit je dois retourner travailler et je crois que vous aussi. Avec Liliane, on fera en sorte que vous mangiez bien ce soir. »

Aussitôt, la jeune fille disparut derrière les pans de la tente du réfectoire et passa derrière Liliane pour retourner à sa marmite qui n’avait cessé de mijoter pendant sa courte absence. La cadette Lucet s’empara d’une louche et touilla pour voir où en était la cuisson : il serait bientôt l’heure pour les soldats de se servir et de prendre place sur les quelques bancs protégés du vent et des feuilles par la toile brunâtre, elle avait intérêt à se dépêcher.
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyDim 20 Mar 2022 - 21:02
Théophile regarda Laura s’éloigner à nouveau de lui. Il aurait aimé pouvoir la contredire mais non seulement elle n’avait pas tout à fait tort, il fallait trouver quelqu’un de fiable et disponible pour lui apprendre, mais en plus elle avait l’air de savoir s’échapper aussi facilement qu’une anguille. Alors qu’elle disparaissait en rentrant dans la cuisine, l’archer haussa les épaules et se retourna en soupirant. Les femmes étaient décidément parfois difficiles à saisir...

Le milicien alla retrouver ses camarades pour finir de dresser leur tente et il profita de ce moment calme pour faire le tour de quelques personnes du camp et voir si ils avaient vu une femme ressemblant à Alice. Chef l’avait observé avec une certaine tristesse, comme si il savait cette quête encore vouée à l’échec, mais il n’avait pipé mot. Etant donné que c’était une prêtresse de Rikni qui l’avait mis sur cette voie, jamais il ne l’aurait remise en cause.
Bien évidement, personne n’avait pu lui dire quoi que ce soit. C’était un nouvel échec, mais il ne resta pas sur cette défaite. Comme pour les autres fois, il pensa aux nombres de personnes qu’il lui restait à interroger à Marbrume et en dehors des murs, et ça lui permettait de ne pas baisser les bras. Le Rouquin, qui l’avait vu sur le chemin, l’entraîna jusqu’à ce qui leur servait de comptoir de bar et qui jouxtait le celui du dîner.

Ne devant pas effectuer de tour de garde ce soir, ils se permirent de se poser ici et de commander à boire, en attendant que les affamés passent se servir à manger en premier. Liliane leur servit deux pintes et s’en retourna au service, pendant que Laura continuait à surveiller les marmites en arrière-plan. Les deux hommes discutaient de tout et de rien, surtout de rien, jusqu’à ce qu’un des milicien en faction ricane grassement en montrant la jeune cuisinière à un soldat du convoi.

« Regardes-moi cette petite poupée. Hé ma jolie ! C’est toi qui nous sert de la bière ce soir ? »

« Z’avez des jolies donzelles ici. Y’a quelques gars chanceux qui vont pouvoir se trouver une bonne petite femme dans c'coin paumé. »

Liliane lança un regard noir à ces deux blaireaux, mais ça ne leur fit pas réellement peur, leurs rires continuant. Théophile, qui détestait déjà ce genre de discours d’habitude, était encore plus mécontent quand Laura était la cible de ces goujats imbéciles. Il posa sa bière et s’accouda au comptoir en regardant les deux « mâles ».

« Vous croyez vraiment qu’une quelconque femme va s’approcher de rats puants comme vous ? Prenez un bain et vérifiez de n’avoir oublié aucun morceau de votre repas d’hier entre vos dents. »


L’archer l’avait dit suffisamment fort pour que de nombreux hommes aux alentours puissent l’entendre. Et cela eut l’effet escompté. Des rires moqueurs s’élevèrent des bancs et un sourire narquois fleurit sur les lèvres du borgne. Les dindons de la farce lui jetèrent un regard assassin, néanmoins ils quittèrent les lieux et allèrent manger à l’écart. En parlant d’odeur, Théo se rendit compte que lui non plus ne devait pas sentir la rose. Un simple reniflement discret lui permit de confirmer qu’un bain serait nécessaire si il souhaitait passer la nuit avec sa jolie veuve.

« Liliane, sait-tu où nous pouvons nous laver ? »

« Ils ont installé un système de bain près de la rivière, Laura et Pierrick vous y amèneront après le repas, le temps que je finisse de tout ranger ici. Ils doivent tous les deux y passer aussi et il y aura peu de monde avant l’heure du coucher. »

La cuisinière lança un regard entendu à son galant. La perspective qu’il ne sente pas l’homme des bois semblait lui plaire. Le Rouquin et Théo décidèrent donc de se restaurer aussi, espérant pouvoir profiter de l’eau chaude avant que l’heure du couvre-feu ne sonne.
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Laura LucetCouturière
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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyLun 21 Mar 2022 - 19:31
Tout en continuant de trancher du pain, d’ajuster la cuisson des potages et de ranger les victuailles apportées par le convoi de Théophile, Laura médita sur ce qu’il s’était passé avec son frère et, plus globalement, sur ce qui restait à venir pour eux deux. Le fait d’avoir les mains occupées et de s’affairer sur une tâche précise requérant son attention lui permettait de penser de manière beaucoup plus méthodique et calme, loin des élans émotifs que lui avait provoqué le discours du milicien peu de temps auparavant.

La jeune fille allait devoir présenter ses excuses à Pierrick pour sa réaction de gamine mais, cela, elle le ferait de bon cœur : demander pardon à son frère, c’était normal pour elle là où avoir l’impression de s’excuser constamment d’exister au milieu de tous ces miliciens lui meurtrissait davantage le peu d’ego qu’il lui restait. Au-delà du fait qu’elle avait perdu ses parents, qu’elle avait été jeté hors des murs protecteurs de la ville qui l’avait vu naitre et que des bandits de grand chemin les avaient retenu prisonniers elle et son frère pendant un an, ce qui manquait le plus à Laura de sa vie d’avant était cette normalité : avant, elle était la fille de Bérengère la couturière et de Symphorien le potier, la petite bien sage qui disait bonjour à tout le monde, qui aidait sa mère à la maison et qui était très douée pour repriser les chausses. Elle était amie avec Rosie et Margaux et, ensemble, elles adoraient taquiner Léon, le fils du boulanger, qui était un vrai cœur d’artichaut mais qui avait un faible plus prononcé pour la sœur de Pierrick qui voyait d’ailleurs d’un très mauvais œil cet attachement. Avant, elle avait une place, la sienne.

Laura avait perdu presque jusqu’à la dernière parcelle de ce bonheur passé ; seul Pierrick subsistait face au chaos et au vide. La jeune fille s’accrochait à l’espoir qu’un jour, ils pourraient tous deux retrouver un semblant de ce quotidien, une place quelque part où l’on voudrait bien d’eux et où on les reconnaitrait, où on les apprécierait. Cette place existait-elle quelque part ? Est-ce que quelqu’un leur laissera au moins la chance d’essayer de la construire et de l’établir ?

Liliane commença le service, laissant le soin à la cadette Lucet de continuer de cuisiner de quoi remplir les assiettes des miliciens. Alors que l’adolescente était concentrée sur le fil de ses pensées et le bruit mou et répétitif des potages bouillonnant dans les marmites, une voix dissonante parut s’adresser à elle, la sortant de sa rêverie. Les épaules de la sœur de Pierrick se raidirent, le rouge lui monta au cou et elle tourna le menton juste suffisamment pour apercevoir du coin de l’œil le butor et son ami qui enchérit rapidement derrière : le premier avait des chicots à faire trembler Anür et l’autre rien de spécial hormis le fait qu’il devait être plus petit que Laura. Cette dernière resta muette et tenta de retourner à sa mixture.
Ce n’était pas la première fois depuis qu’elle vivait à Balazuc que des hommes s’adressaient à elle ainsi ; même avant, à Marbrume, elle y avait eu droit. C’était cela le quotidien d’une femme et sa mère l’avait mise en garde très tôt, bien avant l’apparition de ses premiers sangs. Avant, Laura parvenait à se débarrasser de ce genre de grossier personnage relativement facilement : avec humour, en feignant l’ignorance, en pressant le pas ou encore en évoquant au fil de la discussion son père qui avait sa petite réputation d’artisan bosseur dans leur quartier. Seulement, là, sa situation était autrement plus précaire et ne lui permettait pas vraiment d’échapper à ce genre de confrontation. Une fois, la jeune fille avait songé à dévoiler la morsure qui lui avait valu l’exil pour dissuader le rustre qui avait commencé à la suivre à travers le village mais elle s’était immédiatement souvenue que les plus déterminés et les plus vicieux ne s’étaient pas arrêtés à cela la fois précédente… de plus, mieux valait pour elle qu’elle évite d’ébruiter le fait qu’elle était une potentielle ennemie en plein territoire tout juste reconquis dans la sueur et le sang aux marais.

Une autre voix s’éleva alors et surprit Laura qui, en se retournant, retrouva Théophile accoudé non loin avec un autre homme aux cheveux d’un roux particulièrement intense. Sa remarque goguenarde fit fuir les deux malotrus sous les ricanements des autres soldats attablés. Laura retourna alors à son ouvrage, un soupir mêlant soulagement et fatigue franchissant ses lèvres dans le même temps : il allait falloir qu’elle se ressaisisse, surtout si Théophile commençait à se sentir obligé de faire office de garde du corps contre les indélicats. Lorsque Liliane indiqua au milicien que Pierrick et sa sœur allaient leur montrer à elle et son collègue où il allaient pouvoir se laver, les yeux de la jeune fille roulèrent sous ses paupières : elle ne pouvait pas s’en occuper elle de son soupirant ? En plus, il ne semblait demander que cela – et elle aussi par la même occasion…

Quoiqu’il en soit, la demoiselle poursuivit son travail. Tandis que Liliane continuait de servir les miliciens, elle aida les prêtres à se ravitailler, veillant particulièrement à la quantité qui leur était servi : un des bols de potage était destiné à son frère, après tout. Lorsque le service approcha de la fin, la sœur de Pierrick mangea à son tour, dévorant le contenu de son écuelle et la lèche de pain qui allait avec : même si c’était le fond de la marmite, ça restait meilleur que tout ce qu’elle avait pu cuisiner pour ses geôliers et que ces derniers avaient daigné lui laisser manger. La jeune fille entreprit de nettoyer tous les ustensiles mais Liliane la stoppa : si elle voulait que son frère et elle aient droit à leur temps de toilette, il n’allait pas falloir qu’elle traine dans le réfectoire.
Légèrement contrariée, Laura obtempéra sans rechigner et alla chercher son frère. Les enfants Lucet retrouvèrent Théophile et son collègue non loin du réfectoire.

« - C’est par là », indiqua Laura tout en prenant la tête de la petite troupe.

La jeune fille épiait son frère du coin de l’œil, guettant la moindre expression de gêne ou de douleur sur son visage, comme une mère couvant son enfant souffrant. Sur le chemin, ils croisèrent trois gradés qui les ignorèrent superbement ; ces derniers avaient laissé les abords de la rivière déserts, ce qui soulagea la petite couturière.
Les installations au bord du petit cours d’eau étaient plus que rudimentaires : un petit feu de camp dans lequel rougeoyaient toujours quelques braises volontairement maintenues discrètes et quelques baquets empilés à côté, à disposition des usagers. Si cela permettait de faire une toilette de chat plus que correcte à l’eau chaude, il n’y avait pas de quoi prendre un bain non plus. Spontanément, Laura se dirigea vers le feu pour l’attiser et s’empara d’une grande louche pour remplir la marmite d’eau à chauffer.

« - Je vous laisse passer en premier », sourit poliment la jeune fille tout en préparant l’eau pour les deux miliciens et son frère.

Plutôt rester sale que de se laver avec des hommes à sa proximité immédiate : quand elle avait pu se décrasser pendant sa captivité, ç’avait toujours été sous le regard appuyé d’un bandit, autant dire que, depuis sa libération, Laura ne prenait plus le moindre risque et veillait à ne se débarbouiller que si elle était absolument convaincue qu’il n’y avait plus personne en dehors de son frère pour surveiller les alentours – autrement dit, cela arrivait assez rarement. Ce dernier comprit immédiatement et se contenta de prendre une bassine pour lui.

Alors que l’eau commençait tout juste à monter en température, Laura entendit des pas se rapprocher d’eux à travers les broussailles. En relevant les yeux, les poils de ses bras se hérissèrent sous sa robe : évidemment, de tout Balazuc, il fallait que ce soit les deux malappris que Théophile avaient remballé qui se pointent pour se laver. A leurs regards légèrement brillants et leurs petits sourires tranquilles, la sœur de Pierrick eut la très désagréable impression qu’ils l’avaient suivi. Toutefois, en avisant la présence de celui qui les avait ridiculisé devant tout le réfectoire et de son ami, ils ne pipèrent mot, se contentant de s’emparer d’un baquet chacun. Leur présence avait jeté un froid mais ils ne semblaient nullement dérangés par ce changement d’ambiance, se tenant simplement là, à attendre que l’eau soit assez chaude pour leur permettre de se laver sans grelotter tout en regardant Laura s’affairer.
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyMer 23 Mar 2022 - 19:39
Le repas se passa comme l’on s’y attendait pour des soldats après deux jours dans les marais. La bonne humeur de se trouver en sécurité relative se faisait ressentir, alors qu’ils appréciaient leur premier repas chaud depuis deux jours.Théophile et Le Rouquin s’étaient attablés près de leur camarades, qui eux avaient déjà terminés et avaient réussi à dégoter un plateau et des dés.

Voyant que Laura s’était éclipsée, le borgne fit signe à son acolyte et ils ramenèrent leurs bols vides avant d’attendre que la jeune fille revienne les chercher. Elle semblait être très obéissante envers Liliane et il y avait peu de chances qu’elle ne revienne pas. D’ailleurs, ils n’eurent pas à patienter longtemps avant que les deux adolescents ne les rejoignent. La jeune fille arborait ce même masque placide qu’elle avait la première fois qu’il l’avait revue. Comme si rien de toute ça ne l’atteignait. Seuls quelques coups d’oeil qu’elle lançait à son frère indiquait qu’elle n’était pas cette poupée que les deux gros porcs de tout à l’heure avaient décrit.

En parlant des cochons, ils les rejoignirent alors que Laura préparait l’eau chaude. Au début, malgré une certaine tension, tout se passa bien. En tous cas, sans heurts. Lorsque l’eau fut chaude, les premiers arrivés se servirent.

Le Rouquin, Théo, puis Pierrick s’étaient mis torse nu puis remplirent leur baquets et commencèrent à s’éloigner des deux idiots. Malheureusement, il aurait été trop beau que tout se passe aussi simplement. L’adolescent trébucha sur une pierre, et bien qu’il ait pu se redresser avant de tomber, le contenu de sa bassine se reversa presque intégralement sur celui qui avait voulu que « sa jolie » lui serve une bière.

« Hey gamin ! Tu peux pas faire attention où tu mets les pieds ?! »

Le garçon avait reculé de plusieurs pas et regardait le roquet avec frayeur. Petit et trapu, il n’avait au premier abord rien de si impressionnant. C’était sans compter l’expression de son visage, dont la fureur ne faisait aucun doute.

« Désolé ! J’ai...j’ai pas fait exprès »

« M’en fiche ! Ma tenue est toute mouillée à cause de toi ! »

L’archer se positionna devant Pierrick et darda le milicien mécontent. Il était clair que celui-ci cherchait seulement une excuse pour déclencher une rixe. De sa main, Théo poussa le jeune homme vers l’arrière, espérant qu’il comprenne qu’il valait mieux pour lui de filer.

« On se calme l’ami. Ta tenue sera sèche demain pour repartir. »

« Ce gamin m’a manqué de respect, j’veux qu’il s’excuse ! »

« Pour avoir trébuché ? Sérieusement ? T’y vas pas un peu fort ?»


Le borgne ne put s’empêcher de lancer un rire moqueur envers son vis-à-vis, qui se renfrogna encore plus. Son visage rouge était tendu sous l’effet de la colère et ses poings étaient tellement serrés qu’on voyait les jointures blanchir.
Bart, sentant que les choses dérapaient, commença à se déplacer pour s’occuper du second milicien ennemi. Celui-ci était calme pour l’instant, mais rien ne disait qu’il le resterait longtemps, surtout si une bagarre venait à se déclencher. La tension était trop palpable pour qu’il en soit autrement.

« Va t’occuper de la cuisinière au lieu d’me prendre la tête . Déjà bien beau qu’elle veuille d’un semi-homme. »


Alors il voulait jouer à ça ? Ce petit homme aux cheveux sales, à la peau grasse, et au dos poilu ? Trouver les premières insultes faciles qui lui tombaient sous la main pour énerver celui qui l’avait rabroué en public, c’était sans doute sa manière de récupérer son honneur perdu.
Un sourire étira les lèvres de Théophile. Son œil valide chercha à fixer une des pupilles de son adversaire. Et quand il la trouva, que leurs deux iris se dilatèrent sous l’effet de l’adrénaline qui se pressait déjà dans leurs veines.

« Pierrick, ramènes Laura au camp. Je sens que ce gars et moi avons des choses à nous dire. »

Il n’y eut pas longtemps à attendre avant que le roquet n’arme son bras, malheureusement pour lui, Théo était plus vif et son poing arriva en premier dans la poitrine du petit homme. Ce dernier recula d’un pas et tenta de reprendre son souffle, coupé momentanément par l’impact. Sa main pressait l’endroit douloureux où les phalanges avaient atterries.

Le borgne en profita pour vérifier où en était Le Rouquin. Il tenait le bras du dernier homme, et tentait de le raisonner pour qu’il n’intervienne pas. Les mots qui étaient échangés n’étaient pas audible, même pour quelqu’un à l’ouïe aussi sensible que Théo, mais connaissant son ami, il était certains que c’était des arguments de poids. Barthélémy n’aimait pas particulièrement piailler pour rien. Soit c’était sérieux, soit au contraire c’était pour du bon temps. Cette dernière option étant complètement hors contexte, Théo penchait pour la première solution.

« Enfoiré ! »

L’attention de l’archer avait été trop longtemps coupée de son adversaire et celui-ci avait eu le temps de se remettre, lui assénant un coup de pied puissant dans la cuisse droite. Ce fut au tour du borgne de faire quelques pas en arrière. Alors que le roquet se préparait à lui asséner un crochet, il fut saisit par Le Rouquin et le dernier milicien. Celui-ci avait du comprendre qu’il était dans son intérêt d’arrêter les frais ici.

« Lâchez-moi ! Les types com’ lui devraient pas être dans la milice. C’est une honte ! »

« Calm’ toi Boris. On va s’faire taper sur les doigts par le Sergent. »

« Les débiles non plus, pourtant t’es bien là ! »

Ce fut Barthélémy qui avait lancé cette dernière phrase d’un air ennuyé. Sa voix nasillarde était aussi dérangeante qu’habituellement. Même le roquet marqua un temps d’arrêt. Ca ne s’arrangea pas que Le Rouquin continua.

« Tu t’calmes ou on signale ton comportement. Envers la p’tite cuisinière et envers un autre membre de la milice qui a déjà prouvé qu’il avait bien sa place. »

« Ouais c’est ça, défendez ces moins que rien ! C’est bon lâchez moi, j’me tire. »

Boris récupéra sa tunique humide et parti en bougonnant.

« De toute façon depuis qu’on a accueillis les réfugiés d’la fange rien ne va. On aurait du fermer ces maudites portes et tous les laisser crever... »

Son camarade finit par le suivre. Il ne s’excusa pas non plus mais au moins il avait tenté d’arrêter son ami. Théophile et Le Rouquin les regardèrent déguerpir et soupirèrent de concert. Ce n’était pas la première fois, ni la dernière, qu’il se retrouvaient pris à parti par des hommes « pur souche » de Marbrume.

« Heureusement que Boris n’était pas aux commandes de la porte le jour où je suis arrivé à Marbrume avec tous les villageois…Au pire on aurait campé devant les portes jusqu’à ce qu’ils ouvrent. »

C’est avec un humour certain que l’archer évoquait cette possibilité, en parler sérieusement était trop effroyable. Et la réalité qui avait suivie n’était pas mieux. Avec le nombre d’habitants qui s’étaient entassé derrière les murs après l’exode massive des villages du comté, les conditions de vie avaient été vraiment difficiles. Le nombre de morts liés à la faim et à la maladie était horrifiant.
Avec la reprise de certains bastions humain, les choses s’étaient améliorées. Pourtant, il restait de nombreuses injustices, comme celle qu’il essayait d’atténuer avec la situation de Laura et Pierrick.

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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyJeu 24 Mar 2022 - 21:46
Le visage difficilement caché par quelques mèches folles, Laura faisait de son mieux pour ignorer le regard dardant des deux affreux qui ne la lâchaient pas des yeux, le menton résolument baissé vers l’eau fumante et légèrement trouble. Ayant pressenti le froid qui s’était installé, Pierrick observa furtivement les deux miliciens et sa sœur, son esprit moulinant pour comprendre ce qu’il se passait vraiment. En croisant les graves prunelles céruléennes de sa cadette, le visage de l’adolescent se referma bien vite : cet appel à l’aide silencieux, il l’avait trop souvent vu pour ne plus vouloir le tolérer de nouveau. La mâchoire serrée, il laissa Théophile et son ami être servi puis se rapprocha de sa sœur pour remplir son baquet. Pierrick n’était pas stupide, il réfléchissait seulement à une manière de rester proche de sa sœur afin de décourager ceux qui l’importunaient : monter au créneau frontalement face à des miliciens, c’était signer son arrêt de mort, il devait se montrer plus sournois.
Le jeune homme était si concentré sur son début de stratégie qu’il ne sentit pas que le plus petit des deux soldats se trouvait vraiment proche de lui ; en se retournant, son pied buta sur un pierre et, malgré ses mains crispées sur le rebord de la bassin, celle-ci se déversa sur le milicien, le trempant quasiment de la tête aux pieds. Laura ne voyait pas la tête de son frère mais lorsqu’elle entendit ses excuses précipités, elle comprit qu’il ne l’avait pas fait exprès ; dans un sens, cela la rassura de le savoir moins bête qu’elle ; de l’autre, les vocifération du milicien lui avait fait perdre le peu de couleurs que son visage avant retrouvé et l’adolescente lâcha sa louche pour se rapprocher de son frère, morte d’inquiétude.

Finalement, c’est Pierrick qui vint à elle : Théophile était apparu devant le jeune garçon et l’avait repoussé vers l’arrière pour l’éloigner de la brute épaisse. La petite couturière attrapa le bras de son frère et le serra, le ramenant avec elle derrière la marmite d’eau. L’archer intima à son frère de la ramener au camp mais, lorsque Pierrick voulut s’exécuter, il ne parvint pas à bouger : Laura était parfaitement figée, le regard fixé sur le second miliciens aux dents pourris. Celui-ci s’était subtilement décalé, leur coupant la seule voie de retrait dans cet espace très boisé et difficilement praticable. Laura étouffa un hoquet lorsque le collègue de Théophile attrapa ledit milicien et lui tordit le bras dans le dos pour le maitriser.

« - Théophile, att… »

Pierrick tenta de prévenir le borgne mais avant même que le garçon n’eut le temps de finir sa phrase, le pied de l’autre gueulard s’était planté dans sa cuisse avant. Cependant, le grand gaillard roux semblait en avoir fini avec son adversaire et sauta sur le petit milicien pour l’arrêter : Laura fut surprise de voir l’autre faire de même pour arrêter son camarade, manifestement soucieux de leur bonne image auprès du Sergent de Balazuc. Le visage de la cuisinière se décomposa légèrement en entendant pour la première fois la voix particulièrement surprenante de l’ami de Théophile mais ses traits se rembrunirent aux paroles mesquines du soldat mis en fuite.

« - J’suis de Marbrume, connard », pensa la jeune fille. Elle était lâchement restée muette, ne pouvant se permettre de relancer les hostilités alors que Théophile et son confrère leur avait – une nouvelle fois – sauvé la mise. Alors que ses doigts desserraient lentement leur étreinte autour du bras de Pierrick, Laura songea tristement au fait qu’au fond, elle n’avait plus grand-chose d’une marbrumienne. La cadette Lucet inspira lentement avant de se rapprocher des deux miliciens.

« - Théophile, merci… encore. Et merci à vous également », souffla la jeune fille en se tournant vers l’homme aux cheveux roux. Cette impression de se répéter fit étrangement sourire Laura : à croire qu’elle ne savait plus faire que ça.

« - Notre dette envers vous s’alourdit », sourit tristement Pierrick en suivant sa sœur.

Gênée par cette idée, Laura se gratta la nuque avant de retourner à sa marmite, laissant son frère s’excuser de nouveau platement pour sa maladresse auprès de leurs deux protecteurs. La jeune fille récupéra la bassine de son aîné afin de la remplir de nouveau d’eau. Une fois que Théophile et son ami s’en furent retourner à leur préoccupation initiale de toilette, Pierrick attrapa un des récipients que les deux autres lourdauds avaient laissé derrière eux.

« - Vas-y toi aussi Laura, c’est bientôt le couvre-feu. »

Laura glissa son regard entre le visage de son frère et la bassine qu’il lui tendait. Voyant l’hésitation sur le visage poussiéreux de sa cadette, Pierrick souffla du bout des lèvres :

« - Je reste avec toi sœurette. Allez, prend-la. »

La jeune fille cogita quelques secondes de plus mais finit par remplir le bac avec le reste d’eau qui mijotait encore dans la marmite. Son baquet sous le bras, elle se dirigea droit vers des fourrés et s’y dissimula avec aisance grâce à sa petite taille, Pierrick sur ses talons : ce dernier se posta devant ce qui faisait office d’entrée afin de boucher la vue. Si son regard parcourait de temps à autres les alentours, il ne surveillait Théophile et son collègue que pour savoir s’ils avaient fini ou non, ayant confiance en eux pour ne pas importuner Laura.
La petite cuisinière apprécia de se passer l’eau chaude sur les jambes et les bras mais elle ne parvenait guère à se détendre, toujours sur le qui-vive : elle fit au mieux pour se nettoyer mais s’empressa de terminer de peur de manquer le couvre-feu et d’importuner les garçons en s’éternisant, tel un lapin craintif. Sitôt sa toilette de chat terminée, elle vida l’eau trouble de son baquet dans la rivière et revint le ranger au pied de la marmite. Au travers des branches d’arbres oscillant lentement sous la brise fraiche du début de soirée, les derniers rayons orangés du soleil couchant s’éclipsaient sous l’horizon, plongeant de nouveau les marécages dans la pénombre. Le regard de Laura était tourné vers le campement où quelques torches étaient allumées : une journée de labeur de plus venait de s’écouler pour elle, un jour de survie gagné face au chaos et à l’assourdissant silence des Trois.

En voyant le rouquin revenir avec Théophile, Laura voulut s'enquérir au moins de son nom : elle venait de se souvenir qu'elle ne connaissait même pas son nom et il avait empêché l'autre malotru de l'approcher, c'était bien la moindre des choses qu'elle pouvait faire que de s'intéresser un peu à lui.

« - Comment vous appelez vous ? » questionna-t-elle, un petit sourire aux lèvres, les bras croisés sur son ventre pour la protéger un peu du froid qui commençait à tomber en même temps que la nuit.
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Théophile CastaingMilicien
Théophile Castaing



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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptySam 26 Mar 2022 - 10:15
« Arrêtez avec cette histoire de dette... »

Théophile décoiffa Pierrick et reprit sa bassine, qui s’était en partie vidée lors de l’altercation, puis la remplit à nouveau. Le Rouquin le suivi et ils allèrent plus loin se laver. La pudeur n’ayant plus lieu d’être quand on voyageait et vivait régulièrement avec les mêmes personnes, ils se mirent tous deux nus et utilisèrent un savon au pin que le borgne avait apporté. Leur toilette fut animée par quelques discussions légères, bien que ce fut à voix basse.

Une fois la poussière et la saleté effacés, leurs esprits se sentaient mieux également. Théo regrettait seulement de ne pas pouvoir raser le début de barbe qui commençait à pousser. Par expérience, il savait que d’ici deux jours ça commencerait à le gratter et il détestait ça. Malheureusement, ils avaient assez peu de temps pendant le voyage, aussi devrait-il le supporter jusqu’à son retour à la grande cité.

Ils retrouvèrent les deux adolescents, dont seule la jeune fille semblait avoir profité de ce moment. Le borgne approuvait que le grand frère ait privilégié sa sœur, le soldat en lui regrettait qu’ils n’aient pu tous deux se laver. La blessure de Pierrick devait probablement avoir encore besoin de soins pendant quelques temps.

« - Comment vous appelez vous ? »


« Barthélémy Tastet. Pas que ce soit important. »

Le Rouquin s’étira et s’avança vers le camp en baillant. Il avait été de dernier quart de garde la nuit précédente, et il devait lui tarder d’aller retrouver sa couche. De toute façon, il n’était pas friand des effusions de remerciements. C’était un homme qui préférait rester anonyme pour préserver sa tranquillité. Il faisait ce qui avait besoin d’être fait, souvent uniquement dans son propre intérêt. Traîner avec Théophile l’obligeait à sortir de sa zone de confort, mais il ne s’en plaignait pas outre mesure.

« Retournons aussi au camp avant que ce ne soit le couvre-feu. »


L’archer se mit lui aussi en marche avec un doux sourire, à hauteur des deux adolescent. Le soleil ne représentait plus qu’une fine ligne rouge orangé à l’horizon et dans peu de temps l’heure fatidique serait sonnée. Demain il n’aurait que peu de temps pour discuter avec les deux jeunes gens, alors il devait saisir sa chance maintenant, avant de rejoindre Liliane pour la nuit.

« Est-ce que ça vous convient d’être ici à Balazuc avec Liliane ? Avez-vous réfléchis ensemble à votre avenir ? Je sais qu’elle s’occupera de vous autant que vous le désirez, mais je n’aime pas me dire que vous choisissez cette option par défaut. Vous ne pouvez peut-être pas retourner à Marbrume mais vous avez d’autres possibilités qui s’ouvrent à vous. Avec la reconquête et le repeuplement des villages, vous avec plusieurs choix. »

Cela faisait plusieurs fois qu’il posait la question à l’un ou à l’autre, mais il ne se sentirait pas serein avant d’être sûr qu’ils avançaient, et que l’enfer des bandits était derrière eux. Théo ne se voilait pas la face, tant que l’origine de la fange n’était pas trouvée et éradiquée, la morsure de Laura lui fermerait toujours des portes. Malgré tout, elle pouvait tenter de s’épanouir dans ce monde où une partir de l’espoir était revenu. Ils étaient jeunes et avaient encore toute une vie devant eux. Le soldat lui, avait bien peur que même si les choses ne reviennent un jour à la normale, les pertes qu’il avait subit ne l’empêche de retrouver sereinement sa vie d’antan…

« La vie est trop courte pour ne pas en profiter. »


La mélancolie qui venait de le saisir était mauvaise pour ses recherches. Il secoua la tête et se rappela que tout espoir n’était pas perdu. Son Alice était peut-être là, quelque part, à l’attendre...
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MessageSujet: Re: [Terminé] Un pas après l'autre.   [Terminé] Un pas après l'autre. EmptyDim 27 Mar 2022 - 23:36
Laura se pinça légèrement les lèvres en regardant le dénommé Barthélémy s’éloigner après l’avoir gentiment envoyé sur les roses, sachant manifestement se contenter des remerciements sommaires de la jeune fille voire n’en ayant rien à carrer. Invitée par Théophile, la cadette Lucet lui emboita le pas, rapidement suivie par son frère. Tous deux se regardèrent un moment alors que l’archer déballait son laïus ; tandis qu’ils revenaient enfin sous la lumière fluctuante mais rassurante des torches, Laura laissa ses bras retomber le long de ses flancs.

« - Liliane prend vraiment soin de nous, comme vous, et on vous remerciera jamais assez pour ça. Mais à Balazuc je suis pas rassurée. Les marais, on a fini par s’y faire depuis plus d’un an mais les gens… »

La voix de la demoiselle avait baissé tandis que son regard lorgnait autour d’elle les quelques miliciens qui se mettaient en place ou patrouillaient autour d’eux.

« - Même si je suis pas la seule dans le coin, j’évite de dire que je suis mordue pour pas qu’on m’accuse d’empoisonner la soupe et Pierrick… il peut pas encore travailler pour racheter sa faute et j’ai entendu les prêtres dirent que ça les énervait de nourrir un sale voleur. En fait je sais pas si on pourra rester ici bien longtemps, même si on le voulait. »

Idée qui la hérissait au plus haut point. Partir de Balazuc pour redémarrer de zéro ailleurs, mais où ? Comment se rendre dans ce lieu nouveau où ils tenteraient de reconstruire leur vie ? Une fois arrivés, trouveraient-ils de quoi s’abriter, se nourrir, trouveraient-ils un travail ? Pouvaient-ils espérer être en sécurité tout au long de cette expédition vers leur nouveau chez-eux ?

« - Tu sais sœurette, je vais vraiment mieux. Je me proposerais pour renforcer les barricades demain. Au moins on arrêtera de me voir comme un intrus. »

La cadette de Pierrick le regarda avec gravité : si les prêtres étaient effectivement agacés à l’idée de s’occuper de son frère, il n’en restait pas moins qu’elle espérait qu’il puisse encore profiter d’un certain repos. Hélas, cela n’allait sûrement plus être possible désormais : s’il pouvait sortir de la tente pour aller se laver, il pouvait tailler du bois et ficeler des rondins pour renforcer les remparts. Il fallait dire qu'il avait malgré lui une certaine expérience dans ce domaine après avoir fait de même chez les bandits...

Un milicien sortit de nulle part approcha le petit groupe et se planta devant eux : le soldat devait être tout juste plus vieux que Pierrick. Il s’adressa dans un premier temps à Théophile.

« - Le Sergent veut voir les mioches, vous continuerez vot’ causette demain. Dépêchez les mômes. »

Laura sentit une forte chaleur angoissante enrober sa tête. Le commandant de Balazuc avait décidé de les voir ce soir et ce n’était pas pour lui plaire. Instinctivement, elle attrapa le bras de Pierrick pour se blottir contre lui, levant les yeux vers l’archer avant de s’éloigner derrière le milicien.

« - Bonne nuit à vous et à Liliane. »

Le petit sourire entendu qu’elle avait adressé au milicien mourut pourtant rapidement sitôt que son visage s’en fut retourné sur le dos du jeune soldat qui les guidait jusqu’à son supérieur. Pierrick marchait avec raideur également, la mâchoire serrée et le regard fixe : les deux enfants Lucet ne savaient pas à quelle sauce ils allaient être mangé et ce n’était pas pour les rassurer.

***

Le Sergent en charge de Balazuc, ils l’avaient déjà vu tous deux une paire de fois, de loin. Chauve, râblé, ses yeux noirs et perçants se plaisaient à fliquer tout ce qui allait et venait dans Balazuc ; la seule fois où Laura avait réellement croisé ce regard inquisiteur et froid, elle avait aussitôt détourné les yeux pour éviter d’y être confronté plus que nécessaire. Aussi, alors que l’homme était avachi sur une chaise derrière un meuble vermoulu qui faisait vaguement office de bureau, la jeune fille n'osait guère regarder au-delà de ces mains épaisses et poilues posées à plat devant le militaire.

« - J’ai enfin le temps de décider de votre sort à tous les deux. J’ai passé une sacrée journée de merde alors on va faire vite, j’ai pas que ça à faire. »

L’étreinte de la cadette Lucet autour du bras de son frère se resserra un peu à ces paroles peu encourageantes. Pierrick, lui, inspira profondément pour garder au mieux contenance.

« - Alors toi gamine, tu vois, le souci, c’est que t’es une mordue. Je dois dire que ça m’emmerde un peu. »

Laura serra les dents pour contenir le regard furieux et la réponse pleine de dédain que lui inspira cet état de fait que le militaire se permettait de commenter devant elle. Pensait-il que cela lui faisait plaisir d’avoir vu de trop près un Fangeux ? Croyait-il vraiment qu'elle serait là à faire la popotte pour des militaires qui l'avaient jeté hors de sa maison si elle avait eu le choix ?

« - Mais depuis que t’es là, t’as su te rendre utile, au mess, ça circule beaucoup mieux depuis que tu aides l’autre rombière et les gars sont contents. Vu que tout le monde semble s’accorder sur le fait que tu fais pas de vagues, j’accepte que tu restes à Balazuc mais je te préviens, tu seras surveillée : à la moindre entourloupe, tu retournes dans les marais. »

La cadette Lucet hocha machinalement la tête, incapable de ressentir du soulagement à ce jugement. Quelque chose dans la tournure de phrase et le ton employé par le Sergent ne lui disait rien qui vaille et ce n’était pas le pauvre sourire résigné que la jeune fille lisait du coin de l’œil sur les lèvres de son frère qui était là pour la rassurer.

« - Par contre, toi mon gars, je vais pas te cacher que je t’ai dans le nez depuis le début. D’abord tu essayes de te servir dans nos réserves puis tu n’as même pas le bon goût de mourir de ta flèche dans le bide. Mieux que ça, tu accapares les prêtres et tu ne fais que manger sans mériter ta pitance par le travail par-dessus le marché », cracha avec mépris le gradé.

Laura voulut ouvrir la bouche pour défendre son frère mais aucun son ne passa ses lèvres légèrement entrouvertes : au fond, elle savait que rien ne pourrait convaincre cet homme bourru, sûr de son pouvoir et imbu de sa position.

« - Si j’accepte que ta sœur reste, toi, je veux plus te voir. Si tu dégages pas de ma circonscription fissa, tu serviras d’exemple sur la potence à l’entrée. »

La jeune fille était comme foudroyée sur place. Les mains crispées sur le poignet de son frère, elle se surprit elle-même en entendant le propre son de sa voix.

« - Si mon frère doit partir alors je le suivrai. »

Les grandes prunelles bleues de la marbrumienne ne cherchait pas à convaincre ou à obtenir que son frère reste par une quelconque forme de chantage qui n’avait pas lieu d’être puisqu’elle n’était pas non plus indispensable au fonctionnement de Balazuc : elle émettait juste un fait, clair comme de l’eau de roche, et elle voulait qu'il soit connu. Pierrick tenta de la raisonner doucement, les yeux légèrement voilés d’un début de larmes qu’il s’efforçait de contenir.

« - Laura, s’te plait, va falloir que tu sois sage et que t’écoutes Liliane... »

Le garçon avait déjà renoncé : en entrant sous la tente, il avait su au regard du Sergent que son destin à Balazuc était scellé et il avait soupiré de soulagement en entendant le verdict pour sa sœur. Avec Liliane, elle serait en sécurité, lui pouvait toujours trouver quelque chose… mais l’emprise des doigts de Laura se resserra sur l’avant-bras de son frère tandis qu’elle l’obligeait à la regarder dans les yeux.

« - On ne nous séparera pas. Pas ça. Tout mais pas ça », murmura-t-elle avec fébrilité.

Pierrick serra les dents, soudain honteux d’avoir envisagé de laisser sa petite sœur derrière lui. Leur petit conciliabule fut toutefois rapidement écourté par le Sergent qui gronda d’une voix fatiguée et agacée.

« - Eh gamine, te méprend pas, je m’en fous de ce que tu veux faire. Moi je t’offre un travail et une sécurité, tu les veux, tu les veux pas, c’est ton affaire ! Mais ton vaurien de frangin, il vire du milieu. Je suis pas un monstre, il peut attendre l’aube pour se casser mais s’il pionce toujours quand le soleil se lève demain, mes gars lui passent la corde au cou, pigé ? »

Les yeux froncés, Laura hocha lentement la tête. Le gradé poussa un profond soupir et héla le garde qui avait précédemment escorté le frère et la sœur jusqu’à lui.

« - Tu les ramènes jusqu’aux prêtres et tu fais passer le mot, demain, le morveux doit être mis hors de Balazuc à l’aube. »

Toujours accrochée à son frère, muette comme une tombe, Laura suivit le milicien jusqu’à l’hospice. Le frère et la sœur rejoignirent la couche de Pierrick ; celui-ci s’y assis – ou plutôt s’y laissa tomber – avant de ricaner doucement en se passant une main sur le visage.

« - Les Trois nous jouent de sacrés tours... »

L’adolescent regarda sa sœur qui s’était agenouillée devant lui et qui fixait le vague, des larmes perlant déjà au bout de ses cils. Le cœur gonflé de voir sa cadette si attristée, Pierrick la prit dans ses bras.

« - Pardon Laura, j’aurais pas dû te dire ça... je veux vraiment que tu restes en sécurité avec Liliane mais sans toi… sans toi je suis perdu sœurette… »

Le visage pressé contre son frère, Laura eut du mal à contenir les sanglots qui lui obstruaient la gorge. Tout en le serrant également contre elle avec précaution, elle parvint à articuler à son tour :

« - Excuses-moi pour tout à l’heure… j’ai été si méchante… »

Les enfants Lucet s’étreignirent un moment le temps de se calmer et de reprendre leur souffle. Lorsque un religieux souffla la dernière bougie, ils s’allongèrent dans le noir. Les pupilles écarquillées, Laura fixait la toile de tente se mouvant lentement au gré de la brise lorsque son frère lui chuchota :

« - Qu’allons-nous faire du coup ? »

Les cils encore un peu humide de la jeune fille papillonnèrent. Où pouvaient-ils bien aller ? Beaucoup de personnes parlaient du Labret comme quoi ce n’était pas la panacée mais que beaucoup de monde y vivait à présent. Hélas, le Labret était loin, bien au-delà des marécages… L’adolescente se souvint alors de quelque chose que Théophile avait dit.

« - J’ai peut-être une idée. »

***

Le lendemain matin, le soleil commençait tout juste à jaunir l’horizon lorsque Laura sortit le nez de la tente des prêtres. Le couvre-feu venait d’être levé depuis seulement quelques minutes, elle devait faire vite. Pierrick se tenait à ses côtés, le peu d’affaires qu’il leur restait dans les mains.

« - Je vais t’attendre derrière les barricades. »

Sa cadette hocha la tête : ils avaient convenu qu’ils se retrouveraient à l’extérieur histoire de ne pas tenter le sanguinaire Sergent qui semblait n’attendre qu’une bonne occasion pour casser du brigand.
Tandis que Pierrick traversait Balazuc et passait les portes du village sous les regards patibulaires des soldats en faction, Laura se dirigeait vers le réfectoire. Elle s’y glissa discrètement et, arrivée au niveau de son poste de travail, y retrouva son coutelas.

« - Pardon Liliane, je vais en avoir besoin », pensa la jeune fille, un peu honteuse.

Aussitôt, elle ressortit tout aussi discrètement et, emmitouflée dans son châle, elle chercha du regard un milicien en particulier. Celui-ci finit par apparaître, suivi par Barthélémy et d’autres hommes. Laura prit son courage à deux mains et aborda Théophile.

« - Théophile, excusez-moi, on… Pierrick et moi, on a encore besoin de votre aide. »

L’adolescente s’efforçait d’ignorer les éventuels regards curieux alors qu’elle avait interrompu les préparatifs du départ du convoi, les pommettes roses. Elle choisit de faire concis.

« - On ne peut pas rester à Balazuc. Est-ce que vous êtes d’accord pour qu’on suive votre convoi jusqu’à Sombrebois ? Promis on ne gênera pas, on marchera derrière vous, c’est juste pour être sûr qu’on se perde pas dans les marécages… »


Dernière édition par Laura Lucet le Mer 30 Mar 2022 - 0:16, édité 1 fois
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