Traverser le tumulte

Le jeune homme n'aurait jamais imaginé tomber sur une telle histoire. Il ressent une forme d'angoisse, une forme de satisfaction car il y avait là à matière à alimenter son désir de péripétie afin de suivre son chemin vers un futur adoubement.
Prenant entre ses mains le verre. Il regardait le liquide qui y restait encore. Les réponses suivantes le tinrent en haleine.

- Le temple, et des nobles... Susurre-t-il sans interrompre le milicien en montrant dans son regard une certaine surprise, et une certaine crainte aussi car il est homme à fréquenter le temple, et à fréquenter quelques nobles. Ce pourrait-il qu'il ait eu affaire à l'un des membres de la secte ?
Ses doigts se crispent.

Que devrait-il faire ?
Il se mordille la lèvre en se questionnant. La situation semble plus grave qu'il ne l'imagine. Il le sait. Il doit se montrer prudent. Mais pourra-t-il l'être ? Pourrait-il se soustraire à sa parole si jamais elle venait à l'obliger à rendre servir à un purificateur ?
Cette pensée l'obsède alors. Il ravale sa salive et boit une gorgée. En même temps le borgne lui explique qu'ils sont doué pour se fondre dans la masse et manipuler la population pour enrôler de nouvelles recrues.

Un soupir, il repose son verre pas tout à fait vide. Son regard croise alors celui de Théophile. Ce dernier réitère son avertissement en y ajoutant que si jamais la discussion dévie sur Etiol ou la Fange, alors, la méfiance doit être de mise.

Un silence.
- Je te remercie. En effet, il n'est pas rare de me voir au temple, ou à l'esplanade. Il ne fait pas de doute que si tes paroles sont justes je puisse tomber nez à nez avec l'un d'eux ! Dit-il en caressant du bout des ongles le bois usé de la table.
- Mais si jamais je viens à soupçonner une personne, que dois-je faire ? Comment confirmer on infirmer mon doute ? Demande-t-il simplement en tenant son verre à une main regardant le liquide restant qu'il s'apprête à terminer rapidement.

Il glisse le verre à ses lèvres pour le terminer.
- Connaissez-vous leur objectif ? Souhaitent-t-ils renverser le temple ? Ajoute-t-il en fixant son verre vide avec un certain dépit en se disant que l'ampleur de cette secte devait déjà être grande.

N’importe qu’elle âme contenant encore un peu d’honneur serait perturbée par les révélations de la corruption de ces castes censées protéger le peuple. Théophile pouvait presque voir les rouages dans la tête du jeune écuyer se mettre en route. Qui pouvaient-ils être ? Comment pouvaient-ils agir dans l’ombre ? Depuis combien de temps étaient-ils gangrenés par ces idées ?

« Comme je te le disais, ils sont très fort pour se fondre dans la masse. A chaque fois que nous les avons découverts, il était déjà trop tard. Le mal avait déjà été fait. »

La pupille vive de l’archer erra dans la salle sans se fixer réellement sur un point. Il avait juste besoin de s’assurer que la vie était bien présente, afin de repousser les images de la mort qui tentaient de refaire surface. Ce n’était pas bon, pas bon du tout. Il ne pouvait pas se laisser submerger à chaque fois que l’on parlait des sectaire. Il fallait qu’il se reprenne. Etait-ce ce que lui avait donné Le Rouquin qui le rendait aussi instable ?

Le borgne ne sut combien de temps il resta ainsi à s’accrocher aux rires, à la joie et à la vie qui se dégageaient de la salle. Probablement que ce fut au final assez rapide, même si l’œillade de son camarade lui indiquait qu’il n’était pas dupe. Lorsque la maîtrise de son corps et de son esprit lui parurent suffisantes, Théophile continua de répondre au jeune homme.

« Si tu as un doute, tu peux venir nous porter un message à la caserne. »

Avec un plissement de sourcil, le soldat tenta de se souvenir si il avait donné son nom à leur jeune ami. Décidément, l’alcool l’affectait bien plus que ça ne devrait ce soir. Il avait l’impression que ses idées s’embrouillaient trop rapidement pour un seul verre. Si bien, qu’il repoussa ce qui lui restait dans le siens. Au moins était-il encore suffisamment conscient pour savoir qu’il ne lui fallait pas abuser plus pour ce soir.

« Ah...mon nom complet, je crois que je te l’ai pas donné...Théophile Castaing. Tu peux aussi demander à un autre milicien qui est concerné par la traque de ces malades. Il s’appelle Eon Alderman. Dans tous les cas, ne va pas les traquer seuls. Ils sont bien trop nombreux pour que tu t’y risque. »

Parler d’Alderman, celui qu’il aimait à surnommer Petit Chef, n’était sans doute pas une bonne idée. L’ex-Sergent se lancerait probablement à la poursuite de ses ennemis sans trop y réfléchir. Bien que leurs sorties avaient été basées sur des plans, leur ennemi était juste trop imprévisible pour qu’un être aussi instable émotionnellement qu’Alderman n’y laisse pas des plumes. Et Théophile se refusait de laisser la noirceur atteindre les yeux rêveurs face à lui, même si il semblait bien plus équilibré qu'Alderman ou lui-même.

« Et si par malheur tu te retrouves coincé, ne pense qu’à une seule chose. Fuir. »

Oui, c’était sans doute la meilleure chose à faire pour le préserver. Bart posa son verre un peu plus bruyamment qu’à son habitude et entreprit de couper cette atmosphère pesante.

« Lui files pas la frousse comme ça Castaing. T’inquiètes pas gamin, ils ont pas d’raison de s’attaquer à quelqu’un comme ça. Ah moins d’les chercher, leurs cibles sont des gens dont personne ne se soucie du sort. Plus facile à faire disparaître... »

Personne ne se souciait donc de leur disparition ou de leur mort….