Marbrume


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 [Interlude] Garde à nous

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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyMar 7 Juin 2022 - 21:34
Matinée du 24 mai 1167


Alaric accéléra le pas. La sueur plaquait ses cheveux contre son front, dégoulinait le long de sa mâchoire, gouttait à son menton. Il l'essuya d'un revers de manche, tandis qu'il pénétrait dans le camp de la milice. Il s'était rendu au temple du bourg pour essayer d'y dégoter un semblant de paix ; à la place, il y avait trouvé son amie accompagnée de la prêtresse de la prophétie. Il ne pouvait plus se permettre de croire qu'il s'agissait d'une coïncidence. Lorsqu'il les avait aperçues, il avait blêmi instantanément ; son rythme cardiaque n'avait pas décéléré depuis.

Le capitaine de Sombrebois trouva sa seconde devant la tente de commandement, en pleine conversation avec deux soldats. Alaric les salua à peine, releva le battant de la tente et pria Eïlyn du regard.

Viens, articula-t-il sans plus de cérémonie.

La coutilière dut comprendre l'urgence de son ton, à moins que son teint livide et ses gestes précipités n'aient trahi sa panique grandissante, car elle s'excusa aussitôt auprès de ses recrues et suivit son supérieur. Ce dernier s'engouffra dans le pavillon avant de se ruer sur la cruche d'eau posée sur la commode habituelle. Il s'en versa un gobelet et l'engloutit en deux rapides gorgées. La fraîcheur de la boisson lui fit du bien, mais ne fut guère suffisante pour déloger la boule d'angoisse qui lui nouait gorge et estomac.

Alaric ne dit rien pendant de longues secondes, évitait le regard métallique qui le lorgnait, interrogateur ; il ne savait pas par où commencer.

Tu te souviens quand je t'ai dit qu'un conflit se préparait ?

Il avait déjà la gorge sèche.

Et bien, on y est.

Il soupira, passa une main dans ses cheveux humides et commença à faire les cent pas, comme il en avait l'habitude lorsqu'il était particulièrement stressé.

J'avais... Quelques indices, dit-il, accompagnant ses paroles d'un geste désinvolte.

Il n'avait jamais parlé d'Odalie à Eïlyn, non seulement parce que la prétendue voyante lui avait conseillé de se taire, mais aussi parce qu'il s'était douté que l'esprit pragmatique de son quartier-maître aurait rejeté les prévisions qu'elle lui avait adressées.

J'ai essayé d'en parler à la châtelaine, mais elle ne veut rien dire.

Il manqua de briser le gobelet entre ses doigts serrés et jugea plus sage de le reposer à côté de la cruche.

Elle dit qu'elle veut nous aider, mais... Je crois qu'elle œuvre pour... Je ne sais pas, quelque chose de plus grand. De plus grand et de secret. Pour le moment, elle est dans notre camp. Mais il faut se méfier d'elle. Seulement... Elle m'a sous-entendu que Sombrebois pourrait être sacrifié au cours de sa mission, qu'elle essaierait de faire en sorte que nous puissions tenir, mais qu'il faudrait certainement prendre les armes...

Il secoua la tête, perdu et confus. Il avait conscience que son discours était décousu, qu'il n'avait pas donné toutes les cartes à sa seconde pour qu'elle suive tout ce qu'il lui déblatérait, mais ses pensées n'étaient plus qu'un brouillon bourdonnant, un maelström d'images sans queue ni tête, dans lesquelles il ne discernait que de floues silhouettes, sans que visages et idées claires ne se dessinent.

Je ne sais pas qui veut nous attaquer, un assaut de front serait du suicide. Mais... J'ai peut-être une piste. Un convoi étrange est arrivé hier soir, escorté par la guildes des Boucliers. Sauf qu'il ne s'agit pas uniquement de cette guilde. Les Lames ont été engagées et ont dû cacher leur insigne.

Il marqua une petite pause, se répéta les propos d'Aeryn relatés quelques minutes plus tôt.

Ils escortaient le Prêtre Altan, il s'agit du Haut-Prêtre de Serus.

Fréquenter assidument le temple de Marbrume lui aurait au moins servi à quelque chose.

Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais j'aimerais que tu enquêtes sur la raison de ces... Manigances. Pourquoi cacher une guilde pour une visite qui ne semble être que de courtoisie ?

Alaric se rapprocha de sa seconde et lui proposa une chaise, tandis qu'il s'asseyait à demi sur la table, où quelques cartes s'entremêlaient.

Je préfèrerais que tu t'asseyes, l'enjoignit-il.

Il la dévisagea, sentit son cœur se serrer. Il craignait pour la vie de tellement de personnes à Sombrebois. Rosen et son fils, Hilde et Pénélope, Eïlyn bien sûr, mais encore Isaac et ses parents adoptifs. Comme si ça ne suffisait pas, ses seuls liens en dehors de la forteresse s'étaient arrangés pour tous se retrouver le jour-même où ses cauchemars risquaient de se transformer en réalité. Tous devaient avoir un rôle à jouer dans cette histoire. Un rôle qu'ils ne découvriraient que le moment venu. C'était effrayant... Mais c'était l'un des aspects de la vie que le soldat avait accepté. Il était néanmoins difficile d'admettre qu'il était peut-être le responsable de ce rassemblement insoupçonné. Était-ce réellement de sa faute ? Il avait lié son destin à toutes ces personnes qui, sans le savoir, s'étaient engagées sur le même navire. À moins que ce ne fut pas une erreur, mais un bienfait, au contraire. Leur présence leur permettrait à tous de s'en sortir. Oui, il devait y croire. Jusqu'au bout.

Je connais deux personnes qui ont participé à ce convoi. Aeryn est mercenaire chez les Lames, Isolde est une jeune prêtresse de Marbrume. En chemin, ils ont trouvé plusieurs cadavres. L'un était... Exposé, assis dans une position étrange. Ils ont découvert les autres enterrés non loin. En tout, ils étaient six. Tous étaient nus et portaient une marque étrange, une marque en forme d'aile.

Il porta la main à son front, massa ses tempes douloureuses.

Eïlyn, des miliciens auraient-ils disparu dernièrement ? J'ai un mauvais pressentiment... Une attaque de front contre Sombrebois n'est pas envisageable, mais... Et si six personnes s'étaient infiltrées dans le bourg ? Si nos ennemis vivaient sous notre nez ?

Il serra les poings sur la table, se força à déplier ses mains, les frotta nerveusement contre ses cuisses.

Penses-tu pouvoir aussi enquêter à ce sujet ?
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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyJeu 9 Juin 2022 - 12:00

24 Mai 1167.
[Interlude] Garde à nous Pcv7
Parfois, la surprise se montre pernicieuse. Elle peut vous donner raison pour ensuite vous faire comprendre à quel point vous aviez tort. Eïlyn s’était ainsi attendue à voir Alaric ce matin-là, à le voir échaudé aussi et même à l’entendre parler du convoi arrivé la veille. Après tout quand elle avait vu le nom de Desmond sur le rapport des arrivées, elle s’était elle-même fait la réflexion que l’ancien chevalier n’avait pas choisi le meilleur moment pour débarquer dans le bourg. Bien qu’il soit respectable une épée à la main, le colosse n’en était pas moins une très mauvaise influence sur la baronne déjà instable et elle ne doutait pas qu’Alaric en était arrivé à la même conclusion depuis longtemps.

Alors elle s’était préparée à le voir s’en plaindre voir à ce qu’il lui demande de s’assurer que tant que la délégation serait présente, elle limite autant que faire se peut les occasions où Desmond et Rosen pourraient se voir. Au lieu de cela voilà qu’elle faisait face à une menace aussi absolue que floue. Elle ne doutait aucunement de la crainte qu’exprimer Alaric, même sous la pression de cette visite il n’était pas du genre à avoir simplement les nerfs qui lâchent.

Mais malgré tout, rien de ce qu’il évoquait ne faisait sens, même en le liant à leurs échanges précédents. Assise sur sa chaise, le regard perplexe, elle essayait de comprendre le puzzle qu’Alaric lui présentait mais sans qu’aucune pièce n’ait l’air de faire partie de la même boite… lui cachait-il quelque chose ? Une clé pour donner du sens à tout cela ? A dire vrai, seul le fait que Roxanne n’ait visiblement pas infirmé ses craintes donnait réellement foi à son idée.

La Châtelaine, au détour de leur entrainement l’avait questionnée adroitement sur l’état des défenses et leur équipement. Habituée à ce genre de rapport, la seconde avait répondu efficacement sans pour autant chiffrer ou détailler les informations. Après tout, même si elle respectait le caractère de la noble, elle n’était plus en charge du bourg. Mais aucune de ses questions n’avait eu le potentiel de lui faire révéler une faille dans leur défense, au contraire, elle semblait plutôt s’assurer que les choses qu’elle avait notés comme sensible à l’époque de sa présence avait bien été améliorée.
Voulait-elle s’assurer que le bourg pourrait être défendu ?

- Je… je vais chercher ce que je peux sur ce prêtre et la raison de sa venue… mais Al… Tu ne crois pas que s’il avait un plan machiavélique il se serait assuré que les hommes qu’il a emmenés pour l’accompagner ne soit pas en lien avec Sombrebois ? Je veux dire… Tu connais la prêtresse qui l’accompagne, tu connais la mercenaire qui l’accompagne et le chef du convoi est un ami proche de la Baronne de notoriété presque publique… Ça me semblerait le plan le plus bancal que j’ai vu depuis longtemps. En fait, je n’aurais pas mieux fait si…

Elle s’interrompit et l’espace entre ses sourcils se contracta un peu plus.

- …Si j’avais voulu attirer ton attention. Ajouta-t-elle finalement, perplexe. Oui, la dissimulation était grossière, enfantine même, loin de tout ce que bon comploteur aurait prévu. Mais parfait pour agiter un drapeau devant les regards. Soit pour les attirer, soit pour les détourner d’autres choses…

- Tu as vu ce prêtre ? Soit il veut clairement que tu le remarques ou lui parle, soit il te pousse à regarder vers lui plutôt qu’ailleurs. Ce n’est pas ce qu’on est en train de faire d’ailleurs ? C’est comme ces histoires de meurtres. Son convoi tombe dessus et tu me demandes d’enquêter sur nos hommes… Je peux te le dire sans même regarder Alaric. Il ne manque personne, pas un nom, pas un retard dans les rondes ou les rapports. Même les types que Rosen a demandé en plus au maitre des lames sont rentré dans le rang dès leurs arrivées. J’ai vérifié leur ordre de mission, je les ai questionnés selon leur dossier qu’on avait reçu avant leur arrivée. Un sans-faute, je peux même te dire qu’il y en a un qui est dans la merde avec sa femme et qu’il n’a visiblement pas hâte de rentrer.
Ils bossent bien, parfois même un peu trop. J’ai droit à la description de la moindre brindille cassée qu’ils trouvent. Trop habitués à la ville si tu veux mon avis. Mais j’ai quand même fait vérifier à chaque fois, comme lorsqu’ils ont trouvé un feu de camps hier. A peine assez large pour une personne, surement un trappeur ou un banni passé y a quelques jours. Il n’y a rien à redire à leur boulot Al, ni à celui d’aucun d’entre nous. Je peux chercher, encore et encore, mais je ne sais pas ce que tu veux que je trouve.


Elle soupira. Elle comprenait ses craintes, voulait croire à leurs réalités, mais tout ceci ne faisait pas de sens. Si le prêtre voulait les occuper, alors qu’avaient-ils raté ? Si des miliciens n’étaient pas fiable, alors depuis quand ? pourquoi ? Ils avaient prévu ensemble l’organisation de la sécurité de cette journée et il n’y avait aucun point suffisamment névralgique pour que le la trahison de cinq ou six hommes fasse basculer leur système, Tout ceux qu’elle avait mis près de la baronne étaient digne de confiance, ou alors leur corruption remontait à des années. Elle n’y croyait pas. Même les coutelleries supplémentaires ne pouvaient leur poser problème, elle avait envoyé les deux dehors, avec deux autres pour s’assurer que personne n’approcherait du bourg en cette journée tendue politiquement. Aucune d’elle n’avait rechigné où montrer une quelconque tension à l’idée de ne pas être dans le bourg pendant les festivités.

Si le but était de les infiltrer, le fait qu’ils soient à l’extérieur des murs leur garantissait une sécurité suffisante. Elle demanderait quand même à être prévenue immédiatement si l’une d’elle venait à rentrer plutôt que prévu, voir qu’ils soient retenus, si cela pouvait sécuriser Alaric. Mais même ainsi, elle avait du mal à voir ce qu’ils auraient pu faire.

- Je vais chercher Alaric, qu’on ne dise pas que les Chantebrume ne sont pas pointilleux. Je me renseignerais sur le prêtre et sa venue, sur les nôtres, mais je ne pourrais pas trouver quelque chose si cette chose n’existe pas, ou s’il nous manque les informations nécessaires à sa compréhension.

Elle avait l’impression d’avancer dans un noir absolu et que le voix d’Alaric lui disait de faire attention où elle mettait les pieds sans jamais vraiment pouvoir lui dire si un gouffre se trouvait ou non devant elle. Elle sourit malgré tout.

- Je devrais pas le dire, mais c’est le pire poste de ma vie, cap’.


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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyJeu 9 Juin 2022 - 17:20
Mais comment aurait-il su que je les connaissais ? Peut-être que ça pourrait se savoir pour Aeryn, mais... J'ai rencontré Soeur Isolde par hasard, lors de ma dernière visite à Marbrume. Avant aujourd'hui, nous nous étions vus qu'une seule fois !

Néanmoins, Alaric devait admettre que sa seconde marquait un point : le choix de Desmond de Rochemont n'était pas judicieux. La rumeur au sujet de la relation entre la baronne de Sombrebois et l'ogre de Rougelac était certainement l'une des plus alimentées dans la forteresse ; le soldat avait même eu l'occasion d'entendre quelques ragots à l'auberge du bourg. L'ogre de Rougelac. Alaric cilla. Je pensais qu’elle se servirait de Victor pour diriger dans l’ombre, ils sont du même genre de bois. Et si le choix de la guilde des Boucliers était tout sauf anodin ? Alaric avait soumis l'idée à son amante que si le roi ne bougeait pas, c'était parce que ses pions étaient bien en place. D'ailleurs, maintenant qu'il y réfléchissait, c'était certainement la raison pour laquelle il n'avait sélectionné qu'une quinzaine de personne pour escorter sa nièce ; tout se déroulait selon ses désirs. De même, la reine jouait ses propres cartes : peut-être était-ce qu'elle avait attendu depuis le départ ? Que le plateau de jeu soit complet.

Alaric releva brusque la tête vers Eïlyn. Une diversion ? C'était une possibilité qu'il n'avait jamais envisagée. Hochant la tête aux explications de son quartier-maître, il l'écoutant sans l'interrompre. Il lui faisait entièrement confiance : si la coutilière affirmait que personne ne manquait et que rien d'anormal n'avait attiré son attention jusqu'à présent, alors il la croyait dur comme fer.

Je te crois, affirma-t-il. Et... Peut-être que tu as raison. Pour la diversion.

Il releva la tête vers le ciel, masqué par le tissu de la tente de commandement. Un réflexe qu'il avait lorsqu'il réfléchissait, mais qu'il peinait à trouver la solution. Comme si les Trois l'observaient effectivement depuis Là-Haut, prêts à lui souffler la réponse sous la forme d'une brise divine contre sa peau. Alaric s'arracha à sa contemplation céleste et reporta son attention sur la jeune femme. Elle était peut-être lui signal tant espéré ; ce ne serait pas la première fois qu'Eïlyn l'inspirerait de ses mots. Après tout, comme elle, il savait qu'ils avaient de bons effectifs, et, même si des infiltrés se promenaient dans la place forte, même en bénéficiant de l'effet de surprise, ils seraient facilement maîtrisés. Le tout était de connaître leur véritable cible ; il n'était pas question qu'ils atteignent leur but avant de trépasser. Rosen ? Athanase ? Eve... ?

C'est juste... Une voyante me dit que Sombrebois va être attaqué, que je devrais fuir pour... Sauver les personnes qui me sont chères. Et comme par hasard, la châtelaine me confirme qu'une tempête – il insista sur le mot – brutale sera sur nous ce soir. Je ne peux pas croire aux coïncidences.

Malgré le sourire de sa seconde, Alaric eut un pincement au cœur, lorsqu'elle lui avoua qu'il s'agissait du pire poste de sa vie.

Je suis désolé, murmura-t-il.

Ce n'était pourtant pas le moment de flancher. Même si sa fonction n'était pas suffisante pour Ma Dame la châtelaine du Val d'Asmanthe, elle l'était pour motiver ses troupes, pour donner du courage à son quartier-maître, qui, au fil des mois, s'était révélée être une véritable amie.

Je tiens à Sombrebois. Mais... Plus que tout, je tiens à certaines personnes. Comme toi. Comme Isolde et Aeryn. Rosen et son fils, les membres de sa maisonnée. Eve, ajouta-t-il dans un faible murmure, à peine audible. Et j'ai l'impression...

En vérité, ce n'était pas une impression, c'était une certitude.

Je ne pourrais pas sauver tout le monde.

La dernière fois qu'il avait dû fuir, il avait abandonné son père dans les marais. Il l'avait exhorté à s'enfuir, entraînant avec lui son frère et sa sœur afin de les protéger. Mais Alaric n'avait protégé personne. Il n'avait sauvé personne. Comment faire pour ne pas commettre la même erreur ? Ses doigts agrippèrent le tissu de ses chausses au niveau de ses cuisses. Le soldat luttait contre les mauvais souvenirs qui se plaisaient à refaire surface. Non, non, non. Il ne pouvait plus regarder en arrière, il se l'était juré. Il devait... Vivre aussi intensément que je le peux.

Une chose est certaine, articula-t-il en tâchant de desserrer les dents. Quelque chose de grave se passera ce soir. Et je ne suis pas le seul à vouloir savoir de quoi il s'agit. Quelqu'un a épié ma conversation avec Roxanne, tout à l'heure.

Alaric décolla ses fesses de la table et s'accroupit, afin de faire face à Eïlyn, toujours assise.

Nous devons rester sur nos gardes. Et... Anticiper ce que l'on peut. S'il-te-plait, implora-t-il, fais en sorte de préparer les chevaux du château, ainsi qu'une charrette. Avec un peu de chance, nous n'en aurons pas besoin.

Fuir dans les marais en pleine nuit était une pure folie. Comment un tertre pouvait-il leur offrir l'abri tant espéré ? Risquait-il d'envoyer à la mort les personnes qu'il chérissait le plus ?

Mais je préfère être trop prudent que pas assez.

Il lui offrit un pâle sourire.

Même si c'est ton pire poste, Eïlyn, sache que moi, je suis heureux de t'avoir à mes côtés.
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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyJeu 9 Juin 2022 - 18:03

24 Mai 1167.
[Interlude] Garde à nous Pcv7
Allons bon, une voyante à présent ? Et quoi ensuite ? Un fangeux en robe de bal qui lui écrirait une missive ? Malgré elle, elle se demanda l’espace d’une seconde si la folie qui avait frappé la baronne n’était pas entrain de se transmettre au chef de la garde de Sombrebois tant chaque nouvelle semblait plus aberrante que la précédente.
Mais il semblait si sûr de lui, si concerné. Il était intimement persuadé que quelque chose arriverait le soir même. Qui était-elle pour lui refuser sa confiance maintenant alors qu’il lui accordait la sienne. Car elle aussi voyait à présent un ami dans cet homme étrange, un peu trop bien pour son époque. Non, elle ne le priverait pas de sa confiance. Demain ! Oui, demain ! Soit elle aurait eu raison de le soutenir, soit elle aurait un argument de poids pour l’aider à revenir de ses craintes. Elle serait l’amie dont il avait besoin, même pour le secouer un peu si nécessaire.

Elle devait bien admettre qu’elle ne pouvait pas répondre aux questions logiques de son capitaine, oui, comment aurait-il su ? Mais elle trouvait malgré tout encore plus improbable que parmi les centaines, voire milliers, membres du clergé, il choisisse au hasard celle qui avait justement croisé la route de Alaric, et qu’il en soit de même dans l’armée de mercenaire que comportait la cité. Quelles étaient les chances ?

Le fait que le nom d’Eve ne soit prononcé ne la surpris qu’à moitié, elle avait bien vu le matin même qu’il avait cette petite chose en plus dans le regard. Et visiblement, vu les termes employés, Roxanne ne faisait clairement pas naître ce genre de passion chez lui. Eve donc… elle eut bien envie de répliquer quelque chose de léger, « Eh beh mon coco, tu t’ennuies pas ! » par exemple. Mais l’état de stress de son compagnon l’en dissuada, faire un plat n’était jamais bon, surtout au mauvais moment.

- Personne ne peut sauver tout le monde, Alaric, toi pas plus qu’un autre. Les héros sont bon pour les histoires pour jeunes filles. Parfois, tout ce que tu peux faire, c’est attraper la main la plus proche de toi et courir.

Elle parlait d’expérience. De mauvaise expérience. L’un comme l’autre avait déjà dû faire face à l’horrible choix… non pas choix, l’horrible vérité que tout le monde ne peut pas être sauvé. Se battre pour vivre, ou fuir pour vivre, les deux expériences se ressemblaient. Mais quand cela revenait à laisser d’autres se battre et mourir… quel fardeau. Il était si facile d’oublier que l’on n’aurait rien pu changer, si facile de se souvenir simplement de la culpabilité. Elle chassa ses pensées pour revenir à la conversation où Alaric évoqué la présence d’un espion.

- Quelqu’un ? Tu sais qui ? Et pour le compte de qui ? Voilà qui serait intéressant de savoir. Si une personne s’intéresse aux mises en garde qu’on te fait, c’est qu’il en sait peut-être plus que nous.

Elle suivit son mouvement du regard jusqu’à ce qu’il lui fasse face, son visage droit devant le sien, ses yeux la fixant. Eve hein… dommage quand même. Elle posa une main sur son épaule, comme une camarade.

- Alors on sera préparé. Tu auras tes chevaux et ta charrette prête près des portes. Je ferais mettre les hommes sur le qui-vive et doublerais les rondes toutes la nuit. Evitons aussi que la Baronne ne traine trop tard en ville. Je sais qu’elle veut marquer le coup, mais autant qu’elle soit en sureté quand le nuit tombera, d’ici là, je vérifierais encore l’organisation de la journée, un coup d’œil ne plus ne peut pas faire de mal. Demain, l’un de nous deux pourra dire à l’autre « je te l’avais bien dit », espérons que ce soit moi.

Elle sourit à sa remarque et haussa les épaules

- Et je suis contente d’y être cap’, mais tu le sentiras quand même à ma prochaine demande d’augmentation. Sauver le monde, ça coute cher !

Avec un peu plus de sérieux, elle poursuivit.

- On fera ce qu’on peut, Alaric. Je sais pas trop si je peux croire à des histoires de voyantes ou de tempête brutale, mais si il y a des cul à botter, je cirerais mes bottes en ta compagnie, plutôt deux fois qu’une.

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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyVen 10 Juin 2022 - 21:58
Alaric secoua la tête.

Je n'ai pas eu le temps de voir la personne. Mais... La châtelaine l'avait repérée bien avant moi, sans m'en tenir informé. Elle est habituée à ces jeux-là, ajouta-t-il, se souvenant des paroles de Roxanne lorsque l'espion avait déguerpi.

La situation avait même eut l'air de l'amuser. Forcément, c'était facile de rire, lorsque l'on possédait toutes les clefs en main... Alaric chassa la rouquine de son esprit et se concentra à nouveau sur sa seconde. Il était presque drôle qu'elle s'intéressât le plus à ce qu'il lui avait révélé dans la foulée, un sujet qu'il avait failli dédaigner, obnubilé par les craintes hypothétiques qui lui vrillaient autant l'estomac que ses tortueuses pensées. Mais comme il lui avait répété, le soldat avait toute confiance en Eïlyn, il se fiait à son instinct, à son point de vue différent du sien, pragmatique, dénué de visions obscures. La coutilière avait l'esprit clair ; il devait reprendre son sang-froid. Réfléchir posément. Il était évident que la taupe avait été envoyée par l'un des invités.

Ce n'était ni pour la châtelaine, ni pour Eve.

Il avait murmuré son prénom sans s'en rendre compte quelques minutes plus tôt. Les trois petites lettres lui avaient échappé ; il ne parvenait pourtant pas à s'en vouloir. Il tenait plus que tout à garder le secret, mais il était agréable de pouvoir, ne serait-ce qu'un instant, avouer à demi-mot ce qu'il ne pouvait exprimer à haute voix. Partager ce qu'il avait sur le cœur à une amie sans que les conséquences ne soient désastreuses pour une fois.

Il pourrait s'agir du Comte de Rougelac... Ou bien, un membre de ce fameux convoi, suggéra-t-il.

Il n'en démordait pas : quelqu'un qui n'avait rien à se reprocher n'engageait pas une compagnie de mercenaires en exigeant de se dissimuler sous les insignes d'une autre guilde. Quelque chose clochait avec ce convoi.

Merci.

Il lui adressa un sourire plus chaleureux, preuve qu'elle était parvenue à le rassurer malgré tout.

J'en parlerai au Sergent, répondit-il, alors qu'elle évoquait une possible augmentation. D'ailleurs, sais-tu où il se trouve en ce moment ? Il ne t'a pas fait part d'une... Lettre codée, ces derniers temps ?

En y réfléchissant, Yohan de Morguestanc manquait anormalement à l'appel. Alaric avait eu l'impression que toutes ses connaissances s'étaient rassemblées à Sombrebois pour l'un des pires moments de son existence. Il était étrange que l'ancien noble soit aux abonnés absents, lui qui n'était sans doute pas étranger à tous les complots qui se jouaient dans le bourg. À moins que, fidèle à sa réputation, il avait réellement délaissé les intrigues pour arpenter les marais et repousser les frontières toujours un peu plus loin. Une part d'Alaric l'enviait : au moins le gradé servait la juste cause.

Le capitaine de Sombrebois rit ; l'atmosphère s'allégea dans la tente de commandement. Il aurait voulu attendre la possible bataille avec autant d'entrain que son quartier-maitre ; il s'exhorta à se redonner du courage. L'entrevue avec Roxanne l'avait dépité et agacé, la rencontre avec Aeryn et Isolde l'avait désemparé et abasourdi. Alaric ne pouvait taire l'inquiétude qui cinglait sa poitrine, mais au moins pouvait-il respirer un peu mieux désormais. Quand ils auront survécu à cette fâcheuse histoire – « quand » et plus « si » – il faudrait qu'il lui parle de l'impact que la coutilière avait eu sur sa vie. De l'importance de ses mots sur ses choix. Mais une chose à la fois.

Tu sais, je ne crois pas non plus à ces histoires, d'habitude. Cette femme n'était sans doute pas une voyante, mais elle savait des choses... Qu'elle n'aurait jamais dû savoir. Et Roxanne m'a confirmé que quelque chose allait se produire ce soir. Moi, je crains... d'entraîner les autres dans ma chute... Comme toi. Et comme tous ceux qui sont à Sombrebois ce soir.

C'était injuste de ne pas pouvoir sauver tout le monde, alors qu'il les avait tous influencés, d'une manière ou d'une autre. En reprenant le bourg et puis en le protégeant, en discutant au détour d'une ruelle, en se confiant sur les marches d'un temple... Bien sûr, il savait pertinemment qu'il n'avait pas tout déclenché : sans lui, Aeryn aurait quand même rejoint les Lames et Isolde aurait aussi accompagné le Haut-Prêtre. Mais il se sentait pris dans une sorte de toile ; il n'y était pas englué, mais relié aux fils, de telle sorte que, lorsqu'il en bougeait un, son extrémité en actionnait un autre. Il craignait de se mouvoir autant qu'il désirait ardemment avancer. Il devrait rapidement se décider.

Alaric se releva et croisa les bras sur son torse, prenant de nouveau appui contre la table.

Qu'est-ce que tu penses de la châtelaine ? demanda-t-il de but en blanc. Elle n'avait certainement pas besoin d'apprendre à tirer à l'arc, grommela-t-il. Alors de quoi voulait-elle te parler ?
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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyVen 10 Juin 2022 - 23:28

24 Mai 1167.
[Interlude] Garde à nous Pcv7
Le rire d’Alaric lui fit plus de bien qu’elle n’aurait cru dans l’ambiance pesante qui s’était installé dans la tente. Elle était habitué à la pression, au danger, si bien qu’elle ne tenait plus vraiment compte de cette aura opressante jusqu’à ce que celle-ci s’allège. Que ce fut en retrouvant à l’horizon les murs de la cité, ou qu’un rire s’échange entre deux amis. Car oui, elle se rendait compte à présent que son rire avait provoqué le sien. Les choses finiraient peut-être mal pour eux. Mais à cet instant, elle s’en moquait bien. La compagnie fait la qualité du voyage, peu importe la fin ! Quand elle retrouva le contrôle de sa voix, elle lui répondit tout de même en fouillant dans sa mémoire pour retrouver ce que disait la dernière missive.

- Il me semble bien qu’il était aux alentours de Traquemont à chercher un moyen d’établir une voie sure entre la forteresse et la route menant au Labret. Étonnamment les attaques sur les convois ont baissé depuis quelques temps, comme si les bannis se retenaient ou étaient retenu ailleurs. Dit-elle songeuse. Elle avait traqué des bannis comme des sectaires comme des fangeux là dehors, et elle n’aimait pas trop qu’aucun de ces groupes ne donne de nouvelles récemment. Comme si tout le monde retenait son souffle… maudit Alaric, lui et ses instincts sur fond de prophétie, il allait finir par la contaminer !

D’ailleurs il en rajouta avec une petite couche de logique et de sincérité pour parfaire le tableau manquant de peu de la faire rouler des yeux d’agacement. Il avait de la chance d’être son ami, sinon elle aurait fait un rapport à son supérieur pour se plaindre de l’ambiance qu’il mettait. Peu importe que le supérieur et l’ami soit la même personne !

- Sombrebois repose sur autre chose que tes épaules, Alaric. Ici chaque âme participe à ce qu’elle est. On a tous participé à sa renaissance et on se battra tous pour l’empêcher de tomber.

Elle se releva pour lui faire face à son tout et lui claqua l’épaule sans ménagement.

- Tu ne pourras pas tout protéger, alors choisit l’essentiel pour toi, et je me chargerais du reste. Après tout, c’est à ça que sert un second, non ? A assurer le boulot pendant que le patron joue les jolis cœurs !

Bien sûr elle lui avait dit sur le ton de l’humour, bien sûr elle nierait l’avoir insinué, mais elle venait de lui dire ce qui selon elle, il serait important de sauver. Après tout, si elle était vraiment son amie, au-delà de sa seconde. Elle ne pouvait pas ignorer que le cœur d’Alaric saignerait pour une perte bien plus que pour toutes les autres réunis si elle devait advenir. Elle le voyait quand il disait son nom. Alors qu’il s’occupe de l’essentiel, elle ferait de même.
Elle enchaina très vite sur ses questions pour ne pas s’attarder sur cette autorisation tacite, sur ce conseil qu’elle lui donnait.

- Je pense que si elle voulait tuer un lièvre à cent cinquante pas de là, elle le ferait même ivre morte. Mais qu’elle doit bien plus aimer se servir d’un couteau vu comme elle tient ses flèches… Répondit-elle en songeant à l’entrainement de ce matin avant de se rendre compte qu’elle ne répondait pas vraiment à l’interrogation de Alaric.

- Euh, oui. Avant son départ, enfin avant les événements qui l’ont poussé à partir plutôt, elle avait fait une liste de tous les points où la défense du bourg était encore fragile. La plupart parce que le renforcement et la reconstruction du mur n’étaient pas encore fini. Mais aussi un laps de temps un peu trop long entre les patrouilles du mur nord car il est plus long de cinquante mètres que les autres. On ne s’en rend pas bien compte à cause de la perspective du fort, mais c’est le cas. Du coup ça laissait un trou de plusieurs secondes, presque une minute. J’ai bien sur corrigé depuis, c’était dans l’un des rapports que je t’ai faits signer à ton retour de la capitale. J’ai aussi changé les heures bien sur après son départ, question d’habitude, je préfère que nos cycles de patrouille restent à l’intérieur autant que possible.

Elle haussa les épaules sans vraiment savoir quoi lui dire, elle se contenta de conclure plus généralement.

- J’aimerais pas l’avoir au cul, mais à part s’assurer que nos défenses sont solide, elle n’a rien cherché à savoir de compromettant. Et bien sur je n’ai rien dit par moi-même.

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MessageSujet: Re: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyDim 12 Juin 2022 - 16:30
Comme si les bannis étaient retenus ailleurs. Alaric grimaça, mais ne dit rien. Il était inutile de rajouter une couche sur les épaules de sa seconde. De toute façon, il n'avait rien de concret à lui dire à leur sujet. Tout n'était que supposition et il savait pertinemment qu'Eïlyn avait besoin d'affaires concrètes pour le comprendre, pour avancer. Il s'imaginait mal lui raconter qu'Odalie, au lien de rentrer avec lui à Sombrebois, recherchait le village des bannis pour une raison qu'il ignorait. De même, il ne pouvait lui dire qu'un groupe de ces derniers avaient gagné Ventfroid et, qu'à priori, Sa Majesté n'en avait cure. Qu'est-ce que la coutilière aurait-elle pu faire de ces informations à prendre avec des pincettes ? Aussi Alaric se contenta-t-il de gamberger, ses yeux fixés sur son amie sans la voir, absorbé par ses réflexions. Il ne releva la tête que lorsqu'elle lui frappa l'épaule d'un geste amical. Choisir l'essentiel. Eve. Mais dans ce cas, ne serait-ce pas à Eïlyn de sauver tout le monde ? Et tous les deux savaient que la tâche serait impossible. Le capitaine de Sombrebois déglutit. Pouvait-il seulement privilégier la vie d'une seule personne au détriment d'une forteresse entière ? Son rôle était de protéger la population, d'assurer la sécurité du château et de son bourg. Énoncer le dilemme à haute voix fournissait une réponse évidente : qui préférait la vie d'une personne plutôt que de centaines ? Ce n'était que folie. Il fallait être foutrement égoïste. Comment pouvait-on se prétendre capitaine de la garde, sans assurer cette garde ? Choisir l'essentiel, n'était-ce pas renier son poste, abandonner tous ses efforts fournis jusqu'alors ? Il noua ses mains ensemble afin de masquer leur léger tremblement. Il ne savait pas quel sacrifice l'effrayerait le plus. Noblesse oblige. Si tu as le pouvoir d’agir sur une situation et d’aider ceux qui doivent être protégés, même au prix d’un sacrifice personnel, c’est ton devoir d’agir. Il avait envie de hurler. Le coeur ou la raison ? Ses ongles avaient laissé une fine trace de sang à l'intérieur de ses paumes, les jointures de ses doigts avaient blanchi. En apparence, il était resté calme, même s'il devinait que sa seconde avait repéré la tension dans ses muscles, la contraction de ses épaules. Ce qui ne l'avait guère empêchée de continuer de parler de Roxanne et de répondre à ses questions. Alaric se morigéna, essaya de se concentrer sur les propos de son interlocutrice. Sur ses yeux métalliques et son franc-parler. Pour l'heure, aucun sacrifice n'était en vue, aucun sauvetage périlleux non plus. Eve ne lui avait-elle pas dit qu'ils combattraient ensemble, quelle que soit la menace ? Il ne pouvait envisager pour unique possibilité un scénario où il devrait la secourir, telle une princesse en détresse. C'était indigne d'elle. Au lieu de ruminer des pensées aussi sombres qu'idiotes, il devait se focaliser sur le moment présent. Sur ce qu'il pouvait faire maintenant.

Et, en l'occurrence, les informations que lui transmettait la coutilière n'étaient pas dénuées d'intérêt. Roxanne lui avait semblé effectivement moins habile à l'arc, un point qu'il nota soigneusement dans son esprit. Plus important, il ne s'était pas rendu compte à quel point la châtelaine avait observé leur travail, lors de sa première visite deux mois plus tôt. Elle avait repéré des détails auxquels Alaric n'aurait jamais pensé alors qu'elle avait enfilé son costume de nourrice factice. Et même s'il avait essayé de la garder à l’œil, il n'avait absolument pas remarqué qu'elle s'était autant intéressé aux défenses du bourg à ce moment-là.

Elle se renseigne sur nos défenses, murmura-t-il, son menton posé dans l'une de ses main. J'espère que ce n'est pas pour mieux nous trahir...

Il soupira.

Si seulement j'avais réussi à la convaincre de m'en dire plus, grogna-t-il.

Le capitaine se décolla de la table avant d'attraper la cruche d'eau et, cette fois, de servir également son quartier-maître. Il lui donna son gobelet, tandis qu'il entamait déjà la sien. Ils avaient échangé des verres bien plus sympathiques et il espérait que l'eau fraîche et fade ne serait pas la dernière boisson qu'ils partageraient. Avec un bruit mat, il redéposa le godet sur la table. Tout ce que je peux faire maintenant...

T'as sûrement raison, ajouta-t-il sans ambages. Je me laisse trop distraire par toutes ces histoires.

Il releva la tête, la posture droite sans être orgueilleux, il ajouta, une main sur l'épaule d'Eïlyn :

Je suis le capitaine de Sombrebois.

Ce n'était peut-être pas assez pour la châtelaine du Val d'Asmanthe, mais qu'importe.

Et tu es bien plus mon égale que ma seconde. Tu le sais aussi bien que moi.

Alaric lui sourit, sincère.

Il va se passer quelque chose, je le sais, je le sens, affirma-t-il. Mais grâce à toi, je crois que j'ai les idées un peu plus claires.

Il réfléchit quelques secondes, frottant pensivement sa barbe de plusieurs jours. Y'avait-il une dernière chose dont il devait lui parler avant le lancement des festivités ?

Au fait, je crois que la châtelaine fait partie des Victorieux, tu sais ce groupe qui est censé protégé le royaume et qui serait lié à Morn de...

Le capitaine s'interrompit. Il avait complètement oublié ce qu'Eïlyn lui avait dit, lorsqu'il lui avait fait écrire la lettre de la part de Rosen. Un renseignement qui, à l'époque, n'avait fait écho à aucun autre. Mais en prononçant le nom du conseiller royal, la mémoire lui était revenue, soudaine, terrible, impétueuse. Son quartier-maître lui avait dit qu'elle avait observé leur marque à Ventfroid. Savais-tu qu’on dit que Ventfroid appartient maintenant aux bannis ? De la manière dont Eve le lui avait annoncé, elle n'avait appris cette information que très récemment. Or, qu'avait dit sa seconde, déjà ?

Euh, bafouilla-t-il. Tu... Tu m'avais dit que tu avais vu leur marque. C'était quand ?

Plusieurs hivers, si ses souvenirs étaient bons. Les dates ne pouvaient pas correspondre. Et le roi ne fait rien. Il semblait impossible que les Victorieux et les bannis possèdent un lien quelconque, n'est-ce pas ? Oui, il cherchait forcément trop loin.

Tu savais que les bannis avaient repris Ventfroid ?

N'avait-il pas décidé quelques minutes plus tôt qu'il ne lui parlerait pas de ça ?
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Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyDim 12 Juin 2022 - 18:27

24 Mai 1167.
[Interlude] Garde à nous Pcv7
Elle sentit plus qu’elle ne vit la tension qui habitait son ami. Elle s’y état attendu, l’implicite de sa phrase entrait en contradiction avec tant de ses valeurs. Mais elle avait vu des combats, des batailles même et elle savait qu’on ne pouvait jamais échapper à la honte. Car on ne pouvait jamais sauver tout le monde. Et que les morts soient deux ou deux cent, le sentiment ne variait aucunement, ne perdait ni en force ni en durée. La solitude, elle, elle changeait tout. La honte s’affrontait plus facilement quand on avait une épaule sur laquelle s’appuyer, mais la solitude elle, elle, elle profitait de votre honte pour vous abattre.
Si en plus on pouvait aimer ladite épaule, ce n’était qu’un mieux.

Elle avait vu des camarades perdre l’essentiel, leur source d’énergie et il était presque toujours impossible de les voir s’en remettre. Ses sourcils se froncèrent l’espace d’un battement de cœur. Elle ne laisserait pas Alaric en arriver là. Même si pour cela elle devait le priver de ce choix.

- Ton égale ?? Je suis nettement plus mignonne que tu ne le seras jamais Cap’ ! Et garde les idées claires jusqu’à demain, que je puisse me plaindre que tu m’as inquiété en toute franchise.

Elle sourit, mais la joie n’y était qu’à demi. Il l’avait convaincu, même si elle refusait de l’admettre totalement vu qu’il avait au mieux des pistes. Ouais, il l’avait convaincu parce qu’elle avait confiance. La journée allait être compliquée. D’une main distraite elle serra la poignée de son épée. Un contact rassurant, quelque soit la période. Elle cligna des yeux en de rendant compte qu’Alaric lui formulait une question d’un ton hésitant.

- Leur marque ? Oh ! La chose avec le V ? Demanda-t-elle plus pour se remémorer leur conversation que par besoin de confirmation. Ce sujet, aussi rocambolesque que les autres, elle l’avait jeté au fond de sa mémoire pour se concentrer sur des problèmes plus urgents, et plus réels à son gout. Et parce qu’elle n’aimait pas ce qu’elle ne pouvait pas influer.
La révélation qui s’en suivit du lui donner l’air bête une bonne seconde avant que son esprit ne fasse le lien. Eve. Bien sûr. En plus d’être richissime, la demoiselle avait une place d’influence, pas étonnant qu’elle ait accès à des rumeurs que la milice commençait tout juste à connaître.

- Des bruits de couloir au mieux Alaric. Y pas une patrouille à part la troisième qui s’enfonce aussi loin après le Labret et ce n’est certainement pas le premier sur la liste. Et oui, j’ai vu cette marque sur une porte de fer là-bas, mais honnêtement tu crois vraiment qu’il peut y avoir un truc dans cette pièce qui peut changer quoi que ce soit à notre situation ? Je sais qu’on dit beaucoup de chose sur le savoir, mais honnêtement, j’ai du mal à imaginer ce que l’on devrait craindre d’une chambre. Même pleine d’armes. Si les égorgeurs se sont vraiment terrés à Ventfroid, qu’ils y pourrissent et bon débarras.

Ils avaient bien assez de tracas en tête pour ne pas en plus s’ajouter des questions auxquelles ils ne pouvaient de toute façon pas répondre.

- Je vais voir pour le prêtre et les mercenaires. Toi tu vas t’assurer que la baronne ne disent pas une énormité pendant la cérémonie et peut-être te faire ton avis sur notre invité spirituel. On se revoit après et on fait le point. Ça te va ?


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MessageSujet: Re: [Interlude] Garde à nous   [Interlude] Garde à nous EmptyJeu 16 Juin 2022 - 13:47
Si la situation prêtait à rire, Alaric aurait argué d'un sourire en coin que la Comtesse de Clairmont le trouvait tout à fait mignon et à son goût. Néanmoins, le soldat se contenta d'un demi sourire à son quartier-maître, sans réfuter ses propos qui, bien que blagueurs, n'en étaient pas moins exacts. Il aurait aimé, se rendait-il compte, être capable de mener ce genre de discussions légères, de rassembler sans mystère ni secrets la personne qu'il aimait avec ses quelques amis. Alors ils plaisanteraient, chacun irait de son anecdote. Même Aeryn finirait par rire sans fuir leur présence, il en était persuadé. Quant à Eïlyn, il ne doutait pas qu'elle adorerait raconter leurs petites soirées improvisées ou leur duel d'ivrognes ; un spectacle que quelques Sombreboisiens avaient eu la chance d'observer en direct, que certains racontaient encore autour d'une bière.

Inconsciemment, Alaric avait porté son regard vers la direction du château. Vers ses espoirs et un futur qu'il n'osait guère effleurer. Cela faisait longtemps que le soldat ne se battait plus pour éradiquer les fangeux. L'avenir auquel il aspirait désormais était tout autre : il n'était plus question de tuer des morts-vivants, mais de sauver des êtres vivants. Une table, quelques bancs ; des rires chaleureux, une ambiance festive. Il mémorisa cette représentation, si simple, sans pour autant être frivole.

Je ne sais pas, murmura Alaric, quittant les parois de la tente des yeux.

Qu’ils y pourrissent et bon débarras. Le Capitaine de Sombrebois émit un petit rire, amusé par la franchise de sa seconde.

Je pense qu'on ne doit pas oublier cette information, même si on ne sait rien en faire pour le moment.

Peut-être était-ce encore un lien qui n'avait pas lieu d'être, Alaric n'en savait trop rien et il ne comptait pas creuser plus en avant ce sujet. Pas maintenant, c'était inutile. Mais il ne l'oublierait pas, il ne désespérait pas non plus. Roxanne avait mis à mal sa détermination, même s'il s'était évertué à lui prouver l'inverse. Sa discussion avec Eïlyn avait eu – comme toujours – le mérite de l'aiguillonner dans la bonne direction. Du moins, jugeait-il qu'il s'agissait de la bonne. Il en faudrait plus pour taire l'angoisse qui rythmait les battements de son cœur, mais au moins n'était-il plus en colère ; il avait regagné son sang-froid qui, d'ordinaire, l'avait toujours tiré des pires situations. Et pour une fois, pour la première fois, il n'était plus seul. Une force couplée d'une faiblesse. Parce qu'il n'avait pas l'habitude. Parce que craindre pour sa vie était anodin, lorsque l'on craignait pour ses proches. Mais c’est notre force, pas notre faiblesse. Et que les trois emportent le destin et ceux qui pensent pouvoir nous tenir tête.

Alaric grimaça.

Tu sais que je ne suis pas très doué pour... Canaliser Rosen.

Plus que lui rappeler le comportement à adopter pendant les prochaines cérémonies, il avait plusieurs points qu'il devait absolument aborder avec la blonde. Eve était-elle parvenue à lui soutirer les renseignements tant convoités ? Il lui faisait confiance, mais il savait aussi à quel point la baronne de Sombrebois aimait s'enliser dans des non-dits. Cependant, il imaginait sa comtesse plus à l'aise que lui pour pousser Rosen à se confier malgré son caractère particulier. Quant au Haut-Prêtre... Il était vrai qu'Alaric désirait faire sa propre opinion sur cet étrange personnage. Il avait du mal à croire qu'une telle figure du temple puisse être liée à des affaires illicites... Même s'il n'avait pas fait une première impression exemplaire à Aeryn, ce qui, en soit, n'était guère étonnant.

Il hocha la tête et posa une main amicale sur son épaule.

Merci, Eïlyn. À tout à l'heure, alors.

Il capta ses prunelles argentées une seconde de plus que l'autorisait la bienséance, avant de lui adresser un dernier sourire, plus franc et rassurant.

Et fais attention, se sentit-il obligé d'ajouter, alors qu'il quittait la tente de commandement.
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