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 Des braises du mensonge

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Lazare de MalemortComte
Lazare de Malemort



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MessageSujet: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyMer 15 Juin 2022 - 16:31



Des braises du mensonge | Printemps 1167

L’idée même d’avoir invité la baronne de Malefreux en mon domaine avait quitté mes songes du moment où j’avais fait envoyer cette missive, jusqu’au jour où je recevais une réponse. L’esprit occupé par bien des affaires autour de la préparation de mon prochain voyage à bord de la Manticore, je ne m’étais que peu répandu en rêveries quant à sa visite potentielle. Toutefois, ce fut en ce début de matinée que Clovis gravit les marches tortueuses de ma résidence pour me porter un message non pas sous la forme d’un pli, mais d’un palefrenier venu annoncer l’arrivée de madame. Mon jeune valet de chambre avait pris soin de marquer l’occasion par des atours un peu plus élaborés depuis, anticipant sans doute l’approche de cet instant. Ainsi, je portais le deuil de mon seul instant de repos, troublé par l’inopportune intervention de ce garçon d’écuries nommé Latour, en me levant de mon divan pour m’en aller m’apprêter.

Il ne restait à mes serviteurs que le temps suffisant pour s’en aller faire des emplettes, et faire préparer un repas point trop copieux en cuisines. Non seulement en raison du coût de ces vivres, qui prenait en ampleur jour après jour, mais aussi en raison d’un faste que je n’arborais jamais, préférant mes économies à mon confort personnel et celui de mon estomac bien assez rassasié en l’état. Isméon, mon vieillissant valet de pied quant à lui, à défaut de pouvoir encore effectuer toutes ses tâches, se dévoua à l’achat de quelques victuailles de saison sur les étals de la Hanse. Il était de bon ton d’offrir une volaille tendre et juteuse plutôt qu’un filet de bœuf gras et bourru. Peut-être un chapon, même. En dépit de mon peu de considération pour les arts de la table, je n’en étais pas à ma première réception.

J’optai pour un costume des plus sobres, comme à mon habitude : une cotte de lin enténébrée sur des braies du même ton, bien peu enclin à me départir du deuil ayant accablé cette demeure. En revanche, si ma garde-robe n’était pas à la gaieté de ces jours chauds du printemps, mes appartements n’en étaient pas moins pourvus d’une large gamme de coloris ; drapés pourpres à mes fenêtres, napperons de crochet immaculés, soieries oscillant du cobalt au bleuet, linges de maison arborant tant de l’auréolin que du corail, la majeure partie de ces ornements provenaient d’un pays qu’il ne m’avait jamais été donné de visiter, hors de nos frontières. Et si le bois et la pierre formaient un couple indissociable de nos intérieurs morguestanais, j’y mêlais les notes de cuivre et de fer, les touches de cuir et de fourrures, rendant le tout d’une étrangeté hétéroclite.

Ayant fait mander le chevalier Geoffroi de Guéramé, celui-ci s’enquit de ma requête qui n’était autre que celle d’accompagner la baronne et sa chaperonne de leur hôtel à ma résidence. Les dernières découvertes de cadavres à l’Esplanade faisaient encore peser une lourde chappe d’angoisse sur les hauts quartiers, et il était plus sûr en ces temps troublés d’être accompagné par un homme d’armes. Armuré et bien sûr équipé de son illustre épée, Geoffroi était un homme à des lieues de ma mine patibulaire. Évidemment blanc de peau et dont les prunelles grises affadissaient encore le teint, sa courte et souple crinière blonde en ravivait la lumière, qu’accompagnait une humeur toute en chaleur humaine.

Et tandis que je supervisai les préparatifs de notre repas sous les rais éclatants de l’astre d’or, le chevalier de se présenter aux portes de l’hôtel, faisant savoir sa présence à qui de droit.





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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyMer 15 Juin 2022 - 20:53
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

- Hors de question que j’écrive ceci… c’est trop-… protesta la dame de Malefreux avec lassitude, lèvres pincées sur ses dents serrées, la tension provoquant le léger roulis de ses maxillaires sous ses joues pâles.
- Trop quoi ?! repartit la vieille femme postée à son côté, en portant les mains sur ses larges hanches, et tapant du pied d’agacement.
- Trop familier.
- Par les saintes écailles d’Anür, écrivez au lieu de faire votre forte tête !

Le front pesant contre la paume de sa dextre, ses doigts grattant nerveusement le sommet de son front harcelé de frisottis rebelles, la rémige noire et duveteuse à la pointe luisante d’encre oscillant dans sa senestre, Euryale exhala un soupir sec, pestant en son for intérieur. Près d’elle, guettant par-dessus son épaule l’ébauche d’un paragraphe noirci par la plume réticente de la Baronne, Jehanne s’impatientait. L’ancienne nourrice et désormais gouvernante du vieil hôtel des Malefreux n’avait pas pour habitude de mâcher ses mots, surtout lorsqu’il s’agissait de donner une petite leçon de savoir-vivre à son unique protégée. Ou du moins de lui marteler le crâne des bases du protocole épistolaire. La jeune veuve avait d’abord fomenté l’idée de décliner cette invitation, au grand dam de la replète matrone. Le geste menaçant et le verbe entêté, Jehanne avait remporté cette rude manche, obligeant Euryale à s’incliner.

- A quoi cela va-t-il servir, d’après toi, hm ? Nous allons nous regarder tels deux chiens de faïence, à échanger des politesses et faire des ronds de jambe ? Tout ça pour rétribution d’une malheureuse « bévue » ? Fichtre.
- Euryale, ma fille… soupira la soixantenaire en pressant sa main ronde aux doigts courts et boudinés sur l’épaule de la noble. … je vois là une opportunité pour vous de reprendre votre place au sein d’une société à laquelle vous faites défaut depuis votre retour. Croyez-vous que vivre cloîtrée entre ces vieux murs vous rendra ce que vous avez perdu ? Fangeux ou pas, vous avez un nom, un titre. Vous êtes encore jeune, belle et je suis sûre, encore fertile et les hanches assez larges pour me donner d’autres petits chenapans. Cette masure aux murs branlants a besoin de vie.
- … Pitié, Jehanne… peu me chaut.
- Faites un effort, ma mie. Et je vous épargne les enfants. marmonna Jehanne du bout des lèvres, l’air faussement boudeur, une lueur taquine chatouillant la surface de ses prunelles noisette. Pour l’instant.

Euryale ne fit guère plus de commentaires et obtempéra, poursuivant la rédaction de la missive jusqu’à son terme. Sa gorge s’animant d’une lente déglutition, le cœur s’affolant lourdement contre sa cage thoracique, elle relut la réponse qu’elle dédiait au Comte de Malemort et Malerive, avant d’apposer le paraphe du cachet de cire à l’effigie du ténébreux corvidé, emblème de sa Maison.

- Je maintiens que c’est une erreur.
- Nous en reparlerons, ma Dame.

Se perdant dans un souffle de rire satisfait qui secoua ses épaules et son imposante poitrine, Jehanne attrapa le petit billet qu’elle plia et cacheta avant de s’éclipser, la démarche pesante et chaloupée, pour le remettre à Dante, le garçon d’écurie. Ce dernier reçut pour mission de porter la lettre à l’adresse indiquée.

Les dés étaient jetés.

◈ ◈ ◈ ◈ ◈

Le jour fatidique échut.

Le jeune palefrenier, Dante, s’en était allé porter l’annonce de la visite de Madame de Malefreux à Monsieur de Malemort, puisqu’il en avait été convenu ainsi. Ce fut dans un silence accablé de pensées parasites qu’Euryale se prépara, sous la férule maternelle à la tendresse bourrue de Jehanne. Si elle préserva la toilette enténébrée du deuil, la matrone insista pour qu’elle portât un assortiment de bijoux en argent sertis de jaspe gris. La parure était discrète mais avait l’heur’ d’atténuer la pâleur de son teint de lys, ou de la sublimer selon les caprices des jeux de lumière, les pierres précieuses faisant écho à son regard d’opale. Son indomptable crin, alourdi de boucles versatiles, fut lavé, coiffé, lustré et tiraillé dans tous les sens pour faire éclore sur son crâne un réseau de tresses complexes qu’un voile d’un gris cendré, poudré, celait à peine. Le même cercle d’argent ciselé sur lequel s’ébrouaient les freux emblématiques ceignait son front, retenant ainsi l’ample et longue coiffe. Jehanne paracheva la tenue d’une ceinture de métal martelé dont les croisillons s’épousaient sur le devant du sombre bliaud bordé de galons brodés, et se mêlaient adroitement aux plis souples du tissu velouté.

A peine eut-elle terminé l’échafaudage savant de la toilette de sa Dame toujours réticente que Dante annonça la présence d’un certain chevalier Geoffroy de Guéramé, dépêché pour escorter la Baronne et son chaperon jusqu’au domaine du Comte. L’homme d’armes, à l’allure agréable et au verbe cordial, les accompagna donc jusqu’à cette destination tant redoutée par Euryale.

Et les contreforts de la résidence flottèrent bientôt à l’horizon de son champ de vision. Il n’était plus question de reculer.
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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyJeu 16 Juin 2022 - 2:03



Des braises du mensonge | Printemps 1167

Fenêtres ouvertes en puits de lumière nimbant les salons d’une auréole flavescente, j’appréciais le fait que le mobilier ait été épousseté de ses hannetons moutonneux, chassés dans les plumeaux d’Isméon pour disparaître par delà un balcon. Fauteuils proprement ordonnés, nappes parfaitement alignées, l’on avait ajusté jusqu’aux chandeliers simples à bonne distance de chaque rebord de table. Je n’avais rien à y redire, ce qui parfois manquait cruellement de piment, mais m’épargnait aussi la désagréable tâche de tout repasser au crible. Ne me restait qu’à patienter, guetter telle une gargouille sous son linteau que l’on s’approche des hauts battants de ma demeure. Un portail à hauteur de hanche et une allée de gravillons nivéens les séparaient de la rue principale, devrais-je dire impasse, où mon père avant moi avait décidé de s’installer. Était-ce cet isolement permanent qui nous rendait si ostentatoirement austères, ou y avait-il dans notre sang un gène lugubre nous prédestinant à des vies solitaires ? Je n’avais pas toujours été ainsi, malgré le fait que les mondanités n’aient jamais été ma tasse de thé, il m’arrivait d’être jovial. Faute à une jeunesse filante, peut-être étais-je aujourd’hui désabusé et…

Le crissement notable de pas sur l’allée grenue me tira de mes songes d’un sursaut, replongeant bien trop souvent dans ces transes épaisses et sirupeuses enivrant mes sens jusqu’à ce que le démon ne s’en empare. La concentration était le secret de son contrôle, et j’allais devoir en faire preuve très bientôt. Car en contrebas, l’on frappa à nos portes, et je me devais quitter mon perchoir pour aborder mon rez-de-chaussée.

Baronne Montecler, madame Dufresne, soyez les bienvenues au Domaine du Maerle.

Isméon se présenta en tout premier lieu, tandis que je bifurquai en aval de mes escaliers pour rejoindre le salon principal. Mon valet de pied aux joues émaciées remercia l’assistance du chevalier de Guéramé en mon nom, et invita naturellement Jehanne et sa maîtresse dans le hall afin que Clovis et son mentor les libèrent de leurs effets les plus encombrants. Ce fut au plus jeune de poursuivre les présentations, lorsqu’il s’avança en leur compagnie jusqu’à me rejoindre près d’un salon fait de banquettes rembourrées à la toile bordeaux, dont les accotoirs droits ne se prêtaient pas au prélassement. M’évertuant à ne pas dévisager les deux femmes, je leur présentai une maigre inclinaison du chef.

Monseigneur, la Baronne Montecler de Malefreux et sa compagnie, dame Dufresne, clama Clovis en s’inclinant bien bas quant à lui.
Mesdames. L’heure est à la chaleur, puis-je vous proposer un rafraîchissement ?

Je lorgnai vers mon valet de chambre, parfaitement conscient de la nature de ma proposition, ce dernier se décalant sensiblement pour s’en aller quérir un plateau surplombé de hanaps en cuivre ornés d’éclats précieux, et d’une carafe en verre bariolée…

Installez-vous à votre guise.

Et bien sûr, il me fallait leur montrer l’exemple, alors je m’en allais m’asseoir dans l’angle d’un sofa brodé d’or, le bras droit élancé dans l’axe de l’accoudoir, mes iris féroces s’en allant dévorer l’allure de mes invitées comme autant de prédateurs.





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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyJeu 16 Juin 2022 - 13:32
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

Le trajet se déroula sans la moindre anicroche et dans un mutisme buté que le chevalier de Guéramé respecta jusqu’à ce que les hauts battants de l’austère demeure, tapie dans son impasse, daignent s’ouvrir à leur arrivée. Rapide et efficace, un majordome à la physionomie efflanquée trottina jusqu’à la Baronne et sa vieille gouvernante pour leur souhaiter la bienvenue. Il les attira ensuite vers le hall où, aidé d’un jeune valet, elles furent délivrées du poids de leur mante puis guidées vers le salon où les attendait le maître des lieux. Vêtu de son sombre ramage, Lazare de Malemort dénotait au sein de ce capharnaüm de formes, de matières et de couleurs hétéroclites que la veuve Montecler agressa de la valse frénétique de ses prunelles inquisitrices, où la curiosité avait la part belle.

- Monsieur le Comte. salua Euryale en écho, cessant son tour d’horizon impatient pour exécuter une révérence gracieuse, qu’elle honora à la perfection, sa cheville désormais allégée de toute entrave douloureuse. Volontiers.

La replète et pétillante Jehanne Dufresne s’inclina à son tour, la guimpe de drap blanc qui recouvrait l’entièreté de sa tête pour ne laisser libre que son visage aux joues rondes oscillant légèrement. Elle avait l’œil rond, brun, facétieux, sous des sourcils épais teintés de poivre et sel à la mobilité expressive ; la bouche gourmande, faussement boudeuse, et des pommettes vallonnées d’écarlate. Un bref coup d’œil harcelant la physionomie massive du Comte, dont le faciès cuivré suintait l’exotisme de ses racines étrangères, Jehanne s’immobilisa, l’air surpris. Elle chercha le regard de la Baronne, mais cette dernière s’évadait déjà, dans un froufroutement de tissu aussi suave que discret, vers l’une des banquettes à la teinte lie de vin. Euryale, acculée dans un coin de la confortable assise, se tenait droite, opposant le profil de son minois aux traits fins, laiteux, pétri d’une expression attentive, à celui de Lazare dont les prunelles smaragdines, aux luisances acérées, semblaient les scalper toutes deux d’un intérêt chirurgical. Ses doigts fins effleurèrent, d’un mouvement de gêne mécanique, le collier d’argent qui scintillait à son cou et dont le trio de larmes de jaspe gris gouttait mollement entre ses clavicules à peine révélées par le col ovale de son bliaud. Un tortillon de jais indiscipliné avait réussi la manœuvre audacieuse de s’échapper, et agaçait les arrières du lobe de son oreille gauche.

- Vous avez là une bien belle demeure, monsieur. Atypique, oserais-je avancer. Sont-ce là des objets collectés lors de vos voyages ? interrogea-t-elle, visiblement intriguée par l’originalité de certains d’entre eux, que ce fut par leur forme, leur insolite enjolivure ou par leur jeu de couleurs inhabituel.

Jehanne eut une moue critique, son regard bistre suivant le trajet emprunté par celui de sa maîtresse, et arbitrant par elle-même ce qui avait ainsi attisé cet intérêt culturel. Sans doute le jugeait-elle fort peu à-propos, selon ses propres critères.

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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyJeu 16 Juin 2022 - 14:42



Des braises du mensonge | Printemps 1167

La Dufresne, condamnée à l’expression peu discrète de ses atermoiements, fut la cible d’une majeure partie des javelots assassins que je pouvais malgré moi projeter. Sa façon peu singulière d’afficher sa surprise, peut-être même sa consternation ou son incompréhension dans l’œillade qu’elle jetait aussitôt à sa dame, n’avait heureusement plus rien de vexant. Néanmoins, il était pour le moins malpoli de s’y atteler sous mon nez ; peut-être étais-je un brin trop observateur aussi. Clovis, dont le crin mi-long était admirablement jeté en arrière de ses oreilles, s’approcha afin de glisser un hanap d’eau fraîche sur chacun de nos guéridons d’acajou, aux gravures soulignées de feuilles d’or. Il était de bon goût de ne pas remercier ses serviteurs, destinés à répondre à nos moindres caprices de sangs-bleus car les Trois nous avaient naturellement placés au sommet de cette pyramide. Toutefois, je ne pouvais me résoudre à cette hauteur méprisable lorsque moi-même j’avais tant de fois dépendu du talent de mes subordonnés. Ainsi, j’adressai un signe de tête appuyé au jeune homme qui n’en fit rien, et s’en retourna aux cuisines afin de parachever le déjeuner dont on ne pouvait encore humer les fragrances.

J’aurais aimé l’admettre, et vous conter moult voyages qu’il m’eut été donné de faire hors de nos frontières parmi les territoires sauvages de l’Orient, cependant je ne puis m’en vanter. Ce mobilier provient de la dot de mon aïeule étrangère. Et cet endroit se voulait en être le dépôt.

J’assénai un couperet sur le romantisme exotique de cette bâtisse, qui était fort à mon image. D’aucuns prétendraient que j’y aurais une place de choix comme entité insolite, et je soupçonnais la Dufresne de ne pas moins en penser. Mes doigts calleux refermèrent leur étau froid sur les rebords abrupts de ma coupe, la soulevant sans daigner la délester d’une lampée. D’un regard sur ma gauche, je rencontrais la silhouette d’une lampe à huile en bronze dont le long bec évasé en son bout pouvait accueillir une flamme, et dont la forme sensuelle trahissait l’héritage allochtone. Disposée sur l’étagère d’une bibliothèque en bois de merisier, d’autres babioles s’y confrontent, de tous âges et de toutes origines.

S’il vous plairait d’en inspecter les curiosités, surtout, faites. Il s’agirait presque d’un musée de reliquats d’une civilisation aujourd’hui éteinte. Je ne saurais pas même vous renseigner sur leur usage.

Je me redressai pour contourner le siège satiné brodé de symboles répétitifs en une mosaïque dorée, m’approchant de ces étagères hétéroclites pour en sélectionner un ; un moulin à prières dont je ne savais rien, ni la provenance, ni même l’âge. Son manche en bois s’était creusé de sillons secs sous les affres du temps, et l’or de sa tête était rendu mystérieux de par ses gravures affadies et déformées ; il semblait en manquer une pièce, car un anneau formait une saillie étrange sur la courbe du cylindre.

Le moulin à prière ressemble à...:




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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyJeu 16 Juin 2022 - 16:58
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

La gorge asséchée et la langue quelque peu engourdie par l’appréhension que cette invitation inattendue avait engendrée, Euryale accueillit le service de ce hanap d’eau fraîche avec un soulagement non feint. Attrapant la coupe dorée d’un mouvement aérien pour la porter à ses lèvres, elle en but une longue gorgée, les paupières à-demi closes, avant de la reposer sur le guéridon. L’interlude culturel tomba à point nommé et sembla une échappatoire convenable aux tourments stressés de la veuve Montecler qui élucubrait encore sur les raisons de sa présence en ce lieu. Lorsque le Comte de Malemort se leva pour s’échapper vers une bibliothèque au bois riche et lustré dont l’une des étagères était alourdie de toute une collection d’objets étonnants, la noble l’imita. Et si elle sentit la traction manifeste des doigts de la vieille Jehanne sur l’un des pans de sa robe, elle n’en montra rien, ignorant bellement les œillades défiantes et les tics brouillons de cette dernière. D’ailleurs, la gouvernante quitta son siège à son tour pour coller sa Dame telle une louve veillant sur son petit, tout en faisant mine de s’intéresser à ces frivolités aux origines impies.

- Voilà qui est-… peu banal, monsieur. Qu’est-ce donc ? s’enquit Euryale, en s’approchant de l’homme à pas mesurés, tout en respectant une distanciation sociale de circonstance entre eux. Au premier abord, l’on pourrait confondre cet objet avec un petit maillet, ce que je doute fort qu’il soit. Une toupie peut-être ? J’ai l’impression que l’extrémité tourne, non ?

De croisées, ses mains se dénouèrent pour mimer une rotation. L’œil opalin vibrait de curiosité et d’un émerveillement quelque peu enfantin. Face à cette farandole de babioles au passé intouchable, mystérieux, la jeune femme à l’imagination fertile se surprit soudain à inventer dans l’intimité de ses songes, et dans l’intervalle des silences qui ponctuaient leur échange, des histoires où le romantisme tragique avait le premier rôle. Et ce faisant, elle cadenassa ce sentiment négatif, gênant, qu’avait provoqué leur première rencontre dans un coin reculé de sa mémoire : la fameuse « bévue » du Comte. A cette pensée, elle s’ébroua d’un imperceptible affaissement d’épaules qu’elle corrigea dans le même élan.
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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyJeu 16 Juin 2022 - 18:39



Des braises du mensonge | Printemps 1167

Ma coupe d’eau encore intacte pris son envol jusqu’à remplacer ce moulin sur les étagères propres et nettes de cette vitrine à antiquités. De l’index, je m’en allai presser l’anneau esseulé pour démontrer à mon invitée et sa désormais peu supportable compagnie qu’en effet, le cylindre s’animait d’une rotation un brin rouillée. Dans le même temps, le roulement de gravillons ou de billes émana des orifices irréguliers du corps métallique dont la sonorité creuse en devenait presque mystique, à quelques égards semblables à une chute aqueuse de gravas au sein d’une caverne lointaine.

J’eus supposé, étant enfant, qu’il s’agissait d’un instrument de musique, mais je n’en ai plus la moindre certitude.

D’autres bibelots s’alignent pareils à de petits soldats au garde-à-vous sur le front d’une guerre antique. Encriers en marbre au saupoudreur en or, peignes a priori creusés dans l’ossature d’un animal d’antan, cernoirs en bronze patinés par l’âge, pions à jouer en ivoire sans leurs pairs, serpettes attaquées par l’oxydation des derniers siècles, tout était bon à être exposé. Parfois même destinés uniquement à cet usage, beaucoup semblèrent malgré tout avoir vécu une longue existence chaotique. D’un mouvement lent et tout-à-fait apte à être anticipé, j’offris ledit moulin à l’expertise et la curiosité de la baronne se situant à quelques pas de moi, à une distance parfaitement raisonnable. Et mes doigts libres s’en allèrent cueillir mon hanap tel un fruit défendu. Derrière moi se situaient encore d’autres vitrines, commodes et secrétaires dans la continuité de la pièce, ainsi qu’un divan au pardessus de soie teinte charron orienté vers les jardins publics affrontant la façade de ma résidence. Puis, à l’opposé de mes recherches archéologiques, une voûte gothique crevant le mur opposé se prêtait à l’exploration de la salle à manger où un cadre malmené trônait en hauteur. Un portrait de famille que le démon a cru bon de déchirer d’un coup de coupe-papier en plein cœur.

La rumeur martelée de pas fendant ladite salle à manger se confirma lorsque Clovis se présenta à notre petit attroupement, et s’inclina avant toute annonce.

Monseigneur, madame la Baronne, madame Dufresne, le déjeuner est fin prêt, et vous êtes conviés à table.

Je remerciai le ciel et ses émissaires de m’épargner de trop longues mondanités, mauvais à l’exercice et trop paresseux pour ce faire. Le jeune homme à mon service et à l’apparat sans erreur s’en vint débarrasser les mains de la baronne de Malefreux lorsque nécessité fit foi, pour tous nous mener autour d’une table brute et sans napperon. Sans le réaliser de prime abord, les ornements creusés à même le bois sombre et terne du meuble étaient un motif typique du duché nordique d’Hendoire. Et les circonstances de cette acquisition ne furent pas nécessairement des plus joyeuses. Je m’installai, insouciant, en pointe de table, tandis que l’on tirait la chaise de la Montecler à l’opposé. Sa dame prit place dans un second temps à ses côtés, me séparant d’elle de trois places seulement, ce salon n’étant pas voué à recevoir des dizaines de convives.

Je ne sais quels délices mes cuisiniers ont su nous préparer, mais je gage qu’ils conviendront à tous les goûts, annonçai-je banalement.

L’on avait débarrassé les vases et brimborions pour ouvrir la vue, et ne pas me dissimuler au regard de mon invitée, pas plus qu’elle ne pouvait désormais se dérober au mien. C’est alors que le jeune homme nous proposa un vin rouge du vignoble de ma chère Vassignac, mais que je refusai au profit d’un vin blanc plus à mon goût.

Je n’avais guère eu vent de votre retour en Morguestanc, peut-être me suis-je enfermé trop longtemps entre ces murs ?


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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyJeu 16 Juin 2022 - 21:50
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

L’étrange cylindre rotatif désormais entre ses mains, Euryale le fit tourner lentement. Le regard étréci, réduit à deux fentes, croquait chaque centimètre, ses ongles grattant avec soin ses fragiles aspérités, sinuant sur les étranges idiomes gravés dont elle ne put déchiffrer le sens. Une moue perplexe froissant ses lippes, elle reposa cette intrigante curiosité à l’emplacement qu’elle devina selon l’agencement harmonieux des babioles voisines. A son côté, la Dufresne, dont la tête enturbannée dans sa guimpe affleurait à peine l’épaule de sa Dame, observait les manières du Comte d’un regard par en-dessous. La Baronne se perdit dans un de ses silences distraits, les paupières batifolant au rythme désaccordé des pensées qui, sans doute, caracolaient sous son front penché. Elle semblait quelque peu décontenancée, comme si quelque chose, dans l’allure insolite de ce personnage hors du commun, l’avait interpelée. S’extirpant de cet antre songeur, elle se grima d’un rictus en coin qui creusa sa joue d’une étroite fossette, et s’attarda alors sur le reste du décorum.

Et il fut temps de migrer vers la salle à manger. Installée en vis-à-vis du maître des lieux, Jehanne à sa droite, Euryale déclina en écho le vin rubis qui lui fut présenté, optant pour celui qui avait eu l’heur’ de plaire au Colosse basané. La gouvernante, par goût ou par souci de contradiction, choisit le vin des chais de Vassignac.

- Si tel est le cas, monsieur, nous sommes donc deux. émit-elle de sa voix aux douces éraflures, en lui opposant le trait franc de son pâle regard, juché dans l’ombre de ce voile d’un gris velouté qui ne cessait de frémir, telle l’onde sereine d’un ruisseau, à chaque mouvement de son front. L’hésitation se fit sentir quant à la réponse qui tarda à poindre sur son supposé retour inaperçu. Feu-… mon époux et moi-même étions sur le Firmament. Elle se tut, laissant flotter des notes de silence, afin que l’information fasse sens dans l’esprit de son interlocuteur. L’épuisement, la fièvre, et une forme de-… hm, langueur, m’ont tenue clouée au lit pendant près d’un mois.
- Madame sort peu, monsieur le Comte. intervint la gouvernante, pensant bien faire en vantant le caractère sérieux et pieux de sa Dame, nez et index levés en un mouvement solennel. Mais à chaque fois que Madame sort, elle consacre tout son temps en prières ferventes à notre sainte Trini-…
- Madame Dufresne. la coupa Euryale, sa senestre se crispant sur le bord de la table.

Elle dissimula sa gêne, et ce mensonge, cette offense aux dieux qui ne regardait qu’elle, en attrapant la proche serviette qu’elle déplia pour en couvrir ses genoux. La gouvernante retroussa ses épaisses babines en une expression abêtie, un haussement innocent secouant ses épaules trapues. Un mutisme troublé étreignit la jeune Baronne, mutisme auquel elle ne parvint pas à échapper. Evoquer la tragique expérience de cette fuite maritime attisait d’autres souvenirs aussi sinistres, et pesait encore lourdement sur son cœur et son âme.

- Veuillez me pardonner, monsieur. Je disais donc-… Un bref coup d’œil de mise en garde destiné à Jehanne, et elle poursuivit. … Je ne suis rentrée du Duché d’Hendoire que depuis quelques mois.
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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyVen 17 Juin 2022 - 1:39



Des braises du mensonge | Printemps 1167

Les hanaps humaient bon l’astringence et l’âpreté, si bien que je m’emparai de leur corps cuivré du bout des doigts pour hisser la coupe sans trop d’effort. Une petite joute se jouait entre la Baronne et sa compagnie, lorsque cette première cherchait à justifier sa désertion des rues de Marbrume au rythme de quelques hésitations me ramenant à notre rencontre fortuite quelques jours plus tôt. C’est donc à bord du Firmament, ce majestueux – du moins le devinais-je aux débris échoués de sa carcasse – bâtiment en provenance du duché d’Hendoire que la brune Opale avait tenté de rejoindre nos côtes. Au regard des cadavres repêchés sur nos littoraux les plus sûrs, et les Trois les savent rares, le naufrage nous eut à tous semblé d’une violence inouïe. Et qui de mieux qu’un marin de mon cru pour comprendre l’ire des flots, la rage des abysses, et la puissance incontestée des forces de la Nature. Je n’interrompis pas sa maigre réponse au risque de l’affamer un peu plus, fustigeant toutefois l’intervention de la Dufresne dont la coupure semblait attiser les remontrances de sa maîtresse. Et plutôt que de rejeter l’excuse – qui n’avait guère lieu d’être – de la Montecler, je portai plutôt un toast.

Madame, à votre retour parmi les vôtres, aussi chaotique et funeste fut le voyage, votre présence hui tient d’une chance… divine.

Peut-être mon sarcasme à l’égard de la dame de compagnie n’était pas des plus discrets, jetant cette fausse reprise de volée comme un aiguillon à bétail à son encontre. Ma foi était pourtant une entité importante de mes semaines, il était rare que je ne m’abandonne pas sur les bancs du Temple lorsque je me trouvais en ville. Quant à Hendoire… Ces terres septentrionales dont je me souvenais le vent mordant et les pins amantelés de neiges éternelles n’avaient jamais été des plus accueillantes à mon égard. Eussé-je seulement la naïveté de me croire plus acceptable en m’éloignant du pôle austral ? L’accueil y avait été glacial, et je n’en retins pas les plus agréables ressouvenances. Il était bien des années qu’elle semblait y avoir vécu, si j’en croyais les témoignages de feu Sance Montecler que je n’avais commencé à côtoyer qu’au départ de son aînée des années auparavant.

Je m’abreuvai d’une lampée sure. L’on apporta dans un premier temps les entrées froides afin d’apporter un peu de fraîcheur aux palais échaudés par les démonstrations d’autorité et de cynisme. Ainsi, une salade de hareng fumé, pommes de terre et oignons se présentait à table et Clovis veillait à nous servir par ordre hiérarchique comme de coutume. La part n’était pas copieuse, afin de laisser suffisamment de place pour le mets principal.

Afin d’en venir au sujet de mon invitation, je vous prie dans un premier temps d’excuser la teneur des propos que je tiendrai sous peu. Je les sais inappropriés et de peu de convenance autour d’une table.

Amorçai-je. Bien que cela puisse jeter un voile terne sur l’atmosphère, il ne pouvait m’être reproché de les amener indélicatement et sans tirer la sonnette d’alarme. Je me moquais habituellement du carcan des convenances au sein de ma propre demeure, ce que je m’engageais déjà à respecter à contrecœur hors de mes murs. Qui plus est, le sujet en question se voulait d’une gravité toute particulière, et d’un intérêt politique qui ne pouvait que m’être favorable. Je ne pouvais m’empêcher toutefois de guetter une relative défiance dans les aigues-marines corollées d’anthracite, qui saurait soit me faire taire, soit souffler sur les braises du mensonge ducal. L’avis de la gouvernante ne m’importait pas le moins du monde, quoi que je puisse me méfier de ses vilaines oreilles.

Me trouvant parmi les derniers témoins de l’affaire ayant dérobé votre lignage et vos gens, je serais curieux de connaître l’étendue de vos informations quant aux circonstances de cette tragédie.

Abrupt ? Assurément. Il m’était insupportable de tourner autour du pot tel un chien indécis à l’idée de se soulager au pied d’un pont ou sur la jambe d’un mendiant. Cela ne faisait qu’ouvrir mon appétit, piochant d’ores et déjà la chair tendre du hareng fumé sur une cuillère d’argenterie. Et mes pupilles acérées dans leur mantel smaragdin de fendre la pièce pour cueillir les tics nerveux et sentiments inconfortables de la Baronne.


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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyVen 17 Juin 2022 - 10:12
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

Au-delà de son allure de créature éthérée, vulnérable, dont la carnation de lys et de rose tranchait avec le sombre cuivre de son vis-à-vis, le regard d’Euryale, affilé et tranchant comme le serait un surin, pouvait transmettre tout un kaléidoscope d’émotions, aussi contradictoires fussent-elle en l’espace d’une poignée de secondes. D’un soupir fébrile. Rancune et haine vibrèrent à la surface de ces opalescentes billes criblées d’éclats noirs, provoquant la dilatation de ses pupilles, aussi ténébreuses qu’un puits sans fond ; quand bien même cette haine était-elle dirigée contre les trois souverains de ces cieux impassibles, ou contre la fatalité, cruelle, qui s’était abattue sur elle à des étapes charnières de son existence : l’outrage fait à sa pudeur, à son innocence, dans les jardins du palais royal ; la perte prématurée de son petit garçon ; la Fange ; la mort violente et tragique de son lignage ; la fuite d’Hendoire ; le trépas de son époux. Tout cela avait contribué à faire d’elle ce qu’elle était à ce jour : elle était plus forte, et plus dure, que ce qu’affectaient ces atours en clair-obscur qui la travestissaient en biche effarouchée.

A l’imitation de l’exotique Comte, la veuve Montecler attrapa la délicate anse de son hanap et l’éleva, se joignant au toast porté par icelui.

- Monsieur, au-… miracle de ce retour.

La mâchoire contractée, le bord de son hanap en suspens devant ses lèvres à l’esquisse pincée, la tête légèrement penchée de côté, Euryale coula un regard appuyé à sa gouvernante ; un regard qui ne souffrirait aucune rebuffade de sa part. Elle avait implicitement buté sur le caractère miraculeux de son retour, la vieille matrone n’étant guère ignorante du caractère peu dévot, et du raisonnement revanchard de sa Dame. Dans un silence aux effluves vexés, Jehanne offrit sa contribution en levant sa coupe à son tour. Et de goûter, l’une le vin blanc, l’autre le vermeil. Sur ces entrefaites les premiers pas de danse d’un service impeccable brisèrent cet intermède gênant, et avec eux, les balbutiements d’un sujet de conversation que négocia Lazare de Malemort, et qui semblait être la raison principale, si ce n’était l’unique, de cette invitation impromptue. Cet abordage sans équivoque avait un caractère quelque peu fruste, et seyait parfaitement à l’allure heurtée de leur hôte, dont le faciès brun, aux lignes escarpées, aux expressions âpres, et qu’Euryale devinait rompu à bien des vicissitudes, harcelait son champ de vision.

- Les circonstances ? répéta-t-elle dans un jeu frénétique de ses longs cils de jais. Eh bien, monsieur-… Elle dédia l’expression étonnée de ses claires prunelles à Jehanne, comme pour la prendre à témoin de sa réponse, avant de reporter une attention soutenue, presque avide, à l’homme qui siégeait, souverain et implacable, devant elle. … Les Fangeux ont surgi en pleine nuit, ont-… envahi le domaine, la scierie, et-… ni mon père ni ma mère ni nos gens n’ont pu en réchapper. Ils ont tenté de fuir mais cette engeance ne leur a laissé aucune échappatoire.

Son front se plissa, et s’ébranla d’un bref hochement à l’encontre du Comte, sa bouche s’entrouvrant sur un rictus interrogateur. Sa senestre se libéra du poids du hanap, ses doigts s’ouvrant vers l’homme comme pour l’inviter à poursuivre un propos dont elle ne saisissait visiblement pas la teneur… et l’ampleur.

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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyVen 17 Juin 2022 - 11:50



Des braises du mensonge | Printemps 1167

Voyez, madame…

Mes inflexions rustres, rauques, rogommeuses non pas d’alcool mais d’amertume, s’épanchaient entre mes lèvres aux luisances de vinasse. La dissimulation outrancière de cet évènement qui avait tant fait parler de lui était une insulte à la mémoire de nos proches, de nos défunts, de nos aimés. Mon sang bouillonnait sous ma peau d’airain, et si je froissais la serviette qui m’avait été distribuée, je ne m’en rendis compte qu’une fois conscient de la douleur de mes phalanges apâlies. Afin d’apaiser le feu qui me consuma aussitôt la réponse donnée, ce que je n’attribuais bien sûr qu’à l’odieux baratin dont on avait nourri la veuve Montecler, j’interrompis mes palabres pour une bouchée de pomme de terre froide dont l’oignon ravivait le goût. Plus de deux ans s’étaient déjà égrenés depuis ce carnage, pourtant, cette mention avait encore le don de faire couler une sueur froide le long de mon échine, et des picotis acides affleurant ma gorge. Sans même qu’un tiers ne me le fasse remarquer, je percevais la crispation de mes traits burinés, la saillance de mes mâchoires carrées, la dureté de ma mire assombrie. Il m’était presque ardu de mordre la chair farineuse de ma salade de féculents, tant mes dents retenaient les mots crus qui s’évertuaient à en frapper l’émail comme autant de prisonniers désireux de quitter leur cauchemardesque prison.

…S’il est une chose que l’on nous inculque, enfants, c’est bien celle de ne jamais affabuler et d’admettre, honnêtement, les torts qui nous sont reprochés…

Une honnêteté certes discutable lorsqu’il s’agit d’intrigue politique et de coucheries adultérines, mais qui se veut contrebalancer le péché d’orgueil ayant conduit à ces cruelles exactions. S’il était un homme capable d’admettre sa faute, aussi macabre soit-elle, capable d’endosser la responsabilité de cet acte indicible, le Duc de Sylvrur n’en avait ni la carrure ni le courage. Et assurément point le titre qu’il se donne aujourd’hui, roi d’un peuple perdu et enclavé dans sa crasse jusqu’à l’extinction prochaine. L’idée même qu’au-delà du massacre, l’on omette effrontément la réalité des corps déchiquetés à nos portes auprès de qui est, par le sang et l’âme, lié à eux attisait ma soif de vengeance. Une gorgée de vin s’ajouta à mes mesures méditatives, fustigeant d’un regard de biais les crevasses naturelles du bois où je m’appuyais. Le hanap abaissé et vaincu sur la table brute, mes poignes agrippaient les rebords anguleux du mobilier comme pour me fournir un support au plongeon que je m’apprêtais à faire dans les méandres crasseux de cette affaire.

…Et pour avoir été témoin de l’horreur ayant déferlé sur les vôtres, je puis vous assurer que l’on vous a insolemment menti.

J’adressai aussitôt une œillade scrutatrice à l’attention de la dame de compagnie, en captation d’une once de culpabilité ou bien de surprise, n’étant guère conscient de ce que la Dufresne savait, et de son éventuelle participation à cette supercherie éhontée. Si elle-même ne provenait pas d’Hendoire, elle se devait sans doute connaître la vérité sur ce qui condamna Cyras de Sarosse et les siens. Et par instinct de protection, aurait tenté de couver sa maîtresse de la noirceur de ce monde.



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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyVen 17 Juin 2022 - 15:08
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

A mesure que les mots franchissaient la frontière hérissée de poils drus de la bouche carnassière du Comte, la senestre d’Euryale se recroquevillait, battant mollement en retraite pour chuter près des couverts et de l’assiette au fumet iodé qu’elle n’avait pas encore touchée. Ses doigts glissèrent, s’effacèrent pour aller quérir le bord de la table, se crispant ; ses ongles percutèrent la surface du bois patiné pour n’y laisser que de vagues cicatrices en demi-lune. L’information heurtait son ouïe, traçant son chemin jusqu’à sa conscience. Euryale accusa le coup de cette diatribe aux accents lugubres que proférait leur hôte. Qu’insinuait-il ? Que signifiait ce sous-entendu sur l’éventualité qu’on lui ait celé la vérité sur les circonstances qui avaient entraîné la mort ignominieuse de ses parents, de leurs serviteurs, de leurs soldats ; et la disparition de ce fief dont était si fier feu Sance de Malefreux ? Et ce coup d’œil acéré, vindicatif, accusateur, lancé tel un javelot vengeur sur le faciès… blême de Jehanne.

- Madame Dufresne… ?! interrogea Euryale en observant le visage poupin de son ancienne nourrice se muer en un masque livide, une perle de sueur fuguant le long de sa tempe. … Jehanne ?

Ladite Jehanne ne pipait mot. La replète gouvernante demeurait figée, comme changée en statue de sel par le seul pouvoir, redoutable et impie, de ces prunelles smaragdines crochetées à elle. Il était évident qu’elle ne s’était guère attendue à ce qu’un tel sujet fut abordé. L’air ébranlé, épaules affaissées et tête basse, elle n’en menait pas large, tout en soutenant malgré tout le regard inquisiteur, assassin, du Comte. Ses lippes rondes frémissaient au-dessus de son épais menton tremblant.

- Jehanne ! insista Euryale, l’angoisse tiraillant son cœur de tous côtés et écrasant sa cage thoracique d’un poids subit, étouffant.

Quelque chose clochait dans l’attitude bouleversée de la vieille femme dont les sourcils poivre et sel tressautaient d’indécision.

- Je-… Je ne-… bégaya cette dernière en osant enfin braver le regard écarquillé de peur et d’incompréhension de sa Dame.
- Tu quoi ? reprit la Baronne, mâchant chaque syllabe entre ses dents serrées.
- Par la sainte Trinité, je n’avais pas l’intention de vous cacher quoi que ce soit ! Les Dieux m’en soient témoins ! couina-t-elle, telle une petite souris prise au piège, dans un débit accéléré de paroles, mains croisées sur sa poitrine généreuse en une attitude d’orante. Mais-… ! Vous étiez déjà si éprouvée par toute cette succession de malheurs, la perte du petit Ariste, celle de votre époux… et vous étiez dans un état si vulnérable, mon enfant, que-…
- Il suffit. Il n’y a pas de ‘mon enfant’ qui tienne. siffla Euryale sur un ton toujours aussi lent, bas, la tension enivrant la surface de ses iris opalins qui vacillaient d’une lueur coléreuse. De quoi s’agit-il ?

Son buste s’était légèrement penché en avant, tandis qu’elle coupait tout lien visuel avec la vieille femme qui hoquetait d’un dur sanglot, pour diriger toute son attention vers le Comte.

- De quoi s’agit-il, monsieur ?

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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyVen 17 Juin 2022 - 16:04



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Ainsi, mon intuition avait été la bonne. À mesure d’aveux en demi-teinte, j’aurais pu témoigner de la lividité morbide dont se parait le teint de la gouvernante, ses couleurs fondant comme neige au soleil pour se glisser sous sa taille. L’œil turbulent sous ses cils frénétiques, son menton anobli d’un repli de peau à mesure qu’il s’affaissait, contristant ses épaules jusqu’à pouvoir se faufiler dans un trou de souris, sa fierté se délitait sous le flot acrimonieux de mes accusations, érodée. Si la Baronne de Malefreux ne réhaussa pas le ton, elle le durcit si sûrement qu’un picotement effleura mon avant-bras, un frémissement presque coupable ; car je me doutais avoir semé la graine de la discorde dans un terreau fertile et encore frais d’avoir été tant bêché par les évènements. Elle insista, ses écus d’argent dans leur cerceau d’ardoise projetant autant de lances et d’éclairs qu’une bataille sous un orage déferlant n’aurait pu en compter. Et ce vecteur du mensonge accablé par les demandes implicites de sa maîtresse de me tenir tête d’un regard tiraillé entre la terreur pour ce qui adviendrait d’elle près les révélations que je ferai, et l’hostilité à mon égard d’avoir dévoilé sa bêtise.

Je n’intervins pas. Du moins, pas encore. Cette fois, devant l’inertie de la dame de compagnie estimant que ne pas mouvoir la protègerait des assauts de la Baronne, cette dernière s’exprima plus clairement encore, plus familièrement même. À tel point que Clovis, dans un recoin de la coursive menant des cuisines à la salle à manger, s’approcha de moi pour se pencher sur mon épaule tel un diablotin susurrant ses mauvais conseils. Plutôt que des conseils toutefois, c’est une question qui franchit ses lippes. Devait-on poursuivre le service, intervenir peut-être, jeter la malotrue hors de la résidence ? De toute cela, je ne faisais que lever le chef brièvement afin de lui signifier de ne pas interrompre ces confidences encore trop secrètes. Le jeune homme acquiesça, et se retira sans un mot de plus, discret comme à son habitude à tel point que je ne percevais pas même ses pas. Les balbutiements de la dame se confondirent entre excuses et prétextes, bien qu’il me frappa une information capitale : non seulement le mari de la Montecler avait cédé aux caprices du Firmament, mais cet “Ariste” que je devinais être un enfant, avait également perdu la vie dans d’autres circonstances peut-être…

Et la tranchante dame aux atours sable et argent de réclamer la vérité. Toute la vérité. D’un essai, elle voulut soutirer dans un premier temps un aveu de son amie, dont les larmes cristallines roulaient pour s’écraser sur sa serviette immaculée. Il n’y avait guère grand chose à faire d’elle, dans cet état de misère. Alors ce fut sur moi que la Baronne jeta son dévolu, les pupilles presqu’anéanties par sa quête de vérité lorsqu’elles se confrontèrent aux miennes, placides dans leurs lacs de sinople. Je pris un instant pour rassembler mes songes et ne pas abuser de ma rudesse, quittant la table pour assurer le flux de ma respiration de quelques pas fomentés derrière mon siège. J’y apposai mes paumes, toisant sans condescendance aucune la veuve.

Comme je vous l’avouai, feu votre père et moi-même côtoyions les mêmes cercles. C’est en la compagnie de nos amis mutuels que votre lignage et ses gens ont quitté leurs terres compromises. Tous furent accueillis par des portes qui demeurèrent closes sous l’ordre de Son Altesse Sigfroi de Sylvrur. C’est au pied de nos remparts que tous furent balayés par la Fange, non point sur leurs domaines respectifs.

Il me fallait m’arracher la gorge pour admettre le titre autoproclamé d’un despote illégitime. En présence toutefois d’une femme trahie, je m’assurai de ne pas exprimer mes sentiments les plus profonds. Aussi, il me fallait user d’euphémismes, bien que je me souvins les flèches hasardeuses que les miliciens sur leur chemin de ronde jetaient dans la cohue de bêtes et de victimes…



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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyVen 17 Juin 2022 - 20:40
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

Portes closes… Ordre de Son Altesse… Au pied des remparts… Balayés… La Fange…

Les mots claquaient tels des fanions lugubres à ses oreilles ; virevoltaient, bataillaient sous son front bombé, dressé, vers le sombre Conteur. Ce dernier s’était levé pour s’ériger derrière son siège, dont il enserrait le faîte du dossier de ses paumes calleuses, à la manière d’un capitaine se tenant à la barre du navire qu’il guidait. Et les fils de cette cruelle histoire que Lazare de Malemort décousait devant son regard incrédule n’était pas de celles que l’on narrait au coin du feu. Les mots qu’il semait, tel un impitoyable orateur, portait les germes du mensonge, de la trahison, de la vengeance. Au rythme acertainé de cette vérité qu’il assenait, Euryale créait et enfermait dans les rets de son imagination fertile des scènes d’un réalisme angoissant, entêtant… et sa pièce de théâtre émergeait alors, toute entière, pour s’achever dans le sang, les larmes, et les cris. Et chaque protagoniste évoluait, jouant son propre rôle : qui de son père, qui de sa mère, qui de tous ces gens, serviteurs, gardes, métayers… des visages d’hommes et de femmes qu’elle avait connus, appréciés et-… ils avaient péri sur l’autel du despotisme d’un régent autoproclamé.

Comment avait-elle pu être si aveugle, si sourde, à ce qui se tramait autour d’elle ? Si indifférente à cette toile de menteries qu’avait patiemment tissée Jehanne ? Et pour quoi ? Pour la protéger, la préserver ? De qui, de quoi ? A quoi cela aurait-il servi puisqu’ils étaient tous morts ? Une souffrance supplémentaire n’aurait rien changé à cet état de coquille vide dans lequel elle végétait depuis la mort de son fils unique. De son petit ange. Ariste.

Un frisson, violent, l’ébroua. Les derniers échos de la rugueuse tessiture du Comte s’étiolèrent et moururent contre le pavillon échauffé de son oreille, tandis que les sanglots de la vieille gouvernante lacéraient le silence pesant qui s’était installé entre eux tous. D’un seul mouvement, Euryale se leva soudain, comme si un ressort l’avait expulsée de sa chaise. Le corps tendu tel un arc près de rompre, elle ne pouvait s’empêcher de fixer leur hôte, tant détenteur de la sinistre vérité que déclencheur de cette vague d’émotions qui montait en elle, menaçant de la submerger. Or luttait-elle si fort contre ce dangereux raz-de-marée qu’elle en tremblait de tous ses membres, si blême à en faire peur. Blême de rage, de déception, de colère, de peur, de dégoût… de lassitude. Tout un branle-bas d’émois défilait à la surface de ses iris d’opale, ces derniers harcelés d’une humidité vitreuse qui tournoyait dans l’écrin de ses cils de ténèbres sans jamais oser en assaillir la barrière. Ses joues restaient obstinément sèches, contrairement à celles de Jehanne qui subissaient les fontaines de son apitoiement.

- Je-… vois… ânonna-t-elle d’une voix blanche, incapable de renchérir sur cette donne divulguée, son petit poing gauche, fermé, posé contre le rebord de bois massif de la table, lui servant de soutien précaire. Et-… maintenant ?

Était-ce là un appel à l’aide, ou la simple conclusion qu’elle apportait à ce repas qu’avait initié cet oiseau de mauvais augure ?
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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge EmptyDim 19 Juin 2022 - 0:54



Des braises du mensonge | Printemps 1167

La rumeur grinçante d’une chaise rudement repoussée fit blanchir – autant que faire se peut – mes phalanges alors que je resserrais l’étau de ma poigne sur les ornements striés du bois de mon siège, scrutant les réactions vivaces et pourtant discrètes de la veuve bouleversée. Il était impossible pour moi de comprendre ces sentiments divers, contradictoires, douloureux mais peut-être salvateurs, car il se devait y avoir une forme de soupçon, un instinct animal qui avait dû la mettre sur la voie. Ou peut-être pas. Avoir été témoin des hurlements et visages torturés me nia ce droit autrefois, celui de ne pas accepter cette vérité trop absurde à entendre, trop humiliante à assumer. Je ne savais rien du choc d’une telle nouvelle, abominable, que l’on vous annonce effrontément tout juste après le premier service des mets du jour. Le cou tordu pour apercevoir la toile peinte qui trônait au-dessus de moi, effleurer d’un regard les couleurs chatoyantes d’une robe bleu roi, humer encore le parfum de mèches noirâtres habilement coiffées, sentir les fibres rebelles fuyant l’éventrement de ce portrait des jours heureux, j’ouvrai une paume démonstrative sous le cadre fendu d’échardes du tableau délabré afin d’exposer un point majeur de mon argument…

Et maintenant il serait temps d’apporter un tissu à madame Dufresne.

Aussitôt dit, Clovis, cet insupportable suppôt de perfection, se glissa à ses côtés d’un pas preste et léger pour présenter un mouchoir de coton brodé d’ornements floraux à la pauvre dame de compagnie, dont les perles au sillage irisé ne cessaient de tâcher la toilette. Ses sanglots à fendre le cœur m’exaspéraient bien plus qu’ils ne me touchaient, ce mensonge tout particulier relevant pour moi d’une peine capitale. Tandis que la Dufresne épongeait ses joues rosies, son nez d’ivrogne encore humide et ses yeux bouffis par les pleurs, j’en revins aussitôt à sa maîtresse, ébranlée par la nouvelle, tendue sur le rebord de cette table aux motifs nordiques qui soutenait tout le poids de cette révélation.

Madame, cette réponse soulevant peut-être bien d’autres interrogations, je les honorerai dans la mesure de mes connaissances à compter de ce jour. Il est primordial, pour nous autres endeuillés par cette tragédie, que son récit soit conté à qui de droit. Et en vertu des accointances de feu vos parents, il serait judicieux que vous gardiez l’œil ouvert, et attentif.

L’on ressert un peu d’eau à la Baronne en toute discrétion, au risque qu’elle ne me renvoie cette coupe dans le coin de la figure. Je repassai devant mon siège, m’appuyant sur les coins ornés du plateau de bois en miroir de mon invitée. Il ne me venait pas à l’esprit d’en défier le regard, quoique je m’immisçai dans les profondeurs agitées de ces lacs opalescents pour y semer une larme émeraude partageant le maigre tribut de ma compassion. Toutefois, j’osai me rasseoir après m’être assuré ne pas recevoir un couteau en plein cœur, m’emparant de ma cuillère au relief dentelé par l’usure pour piocher une pomme de terre froide et un petit morceau de hareng fumé. Bien sûr, la rallier à ma cause était un noble objectif, bien que pour l’heure, tout plan fomenté à l’encontre du despotisme paranoïaque ne pouvait qu’être voué à l’échec car rassemblant encore trop peu de partisan.

Cela serait peut-être voué à évoluer.




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