[Interlude/FB] En commun, une connaissance, un objectif.

24 mai 1167.
Temple de Sombrebois.
Tôt le matin.

Cela faisait moins d'une semaine que Laura était arrivée à Sombrebois avec son frère à bord d'un convoi de ravitaillement escorté par des miliciens. Théophile, leur protecteur, lui, était reparti très vite après les avoir laissé aux bons soins de Sœur Gudrun au Temple de Sombrebois ; d'autres missions devaient certainement l'attendre à Marbrume ou ailleurs, loin de ce bourg perdu dans l'épaisse forêt du Morguestanc. Le gros village avait beau être doté de nombreuses commodités et avoir été récemment reconstruit comme en attestait les façades neuves de certaines maisons, la cadette Lucet ne pouvait s'empêcher de s'y sentir mal à l'aise : là où les murailles de Marbrume lui avaient toujours inspiré force et sérénité, les grands arbres entourant Sombrebois dans une sorte de cocon sylvestre lui rappelaient davantage une cage, un terrier sans autre échappatoire que les grandes portes formant son entrée qu'elle avait pu traverser grâce à Théophile et la complicité d'un garde de la ville. Ainsi, la sœur de Pierrick fut bien aise des consignes de leur protectrice passagère.

Les deux adolescents respectèrent scrupuleusement les directives de la prêtresse afin d'assurer leur place le temps pour eux de trouver un moyen de quitter le patelin forestier : Laura fit preuve de son utilité en s'appliquant à exécuter diverses tâches ménagères sans s'épandre sur la raison de sa présence dans le lieu saint tandis que son frère gardait le lit dans la petite chambre qui leur avait été gracieusement allouée à tous les deux.
La jeune fille s'était d'abord vu confier par Sœur Gudrun la réfection d'un manteau auquel elle tenait manifestement beaucoup : Laura s'était appliquée afin de redonner à la mante, si ce n'est sa gloire d'antan, au moins un aspect moins élimé. La religieuse avait paru satisfaite mais ne s'était guère exprimée : la jeune couturière avait fini par comprendre que ce n'était pas le genre de l'Hendoise de s'exprimer au-delà du nécessaire et elle s'était contentée de poursuivre son labeur sur les nouvelles besognes qui ne manquaient jamais au Temple.

Ce matin du 24 mai, Laura s'était réveillée tôt : bien qu'elle ne soit jamais sortie des murs du sanctuaire des Trois depuis son arrivée, elle n'avait pas été aveugle à l'agitation ambiante qui était allée croissante les jours précédents. Des gens importants étaient arrivés en ville pour célébrer la naissance du fils de la Baronne de Sombrebois ; en piochant dans les quelques discussions qui tombèrent à portée de ses oreilles, la sœur de Pierrick comprit que cet enfant était l'unique descendance du Baron de Sombrebois qui était mort avant sa venue au monde et que sa naissance avait été, de fait, très attendu. Une cérémonie allait avoir lieu au Temple afin de le présenter à l'humanité et aux Trois et les préparatifs allaient bon train afin de permettre au lieu saint d'accueillir dignement toutes ces estimables personnes et les habitants du bourg.
Comme d'ordinaire, après avoir laissé son frère sur son lit, Laura travailla dans l'ombre, laissant le soin à Sœur Gudrun et à ses collègues d'occuper le devant de la scène pendant qu'elle œuvrait à son échelle, aussi loin que possible des regards et des on-dit. Jusqu'à présent, elle s'en était plutôt bien sortie : si elle poursuivait son effort, elle passerait inaperçue au milieu de la foule qui envahirait bientôt le Temple.

Tout en balayant consciencieusement le sol, Laura s'était petit à petit rapprochée de la nef. Des religieux allaient et venaient sans faire attention à elle, petite chose en robe crasseuse qui longeait les murs. Après un certain temps à user le sol de pierre de son regard farouche, la cadette Lucet relava le nez pour reprendre son souffle, levant les yeux sur les rangées de bancs en bois vermoulu dont l'âge tranchait nettement avec les décorations printanières et florales qui donnaient au lieu un aspect bien moins austère et biscornu.

La sœur de Pierrick laissa un petit soupir faire frémir les ailes de son nez et son regard céruléen dévia sur une personne qui avait fait son entrée dans le Temple. Il était difficile de ne pas la remarquer : outre le fait qu'elle portait des chausses, sa crinière rousse dénotait fortement avec le bois humide de l'édifice, sans compter l'épée qu'elle portait à sa ceinture. Malgré elle, Laura resta coi devant cette apparition, ses grands yeux ronds lorgnant la visiteuse des pieds à la tête : c'était la première fois que la douce enfant voyait une femme porter des armes et, même si elle en avait déjà entendu parler, en voir une de ses propres yeux était un tout autre spectacle. Un mélange d'étonnement et, surtout, d'admiration fit briller ses prunelles azur. Ces dernières finirent par croiser leurs homologues lorsque l'observation de la cadette Lucet finit par s'arrêter sur le visage de la guerrière qui avait fini par la fixer également : aussitôt, la petite couturière piqua un fard, honteuse d'avoir été surprise dans son voyeurisme. Elle envisagea de se fondre dans le mur afin de s'éclipser rapidement mais la rufine l'approchait déjà à grands pas, clouant Laura sur place, ses deux menottes légèrement crispées sur le manche tordu de son balai.

Ce matin-là, Ryn fut réveillée par la bruyante Lili qui, heureuse de trouver la mercenaire dans son lit, n'avait rien trouvé de mieux que de se blottir contre elle. Dormir en présence d'une autre personne n'a jamais été une chose particulièrement agréable pour notre rouquine. La jeune femme préférait avoir son espace rien qu'à elle, où elle pouvait s'étendre de tout son long sans avoir besoin d'esquiver les coups de ses aînés turbulents, même durant leur sommeil. Néanmoins, ce ne fut pas la présence de la petite qui la gênait le plus…Mais plutôt sa fâcheuse manie d'enrouler une mèche des cheveux roux de son infortunée compagne entre ses doigts avant de les enrouler lentement mais sûrement.

-Bon sang, Lili. Lâche-moi !

Toujours endormie, la gamine se contenta de grogner tout en raffermissant sa prise autour de la tignasse rousse de sa comparse.

-Mais aïe, bordel !
- Tu es trop bruyante, Rynette... marmonna l'assassin somnolente.

Grognant à son tour, la mercenaire commençait à perdre patience si bien qu'elle envisageait même de couper la mèche à laquelle Lili s'agrippait si désespérément. Ainsi, tout en veillant à ne point trop tirer et risquer le scalp, la rouquine alla chercher sa lame dissimulée sous son oreiller afin de se débarrasser de cette sangsue capillaire. Néanmoins, Aeryn n'eut pas à sacrifier la moindre mèche de cheveux. À peine eut-elle tiré sa dague que sa cadette lâcha définitivement sa prise avant de bondir au pied du lit.

- Tu n'as décidément rien d'humain, soupira la rouquine en se levant.
- C'est pas très gentil, ça… Tu vas où, il est encore tôt? demanda la gamine après avoir jeté un œil par la fenêtre. L'aube pointait à peine.
- J'ai des choses à faire ce matin, rétorqua la rouquine tout en ajustant la tenue qu'elle avait refusé de quitter en raison de la présence de l'adolescente aux mains baladeuses.
- Quoi donc ?
- Je dois ramener deux personnes au Labret. Il faut que je m'organise...

Trouver un convoi quittant Sombrebois et qui ne comptait pas s'arrêter à Balazuc. Trouver les fameux passagers semblait être un bon début… C'est ainsi que Ryn quitta l'auberge sans rien ajouter. Et elle eut beau chercher, aucun convoi ne comptait quitter le bourg avant la fin des festivités.

-C'pas tous les jours qu'on peut célébrer la naissance d'un p'tit baron.
- Mouais… Enfin, des marmites braillard, il en naît tous les jours, soupira la rouquine après avoir essuyé son troisième refus.
-Oui, mais pour c'ui là, on peut faire la fête.
- Comme si vous aviez vraiment besoin d'une excuse pour picoler comme des trous et manger comme des porcs… M'enfin, tant pis...

Ils partiraient probablement le lendemain, s'ils ne se voyaient pas assaillis par les effets d'une vilaine gueule de bois. La réponse était la même pour tous, chose particulièrement contrariante mais contre laquelle la mercenaire n'y pouvait rien. Tant pis, rien ne l'empêchait d'aller rencontrer les gamins… Au moins pour se présenter convenablement.

Tout en pestant, la rouquine prit le chemin du Temple. Marchant à grands pas, regardant droit devant elle, Aeryn ne prêta aucune attention aux habitants occupés à dresser divers tables et autres bancs. Sans doute comptaient-ils faire la fête directement dans les rues… Il n'était guère difficile d'imaginer que la journée allait être longue… et particulièrement bruyante. De quoi lui donner envie de fuir les lieux le plus rapidement possible.

Le Temple de Sombrebois ne ressemblait en rien à l'immense bâtisse trônant au centre de Marbrume. En cela, malgré son état légèrement délabré, la rouquine le trouvait bien plus accueillant que son grand frère bordé de pierres grisâtres et glaciales. Ainsi, la mercenaire put y entrer sans ressentir la moindre hésitation ou la moindre gêne… À l'intérieur régnait tout de même un certain calme, malgré l'animation apportée par les allées et venues des prêtresses occupées à préparer la cérémonie devant avoir lieu un peu plus tard. Mieux valait ne pas s'éterniser ici…

Observant autour d'elle, Aeryn remarqua bien rapidement la jeune fille accrochée à son balais. Celle-ci l'avait si bien dévisagée que son instinct s'était tout naturellement éveillé… Sûre d'elle, la rouquine alla rapidement le rejoindre, plissant les yeux en remarquant la gêne venant empourprer les joues de la gamine.

- Bonjour, lui lança-t-elle en s'efforçant de paraître aussi aimable que possible afin de permettre à la petite de se détendre. Je ne mords pas tu sais… En fait, je cherche une jeune fille et son frère…. , perdue, la jeune femme prit quelques secondes pour essayer de se remémorer le prénom annoncé par Castaing…Elle se gratta le haut du crâne avant de poser une main sur son menton. Laur… Lauren ? Non … Laurette … Et Pierrot ?! Enfin ... quelque chose dans le genre... s'écria-t-elle. Je viens de la part d'une connaissance commune : Théophile Castaing.

La rouquine la salua et entra immédiatement dans le vif du sujet : la curieuse visiteuse ne semblait pas être venue pour se recueillir avant l'arrivée de l'assistance ou pour s'offusquer d'être ainsi dévisagée mais était plutôt à la recherche de deux personnes. Le fait qu'elle évoquait un frère et une sœur fit immédiatement tiquer Laura dont les sourcils fins se froncèrent sur son regard bleu. Il se passa encore quelques instants de flottement avant que la guerrière ne marmonna quelques prénoms, ne parvenant manifestement pas à se souvenir des patronymes des deux jeunes gens qu'elle recherchait. Le visage de la cadette Lucet se dérida lentement devant la ressemblance frappante des noms proposés par la rufine avec le sien et celui de son frère mais son expression changea complètement lorsque la femme évoqua Théophile.

Le milicien avait parlé de Pierrick et d'elle à cette femme ? Que savait-elle exactement d'eux ? Pourquoi les recherchait-elle si activement ? Si leur protecteur avait parlé des Lucet à cette combattante, c'est qu'il devait suffisamment avoir confiance en elle, non ?
Un ange passa entre les deux femmes jusqu'à ce que le regard de Laura se braque vers le fond de la nef d'où quelques religieuses venaient d'apparaître. Peu désireuse que leur conversation soit entendue, la petite couturière fit un petit geste de main à la rufine.

« - Suivez-moi » souffla-t-elle tout en s'éclipsant dans un couloir normalement réservé aux malades et au personnel du Temple mais que la jeune fille savait désert en raison des préparatifs.

D'un pas léger et silencieux, Laura progressa dans le corridor étroit, jetant de temps à autre un coup d'œil par-dessus son épaule pour s'assurer qu'elle était bien suivie par la messagère de Théophile. Après quelques instants, la jeune fille s'arrêta devant une porte qu'elle ouvrit doucement, glissant un coup d'œil à l'intérieur de la pièce.

« - Pierrick, c'est moi. »

Le garçon était réveillé, ses yeux bruns levés au plafond, les deux mains croisées derrière sa tête auburn. L'adolescent s'ennuyait ferme et peinait à rester inactif mais, depuis son arrivée, il se pliait sans rechigner aux ordres de Sœur Gudrun, attendant patiemment le retour de sa sœur pour avoir de la compagnie. Lorsqu'il entendit la voix de sa cadette, il se redressa sur ses coudes, surpris de la revoir si tôt après le lever. Laura se décala pour laisser rentrer la rouquine avant de refermer le battant derrière elle. La chambrette tenait plus du cagibi que de la vraie pièce mais, au moins, la porte permettait un peu d'intimité. Pierrick leva un regard interloqué sur la guerrière, la dévisageant comme sa petite sœur l'avait fait peu auparavant : il était évident qu'aucun des deux adolescents n'avaient vu de près ou de loin de femme armée au cours de leur vie.

« - C'est Théophile qui l'envoie » glissa Laura en guise d'explication à son ainé qui, spontanément, s'assit au bord du lit pour accueillir un peu plus dignement leur 'invitée', un bandage enroulé autour de sa taille visible sous les froissures de sa tunique. La petite couturière releva le nez vers la guerrière.

« - C'est nous que vous cherchez. On est Pierrick et Laura Lucet. »

Personne ne les connaissait à Sombrebois, la rufine aurait pu faire le tour de la ville sans les trouver mais elle était directement tombée sur la cadette Lucet à son entrée au Temple : à croire que les Trois y étaient pour quelque chose dans cette rencontre ! Laura s'efforçait pourtant de garder les pieds sur terre, un poing serré sur son balai qu'elle avait conservé avec elle, l'autre pendant contre sa cuisse.

« - Donc vous connaissez bien Théophile ? Il vous a dit quoi à propos de nous ? »

Après un instant silencieux que la mercenaire jugea anormalement long au point de se demander s’il ne serait pas judicieux d’agiter une main devant la gamine pour la réveiller, celle-ci s’anima finalement d’elle-même pour lui demander de la suivre. Perplexe, la rouquine haussa un sourcil surpris, mais ne dit rien et se contenta d’obtempérer sans pester. Qu’importe finalement, ne pouvant quitter le bourg le jour même, Aeryn avait du temps à tuer. Aussi se contenta–t-elle d’avancer en silence jusqu’à ce que Laura s’arrête devant une porte.

Dans cette pièce plutôt exiguë, Ryn fit la rencontre du frère de la gamine. A sa posture et à sa manière de se mouvoir sur sa couche, il était aisé de deviner que ce dernier semblait toujours souffrir de sa blessure…

-Pierrick et Laura, d’accord… Moi c’est Aeryn, dit-elle en croisant les bras tout en lançant un regard sévère dans la direction du bandage qui entourait l’abdomen du gosse. Tu te sens capable de voyager dans ton état ?

La brusquerie de la mercenaire avait probablement de quoi les surprendre tous les deux. Pour autant, s’ils devaient prendre la route à ses côtés, mieux valait pour eux de s’habituer rapidement à ses manières.

-Il m’a parlé de l’attaque, de la blessure de ton frère, de ta morsure, de Balazuc, du fait que vous n’êtes visiblement les bienvenus nulle part et qu’il faut vous conduire au Labret, lâcha-t-elle tout en parlant rapidement. Que ce soit clair, je me fiche bien de ta morsure. Tu restes une gamine… Faut juste faire en sorte que tu restes vivante le plus longtemps possible. Et, à partir de maintenant, c’est mon boulot de veiller sur vous deux. Enfin, jusqu’à ce que vous soyez en sécurité. D’ailleurs, vous avez de la famille ou des connaissances au Labret ?

La femme qui se présenta sous le nom d'Aeryn prouva une nouvelle fois qu'elle n'était pas du genre à tourner autour du pot en s'adressant assez froidement à Pierrick, le menton pointé en direction de son ventre bandé. L'adolescent passa sa main sur son corset de tissu par réflexe, surpris par l'approche frontale de la guerrière.

« - Je crois… mais s'il le faut, je le ferais… je fais semblant d'être trop malade pour ne pas attirer d'ennuis à Laura et Sœur Gudrun mais je vais mieux que je n'en ai l'air. »

Laura grimaça légèrement à la réponse bredouillée par son aîné : cela pouvait ne pas convaincre celle que Théophile leur avait manifestement envoyé pour les tirer du bourbier de Sombrebois.

La rufine ne s'attarda pourtant pas sur ce que lui raconta Pierrick, déballant d'une traite tout ce que le milicien lui avait donné comme information sur la fratrie. Laura se crispa à la mention de sa morsure ; il semblait évident que l'archer n'avait rien dissimulé à Aeryn et, dans un sens, il était nécessaire qu'elle soit au courant de ce 'détail' gênant si elle voulait savoir tous les tenants et aboutissants de ce dans quoi elle s'embarquait. La couturière fixait résolument le sol mais releva vite le nez lorsque la rouquine déclara sans plus de cérémonie que sa morsure ne l'intéressait pas.

Aeryn avait beau paraître être du genre à ne pas avoir sa langue dans sa poche et se tenir à côté d'elle sans la regarder comme une pestiférée, le regard de Laura n'en pétillait pas moins d'un regain d'admiration et de soulagement. L'adolescente avait beau garder au fond de son cœur tel un talisman contre le désespoir et la colère la façon dont Liliane, Théophile et Sœur Gudrun la traitaient - c'est-à-dire encore comme une humaine - il n'en restait pas moins que découvrir une nouvelle personne capable de passer outre ses cicatrices la réconfortait toujours.

Il fallut pourtant redescendre sur terre pour la petite couturière, elle et son frère n'étaient pas encore tirés d'affaires.

« - Non, on connait personne. On a vécu toute notre vie dans Marbrume et nul part ailleurs » confessa la jeune fille.

« - Et on a pas de quoi payer le voyage aussi… » reconnut Pierrick du bout des lèvres, un peu penaud.

« - Mais on est travailleurs. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, on le fera pour vous. »

Le gamin mentait sur son état pour ne pas causer de problème à sa soeur ainsi qu'à la prêtresse qui les avait recueillis tous les deux ? Pourquoi pas après tout ? Leur présence ici ne devait pas plaire à grand monde, tous craignant pour leur propre sécurité sans même se soucier de jeter deux gosses dehors, à la merci des bannis et des fangeux…

-Tant mieux dans ce cas. Mais n'hésite pas à le dire si ça devient trop difficile. Parfois, mieux vaut trouver un abri le temps de prendre un peu de repos pour mieux repartir, que de poursuivre en souffrant. Tu nous mettrais tous en danger en agissant ainsi, même en ayant le contraire à l'esprit.

Voyant que le ton qu'elle employait les mettait mal à l'aise, la rouquine prit grand soin d'adoucir quelque peu sa voix en parlant plus lentement et en ajoutant quelques mots, afin de paraître moins brutale.

Quand la gamine lui apprit qu'ils ne connaissaient personne au Labret, la mercenaire grimaça légèrement, songeant que ces pauvres gamins n'étaient pas au bout de leur peine…

-Et bien moi si, leur dit-elle en souriant. Deux de mes frères y vivent… précisément pour les mêmes raisons que toi. L'un d'eux n'est pas très aimable, mais c'est pas un mauvais bougre. Ils vous aideront, c'est certain.

Ivaad pesterait probablement quelques jours, mais la mercenaire connaissait plutôt bien son frère. Jamais il ne laisserait deux gamins dans la rue, surtout dans un tel contexte. Et puis, se trouvant dans la même situation que la gamine, ils savaient tous deux ce que ces gosses allaient devoir affronter à l'avenir. Le mépris des gens, leurs craintes parfaitement visibles dans leurs yeux vitreux… Avec deux gigantesques mercenaires dans leur camp, ces deux-là n'auraient plus rien à craindre.

-Arrêtez un peu de faire cette tête, vous deux. Qu'importe le problème, y'a toujours une solution. Et puis, vous n'êtes plus seuls maintenant et j'ai promis de veiller sur vous. Alors, pour l'instant, ne vous inquiétez pas pour des détails aussi insignifiants. Les frais, je m'en charge. Toi, lança-t-elle en se tournant vers le garçon. Tâche de te reposer et de guérir vite et bien. N'en fais pas trop et continue de te préserver . Elle se tourna alors vers la jeune fille. Son regard se fit aussitôt plus sévère et réprobateur. Et toi… Ne parle plus jamais de la sorte : "Si vous avez besoin de quoi que ce soit, on le fera pour vous"... cracha-t-elle brusquement avant de se reprendre. Elle soupira. Je sais que ça part d'un bon sentiment, histoire de reconnaissance, tout ça, tout ça. Mais t'as pas besoin de dire ça … Surtout pas à n'importe qui. Tu ne me connais pas, gamine. Je pourrai même être la pire garce de cette terre misérable… Sais-tu seulement ce que certains pourraient vouloir faire de cette reconnaissance en entendant ce genre de phrase ? Un merci suffira… Quand vous serez à l'abri, loin de ce bourg miteux…

Elle leur offrit un grand sourire, le genre qui se voulait amical et rassurant.

-Reposez-vous pour aujourd'hui, remerciez cette sœur Goudrune et tenez-vous prêts à partir dès demain matin… Est-ce que vous avez besoin de quelque chose en attendant ? De la nourriture correcte ? Des vêtements ? Des remèdes ? demanda-t-elle en croisant les bras. Ne soyez pas timides, je peux vous ramener ce dont vous avez besoin. Vous n'avez pas dû sortir beaucoup depuis votre arrivée ici… Cette pièce est vraiment minuscule...Bon, c'est toujours mieux que rien, mais les journées doivent être très longues ici...

La mine quelque peu abattue et soucieuse des Lucet parut irriter Aeryn qui les enjoignit à reprendre un peu du poil de la bête. Laura redressa ses épaules et inspira lentement et profondément : la mercenaire se proposait d'assurer les frais, elle avait des parents au Labret susceptibles de les aider tous les deux… la situation allait s'éclaircir, oui, il fallait y croire.

Aux conseils de la rufine, Pierrick opina du chef, refoulant sa contrariété de savoir son inactivité prolongée. L'adolescent comprenait toutefois les paroles d'Aeryn : entre cela et prendre le risque de devenir un poids mort pour sa sœur et leurs alliés, le choix était tout trouvé.
Laura, elle, eut droit à autrement moins de délicatesse. Les éclats qui faisaient briller son regard azuréen d'émerveillement peu auparavant s'éteignirent bien vite, non pas à cause du fait qu'Aeryn remballait son sentiment d'être redevable comme s'il était inutile et insignifiant voire handicapant - ce que la petite couturière comprenait totalement - mais plutôt car elle n'avait jamais été éduqué autrement qu'en ce sens : être une bonne fille bien sage et bien polie. De plus, ceux qui avaient fichu sa vie en l'air n'avaient pas attendu que l'adolescente se montre outrageusement serviable pour faire ce qu'ils voulaient faire. Les souvenirs douloureux obscurcirent les yeux clairs de la cadette Lucet qui détourna la tête en direction de son frère.

« - On a encore de la nourriture qu'on nous a donné à Balazuc. Sœur Gudrun me donne parfois des plantes contre la douleur mais j'en aurai bientôt plus besoin. »

« - Si vous pouviez avoir du tissu… je pourrais le coudre moi-même. »

La couturière n'en pouvait plus de sa robe raidie par la saleté : c'était tout ce qu'elle avait pu emporter avec elle de Marbrume avec son châle épais et rugueux et, depuis plus d'un an, elle n'en avait pas changé.
Lorsque la rouquine commenta la taille de la chambrette, Laura jeta un petit coup d'œil sur les murs les entourant tous les trois, un sourire en coin.

« - C'est très petit, oui, mais c'est notre premier chez-nous depuis Marbrume, enfin, ce qui s'en rapproche… »

« - C'est sûr que c'est plus confortable que la forêt mais oui, c'est un peu long, enfin, surtout pour moi. Sœur Gudrun trouve toujours quelque chose à faire faire à Laura » commenta Pierrick en riant faiblement.

« - Vous faites quoi vous Aeryn ? »

La curiosité avait pris le pas sur la réserve : Laura voulait savoir ce que faisait l'amie de Théophile si elle n'était pas dans la Milice, ce qu'attestaient ses vêtements plus brun que vert.

En voyant la gamine baisser légèrement les yeux avant de se tourner vers son frère, la rouquine comprit qu'elle venait de toucher un point particulièrement sensible. Rien d'anormal au fond, ces deux-là avaient dû passer par diverses étapes pour en arriver là. Des étapes sous forme d'épreuves souvent douloureuses ou au moins désagréables. Malheureusement pour eux, ils allaient devoir apprendre bien vite que la vie était ainsi faite. À voir la manière de parler de la jeune Laura, il était aisé d'imaginer qu'avant le grand bouleversement qu'elle avait dû subir, sa vie avait dû être belle. Sans doute étaient-ils choyés par des parents aimants et protecteurs soucieux de leur offrir la plus belle vie et la meilleure éducation possible … Sans doute, oui… Mais au fond, Aeryn ne savait strictement rien de ces deux-là, hormis leur position actuelle et la destination qu'ils devaient atteindre rapidement.

Lorsque Pierrick affirma n'avoir besoin de rien, la mercenaire acquiesça d'un simple hochement de tête avant de se tourner vers sa sœur. Cette dernière demandait du tissu afin de pouvoir se confectionner une nouvelle robe…

-Trouver du tissu ne devrait pas être compliqué, mais je doute fort que tu puisses avoir le temps de terminer une robe d'ici notre départ, dit-elle en posant une main sur son menton, signe de réflexion. Est-ce que cela te gêne si je t'en achète une toute prête pour le voyage ? Tu pourras t'en confectionner autant que tu le voudras une fois à Usson. Au moins tu pourras porter quelque chose de plus… frais. Sinon, je peux aussi te prêter des vêtements. J'en emporte toujours quelques-uns avec moi… Je déteste la poussière collée à la sueur. Mais… disons que les robes c'est pas franchement mon truc...

De mémoire, Ryn n'avait plus porté de tenue féminine depuis ses trois ou quatre ans. À l'époque où la nourrice engagée par son père s'occupait encore de Loghart et elle.

-Ce que je fais ? demanda-t-elle en se désignant elle-même du bout de l'index. Si tu veux savoir ce que je fais pour gagner ma croûte et bien… Je suis mercenaire. C'est pour ça que Théophile m'a demandé de vous escorter. Je suis plus libre que les miliciens. Je suis sûre que Casting vous aurait accompagné lui-même s'il n'était pas tenu d'obéir à ses supérieurs… Bien, si vous n'avez besoin de rien d'ici notre départ, je vous laisse tranquille pour aujourd'hui. Je viendrai vous chercher à l'aube pour partir… Si vous avez besoin de moi d'ici là, je serai à l'auberge. Vous pourrez m'y faire mander.

Les yeux de Laura s'écarquillèrent légèrement lorsqu'Aeryn lui proposa de lui trouver une nouvelle tenue déjà toute prête. La petite couturière avait proposé de travailler sur du tissu brut afin de réduire les coûts, quitte à travailler sur la route du Labret ; elle ne pensait pas avoir droit à une telle proposition. Pour une garce, la mercenaire était franchement arrangeante ; elle pouvait se montrer généreuse dans le but de faire baisser leur garde aux deux Lucet mais si elle avait été envoyé par Théophile, Laura avait du mal à concevoir qu'elle eut été un monstre sans cœur.

« - Ce serait… bien, oui. Si vous trouvez ou pouvez me prêter une tenue toute faite… j'aimerais bien » admit Laura, les joues roses de plaisir.

Pierrick observa sa cadette, un sourire attendri aux lèvres : il savait sa petite sœur coquette et, même si c'était bien le cadet de leurs soucis, le fait qu'elle ne pouvait plus s'occuper d'elle comme il fallait pesait énormément sur son moral. L'adolescent savait que le simple fait d'avoir des vêtements plus propres - des chausses s'il le fallait, bien que ce n'était pas l'idéal aux yeux de l'aîné Lucet - aiderait Laura à se sentir mieux et plus en confiance.
Le garçon reposa les yeux sur celle qui s'était présentée comme une mercenaire ; il se mit sur ses pieds et lui tendit la main.

« - Comptez sur nous, on sera prêts. »

Laura était sur son petit nuage et regardait Aeryn avec un léger sourire aux lèvres. Elle-même n'aurait pas cru qu'une telle offre pouvait la consoler à ce point. Les paroles de Théophile lui revinrent alors en mémoire : peut-être pouvait-elle demander à Aeryn de lui apprendre à se défendre ? Une femme sachant se battre et ne faisant pas partie de la Milice… c'était presque trop beau pour être vrai. La petite couturière ne pouvait lui demander ce genre de choses de but en blanc mais, qui sait ? Peut-être une fois à Usson…

En voyant les regards de ces deux gamins s'illuminer simultanément, la mercenaire fut bien incapable de retenir un sourire attendri. Ces deux-là éveillaient une émotion encore inconnue et quelque peu discrète qu'elle ne parvenait pas encore à identifier. Ils étaient touchant, autant par leur manière de parler, de se tenir, sans parler du courage dont ils avaient dû faire preuve malgré leur jeune âge. Aeryn fut surprise de constater qu'elle ressentait une réelle envie de les aider… Pas seulement pour cette promesse faite à l'archer, mais parce que son cœur lui dictait de le faire… Même si, évidemment, la rouquine n'avait aucunement conscience de tout ceci.

- Très bien, je t'apporterai tout ça, rétorqua-t-elle tout en hochant doucement la tête sans se dépêtrer de son sourire.

Le garçon aussi était touchant à sa manière. Le voir se lever de la sorte avant de lui tendre la main avait quelque chose...d'amusant.

-Inutile de faire tant de cérémonie pour si peu, lui dit-elle tout en lui serrant la main. L'adolescent dut être surpris de constater une telle poigne chez une jeune femme, même si Ryn veillait à retenir sa brusquerie habituelle. Nous allons passer un certain temps ensemble… Aussi, je vous demanderai de ne pas vous gêner avec moi. Si vous avez quoi que ce soit à me dire, n'hésitez pas à le faire avec franchise… Aussi, je préfère vous demander pardon par avance, je sais que je ne suis pas quelqu'un de tendre, mais je suis comme ça avec tout le monde … donc ne vous formalisez pas pour ça, d'accord ? Au pire, faites le moi remarquer et je tâcherai de faire plus attention la prochaine fois.

Pierrick eut un peu de mal à dissimuler sa surprise face à la poigne de fer d'Aeryn mais il la lui rendit simplement avant de se rassoir. Le jeune homme était intérieurement troublé par l'allure de la mercenaire : là où ses chausses, son épée et son assurance avaient déclenché chez Laura une grande admiration teintée d'envie, lui, le fils unique de Symphorien, était un peu plus dubitatif. Une femme qui portait des armes, c'était une bien curieuse idée ; déjà que dans la Milice, ça faisait hausser les sourcils, alors combattante à son propre compte… le père de famille en aurait sûrement eu les rouflaquettes toutes hérissées mais Pierrick, lui, passé l'étonnement, le vivait plutôt bien : outre le fait qu'il voyait que sa petite sœur était à son aise en présence d'Aeryn - ce qui, à ses yeux d'aîné, n'avait pas de prix sachant ce que la couturière avait vécu - cette dernière leur proposait un marché qu'ils n'auraient pu espérer meilleur pour se rendre au Labret, alors qu'elle soit en braies importait bien peu.

« - Vous serez toujours plus gentille que tous les miliciens de Balazuc réunis. Mais s'il y a un problème, on vous le dira. »

Quitte à les brusquer, au moins, Aeryn n'hésiterait pas à leur dire les choses. Si Laura avait quelque peu perdue l'habitude avec la prévenance de Sœur Gudrun et la tendresse de Liliane, elle se souvenait encore bien de la manière dont les soldats de Balazuc lui parlaient quand il daignaient lui adresser la parole. Tant que la mercenaire ne l'insultait pas, cela lui convenait. De plus, la rufine savait qu'elle était une mordue mais elle s'en fichait réellement… elle avait vraiment tout pour plaire à l'adolescente.

« - Vous ne devriez pas trainer, si les gens qui préparent la cérémonie vous voient ici, on va tous se faire passer un savon. »

« - Je vous raccompagne » déclara Laura sans laisser plus de marge de manœuvre à la mercenaire.

Après avoir refermé la porte de la chambre de Pierrick, la petite couturière ramena la rouquine sous la nef. Des personnes allaient et venaient sans les voir, trop occuper à continuer de décorer le Temple pour l'événement du jour.

« - Je sais pas encore comment ne pas être reconnaissante envers ceux qui acceptent de nous aider Pierrick et moi. Je voudrais bien effacer notre ardoise pour qu'on ne dépende plus de personne mais c'est pas demain la veille. »

Laura planta son regard dans celui d'Aeryn, un sourire au coin un peu timide.

« - J'ai promis à Théophile que si on avait une maison au Labret, il serait le bienvenue. Ce sera pareil pour vous. C'est un bon début, j'imagine. »

"Vous serez toujours plus gentille que tous les miliciens de Balazuc réunis."

Cette phrase lui fit froncer les sourcils. Il est vrai qu'Aeryn n'avait jamais porté ces gens de la milice dans son cœur. Elle méprisait même la plupart d'entre-eux, pour leur attitude déplacée envers les petites gens ou encore pour leur tempérament de pleutre. La mercenaire leur aurait bien demandé si ces derniers les avaient maltraité, mais elle ne tenait pas particulièrement à remuer le couteau dans la plaie. Au lieu de quoi, la jeune femme se contenta de serrer les dents avant de pousser un long soupir pour évacuer sa colère naissante.

Pauvres gosses, hors de questions pour elle de laisser encore qui que ce soit leur manquer de respect.

De nouveau, elle emprunta ce long couloir en suivant les petits pas de la gamine. Malgré toutes les épreuves qu'elle avait dû affronter, celle-ci marchait pourtant en se tenant bien droite, la tête haute. Ce constat lui arracha un nouveau sourire qui resta figé jusqu'à son retour dans la nef.

-Écoute gamine, souffla la mercenaire tout en se passant une main dans les cheveux. Considère que tu n'as aucune dette envers moi, ça fera ça en moins sur ton ardoise. Dans tous les cas, j'avais prévu de rendre visite à mes frères, alors cela ne change pas grand-chose pour moi, d'accord ? Et puis… J'ai pas vraiment l'habitude de faire des trucs bien pour les autres sans être payé pour… En un sens, vous me permettez de me racheter un peu auprès des Trois.

Son sourire s'élargit quand elle fit un pas vers la gamine pour déposer une main se voulant douce sur le haut de son crâne.

-Vous êtes encore des enfants, ton frère et toi… Jamais vous n'auriez dû subir tout cela à votre âge… Essayons au moins de mettre un peu de poids dans cette foutu balance pour équilibrer les choses, d'accord ? Et puis… arrête de me vouvoyer, s'il te plaît… J'ai pas l'habitude et ça me fait vraiment bizarre… railla-t-elle tout en lui ébouriffant les cheveux. Je reviendrai demain matin avec les vêtements et tout le nécessaire… En attendant, évite d'en faire trop, d'accord ?

Aeryn et Théophile avaient au moins un point en commun : tous les deux exigeaient des Lucet que la dette soit considérée comme n'ayant jamais existé. Psychologiquement, il était difficile pour Laura - et cette dernière était à peu près sûre qu'il en était de même pour Pierrick - d'effacer aussi facilement son sentiment d'être redevable envers eux, aussi détestable ce ressenti était-il. Ne rien payer pour le voyage, cela la travaillait également, quand bien même la mercenaire lui assurait qu'elle et son frère étaient plus ou moins sur sa route. Peut-être pourrait-elle lui confectionner une tenue une fois qu'ils seraient tous arrivés à destination ? La couturière doutait que les robes soient le style d'Aeryn mais elle lui ferait autre chose en ce cas-là.

La tête de Laura s'enfonça légèrement entre ses épaules lorsque la rufine posa sa main sur ses cheveux tressés. Le sourire en coin réservé de la jeune fille s'affaissa un peu. Savait-elle exactement tout ce qu'il s'était passé pour les Lucet, en plus de la morsure et de la flèche ? Savait-elle pour les brigands et les sévices ? Cela fut un peu difficile mais la couturière parvint à enterrer son angoisse sous une fine couche de terre spirituelle ; elle sourit de nouveau un peu plus brillamment et hocha la tête lorsque la combattante lui demanda de la tutoyer.

« - D'accord. Pour ce qui est de trop en faire… avec la cérémonie, je devrais être un peu tranquille. »

Hors de question pour la jeune fille de se mêler au monde et l'événement allait attirer tous les regards sur les prêtres, autrement dit, c'était presque un jour de repos pour elle. La cadette Lucet trouverait à s'occuper car rester inactive la plongeait trop souvent dans une profonde mélancolie mais elle sentait qu'elle pouvait un peu lever le pied pour aujourd'hui.

« - A demain alors. Passe une bonne journée, Aeryn. »

Après un dernier sourire, la petite couturière s'éclipsa. Si l'on omettait l'affluence qui allait venir au cours de la journée, la journée s'annonçait plus sereine que prévue : enfin, sa porte de sortie pour le Labret était en vue ! Théophile avait tenu parole. Elle allait même avoir des vêtements convenables et propres… pour la première fois depuis très longtemps, Laura adressa une prière de remerciements aux Trois. Le temps était-il venu pour elle de remonter définitivement la pente ?