Marbrume


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 [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette

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MessageSujet: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyLun 11 Juil 2022 - 20:13



Horion n’est pas une constellation.



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

La Nuit étendait son oriflamme ténébreux sur la baie. La Distraite tanguait paresseusement contre la jetée, ses pare-battages alignés sur son flanc absorbant les heurts répétitifs et empêchant d’en abîmer la carène. Le Capitaine de cet élégant galion de commerce, Joffre Desgrées dit l’Épervier, un grand gaillard rouquin aux yeux bleus dont les tempes grisonnantes confirmaient l’abordage du demi-siècle, avait patienté près de trois jours que le débarcadère se libérât pour donner l’ordre du mouillage à quai. Depuis la veille, la météorologie s’était révélée plus clémente, la glaciale bise cédant du terrain face au souffle moins hargneux d’un agréable zéphyr dont le courant cajoleur chahutait les abords de la belle Cité de Marbrume depuis ses contreforts orientaux. La neige avait d’ailleurs entamé sa lente fonte, transformant le sol immaculé des venelles en véritable bourbier grisâtre.

La journée avait été particulièrement chargée, et pour les débardeurs, et pour Tharcise, ce dernier n’hésitant pas à offrir son aide pour débarrasser les cales de toute une cargaison de peaux et de fourrures en provenance du Septentrion. Son oncle Ogier d’Aspremont, propriétaire de la gracieuse nef et du chai depuis le trépas de son père, avait obtenu ces riches toisons animales contre bouteilles de vins, fioles de liqueurs et flasques de spiritueux. Les plus belles pièces seraient destinées aux peaussiers et tisserands les plus réputés de la capitale du Duché, tandis que le reste serait éparpillé aux quatre coins du Morguestanc. Une file hétéroclite de chariots attendaient déjà devant l’entrepôt où étaient stockés les ballots tendus de leur toile protectrice, et dont le ballet grinçant et frénétique n’imposerait sa danse hypnotique qu’à l’ouverture de ses portes, dès les balbutiements de l’aube prochaine.

Il n’était pas inédit que Tharcise participât à ces ingrates tâches. Depuis que son père l’avait initié aux rudiments de la navigation, il faisait partie de la scène maritime, sa longue et athlétique silhouette toujours apprêtée d’une tenue simple, rustique, se mêlant à celles des marins à l’allure plus rustre. Et lorsque la Distraite prenait la mer, l’Épervier lui léguait souvent le rôle de maître d’équipage, observant avec une certaine fierté l’héritier du Serpent donner ses ordres aux diverses manœuvres des gabiers, le jeune homme s’époumonnant tout en courant sur le tillac ou en escaladant les haubans.

La lune, réduite à un discret rictus moqueur fendant la toile de l’empyrée, s’élevait déjà dans les cieux nocturnes lorsque l’Épervier et son protégé émergèrent de la cabine, après avoir passé l’après-midi à abîmer leurs yeux et ronger leur patience à noircir d’encre les pages d’un livre de comptes. Joffre s’immobilisa en lisière de la dunette, s’étirant et bâillant à s’en décrocher la mâchoire.

- Par les Trois, j’suis fin fourbu. On f’rait bien d’ller grailler, fils. J’crois qu’ma femme a préparé une d’ses fameuses soupes qu’t’apprécies.

Un tutoiement dédié au jeune noble que l’Épervier ne se permettait que dans l’intimité, tout comme l’affectueuse bourrade dont il le gratifia à l’instant, sa large paluche s’écrasant sur son omoplate. Il côtoyait Tharcise depuis que ce dernier avait baptisé de ses premiers pas le tillac de la Distraite, se remémorant avec une nostalgie amusée la haute et sculpturale silhouette de son père et vieil ami, Onfroi, si fier et impatient de présenter à tout l’équipage ce fils inespéré, le nourrisson braillant à tue-tête dans ses bras tremblants d’une émotion toute fébrile.

- J’te r’joins, j’vais marcher un peu. répondit Tharcise, ses doigts grattant l’arrière de son crâne tandis qu’il achevait sa phrase d’un bâillement à peine réprimé.
- Aye. Tard’pas trop, s’tu veux pas rec’voir un coup d’louche d’mon épouse. Et t’sais qu’elle rat’jamais s’cible ! Haha !
- J’sais, mon front s’en souvient encore.

Un clin d’œil complice adressé à Joffre, escorté d’un éclat de rire, et Tharcise s’éloigna, bifurquant à l’opposé de la direction empruntée par l’Épervier. Resserrant contre son corps les pans de sa noire pèlerine bordée de galons brodés de fil sinople et agrémenté d’un col en fourrure de castor, il s’évada le long de l’interminable jetée hantée par les silhouettes mouvantes des navires amarrés. Mains nouées contre ses lombaires, il observait en contrebas l’onde mouvante dont les vagues s’ornaient de délicates frises moussues scintillant sous les feux timides du croissant de lune. Quelques tours de sablier plus tard, il opéra un demi-tour pour emprunter le chemin en sens inverse, retournant ainsi sur le ponton abordé par la Distraite encore coiffée de neige. Deux marins de quart discutaient sur la dunette, leur faciès buriné par le soleil et les embruns à peine éclairé par la lampe-tempête qui oscillait au bout de son anneau, contre un mât, à quelques coudées de leur position. Le jeune homme dépassa les limites de leur champ de vision, se dirigeant en bout de ponton. Là, sous le flambeau crachotant d’une torche malingre fixée à un pilier, il aperçut un alignement de barils formant un escalier sur lequel il grimpa prestement avant de se jucher sur une imposante caisse en bois. Exhalant un soupir d’aise, il s’y installa, les jambes croisées en tailleur, mains en appui de part et d’autre de ses hanches et le nez levé vers les étoiles.

Tharcise appréciait l’atmosphère de la mer hivernale. Il ressentait une sorte d'ivresse tandis qu’il respirait les senteurs du large et que la brise marine faisait vibrer de son souffle froid les noirs feux follets de sa tignasse. Il lui semblait que, sous son surcot de toile verte et safran qu’il arborait sur la Distraite, défraîchi par le sel, usagé par la transpiration, et dont il était las, son jeune corps, dru et neuf, était revigoré, nettoyé des sueurs du labeur et comme purifié par ce vent si vif, si hardi, qui crêtait d'écume les vagues alanguies. C'est comme respirer l'haleine suave d’Anür... lui aurait sûrement dit son père dont la Foi en la divine sirène était toujours demeurée intacte. A cette pensée, le jeune noble sourit, une esquisse nostalgique grimant ses lèvres abîmées dont l'hématome avait viré au bleu fade chamarré de jaune. Puis dans une inspiration qui fit gonfler d’un élan viril son torse aux courbes musculeuses, il bascula sur le dos, les mains en soutien contre sa nuque, relâchant ses jambes dont les mollets pendaient dans le vide, et le regard englobant la toile enténébrée de l’empyrée chahuté de ces éclats célestes dont il appréciait l'observation.

Il ne fallut pas longtemps avant qu’il ne cédât à l’assoupissement, son visage baigné des lueurs faseyantes de la torche proche.



Dernière édition par Tharcise d'Aspremont le Mer 20 Juil 2022 - 21:31, édité 2 fois
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VioletteFille d'Anür
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyMar 12 Juil 2022 - 1:53



Horion n’est pas une constellation



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Son étole de laine mauve terni par le temps couvrant sa tête ébouriffée, quelques mèches noires éparses savamment placée devant une partie de son visage blafard, Violette prit prestement la tangente, louvoyant tel un frêle serpent entre les tables encombrées et les silhouettes avinées hantant l’établissement pittoresque qu’était le Boit-Sans-Soif. Sans même prendre la peine de saluer la Grosse Martha et les trois frères, n’indiquant aucunement son départ et encore moins son possible retour. Elle prit même le plus grand soin afin de les éviter, se faufilant discrètement à l’extérieur de la bâtisse de pierre blanchie par le sel et de bois vermoulue par l’embrun marin.

Ce n’est qu’une fois les battants de l’auberge refermés derrière elle que la jeune femme respira, aspirant à plein poumons une bonne bouffée d’air frais et vivifiant, ébrouant doucement ses maigres épaules sous le long frisson glacé qui parcourut son échine. A l’aide de ses deux mains, elle rabaissa le châle appartenant anciennement à sa mère, le ramenant autour de son cou pour se protéger un minimum du froid ambiant, emprisonnant son corps étroit entre les pans lâches qu’elle resserra machinalement ; libérant par la suite son épaisse crinière ébène et ivoire de leur carcan d’une simple secousse, faisant voltiger cette indomptable chevelure bouclée dans tous les sens, se fichant éperdument de ce qu’elle pouvait fouetter aux alentours.

La Lionne jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, souffla fortement et sèchement par le nez pour évacuer la pression qui pesait sur tout son être, comme si elle portait le poids du monde et qu’elle pouvait s’en débarrasser de cette manière. Une pointe de mélancolie et de profond abattement prirent place sur ses traits juvéniles, affichant sans discrétion aucune tous les lourds sentiments et ressentiments qui se bousculaient dans les méandres de son esprit en cet instant. Elle s’apprêtait à partir à gauche, comme d’habitude. Rejoindre le Goulot, et sa famille qui ne l’attendait pas de sitôt. Et c’est finalement dans un renâclement farouche que ses pieds l’envoyèrent sur sa droite. Une direction qu’elle ne prenait que rarement, le côté riche et noble du Port, bien qu’attrayant, n’était pas forcément ce qu’il y avait de plus sécuritaire pour elle entre insultes et quolibets de tout genre dû à ce qu’elle était. Une miséreuse. Une prostituée qui plus est. Mais elle prit tout de même ce chemin, se disant probablement qu’à cette heure, les rues devaient être plutôt vides, ou du moins, suffisamment pour passer inaperçue ; ses talons de bois claquant sur le sol pavé avec une détermination renouvelée, retrouvée.

Et elle marcha. Pendant de longues minutes. Le nez en l’air et un sourire aux lèvres, ses yeux d’émeraudes scrutant la voûte étoilée et leur compagne lunaire qui ne ressemblait en cette nuit hivernale qu’à un mince croissant, n’éclairant que peu l’allée bordant l’océan dont le doux ressac frappant la digue conférait un aspect quasiment féérique à cette nuit solitaire. C’est à ce moment précis qu’un éclair de lucidité la frappa, ramenant son esprit volage sur terre ; ses pupilles curieuses se mettant en branle, balayant les quais face à elle lorsque des bribes de souvenir d’une conversation tenue il y a trois jours de celà refit surface dans sa mémoire. Tant qu’elle était là, pourquoi ne pas jeter un coup d'œil à la Distraite ? Quand bien même elle savait qu’elle ne devrait pas pousser son investigation plus loin, craignant de tomber sur un quelconque importun ; son insatiable curiosité, quant à elle, la poussait dans le sens contraire. Et c’est ce qu’elle fit. Lorgnant les différents pontons plus que les noms et autres plaques apposés sur les différents bateaux, Violette avança, encore et encore, s’éloignant de plus en plus du Boit-Sans-Soif et d’autant plus du Goulot où elle avait grandi, pour parvenir finalement à l’endroit où mouillait la Distraite, la reconnaissant vaguement pour l’avoir entr’aperçu plusieurs fois en compagnie de son père, dont la coque était illuminée par à-coups sous l’assaut fébrile d’une lampe se mouvant au gré de la brise.

La petite brune gracile aux yeux verts printemps poussa un peu plus son expédition, se dirigeant vers le halo vacillant d’une torche solitaire, logée au bout du ponton, éclairant faiblement des piles de tonneaux et de caisses entreposés là ; ne prêtant guère attention aux personnages se trouvant encore sur le pont du navire, les laissant vivre tranquillement leur vie, à partir du moment où ils fichaient la paix à la sienne. Il ne fallut que peu de temps pour qu’elle rejoigne enfin ce drôle d’observatoire à ciel ouvert, repérant de ce fait la personne ayant déjà pris possession des lieux. Alors l’adolescente, tenant fermement les pans de son châle défraîchi d’une main, entreprit de relever ses jupons violines de l’autre, venant coincer le bas de sa robe dans la ceinture de cuir, d’une couleur similaire à ses bottines, ornant sa taille délicate. Et elle grimpa un à un les tonneaux avec l’agilité de l’habitude, ayant cure de l’impression qu’elle pouvait donner ainsi accoutrée à escalader ce monticule de cargaison.

C’est une fois arrivée en hauteur, au sommet du dernier tonneau, qu’elle reconnut l’étrange oiseau sur son perchoir. Elle s’agenouilla sur le couvercle de celui-ci, s’accoudant sur le plafond de la caisse de son bras gauche, son menton se logeant dans sa main en coupe, tandis que l’autre venait reposer le long du bord, non loin d’elle. Sa petite tête décoiffée se pencha sensiblement sur le côté dans son observation ; ses prunelles olivâtres croquant avec amusement le profil masculin du jeune noble assoupi, redessinant son arcade sourcilière, griffonnant la ligne droite de son nez, peignant une ébauche de ses lèvres… s’arrêtant avec un rictus grimaçant sur le bel hématome qui se laissait aisément entrevoir.

Quelques minutes de plus défilèrent. Et plus les grains temporels s’écoulaient, plus les sourcils ténébreux de la prostituée se fronçaient au-dessus de ses orbes malachites. Et avant même qu’elle puisse y songer, et encore plus, s’en empêcher, son index taquin vint à la rencontre de la joue obombrée d’une barbe noir, appuyant doucement dessus. Ne recevant aucune réponse de prime abord et constatant la froideur de la peau résidant sous la pulpe digitale, elle finit par avancer sa main jusqu’à la pommette du jeune homme, la touchant du dos de ses doigts. Un grognement remonta du fond de sa gorge, à mi-chemin entre la lassitude et l’exaspération. Et s’il y eu l’ombre d’une hésitation dans ses perles smaragdines quand sa dextre commença à avancer vers Tharcise, ce n’était plus le cas lorsqu’elle la posa sur son épaule. se mettant à le secouer sans ménagement aucun.

- C’quoi ton objectif d’vie ? Cr’ver d’froid sous l’neige ? T’sais qu’dans les histoires, c’pas l’homme qu’joue la d’moiselle en détresse ?! Sa mine renfrognée, ses cheveux en bataille et ses iris péridot reflétant autant d’énervement que d’inquiétude, le pourtour de l’un de ses yeux se maquillant d’un halo bleuâtre virant au noir ; parfait tableau pour un réveil sans douceur.
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyMar 12 Juil 2022 - 17:10



Horion n’est pas une constellation.



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Lorsque Violette passa sous le nez des deux marins en faction sur la Distraite, l’un sollicita les côtes de l’autre d’un coup de coude complice, tout en accusant la silhouette familière de la prostituée d’un élan du menton équivoque, cette dernière se déplaçant vers le lieu où s’était réfugié le nobliau. Se méprenant sur la raison de ce rendez-vous nocturne qui n’en était pas un, ils éclatèrent de rire, tout en guettant l’éloignement de l’adolescente au vieux châle d’un œil goguenard, l’air ravi d’avoir assisté, espions malgré eux, à cet écart de conduite qui, d’après leur réaction, semblait bienvenu.

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Quelque chose agaçait le derme de sa joue obombrée de son duvet noir, taquinait sa pommette. Un tic nerveux provoqua un serrement de dents, faisant frémir les muscles de ses maxillaires. Escorté d’un grognement étouffé par la léthargie, son épaule s’agita d’un élan contrarié pour rejeter l’importun insecte qui osait, par ce froid, s’aventurer ainsi et perturber le cours de ses songes. Mais il n’était point question de bigaille, et pour cause. Cette même épaule fut investie d’une paumée, aussi délicate que ferme, qui le secoua sans ménagement, en même temps qu’une voix féminine retentissait, son verbe négligé irritant le pavillon de son oreille.

- Qu-… ?! s’étrangla-t-il en chassant l’air de ses mains qui s’étaient désolidarisées de sa nuque aux cervicales engourdies.

Tharcise se réveilla brusquement, les yeux ronds comme des billes fixés sur le firmament. D’un mouvement vif, incité par une sorte d’angoisse féroce d’avoir été surpris dans un état de totale vulnérabilité, il fléchit ses jambes au-dessus de son juchoir et bascula sur le côté opposé pour faire face à l’impertinente intruse. Se ramassant sur ses pieds bottés de cuir dans une posture accroupie, il tendit rapidement son bras vers le proche pilier contre lequel l’imposante caisse était accotée, pour agripper entre ses doigts le flambeau fiché dans son anneau et l’élever au-dessus de lui afin d’éclairer l’espace immédiat. Il découvrit alors une petite silhouette agenouillée sur l’un des gros barils attenants, reconnaissant le minois pâle de cette pauvresse à la fanchon défraîchie qu’il avait rencontrée trois jours plus tôt.

- Ah. C’est vous. soupira-t-il, l’air bête, dépité.

Le froncement de sourcils qui souillait jusqu’à présent son faciès d’un masque de colère et de suspicion s’effaça, pour laisser place à une expression d’étonnement contemplatif. Tandis que, dans un silence de plomb, il agressait sa visiteuse de la cordelière flamboyante et crachotante de sa torche, il constata la présence de la vilaine ecchymose bleuâtre grimant l’une de ses paupières gonflées. Il renifla sèchement, sa bouche à la pulpe inférieure chatouillée de sa fine cicatrice, se tordant d’un rictus mécontent. S’il y avait bien une chose qu’il exécrait, en ce bas monde, c’est que l’on s’en prît au beau sexe. Peu importait le grief qui en était le prétexte, la violence ne résolvait rien. L’atermoiement n’étant pas dans sa nature, il prit le parti d’en démystifier la gravité.

- Vous cherchez à rivaliser avec moi ? fit-il en secouant le flambeau vers le visage tuméfié de la jeune fille. Malgré cette pique à l’humour douteux, et le sourire affable qu’il lui adressa, le sérieux demeurait dans le ton chaud de sa voix et dans les lueurs qui vivotaient, sombres, à la surface de ses iris d’opale.

Lèvres pincées, comme s’il regrettait ses paroles aux effluves insouciants, Tharcise reprit sa place initiale, le postérieur au bord de son perchoir et les mollets dansant dans le vide. Le geste lent, il se débarrassa de la torche qu’il replaça dans son logement métallique. Son buste alourdi de l’épaisse et sombre pèlerine opérant une légère torsion vers la miséreuse, il la considéra longuement, songeur ou hésitant, avant de tendre sa dextre vers elle pour l’aider à se hisser sur cette estrade cubique, et ainsi le rejoindre, si elle le souhaitait.

- Venez.
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyMer 13 Juil 2022 - 0:47



Horion n’est pas une constellation



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

L’énervement et l'inquiétude firent place à l’étonnement sur les traits juvéniles de Violette. Ses grands yeux en amande s’écarquillèrent, devenant aussi ronds que ceux d’une chouette alors que la victime de son réveil brutal se redressait brusquement, attrapant la torche à proximité d’un geste vif, le halo enflammé éclairant abruptement le pâle visage mutin orné de son bel hématome. Elle recula doucement sa main, celle-ci se refermant en un poing lâche, venant percuter le bois de la caisse dans un bruit mat alors qu’un sourire moqueur se formait sur ses lèvres pincées pour ne rien laisser passer ; son corps se ramassant sur lui-même, vacillant légèrement sur le sommet du tonneau où elle était assise, manquant de tomber.

Effort peu fructueux s’il en est puisque, dès qu’il eut ouvert la bouche, la regardant d’un air dépité, la jeune femme ne put retenir l’éclat de rire qui montait de sa gorge et roula sur sa langue, perçant les maigres défenses qu’était la barrière de ses lippes charnues, laissant son hilarité se déverser en une abondante cascade à la mélodie claire, inondant même le coin de son oeil intact d’une goutte salée. Ses épaules se mirent à tressauter au rythme erratique de sa respiration, ne cherchant apparemment plus à dissimuler son amusement face à la situation. Amusement, semble-t-il, plus que bienvenu.

- T’verrais l’gueule qu’tu tires…! L’adolescente s’affala sur son accoudoir de fortune, hoquetante ; son menton toujours perché dans sa senestre qui avait de plus en plus de mal à ne pas ployer sous le poids de la petite tête ébouriffée. Il lui fallut quelques interminables secondes pour que les battements de son coeur cognant à tout rompre dans sa cage thoracique finissent par se calmer, que son rire aussi salvateur que soudain finisse par se tarir et que l’air reprenne enfin leur libre place au sein de ses poumons en feu ; posant finalement ses perles vertes sur le faciès mécontent de Tharcise. Et si elle ne sut pas pourquoi il la dévisageait ainsi au début, elle finit par comprendre de par sa question d’où perçait une certaine ironie ; ses lèvres étirant un sourire malicieux teinté d’une drôle de tendresse. Qu’est-ce tu veux… J’trouvais qu’c’te couleur m’llait mieux qu’à toi. Répondit-elle en redressant le buste, la senestre sur laquelle sa mâchoire reposait jusqu’à présent s’envolant pour se glisser dans sa crinière bigarrée, effectuant un petit geste sur le côté pour la repousser, une expression d’arrogance feinte imprégnant son profil amoché. Cette comédie ne tint qu’à peine une demi-seconde, son ricanement revenant derechef la harceler, se transformant en un gloussement joyeux, comme si rien de tout cela n’avait une quelconque importance. Ce qui, au vu de la luisance brouillée de ses prunelles olivâtres ancrées dans les opales opposées et la fadeur de son sourire facétieux, indiquaient tout le contraire. Le masque d’insouciance factice qu’elle portait en permanence se fissurant progressivement, laissant entrevoir l’espace d’un instant toute la détresse savamment cachée derrière, à peine visible entre les brèches et tout aussi hâtivement colmatées qu’elles ne s’étaient créées.

Violette fixa Tharcise. Un bref moment. Scrutant de ses perles de jade cette main tendue dont elle n’arrivait pas à savoir si elle se devait de la saisir ou non. Elle ne l’avait pas fait la première fois, bien que les circonstances étaient différentes. Pourquoi le ferait-elle cette fois-ci ? Mais surtout, pourquoi ne le ferait-elle pas ? Après tout, c’était ses pieds qui l’avait conduite jusqu’ici, c’était elle qui l’avait réveillé alors qu’elle aurait tout simplement pu ne pas venir, ou même repartir en l’abandonnant dans le froid, en solitaire, sur son trône de bois. Des dizaines et des dizaines de pensées contraires fourmillaient sous son crâne délicat surmonté de son abondante chevelure bouclée, encadrant son minois blafard d’où perçaient deux iris bien trop verts. Pourquoi avait-elle la forte impression, l’insaisissable sensation, que, par ce simple geste, sa vie prendrait un tournant totalement différent de celui qu’elle était supposée prendre ? Les Dieux sont de sacrés farceurs…

Et finalement… Seul’ment s’t’arrêtes de m’vouvoyer. J’l’impression d’me prend’ dix ans dans la gueule à chaqu’ fois. Un peu d’pitié mon brave. J’suis pas si vieille. Dans un sourire, la pauvresse glissa sa main gracile dans la paume plus large du noble.

D’une impulsion de ses reins, elle se remit debout, grimpant à ses côtés sur ce qui, en cet instant, paraissait être le sommet d’un monde esseulé, perdu sous la ténébreuse voûte céleste. Elle devait avoir une bien étrange allure avec son cocard violacé, ses cheveux bicolores se battant contre la brise et le bas effiloché de son jupon violine coincé dans sa ceinture de cuir, dévoilant en partie ce qu’une jeune femme bien élevée n’était pas supposée montrer à un regard autre que le sien. Mais Violette, elle, n’en avait visiblement rien à faire de la bienséance, comme si toute cette bagatelle n’avait pas la moindre importance et c’est certainement pourquoi elle s’assit à ses côtés sans pavoiser ; repliant une de ses jambes sous elle alors que l’autre se balancer nonchalamment dans le vide ; son coude droit se repliant pour venir s’enfoncer dans la chair molle de sa maigre cuisse ; sa mandibule se posant par la suite sur son poing alors que les doigts taquins et engourdis par le froid de sa senestre restèrent nichés plus longtemps que nécessaire dans la dextre masculine.

Deux prunelles smaragdines brillantes d'une insatiable curiosité se posèrent sur la noble figure, épiant chacune des variations d’humeur animant celui-ci entre chaque battement des longs cils noirs. Qu’est-ce t’fais percher là-d’ssus à dormir à c’t heure et dans l’froid ? T’veux vr’ment t’ber malade ? La trajectoire de ses perles printanières dévièrent, se relevant pour aller embrasser les diamants incrustés dans l’obscure immensité les surplombant ; obligeant de ce fait la prostituée à pencher la tête en arrière, se retrouvant enveloppée dans le sombre plumage criblée d’argent de sa longue tignasse indocile, lui donnant des airs d’oiseau aux funèbres présages.
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyMer 13 Juil 2022 - 9:35



Horion n’est pas une constellation.



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

La musique de cette hilarité débridée déroula sa portée de notes joyeuses le long du ponton, en clairs échos cristallins, avant de mourir sous les assauts cajoleurs de la froide brise iodée.

- A vot-… A ta guise. corrigea-t-il aussitôt en inclinant le front, peu contrariant. A défaut de pitié, le brave peut consentir à cet effort.

Un sourire aux lèvres ponctuant le creux de ses joues de fossettes juvéniles, Tharcise attira d’une traction assurée et ferme la pauvresse jusqu’au sommet de son trône de bois, plaçant ses doigts de façon que la menue menotte aux paumes bossuées de cals se reposât sur la tranche des phalanges de son index. Seul son pouce s’était imposé le temps de cette rapide manœuvre avant de s’écarter. Ainsi Violette n’eut-elle jamais la sensation d’être emprisonnée dans cette geôle de chair et de sang qui ne lui servait, en cet instant, que de guide à la manière d’un cavalier invitant sa dame dans un pas de danse courtois. Cette main finit d’ailleurs par s’effacer, dès lors que l’adolescente se fut installée à son côté. Décalant les pans de l’encombrante pèlerine pour éviter que l’assise de la jeune fille n’en bloquât la valse alanguie, il poursuivit son observation anoblie d’une certaine curiosité soucieuse. Son regard dévala sur l’œil aux aspérités abîmées de cette voisine inattendue, s’octroyant ce loisir, sous les protestations ocrées de la torche, d’appréhender son joli profil au galbe fleurant encore l’enfance, soutenant son opposé avec un sérieux qui semblait soudain figer ses traits masculins d’un masque impénétrable. Exhalant un soupir sec, il détourna ses mires grises de l’objet de son examen attentif, ses paumes glissant sous les lourds flancs ténébreux de sa cape de laine doublée et se calant sur le velours noir de ses braies au tissu lâche pour râper ses cuisses en une itinérance inlassable. Il s’éprit d’un redoutable frisson, son dos se crispant imperceptiblement avant qu’il n’étouffât un profond bâillement dans le creux de son coude, ne provoquant qu’un arrêt momentané du ballet de ses mains sur son pantalon.

- Je me suis laissé surprendre par le sommeil. lâcha-t-il tout en reniflant sèchement, levant le nez vers le dôme constellé d’une légion d’étoiles escortant l’impassible croissant de lune à l’esquisse amusée. Ce spectacle nocturne ne se prête-t-il pas à l’évasion.

Une question qui n’en était pas vraiment une, cette sentence résonnant telle une certitude qui ne se rapportait qu’à lui. Peu lui importait que cette pauvresse au vieux châle y fût sensible, ou non, elle qui était venue chambouler son maigre repos pour il ne savait quelle obscure raison, cherchant visiblement sa compagnie sans qu’il n’en saisît les tenants et les aboutissants. Comme s’il n’y avait pas assez de quais le long de cette baie marbrumienne, de pontons isolés et de caisses désertées capables d’accueillir sa misérable silhouette. Y avait-il seulement une raison à tout cela ? A moins qu’elle ne cherchât, en cette heure nocturne et propice au méfait, un client à appâter et à soulager de quelques pièces sonnantes et trébuchantes. Bien que ce point ne fût guère confessé par ladite Violette, Tharcise avait encore le souvenir de ce récent épisode à la taverne Boit-sans-Soif et des termes peu obligeants qui avaient titillé le pavillon de son oreille. D’un rejet vague d’épaules, il balaya ces élucubrations, le silence s’imposant entre eux.

Sous leurs pieds ballants, l’appontement béait sur le vide ténébreux, insondable, de ce territoire aqueux dont les vaguelettes bavardes en pourléchaient le rempart de bois. Le clapotis incessant se mêlait au craquement de la structure mobile de la Distraite parquée non loin ; de quelque note de musique enjouée que le vent portait par à-coups capricieux jusqu’aux oreilles de ces deux oisillons esseulés sur leur perchoir de fortune. Des échappées de rire qui semblaient extirpées des contreforts du proche navire extirpa le jeune homme de son silence méditatif. Ses mains cessèrent leur va-et-vient pour se caler au bord de l’énorme caisse sur la cloison de laquelle le talon de ses bottes claqua son tambourin discret, vibrant, comme s’il lui était impossible de rester tranquille une seconde. Le buste à peine penché en avant, Tharcise tourna son faciès vers l’adolescente, calant son menton contre son épaule réhaussée par la posture. Sa mâchoire se retrouva affublée de la brune toison de castor fournie qui bordait le col de la longue et large pèlerine, ne laissant apparaître que son nez qui frétilla sous le chatouillis des poils de la fourrure.

- Qui t’a fait ça ? demanda-t-il, tout de go, la question ne permettant nulle autre interprétation que ce que ses yeux d’orage jugeaient en cet instant.

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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyMer 13 Juil 2022 - 23:48



Horion n’est pas une constellation



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Ses paupières se refermèrent sur ses prunelles d’un vert éclatant, les emprisonnant tel des coquillages sur leur perle nacrée ; inspirant à plein poumons l’air imprégné de cet odeur saline que dispersaient les embruns marins puis expirant le plus longuement possible, la tension dans ses frêles épaules se relâchant progressivement ; le talon en bois de sa bottine tapant de temps à autre contre le flanc de la caisse, dans un rythme similaire au reflux de l’écume en contrebas. Si. M’pas au point d’m’endormir dans l’froid. Faut dire qu’y’a plus sécure comme endroit p’ça. La blancheur de sa canine vint se superposer sur le rosé de sa lèvre inférieure, martyrisant la tendre pulpe ; ses sourcils se fronçant sensiblement, leur conférant l’allure d’ailes d’oiseau prenant leur envol. A moins qu’ce soit moi qui n’sait pas m’détend’. Violette souffla un son bref, moqueur, empli de dérision de soi, se moquant d’elle-même autant qu’elle se moquait des autres.

Au bout d’un temps, dans le silence brisé par le fracas à répétition des vagues sous leurs pieds, par les clameurs des marins en provenance du bateau en retrait par rapport à eux, Violette, qui était alors ramassée sur elle-même, finit par lentement se déplier ; chacun de ses maigres muscles se décrispant progressivement, tellement tendus qu’on les entendrait presque craquer et se rompre sous l’effort, pourtant peu conséquent, de la jeune femme ; amenant ses petites mains pâles et calleuses derrière elle et s’appuyant dessus, l’obligeant à basculer son buste en arrière ; son châle mauve affadie par le temps et terni par l’iode ne demeurant sur ses épaules que par l’opération de la Sainte Trinité. La pointe de son interminable chevelure indomptable recouvrant le sommet de la caisse de sa mante ténébreuse marbrée d’un rayon lunaire, s’enroulant tel un serpent assoupi alors que l’adolescente conservait ses pupilles rêveuses sur la voûte céleste.

Elle ne tourna pas le visage vers lui de prime abord, uniquement ses iris malachites interloqués ; ses longs et épais cils noirs balayant doucement l’invisible au devant d’elle. Sa dextre se décolla de la paroi, montant dans un tremblement hésitant jusqu’à son œil gonflé ; ses doigts chevrotants effleurant délicatement la chair malmenée et violacée. Hm… Violette ramena sa main devant son faciès mélancolique, ne cherchant pas à cacher une certaine tristesse fataliste qui devait saisir à un moment ou à un autre toutes celles qui se retrouvaient dans sa situation. Un sourire sans joie naquit sur ses lippes charnues, son corps s’ébrouant sous le haussement faussement nonchalant de ses minces épaules. Un client qu’voulait pas payer. C’est pourtant sur un ton surprenamment doux que la phrase fusa dans la brise hivernale, caressante. Ca ‘rrive parfois. S’vent. C’t’jours com’ça quand on est négligeab’.

Sa paume glissa délibérément, son coude s’affaissa, ses omoplates claquèrent contre le bois et Violette s’allongea. Sa jambe se retira d’en dessous d’elle pour rejoindre sa consoeur, leur talon tambourinant sourdement de concert dans un balancement sporadique contre la paroi ; ses mains jumelles se rejoignant sur son ventre creux, ses doigts fins s’entrelaçant entre eux. Et ses perles smaragdines dépourvues du moindre éclat espiègle se plongèrent dans l’obscure immensité piquetée de fabuleuses pierreries. Tu t’y c’nnais en astronomie ?

Fidèle curiosité.
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyJeu 14 Juil 2022 - 16:44



Horion n’est pas une constellation.



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Le front plissé, Tharcise suivit le parcours de cette petite main frêle dont la pâleur se parait de toute une nuance d’ocre et d’ombre sous la flamme agitée de la torche. Les doigts menus de la pauvresse frissonnèrent, hésitants, sur la laide ecchymose violacée qui fardait son œil ; la vivace lueur qui pétillait à la surface de ses vertes prunelles s’affadit d’un voile triste, résigné, tandis que ses lèvres s’animaient pour lui brosser, d’une note aux accents pudiques, la cruelle vérité de ce statut dépréciatif dont les langues alcoolisées de la taverne Boit-sans-Soif l'avaient affublée. Violette représentait tout ce que l’arrogante noblesse de Marbrume exécrait, rejetait. Aucune humilité dans ses postures, aucune docilité, aucune espèce d’éducation ; un caillou brut. Pourtant, bien que l’évidente précarité de sa misérable condition en rebutât plus d’un, le jeune noble savait que certains de ses pairs à l’appétence libertine n’hésitaient pas à s’aventurer dans ces bas-quartiers pour s’offrir les services licencieux de ces filles de petite vertu. Et au-delà de ces considérations qui ne la mettaient guère en valeur, loin des canons de la bienséance dont on lui rebattait le cervelet depuis qu’il était en âge d’en saisir les subtilités – et l’ennui ! – il trouvait ladite Violette touchante.

Pour le reste, il n’était pas fait de ce bois-là.

La réponse de l’adolescente apporta sa touche de mélancolie à ce tableau inattendu que la Trinité, au cœur de ses voies impénétrables, semblait avoir ébauché de son divin pinceau. Tharcise détourna l’attention forcenée de son regard tout en exhalant un souffle nasal sec, sa mire larguant derechef les amarres pour faire voile vers l’horizon céleste. L’intérêt que sa voisine porta soudain sur le sujet de l’astronomie le surprit. Agréablement, de surcroît. Au point qu’un de ses sourcils s’arqua, noir accent circonflexe au-dessus de son œil grisâtre, lui conférant cet air bête qui figea ses traits l’espace d’un battement de cils. Il reporta alors son attention sur la jeune fille, dont le maigre corps, sous les plis chahutés de ses vieilles hardes violine, était désormais étendu. Nulle malice ne souillait ses juvéniles et volages expressions ; rien qu’une curiosité saine.

- L’astronomie est l’une de mes matières préférées. commença-t-il, une once de fierté saupoudrant d’une légère tonalité aiguë la grave mélodie de sa voix.

Ses prunelles se détachèrent de la silhouette allongée de la prostituée pour embrasser derechef l’immensité de l’empyrée constellé de ses myriades d’étoiles. Concentré sur cette inextricable trame céleste, sa bouche abîmée s’animait d’un tic, ses dents mordant l’intérieur de ses joues. Le disque rongé de la Lune se perdait derrière eux, au-dessus des tours de Marbrume, jouant à cache-cache avec une cohorte de nuées effilochées. Face à eux, le ciel s’enhardissait d’une virginité bienvenue, permettant ainsi de mieux appréhender cette formidable collection d’amas célestes.

- Ici, ce groupe d’étoiles… assez bas sur l’horizon, au-dessus de la mer, tu le vois… ? désigna-t-il avec un sérieux tout professoral, avant de remarquer que sa position ne permettait guère à l’adolescente d’apprécier ce que son index pointait, son dos affublé de la large ramure de sa pèlerine occultant cette partie du ciel. Hrm, non.

Une grimace indécise souillant ses lèvres, Tharcise tergiversa une longue minute avant de prendre la décision dont l’issue semblait le contrarier. Finalement, un soupir s’évadant de sa bouche en une volute blafarde, il s’allongea à son tour, le coude droit replié lui servant d’appui, tandis que son bras gauche se détendait vers la constellation au dessin particulier que son index agressait.

- Dans le prolongement de mon bras… là. la guida-t-il, empruntant un ton murmuré, aux effluves de confidence. Tu as une sorte de, hm, rectangle formé par quatre étoiles, et en son centre… ici, un autre trio plus resserré formant une ligne. En te concentrant bien, tu pourras même voir qu’une des étoiles du rectangle brille d’un feu orangé. Il souriait à l’invisible, patient, l’air rêveur et passionné. Cette constellation s’appelle le Chasseur.

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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyVen 15 Juil 2022 - 0:44



Horion n’est pas une constellation



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Ne voyant pas la réponse arriver, Violette tourna sensiblement la tête, ses grands yeux verts printaniers inquisiteurs dans lesquels dansaient les flammes ocre de la torche se posant sur le faciès obombré d’une courte barbe sombre de Tharcise. Elle scruta chacun de ses traits marqués par la surprise jusqu’à ce qu’il finisse par répondre, faisant naître un drôle de sourire tendre teinté d’une douce moquerie qu’elle réservait particulièrement aux babillements intempestifs et sans queue ni tête des plus jeunes de ses frères et soeurs.

Sans se départir de la position dans laquelle elle se trouvait, la jeune femme décortiqua de ses iris malachites chacune des expressions faciales arborées par le brun, l’observant s’animer comme l’on pourrait observer un oisillon peu à l’aise sur ses pattes fines sur le point de prendre son premier envol. Absorbée dans sa propre contemplation, s’attardant autant sur le côté sérieux qui s’empara de lui, tout à sa passion pour les diamants les surplombant qui l’animait, que sur l’indécision qui le prit lorsqu’il se ravisa, s’apercevant qu’elle ne pouvait pas voir ce qu’il voulait lui montrer de prime abord. Groupement d’étoiles qu’elle n’avait même pas cherché à apercevoir au vu de sa posture, mais surtout parce que son attention était entièrement retenue ailleurs.

Et ses lèvres s’étirèrent malgré elle, demeurant néanmoins closes, les gardant pincées pour ne pas laisser échapper ce qui menaçait de rompre la digue charnue à tout instant. Ce qui fut fort difficile lorsqu’une grimace contrariée s’empara du visage du jeune homme, finissant par s’étendre à son tour à ses côtés après ce qui paraissait être une âpre bataille contre lui-même ; lui faisant par ailleurs mordre sa lèvre inférieure et briller d’un éclat particulièrement joyeux et espiègle ses perles émeraudes, se retrouvant à demi-cloisonnée sous leur barrière de chair, derrière la dentelle noire de leur fins barreaux tandis qu’elle le dévisageait par en-dessous.

Et il reprit, dans un murmure aux parfums de secret, allongeant son bras gauche, index pointé vers le ciel obscur, lui montrant tel rassemblement étoilés dans telle forme. Quant à ses billes péridot, elles, elles demeurèrent figées sur le noble profil, s’attardant sur chacune des aspérités de celui-ci, voletant sur la moitié du sourire visible, planant gaiement sur les myriades d’émotions paisibles traversant la pupille opaline. L’adolescente n’exprimant qu’un vague Hm,hm…, sa frimousse ne se délogeant pas de son maintien, sensiblement tournée vers lui. Alors les encoignures de ses lèvres s’ourlèrent, son sourire s’agrandissant lentement tandis qu’elle s’esclaffait, ramenant sa délicate dextre criblée de callosité en un poing lâche au niveau de sa bouche, dissimulant l’hilarité qui l’avait saisi précedemment et qui revenait derechef telle une vague pourléchant un banc de sable, secouant à nouveau ses frêles épaules à en faire dégringoler l’étole mauve, mince barricade contre le froid hivernal dont elle ne prit pas la peine de se recouvrir, décochant un vif frisson qui n’avait rien à voir avec celui d’avant.

Rire qui s’enfuya aussi vite qu’il était réapparu, remplacé par un soupir détendu ; Violette détourna enfin ses mires facétieuses pour admirer la toile nocturne, s’accrochant à la constellation du Chasseur, cherchant chacune des actrices stellaires l’élaborant, prenant son temps pour en apprécier le dessin placés par la main des Dieux. Quoi d’autre ? Gardant, cette fois-ci, ses sentinelles de jade fermement ancrées sur la tapisserie crépusculaire s’étendant à l’infini au-dessus d’eux ; retrouvant cette étrange bulle confortable et sereine dont elle avait ressenti la disparition comme un surprenant choc quelques jours auparavant.
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyVen 15 Juil 2022 - 13:55



Horion n’est pas une constellation.



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

A peine ses mots décrivant l’amas stellaire s’étiolèrent-ils contre la barrière de ses lèvres, son index dansant sur la toile des cieux, que l’écho d’un vague acquiescement aux effluves polissons escorté d’un rire perlé résonna contre le pavillon de son oreille. La tension de son bras gauche s’amollit jusqu’à ce que ce dernier retombât complètement, avant d’être englouti dans les amples plis de la chaude cape doublée. Sa senestre se faufila contre son ventre, ses doigts pianotant une farandole enjouée sur le cuir ouvragé de la ceinture qui étreignait sa taille au-dessus de l’épais surcot sinople et dont on ne voyait qu’un mince aperçu entre les pans flottants de la lourde pèlerine. Toujours silencieux, comme s’il n’avait guère perçu l’élan hilare du facétieux lutin près duquel il était accoté ou qu’il n’y prêtait pas attention, Tharcise délogea ses jambes du bord de leur trône de bois, la droite se pliant et se glissant sous la gauche dressée, le genou ainsi fléchi amorçant un lent tangage. Au terme d’un chapelet de secondes qui parurent une éternité, il finit par réagir. D’une torsion du cou, il lorgna un coup d’œil inquisiteur, faussement critique, sur la jeune fille au tempérament dissipé. Il ne pouvait guère lui reprocher ce petit côté cancre dont il avait lui-même endossé le rôle auprès de ses précepteurs, ne leur facilitant nullement la tâche. Qui plus est, il n’était pas là pour dispenser quelque leçon même s’il mettait du cœur et de la passion à partager ses connaissances sur un sujet que la jeune fille avait abordé en toute innocence, et ignorance.

En cet instant, l’adolescente ancrait ses prunelles péridot sur le dôme étoilé, avec une telle opiniâtreté que c’en paraissait suspect. Les paupières plissées réduisant ses prunelles à deux étroites fentes qui incarcéraient à peine les lueurs incisives de son regard opalin, le nobliau ne put s’empêcher de rire à son tour. Bien que le spectacle qu’elle offrît en cet instant tenait davantage de la comédie que d’un intérêt véritable pour cette science des astres, il ne pouvait ignorer la présence latente de ces brumes mélancoliques qui agressaient le regard de la pauvresse ; cette chape affligée, sournoise, qui pesait sur ses maigrelettes épaules que le vieux châle mauve avait délaissées ; et cette apparente sérénité qui lissait les courbes fatiguées de son joli minois d’un masque tranquille, malgré l’ombre bleue de ce horion flottant sur son œil gonflé. Peut-être n’y avait-il aucune malice derrière sa démarche ? Peut-être n’y avait-il d’opportunité pour elle que celle de profiter d’une circonstance bienvenue, parenthèse rare qui avait l’heur’ de l’extirper, le temps d’une soirée, du sillage morne de ses obligations licencieuses.

Son sourire se fit étrangement compatissant, chaleureux, tandis qu’il préservait sa mire attentive sur sa voisine dont le faciès se fardait d’un suspicieux sérieux. S’ébrouant d’un frémissement frileux qui lui fit déserter le sentier de ses réflexions, il reprit la parole.

- Quoi d’autre ? répéta-t-il alors, avant de se détourner pour lancer derechef son bras à l’assaut des corps célestes. Eh bien. Quelques moulinets indécis du poignet plus tard, et il pointa de son index une zone sous le territoire précédemment indiqué du Chasseur. Le Lièvre… hm, avec ses deux longues oreilles. Eeet… Le bras s’éleva d’une traite vers les hauteurs de l’empyrée, chavira à gauche puis à droite avant d’ajuster son point de chute sur une étoile plus radieuse que ses voisines. Là ! Cette étoile, la plus brillante… voyez-vous ? fit-il, sans réaliser qu’il avait repris l’usage du vouvoiement. Elle est le point de départ d’une constellation qu’on nomme la Petite Ourse. Regardez, elle a la forme d’une brouette… un peu bancale, je vous l'accorde. Il se fendit d’un souffle de rire, cherchant rapidement le regard de Violette avant de plonger à nouveau dans cet océan d’éclats chatoyants. Et la Grande Ourse, à peine plus haut. Là.

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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyVen 15 Juil 2022 - 17:05



Horion n’est pas une constellation



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Violette suivit du regard chaque geste qu’effectuait son bras, ses yeux dérivant de l’index pointeur aux étoiles accrochées dans le firmament, croquant les lignes imaginaires tracées par les diamants en guise de points, remplaçant mentalement chaque forme créée par leur existante dans le monde réel. Si la concentration n’était en rien son point fort, préférant de loin laisser son esprit s’envoler à tout moment de la journée, et surtout, de la nuit, la jeune femme finit par se prêter au jeu qu’elle avait elle-même lancé en lui posant cette question aussi innocente que curieuse. Il est vrai que la voûte céleste et ses habitantes l’avaient toujours fascinée, non pas pour leur beauté mélancolique, mais pour la simple évocation du voyage infini dont elles semblaient être les maîtresses incontestées. Une étendue aussi vaste que vierge que les hommes ne pouvaient seulement que contempler de là où ils se trouvaient sans jamais être dans la possibilité de la souiller. Pourquoi ressentaient-ils le besoin de leur donner une quelconque architecture pour avoir l’impression de les contrôler un tant soit peu ? Avaient-elles une histoire propre qui n’avait pas été écrite par un étrange inconnu, un rêveur qui, comme tant d’autres, ne voulait qu’appartenir à cette immensité l’espace d’un court instant ?

Ses perles vertes pâles poursuivirent leur errance stellaire, s’arrêtant sur la plus scintillante d’entre toutes, un sourire vague, apaisé, flottant sur ses lèvres pulpeuses alors qu’elle regardait cette drôle d’image d’ourse ou de brouette branlante, elle ne savait pas trop. La superposition des deux lui offrant une vision assez hilarante qui redonna ses droits à son rire perlé de reprendre le dessus sur cette apparente sérénité qu’avait emprunté ses traits juvéniles et amochés, sa tête tournant légèrement sur le côté, ses émeraudes à la fois mélancoliques et facétieuses croisèrent brièvement les chaleureuses opales avant de retourner se perdre dans l’immensité nocturne. Elle leva à son tour son bras, effleurant sans y prêter la moindre attention celui de Tharcise, retraçant de son index curieux les contours particuliers de la Grande Ourse. J’trouv’ qu’ça r’ssemb’ drôl’ment à une cass’role quand même… inclinant délicatement sa tête sur la gauche tout en entraînant l’incroyable masse ébouriffée de sa chevelure bigarrée, les paupières plissées et les lippes ourlées dans une moue dubitative. Moue qui se transforma rapidement en un petit air agacé. C’malin. J’faim maint’nant… Ses billes de malachites roulèrent exagérément dans leurs orbites tandis que sa gorge pâle émettait un râle contrarié ; ses bras se croisèrent avec force, et fausse, mauvaise humeur sous sa poitrine, lui conférant une expression bougonne somme toute enfantine.

Ses prunelles verdoyantes résolument tournées vers le ciel enténébré piqueté de sa myriade de pierres rayonnantes, elle ne put que fouiller la toile crépusculaire de ses mires pour oublier, le temps d’un instant, cette sensation dérangeante qui avait saisi ses tripes. Et c’est là qu’elle apparut. La Dame à la longue traîne filant à une folle allure, déchirant le sombre empyrée de sa course blâfarde. Ses paupières s’ouvrirent, écarquillant ses grands yeux verts tels ceux d’une chouette en pleine chasse ; son maigre bras se désolidarisant de son jumeau pour venir s’abattre sur son voisin, cognant sèchement contre son flanc tandis qu’elle se redressait d’un basculement de ses reins pour retrouver une position assise, ses jambes se recroquevillant contre elle. Violette montra le dôme enténébré les surplombant d’un doigt tendu, tournant son buste vers lui en trépignant d’une certaine excitation infantile qui se reflétait dans ses iris olivâtres. T’as vu ? T’as vu ?!
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyDim 17 Juil 2022 - 9:41



Horion n’est pas une constellation.



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Sous la froide brise iodée, le rire de Violette pointillait le silence vespéral de ses notes perlées, éparpillées, escortant les dessins animaliers que Tharcise faisait surgir dans le sillage de son index volage, le bras toujours tendu au-dessus d’eux que frôlait, sans prétention aucune, celui de la jeune fille. Il allait jeter son dévolu sur une autre forme géométrique à l’allure draconique quand son flanc se vit agresser d’un coup de revers sec du maigre bras de sa voisine. Éructant un hoquet surpris, il accusa cette attaque inattendue d’un râle rauque, perdant momentanément l’équilibre lorsque son coude droit, accoté contre la surface de l’estrade cubique, fut bousculé par l’adolescente.

- Hey ! pesta-t-il avant de masser l’endroit incriminé d’une paume nonchalante, ses lèvres s’étirant en un rictus mi-grimaçant mi-rieur. Aïe.

Violette, sans doute attirée par quelque phénomène astral qui lui avait échappé, ses grands yeux émeraude s’arrondissant et scintillant comme des billes de verre, le cheveu follet malmené par ce soudain caprice, avait délaissé sa posture allongée pour s’asseoir de guingois. Ajustant sa posture précaire en forçant sur le gainage de son abdomen, il l’imita à son tour, tout en observant le spectacle inédit que lui offrait la jeune fille dans toute l’excitation de sa juvénile fraîcheur. Son petit nez rond levé vers l’immense scène céleste, elle jugeait d’un doigt tendu le sillage d’une unique larme qui zébrait la voûte sous la forme d’une traînée scintillante et qu’il eut à peine le temps d’apprécier tant il semblait absorbé par les mimiques de la jeune fille.

- Hm. J’ai vu, oui. répondit-il, ses iris s’octroyant un rapide aller-retour entre le dôme constellé d’éclats blafards et leurs opposés olivâtres que des élans rêveurs harcelaient, cette émotion sans fard chassant un bref instant leur mélancolie maussade et omniprésente. Une étoile filante. J’espère que vous avez fait un vœu. ajouta-t-il, sur ce même ton bas avant de reculer d’une bonne coudée, son postérieur frottant sèchement contre le bois de la caisse. Sa main, en se décalant, rencontra la matière laineuse, un peu rêche, du vieux châle au violet affadi. Dans un froncement de sourcils perplexe, le rictus pincé, il agrippa mollement un des coins du large fichu, prenant le temps de le faire tourner entre ses doigts pour en tester la misérable qualité avant d’en couvrir, de ses ailes fatiguées, défraîchies, les épaules étriquées de la jeune fille. Vous allez prendre froid.

A peine eut-il commis cet indéniable méfait, laissant à Violette le loisir d’ajuster les pans de la fanchon autour de son frêle corps que le nobliau s’évada vers le rebord de ce trône à ciel ouvert, ses jambes basculant par-dessus pour se réceptionner sur un des barils. Les paumes frappant d’un élan impérieux la lisière du linteau, il lui adressa un sourire en coin, empreint de mystère, qui accola une unique fossette sur sa joue gauche.

- Ne bougez pas. Je reviens.

Et de dégringoler la cohorte de tonneaux avant de se réceptionner sur le ponton, laissant sa visiteuse nocturne à ses interrogations curieuses. Le jeune homme entama une course, ses bottes de cuir claquant sur les planches tandis que sa haute silhouette, déformée par l’envol du lourd drapé de la ténébreuse pèlerine sur son sillage, disparaissait vers les contreforts mouvants de la Distraite que des lampes, disséminées sur le pont et sur chaque gaillard, éclairaient de leur chiche faisceau. La jeune Violette, isolée sur son ilot serein, dut patienter quelques tours de clepsydre avant que l’écho de pas hâtifs ne retentît contre le pavillon de son oreille attentive. Tharcise reparut bientôt, grimpant les degrés que formaient les barils, avant de surgir devant l’adolescente, la tignasse en bataille, l’œil brillant du forfait accompli, les bras encombrés d’un torchon roulé en boule sur quelque trésor chapardé.

- Vous disiez que vous aviez faim, non ? argua-t-il, un peu essoufflé, tout en déroulant le contenu du torchon sous les yeux de la prostituée. Les réserves de la cambuse ne seront pas renouvelées avant quelques semaines, mais… hm, j’ai tout de même déniché ceci. Je vous en prie, servez-vous.

Sur le carré de tissu bariolé se dévoilaient humblement un épais morceau de pain rassis, du fromage que les basses températures avaient rendu aussi dur que la pierre, et une belle poignée de raisins secs.

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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyDim 17 Juil 2022 - 15:48



Horion n’est pas une constellation



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

- T’sais qu’c’pas moi qu’tu dois r’garder pour l’voir ? émit-elle d’un ton narquois, ses paupières réduites à deux fentes entre lesquelles l’éclat espiègle de ses perles olivâtres perçait ; un rictus moqueur prenant place sur son visage laiteux. Sa dextre s’envolant jusqu’à ses lèvres pleines, formant un poing lâche où seul le côté d’un index cajoleur se posa sur la pulpe rosée dont l’esquisse simulait la bouderie ; un pli faussement contrarié apparaissant sur son front, inclinant ses sombres sourcils en accent circonflexe. L’problème d’un voeu… C’est qu’si on en parle, il s’réalis’ra pas… M’si on en parle pas, y’a d’chances qu’i’ s’réalise pas non plus… Cruel dilemme. Ses iris péridots revinrent harceler la voûte céleste piquetée de diamants, attentifs et lumineux d’une rêverie toute enfantine. Espérait-elle apercevoir une autre vagabonde stellaire ? Ou jouait-elle mentalement avec tous ses étranges personnages peuplant le ciel étoilé ?

Emportée dans ses songes, Violette ne paraissait pas se rendre compte que son maigre corps entier était parcouru de vif frisson causé par le froid mordant de l’hiver, elle ne se rendit pas compte non plus que son châle laineux s’était enfui de ses frêles épaules et encore moins des mouvements qu’effectuaient Tharcise à ses côtés ; obnubilée qu’elle était par le firmament et ses scintillantes habitantes, occupée à leur inventer des histoires fantasmagoriques dans le plus grand des silences. Ce fut donc avec d’immenses yeux écarquillés dans lesquelles l’on pouvait lire toute la surprise du monde que son faciès de lys se tourna en partie vers le jeune noble, déviant prestement vers l’épaisse étole violine qui revenait de son long périple loin de ses maigres épaules, l’enveloppant derechef dans sa mince mante protectrice. Merci… souffla t-elle doucement, créant une volute de fumée blanchâtre lorsque son haleine chaude percutant l’air glacial aux effluves iodés, un fin sourire reconnaissant teinté de gêne se peignant sur ses lippes charnues tandis qu’un délicat voile rouge carmin commençait à s’étendre sur ses pommettes ombragées par la dentelle de cils noirs bordant les écrins de chair à demi clos, dissimulant savamment les pierres précieuses qu’ils gardaient jalousement.

L’adolescente secoua mollement la tête, quelques lianes éparses et libres se mouvant paresseusement autour de sa mince silhouette, tentant vainement de faire disparaître l’indéfinissable émotion qui l’avait saisi à ce moment et sur lequel elle n’arrivait aucunement à mettre un mot. Alors elle saisit chaque pan lâche du châle sans âge, tiraillant dessus avec la force de l’habitude pour les faire passer dans son dos au niveau de ses reins, les nouant habilement autour de sa taille menue. D’un geste preste de la main, elle se saisit de son abondante chevelure d’onyx et d’argent incarcérée dans le carcan de laine pour l’en libérer. Ses mires résolument vissées sur ses genoux, la pauvresse, prise dans son labeur, ne lâcha qu’un simple hochement de tête escorté d’un Hm. étonné.

Même si elle avait voulu déserter cet étrange trône de bois sur lequel elle était perchée tel un oisillon abandonné dans le rude vent d’hiver, elle n’aurait pas pu se mouvoir. Il lui avait dit de ne pas bouger, et sa curiosité était bien trop forte pour résister à l’appel de cette soif insatiable. Même si c’était pour pas grand chose, même si c’était sans la moindre importance ; elle ne pouvait pas aller contre son propre esprit. Alors Violette attendit, changeant uniquement de position lorsqu’elle sentit ses membres s’engourdir. Sa jambe gauche céda la première, son talon ripant contre le sommet de la caisse, bois contre bois, se glissant sous sa voisine ; le bas de son jupon toujours retenu par sa ceinture se soulevant, n’envahissant la partie charnue de sa cuisse qu’à la moitié de celle-ci ; ses mains se croisant sur son genou encore debout, son menton venant reposer nonchalamment dessus, dodelinant légèrement de la tête dans un rythme chaotique. Dans tous les cas, elle attendait. Patiemment.

D’une torsion du cou, la miséreuse aperçut le retour de Tharcise, ses pupilles opalines luisantes du délit mené à bien, faisant naître un sourire à la senteur mutine sur le profil nivéen de Violette. T’étais pas obligé d’te presser t’sais. J’comptais pas m’env’ler. Comme pour parapher sa sentence, une bourrasque givrée s’éleva, envoyant valser la sombre cascade sauvage gisant contre ses lombaires, lui donnant des allures de corneille prête à prendre son essor cependant qu’il la rejoignait sur le perchoir cubique. J’toujours faim. C’fait b’en rire la Martha d’ailleurs… J’s’rais capab’ d’engloutir mon prop’ poids. L’est pas très él’vés mais tout d’même… Un tic railleur s’empara de la figure de la demoiselle, retroussant son petit nez rond dans une mimique facétieuse. D’un simple regard sur le contenu sur le morceau de tissu, ses doigts graciles se mirent en branle, grapillant un des raisins secs résidants à l’intérieur ; les amenant par la suite à sa bouche plantureuse sans pour autant qu’elle ne s’ouvre, marquant un temps d’arrêt. T’sais c’tait quoi mon souhait ? Qu’t’arrêtes réellement d’me vouvoyer. Mais maint’nant qu’j’l’ai dit, va t-il s’réaliser ? le taquina t-elle gentiment, lui envoyant une oeillade fallacieusement mécontente, se métamorphosant vivement en une expression joyeusement gamine ; ses pupilles malachites étincelantes de malice, à l’intérieur desquelles les flammes dansantes de la torche apporté une touche d’infernal surréalisme, tout en entrouvrant les babines pour y enfourner le larcin du brun.

- D’ailleurs… P’rsonne t’a r’en dit quand t’es r’tourné su’ l’pont ? J’s’rais pas franch’ment surprise qu’ce soit l’cas. A moins qu’t’es réussi à t’louvoyer com’ un serpent et à p’sser inaperçu. dit-elle en mâchonnant gaiement un des grains qu’elle avait chipé, ses prunelles se posant machinalement sur la chevalière sinople agrémenté d’un serpent d’argent se prélassant en son centre, demeurant sur le pouce masculin. A moins qu’i’ s’amusent trop p’faire ‘ttention à toi. Chose dont elle figurait ne pas croire un seul instant. Le doute profondément installé sur les aspérités de son joli minois.
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyDim 17 Juil 2022 - 21:33



Horion n’est pas une constellation.



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Plus la clepsydre du temps se vidait, plus la brise vespérale, aux cajoleries sereines malgré ses baisers glacés, laissait place à un vent plus torturé, hargneux. La cape doublée de Tharcise protesta contre lui, ses amples plis fouettant son corps et s’y plaquant, au même titre que la toison ténébreuse de Violette, lacérée de sa cordelière d’argent, giflait l’espace dans un ballet capricieux. Le nobliau ne s’arrogea pas le loisir de se réapproprier sa place sur le perchoir improvisé, demeurant juché sur le baril, face à l’adolescente. Ses mains étaient posées sur le rebord de l’imposante caisse, de part et d’autre des sobres victuailles proposées étalées sur le torchon. Les doigts légèrement recroquevillés, comme vissés, grattait le bois de leur pulpe calleuse en un va-et-vient mécanique. Ses prunelles d’orage guettèrent alors les petites digitales chapardeuses louvoyer jusqu’à la chiche poignée de fruits secs, et suivirent la course du raisin flétri vers les lisières des lippes bavardes, devant lesquelles le grain demeura en suspens. Il balaya sa taquine requête d’un vague haussement qui ébroua ses larges épaules.

- Oh. C’est là que réside tout le mystère, ma mie. commenta-t-il, un sourire tout en dents aux accents frondeurs grimant sa bouche abîmée, tandis qu’il étiquetait son interlocutrice de ce même idiome courtois dont il l’avait déjà affublée lors de leur première rencontre. Pour qu’un vœu s’accomplisse, il ne doit être formulé que dans le secret de son cœur. Jamais à voix haute. Il prit l’empyrée à témoin d’un index pointé, tout en la scrutant d’un regard étréci, l’un de ses sourcils de jais arqué en accent circonflexe. Je crains, hélas, qu’il ne vous faille patienter jusqu’à la prochaine apparition. D’ici là… Ses arcades sourcilières s’agitèrent derechef au-dessus de ses yeux rieurs, en une expression qui sous-entendait qu’il ne cèderait pas encore sur ce terrain-là.

Le silence ne s’installa entre eux que le temps pour la jeune fille d’engloutir un chapelet de raisins secs, car déjà le volubile lutin s’engageait sur le sentier d’un autre sujet. L’évocation de la Distraite obligea Tharcise à dévier ses iris vers la silhouette gracieuse qui se devinait dans le jeu des lampes-tempête, ces dernières habillant de tout un jeu d’ombre et de lumière ocrée ses voiles carguées, ses haubans frémissants et les reliefs de sa charpente au paisible tangage. La flamme crapoteuse de la proche torche jetait des reflets aux formes erratiques sur la moitié droite de son faciès, exacerbant le relief encroûté de la plaie qui lacérait sa lèvre inférieure et lui conférant un aspect inquiétant.

- Personne, non. se décida-t-il enfin à répondre dans un soupir contraint, l’œil rivé sur un point invisible. Les mots qu’il prononça empruntèrent une prosodie plus dure, plus cassante. La Distraite est mon second foyer. J’en côtoie son Capitaine et ses hommes depuis que je suis en âge de marcher. Ses dents s’acharnèrent un bref instant à mordiller l’intérieur de ses joues, les muscles de ses maxillaires roulant sous le derme barbu comme s’il se retenait de proférer ce que ses pensées fomentaient de plus atrabilaire. Et… hm, la Distraite m’appartient. Monsieur mon oncle clame le contraire, mais je puis vous assurer que ce navire est à moi. Il a juste usurpé ce qui me revient de droit, du fait de ma naissance et de mon héritage.

Il renifla sèchement, son regard perdu au loin s’ennuageant brièvement de songes parasites avant de revenir à l’abordage de son opposé. Tête penchée sur le côté, il s’adoucit, un léger sourire fleurissant sur sa bouche boudeuse, tout en attendant patiemment que l’information fît son chemin jusque sous les frondaisons obscures qui assaillaient le crâne de Violette de leurs ramées agitées.

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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyLun 18 Juil 2022 - 13:10



Horion n’est pas une constellation



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Un feulement faussement agacé siffla d’entre ses dents serrées aux lèvres ourlées, son cou imprimant une torsion sur le côté tandis qu’elle relevait son petit nez rond retroussé, sourcils délicatement froncés et paupières semi-closes, ne laissant filtrer d’entre les fentes qu’une infime nuance de vert, le regardant avec un mépris feint, ses bras se croisant sous son orgueilleuse poitrine dans un simulacre de bouderie, lui accordant une ressemblance momentanée avec quelques félins hautains et arrogants dans l’ignorance total des appels de son maître. Toute à sa comédie sous les rieuses opalines, elle put empêcher un timide sourire amusé de naître sur son visage, le retenant tant bien que mal en croquant l’intérieur de ses joues, préférant néanmoins occupée sa bouche d’une poignée de raisins secs pour conserver ce masque parodié de la suffisance.

Simagrées qui ne durèrent que peu de temps. La jeune femme avait beau être une adepte des pitreries, tantôt burlesque tantôt fripponne, cela ne durait jamais longtemps. Surtout concernant un sujet qui, elle le sentait, paraissait assombrir autant l’humeur que le cœur du jeune homme. Ses curieuses prunelles smaragdines se mirent à courir le long de la solide et gracieuse silhouette du bâtiment, caressant le gréement habillé de ses voiles fantomatiques, effleurant la ligne courbe de la caravelle d’un petit air songeur. Si la voûte céleste tenait en son sein des milliards et des milliards d’habitantes stellaires, il devait y en avoir autant dans les rêveuses perles malachites. Un long soupir désabusé secoua son maigre corps, ébranlant ses épaules étroites qui s’affaissèrent sous le poids du désenchantement ; la cruelle réalité de sa vie reprenant le dessus sur ses quelques chimères inavouées.

Malgré ça, Violette ne quittait pas la carlingue des yeux. Sa jambe gauche tomba mollement, l’adolescente se retrouvant désormais assise en tailleur, réajustant les pans de sa jupe lie-de-vin sur ses jambes élancées d’une senestre distraite alors que sa consoeur prenant la forme d’une coupe, accueillait le délicat menton, le coude s’ancrant dans la chair tendre de sa cuisse. M’a tout l’air d’êt’ un sacré c’nnard ton onc’. T’as j’mais pensé à le j’ter dans l’baie ? T’en s’rais vite débarrassé. émit-elle nonchalamment, sa frêle physionomie se penchant imperceptiblement en avant afin que son visage se retrouve au même niveau que celui de Tharcise, ses mires émeraudes vagabondant un instant sur les aspérités masculines, effleurant un peu plus longtemps que nécessaire sur ses lèvres ornées d’un fin sourire aux courbes boudeuses, remontant finalement pour rencontrer ses opposées, plongeant à l’intérieur des lacs opalescents. ’fin, j’dis ça… Sa senestre s’élança progressivement, la pulpe duveteuse de son index survolant sensiblement l’ecchymose chamarrée. C’est c’qu’il tente d’faire ‘vec toi, non ? ‘près t’avoir pris c’qu’i compte l’plus. Sous l’effet d’une bourrasque glaciale, son insolite crinière bigarrée se retrouva dotée d’une vie propre, quelques mèches plus sauvages que d’autres fouettant les vents avec pugnacité, les entourant d’un intime halo ténébreux ; ne cachant qu’à intervalle régulier l’éclat tranchant qui avait pris place dans les sentinelles péridots.

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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette   [TERMINÉ] Horion n'est pas une constellation | Violette EmptyLun 18 Juil 2022 - 20:32



Horion n’est pas une constellation.



Le Port de Marbrume | 8 janvier 1164.

Croisant à son tour les bras sur son torse dans un jeu de miroir volontaire, Tharcise observait ce lutin dissipé, dont le faciès expressif était capable d’emprunter tout un chapelet d’expressions, de transmettre toute une farandole d’émotions variées, son corps frêle jouant sa propre partition dans des arpèges impertinents, fiers, insolents, enjoués ou boudeurs. A travers le masque fardé d’un air mécontent, hautain, qu’elle surjouait assurément et lui opposait, ne perçait pourtant nulle malignité ; et cela, il le sentait. S’y confrontait, au contraire, l’éclat facétieux, inépuisable, de son œil rieur. Le jeune homme secoua la tête dans un souffle de rire, faussement dépité par l’attitude de ce petit feu-follet qui semblait avoir plus d’une pitrerie à son actif.

Sous les aléas des paroles de Violette, leurs regards s’engagèrent dans la même direction : celle de la Distraite dont les armatures oscillaient, craquaient faiblement, chahutées par le roulis serein des eaux de la baie. Il inspira fortement par le nez, rejetant la chaude haleine au creux de la fourrure de castor qui ornait son haut col et dont les poils bruns chatouillaient son menton barbu. Il se fit alors songeur, le verbe lent dans sa musicale prosodie, ses iris d’orage divaguant en aveugle sur les plis dérangés des jupons violine qui celaient les jambes pliées en tailleur de l’adolescente.

- Si, j’y ai songé moult fois. confia-t-il, ses cils noirs et drus caracolant vivement sur la rive des deux lacs opalescents dont les vaguelettes s’égaraient sur quelque pensée parasite. Las ! exécuter la sentence que mon âme enrage de lui faire subir ne ferait qu’empirer ma situation, et j’ai besoin de le voir tout sauf mort si je veux récupérer mon titre, mes biens. Car non satisfait de me priver de ce qui me revient de droit, il a épousé Madame ma mère, m’a isolé des seuls alliés que j’avais. Et il me fait passer aux yeux de ses pairs pour un ingrat, ou un moins que rien tout juste autorisé, dans sa grande générosité, à respirer le même air que lui sous son toit. Ses dents se serrèrent nerveusement. Un toit qui est le mien, qui plus est. Il s’esclaffa alors, d'un rire sans joie. Mais l’ingrat, le moins que rien, c’est lui. Depuis le décès de mon père, le vignoble a perdu en qualité tant il n’a que le mot ‘profit’ à la bouche. La Distraite n’est qu’un vulgaire instrument dont il ne connait ni le Capitaine ni les marins ; tout comme il ne s’abaissera jamais à visiter les gens du domaine. Ce sont là, de son point de vue, des missions indignes qui m’incombent. A part traiter ses propres affaires que je soupçonne douteuses, et amasser son pécule, il n’est là que pour flatter le Duc et ses courtisans. Le nobliau marqua une pause, un sourire tout en dents, nerveux, s’affolant sur ses lippes. D’aucuns sont au courant de l’inimitié qui nous lie. Non, le braver ne ferait que me desservir et embarrasser ceux qui m’ont soutenu. Ma seule arme, c’est la patience… alors qu’en vérité, je bous de l’intérieur.

Une lente déglutition anima sa gorge, tandis qu’il scrutait d’un regard tendu, opiniâtre, la caravelle assoupie contre le ponton. L’effleurement inattendu des pâles digitales de sa vis-à-vis sur la plaie de sa lèvre inférieure le fit sursauter, provoquant la fuite immédiate de sa senestre collée à son coude replié pour fuser vers cette main audacieuse et l’éloigner du revers de son poignet, sans brusquerie aucune. Un léger froncement de sourcils de mise en garde lui servit à communiquer ce sermon mutique, avant que les mots ne franchissent derechef la barrière de ses lèvres.

- Certes. Cependant il n’avouera jamais ses intentions, il est la seule victime, le parent d’un enfant instable, insolent, qu’il se doit de corriger au moindre faux pas. Et… hm, il a la main leste et le geste sûr. fit-il, banalisant d’un souffle de rire ce qu’il avançait implicitement car ayant toujours à cœur de dédramatiser la gravité de sa situation.

Sa senestre massa en un élan instinctif son buste protégé de l’épais tissu de son surcot sinople, ses doigts cajolant le galon brodé de la boutonnière, un rictus en coin, insolent, souillant davantage la courbe fissurée de sa bouche. Ses paupières s’affranchirent d’un frémissement au-dessus de ses prunelles grises, ces dernières vacillant sur le minois de Violette, s’attardant sur le horion qui en marbrait l’arcade sourcilière boursoufflée, avant de revenir harceler les vertes prunelles de l’adolescente.

- Je parle trop, hm ? conclut-il, empruntant à la jeune fille cette même question qu’elle avait posée, trois jours auparavant, à la taverne Boit-sans-Soif alors qu’elle lui brossait, dans les élans de son vif babillage, les portraits de ses oncles de cœur. Ce faisant, il éclata de rire.

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