Marbrume


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 [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont

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MessageSujet: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyJeu 21 Juil 2022 - 0:20



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

La nuit était tombée depuis quelques heures déjà sur le Port de Marbrume. Port aux rues endormies sur lesquelles seules les lumières dansantes en provenance des différentes tavernes et auberges éclairaient les façades assombries par l’obscurité, veillant telles des sentinelles aux aguets, permettant aux tardifs de se promener sans encombres dans les allées mal éclairées.

D’entre toutes ces auberges, d’entre toutes ces tavernes, il y en avait une qui, comme chaque samedi soir, s’avérait être plus animée que les autres. Une taverne dont les clameurs alcoolisées se mêlaient joyeusement aux rires légers ; une taverne où se mélangeaient toutes personnes de tout âge et de tout horizon, particulièrement ces soirs-ci.
S’il y avait bien une chose, ou plutôt un homme, qui rassemblait les foules à chaque semaine, c’était Briscard. Le marin robuste et couturé à l’air aussi aimable qu’un chien de garde et qui passait son temps à aboyer sur tout ce qui bougeait, voire respirait, en étant un peu trop proche de lui. Bien sûr, ce n’était pour lui-même que les gens venaient se délester de quelques pièces durement acquises en ces nuits hebdomadaires, mais pour ce talent particulier dont il avait hérité. Il était un excellent conteur. S’il était avare de paroles par tous les temps, il avait toujours une tonne d’histoire aussi calme que rocambolesque à revendre et, contrairement à ce qu’il clamait à qui voulait bien l’entendre, il adorait voir les visages s’illuminer en ces samedis soirs. Et la question que tout le monde se posait était : Qu’allait-il trouver à nous faire vivre au gré de ses mots cette fois-ci ?

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Les talons de bois de ses bottillons en cuir brun percutaient le sol meuble des ruelles du Goulot, suivis de près par d’autres bruits de pas semblables aux siens, certains plus feutrés, d’autres plus énergiques mais tous appartenants à une horde de jeunes braillards, bavardant ensemble dans la plus grande des cacophonies, ne prêtant aucunement attention aux regards parfois agressifs qu’on leur envoyait. Qui oserait s’approcher d’eux tous, de toute façon ? Ne serait-ce que les présences de L’Ours et de son fils, Blaireau, parvenaient à dissuader les plus téméraires de tenter quoique ce soit contre ces petits rats qui grouillaient entre les murs souillés de cette partie de la cité.

Violette jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, enjoignant à sa bien trop bruyante fratrie d'accélérer un peu s’ils ne voulaient pas rater le début de la Nuit des Contes ; Gallibert et Faustine prenant tous leur temps pour les rejoindre, le premier se faisant réprimander par sa femme pour des propos dont la jeune femme ne saisissait pas la teneur à cette distance. Il n’en fallut pas plus pour que les plus petits de la joyeuse bande en âge de marcher se mettent à courir en direction de l’arche séparant le bas-quartier de celui portuaire.

L’arche passée, la jeune femme rappelant ses oisillons dissipés d’un claquement sec de ses paumes l’une contre l’autre, les regardant se regrouper autour de leurs aînés en pépiant gaiement et dans un rythme bien plus lent pour les jumeaux qui préféraient, et de loin, ne se retrouver que tous les deux. Récupérant la petite Jonquille au creux de ses bras fins de ceux, épais comme des troncs d’arbre, de Marcelin ; elle reprit la route le long de la promenade au plancher vermoulu par l’iode et les intempéries, gardant son troupeau fraternel bien autour d’elle, ses prunelles émeraldines attentives ne les lâchant pas une seule seconde.

Du moins, jusqu’à ce qu’Alouette ouvre les portes de la taverne, une bouffée d’air chaud aux relents d’alcool et de nourriture leur arrivant en pleine figure, les faisant s’ébrouer d’un vif frisson à l’entrée. Si Narcisse et Belette partirent tous deux de leur côté, se blottir l’un contre l’autre près de la cheminée ; les plus jeunes, à l’exception de Jonquille qui demeurait dans les bras de Violette, suivirent sans grimacer leurs frères aînés jusqu’au devant d’une estrade branlante montée à la va-vite, se composant de quatre caisses basses et plates rectangulaires posées à même le sol, surmonté d’une chaise prête à se briser.

L’adolescente, la seule à être restée devant les portes battantes, s’offrit le luxe de passer la tête à l’extérieure pour essayer d’apercevoir les silhouettes ombreuses de ses parents, haussant finalement les épaules lorsque ses grands yeux printaniers ne rencontrèrent que l’épaisse obscurité. Alors elle réitéra son geste sur la masse grouillante et assourdissante peuplant le Boit-Sans-Soif, repérant aisément chacun des membres de sa famille ainsi qu’une tête surmontés de boucles à la teinte cuivrée en compagnie d’une autre, plus jeune, à la crinière sombre.

Il ne fallut pas attendre plus d’une demie seconde pour que la pauvresse s’avance vers la table qu’ils avaient choisis, armée de son bébé de soeur, sans s’apercevoir qu’elle était suivie par une petite ombre maigrelette et silencieuse au crin châtain clair parsemé de filament blanc et possédant des yeux similaires aux siens.

- S’lut vous deux ! J’commençais à m’d’mander si v’s alliez v’nir un d’ces fameux soirs. clama-t-elle sans préambule, calant la minuscule blondinette aux yeux bleus pâles sur sa hanche ronde, sa dextre se posant en appui sur le rebord de la table. Alors qu’un petit bonhomme d’environ sept ans se faufiler entre les deux hommes, ses grands yeux verts ronds comme des soucoupes ne s’attardant qu’à peine le temps d’un tour de clepsydre sur le Capitaine de la Distraite, semblant le reconnaître malgré le temps passé, pour se poser sur Tharcise avec une acuité effrayante, sans prononcer le moindre mot.



Dernière édition par Violette le Ven 5 Aoû 2022 - 14:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyJeu 21 Juil 2022 - 14:01



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Le Port de Marbrume, dominé par l’enceinte murale de la belle Cité d’où béaient les diverses arches menant aux différents quartiers qui le bordaient, avait déjà sombré dans le morne et froid crépuscule de ce mois de janvier lorsque Tharcise d’Aspremont et Joffre Desgrées, Capitaine de la Distraite, s’étaient engouffrés dans la taverne Boit-sans-Soif. Un concert de voix, de rires et de cris, mêlés au rythme de la musique des chopes qui s’entrechoquaient, avait accueilli les deux hommes, les enserrant dans une atmosphère de touffeur moite, d’effluves alcoolisés et de viande grillée. Bravant une haie de clients braillards, louvoyant entre les chaises et les bancs éparpillés çà et là, et disposés en arc de cercle, l’Epervier avait attiré son jeune protégé à une table qui côtoyait une estrade érigée avec les moyens du bord, faite d’un quatuor de caisses aux charnières instables. Une scène improvisée qui, à la nuit tombée, accueillerait Briscard, le marin conteur dont Violette leur avait vanté les mérites, et que d’aucuns, en cet instant, semblaient attendre avec une impatience palpable.

L’ambiance était à la fête. Bière et cidre coulaient à flots. Un ordre de Joffre et une serveuse leur apporta bientôt un plateau sur lequel fumaient deux bols chargés d’un potage épais à l’aspect de ragoût ; des tranches de pain, du fromage, et des noix, composaient le reste de ce repas ; aussi simpliste fut-il, l’odeur alléchante des légumes et des morceaux de viandes marinés qui flottaient à la surface de la soupe mit l’eau à la bouche de Tharcise. Quelques boules de pain rejoignirent cette bouillie brune et odoriférante, et le jeune homme entama les hostilités avec un appétit non feint. A ces effluves appétissants se mêlaient ceux, âcres, de la transpiration que côtoyaient des vestiges iodés, à peine maquillés par la farandole des rots à la saveur de houblon et les volutes de fumée qui s’échappaient de l’âtre crépitant.

Tharcise achevait son potage d’une dernière lampée gourmande, l’imposant bol écrasé contre son visage, lorsqu’une voix familière agressa ses tympans. Le lent recul du rond récipient en terre cuite s’accompagna d’un bruit de succion peu discrète. Il goba rapidement la boule de pain mouillée qui flottait encore dans son bouillon, et la garda en bouche, le temps d’appréhender la silhouette de l’adolescente qui venait d’envahir son champ de vision immédiat. Il l’observa longuement d’un regard étréci, où l’opale s’ennuageait d’anthracite, et qui dépassait à peine le rebord du bol ainsi accoté à son nez, comme jouant à cache-cache. Un imperceptible froncement anima les ailes noires de ses sourcils, tandis qu’il écartait la petite jatte désormais vidée de son contenu pour la déposer sur la table, tout en mâchouillant le pain macéré qu’il avala ensuite. Il cala son dos contre le dossier de la chaise bancale avant de la repousser, ses pieds grinçant sur le parquet fatigué de la taverne, et de se lever, offrant à l’adolescente et à la petite sœur qui pesait contre elle, une courbette courtoise. Il était affublé d’une cotte gris perle surpiquée de fil noir, dont la coupe ajustée se limitait aux entournures pour laisser entrevoir les manches bouffantes d’une chemise de laine blanche. Sa taille cintrée était soulignée d’une ceinture contre laquelle se pressait un fourreau de cuir sinople rehaussé de délicats clous d’argent sculptés, et d’où dépassaient les étroits quillons d’un poignard.

- Mes hommages, mes demoiselles. salua-t-il, un sourire aiguisant les coins de ses lèvres dont la pulpe inférieure se voyait tailladée de la ligne blême d’une fine cicatrice désormais propre. Des rires accablés de moqueries fusèrent autour d’eux que le nobliau ignora bellement, trop fier de réitérer ses « simagrées ». Vous commenciez ou vous vous êtes réellement posé la question ?
- Rhaaa. Tais-toi donc, fils, et assieds-toi ! ronchonna Joffre, le tirant par la manche de sa chemise, avant que ses épaules ne soient secouées d’un rire aigrelet. Il se rinça ensuite le gosier d’une belle rasade de cidre, ses doigts criblés de taches de rousseur faisant choquer le gobelet d’étain sur le plateau boisé. S’lut, Violette ! Comm'tu vois, on est là. Et cette jolie poupée, c’est la p’tite dernière ? Jonquille, hm ?

Le jeune homme réintégra l’assise de la chaise, avant de se rendre compte de la présence discrète du garçonnet à son côté dont le regard, semblable à celui de son aînée, le fixait avec une intensité quelque peu dérangeante.

- Et vous, mon petit monsieur ? Quel est votre nom ? s’enquit Tharcise, en inclinant la tête de côté pour offrir un clin d’œil à l'enfant prostré près de lui.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyVen 22 Juil 2022 - 1:55



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Ses perles olivâtres juchées sur lui, Violette suivit Tharcise du regard, détaillant autant son visage dépourvu de la moindre ecchymose que sa tenue vestimentaire que l’on ne voyait pas tous les jours dans ce coin de Marbrume, se disant quelque part au fond d’elle-même que le gris perle de sa vêture s’accordait parfaitement avec la teinte opalescente de ses deux lacs trônant en maître sur le faciès pâle obombré d’une fine toison aussi sombre que l’était sa chevelure. Ramenant sa dextre vers elle, elle entoura Jonquille d’un bras tendre, la serrant doucement contre elle lorsque la toute petite se mit à enfouir son nez dans le cou de son aînée, observant Tharcise de ses grandes billes bleues pâles ; ses petites mains potelées agrippant avec sa force de bambine le bord du bustier lavande. Violette, quant à elle, tenta de réprimer un sourire amusé face à la révérence dont elles étaient les objets ; ses mires émeraldines pétillants de leur facétie habituelle, en partie cloisonnée par ses paupières plissées. Ses lèvres carmines commençèrent à s’entrouvrir, pour, certainement, lui envoyer une réplique bien sentie lorsque son élan fût coupé par Joffre ; le nobliau retournant occuper la chaise sur laquelle il était assis avant qu’ils arrivent.

- B’soir Joffre ! Un large sourire chaleureux étirant désormais ses lippes, faisant sauter la blondinette sur sa hanche pour la recaler confortablement par la suite. P’tite dernière qui l’s’ra p’us pour longtemps. Jetant une oeillade aimante à la-dite jolie poupée. Jonquille, oui. ‘fin… Honorine. J’comprends pas p’quoi M’man s’entête à nous d’nner des prénoms si c’pour qu’on s’r’trouve immanqubl’ment affublé d’surnoms d’fleurs ou d’animaux. Ca m’dépasse. dit-elle en roulant ostensiblement des yeux, un soupir exaspéré s’évadant de sa poitrine.
Son attention passa au jeune homme brun à ses côtés, ses prunelles s’écarquillant légèrement quand elle remarqua le petit bonhomme châtain clair aux mèches blanches le fixer avec une acuité dérangeante.
Le gamin ne bougea pas, ni ne répondit. Il demeurait là, comme figé, à scruter ostensiblement Tharcise comme une quelconque bête curieuse, cherchant à analyser le moindre détail à sa portée. Musaraigne. Musaraigne ! ‘Rrête donc de l’fixer com’ ça. C’bien d’fois f’t-il que j’te dise qu’ça met tout l’monde mal à l’aise. Ne voyant pas le garçonnet réagir, l’adolescente claqua sèchement sa main sur le rebord cerclé de fer de la table. Siméon ! Le bruit fit sursauter le marmot, l’emploi de son prénom lui fit rentrer sa tête dans les épaules et la tourna vers sa sœur qui, elle, était parée d’un masque d’agacement, lèvres pincées et sourcils froncés. Dans le deuxième soupir de la soirée, le lutin qu’elle était leva la main, mimant à une petite blonde vénitienne parsemée de blanc d’une dizaine d’années d’avancer, arrivant lentement d’une démarche aérienne auprès de la tablée, la douceur et la rêverie imprimés sur ses traits poupons. Pervenche, ‘mmène Musaraigne près d’l’estrade, t’veux ? Et reste ‘vec lui. Et d’mand’ à Moufette d’trouver Souris et Coquelicot. Ensemb’, là-bas. La susnommée Pervenche acquiesça doucement, saisissant la main de son étrange petit frère. Merci, chérie. Elle engloba le menton de sa cadette de ses doigts graciles, déposant un baiser sur son front pour la relâcher aussitôt. Maint’nant, file.
Elle les regarda s’éloigner silencieusement, épiant l’intérieur de la taverne à la recherche des petites têtes aux mèches blanches vagabondant en son sein. C’va faire un p’plus d’un an qu’mon p’tit frère n’a pas prononcé un mot. Et qu’l agit com’ ça.

La pauvresse haussa les épaules en signe d’impuissance, déposant sa charge sur le plateau de bois dans un râle de douleur. Un coup d'œil vers le Capitaine de la Distraite lui indiqua qu’elle pouvait tenter sa chance, un rictus canaille fleurissant sur son visage juvénile, illuminant ses traits malicieux. Elle se pencha dès lors vers Tharcise, son abondante crinière d’onyx et d’ivoire caressant la surface boisée, dissimulant son visage, étouffant ses paroles pour toute autre personne n’étant pas à proximité immédiate, comptant sur le faible âge de son bébé de soeur pour que ce qu’elle allait dire ne soit pas ébruité à tout-va. Tout à l’heure, était-ce une façon détournée de me demander si j’avais été impatiente de vous revoir ou, plus simplement, si vous m’aviez manqué, Monsieur le Comte ? articula-t-elle sans réelle difficulté, lui offrant une aguicheuse oeillade taquine qui se transforma bien vite en quelque chose d’un peu plus moqueur alors qu’elle se redressait.

La porte du Boit-Sans-Soif grinça dans un bruit assourdissant sur ses gonds, laissant entrer dans son antre aux relents alcoolisés éventés un couple que l’on pourrait juger mal assortis de prime abord. Un petit bout de femme à la longue chevelure de blé et au teint de lys, les joues rougies par le froid hivernal et la colère, marchant d’un pas étonamment rapide au vu de son ventre proéminent annonçant un heureux événement à l’arrivée imminente ; suivie d’un homme immense à la carrure aussi large qu’une armoire en pin, à la courte crinière ébène et argent ébouriffée associée à une épaisse barbe dans les mêmes nuances, suivant la première silhouette énervée d’un air suppliant ; tous deux se dirigeant vers eux quatre en se chamaillant. Faustine, bras croisés sur sa poitrine replète par la grossesse, fusillait son mari de son regard d’outremer qui, lui, paraissait la supplier de ses perles d’ambre.

- Combien de fois faut-il que je te le dise Gallibert ? Je suis enceinte, pas malade ! Je peux parfaitement me déplacer sans ton aide ! fustigea-t-elle l’Ours qui semblait se recroqueviller sur lui-même face à la colère de sa femme.
- Mais ma Douce Pensée… entama le grand gaillard d’un air piteux de sa voix rocailleuse, semblable à un éboulis à flanc de falaise.
La Douce Pensée en question siffla rageusement entre ses dents, levant sa dextre dans les airs en mimant un geste de fermeture ; pour se retourner dans un mouvement gracieux vers Joffre, faisant tourbillonner le bas de sa robe d’un rose pâle, un chaleureux et immense sourire ornant son profil nivéen ; sa senestre en soutien de son imposant giron.
- Joffre ! Quel plaisir de te revoir après tout ce temps. Violette nous a dit que tu étais rentré depuis peu de voyage. Comment vas-tu ? Et ta femme ? La mère des Rats du Port se mettant à pépier joyeusement, toutes vélléités comme évaporées face au cinquantenaire alors que son mari bougon récupérait la petite princesse d’entre les bras de la sauvageonne, glissant son énorme patte d’ours dans les boucles sombres facétieuses de son aînée avec une douceur insoupçonnée pour quelqu’un de sa corpulence, réitérant à son égard l’exact même gesture que la brune avait effectué sur sa blonde de soeur d’une dizaine d’années, usant des exactes même paroles, tournant dès lors les talons pour se poster auprès de sa nerveuse petite épouse telle une gargouille revêche accrochée au linteau du Temple des Trois.

La prostituée tourna sa frimousse espiègle vers le jeune nobliau, relâchant un soupir railleur, ses prunelles smaragdines, dans lesquelles brillaient tendresse et affection à l’égard des siens, cherchant les opalines. T’vois c’que j’subis tous les jours maint’nant ? Le bas de ses reins vint s’appuyer contre le rebord de la table, ses mains s’y crochetant, se reposant dessus en inhalant l’air vicié à plein poumons, l’exhalant sèchement presqu’aussitôt. Alors, c’voyage ? Sa curiosité maladive reprenant le dessus sans la moindre peine sur tout le reste, son crâne se penchant sur le côté, son oreille frôlant son épaule maigrelette, chatouillée par l’ineffable châle mauve affadi et sans âge.

Et pendant ce temps, Briscard s’installait sur scène…

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyVen 22 Juil 2022 - 12:32



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Tharcise, le dos calé contre le dossier, doigts entrelacés sur le rebord noueux de la table qu’un cerceau de fer renforçait, observait le petit Siméon sans pourtant paraître gêné de cet examen obtus, mutique, dont il faisait l’objet. D’un regard attentif, distrait, il suivit l’échappée du petit garçon qui, sur un ordre de Violette, fut enlevé par l’une de ses sœurs. A l’imitation de la jeune fille, il survola les crânes chevelus, épicés d’un sel prématuré, de ces petits chérubins avec un sourire empreint de tendresse. Une ombre survola fugacement la surface de ses prunelles d’opale, un instant figées sur l’invisible ; cette nuée parasite s’émoussant alors dans une brève toux d’irritation qu’il étouffa du poing fermé de sa senestre.

- Un an… ? Par les Trois… intervint Joffre, en lorgnant vers le garçonnet qui venait de prendre place près de l’estrade, une moue songeuse déformant ses lèvres piquetées de sa rousse barbe. C’vrai, hm, j’me souviens qu’il était plus bavard qu’un’pie.
- Vous en connaissez la c-… ? renchérit Tharcise avant que sa question ne restât en suspens à la lisière de ses lèvres entrecloses, le dernier mot s’étranglant dans sa gorge lorsqu’il entrevit un mouvement du coin de l’œil, tout absorbé qu’il était à observer cette insolite fratrie évoluer parmi la braillarde foule.

La jeune fille, le bras gauche délesté du poids de sa petite sœur, se penchait déjà vers lui, le visage noyé dans les entrelacs d’ébène de sa folle chevelure qu’une mèche d’argent, tenace, lacérait. Détournant son faciès grimé d’un masque surpris vers l’Épervier, le nobliau capta l’œillade amusée de ce dernier tandis qu’il recueillait, au creux de son oreille, les propos discrets de cette fourbe créature, ses pouces s’entrechoquant l’un contre l’autre au rythme des mots qui percutaient sa conscience. Ses paupières s’étrécirent, ses iris vaquant de côté, là où les sombres et souples cordelières valsaient, cajolant de leur ballet hypnotique le plateau de bois vermoulu et chatouillant effrontément le tissu de sa manche. Le murmure confident de l’intrigante se conclut par le javelot assuré d’un clin d’œil aux effluves séducteurs, où persistaient des lueurs facétieuses.

- Le manque ?! Il recula son visage pour mieux la considérer, l’un de ses sourcils arqué tranchant son front pâle d’une ride en arceau. Et d’enchaîner, le sarcasme joueur à fleur de son rictus en coin. Cela signifierait que je vous suis indispensable et que mon absence, que je conçois aisément pénible à supporter, aura laissé un vide ou une sensation de-… carence ?! Je vous arrête. Non. Sans vous faire offense, Violette, c’est donner trop d’importance à ces babillages.

Et d’afficher un sourire tout en dents, au dessin provocateur, qui s’étira vers un coin de sa bouche, provoquant la naissance d’une fossette en croissant de lune. Près d’eux, Joffre levait les yeux au ciel, les roulait dans leurs orbites, tout en se passant une main sur son visage, l’air dépité. Sur ces entrefaites, l’irruption de l’Ours et de son épouse au ventre arrondi par la grossesse désamorça l’atmosphère devenue soudain électrique entre le nobliau et la prostituée qui, en cet instant, s’observaient comme deux chiens de faïence. Et le Capitaine de la Distraite, de les observer, l’œil rond, sur la défensive, comme s’il s’inquiétait de savoir lequel des deux mordrait le premier. L’intervention de Faustine braqua toute l’attention sur elle.

- Faustine ! Gallibert ! salua le sieur Desgrées, les poils carotte de sa barbe escortant l’esquisse aimable du sourire qu’il adressa à la mère des Rats du Port. L’plaisir est partagé. C’fait d’bien d’êt’rentré au bercail. Il coula un regard vers Tharcise, ce dernier désertant momentanément son assise pour saluer comme il se devait cette icône à l’aura maternelle d’une inclination du buste, avant de reposer son postérieur sur l’assise bancale de sa chaise. Mathilde va bien. Mieux, j’dirais, elle r’prend du poil d’la bête, après avoir contracté une vilaine fièvre. Eeet-… Il tourna le buste vers son jeune voisin, le gratifiant d’une poigne qui enserra son épaule. … Laiss’moi v’présenter le fils d’Onfroi, Tharcise. J’sais pas s’vous l’remettez, c’était c’gamin qu’j’vais souvent dans l’pattes, sur l’Distraite.

Tharcise leur dédia un sourire poli, le regard opalin s’agitant d’un remous aux effluves nostalgiques, encore vivace malgré le temps écoulé, lorsque Joffre évoqua le nom de feu son père. Tandis que l’échange se poursuivait entre Joffre et ses amis du Goulot, Violette le prit derechef à partie. Il croisa les bras sur son torse, levant à peine le nez sur ce petit bout de femme qui lui faisait face, l’insolite affirmation aux nuances faussement interrogatives anoblissant ses lèvres d’un rictus aux fragrances pensives.

- Vous êtes assurément bénie par les Trois, Violette. dit-il tout bas, un coup de menton équivoque prenant à témoin le moindre petit rat qui passait sous sa mire aiguisée, avant de pencher la tête de côté pour affronter la mutine et curieuse adolescente d’un regard par en-dessous, tout timbre moqueur ou insolent ayant déserté le ressac lent, grave, qu’empruntait sa voix en cet instant. Je vous envie. Vraiment. Au point que j’apprécierais subir ces conflits, ces caprices d’enfant, tous les jours. Même une sœur comme vous, je me sentirais capable de la supporter. Il souffla un rire aux accents sincères, avant d’inspirer une profonde goulée de cet air alourdi de son fumet âpre, étirant son buste dans un bâillement étouffé, et roulant des épaules pour en dénouer sans doute les muscles tendus. Le voyage s’est fait sans anicroche. Je passe surtout plus d’heures sur le dos de ma monture qu’auprès de mes gens. C’était cependant nécessaire, le vignoble réclame du temps et de l’attention.

Et pendant ce temps, Briscard s’installait sur scène…

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptySam 23 Juil 2022 - 1:59



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Son visage mutin à l’aspect curieux se mua en une profonde surprise, arrondissant l’amande de ses yeux tels deux soucoupes ; ses prunelles olivâtres suivant le regard opalin se posant sur chaque petites têtes bigarrées passant ou installées non loin d’eux, un sourire affectueux affleurant sur ses lèvres purpurines, avant de revenir se poser sur le noble profil. Mêm’ com’ ça, j’arrive encore à m’prendre une pique. Sa senestre désormais libre se levant vers sa bouche pulpeuse, dissimulant son ricanement derrière un poing lâche. C’est néanmoins avec une ébauche de tendresse dans son sourire, s’imprégnant jusque dans ses perles d’émeraude qu’elle le regardait, semblant prendre ses paroles comme elles venaient ; sûrement à cause de la sincérité qui suintait du ton qu’avait emprunté sa voix grave toute en prosodie musicale. Fils unique, hm ? dit-elle, bien que sa question sonnait comme une affirmation. J’sais pas vraiment c’que ça fait qu’d’êt’ seule. Mon premier frère étant né à peine dix mois ‘près moi. Mais… La jeune femme pencha son buste vers lui, sa tête se laissant tomber sur le côté. S’tu veux m’remplacer just’ une journée auprès d’ces dix-là… J’t’en prie. Vas-y ! plaisanta-t-elle, croisant ses bras sous sa plantureuse poitrine sans pour autant donner l’impression de la mettre en avant. Ses sourcils se froncèrent légèrement, assombrissant brièvement le vert de ses iris, sa canine venant mordiller la pulpe de ses lippes. Je n’peux t’croire qu’sur paroles. J’suis j’mais allée plus loin qu’le Port ou les bas-fonds alors… C’franch’ment pas l’même genre d’vie. Elle souffla un rire sans joie à la sonorité fataliste, sa tête se relevant lorsqu’un bruit se fit à quelques pas d’eux, les enfants commençant à pépier un peu plus fortement, faisant étonnament taire les adultes envahissant la salle enfumée.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

La chaise racla sur le sommet des caisses lorsque Briscard la décala d’un cran, celle-ci se mettant à crier quand le gaillard couturé à l’aspect peu avenant s’y assit, ses bras imposants aux manches beiges relevées jusqu’à la moitié de ses biceps se reposant sur l’avant de ses cuisses. Son regard que l’on pourrait juger mauvais balayant son auditoire, s’attardant brièvement sur les petits Rats du Port qui firent naître un vague sourire sur ses lèvres fines, transformant l’entièreté de son faciès de bouledogue en quelque chose de plus amène.
C’est alors que sa voix grave, rocailleuse, s’éleva dans les airs ; aussi claire qu’il le pouvait, ne mâchant pas ses mots comme il était de coutume dans les environs.

- Au temps où le drapeau Langrois flottait haut et fier sur les bastions du Morguestanc, un jeune officier labrétien appartenant à la fine fleur de la noblesse, et dont le régiment était stationné à Marbrume, fut appelé à quitter son pays et les plaisirs de la cour pour aller combattre, dans le duché d’Hendoire, les ennemis de la capitale naissante, les féroces rebelles.

Les rires s’étaient taris, les chopes se posaient sans bruit, les yeux étaient tournés vers lui. Seuls quelques chuchotements épars se faisaient encore entendre ici et là. La majorité des personnes peuplant la taverne en ce samedi soir étant focalisée sur le récit du demi-géant.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Et Violette ne dérogeait pas à la règle. S’il y avait bien une chose qu’elle aimait par-dessus tout, c’était la Nuit des Contes. Il arrivait, parfois, que ces soirées soient reportées à la semaine suivante pour une raison quelconque, généralement pour des célébrations tels que les mariages, les naissances, les anniversaires ou autres bénédictions et cérémonies du même acabit. C’était ainsi depuis qu’elle était haute comme trois pommes. Depuis que Martha avait ouvert cet établissement quelques mois après avoir épousé Courtaud, arrêtant son métier de mercenaire pour demeurer le plus proche possible de son mari, qui avait lui même abandonné son travail de marin pour devenir pêcheur et voir sa femme le plus souvent possible. Qui pourrait le croire en voyant ces deux-là ? Il s’est avéré que ses deux frères avaient finalement fait la même chose, tout comme Gallibert après la naissance de ses trois aînés.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

La voix nette de Briscard, teinté des éboulis grondants de sa voix se répercuta sur les murs de bois vermoulus de la chaleureuse taverne.

- Le vaillant chevalier n'avait pas un instant à perdre, car ordre lui était donné de s'embarquer sur le vaisseau qui devait, dans quelques jours à peine, faire voile de Marbrume pour Allange.

Ses sombres pupilles aux couleurs de la terre après la pluie se figèrent sur les marmots gisant à ses pieds avec des étoiles pleins les yeux, attendant la suite avec une impatience non-feinte, trépignant sur place. Le pêcheur prit son temps, un rictus d’une moqueuse tendresse imprégnant subtilement ses traits bourrus alors qu’il reprenait la suite de son histoire.

- Le devoir et l'honneur lui commandaient de partir et pour leur obéir, il devait fermer l'oreille à une voix tout aussi impérieuse et pressante, celle de l'amour.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

C’est le moment que choisit une des petites têtes parées de blanc pour se lever de sa place, bousculant sans ménagement aucun ses frères et soeurs se trouvant sur son chemin, marchant parfois sur une main qui trainait sur le parquet en murmurant des « Pardon ! » pas du tout désolés, voire plutôt agacés. Ses petits pieds bottés se mirent à courir joyeusement vers la table où elle savait trouver ses parents et sa soeur aînée, louvoyant entre les chaises et les gens pour arriver plus rapidement à destination, passant parfois entre quelques jambes gênantes sans prendre la peine de s’excuser et encore moins d’écouter l’indignation émanant des possesseurs de cette étrange forêt.

La petite silhouette percuta de plein fouet les cuisses de Violette, s’accrochant à l’aide de ses deux petites menottes potelées au jupon violine de celle-ci, tirant dessus par à-coups nerveux et empressés. Violeeeeette ! F’moi monteeeeeer ! Violeeeeeette ! La-dite Violette soupira ostensiblement, se pinçant l’arrête du nez en maugréant quelques imprécations inaudibles, ses paupières se resserrant fermement sur ses billes malachites dans un geste las. La gamine aux tresses de cuivre parsemée d’ivoires sautillait sur place, secouant avec force la jupe de sa soeur jusqu’à ce que celle-ci se penche en avant, la saisissant sous les aisselles pour venir l’asseoir à sa droite, glissant un bras protecteur autour de la taille de la fillette qui ne tenait pas en place.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Continuant sur sa lancée, le second frère poursuivit son envolée historique, sur une tonalité plus basse, plus doucereuse, se penchant imperceptiblement en avant, ses mains calleuses se rejoignant pour ceindre leurs doigts, s’entrecroisant ; se rapprochant de son public juvénile aux pupilles scintillantes d’étoiles.

- Et cet amour n'était pas prodigué en vain. Le chevalier Raymond de Nérac était aimé comme il aimait, et, en avait reçu le tendre gage des lèvres d'une jeune fille de naissance égale à la sienne, aussi vertueuse que belle, aussi digne de mériter les hommages qu'elle était susceptible de les inspirer.

Et plus son ton baissait, plus le vacarme alentour s’assourdissait, ne devenant qu’une vague clameur étouffée, la foule la plus proche étant captivée par le récit de cet être patibulaire au caractère sanguin.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

La rouquine gesticulait sur le plateau de bois, une belle collection d’ecchymoses de toutes tailles et de toutes teintes s’entrevoyant sous les remous de sa robe vermillon provoquées par le balancement incessant et désordonné de ses minces gambettes. Sa frimousse polissonne tachetée de sons virevoltant en tous sens, faisant danser ses tresses cuivrées autour de ses minuscules épaules. Il ne fallut pas longtemps pour qu’elle remarque Tharcise, ne s’étant jusque-là pas aperçu de sa présence, ne s’étant contentée que de celle de la sauvageonne la tenant fermement pour qu’elle ne bascule pas en avant malgré ses mouvements brusques et énergiques. Ses grandes billes chocolat observèrent attentivement le jeune homme, s’agrandissant à leur maximum, la surprise prenant place à l’intérieur de ses mires scintillantes. Elle avança sa dextre, la juchant à une dizaine de centimètres d’elle, s’approchant dans une vive animation, promptement suivie d’une exclamation d’étonnement émerveillé. Mais t’es trop zoli toi ! Exclamation qui fit sortir Violette de sa transe assidue, emportée qu’elle était par les aventures du fameux Chevalier de Nérac, la faisant se tourner vers sa cadette avec une franche stupeur gravée sur ses traits juvéniles ; ses pierres smaragdines voyageant de la gamine survoltée à l’objet de son attention. Un rire léger surgit d’entre ses lèvres carmines, sa dextre se crochetant à la taille enfantine pour la ramener vers elle. Coquelicot ! C’mmence pas à t’y mett’ toi aussi. réprimanda-t-elle gentiment la flammèche personnifiée, ses billes vertes dérivant un instant vers la nobliotte figure. C’mot va mieux aux femmes. Pour l’coup, beau conv’endrait mieux. reprit Violette, enfouissant son petit nez rond dans les mèches rousses piquetées d’ivoire, déposant un baiser sur le haut du crâne de Coquelicot ; ses prunelles printanières s’arrêtant un court laps de temps sur le pâle profil du Serpent.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyDim 24 Juil 2022 - 13:48



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Et derrière le rire aux notes perlées de Violette, le silence soudain se fit, escortant l’entrée en scène du marin conteur qui s’installa, son impressionnante silhouette de bouledogue accablée de tout un arsenal de mires rivées sur lui. Il ne joua guère le suspense et, dès lors qu’il sentit son auditoire prêt, les premiers mots jaillirent. Le décor fut placé dans un contexte conflictuel qui fit réagir d’exclamations satisfaites, de sifflements appréciateurs, certains marins disséminés au cœur de la clientèle attentive, dont une majorité appartenaient à la Distraite ; l’on savait que la caravelle avait fait son remarquable retour depuis les lointaines et glaciales contrées d’Hendoire, près de trois semaines plus tôt, au terme d’un an et demi de mer.

A l’arrivée de Briscard, Tharcise s’était déplacé d’un quart de tour sur son assise ; coude droit calé sur le dossier de sa chaise, les doigts de sa dextre à hauteur de sa bouche qu’ils cajolaient du dos de leurs phalanges ; coude gauche posé sur le plateau de la table, sa senestre se balançant mollement dans le vide. A l’instar de sa voisine, son regard s’était porté au-devant du pêcheur, l’observant avec une attention toute chirurgicale, une certaine curiosité avide agressant ses iris de lueurs voraces que l’unique bougie rabougrie qui suintait à même le bois de la table exacerbait par à-coups capricieux. Un fin sourire ourla ses lèvres lorsque le récit érigea ses premières pierres, son oreille soignée agréablement titillée par la manière de s’exprimer qu’avait empruntée ledit Briscard. Il lui était agréable de visiter en pensée ce que les mots habilement choisis par le demi-géant essaimaient sur le sentier de son imagination, n'étant pas peu fier que le héros supposé de cette histoire fut un noble, et fine fleur de la chevalerie du Morguestanc. Imperceptiblement, cette mention lui fit relever le menton, et redresser les épaules, les doigts de sa dextre tapotant ses lèvres fardées d’un rictus satisfait.

Et le récit se poursuivit, l’intervention bruyante d’un autre rejeton de ces Rats du Port ne déjouant pas la concentration du nobliau dont les mires étaient fichées, tels deux javelots d’argent, sur la physionomie brute du pêcheur. Ladite Coquelicot, juchée sur le rebord de la table entre Violette et Tharcise, s’agitait, se trémoussait, incapable de tenir en place, jusqu’à ce que son attention volage, dissipée, fût captée par la présence de cet étranger dont l’attitude distinctive et la vêture élégante devaient jurer à ses yeux aussi innocents que lucides. L’exclamation soudaine qu’elle lâcha alors pour le définir de son langage zozoté et adorable fit sursauter le jeune homme dont le faciès pivota vers elle. L’œil rond sous l’ombre de ses sourcils arqués se ficha sur la fillette, tandis qu’à son côté le Capitaine de la Distraite s’esclaffait allègrement, jouant la fausse vexation.

- Coqu’licot, tu m’fends l’cœur. Joli, lui ? ‘vec ses ch’veux aussi noirs que l’charbon ? T’préfères pas l’poil d’carotte comm’toi ? fit-il sur un ton bas en tirant sur une des tresses cuivrées de la gamine.

Tharcise éclata d’un rire franc, tout en secouant sa tête auréolée de ses cheveux follets lorsqu’il prit conscience qu’il était le sujet principal de cet échange. Quelques têtes du proche auditoire, qui d’être assis au pied de l’estrade, qui de se tenir debout aux alentours de leur table, se tournèrent pour leur intimer le silence. Le jeune homme humecta ses lèvres, le rire à fleur de prunelles entre ses paupières réduites à deux fentes, et les fossettes harcelant derechef les coins de sa bouche pincée sur les notes hilares qu’elle retenait. Le regard dévia sur Violette lorsque cette dernière corrigea sa jeune sœur sur le terme approprié ; s’y hasarda, s’y fixa… avant qu’un froncement de sourcils interrogateur ne vienne en cajoler l’éclat opalin. Comme aux aguets, le sieur Desgrées ne ratait pas une miette de ce que les deux jeunes gens lui offraient comme original spectacle, tout comme Tréville et Dargault, deux des marins de la Distraite qui, bras croisés derrière leur capitaine, se donnaient du coude à tour de rôle. Une moue perplexe hantant le dessin amusé de ses lippes, Tharcise s’ébroua d’un vague haussement d’épaules. Il adressa alors un clin d’œil amusé à la petite Coquelicot, lui intimant l’ordre de ne pas faire de bruit d’un simple index posé sur ses lèvres.

Et de reprendre une posture attentive, ses iris braqués sur Briscard, comme si rien ne s’était passé.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyMar 26 Juil 2022 - 0:05



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Briscard, tout à son conte, poursuivit sa tirade sans que rien ne puisse le déranger. Raclements de gorge encombrée ou de chaise sur le plancher, entrechocs des chopes ou des corps, bâillements fatigués ou braillements surexcités… Rien n’arrivait à ébranler la concentration du roc qu’il était.

- Nous passerons rapidement sur la scène touchante des adieux et les serments de fidélité qu'échangèrent les tristes amoureux. La chronique de l'époque ajoute qu'un rival tout-puissant employait son influence à la cour pour que l'on gardât le jeune chevalier dans le duché d’Hendoire, espérant que les années et l'éloignement effaceraient son image du cœur de la jeune fiancée. Son ton se fit nettement plus enjoué, ses yeux charbons s’allumant d’une étincelle hilare tandis que quelques rires guillerets, parfois éméchés, se soulevaient dans la salle close où effluves alcoolisés et relents de viandes rôtis se mélangeaient.

- L'espoir d'un retour prochain animait l'âme du chevalier de Nérac et rendit moins déchirants les derniers baisers. Cependant, les années se succédaient aux années et de Nérac n'était pas rappelé. Sa voix s’éteignit durant une poignée de courtes secondes, laissant l’information s’imprégner en chacune des personnes présentes.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Le nez enfoui dans la crinière rousse domestiquée de sa petite sœur, y dissimulant un rictus teinté d’une douce moquerie. Violette soutint sans sourciller le regard opalin de son vis-à-vis, un éclat particulier fragmentant les diverses émotions inextricables siégeant au fond des prunelles smaragdines. Laissant le jeune noble à son incrédulité, la jeune femme reporta son attention sur l’histoire de son oncle, laissant l’éboulis de sa voix rocailleuse ravir ses oreilles et son imagination ; aveugle à l’attitude des marins alentours tout comme à celle du Capitaine de la Distraite et de ses parents qui ne rataient rien de ce qu’ils avaient sous leurs yeux ; curieuse et intéréssée pour l’une, grognon et agacé pour l’autre.

Suite à cette courte scène offerte par les deux protagonistes inconscients des regards posés sur eux, Faustine en profitant pour se pencher vers Joffre, se rapprochant autant qu’elle le pouvait de par son ventre proéminent, ses mires d’azurites brillantes d’excitation se posant tour à tour sur le dos des deux jeunes gens à l’opposé de la table où ils s’étaient installés, l’âme comploteuse.

- Dis-moi… Qu’est-ce qu’il se passe entre ces deux-là au juste ? demanda-t-elle, un sourire un brin trop carnassier ornant ses lèvres d’une pâle lueur rosée ; son coude gauche s’arrimant au plateau boisé, son menton niché dans sa main gracile. Le grincement agacé du bois contre le parquet se fit entendre, suivi d’un : T’vas voir si va s’passer quequ’chose… Un grognement chuchoté s’élevant du colosse à la pilosité poivre et sel, s’apprêtant à se lever de son assise ; faisant se tourner son épouse d’un vif mouvement d’une surprenante agilité au vu de son état. Tout en le fusillant du regard, elle lui flanqua une bonne gifle sur son bras épais. Gallibert ! Assis ! Puis se détourna aussi prestement de son mari pour reprendre l’exacte position qu’elle avait auparavant, son visage endossant la même expression tandis que l’Ours bougonnant se rasseyait en bougonnant ostensiblement, bras croisés et air renfrogné ; ses perles ambrées se rivant tout de même sur son rouquin d’ami avec un sémillant intérêt quant à la réponse.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Et le marin reprit sur une note grave, teinté d’une profonde mélancolie, faisant vivre les aventures de ses personnages que l’on pourrait croire réels. Des personnages auxquels l’on pouvait aisément s’identifier malgré la différence de statut social, ne serait-ce que par certaines situations. Ces dernières étant inhérentes à l’humain, et non pas à la sphère dans laquelle celui-ci a été élevé.

- Mais l'absence qui éteint une affection inconstante et légère ne fait que fortifier un amour sincère, et, un jour, il fut décidé que Blanche de Beaumont irait rejoindre son fiancé de l'autre côté de l'Océan et que leur mariage serait célébré en Allange.

Le semi-géant s’humecta les lèvres de la pointe de sa langue râpeuse, levant son bras pour faire un vague signe à son jeune frère, paraissant quémander quelque chose à boire pour vaincre la sécheresse envahissant sa bouche pâteuse par trop de paroles. Il fallait bien avouer qu’il conservait dans un coin tous les mots de la semaine pour pouvoir les déverser chaque samedi, et que, comme il fallait s’en douter, il finissait par rapidement se déshydrater. Le temps que Courtaud lui ramène la boisson silencieusement demandée, il reprit :

- Un matin de juin, Blanche, accompagnée de son oncle qui avait reçu du roi la permission de faire la traite des pelleteries, partit pour rejoindre le fiancé qui l'attendait avec tant de courage depuis si longtemps. A peine coupé par son cadet qu’il remercia d’un hochement sec de la tête, il continuait sur sa lancée pleine d’espoir et de rêverie. Les amis et les parents versèrent des larmes amères sur le départ de la jeune fille et des vœux ardents furent formulés pour une heureuse traversée. Blanche, tout à son amour, ne versa pas un pleur, et sa petite main agita sans trembler son mouchoir blanc jusqu'à ce que le navire qui la portait eût disparu à la vue de tous.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

La jeune femme risqua un coup d’oeil par-dessus son épaule, curiosité et inquiètude sororale se lisant nettement dans ses billes émeraldines, avisant le sommeil de la petite Jonquille dans les musculeux bras paternel d’une tendre couvade. Qui se mua rapidement en un éclair suspicieux, ses ténébreux sourcils se fronçant délicatement créant ainsi un pli soupçonneux sur son front blanc barré des mèches rebelles et éparses de son abondante chevelure vivace, lorsqu’elle aperçut les positions et animations équivoques de ses parents et de Joffre ; sa mère lui offrant même un large sourire innocent qui ne dupait aucunement son aînée quant à son angélisme. L’image hargneuse qu’était son père étant relativement suffisante pour lui faire comprendre qu’il se tramait quelque chose dans son dos, et pas seulement littéralement, dont elle n’avait aucunement la teneur. Et ne pas savoir, ne pas comprendre, était décidément quelque chose qu’elle n’appréciait que très peu, voire, pas du tout. Violette s’ébroua, rangeant ses questionnements intempestifs qui encombraient les méandres infinis de son esprit versatiles dans un recoin de sa psyché pour y revenir plus tard, ne s’attardant guère plus sur les idées fantasques de l’énergumène retors à l’apparence séraphique qu’était Faustine.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyMar 26 Juil 2022 - 16:51



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

La palabre romancée de Briscard titillait l’atmosphère recueillie, enfumée, de la taverne Boit-sans-Soif. Les commentaires chuchotés allaient bon train, agrémentés par une poignée d’afficionados de la pitrerie de notes grivoises et de gestes salaces, voire obscènes, pour mimer la courtoise relation de ce héros noble que le sort provoquait en le séparant de sa belle. L’approche furtive de Faustine obligea le Capitaine Desgrées à légèrement incliner le chef vers elle, lui offrant ainsi une oreille attentive. L’un de ses sourcils s’arqua au-dessus de son œil bleu, telle une petite flamme affolée, lorsque la question inattendue de la mère des Rats du Port fusa.

- M’foi, rien. répondit Joffre sur un ton bas, une brève œillade caracolant sur le dos des deux jeunes gens. Ils s’sont rencontrés, y a peu. Puis, c’nnaissant l’gamin, ç’m’étonn’rait bien qu’il tente quoi qu’ce soit. L’a pas trop l’tête à fur’ter sous les jupes des pucelles. Quoi qu'il ait pu changer en un an et d'mi. Il haussa des épaules, tout en soufflant un rire discret avant d’aborder la mine farouche de Gallibert. T’as pas à t’inquiéter et, qu’bien même, ça l’titillerait, y a pire, non, comme perspective d’boulot pour ta fille. Et dans le regard étréci qu’il soumit à l’Ours, transparaissait tout ce qu’il sous-entendait dans cette diplomatique réponse ; car il savait pertinemment que l’adolescente en question se prostituait pour eux, et qu’elle avait affaire à des énergumènes moins frileux, dont certains avaient la main leste. Et s’il lui v’nait l’idée d’pas payer, j’lui ferai volontiers la l’çon. Un clin d’œil faussement complice conclut son commentaire, avant qu’il ne détournât son faciès barbu, criblé de taches de rousseur, pour s’intéresser à la suite du récit.

[Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont UXrlOb-marbrume-rp-separateur-copie450

Ne se doutant nullement de ce qui préoccupait leurs voisins de tablée, Tharcise écoutait, concentré, le récit du marin pêcheur. Un détail le fit sourciller, peignant sur son faciès une expression d’étonnement intrigué.

- Tiens, tiens. murmura-t-il pour lui-même, l’index de sa dextre tapotant sa bouche arrondie d’une moue perplexe.

Avisant la petite Coquelicot qui, assise entre Violette et lui, gigotait toujours dans ses jeux inépuisables de jambes et ses trémoussements dissipés, il quitta la chaise qu’il attira devant la table, dossier contre son bord, pour lui proposer de s’y installer. Lui-même contourna la jeune fille pour prendre place à sa gauche, calant son postérieur sur le rebord du plateau de bois, bras croisés et jambes tendues faisant de même. La mine songeuse, sa senestre massant son menton barbu, il désigna d’un mouvement tacite l’oncle conteur de sa voisine.

- Figurez-vous que je connais un de Beaumont. entama-t-il comme seul préambule à la réflexion qui vagabondait sous son front pâle. Il se pencha alors de côté, son épaule frôlant la sienne, pour lui livrer son ressenti, le ton bas, posé, aux effluves confidents. Le chevalier Joffre de Beaumont. Ses mâchoires se contractèrent, influençant le roulement de leurs muscles sous ses joues tiraillées de leur noir duvet. Ce dernier a épousé ma cousine. En, hm, 1155. J’avais onze ans. Il esquissa un fin sourire, ces cils de jais battant au-dessus de ses iris d’orage rivés sur Briscard. Leurs noces ont été célébrées au Temple de la Trinité, avant qu’ils ne fassent voile pour le Duché d’Hendoire. Et… Sa bouche remua comme s’il mâchouillait quelque aliment avant qu’il ne reprenne le fil de son témoignage. … si j’ai bonne souvenance, il faisait dans le négoce de peaux et de fourrures. N’est-ce pas là une troublante coïncidence ?

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyMer 27 Juil 2022 - 0:56



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

La voix rauque de Briscard résonna entre les quatre murs de la bâtisse, se répercutant sans le moindre effort dans la pièce dont l'acoustique laissait à désirer. L’emphase qu’il mit dans ses paroles ne fit qu’accentuer l’emprise que ce qui semblait être un conte sur l’imaginaire collectif. Le quarantenaire assit sur sa chaise dont l’oeil onyx brillait d’une sombre euphorie ne retarda pas le suspense, poursuivit son récit fantastique.

- Une partie de la traversée s'effectua dans les plus heureuses conditions, et déjà l'on espérait voir bientôt les côtes hendoirienne, quand, tout à coup, surgit à l'horizon, un vaisseau d'allure singulière que l'on reconnut pour être un des vaisseaux-pirates qui sillonnaient les mers.

Ses mains s’envolèrent dans les airs, mimant la bataille sous les yeux ébahis et effrayés des enfants gisant à ses pieds sans jamais détourner le regard une seule seconde, happés qu’ils étaient par l’histoire du marin couturé.

- L'attaque du côté de l'ennemi se fit si prompte, et le vaisseau-pirate fondit avec tant de vitesse sur le galion langrois que celui-ci n'eut guère le temps de se préparer à la lutte. Les Langrois se battirent donc en désespérés et le combat devint terrible tant par l'opiniâtreté des assaillants que par la valeur de leurs adversaires.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Du mouvement à sa droite fit sortir Violette de sa transe attentive, ses prunelles vertes se déplaçant vivement vers la source de cette animation, un sourcil noir se haussant sur son front pâle, surplombant ses yeux arrondis par l’interrogation. Un sourire tendre s’imprima sur la courbure de ses lèvres pleines, appuyant légèrement sur le bas du dos de sa cadette pour l’enjoindre silencieusement à aller gigoter sur la chaise gentiment offerte plutôt qu’au bord de la table lorsque celle-ci releva ses grandes billes chocolats sur son aînée. Il ne fallut pas longtemps pour que la fillette aux tresses cuivrées saute à bas du plateau pour grimper sur l’assise, se remettant à gesticuler comme si rien ne pouvait l’arrêter.

Et pendant ce temps, ses perles d’émeraude n’avait pas quitté le profil de Tharcise, attendant étonnamment patiemment une réponse, aussi succincte soit-elle, à son questionnement muet. Explication qui ne tarda pas à arriver et laissa la jeune fille aussi songeuse que celui qui se tenait à ses côtés.Sa tête ornée de son épaisse couronne ténébreuse de ronces se pencha instinctivement sur le côté, recueillant chacune des paroles prononcées avec une attention évidente ; ses iris malachites se posant derechef vers son oncle de coeur.

- Il arrive, parfois, qu’les contes d’mon onc’ soient en réalité des récits d’son passé qu’il a r’manié à sa sauce pour en faire quequ’chose d’plus rocambolesque donc… Elle éleva brièvement une épaule. C’tout à fait possib’ qu’ce soit une histoire vraie. Faudra lui d’mander quand l’aura f’ni. Son petit nez rond se fronça délicatement, peignant une moue dubitative sur son visage marmoréen. A moins que… Elle jeta un nouveau coup d’oeil par-dessus son épaule, survolant de ses vertes sentinelles le faciès bourru de l’Ours pour naviguer plus loin, du côté du comptoir, où étaient nonchalamment accoudés l’aîné et le puîné du conteur, Corniaud et Courtaud. Revenant au jeune noble, elle se redressa légèrement, relevant sa frimousse mutine vers lui alors que son ouïe captait sans effort les roulements rocailleux produits par Briscard. Mes onc’ et m’père étaient marins ‘vant. I’ passaient leur temps à n’rac’ter des tas d’anecdotes de c’genre. T’jours agrémenté d’un peu d’imag’naire. Sa dextre se redressa, venant cueillir son menton entre ses doigts, la pulpe cajolant pensivement sa lèvre inférieure ; ses sourcils se plissant sous la concentration. Peu d’chance qu’l’Ours puisse répond’ par cont’. J’vais huit ans 1155, c’qui fait qu’l’avait ‘rrêter les voyages pour s’contenter d’la pêche d’puis que’ques années d’jà. Mais j’crois qu’les trois frères sont passés à aut’ chose que deux ans plus tard. Elle tourna vers lui un grand sourire amusé, ses pupilles olivâtres étincelantes de gaieté. Ça f’rait pas un peu gros com’ coïncidence ? Mêm’ si c’troublant.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Embarqué dans sa surprenante fable, le semi-géant grognon qu’il était paraissait s’éveiller d’un long sommeil. Soumettant ses palabres chimériques à son auditoire subjugué. L’intonation rocailleuse se déversant dans les esgourdes circonspectes de tout un chacun, mettant autant de cœur à l’ouvrage, tout passionné qu’il était par ses soirées au coin du feu, à profiter de sa famille, de ses amis et surtout, voir les différentes expressions et émotions traversant le corps et le regard des petits êtres affalés au devant de l’estrade branlante.

- Bientôt l'abordage se fit et les grappins furent jetés. Les corsaires allèrent les premiers à l'assaut, coutelas au poing. D'abord les Langrois eurent quelques avantages, et par trois fois repoussèrent les ennemis et les forcèrent de quitter leur pont et leur gaillard. Les pirates allaient se retirer pour la dernière fois, quand le capitaine du corsaire donna ordre à ses officiers d'aller fermer les écoutilles et les ponts afin d'empêcher ses gens d'y chercher un refuge et de les contraindre à se battre jusqu'à ce qu'ils soient victorieux ou qu'ils meurent…

La dernière phrase se termina sur une note grave, presque mortuaire. Le conteur laissant un silence morne planer au-dessus des tables, enveloppant chacun des présents dans sa lourde et cruelle mante.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

C’est dans ce moment de calme mortuaire que deux petites têtes chevelues, l’une noire fardée de blanc et l’autre d’un roux flamboyant piquetés d’ivoire, décidèrent de se frayer un chemin jusqu’à leur tablée. Si la plus grande des deux silhouettes n’hésitait pas à se frayer un chemin à coups de coude acerbes ; la plus petite était désespérément accrochée à la chemise qui voletait de sa minuscule menotte tachetée. Lorsque Coquelicot les aperçut, elle descendit de la chaise avec moults gestes empressés et parfaitement inutiles, rejoignant en sautillant les deux nouveaux venus qui finirent, de toute façon, par s’approcher de l’adolescente.

- T’ens. J’t’amèn’ la Souris. Tonton l’a fait peur ‘vec s’conte. L’arrêt’ pas d’pleurer ‘pis d’t’à l’heure. railla une voix fluette appartenant sans aucun doute à une toute jeune fille malgré l’apparence de cette dernière. Habillée comme un garçon, le corps taillé dans un roc ; la crinière d’ébène et d’ivoire identique à celle de Violette, coupée court surmontant une frimousse criblée d’éphélides à l’air revêche ; éclairés par deux lacs turquoises agacés.

- T’en prends pas à Souris, Moufette. Il a qu’trois ans. C’normal qu’il ait eu peur. La sauvageonne se pencha en avant, saisissant le bambin de la même manière qu’elle l’avait précédemment fait avec Coquelicot pour le conserver étroitement serré dans ses bras ; laissant le gamin chétif à la tignasse indocile ressemblant aux flammes dansant dans l’âtre nicher son minois larmoyant dans le creux du cou de son aînée. Et embarque Coquelicot ‘vec toi. Tu s’ras gentille.

Et si Violette le dit avec le sourire, Moufette n’émit qu’un grognement mécontent, saisit sa petite sœur par le poignet et l’entraîna en la tirant derrière elle au travers de cette drôle de forêt humaine.

- Et maint’nant ? T’m’envies t’jours ? souffla-t-elle à Tharcise, la taquinerie et la fatigue se faisant sentir dans la tonalité de ses prosodies ; deux paires de pupilles verdâtres aux teintes différentes l’observant par en-dessous, tendrement exaspérée pour la première ; voilée par les larmes pour la deuxième.



Dernière édition par Violette le Mer 27 Juil 2022 - 16:35, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyMer 27 Juil 2022 - 10:31



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Le conteur au faciès de bouledogue peignait de ses mots volages la suite du récit dans lequel se jouait désormais une bataille maritime ; de celle que les territoires aqueux entourant le Royaume de Langres connaissaient depuis toujours, depuis que l’homme s’était lancé à la conquête de ces eaux au chant indomptable et sauvage, dans une lutte éternelle, et où ni pitié ni remord n’avait place. La mer donnait comme elle reprenait, et fou était celui qui pensait pouvoir la dompter, sa témérité l’envoyant au terme d’une âpre conversation percer le secret insondable des ténèbres de ses abîmes.

Tharcise dodelinait du chef, appuyant les propos de sa voisine, les doigts de sa senestre tyrannisant le riche tissu laineux de la manche sur laquelle elle reposait. Ses mouvements laissaient vagabonder une fragrance d’ambre gris, rejetant alentour des notes boisées où se mêlaient, de façon aléatoire et insolite, celles du tabac, du cuir et des embruns salés. Son regard d’acier poli furetait par à-coups indolents sur le minois aux traits juvéniles malgré les cernes fatigués qui fardaient de pétales bleus le pourtour de ses paupières et en ternissait la fraîcheur, en cette heure tardive ; s’attardait sur l’insolite mèche d’argent s’entortillant allègrement, telle une pâle couleuvre jouant à cache-cache dans le buisson charbonneux de sa chevelure ; accusait le heurt versatile de ses prunelles olivâtres lorsque l’adolescente osait une œillade vers lui.

- Ne dit-on pas que les légendes sont le reflet de la réalité ? enchaîna-t-il alors, sa senestre s’animant, voletant à hauteur de son buste. Des événements historiques que le temps, l’imagination populaire ou, hm, un troubadour auront transformés en gestes d’un caractère plus fabuleux, épique. Il humecta ses lèvres, ses incisives supérieures mordant la pulpe de sa lèvre inférieure en une expression songeuse, tandis que ses iris vadrouillaient derechef sur le faciès couturé de cicatrices de Briscard. Je ne serais guère étonné qu’une partie de ce récit ait pu être empruntée au folklore d’Hendoire… ou de Morguestanc. Sa bouche s’anoblit d’un large sourire qu’il dédia à Violette, tandis qu’il inclinait le front vers elle, dont le sommet était chatouillé de mèches folâtres. Blanche aura-t-elle survécu pour nous livrer son point de vue ou ce conte n’est-il que le reflet d’un des nombreux épisodes barbares rapportés par quelque pirate glorieux ?

L’intervention de ladite Moufette et de Souris l’interrompit, l’obligeant à braquer son attention joviale sur le garçon manqué qui, la trogne revêche, repartait sans plus tarder avec Coquelicot, tandis que le garçonnet, pelotonné dans les bras de son aînée, inondait le cou de cette dernière de ses pleurs apeurés.

- J’envisage de reconsidérer la question. répondit Tharcise, le rire chavirant à la surface de ses prunelles, tout en avançant cette senestre vouée à une inlassable mobilité vers la tête du petit chérubin larmoyant pour en effleurer les boucles cuivrées.


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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyMer 27 Juil 2022 - 15:58



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Briscard, emporté comme il était par son récit, dont la voix grondait tel un roulement de tonnerre au loin, se leva de sa chaise. Son massif poing fermé fendant l’air au-devant de lui, penché en avant sur ses jambes robustes, la gauche légèrement en retrait, son faciès hargneux hanté par les ardents souvenirs de combats similaires.

- Une rage féroce s'empara alors de l'équipage qui se rua avec une furie sans nom contre les malheureux Langrois. Ceux-ci, abandonnant tout espoir, ne se battaient plus que pour l'honneur du drapeau, aimant mieux encore succomber dans la lutte que de rester vivants entre les mains de leurs farouches ennemis.

En un quart de seconde, le semi-géant se ressaisit. L’expression de son visage tout comme le son rocailleux perdirent de leur intensité, se faisant aussi douce que le murmure d’un ruisseau dont l’onde se cogne aux pierres se trouvant sur son chemin.

- Au milieu de ce tumulte sanglant, Blanche de Beaumont, comme un ange secourable, allait des blessés aux mourants, prodiguant à tous des soins intelligents et parlant à ceux qui allaient quitter la terre des récompenses éternelles qui attendent ceux qui combattent noblement pour Rikni et la patrie. Ses pieds glissaient dans le sang, comme elle allait ainsi dans son œuvre de charité et de dévouement, et devant cette scène pleine d'horreur elle sentait parfois son cœur défaillir..... Elle eut la triste et suprême consolation de recevoir le dernier soupir de son oncle, blessé mortellement à la poitrine, et de lui rendre les derniers devoirs. A ce moment même, où le visage baigné de larmes amères, elle fermait pieusement les yeux de son parent, le capitaine du vaisseau, qui se trouvait près de notre héroïne, reçut sur la tête un coup de poignée d'un coutelas si violent qu'il lui fracassa le crâne et que la cervelle rejaillit sur elle. C'en était trop; la jeune fille s'affaissa parmi les morts et les mourants, privée de sentiment.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Le pouce de Violette se promenait sur la joue rebondie de Souris, effaçant les traces des pleurs apeurés ruisselants encore sur les pommettes tachetées. Souris, quant à lui, front enfoui sous les boucles sombres de sa sombres, ses indomptables cheveux roux se mêlant aux siens, offrant un étrange tableau tricolore à l’aspect soyeux ; observait Tharcise de sous ses longs cils carotte, ses yeux menthe à l’eau ne le lâchant pas du regard, le fixant avec une curiosité toute enfantine entre deux sanglots qui secouaient encore son corps chétif ; si semblable à sa soeur aînée plusieurs jours auparavant.

Un large sourire faussement innocent vint orner les lèvres purpurines de la jeune femme, ses perles émeraldines à l’allure rieuses s’ancrant dans les pâles anthracites. J’me disais aussi… Et encore, t’as rencontré qu’les p’tits. C’sont loin d’êt’ les pires. Elle pencha la tête sur le côté, son abondante crinière indocile venant envahir de ses noires tentacules la laine grise de la vêture du jeune noble, paraissant crocheter quelque chose ou quelqu’un de ses sentinelles céladons. T’vois les deux bruns s’milaires en tout point malgré leur diff’rence d’genre ? Narcisse et Belette. C’deux-là, i’ risquent pas d’te dépayser. Surtout Narcisse. jeta-t-elle avec exaspération, accentuant le “surtout” d’un soupir. Plus agaçant qu’les j’meaux, p’l’instant, j’connais pas. Même toi, t’arrives pas à leur ch’ville, c’pour t’dire… affirma-t-elle en offrant un large sourire tout en dents aux deux pré-adolescents d’une douzaine d’années qui avaient senti qu’on les scrutait.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

- Le vaisseau langrois désemparé, ras comme un ponton et hors d'état de résister plus longtemps, dut enfin se rendre.

Et le marin quarantenaire continuait sur sa lancée. Jetant un vague coup d'œil attentiste au retour de Moufette et Coquelicot, éloignant d’une main preste et habile le broc de bière brune ramenée par Courtaud des petites menottes chapardeuses des deux fillettes ; le conservant dans sa senestre.

- Blanche de Beaumont fut considérée comme une trop belle part de butin pour être mise à mort et le capitaine du vaisseau pirate la réclama comme sa part. Le désespoir de la jeune fille, lorsqu'elle eut repris ses sens, fut indescriptible, mais ni ses pleurs, ni ses supplications ne purent attendrir son ravisseur.

Briscard rejoignit sa chaise, la redressant sur ses quatre pieds de sa dextre libre pour s’y asseoir à nouveau. Il déposa la pinte mousseuse à sa gauche à même le sol, ses mains s’entrelaçant à nouveau, la tête basse ; reprenant dans un effet dramatique la même position qu’il avait en débutant son récit.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻


Tout en se redressant, calant correctement son puîné d’un coup de hanche habitué et bien placé, elle enchaîna sans réellement prendre de pause. Pour en rev’nir à c’que tu disais… S’les légendes sont l’reflet d’la réalité… Que dire des monst’ des mers ? Mythes ou réalité ? J’surtout hâte d’réentend’ un conte à c’sujet. Les histoires pleines d’romance, c’pas vraiment c’que j’préfère. Mêm’ s’y a des combats à la clé. dit-elle, berçant doucement la discrète flammèche commençant à s’assoupir dans les bras presque maternels ; le gauche soutenant la minuscule silhouette alors que sa dextre se faufilait dans le dos étroit pour le maintenir contre la plantureuse poitrine, ses doigts graciles s’enfouissant dans l’épaisse touffe sanguine. J’sais qu’ça attire b’en plus les foules mais… Y’a vr’ment d’gens pour croire à ça ? souffla une Violette accablée, faisant s’envoler quelques flammèches dans les airs alors que dans son dos, la preuve même de cette existence roucoulait sans discontinuer, probablement aussi amoureux qu’au premier jour, si ce n’était pas plus.

Relevant ses billes smaragdines sur les portes du Boit-Sans-Soif aux grincements distincts émis par les gonds encrassés, la sauvageonne arqua ses sourcils ténébreux sur son front ; un rictus facétieux éclairant son teint de lys, chassant la lassitude et la mélancolie qui y avaient pris place sans s’être invités. C’maint’nant qu’les ennuis vont commencer… Elle abandonna son côté de la tablée pour en faire le tour, déposant fermement, autoritairement, la masse endormie siégeant contre elle dans les imposants bras musculeux de l’Ours ; obligeant ce dernier à déplacer Jonquille au creux du coude opposé. D’une simple volte dansante, le lutin mutin à la tignasse survoltée reprit sa place au côté de Tharcise, le bas de ses reins se cognant dans un bruit sourd contre le bord cerclé de fer ; ses prunelles monochromes dardant ses rayons méfiants sur les deux masses corpulentes s’avançant sans cérémonie aucune au travers de la foule, un peu trop rapidement à son goût.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyMer 27 Juil 2022 - 20:59



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Briscard vivait cette folle épopée, dressé au-dessus de son public à qui il offrait le spectacle de son mime belliqueux, ses larges battoirs de chair fouettant l’air en guise d’épées s’entrechoquant. Toutes les têtes, blondes comme chenues, clairsemées comme chauves, étaient tournées vers le conteur ; leurs prunelles s’égayaient de lueurs émerveillées, effrayées, tristes, frustrées… au rythme de cette histoire dont le fil s’épuisait contre le pavillon de leurs oreilles attentives. Tharcise, en bon public, s’était détourné de l’adolescente, sa senestre s’évadant de la tignasse cuivrée du garçonnet chagrin pour retrouver l’assise du coude de son bras droit, préservant cette pose concentrée, l’un de ses pieds bottés marquant une mesure imaginaire au-dessus de son opposé. S’imaginait-il battant la semelle sur le tillac de son propre navire, à batailler de taille et d’estoc contre ces forbans des mers ; où endossait-il le rôle exécré de ce capitaine corsaire, ragaillardi par la victoire et réclamant sa part d’un butin chèrement conquis ? Lorsque la voix de Violette retentit derechef, il se contenta de tendre l’oreille avant de diriger ses regards intrigués sur les jumeaux qu’elle lui désignait d’une œillade appuyée. La réflexion qu’elle lui dédia provoqua un haussement de sourcils à l’expression faussement outrée.

- Agaçant, moi ?

Et de secouer la tête, en levant les yeux au ciel, un brin amusé, avant d’être derechef happé par la suite du récit qui virait à la tragédie. Le public s’exclama, protesta, ricana, siffla, tandis que se profilait le destin à l’issue peu favorable de la douce Blanche. A l’évocation des monstres marins qui devaient peupler les mers, le nobliau haussa d’une épaule.

- Hm. Les seules créatures marines que l’on pourrait apparenter à des monstres sont ces morses, ou ces énormes baleines que les Hendois chassent. Le Capitaine Desgrées me racontait qu’ils les guettent depuis leurs navires, et les poussent vers le rivage, où ils les dépècent pour en récolter la graisse. Une fois celle-ci fondue dans de gros chaudrons de fer, ils s’en servent pour la cuisson des aliments. L’alimentation même, la conservation des viandes, mais aussi pour des usages artisanaux, pour traiter et conserver les cuirs. Le jeune homme écarquillait les yeux, l’air fasciné. A part en illustrations dans des bestiaires, je n’en ai encore jamais vu mais le Capitaine m’a rapporté qu’elles sont d’une taille impressionnante. Près de huit toises de long, avec un poids frôlant la dizaine de milliers de livres. C’est incroyable, non ?

L’accablement que Tharcise crut soupçonner dans l’attitude de Violette lorsqu’elle enchaîna sur le sujet des histoires où la romance avait la part belle, un élément qui pour elle semblait tenir de la bagatelle, accrocha un sourire franc, tout en dents, sur ses lèvres obombrées de leur duvet ras.

- Pourquoi pas ?! se contenta-t-il d’exprimer, le ton flottant, comme s’il était tout aussi frileux à dévoiler son sentiment sur la question.

En cet instant les portes de la taverne s’ouvrirent pour livrer passage à deux énergumènes à la stature impressionnante pour leur jeune âge. Préservant une mire prudente entre ses paupières étrécies, le nobliau ne s’octroya aucun commentaire sur l’éventualité avancée par Violette que ces deux-là pussent se muer en fauteurs de troubles lors de cette nuit dédiée aux contes et à la bonne humeur.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyJeu 28 Juil 2022 - 15:07



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Fermement assis sur sa chaise, les mains joints et l’oeil sombre, le marin passa son regard sur chacune des personnes visibles à sa portée, s’attardant tout particulièrement sur les enfants au-devant de lui qui le fixaient avec des yeux ronds comme des billes.

- Il la voulait pour sa femme, répondait-il à toutes ses prières.
- Je ne suis pas libre, cria Blanche de Beaumont. Je suis fiancée, ajouta-t-elle fièrement, à Raymond de Nérac, chevalier de son état, capitaine au régiment de Langres, et n'aurai jamais d'autre époux que lui.
- Où donc ce beau chevalier demeure-t-il ? demanda sarcastiquement le capitaine des pirates.
- Dans le Duché d’Hendoire, dit Blanche, où l'honneur et le devoir lui commandent de rester.
entama-t-il après un arrêt de quelques secondes, rendant l’effet d’autant plus surprenant lorsqu’il modula sa voix sur deux autres tons pour incarner les deux protagonistes de ce dialogue.
✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Ses prunelles smaragdines ancrées sur les deux colossales silhouettes qui se frayaient un chemin au travers de la foule finirent par laisser apparaître deux énergumènes très différents. Si l’un était presque aussi grand que l’Ours, l’autre était sensiblement plus petit. Si le premier avait le poil foncé paré de blanc, le second avait hérité de la blondeur maternelle. Le brun, plus robuste et carré que le blond qui, lui, n’était pas en reste. Une musculature sèche et néanmoins imposante filtrée de sous les manches crasseuses de sa chemise blanche retroussées jusqu’au coude malgré le froid presque polaire qui régnait à l’extérieur. Le plus proche étira un large sourire chaleureux illuminant ses traits juvéniles au regard bienveillant alors qu’un mince rictus éclairait le visage au ton froid de celui qui le suivait.

A l’approche bourrue du brunet qui écartait ses bras imposants, le minois mutin de Violette se para d’un éclat hilare, le bas de ses reins se décollant du bord de la table, sachant d’avance ce qui allait se produire. Ma grande sœur préférée ! dit-il en se penchant en avant pour ceindre la taille menue de ses troncs de chair, soulevant la sauvageonne à la crinière follasse tel un fétu de paille, la serrant contre son torse à l’étouffer. J’suis ta seule grande sœur, abruti d’Blaireau ! Lâche-moi, tu m’écrases ! vociféra-t-elle, mi-rieuse mi-asphyxiée, ses petits poings tapant sans affect dans le dos de son frère tandis que le blond détaillait la scène d’un air passablement moqueur, les mains enfoncées dans les poches de ses braies marronnasses.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Briscard sourcilla légèrement, ses billes charbons dérivant rapidement vers les deux fauteurs de troubles, peignant un drôle de sourire sur ses minces lippes. Tout ceci ne dérangea cependant pas la poursuite du conte qu’il continua comme si rien n’avait pu troubler sa concentration ne serait-ce qu’un bref instant.

- Une pensée diabolique traversa à ce moment, l'esprit de ce monstre, et comme sa captive refusait de l'écouter ou de l'accueillir auprès d'elle, il commanda à l'équipage de faire voile pour le Duché lointain, afin de torturer son innocente victime par la vue de l'endroit où son coeur l'appelait, sans jamais lui permettre d'y descendre, ne fût-ce qu'un seul instant. Blanche fut enfermée dans une étroite cabine, où on la garda sous la plus étroite surveillance.
Un jour, cependant, on lui permit de monter sur le pont, ce fut pour apercevoir la terre, une terre couverte de vastes forêts et de la plus luxuriante végétation.
- Voici Hendoire, lui fut-il dit, avec un méchant sourire.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Alors que les personnes alentour fusillaient le trio du regard en chuchotant furieusement quelques imprécations à leur encontre, pourtant, aucun d’entre eux ne sembla s’en émouvoir. Le blondin se mit en branle, s’approchant de son aîné par derrière, lui mettant une bourrade brusque de l’épaule pendant que sa senestre aux longs doigts arachnéens sortait de son antre de tissu, se faufilant joyeusement entre les épaisses boucles ébène et ivoire de sa furie de soeur. Lâche-la Blaireau. T’es en train d’l’aplatir. ricana-t-il, ébouriffant les sombres mèches soyeuses. Pis tout l’monde nous r’garde. Ses iris glacés balayant d’un air froid tous ceux qui avaient encore leurs mires posés sur eux, un sourire mauvais étirant les commissures de sa bouche. Le-dit Blaireau partit dans un rire tonitruant, faisant fi de la peuplade autour d’eux. Il relâcha tout de même pauvre Violette qui peinait à retrouver une respiration normale, et qui, pour toute récompense, lui servit un violent coup de poing dans le biceps. Crétin. l’invectiva-t-elle affectueusement de ses notes perlées. M’ci Alouette. lui sourit-elle, virant sa main invasive de son abondante crinière d’un revers de la main, reprenant sa position précédente, accotée au plateau boisé.

Ses deux jeunes frères s’asseyèrent à même le sol, le dos d’Alouette contre le pied de la table alors que Blaireau, plus envahissant, choisissait de s’affaler contre les jambes de sa sœur. La jeune femme se pencha vers Tharcise, une expression amusée flottant sur son profil taquin. Quand j’te d’sais qu’les ennuis arrivaient…

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyVen 29 Juil 2022 - 16:52



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Le Capitaine Desgrées suivit d’une mire céruléenne, attentive, l’entrée des deux adolescents à la carrure impressionnante qu’il présuma aussitôt être les frères cadets de Violette, grâce à la présence de cette mèche d’argent particulière qui musardait au sommet de leur crâne.

- J’failli pas les r’connaître, t’deux aînés, là. Ils sont gaillards ! s’exclama-t-il en prenant Gallibert à partie. Et tandis que ces derniers mots furetaient à la lisière de ses lippes barbues, un éclair de lucidité raviva l’éclat de son regard océan. D’ailleurs, l’Ours, l’Violette t’a parlé du carénage d’printemps d’la Distraite ? J’aurai b’soin d’tous les volontaires disponibles. On f’ra ça avant l’Fête des Fleurs si l’temps est à l’éclaircie.

Tharcise, toujours bras croisés, observait en silence l’évolution de ces deux énergumènes qui offraient un spectacle peu discret à l’entourage. L’on protestait chichement d’un côté, l’on sifflait allègrement d’un autre. Fendant ces péristyles de chair et de sang comme s’ils étaient en terrain conquis, ils offraient tous deux un contraste différent, du fait de leur physique et de leur personnalité que d’aucuns auraient pu soupçonner à travers gestuelles, mimiques et regards. Le nobliau s’attarda sur les effusions fraternelles entre Violette et ledit Blaireau, s’écartant un peu pour laisser à ce nouvel auditoire envahissant toute latitude et aisance dans l’aura de leur sœur aînée. Et lorsque la prostituée, se penchant vers lui, réitéra avec un certain amusement la mention d’ennuis à venir, le jeune homme l’appréhenda d’un simple haussement de sourcils interrogateur, ses prunelles voguant ostensiblement sur les têtes des frères cadets vautrés à leurs pieds avant de s’intéresser derechef au récit de Briscard.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont EmptyDim 31 Juil 2022 - 0:00



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Briscard, dont les yeux noirs s’arrondissaient au fur et à mesure que les mots s’évadaient de sa bouche, roulant comme les gravats à flanc de falaise sur fond d’un tonnerre retentissant ; poursuivait sans discontinuer la lecture de ce fantastique conte.

- Hendoire ! ce pays qu'elle voulait faire sien par adoption, où l'attendait l'élu de ses rêves et de son cœur ! Et pourquoi son cruel ravisseur l'y amenait-il ? L'affreuse vérité se fit jour dans son esprit et sa douleur fut si grande que sa raison s'effondra devant l'épreuve terrible qui l'attendait encore. S'échappant des mains qui la retenaient, elle se précipita dans la mer.

Sa voix se fit aussi sombre que le destin de cette pauvre Blanche, se parant même d’une nuance de tristesse lourde, à fendre le cœur des moins insensibles.

- Ce fut en vain qu'on chercha à la sauver; les vagues miséricordieuses la dérobèrent à ses ravisseurs et gardèrent à jamais l'infortunée Blanche de Beaumont.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Le père de cette famille bien trop nombreuse se mit à ricaner, ses larges épaules remuant au rythme de sa joyeuse hilarité ; les deux bambins confortablement calés aux creux de ses bras massifs ne semblant pas sourciller, tous deux en proie à un profond sommeil.

- C’vrai qu’ils ont b’en grandi en un an et d’mi. Vont m’dépasser s’i’ cont’nuent com’ ça. prononça Gallibert, ses pupilles mordorées se déposant sur le faciès tachetés de sons du Capitaine de la Distraite. Elle m’l’a dit, oui. C’d’vrait pas poser d’problème, on s’ra là ‘vec les deux grands. enchaîna-t-il, pointant du menton l’endroit où se trouvait les deux frères aînés des Rats du Port, invisible à leur regard de là où ils gisaient, affalés comme ils l’étaient au sol, aux pieds menus chaussés de ses incurables bottines en cuir brun de la plus âgée de la fratrie. Si t’as b’soin d’plus d’bras, y’a t’jours Corniaud, Briscard et Courtaud qui r’fus’raient pas non plus.

Faustine, quant à elle, écoutait d’une oreille distraite la conversation. Ses iris azurs naviguaient rêveusement sur chacune des têtes présentes autour de la table, un vague sourire étirant les commissures de ses lèvres rosées, s’agrandissant légèrement tout en se teignant d’une tendresse toute maternelle lorsqu’ils se posèrent sur les crânes chevelus parés d’or pour l’une et de flammèches incandescente pour l’autre ; redressant d’une main aussi douce que ferme la position de Souris qui commençait à dangereusement pencher dans le vide. Avant la Fête des Fleurs, hm ? Soirée de débauche en prévision pour fêter la fin du carénage ? demanda-t-elle calmement, l’ombre de la curiosité passant sur son visage marmoréen.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

La tonalité grondante d’éboulis de Briscard vibra dans la salle enfumée de l’auberge, celle-ci captivant sans le moindre effort les esgourdes peu attentives de certains, leur attention ayant été adroitement détournée par les deux fauteurs de troubles qui se chamaillaient copieusement, bien qu’en essayant d’être discrets, que pouvaient être Blaireau et Alouette.

- Un voile sombre était aussi tombé sur l'équipage et le vaisseau avec la disparition de la jeune fille. Les matelots superstitieux disaient qu'ils avaient perdu leur bonne fée et d'étranges pressentiments agitaient tous les esprits. Le capitaine lui-même regrettait sa malheureuse victime et n'ouvrait plus les lèvres que pour faire entendre les plus sinistres imprécations.

Sa mire assombrie se promena sur son auditoire ébaubie, capturant d’un battement de cil les différentes expressions se faufilant sur les faciès à proximité.

- Le jour qui suivit la mort de Blanche de Beaumont, le vaisseau, poussé par un vent très fort, arriva près du Rocher de Percé. Tout l'équipage demeura stupéfait à la vue de cette masse immense de rochers, et le capitaine, mû par quelque puissance secrète, commanda d'en approcher d'aussi près qu'on le pourrait faire sans danger.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Assis à même le parquet défoncé du Boit-Sans-Soif, les mains toujours étroitement enfoncées dans les poches de ses braies, le dos appuyé contre le pied de la table qui creusait son dos et ses pupilles claires dardant ses rayons glacés sur le nobliau au côté de sa soeur. Alouette était l’image même de la nonchalance féline, malgré son jeune âge et son apparence encore poupon, la dangerosité qui se dégageait de lui était tout, sauf feinte. Sans détourner ses mortelles sentinelles bien trop pâles, il quitta sa place, se relevant aussi lentement qu’il était possible de le faire, s’approchant d’un pas traînant de Tharcise… Pour finalement le contourner et se poser à sa gauche, ses yeux toujours rivés sur lui dans un questionnement muet qui ne se lisait pourtant aucunement sur son profil laiteux.

Alors que son frère, lui, continuait de gaiement martyriser les jambes de Violette de son poids conséquent, tiraillant comme un enfant le tissu violine du jupon qui virevoltait jovialement sous les coups de genoux dont elle accablait le dos puissamment bâti de ce dernier. Ses prunelles dorées attrapant l’animation presque apathique du blondin avec un froncement de sourcils aussi méfiants qu’amusés ; tirant une unique fois un peu plus sèchement sur le morceau de tissu qu’il accaparait entre ses phalanges serrées, désignant Alouette d’un revers de sa senestre contre le mollet de la sauvageonne, restant dans une silencieuse observation de ce drôle d’oiseau de malheur.

Les perles émeraldines de l’aînée, qui n’avaient pas eu besoin de la sollicitation du brun pour suivre les agissements de la désinvolte silhouette blonde, scrutèrent avec un profond intérêt la suite des événements. Que pouvait-il bien se tramer dans les méandres de l’esprit parfois dérangé de son cadet ? Qu’était-il encore en train d’imaginer ? Son insondable psyché claquemurée derrière les remparts branlants protégeant vaillamment la moindre de ses pensées s’activant à une vitesse vertigineuse pour tenter de comprendre, d’appréhender le comportement de ce jeune frère si particulier. Ses doigts agirent d’eux-mêmes, venant s’accrocher sans qu’elle leur en donne l’ordre à la manche de laine d'une blancheur neigeuse, tourmentant délicatement le textile de maintes rotations de la pulpe de son pouce, cherchant instinctivement à retenir la prose sarcastique pouvant être vivement débitée par le jeune noble à ses côtés.

Ses écrins de chair blafarde se réduisant à deux fentes, ne laissant entrevoir que le vif éclat perçant de deux pupilles gelées apposés sur le visage obombré d’un duvet noir, Alouette pencha tranquillement sa tête sur le côté, sa chevelure blonde et blanche caressant ses clavicules telle une cascade faites d’or et d’argent. Et si, absolument toute sa gestuelle, son assurance, sa démarche, son expression faciale et visuelle… indiquait un danger imminent, ce fut une voix mélodieuse aux accents chauds qui ne s’éleva pas plus haut qu’un murmure tandis que son regard inquisiteur se baladait sans la moindre vergogne sur la physionomie et l’accoutrement du jeune Comte. T’sors d’où, toi ? D’où qu’tu connais ma frangine ? souffla-t-il en ignorant bellement les œillades compulsives de Violette et Blaireau, choisissant sciemment de ne pas prêter attention aux murmures alentour des personnes connaissant son tempérament à la limite du vipérin, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’un des membres de sa famille, en l'occurrence, sa sœur aînée dont il n’appréciait guère le travail de nuit qui lui rappelait grandement son impuissance face à leur situation.
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