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 [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont - Page 2 EmptyDim 31 Juil 2022 - 15:05



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.


Le sort de la belle Blanche de Beaumont se reflétait à la surface des regards levés, crochetés au faciès expressif de Briscard, et leurs figures se faisaient l’écho des mimiques que leur précieux conteur exhibait au tout-venant, lui-même vivant son récit comme s’il en avait été l’un des principaux protagonistes. Quelques enfants, parmi les plus jeunes, montraient des signes d’impatience ; les uns, déconcentrés par l’arrivée bruyante d’Alouette et de Blaireau, les observaient sans vraiment les voir, l’œil fatigué, tordant leurs petites mains avant de zyeuter le plafond, la bouche entre-close et la narine morveuse ; d’autres somnolaient, leur nez jouant de gravité avec le sol avant que la main prudente d’un adulte ne les remette d’aplomb, leur évitant une chute désagréable.

- Qu’les trois frères viennent aussi. confirma le Capitaine de la Distraite, balayant la salle commune de la taverne de son œil bleu en quête des deux frères dudit Briscard dont la voix grondante résonnait jusqu’à leur table. Plus nombreux on s’ra, plus vite l’travail s’ra fait. Mais hors d’question d’bâcler l’carénage. Surtout si j’veux r’prendre l’mer rapid’ment. C’est qu’j’commence d’jà à m’empâter.

Il tourna sa face hâlée, au front et aux joues maculés d’éphélides que les lances cruelles du soleil et les picots des embruns avaient exacerbées, vers la mère des Rats du Port. Ses barbillons flamboyants tressautèrent aux coins de sa bouche à travers le large sourire qu’il lui dédia.

- M’foi, c’te fête arrive à point nommé. Pas eu l’temps d’fêter grand-chose, pendant not’virée en mer. Et ce s’ra l’occasion d’célébrer la fin d’la mise en beauté d’not’caravelle. Et le coup d’œil paternel qu’il crocheta sur le large dos de Tharcise démontrait qu’il associait sans la moindre hésitation le jeune nobliau à cette entreprise. A lui aussi, ça lui f’ra pas d’mal d’s’occuper l’esprit à aut’chose.
- Ouais, cap’taine, on va s’occuper du gamin. renchérit Tréville dans un ricanement à la mélodie facétieuse.
- On y réfléchit, justement. appuya Dargault, d’un hochement de menton faussement solennel.
- Qu'est-ce qu'vous manigancez encore, v'deux ? Fichez-lui la paix, bon sang.

Les deux compères éclatèrent de rire. Joffre les fustigea d’un regard étréci, suspicieux ; avant de s'en désintéresser, grommelant dans sa rousse barbe et préférant laisser ce binôme inséparable à leurs secrètes trames.

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L’approche féline de ce cadet faussement apathique à la blonde chevelure fardée d’argent n’émut guère le nobliau, ce dernier se contentant, entre deux échappées de sa mire d’acier vers la scène où Briscard orchestrait les personnages de son conte, de noter le déplacement d’Alouette à son côté. Un picotement dérangeant, caractéristique de celui que tout individu pouvait appréhender lorsqu’il se sentait épié, chatouilla sa tempe et l’obligea à confronter son regard à celui de son voisin. Et les nuées d’un ciel hivernal d’affronter les vagues d’une mer orageuse. Une profonde inspiration gonfla d’air ses poumons avant qu’il n’en relâchât le souffle vicié par son nez, et dont les ailes frémissaient imperceptiblement. Ses prunelles rencontrèrent celles de l’adolescent, s’y plantèrent hardiment, sans que le moindre cil ne troublât leur fixité, toute aussi perturbante que celle de son vis-à-vis. Sa langue vint s’immiscer contre ses dents, en un brossage à la lenteur agaçante, les muscles de ses maxillaires roulant sous ses joues. Un tour de sablier passa avant que sa bouche ne s’entrouvrît enfin sur une esquisse aimable pour laisser filtrer un mot.

- Tharcise. se présenta-t-il, décroisant ses bras le temps de porter sa dextre sur le cœur, qu’une brève inclinaison du buste parapha. Enchanté de faire votre connaissance-… Alouette, si j’ai bien saisi ?! Une œillade appuyée caressa le profil de Violette dont la menue main tyrannisait la manche de sa chemise de discrètes torsions. A cette muette sollicitation qui résonna à son esprit concentré comme une évidente mise en garde, les doigts de sa senestre voletèrent à peine vers les intruses arachnides pour en effleurer les proches phalanges. Par ce geste, aussi délicat qu’éphémère, escomptait-il la rassurer sur le comportement qu’il allait adopter face à l’envahissant petit frère dont l’approche était quelque peu déplacée, voire agressive. Le ton qu’il adopta se fit pourtant lent, calme. Connaître votre sœur ? Non. Nous nous sommes rencontrés sur la jetée. J’étais blessé… Il leva un index accusateur sur la cicatrice qui marbrait sa lèvre inférieure. … Elle m’a soigné. Point. Pour le reste… fit-il en suspens, dans un vague haussement d’épaules désinvolte, sous-entendant sûrement ce qu’Alouette craignait le plus et qui concernait le travail déshonorant de son aînée. … La seule personne que je connais ici est le Capitaine Desgrées. Je l’accompagne.

Et il conclut cette accroche d’un sourire en coin, qui creusa une sombre fossette au coin de sa bouche.
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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont - Page 2 EmptyLun 1 Aoû 2022 - 17:27



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Les robustes mains calleuses de Briscard se levèrent, doigts aussi écartés que ses pupilles d’obsidienne pouvaient l’être. Le buste penché en avant pour se rapprocher de son auditoire subjugué, le grondement de sa voix se vit habillé d’un soupçon de stupeur horrifique.

- Tous les yeux étaient portés sur cet étrange phénomène, quand, soudain, ils virent paraître, sur le point culminant du rocher, tout vêtu de blanc, le spectre de Blanche de Beaumont, leur captive et leur victime. Les mains levées au-dessus de sa tête comme dans une malédiction suprême, l'apparition semblait si terrible qu'un cri de frayeur s'échappa de toutes les poitrines. Bientôt, le spectre abaissa ses mains dans la direction du vaisseau et à ce moment, tous ceux qui étaient à bord et le vaisseau lui-même furent changés en une masse compacte de rochers.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Les deux frères, Corniaud et Courtaud, toujours accoudés au comptoir du bar où s’affairait la Grosse Martha, tous trois en grande discussion sur ton d’hilarité d’après les expressions respectives de leur faciès burinés, marqués par le temps passés en mer pour les deux premier, dans la forêt du Morguestanc pour la troisième, n’avaient aucunement remarqué le regard bleuté du Capitaine de la Distraite.

- T’biles pas p’r ça. Y’a pas plus m’nutieux qu’ces trois-là. Z’aiment b’en trop l’mer et l’raffiots en tout genre p’r sab’ter l’travail. Ç’leur f’rait mal au coeur. C’pareil p’les p’tits. ‘fin… P’tits… mâcha Gallibert, son tendre et amusé regard mordoré dérivant sur ses deux lascars de fils, l’invisible et le menaçant ; ce dernier faisant imperceptiblement froncer ses épais sourcils charbon et argent en broussaille au-dessus du feu de ses mires.

- Une semaine de ripaille. Tu auras le temps qu’il faut pour rattraper toutes les célébrations qui n’ont pas pu être fêtées à bord pendant ces dix-huit mois passés en mer. Comptes-tu y inviter Mathilde ? sourit-elle, sa douceur naturelle imprégnant ses traits maternels, dissimulant habilement la sournoiserie qui pouvait être sienne. Si Blaireau était le portrait craché de son père ; Alouette, quant à lui, avait tout pris du côté de sa mère. Les perles azurs de Faustine et celles ambrées de Gallibert dérivèrent un court instant sur le noble dos entourés par les trois inséparables et pourtant si dissemblables aînés des Rats. Ils n’eurent qu’à peine le temps d’ouvrir la bouche que Tréville et Dargault surgirent tels deux diables malicieux, leur esprit comblé d’une espièglerie semblable à celle de leur Violette. Il ne restait plus qu’à voir et savoir si la leur était égale à celle de leur fille.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Les vocalises du semi-géant s’adoucirent, rappelant le murmure apaisant d’un cours d’eau cajolant les roches brûlantes de leur onde lascive. Ses larges paumes se posèrent sur ses genoux, frottant l’épais tissu de ses braies brunes tandis qu’il se rencognait dans sa chaise.

- Ce rocher étrange conserva toujours la forme d'un vaisseau à toutes voiles, situé à l'entrée de la rivière, près du Cap des Rosiers et fut connu sous le nom du Vaisseau-Fantôme ou du Vaisseau naufragé. Petit à petit, sous l'assaut constant des vagues, le rocher se désagrégea; morceau par morceau, il s'effrita, mais il en reste encore assez cependant aujourd'hui pour marquer l'endroit où se trouva le Vaisseau-Fantôme et pour rappeler sa légende.

Un fin sourire apparut sur ses traits couturés, atténuant l’impression de brute bourrue que son aspect physique lui offrait sans qu’il puisse y faire quoique ce soit, à l’instar de ses frères.

- C'est ainsi que fut vengée la mémoire de Blanche de Beaumont.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Tout du long de la confrontation, la facétieuse Violette avait lentement perdu de ses couleurs, son teint se faisant livide. Connaissant le caractère insidieux de son cadet, elle savait que l’impression de danger qu’il dégageait n’était pas uniquement ça : une impression. Ses sentinelles de jade étroitement figées sur le visage adolescent, toute prise qu’elle était dans la surveillance de ce trouble-fête auquel elle était liée par le sang, elle ne put empêcher un léger sursaut de la saisir lorsqu’elle sentit l’effleurement rassurant de la pulpe digitale de Tharcise sur ses phalanges crispées, n’osant qu’un simple coup d’oeil rapide de ses yeux verts anxieux sur sa noble figure, ne croisant que brièvement les opalines. Son minois attentif reprit délicatement quelques nuances nettement moins blafardes, ne tranchant que moyennement avec le diaphane naturel de sa peau. Ses perles olivâtres retournèrent se jucher sur le blondin, reprenant leur vigilante inspection de ce drôle d’oiseau aux plumages d’or et d’argent.

Les pâles paupières d’Alouette battirent lentement, dissimulant par à-coups ses prunelles lactescentes sous leur écrin. Une longue minute s’étira, lourde, étouffante… Jusqu’à ce qu’un franc sourire à peine tiède réchauffa légèrement son faciès marmoréen d’où les délicates rondeurs de l’enfance commençait tout juste à s’effacer pour offrir un profil anguleux aux aspérités tranchantes comme un couteau un peu trop aiguisé.
Sans rien répondre, il se recula sensiblement, repartant de sa démarche apathique à l’opposé de celui-ci ; ses mains fines aux longs doigts arachnéens toujours engoncées dans ses poches. Le blond adressa une oeillade indescriptible à sa brune de soeur, son regard incisif descendant abruptement sur les doigts graciles emprisonnant encore le tissu neigeux entre ses serres appréhensives qui se détachèrent aussitôt, dans un geste brusque, de l’étoffe malmenée. Avec une nonchalance feinte, Alouette se rapprocha de Blaireau, mettant un coup de pied joueur dans la massive jambe étendue avant de passer par-dessus pour s’affaler au côté de son aîné.

Un profond soupir gonfla la généreuse poitrine de la sauvage adolescente, exhalant fortement toute la tension retenue sèchement par le nez alors que ses yeux smaragdines divaguaient avec soulagement sur les têtes chevelus de ses cadets, ses gracieuses arachnides se frayant un chemin au travers de la forêt sombre baignée de lumière de Blaireau, les triturant comme elle l’avait fait avec la manche du jeune noble demeurant accoté à la table, sur sa gauche. La jeune femme pencha la tête, sa trogne mutine se dressant pour faire face à la noble figure, un voile vaporeux entremêlant lassitude et embarras parant ses traits juvéniles. J’suis d’solée… ‘l’est just’... Un second soupir secoua son jeune corps frêle. B’zarre ? Possessif et un poil trop pr’tecteur. I’ m’a d’jà causé p’mal d’problèmes ‘vec mon boulot d’nuit. chuchota-t-elle, préférant éviter que les deux adolescents siégeant à ses pieds surprennent ses paroles bien qu’elles n’avaient de bien particuliers ; ne pouvant s’empêcher de les couver d’un regard aussi tendre qu’affectueux.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont - Page 2 EmptyMar 2 Aoû 2022 - 14:20



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Des exclamations de stupeur s’élevèrent des têtes juvéniles pressées autour de l’estrade improvisée dominée par la masse imposante de Briscard, dont l’ombre versatile s’étirait, s’animait sur les faciès de son auditoire privilégié. Des épaules tressautaient de surprise, des dos se voûtaient de peur, des menottes se nouaient d’impatience. Or adultes comme enfants, tous les regards, à la surface harcelée de leurs propres songeries, étaient suspendus aux lèvres du conteur, dont le récit se déroulait, implacable, tel le fil de l’écheveau.

La manœuvre d’Alouette accapara un instant l’attention paternelle du Capitaine Desgrées dont les paupières aux encoignures dentelées de ridules s’étrécirent d’une méfiance manifeste. Sa large dextre au dos criblé de taches de rousseur s’aplatit sur le plateau de bois de la table qu’il partageait avec cet entourage bigarré, sa paume en lissant la surface usée en un va-et-vient hypnotique, dénotant une vigilance exacerbée par le subtil danger qui émanait de toute la physionomie de prédateur du blond cadet. Le grain annonciateur de tempête qui semblait couver sous le front de ce dernier sembla s’estomper de lui-même car, déjà, Alouette retournait près de son frère Blaireau. Un soupir sec, empreint d’une soudaine lassitude, harcela la barrière des lèvres de Joffre qui finit par se tourner, l’air distrait, vers Faustine.

- Mathilde sera présente, oui. D’ailleurs, elle aid’ra au rav’dage des voiles. Elle connait l’Distraite d’puis un bail, maint’nant. Si b’soin, elle guid’ra les p’tites mains. répondit-il à la mère des Rats du Port, ses doigts attrapant une poignée de noix pour les enfourner au terme de ses précisions.

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Et au terme d’un tour de sablier dont l’échéance parut interminable tant les aiguilles du Temps semblaient s’être figées autour de cette étrange bulle à l’atmosphère électrique, le drôle d’oiseau au plumage d’or et d’argent sautilla hors de portée, pour aller battre de l’aile auprès de son frère. La tête de Tharcise dodelina lentement, paraphant ainsi cette retraite qu’il jugea de bon augure, à défaut d’être diplomate. Son regard opalin, réduit à deux fentes entre ses paupières étrécies, capta l’œillade incisive d’Alouette qui provoqua, tel un ordre péremptoire, muet, la fugue brusque des doigts de Violette torturant sa chemise ; il se cala ensuite, tenace, sur la nuque de l’adolescent jusqu’à ce que ce dernier s’affaissât nonchalamment près du second cadet de la jeune fille. Le nobliau demeura silencieux, à observer cet insolite énergumène, le souffle de sa respiration vibrant par son nez en un long relâchement à la fébrilité contenue. Ses épaules se dénouèrent, les bras toujours croisés, tandis que ses mains frictionnaient pesamment ses biceps à travers le tissu de laine de ses amples manches bouffantes. La voix de sa voisine retentit alors, l’extirpant de l’atrabilaire et sauvage cheminement que ses pensées avaient emprunté.

- Hm… ?! Un frisson. Ses prunelles se détachèrent de leur cible, dans un ballet vivace de ses cils sombres, pour envelopper de leur mante orageuse les traits brouillés de fatigue et de gêne de ce juvénile et pâle minois levé vers lui. Il n’y a pas d’offense, Violette. enchaîna-t-il sur le même ton chuchoté que sa vis-à-vis, jouant le jeu de la discrétion pour favoriser la paix de ce sensible ménage fraternel. Je ne me permettrai pas de juger de sa-… bizarrerie, si on doit la nommer ainsi. Peu me chaut qu’il le soit d’ailleurs. Possessif et protecteur ? J’entends. J’agirais de même si j’avais une sœur et que je devais la préserver du moindre rapace volant à sa portée. Tharcise souffla un rire. Il humecta ses lèvres, une aura songeuse l’accaparant un instant et provoquant l’esquisse d’un sourire aux effluves nostalgiques. Il se fit alors grave, son rictus jovial flottant sur sa bouche à la manière d’un mirage agréable. Mes propos vont sans doute vous paraître déplacés. Je me dois cependant d’être franc. Il inclina davantage le front, à presque en effleurer de sa tignasse folâtre les tortillons ténébreux qui écumaient sur le crâne de la prostituée. Sa voix grave se fit alors murmure, tandis que son haleine tiède percutait le front nivéen au rythme des mots qui s’échappaient de ses lèvres grimées de la récente cicatrice. Toutes ces marques d’affection dont j’ai été témoin, ce soir, ces belles prétentions à se montrer protecteur à votre égard. Ne trouvez-vous pas qu’il y a là contradiction ? Si j’étais votre frère, croyez bien que-… hm, au lieu de fanfaronner et de montrer qui est le maître, j’emploierais mon temps et mon énergie à faire en sorte que vous ne soyez jamais confrontée à cette extrémité. Il marqua une pause, l’observant par en-dessous, le regard dense. Celle de vendre votre corps. Peu importe le nombre de bouches à nourrir, ou le sombre prétexte qui a amené votre famille à cette terrible sentence.

Et de persister, le sourcil froncé, à confronter son regard au sien, peu importait que leur proche public s’en offusquât.



Dernière édition par Tharcise d'Aspremont le Mer 3 Aoû 2022 - 13:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont - Page 2 EmptyMer 3 Aoû 2022 - 13:10



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Briscard poursuivit d’une voix désormais plus posée, observant une à une les petites têtes impatientes ou somnolentes assises au pied de l’estrade branlante sur laquelle il se tenait, tel un roc sur le bord d’une falaise.

- La légende ne nous dit pas les angoisses de la longue attente du beau chevalier de Nérac, ni son anxiété, ni son désespoir quand, un jour, il dût renoncer à revoir sur la terre celle qu'il avait tant aimée, mais les coeurs sensibles, que cette légende touchera, peuvent le conjecturer aisément.

Un doux sourire vint éclairer ses traits couturés, détendant son faciès de bouledogue sur le pied de guerre près à arracher un bras à la personne passant à sa portée, sans pour autant arriver à effacer l’aspect patibulaire que le temps et la vie lui avait conféré.

- Ce que nous savons seulement, c'est que quelques mois après la lugubre catastrophe, le capitaine de Nérac mourut bravement dans une rencontre avec les Rebelles, et les amoureux furent enfin réunis dans la mort.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Un vague sourire à la fois tendre et amusé étira la commissure des lèvres de la jeune femme devant l’esquisse nostalgique qui se dessinait sur le noble visage qui lui faisait face. Un peu de curiosité aussi. Qu’elle fit taire pour une fois. Au prix d’un certain effort de sa part pour faire fermer cette maudite bouche qui avait tendance à trop parler bien avant qu’elle n’ait le temps de penser à ce qu’elle allait dire.
Et pourtant, celle-ci rattaqua derechef avec une violence inouïe les portes de sa psyché, cognant à tout rompre jusqu’à ce que la jeune femme finisse par céder. Elle fut néanmoins coupée dans son propre élan. La question qui assaillait sa conscience n’allant, de toute façon, pas tarder à obtenir une réponse sans qu’elle n’ait besoin de la poser.
Son visage au teint de lys fané se redressa, la courbure d’amande de ses yeux s’arrondissant au fur et à mesure qu’il approchait ; la pointe de ses mèches de jais accrochant les tourbillons furieux de sa folle crinière indocile. Surprise et intrigue se mêlaient de concert dans les grandes pupilles émeraldines, autant par ses paroles murmurées que par la proximité de ce dernier, et pourtant, elle n’effectua pas un geste de recul cette fois-ci, ses mires écarquillées se promenant sur la pâle figure opposée, s’attardant un instant, caressantes, sur la fine cicatrice ornant la lèvre inférieure du jeune noble, remontant finalement le long de la mâchoire puis de sa joue, grimpant délicatement la pommette saillante pour s’ancrer dans les lacs opalins de son vis-à-vis.

- J’comprend qu’ça puisse paraît’ étrange d’un point d’vue extérieur mais… soupira-t-elle, ses paupières se refermant en parti sur les pierres d’émeraude qu’elles conservaient jalousement en leur écrin, ces dernières se parant d’un voile de tristesse, brouillant la couleur vive de ses iris, les assombrissants. Il a qu’quatorze ans. Il a pas s’mot à dire sur c’qu’i’ s’passe, sur c’qu’i’ m’arrive ou su’ l’reste. I’ fait seul’ment c’qu’i’ peut. Puis c’pas d’toi qu’il cherche à m’protéger, ni d’certains d’mes clients. Son ton se baissant davantage, ne ressemblant plus qu’à un mince filet imperceptible dont les mots ne devenaient qu’indiscernables pour ceux n’étant pas aussi proche que pouvait l’être Tharcise en cet instant. Ses prunelles smaragdines dans lesquelles une terreur sourde flottait à la surface se tournèrent vers la matriarche des Rats du Port, la regardant du coin de l'œil, sans que son minois ne suive le mouvement, tentant par tous les moyens de demeurer neutre. Mère qui les épiaient sans discrétion aucune, absorbant de son regard d’azur chaques animations effectuées, chaques souffles exhalés, par l’étrange duo qu’ils formaient, à défaut de pouvoir en saisir les sentences chuchotées, un sourire d’une froideur polaire et ô combien calculateur ornant ses lèvres rosées. J’n’ai pas l’choix. Personne l’a. Sa dextre volage commença dès lors à s’élever, s’arrêtant à mi-parcours. Le bout de ses doigts rencontrant fortement l’intérieur de sa paume, serrant son petit poing au risque d’y créer quelques croissants de lune sanglants, laissant retomber cette main dans un grognement d’impuissance. J’te racont’rais s’tu veux. M’pas ici, et encor’ moins maint’nant. Une détermination cinglante accaparant désormais sa frimousse juvénile, remontant jusque dans les perles vertes dont les chaleureux rayons solaires avaient chassé la marée mélancolique en l’espace de quelques secondes.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Ses larges mains tapèrent pesamment, durement, sur ses cuisses fermes, éprouvées par des années de labeur et d'entraînement. Le corps massif du demi-géant s’ébranla, se redressant lentement de toute sa hauteur, se mettant à faire les cents pas sur le tas de caisses qui commençaient à se mettre à craquer sous son poids.

- On dit encore que, lorsque les brouillards s'élèvent sur la mer et qu'ils entourent le Rocher de Percé, lui donnant alors toutes sortes de formes fantastiques, l'on peut reconnaître les ombres des deux amants, qui reviennent sur la terre s'assurer que la malédiction dont a été frappé le vaisseau-pirate pèse toujours sur lui et qu'elle y restera jusqu'à la fin du monde.

Il s’arrêta sur le devant de la scène, au centre de celle-ci, faisant face à son auditoire dans une attitude sereine. Un rictus annonciateur de la fin étirant ses lippes fines que l’on avait l’habitude de voir tordues par l’amertume.

- Telle est la légende du Rocher de Percé.

Et sous les applaudissements et les compliments de la foule venue écouter cette fameuse légende, comme elle le faisait à tous les samedis soirs ; le marin, lui, se campa fermement sur les troncs robustes qui lui servait de jambes, attendant la suite inéluctable des événements qui n’allait pas tarder à se produire.

✻❊✻❊✻❊✻❊✻❊✻

Et d’un coup, d’un seul, Violette se tourna vers l’estrade dans une envolée de jupon violine, recouvrant instantanément la tête brune veinée d’argent de son jeune frère appuyé contre ses tibias sans que cela n’émeuve l’adolescente qui voyait Blaireau se bataillait âprement avec l’épais tissu de jute pour en sortir, un air bougon et impatient barbouillant son profil aussi espiègle que celui de son aînée.

Une autorité impétueuse et pourtant, malicieuse, se dessina sur le minois mutin de la sauvageonne, se tenant aussi droite que possible de toute sa petite hauteur, lui conférant une aura impérieuse dont elle n’avait pas fait montre jusqu’à présent. Elle leva ses mains à mi-hauteur, claquant sèchement les doigts de sa senestre contre sa paume droite en deux claquements bien distincts, se faisant relever les deux jeunes hommes affalés à ses pieds, faisant relever les frimousses bigarrées, réveillant la Souris endormie étroitement calée dans les bras paternels, obligeant les jumeaux Narcisse et Belette à faire taire leur conversation muette. Il ne fallut qu’un simple regard de la part de la plus âgée de la fratrie pour que les Rats se mettent en attente, prêts à bondir à tout instant. Un large sourire espiègle naquit sur les purpurines lèvres charnues, une once de ténébreuse galéjade irradiait dans les billes olivâtres.

Un claquement de doigt résonna dans les airs alourdis par la fumée et les fragrances alcoolisées. Un seul. Unique. Et la diablotine flopée se rejoignit en courant au travers de la marée humaine au devant de Briscard et se jetèrent sur le quarantenaire comme un seul homme, l’entourant autant de la cacophonie de leurs rires et de leurs bavardages intempestifs que de leurs bras câlins et intrusifs sous l’hilarité générale des clients qui ne semblaient pas le moins du monde surpris par ce revirement.

Violette, quant à elle, ne bougea pas d’un pouce. Le bas de ses reins revenant se cogner dans un bruit sourd contre le bord cerclé de fer de la table, ses bras menus se croisant sous son orgueilleuse poitrine dont la naissance était dissimulée par l’inénarrable étoffe laineuse d’un mauve défraîchie, un ricanement empreint d’un machiavélisme feint la faisant doucement tressauter dans un rythme chaotique. Alors ? C’qui le maît’ d’qui maint’nant ? rit-elle, lançant une œillade en coin au jeune comte à ses côtés, les yeux brillants d’une joie non-contenue.

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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont - Page 2 EmptyVen 5 Aoû 2022 - 10:17



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Front incliné, oreille tendue sur le discret filet de voix qui frisottait à son pavillon, Tharcise grattait du bout des doigts le modeste toupet de poils hérissant son menton. Violette se confondait en arguments loin de le convaincre. Et s’il n’insista pas davantage, il comprit que le sujet abordé était plus que critique, au vu de la sourde terreur qu’il crut déchiffrer à la surface des prunelles éméraldine tournées vers quelque point flottant derrière eux, à la table qu’occupaient le Capitaine Desgrées et les parents de l’adolescente. Le nobliau se garda bien de s’affranchir d’un regard par-dessus son épaule pour ne pas jeter davantage d’huile sur ce feu latent qui semblait couver au sein de cette famille. Il se contenta de redresser l’axe de ses épaules penchées vers la jeune fille pour retrouver un aplomb décent, son regard braqué sur Briscard dont le conte paraissait arriver à sa conclusion. Derechef ses bras se nouèrent contre son torse.

- Si je veux !? Non. enchaîna-t-il tout en préservant un ton confident afin d’éviter que quelque oreille indiscrète ne vienne achopper le fils de son propos. Il l’observa alors du coin de l’œil, un sourire grave flottant sur ses lèvres. Néanmoins, si le besoin de vous épancher se fait un jour sentir, je vous cèderai volontiers un peu de mon temps. En un lieu et un moment qui vous sembleront opportuns.

Les billes orageuses s’évadèrent vers le marin pêcheur au moment où ce dernier s’immobilisait au bord de son estrade improvisée pour prononcer la dernière sentence concluant son récit fantastique. Sous la salve d’applaudissements et d’acclamations vivaces, il était indéniable que le suffrage était unanime. La fin tragique de cette légende donnait toutefois le change, le Bien triomphant malgré tout du Mal, à travers le spectre de ces deux amants réunis dans l’éternité de la Mort et de la Vengeance à la saveur de malédiction.

Tharcise se joignit à la salve festive de cette ovation en frappant ses mains l’une contre l’autre, le rire à fleur de ses lippes. Certains heurtaient les lattes du plancher du talon de leurs bottes ou de leurs sabots ; d’autres choquaient le cul de leur chope sur le plateau de bois des tables ; l’on sifflait, l’on criait et riait. Puis, dans un tourbillon de tissu violine, la jeune prostituée se redressa, éveillant de l’alarme sonore de ses doigts ses frères et sœurs qui se ruèrent sur Briscard, l’entourant de leurs bras, le pressant, le cajolant, l’embrassant.

- Je dois reconnaître une certaine efficacité dans le geste et l’intention. repartit-il, ses bras se décroisant, ses mains agrippant les bords cerclés de fer de la table. Derrière eux, un grincement de pieds de chaise agressa son ouïe. Lorsqu’il se retourna, le Capitaine Desgrées se tenait debout, livrant ses hommages à Faustine ainsi qu’une franche poignée de main à Gallibert. Ah. La retraite a sonné. traduisit-il tandis qu’il se dégageait à son tour de l’aura joyeuse, facétieuse, de cet étrange petit lutin.
- Monsieur le Comte ? interpella Joffre d’un phrasé propre avant de lancer un clin d’œil complice à la jeune fille. Au plaisir, Violette.
- Au plaisir, demoiselle. répéta le nobliau d’une inclinaison brève du buste. Il s’affaira dans le même élan à une gestuelle tâtonne autour de sa ceinture, sa senestre imposant au terme de sa quête mystérieuse la froideur d’un petit jeton métallique dans le creux de la paume de l’adolescente. … Pour une nuit sereine.

Chuchota-t-il, lui dédiant un clin d’œil. Et avant même que Violette eut pu réagir à ce qui résidait entre ses doigts que Tharcise s’effaçait de son champ de vision dans une volte aussi gracieuse que virile, saluait courtoisement les deux doyens attablés de ces rongeurs du Port et suivait le Capitaine de la Distraite, talonné de près par Tréville et Dargault. Les vantaux de bois s’ouvrirent sur les ténèbres nocturnes, laissant s’engouffrer les gifles glaciales d’un furieux courant d’air avant que ce branle-bas ne s’estompât et que la taverne ne reprît son tumulte habituel aux oreilles de la prostituée.

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VioletteFille d'Anür
Violette



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MessageSujet: Re: [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont   [Terminé] S'il m'était conté... | Tharcise d'Aspremont - Page 2 EmptyVen 5 Aoû 2022 - 13:59



S’il m’était conté…



Le Port de Marbrume | 25 janvier 1164.

Un large sourire malicieux tout en dents éclairés le visage au teint diaphane brimé par la fatigue de la jeune femme, ses prunelles émeraldines scintillants d’une tendresse toute affecteuse à l’égard de sa fratrie partie à l’assaut du semi-géant qu’était Briscard, la dentelle épaisse de ses longs cils noirs obscurcissant le haut de ses pommettes sous le halo ocre des fumerolles suspendus aux poutres saillantes du plafond au bois ancien entamé par des années d’engorgement d’air iodé et de fumées carnées et nicotiniques. Des années d’pratique et d’peaufin’ment technique.

Sa tête se tourna abruptement sur le côté à l’attente du feulement furieux des pieds de la chaise ripant sur le plancher vieilli, son abondante crinière sauvage mêlant obsidienne et ivoire s’envolant autour d’elle, giflant de leurs pointes vivaces tout ce qui pouvait se trouver sur son passage, Tharcise y compris, avant de retomber souplement autour d’elle en tressautant joyeusement comme d’innombrables petits ressorts, la recouvrant de sa mante ténébreuse d’où perçait un rayon lunaire pour se retrouver face aux flammèches parsemées de gris et à la peau criblée d’éphélides de Joffre Desgrées. Les lèvres charnues aux nuances carmines de l’adolescente prirent une courbure goguenarde, lançant une œillade facétieuse autant adressé au Capitaine de la Distraite qu’à son protégé. On s’reverra au carénage, si c’pas l’cas ‘vant ça. répondit-elle aimablement cette fois-ci, loin de sa douce moquerie habituelle.

Ses grandes perles smaragdines écarquillées sur la pièce de métal résidant désormais au creux de la paume de sa dextre calleuse, Violette n’eût même pas le temps occasionné escompté pour ne serait-ce que souffler un vague Merci… que le nobliau avait déjà pris la tangente, suivant de son pas cadencé la carrure du rouquin. Elle ne put que fixer son large dos de son regard interdit où se lisait la plus grande confusion possible avant que ne vienne naître un agréable sourire dénué de toute espièglerie sur ses lippes pleines. Un coup d'œil du côté de ses parents lui firent savoir qu’ils n’avaient rien remarqué de la scène s’étant jouée à quelques pas d’eux, lui permettant de refermer ses doigts graciles sur l’objet de son désarroi passager.

Il n’en fallut pas plus pour que la prostituée tourna des talons dans un claquement sec sur le plancher, partant de son drôle de pas dansant rejoindre la joyeuse et fougueuse marmaille qui attaquait avec acharnement le pauvre marin qui ne semblait pas se plaindre de subir un tel traitement au vu des grondements hilares que l’on pouvait entendre remonter du côté de l’infortunée estrade qui avait cédé sous le poids combiné de ses occupants enjoués.

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