Souhaite la paix, attire l'imprévu [Feat. Loghart Monclar]

Je pouvais remballer mon compliment, une fois de plus.
Cependant, là, je la trouvais injustement virulente.
D’accord, elle n’aime pas être complimentée. Mais de là à m’insulter en sous-entendant que je ne suis pas en mesure de gérer mes soi-disant pulsions, c’était gratuitement méchant.
A mon tour, mon ton se fit sec.

Pour votre gouverne, ce n’est pas parce que je vous fais un compliment que je fantasme d’une quelconque façon ou que je vous sauterais dessus. Si je vous le fais, c’est que je le trouve mérité. Maintenant, si c’est pour me le reprendre en pleine tronche, alors vous avez raison, autant que je dorme. Merci, malgré tout, pour le reste.

Je m’enroulais dans la peau, me tournant vers la cheminée, avant d’ajouter d’un ton grinçant :
De rien pour l’infusion, ça m’a fait plaisir !

Je n’avais aucune idée de savoir si elle m’avait entendu ou non puisqu’elle avait quitté la pièce.
Le sommeil me captura alors que je grommelais dans ma barbe naissante.

—

Du boulot propre, c’est ce qu’affirmait le guérisseur après avoir observé ma cuisse sous tous les angles. Je n’avais pas de fièvre, ce qui était une bonne nouvelle et seul le muscle avait été touché. Selon lui, je ne devais pas utiliser ma jambe encore une journée, mais après quelques jours de repos, je pourrais reprendre la route.
En attendant, il donna pour consigne de changer le bandage deux fois par jour en laissant respirer la plaie une heure avant de panser de nouveau. Il y avait quelques gouttes d’huile à appliquer pour lutter contre l’infection les deux premiers jours, mais il n’était pas inquiet.
J’étais, selon ses dires, un solide gaillard qui en avait vu d’autres !
Les multiples cicatrices qui décoraient mon corps ne pouvaient le faire mentir.

“En revanche, vous pourriez faire un effort et vous habiller devant cette dame qui vous accueille !” M’avait-il lancé, accompagnant ses paroles d’un œil sévère.

J’avais un pantalon à mon arrivée, mais il n’en restait plus grand-chose !

“Eh bien, faites preuve d’imagination mon garçon ! Je dis ça, mais avec ce froid, j’ai l’impression d’être devant un jouvenceau !”

Là, il venait de me sécher sur place. Non pas que je portais une grande importance à l’opinion qu’il se faisait de mon entre jambes, mais c’était bien la première fois qu’un illustre inconnu en parlait devant une femme.
Je grommelais d’inintelligibles mots en fourrant les quelques pièces pour régler les soins dans la patte du guérisseur avant qu’il ne prenne congés. Il me prêtait une béquille, imaginant que j’aurais du mal à rester vissé à mon fauteuil, me laissant avec un nouveau pansement tout propre.

Je bus la dernière gorgée de l’infusion préparée par la milicienne, reposant la tasse tandis que la porte d’entrée claquait. Un silence pensant nous tomba immédiatement dessus, les restes des paroles de la veille encore bien présents.

“Reprendre la route, reprendre la route” ! Il est gentil, mais j’ai plus que des bottes moi ! ‘Tain, Loghart, le jouvenceau botté !

J’avais balancé cela à voix haute sans réfléchir au fait que Miss Milice risquait d’encore crier au scandale !
Ou qu’elle ne se moque de moi ? A la limite, je préférais ! Ca je savais gérer !

L'auscultation se déroula calmement. Le guérisseur prit le soin au sérieux comme à son habitude, posant quelques questions en fonction des besoins pour compléter son observation.

Les indications apparaissaient au fur et à mesure de l'entretien. L'inquiétude se dissipa, aucun signes d'infection pour le moment. Le pansement est à changer selon une certaine fréquence et précisions mais sinon, quelques jours suffiront pour remettre sur pied l'invité mystère.

Rosalie était installée sur la banquette, écoutant silencieusement les instructions... et les commentaires. Elle ne réagissait pas à la remarque de nudité, continuant simplement d'observer le duo. Cependant, le dernier phrasé du guérisseur réussit à briser la lassitude de la milicienne. Un petit rictus, faible sourire discret, en guise de réponse. Le soignant fit un petit clin d'œil à la jeune femme, qui secoua doucement la tête en retour, accompagné d'un soufflement du nez.

La milicienne se redressa également, accompagnant le professionnel vers la porte d'entrée. Les deux individus échangèrent quelques mots, en premier lieu d'ordre médical, puis une courtoise salutation, évoquant le fait qu'il préviendrait son coutilier de sa situation actuelle pour ne pas être trop embêtée par la suite. La porte se referma sous un remerciement.

Un silence s'empara de la pièce. La brunette se dirigea lentement vers la petite table où étaient posés les deux verres vidés plus tôt. Elle les récupéra, dans le but de les nettoyer par la suite. Au moment où elle tourna les talons pour se diriger vers ce qui sert de cuisine, la voix de Loghart résonna soudainement.

- “Reprendre la route, reprendre la route” ! Il est gentil, mais j’ai plus que des bottes moi ! ‘Tain, Loghart, le jouvenceau botté !

Ainsi, son pas cessa pour observer le concerné. Un nouveau petit souffle du nez, accompagné d'un timide sourire. Deux réactions humainement positive en si peu de temps ! Etait-ce une journée de pleine lune? Etait-elle fiévreuse?

En réalité, la milicienne était simplement un peu plus détendue. Malgré le différend de la veille, le médecin avait un petit talent pour créer le contact avec la soi-disant "éternelle insociable". Elle n'était pas plus horrible que d'autres, ni même plus désagréable... elle avait simplement une carapace un peu plus épaisse qu'accoutumé. Et en y réfléchissant, rien de bien étonnant au vu du monde dans lequel les survivants vivent actuellement.

- J'irai vous chercher de nouveaux vêtements prochainement.

A la suite de ses mots, elle réactiva ses pas pour rapidement nettoyer les deux petits verres et terminer ses derniers préparatifs pour sa journée.

Et alors qu'elle s'apprêta à, de nouveau, sortir de la maison, la milicienne cessa ses pas.

- Appelez moi Rosalie... et tutoyez moi. Visiblement, nous cohabiterons encore quelques jours, alors...

Alors autant que ce soit un minimum vivable le temps de cette colocation...

Petite légende :
Violet : Rosalie
Vert : Loghart

La jeune femme et moi n’avions pas échangé un mot depuis mon réveil. Il y avait comme une lourdeur entre nous, résidus de la dispute de la veille. Ayant dormi, j’étais prêt à essayer de me rabibocher, mais l’éternel silence de la milicienne ne me permettait pas de voir une quelconque ouverture.
Ainsi, je m’étais concentré sur ce que disait le médecin, ignorant plus ou moins la jeune femme.

Soudain, alors que le guérisseur me houspillait pour ma tenue, allant jusqu’à se moquer de mon entre jambe, un rayon de lumière semblait traverser le visage de la brune. Un très fin sourire étira les lèvres de cette dernière qui laissait échapper un petit son nasal.
Je la toisais brièvement, découvrant ce nouveau visage, plus lumineux et plus jovial. Certes, nous sommes loin du fou rire, mais il y a du mieux.
Fallait-il que l’on se moque de moi pour qu’elle daigne faire profiter de son sourire ?
Visiblement.

En effet, le même son accompagné du même rictus décorait son faciès lorsque je maugréais que je n’avais plus que des bottes.
Elle s’était arrêté pour se retourner, ses tasses à la main, avant d’exposer cette hilarité. Une fraction de seconde, j’avais eu l’idée de m’en offusquer, mais je doutais qu’elle comprenne le second degré de ce pseudo sentiment d’offense.
On va éviter de briser ce sourire tout de suite !

Elle m’annonçait qu’elle irait me trouver des habits avant de disparaitre pour faire la vaisselle. Je me redressais sur ma jambe valide afin d’ajuster la peau de bête autour de ma taille, car, entièrement enroulé dedans, je suffoquais.
Je me tenais en équilibre, tentant de nouer au mieux ce vêtement de fortune, lorsqu’elle réapparut en déclinant son prénom et réclamant que je la tutoie.
Elle s’était arrêté devant la porte, prête à sortir, avant de déclarer cela.

Alors, cueillant son regard en affichant un petit sourire espiègle, je répondais.

Tu peux m’appeler le jouvenceau si cela te plait, sinon, tu peux m’appeler Loghart !

Reprenant un air un peu plus sérieux, je l’alpaguais à l’instant où elle allait poser la main sur la poignée.

Rosalie ! J’aimerais que l’on évite un nouvel épisode comme celui de la veille… Je n’ai jamais cherché à être blessant ou irrespectueux, au contraire. Je vous dois la vie et je n’ai que mes paroles pour vous exprimer ma gratitude, d’où ces compliments sincères.

J’espérais que mon explication permettrait de remettre en bon ordre notre relation. En effet, passer quelques jours ensemble en se faisant la tronche, ce n’est juste pas possible.