La venue de la lumière (PV)

1e juin, 23h00

Wellan avait terminé son entretien avec la jeune baronne de Sombrebois depuis presque une heure maintenant. Il avait suivi ses conseils et il avait donc pris la direction du temple du petit bourg, espérant profiter d'une nuit de repos bien mérité après sa journée de marche pour parvenir ici. Il ne fut pas très difficile pour lui d'obtenir une chambre. Même si on l'avertit dès son arrivée que les armes n'étaient pas tolérées dans le temple. Bande d'hypocrites... Comme si les monstruosités dehors en avaient quelque chose à faire de vos lois débiles. Malgré ses pensées, il accepta la consigne et prétextant sa défense hors des murs et son manque de fond pour engager des mercenaires. Il prit donc ses quartiers et retira tout son équipement. Maintenant torse nu, il s'assit sur le lit de la minuscule chambre et soupira longuement en prenant entre ses doigts le médaillon de Rikni.

Fermant les yeux, il se mit à prier à voix basse. Une longue prière adressée à la déesse de la guerre et des épreuves. Celle qui avait détruit sa vie et le guidait maintenant sur un chemin dangereux. Gardant les yeux fermés, il continua pendant de longues minutes avant de remettre son âme entre les mains de sa déesse bien aimée. Ce ne fut qu'au bout de sa prière qu'il ouvrit les yeux. Il tendit l'oreille et fut surpris d'entendre à cette heure la conversation à voix basse de deux prêtres qui se dirigeait vers la sortie. Ils parlaient... d'une enfant capturée pour avoir voulu empoissonner la baronne? Intéressant... Et elle serait ici.

Wellan enfila sa longue robe de prêtre et ne prit même pas la peine de mettre sa ceinture autour de ses hanches. Il ce contenta détacher le médaillon de Rikni qu'il passa autour de son cou. Puis, avec une certaine curiosité, il prit la direction de la fameuse cellule. Il ne fut pas très surpris de voir des gardes devant la porte de la cellule. Il aurait pu rebrousser chemin, mais au moins il pouvait essayer de lui parler. Il s'arrêta devant la milice et leva amicalement sa main pour les saluer.

-Bonjour soldat. Pardonnez-moi de vous déranger, mais je suis curieux. Que faites-vous ici dans le temple? Vous devez garder quelque chose d'important pour rester ici même à cette heure.

Il croisa les bras dans son dos en l'observant avec une certaine attention. Il ne connaissait pas vraiment la raison de l'emprisonnement de la personne. Et il aurait sans doute l'air suspect en demandant immédiatement. Parfois il valait mieux jouer aux idiots.

On aurait pu penser que face aux conséquences d'un tel désastre, tout le monde se serrerait les coudes pour s'en sortir. Mais ces Morguestancais ne semblaient pas l'entendre de cette oreille. Aussi, après la pénible entrevue avec Éric avait-elle encore dû supporter de voir qu'on amenait une fillette pour l'emprisonner au temple. Décision de la baronne, à ce qu'on lui avait dit. Cette pauvre femme n'avait sans doute plus toute sa tête depuis l'attaque et l'enlèvement de son fils, ce qu'elle pouvait comprendre en partie. Le capitaine de la garde était porté disparu... Mais alors, n'y avait-il personne pour prendre la relève et des décisions sensées dans ce bourg ? Aucune réponse, mais toujours plus de questions...

Avec ces mauvaises nouvelles étaient cependant arrivés des membres du Temple de Marbrume, ce dont la prêtresse ne pouvait que se réjouir au vu du travail qui restait à accomplir. Le père Harold prêtait volontiers main-forte, mais il était bien fatigué et repartait tôt. Bertille, son frère et sa soeur faisaient office de petites mains, mais ils n'avaient pas les capacités des adultes.

Gudrun n'avait pu faire connaissance avec les nouveaux arrivés, par manque de temps. Une jeune femme, aux traits communs, et un étrange jeune homme arrivé en tenue de soldat. C'est ce dernier qui se tenait tard le soir devant la porte de la prisonnière. Les dieux soient miséricordieux, ce mot lui donnait des envies de jurer. Sa main droite cramponnée à son bâton, et la main gauche tenant un bol fumant, elle marcha lourdement jusqu'aux trois hommes.

- Mon Frère, c'est une question pertinente que vous posez là. Deux miliciens qui gardent une petite fille prisonnière dans un temple, je ne sais si cela s'est déjà vu de mémoire d'homme.

Elle se tourna vers les miliciens.

- Je suis honteuse d'arriver aussi tard pour lui porter sa pitance, mais il y a trop de travail, et trop peu de bras dans ce temple. La place manque pour les blessés et nous voilà à perdre du temps pour...

Elle se mordit les lèvres. La fatigue.

- En tant que responsable de ce temple, je compte bien que d'ici demain soir cette situation soit résolue, et que chacun d'entre nous puisse s'occuper de choses autrement plus cruciales. Chacun son travail, alors si vous pouviez me laisser passer...

Le bon repas dans le ventre et le retour à son poste rendait l’envie de dormir, encore plus difficile à combattre. Encore quelques heures et il pourrait se reposer, Hubert, lui, avait déjà cédé depuis longtemps. Ses ronflements étaient bien la seule chose qui dérangeait le silence du temple à cette heure-ci, jusqu’à ce qu’un prêtre pointe le bout de son nez.

Par professionnalisme et respect, Gaël se leva de sa chaise à son approche, lui adressant un signe de la tête.

«-Bonjour soldat. Pardonnez-moi de vous déranger, mais je suis curieux. Que faites-vous ici dans le temple ? Vous devez garder quelque chose d'important pour rester ici même à cette heure.»

La voix du prêtre interrompit le sommeil de Hubert en plein milieu d’un sifflement de sa narine, le chauve bondit alors de son tabouret, prêt à en découdre.

«-Qui va là ?» Cracha-t-il.

«-Du calme Hubert, ce n’est rien.» Le rassura sèchement Gaël. «Bonsoir, mon père. Je suis étonné que vous n’en sachiez rien.»

Gaël pensait sincèrement que la nouvelle avait fait le tour du temple, il regarda plus en détail le nouvel arrivant alors que Hubert se frottait encore le crâne.

L’homme n’avait pas l’air d'une grande menace, mais il restait un inconnu, après l'enfermement de Margaux n’avait pas été un secret. L’intérêt du prêtre pour la jeune fille, à cette heure-ci, était certainement le plus étrange.

Il n’eut pas le temps d’en faire quoi que ce soit, une autre voix attira l’attention, décidément, ce couloir était très fréquenté pour une heure aussi tardive.

«- Mon Frère, c'est une question pertinente que vous posez là. Deux miliciens qui gardent une petite fille prisonnière dans un temple, je ne sais si cela s'est déjà vu de mémoire d'homme»

Hubert se gratta l’intérieur de l’oreille en guise de réaction, son principal désagrément dans cette histoire, c’était l’interruption de sa sieste. Gaël, lui, baissa la tête, honteux. La prêtresse disait vrai, et il n’était pas des plus à l’aise à l’idée.

«- Pardonnez-nous ma mère. Il s’agissait ici du seul compromis qui a été trouvé pour que la jeune fille ne se retrouve pas dans les geôles.»

Il releva la tête en comprenant que la femme était venu dans le but d’apporter son repas à Margaux, il rougit d’autant plus.

«- Oh… C’est une douce attention. Mademoiselle Margaux a déjà mangé, il y a un moment de cela, je ne pouvais pas la laisser s’endormir le ventre vide.»

«- J’peux l’avoir alors ?» Demanda Hubert sans une once de politesse, bien qu’à sa décharge, il l’avait fait avec une certaine timidité.

«-... Mais je suis sûr qu’une double portion lui fera le plus grand bien.» Dit-il en préférant ignorer son collègue. Il tendit une main pour débarrasser la prêtresse, pourtant la femme ne lui passa pas l’écuelle.

«- En tant que responsable de ce temple, je compte bien que d'ici demain soir, cette situation soit résolue, et que chacun d'entre nous puisse s'occuper de choses autrement plus cruciales. Chacun son travail, alors si vous pouviez me laisser passer...»

Les paroles de la femme le surprirent, elle était d’une autorité admirable. Son sérieux et sa façon d’être lui rappelaient Sixtine quelque part, cette dame devenait donc naturellement quelqu’un de bien à ses yeux. Il dut se forcer pour rester impartial.

«- Je l’espère aussi sincèrement que vous.»

Il jeta un œil à la porte, Hubert s’était rassis sur son tabouret, ne souhaitant pas être concerné par la discussion sauf si l’on revenait sur le sujet de l’écuelle.
Gaël se disait qu’une visite d’une femme des Trois pouvait être bon pour la petite, il n’avait pas encore revu Louisa, et il était loin d’avoir le talent naturel que possédait le sexe faible quand il s’agissait de consoler les enfants.
Après tout, même les prisonniers avaient le droit à la visite des membres du clergé.

«- Très bien, mais j’ai deux conditions. Pour la première, je ne peux pas vous laisser seule avec l’enfant, je vous accompagnerai dans la pièce.» Il voulait bien faire confiance à la prêtresse, mais c’était son poste qu’il risquait. « Et en ce qui concerne la deuxième… Veuillez d’abord me laisser le temps de m’assurer qu’elle n’est pas plongée dans le sommeil. Si c’est le cas, avec tout mon respect, je vous demanderai de repasser demain. Mademoiselle Margaux a eu une journée éprouvante, si elle a pu s’endormir, je m’en voudrai de la réveiller, j’aimerais lui laisser le droit de se reposer.»

À part sa tête baissée pour montrer son respect envers les représentants de la foi qui se tenait face à lui, le reste de son corps se tenait droit et ferme devant la porte, tel un gardien des plus dévoué à sa cause, veiller sur la jeune Margaux.

Il se retourna pour leur laisser le temps de réfléchir si les visiteurs n’avaient pas encore accepté et frappa doucement à la chambre de l’enfant.
Il glissa sa tête à l’intérieur pour appeler d’une voix douce.

«-Mademoiselle Margaux ? Dormez-vous ? Vous avez de la visite, si vous le souhaitez.»

Margaux se sentait comme anesthésiée.

Toujours couverte de boue des pieds à la tête, ses boucles rousses étaient presque figées de saletés maronnasses qui se désagrégeait un peu partout. Mais cela ne semblait pas importuner la petite fille, qui se tenait, immobile, au pied du lit. Son cube, désormais terne et sans vie, se trouvait toujours serré entre ses mains crispées ; mais son regard fixait le vide.

A dire vrai, elle venait tout juste de se réveiller - combien de minutes avaient bien pu s'écouler depuis qu'elle avait "repris" conscience ? Elle n'était pas encore tout à fait certaine d'être revenue dans le monde des vivants, dans ce qui semblait, même maintenant, une si douce réalité. En tout cas, en comparaison de ce qu'elle connaissait du monde du Démon.
Ce dernier était-il un serviteur d'Etiol ? A quoi son malheureux frère était-il destiné, si elle ne se trouvait plus là pour le protéger ?

L'angoisse l'étouffait. Elle avait toutes les chances de mourir, d'être exécutée par tous ses crimes ; et pourtant, ce n'était pas pour sa vie qu'elle avait vraiment peur. Son âme était peut-être perdue ; et elle avait échoué, horriblement échoué.

Elle en portait l'entière et absolue responsabilité, et elle ne pouvait rien faire !

La petite fille interrompit le cours de ses pensées. Sursauta.

Tout à coup, elle se souvint qu'il y avait des gardes devant sa porte, que Gaël se trouvait là. Gaël, Gaël ! Elle eut envie de se retrouver dans ses bras, de se sentir protégée, par un ami, un familier de sa propre Maison ; mais elle serra ses lèvres, essaya de se barricader, de se raisonner. Elle était une criminelle - alors il n'y avait aucune raison qu'elle méritât l'amour de qui que ce soit.

- "Je suis debout, messire Gaël."

La fin de la phrase du milicien interpella la jeune noble. "Si elle le souhaitait" ? N'étais-ce pas étrange, dans ces circonstances ? Si elle acceptait, le démon reviendrait-il dans sa chambre, pour lui faire autant de mal qu'avait pu subir cette pauvre femme rousse qui s'était sacrifié, et dont la mort avait été si atroce ?

- "Je... je.. ferai comme vous le souhaitez, messire. Mais je voudrais bien de la compagnie, si j'en ai le droit."

Sa voix était chancelante, timide, hésitante, comme une flamme qui menaçait de s'éteindre.
Elle n'avait plus rien à perdre, plus rien à espérer. Mais c'était... si difficile !

Wellan croyait être seul. Après tout, le temple était silencieux et tous les autres serviteurs des dieux devaient dormir à une heure aussi tardive. Même l'un des deux miliciens dormait profondément, comme si rien n'avait d'importance. Et bien... Heureusement que ce gros tas n'était pas responsable de la sécurité du temple. Le deuxième milicien semblait déjà un peu plus alerte. Enfin, il était réveillé, quoi. C'était déjà ça de pris. Lorsque le jeune prêtre de Rikni les avait salués, le garde endormit, qui semblait-ce nommer Hubert, avait réagi en ce réveillant au quart de tour et en aboyant comme un malpropre sur sa divine personne. Malgré son envie furieuse de le renvoyer au pays des songes d'un solide crochet, son collègue le calma rapidement. Ainsi, sans doute, que l'arrivé de la mère supérieure du temple de Sombrebois.

Il ne la connaissait pas encore. Mais il en avait entendu parler. Aussi, avec le respect dû à sa condition, il inclina légèrement le buste lorsqu'elle passa en signe de respect.

-Mère supérieure, quelle surprise de vous voir ici.

Cependant, ses paroles semblèrent choquer le jeune prêtre. Une petite fille? On avait mobilisé deux miliciens et transformé l'une des chambres du temple en cellule pour une enfant? Il avait entendu les deux prêtres parler d'une gamine... Mais il s'était imaginé une adolescente ou une jeune femme. Pas une petite fille... Il ne se mêla cependant à la conversation que pour répondre à ce Hubert qui quémanda la nourriture de l'enfant. Toussant légèrement pour attirer l'attention, Wellan fit glisser ses doigts sur son médaillon et dits, en fixant gravement le soldat dans les yeux.

-Mon fils, plutôt que de penser à vous empiffrer et à agrandir encore un peu plus votre tour de taille, vous devriez accomplir votre mission. Notre déesse protectrice n'apprécie que peu les fainéants qui s'endorment à leur poste. Je doute qu'elle vous protège dans les prochaines épreuves si vous continuez d'agir ainsi, soldat.

Il tourna le médaillon dans sa direction, l'épée inversée entourée d'une queue de serpent représentant Rikni. Sans doute cette simple menace suffirait-elle à lui mettre un peu de plomb dans la tête. Le rôle du clergé était de guider les hommes, surtout lorsqu'ils s'égaraient. Et Rikni étant la déesse des hommes d'armes, les prêtres ayant choisi de leur vouer sa vie devait s'assurer que ceux-ci restent dans la lumière des dieux et soient dignes de leurs postes.

Il ne garda cependant pas son attention sur lui plus longtemps. La conversation entre la représentante du culte à Sombrebois et le jeune milicien semblait bien plus intéressante. S'adressant avec révérence à la mère supérieure, il l'informa en se composant un visage souriant.

-Ma soeur, je vais vous accompagner si vous n'y voyez pas d'inconvénients. J'avoue que cette histoire me rend mal à l'aise et j'aimerais jeter un peu de lumière dans le coeur de cette enfant. N'est-ce pas notre devoir?

Cependant, elle restait celle qui pouvait décider et donc devait attendre avant d'entrer, si le garde voulait bien ouvrir la porte. De toute façon, il avait sans doute raison. Une présence féminine lui ferait plus de bien. De plus, elle était la supérieure du temple et donc, était littéralement chez elle. Alors que lui n'était qu'un inconnu de passage.

- Très bien, mais j’ai deux conditions.

Gudrun resta silencieuse devant les conditions du milicien, trop fatiguée pour faire montre de susceptibilité. Elle nota cependant la réflexion du frère, qui ne lui avait d'ailleurs pas dit son nom. Il s'agissait sans doute d'un prêtre de Rikni, au vu de ses paroles, mais la tournure de ce sermon la laissa pensive.

- Je ne sais s'il est vraiment surprenant de me croiser dans ce temple... Vous pouvez m'appeler Soeur Gudrun.

- "Je suis debout, messire Gaël."

Elle revint à elle en entendant la petite fille répondre depuis l'intérieur de la pièce. Une drôle d'impression que cette petite voix effrayée, si enfantine pour une prisonnière. Toute cette étrange situation éveillait en elle d'étranges sentiments contradictoires. Et l'absence d'explication venant de la baronne la laissait décidément perplexe. Pourquoi enfermer une fillette dans un temple vide plutôt que dans un château bien gardé ? Était-ce une volonté d'étouffer une quelconque affaire embarrassante ? Ou de s'en remettre à l'autorité impartiale qu'était le temple ? Le sujet méritait réflexion.

-Ma soeur, je vais vous accompagner si vous n'y voyez pas d'inconvénients. J'avoue que cette histoire me rend mal à l'aise et j'aimerais jeter un peu de lumière dans le coeur de cette enfant. N'est-ce pas notre devoir?

Le regard de la prêtresse se reporta sur son confrère, ouvrit la bouche pour entamer une phrase, avant de la refermer aussitôt. Après tout, il pourrait peut-être se montrer utile... Oui, peut-être. Toujours sans mot dire, elle lui fourra le bol fumant entre les mains.

- En effet. Je pense que vous avez dû remarquer que je ne suis plus dans une forme idéale pour assurer toutes ces tâches... Je vous remercie de proposer votre aide.

Elle le laissa pénétrer dans la pièce en premier, puis retint doucement le milicien prénommé Gaël par le bras qui allait entrer à son tour. A voix basse, pour éviter d'attirer l'attention de la petite fille, elle lui demanda :

- Qu'a donc bien pu faire cette enfant pour mériter d'être enfermée ? Et pourquoi est-elle sous votre garde plutôt que sous celle des représentants du temple

Nulle inquiétude ne perçait dans sa voix, ni sur son visage impassible.

«-Mon fils, plutôt que de penser à vous empiffrer et à agrandir encore un peu plus votre tour de taille, vous devriez accomplir votre mission. Notre déesse protectrice n'apprécie que peu les fainéants qui s'endorment à leur poste. Je doute qu'elle vous protège dans les prochaines épreuves si vous continuez d'agir ainsi, soldat.»

Heureusement pour eux tous ce soir, Hubert en avait déjà bien trop fait aujourd’hui pour ne pas risquer un autre incident avec un prêtre. Le sermon ne lui arracha donc qu’un regard de mépris face à ce jeune ingénu qui venait de l’insulter de fainéant.

Gaël leur fit signe, une fois que Margaux accepta la visite, il tint la porte pour laisser passer le prêtre et s’attendit à ce que la prêtresse entre à son tour, au lieu de ça, il fut surpris de la voir lui attraper le bras.

A sa question, la fatigue du milicien sembla peser d’autant plus. Il se pencha vers la prêtresse pour faire sa réponse plus discrète.

« -J’aimerai vous en parler… Mais pas maintenant. L’enfant d’abord, je vous prie. Puis… Je n’ai pas envie qu’elle entende cette discussion. La pauvre petite a déjà été suffisamment tourmentée pour la journée.»

Il récupéra son tabouret pour l’installer dans la chambre, invitant par un geste la prêtresse à s’y asseoir. Il n’y avait pas grand-chose pour offrir du confort ici, dans cette cellule improvisée.

La vision de l’enfant au pied du lit l’effraya, il avait peur qu’elle n’ait pu fermer l’œil de la nuit, quoi qu’il en soit, une enfant assise de cette façon ce n’était pas bon signe.

«- Mademoiselle Margaux ! Ne restez pas au sol ! Vous allez attraper la mort.»

Il se précipita vers elle pour l’aider à se rasseoir sur le lit, une fois sa mission accomplie, il se préparait à attendre sagement, en se fondant dans le décor, que l’entrevu soit terminée.

Wellan pénétra finalement dans la pièce et plissa les yeux pour aider ses yeux à s'habituer à la pénombre. La nuit était étouffante à l'extérieur du temple et l'intérieur de la petite chambre était aussi plongé dans la pénombre et faiblement éclairé. Il parvint à distinguer correctement la silhouette d'une petite fille qui semblait recroquevillée sur elle-même au pied du lit. En s'approchant, le jeune prêtre réussit aussi à la détaillé plus en détail. La première chose qui le choqua fut son état. Elle était crasseuse et visiblement négligée. Traiter ainsi une enfant, peu importe ce qu'elle avait fait, n'était pas correct. Malgré son dégout pour la personne qui l'avait condamné ainsi, personne dont il ne connaissait pas l'identité heureusement, il s'agenouilla avec douceur devant elle et déposa la potence devant elle sur le lit.

-Bonjour petite. Je suis Wellan. Je viens t'apporter un peu de nourriture, ça te fera du bien.

Sa voix était douce et calme, comme s'il s'adressait à un petit animal blessé. Il ne connaissait pas cette gamine ni les détails de son crime, mais dans son esprit la situation ne faisait aucun sens. C'était une enfant. À vue de nez elle ne devait pas avoir plus de neuf ou dix ans. De longs cheveux sales et un regard qui semblait anxieux. Pas étonnant aux vues de la situation. Wellan tourna son regard vers Gudrun et lui dit d'une voix un peu moins douce.

-Que les dieux est pitié de nous, si nous en sommes réduits à traité ainsi les jeunes enfants abandonnés qui ont commis des erreurs.

Il se releva lentement en continuant d'observer la gamine. Il ne pouvait pas donner des ordres à sa soeur. Mais il aurait bien envie de lui ordonner de donner un bain à cette petite. C'est la première des choses que de s'occuper d'elle.

Margaux vit sa porte s'ouvrir avec anxiété.

Mais en lieu et place d'un monstre - dont elle n'entendait d'ailleurs pas la crécelle, à la réflexion - ce fut d'abord un homme, grand et élancé, aux cheveux blonds et à la stature fière et noble qui entra dans la pièce. Elle fut soulagée de voir une prêtresse, mais surtout Gaël, dont la gentillesse et la préoccupation la toucha.
Alors elle s'assit sagement sur le lit, en serrant les lèvres ; dissimula le cube derrière elle, sous la couverture.

Elle eut un mouvement instinctif de recul, tandis qu'il s'agenouillait pour se mettre à sa hauteur, et qu'il déposait l'assiette de soupe fumante à côté d'elle. Elle renifla lentement l'odeur délicieuse qui en émanait, et esquissa un sourire intimidé.
A vrai dire, l'enfant n'avait l'habitude qu'on lui témoigne autant de respect ; et tant la politesse inattendue du milicien, tant celle de l'inconnu commençait à l'impressionner.

Son cœur, soudain, se mit à battre plus fort.
Son sourire s'effaça, et elle devint un peu plus pâle. A nouveau, la nausée reprit son corps frêle, mas elle fit un effort pour garder son calme.

Elle allait mourir au matin, cela semblait évident. Ou être condamnée. Son cousin savait tout, semblait-il - vraiment tout. Cela sautait aux yeux. Elle se sentait fatiguée, épuisée, écrasée par le poids des remords et de la honte : elle avait fait toutes ces choses pour rien. Pour rien !

Margaux eut soudain envie de hurler. Elle voulait s'échapper, repartir à Marbrume, se trainer aux pieds du chef de la Guilde des Voleurs et implorer son pardon de ne pas avoir su remplir sa mission ; elle aurait voulu retrouver les bras chaud de Louis, et se serrer contre lui, en lui murmurant que tout se passerait bien. Qu'elle était là pour veiller sur lui.

Mais rien n'arriverait.

- "Je... je vous remercie, messire, de venir me visiter... mais... je... je-je ne comprends pas. Que venez-vous faire ? Est-ce que vous venez m'annoncer ma sentence ?"

N'étais-ce pas un peu tôt, sans même l'avoir interrogé ? La petite fille serra les dents pour tenter de se contrôler. Ses mains tremblaient nerveusement, tandis que son souffle s'accélérait, devenait plus chaotique. Elle fixa la prêtresse, de ses yeux clairs, en posant les mains sur ses genoux.
Quel horreur. Elle savait que cela lui pendait au nez, que c'était un "risque" ; mais rien n'avait semblé réel. Maintenant, l'enfant comprenait vraiment ce qu'était la peur. Elle n'en pouvait plus. Les fangeux, le démon, l'arrestation, les coups, et pis encore, son cousin qui déclarait tout savoir sur ses forfaits - c'était trop.

Elle éclata en sanglots, se recroquevilla sur le lit, contre le mur, avant de se cacher le visage dans ses mains.

- "Je-je.... Je suis contente qu'une prêtresse soit venue... Avec une prêtresse... il ne peut rien... se passer de mal. Merci ... messire... pour la soupe... mais je... n'ai pas faim..."

Elle avait bien trop peur. Mais heureusement, les démons ne pourraient pas revenir. Pas tant qu'elle serait là...

« -J’aimerai vous en parler… Mais pas maintenant. L’enfant d’abord, je vous prie. Puis… Je n’ai pas envie qu’elle entende cette discussion. La pauvre petite a déjà été suffisamment tourmentée pour la journée.»

La prêtresse ne poursuivit pas cette discussion plus avant, et s'installa avec reconnaissance sur le tabouret proposé par le milicien. Sa jambe raide étendue devant elle, elle nota la diligence dont faisait preuve Gaël à l'égard de cette prisonnière qu'il gardait, et observa en silence la scène qui se jouait devant elle, le visage toujours impassible, jusqu'à ce que Frère Wellan lui adresse à nouveau la parole.

-Que les dieux est pitié de nous, si nous en sommes réduits à traité ainsi les jeunes enfants abandonnés qui ont commis des erreurs.

Elle fronça les sourcils, n'aimant guère qu'on souligne d'éventuelles erreurs de sa part.

- De tout cela... Nous rediscuterons plus tard. Vous seriez bien aimable d'aller chercher une bassine d'eau pour cette enfant.

Sans plus s'étendre sur le sujet, elle observa la petite fille qui avait éclaté en sanglots. Bien qu'une once de pitié l'ait envahie, elle n'en laissa rien paraître. Tout cela était au fond contrebalancé par le fait que cette enfant était prisonnière. On ne finissait pas "en prison", pour rien.

- "Je-je.... Je suis contente qu'une prêtresse soit venue... Avec une prêtresse... il ne peut rien... se passer de mal. Merci ... messire... pour la soupe... mais je... n'ai pas faim..."

- As-tu donc une telle confiance en la religion, chère enfant ? Pourquoi penses-tu que rien de mal ne puisse arriver ? Je ne contrôle pas les dieux. Tout ne dépend que de ta foi et de la sincérité de tes prières.

Sujet: Re: La venue de la lumière (PV) Jeu 2 Mar 2023 - 14:28

Les pleurs de l’enfant le torturaient, il avait choisi de rester spectateur et de laisser faire les gens de l’église. Pourtant entre le prêtre plus occupé à se révolter et la prêtresse sévère dans ses propos, il se demandait s’il n’avait pas laissé place au pire duo qui soit pour consoler une enfant.

Avait-elle tort pour autant ? La prêtresse parlait de sincérité des prières, mais n’était-ce pas tout simplement pas une question de sincérité ? Il fallait y croire, ou le monde serait bien injuste.

Il se décida enfin à intervenir, bien après tout le monde, sans avancer ou élever la voix, il parla avec une douce autorité.

«- Il faut manger mademoiselle Margaux. Il ne sert à rien de se laisser dépérir, vous aurez besoin de force pour affronter les épreuves qui vous attendent.»

Avec un peu de chance, le fait de se concentrer sur son repas permettrait à la jeune fille de sortir de sa crise de larmes. Après son intervention, il se contenta à nouveau de redevenir un simple élément du décor, attendant une raison d’agir alors que les ronflements d'Hubert retentissaient à nouveau.