[Quête – Terminé] Vous… Ne passerez… PAAAAS !

Sombrebois
1er juin 1167

Était-ce une si bonne idée que ça, finalement ?

Il était pareil à un voyageur dans le temps. Son semblant de courage, aussi éphémère que neige qui fondait au soleil, l'avait porté jusque dans un chariot, alité entre deux sacs à provisions, où il n'avait fait que trop peu montre de contribution au dialogue social tout le voyage durant. L'avant dernière fois qu'il avait voyagé, c'était notamment en compagnie de messire de Rochemont — qui avait passé l'arme à gauche — et Éric au crâne rasé — qui était porté disparu depuis sa détention. Il se souvenait encore du visage aux yeux vairons qui lui avait fourni des informations. Le soiffard ne s'était cependant pas montré suffisamment urbain pour s'enquérir de l'état civil de l'aimable milicien qui lui avait offert un brin de causette. Il n'allait pas sans dire qu'il ne portait ni le roi, ni son bras armé dans son cœur déjà bien meurtri.

Il avait donc passé ces dernières journées noyé dans son for intérieur, ne causant aucun grabuge, ni ne contribuant tant que ça au convoi. Il peinait à mettre un nom sur le visage flou des âmes salvatrices à qui il devait sans doute sa vie ; un sursis supplémentaire, une fuite en avant bien au-delà des remparts cette fois. Qu'était-il venu y chercher, déjà ?

Il se souvint qu'il devait demander une audience avec l'hôte principale de ces lieux. La Baronne de Sombrebois devait être inquiétée à sa manière, car le bourg ne payait pas de mine. Si ce n'était pas l'unique raison de sa visite céans, c'était au moins la principale.

Le teint livide, les senteurs d'alcool planant autour de son être, il s'était présenté au premier venu susceptible de l'éconduire jusqu'à l'intéressée. Il n'attirait absolument aucune sympathie de par son apparence lamentable. Il avait au moins la chance de ne pas être pris de soubresaut qui lui feraient rendre le repas de la veille macéré dans du rouge mal coupé.

Ainsi, à la première heure où on témoignerait tant de disponibilité que d'un soleil moins tapant, l'architecte se présenta à ce qui devait ressembler à un domestique capable de faire remonter quelconque requête à sa maîtresse.

« Mes hommages. dit-il pour paraître moins désagréable qu'il n'eut paru. Je me nomme Edgar Duval, architecte de profession. J'ai participé à la rénovation de Balazuc sous les recommendations de feu Desmond de Rochemont, et je souhaiterais m'entretenir avec la Baronne de Sombrebois pour offrir mes services. »

Comme si ça ne suffisait pas, il ponctua sa phrase d'un petit rot qu'il étouffa pour ne pas paraître trop grossier. Il se massa la tempe, l'air inquiet.

Vous... Ne passerez... PAAAAS !

Rosen feat Edgar

Jürgen sortait du château lorsque soudainement, il se fit alpaguer par un ivrogne qui puait la vinasse à des lieues à la ronde. Le bougre voulait parler à la baronne ! Dans un état pareil ?

Le soiffard avait de la chance de tomber sur Jürgen qui malgré son humour parfois mordant ou déplacé n’est pas un mauvais gars. Celui qui se présenta comme un architecte lui rota presque à la gueule, s’il n’eut la présence d’esprit de placer in extremis sa main devant la bouche. Un miracle vu son état.

« Faut aller demander aux gardes là, devant la porte, l’informe-t-il amusé. Bon courage l’ami ! »

Il se permet de lui mettre une vigoureuse tape amicale dans le dos avant de s’éloigner en sifflotant, déstabilisant quelque peu le pauvre hère qui semblait plus décuver qu’être réellement ivre, et qui ressemblait plus à un déchet humain qu’à un humain.

Les miliciens à proximité observent le tableau d’un œil peu engageant. Rien n’est joué pour Edgard Duval. Le poivrot s’approche pour demander son entrevue.

« La baronne ne prend pas de visite actuellement, lance le premier. Circule.
- Ah bon ? » ? lui demande son collègue qui s’interroge.

Un as… une lumière…

« Depuis quand ?
- Depuis qu’on fait la sécurité du fort et qu’on doit faire attention aux gens, bougre d’idiot.
- Mais tu veux ma main dans ta gueule ?! », s’énerve l’insulté. T’me parles pas comme ça !
- Je parle comme ça si je veux !
- T’es sûr de ça ?! »

Pour un peu, les deux miliciens aussi matures que deux chiards en viendraient aux mains sous le regard sidéré du pauvre architecte plus tout à fait pété comme un coin mais qui doit voir son probable mal de crâne – cadeau de ce cher alcool que nous sommes beaucoup à aimer - s’intensifier sous les cris. Rien pour aider. Mais nos deux miliciens se calment rapidement. Se faire remarquer en service ne serait pas très bon pour eux.

« Va prévenir la baronne, finit finalement par concéder le milicien désobligeant.
- Et pourquoi moi ? Se plaint l’autre.
- Parce que c’est toi qui souhaite le laisser lui parler !
- Alors c’est pour ça que tu voulais pas, pour avoir à faire ton boulot ?! »

…

« Mais qu’est-ce qui se passe ici ?! s’exclame soudain Pénélope en s’approchant de l’entrée, obligée de venir jouer les miliciennes face aux miliciens dissipés. On vous entend depuis la cuisine ! Faites donc moins de bruit, Athanase dort ! »

Finalement elle voit le pauvre homme qui n’attendait que de voir Rosen. Lorsqu’elle voit son état, elle se figure qu’il aurait besoin d’un bon bain.

« Puis-je faire quelque chose pour vous ? », lui demande la brave cuisinière.

« Y veut voir la baronne. Mais phillipe voulait pas qu’on aille la prévenir.
- Et pourquoi ça ? s’indigne-t-elle. Je vous en prie Monsieur, entrez, entrez ! »

Les miliciens ne disent rien, mais de toute façon, il y en a d’autres à l’intérieur. Des tas d’autres. Alors même si quelque chose se passait et que Pénélope aurait la responsabilité sur ses épaules, il y a quand même bien peu de risques.

« Suivez-moi, dit-elle en le menant jusqu’à la cuisine. Dame Rosen va vous recevoir. Tenez en attendant mon petit, mangez un peu ! Il reste de la tourte. »

Elle lui tend une assiette puis s’éloigne.

***

Je suis dans les latrines lorsque j’entends la porte de la salle d’eau s’ouvrir et Pénélope m’appeler.

« Rosen ? demande-t-elle à voix basse. Il y a quelqu’un qui veut te voir. »

…

Tuez-moi je vous en supplie… de la paix ! J’en ai assez de me faire demander quinze fois par jour...

« C’est pour quoi ?
- j’ai pas très bien compris, les miliciens se disputaient entre eux à son sujet… je l’ai vite fait entrer, il attend dans la cuisine.
- J’arrive… »

Je soupire, prends tout de même le temps de bien me laver les mains avant d’aller rejoindre péniblement la personne venue me voir que je salue d’un signe respectueux de la tête malgré cet insupportable et éternel épuisement. Je fais de mon mieux pour ne pas tituber et m'assieds à la table en face de lui.

« Bonjour, je vous écoute, Monsieur. »

Cet homme n’a pas l’air très en forme et il sent l’alcool. Magnifique… Je comprends mieux pourquoi les miliciens ne voulaient pas le laisser entrer. Ah, cette sacrée Pénélope. Son visage ne me dit rien et je me demande s’il faisait partie du convoi ou non.

Après qu'il eut fait part de ses souhaits aux employés de la Baronne — ou du moins, ce qu'il s'en rapprochait le plus — le vieil architecte observa un mutisme religieux, imperméable à l'ostensible innoncence qui suintait de ses hôtes. Ils étaient deux hommes à se chamailler, à réchigner à l'idée de servir leur suzeraine. À croire que l'autorité de la Baronne n'était pas si prévalente que ça. Ils n'étaient pas mieux disciplinés que les miliciens, à en croire leur comportement. Cependant, une tierce personne, féminine celle-là, intervint et conduisit Edgar dans une cuisine, où elle lui présenta le couvert. Le vieil architecte ne se fit pas prier, inclina la tête en signe de remerciement et prit place sur une chaise d'assez bonne facture ; un confort sommaire, certes, mais il sembla se satisfaire du mobilier qui surpassait en tout point le charriot dans lequel il avait végété. La dame semblait cependant pressée ; si une part de tourte lui avait proposée, aucun couvert ou presque n'était présenté. Qu'importait.

Duval fouilla dans une de ses poches pour en sortir une enveloppe en cuir, dans laquelle il avait rangé une fourchette et un couteau en bois ; ses ustensiles de voyage, toujours utile quand il s'agissait de se sustenter. Au moins il avait la chance de mettre quelque chose dans son estomac pour éponger les effluves de la veille. Il murmura un psaume succint, sans doute à l'intention de Serus, et se mit à manger.

Il reprit des couleurs et un semblant de contenance.

L'intéressée arriva dans la pièce, sans grande cérémonie sinon qu'elle observa un respect digne de son rang. Elle avait l'air aussi atterée que Duval cependant. L'homme lui accorda un regard conciliant. Il ne manqua pas de se lever, se hissant sur sa canne, avant de pencher le buste, les yeux rivés sur les souliers de la femme.

« Mes hommages, Baronne de Sombrebois. dit-il d'une voix grave. Je me nomme Edgar Duval, architecte résidant à Marbrume. Je suis venu vous proposer mes services pour vous aider à la reconstruction du bourg de Sombrebois. Je suis capable de rétroconcevoir le cadastre de votre village ainsi que des structures les plus critiques. Il va sans dire que le plus urgent est de reconstruire la porte, aussi aurai-je besoin de votre aide pour m'aider à m'attirer la sympathie des travailleurs manuels. J'aurai besoin de toute l'aide nécessaire… »

Il marqua un silence, comprenant qu'il spéculait sur leur collaboration future.

« Mes excuses, je me suis emporté au vu du caractère pressant de la situation. Pour tout vous révéler, j'ai déjà participé au renforcement de Balazuc, sous la responsabilité de feu Desmond de Rochemont. J'aurais espéré que cet état de fait pût vous convaincre. Dans tous les cas, un vieil infirme comme moi ne pourra se rendre utile à quoi d'autre céans, alors vous me voyez votre obligé. »

Les manières qu'il avait exhibées, dévoilant une connaissance certaine de l'étiquette des sangs bleus, contrastaient en tout point avec sa pitoyable allure de vieillard ivrogne.

Il avait cependant repris des couleurs. Et comme si ça ne suffisait pas, il se mordit la lèvre, avant de lâcher quelque chose qu'il n'aurait peut-être pas dû dire :

« La tourte était délicieuse et je vous en remercie. »

Vous... Ne passerez... PAAAAS !

Rosen feat Edgar

Malgré son apparence un peu négligée, le bougre ne semble pas désobligeant envers moi et même, il semble bienséant. Très vite, mon attention se focalise sur le mot cadastre. Cadastre… N’est-ce pas de cela que Roxanne m’avait parlé ? Le cadastre…

« Je vous en prie, il n’y a pas lieu de s’excuser. Je suis ravie de votre arrivée à vrai dire. Vous tombez-bien. Quant à la tourte, c’est Pénélope qu’il faut remercier. Elle remplie son rôle de gouvernante à merveille. Son côté maternel, sans doute. Elle a toujours aimé prendre soin des autres. »

Pénélope n’a pas entendu ça, étant repartie ailleurs vaquer à ses occupations, sans quoi elle aurait probablement très fortement rougie. Mais un second mot a attiré mon attention.

« Desmond… vous le connaissiez ? C’était… un ami. »

Mon seul vrai ami, peut-être. Edwige est ma meilleure amie depuis longtemps, mais si elle savait vraiment comment je suis, je doute qu’elle serait encore mon amie. Desmond, lui… il m’appréciait comme j’étais. Il savait comment j’étais. Il aimait comment j’étais.

« Je ne saurais vous aider à vous faire apprécier, Monsieur Duval. J’ai moi même quelques soucis de considération, vous savez. »

Je souris, la fatigue est intense.

« Mais je ferai ce qu’il faut pour vous laisser la main sur les travaux afin que vous puissiez gérer des équipes de façon organisée. Une chambre à l’auberge vous sera offerte toute la durée des travaux ainsi que vos repas. Je vous laisserais aider à la réparation des portes du bourg en priorité bien évidemment, pour la suite, j’aurais sûrement bien besoin de vos talents d’architecture au fort. J’aurais une requête particulière… et délicate. Je ne sais pas vraiment ce qu’il sera possible de faire, mais nous verrons bien. Vous pourrez commencer demain après vous être remis du voyage. »

Avisant un pichet de vin non loin, je me figure que l’homme doit avoir soif après son repas, et peut-être que l’alcool ne serait pas tout indiqué vu son état.

« Il doit y avoir du lait de chèvre là-bas, dis-je en montrant quelques jarres. Si jamais vous avez soif. Les verres sont à coté. Alors sinon, ce voyage ? Il n’a pas l’air d’avoir été de tout repos. Il a même l’air d’avoir été plutôt mouvementé. »

La maîtresse de maison semblait avenante, douce, pas intimidante le moins du monde. À bien y réfléchir, c'était l'une de ses énièmes personnes dans la fleur de l'âge, au fait d'une certaine piété filiale qui profitait au tas de vieux os qu'était Duval. Sa dégaine lui attirait tant de la sympathie que de la pitié, aussi, rarement il avait eu à gérer d'intenses situations de conflit. Seulement avec des personnes très proches. En définitive, il était doué pour les éloigner plus qu'autre chose.

Le vieil architecte coulait un regard vitreux dans les recoins de la pièce, portant momentanément son attention sur la Baronne lorsqu'elle lui parlait. Notamment d'une connaissance commune.

« Une amie de Messire de Rochemont ? questionna-t-il alors. Je me demande quel traitement il réservait à ses amis. En ce qui nous concerne, nous avons eu une relation commerciale et cordiale. Son décès est plus que regrettable, au-delà des affaires. C'est un homme qui avait ses travers mais qui demeurait honorable. Anür ait son âme… »

Il sentit une lourdeur dans ses globes, comme saisi d'un sentiment amer ; la perte d'un être pour qui il avait, envers et contre tout, eu de la sympathie. Il haussa les épaules, résigné. L'heure n'était pas au deuil et il y avait fort à faire.

« J'ignorais que vous aviez des soucis de considération. Mais qu'importe. Pour être honnête avec vous… il regarda par-dessus son épaule, s'assurant de ne pas être écouté par quelque oreille indiscrète, puis reprit. J'ai entrepris de venir jusqu'ici pour redorer mon blason. Le décès de Messire de Rochemont ainsi que la disparition soudaine d'une de mes clientes ne m'a guère dissuadé de rester à Marbrume. Les périodes de crise permettent de rebattre les cartes… À nous d'en tirer profit. »

Il profita du reste de la conversation pour ranger ses couverts, non sans les avoir essuyés avec un soin particulier.

« Si vous m'offrez ainsi le gîte et le couvert, je ne pourrai refuser a minima d'entendre votre requête particulière et délicate. Personne ne m'attend à Marbrume. Et à vrai dire, j'aurai moi aussi une requête peu commune. Mais plus tard. Présentement, j'aurais besoin que vous m'indiquiez tous les moyens nécessaires pour que je puisse prendre connaissance de l'état des lieux et de documents en lien avec Sombrebois ; pour rappel, le cadastre, et si possible, un inventaire. Avez-vous également un recensement ? Je crois savoir à qui m'adresser en premier lieu pour le chantier de première nécessité, mais la main d'œuvre ne saurait manquer en ces temps critiques… »

Il ne se fit pas prier alors qu'elle lui proposa du lait de chèvre, se levant prestemment, sa poigne serrée sur la tête de sa canne, afin de boiter jusqu'à la bouteille. Tout en se servant un verre, il continua son monologue.

« Le voyage a été… Ineffable. Oui, je n'ai pas les mots. J'ai même oublié le nom de celles et ceux qui m'ont accompagné, mais je me remémore bien leur visage. Je dois m'acquitter d'une dette certaine. Je suis particulièrement vulnérable dans ce genre de situation, avec une guibole pareille… »

Il vida un verre d'une traite, grimaçant. Et il posa à nouveau une question qu'il n'aurait peut-être pas dû poser.

« N'auriez-vous pas quelque chose de plus… Enivrant ? À défaut de m'indiquer où je puis m'en procurer ? Il est des travers que l'on ne puit chasser, Baronne… »

Vous... Ne passerez... PAAAAS !

Rosen feat Edgar

« Oui, c’était un ami, un ami qui courrait toujours après les problèmes. Il n’était pas des plus brillants, mais il était loyal. »

Parler de Desmond me serre le gosier. Oui je sais, je croule moi même sous les problèmes. Mais je ne les ai jamais cherché pour ma part. L’ambiance est devenue pesante. Finalement, le petit bonhomme me fait sourire, presque rire. Voilà qui contrebalance un peu.

« Allons, je suis Rosen de Sombrebois… »

Décidément.

Il m’explique donc dans la plus grande des discrétions qu’il souhaiterait tirer profit des malheurs du bourg. Bon, évidemment pas formulé de la sorte, mais l’idée reste la même. Il attend ensuite d’écouter ma requête, faisant comprendre dans la foulée qu’il peut rester à Sombrebois aussi longtemps qu’il le faudra.

« Chacun fait comme il peut, lui dis-je lorsqu’il accuse sa jambe. Ne vous tracassez donc pas pour votre handicap. Tous les documents nécessaires sont en haut, je vous les ferai porter. »

Il me demande ensuite de l’alcool sur un ton presque hésitant. Il assume d’ailleurs parfaitement cette… triste déchéance, si je puis dire. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne manque pas de cran.

« Allons… n’avez-vous point assez bu déjà ? », lui demandé-je dans un sourire doux.

Oh, je serais certainement bien mal placée pour le juger. Oui, la vie est toujours plus facile et agréable avec un ou deux bons verres dans le nez. Tout paraît alors si amusant.

« Le vin est là-bas, dis-je en montrant une bouteille sur le plan de travail. Vous pouvez en prendre un verre. Vous trouverez de l’alcool à l’auberge, mais je vous conseille d’éviter d’en abuser. Il en va de votre image et de votre efficacité aux travaux. »

Cette ironie. Si Roxanne était là, je crois qu’elle poufferait de rire tellement que c’est cocasse. Ma Roxanne… Ma belle Roxanne...

« Ainsi que de votre bourse Monsieur du Val d’Asm... »

…

Nom d’un chien.

« Duval, me rectifié-je promptement. Monsieur Duval. Veuillez m’excuser... la fatigue. »

Un peu plus et je l’appelais du Val d’Asmanthe. C’est Roxanne que je vais l’appeler bientôt à ce rythme là ! Que je me la sorte de la tête !

« Votre jambe… est-ce une blessure récente ou une séquelle ? », demandé-je alors pour rapidement pour changer de sujet en portant ma main à mon ventre.

J’ai l’impression que ça tire au niveau des points…

« Pour en revenir à ce que j’aimerais sinon… disons que l’attaque a eu lieu par des souterrains dont j’ignorais l’existence. Certes il serait plus sage de les condamner de façon définitive, mais… »

Je marque un arrêt le temps de réfléchir.

« Vous voyez ce que je veux dire ? J’aimerais surtout qu’ils disparaissent entièrement du cadastre, sans pour autant disparaître réellement. En fait, ce qui serait parfait, ce serait même de pouvoir apporter une petite modification au passage. »

Je me gratte un peu la poitrine en réfléchissant, me demandant bien si cela serait possible ou non.

« Faire retirer le passage du plan figurant au cadastre de la capitale sera déjà très bien sinon… mais ce serait dommage. Ça peut-être pratique, des souterrains secrets. J'ai quelques personnes de confiance, mais j'ignore tout de l'endroit et l'exploration doit être dangereuse. Puis j'ignore aussi quelles modifications discrètes il serait possible d'apporter rapidement. Enfin... vous voyez le topo. Nous en reparlerons en temps utile. Les portes du bourg restent la priorité. »

A moins qu’il n’y soit déjà plus. Ah, je ne sais plus ce que m’a exactement dit Roxanne. J’étais en train de crever… il faudra que je vérifie tout ça. Quelle déveine toute cette histoire. Et il ne se souvient même plus du voyage, autant dire qu’il ne pourra même pas m’aider à y voir plus clair sur cette situation avec la gamine.

« Du Val D’Asm… Je vous concède que je n’ai pas saisi le jeu de mots et je vous saurais gré de me l’expliquer. Avec le vôtre, il peut y en avoir quelques-uns. Rosen de Sombrebois du vin, par exemple. Ou, pis encore, Rosen de Sombrebois qui flotte mais ne coule pas. Etc. »

Il accorda un sourire compatissant à la baronne après qu’elle s’excusa, avant de reprendre contenance et de réponde à une question plus épineuse.

« Une blessure récente et une séquelle. Un brave du clergé m’a rafistolé comme il a pu, mais je suis condamné à boiter ad vitam æternam, ma Baronne. Heureusement, je ne suis pas cul-de-jatte. Mais je regrette encore l’époque où je pouvais me mouvoir sans l’appoint d’une appendice supplémentaire. Je crois observer que dans les situations d’extrêmes urgence je puis utiliser mes deux jambes, mais il s’en suit une douleur atroce. L’alcool et le pavot sont mes principaux calments pour supporter ce calvaire. »

Il haussa les épaules, fronçant les sourcils alors que la dame se massait la panse, sans réponse apparente. Mal de ventre ?

Elle lui parla d’un sujet tout autre.

« Le cadastre est davantage utile pour permettre aux domaines de lever l’impôt plus qu’à des fins cartographique, ma Baronne. Il s’agit là de dessiner les parcelles en fonction des propriétés privées, rien de plus. Lorsque nous sommes arrivés, j’ai cru comprendre que le bourg de Sombrebois était naguère plus important. Des pauvres gens sont morts, des parcelles sont présentement des terra nullius et il faut recenser les propriétaires encore sur pied. Votre problématique de plan souterrain ne me concerne pas. En revanche, je peux vous aider à condamner les issues, comme j’ai œuvré pour le Chaudron à Marbrume après ma rémission. Nous tenir à l’écart des goules est la priorité absolue. Je compte également faire condamner l’entrée principale du bourg et accentuer la priorité sur la construction d’une porte en bois massif. Je compte donce sur votre extrême diligence pour enjoindre les locaux à faire le plein de ressources si nous devons rester enfermés sept jours tout au plus. Bien évidemment, ce ne sont-là que les conseils avisés d’un vieil architecte soiffard… »

Sur cet amas de prose, il leva son séant de sa chaise, se dirigeant vers l’endroit indiqué par son hôte et ne se fit pas prier pour se servir un verre d’alcool. Il vida le récipient d’une traite dans son gosier et, à sa grande surprise…

« Je m’attendais à de la vinasse, quel affront de ma part. Quel est le nom de ce crû ? Enfin. Je dois me mettre au travail immédiatement. Nous reparlerons de votre affaire souterraine lorsque le temps sera plus propice à ces affaires-là. En attendant, je vous demande humblement congé pour m’atteler à ce pourquoi je suis venu sur vos terres, ma Baronne. Vous permettez ? »

Vous... Ne passerez... PAAAAS !

Rosen feat Edgar

Meeeh ?!

Un jeu de mot ?! Quel jeu de mot ???

« Plaît-il ?! exprimé-je ma confusion. Ma langue a juste fourchée… je vous prie de bien vouloir m’excuser si vous vous êtes senti offensé. Roxanne du Val d’Asmanthe. Une femme tout bonnement saisissante qui a partagé mon quotidien pendant quelques temps et si vous l’aviez connue, vous ne pourriez que vous en sentir honoré. »

Allons bon. Je m’enfonce…

« Oui, oui. Même s’il s’agit d’une femme. »

Voilà c’est fait, j’ai touché le fond.

« Vous me voyez navrée pour votre jambe. Comme vous dite, cela aurait pu être pire. Vous l’avez toujours, au moins, et à peu près fonctionnelle. Certaine pertes manquent à jamais. »

Un flottement vitreux. La suite est un peu confuse. Comment ça, la problématique des souterrains ne le concerne pas ? Mazette. Il se fout de moi. Il parle de faire condamner l’entrée du bourg ?!

Je crois que le vin lui monte vraiment à la tête à ce poivrot. Alors que je réfléchis pour répondre à sa question concernant le vin, il reprend sans me laisser répondre. Je fais un geste de la main désinvolte. Qu’importe le nom de l’alcool.

« L’entrée du bourg est déjà barricadée, j’imagine que vous n’avez pas fait attention vu votre état. Cela a été fait très vite, dans l’heure qui a suivi le drame. »

Je ne réponds rien concernant le manque de considération concernant ma demande. Ça ne le concerne pas, mais il veut en reparler. Allez savoir… il semble bien pressé d’aller attaquer les réparations. Soit, s’il y tient.

« Je vous en prie, vous pouvez aller. Toutefois, doucement l’alcool, je le répète », l’avertis-je de façon un peu plus ferme.

Je le salue d’un bref mouvement de tête et le laisse partir s’il n’a plus rien à dire.

[Quête – Terminé] Vous… Ne passerez… PAAAAS !

[Quête – Terminé] Vous… Ne passerez… PAAAAS !