Marbrume


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 Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)

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Erasme RibadierCommerçant
Erasme Ribadier



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MessageSujet: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyJeu 9 Mar 2023 - 15:38
12 Mai 1167
Marbrume

Le port était encore calme, et un navire revenait lentement vers les quais, réduisant sa voilure à l'approche des docks où l'attendaient les employés de la compagnie à qui il appartenait. Fatalement, des badauds, certains affamés, attendaient de le voir toucher les quais pour quémander ou être les premiers à acheter de quoi se remplir la panse. Cela, Erasme s'en était accommodé au fil du temps. C'était toujours un triste spectacle que de voir des gens affamés se bousculer pour essayer de vivre un petit jour de plus dans les murs de Marbrume. Il voyait de plus en plus cette ville comme un mouroir à ciel ouvert. Dehors, la Fange, dedans, la misère, la faim, et l'insécurité permanente pour le commun des mortels.
C'est précisément à cause de cette vision des choses qu'il projetait de plus en plus d'exporter ses affaires ailleurs. L'ennui, c'est que les "ailleurs", actuellement, il n'y en avait pas des masses.

Lorsque le navire atteignit le quai, le propriétaire se tenait sur le quai, appuyé des deux mains sur sa canne, plantée devant lui. Il ne boîtait pas ni ne souffrait des jambes.  Il s'était juste suffisamment gamellé étant gamin sur les pavés détrempés par l'eau de pluie, l'eau de mer, et les entrailles de poisson pour prendre cette petite précaution en permanence. A côté de lui se trouvait Gros Louis. C'était un colosse ventripotent, la quarantaine bien sonnée, chauve, et à la mine empreinte de dureté, et d'une certaine forme de bienveillance. C'était le bras droit d'Erasme. Et de son père avant lui, quand celui-ci tenait encore les affaires de la famille. Quand le vieux s'était fait moins présent, il s'était mis à seconder le jeune tout naturellement. Lorsque un marin posa une passerelle et que le premier marin descendit avec une caisse emplie de poissons, le patron de la Compagnie Ribadier lança:

"-Mettez 4 caisses de côté. J'en aurai besoin cette après-midi.
-Ah non! M'sieur Ribadier! Vous allez pas recommencer avec ça! J'vous ai déjà dit que c'était une très mauvaise idée! Il va nous arriver des emmerdes!
-Mais c'est fini oui? Gros Louis, t'es taillé comme un ours. Tu devrais être le dernier d'entre nous à avoir peur... Alors du calme, et fais ce que je dis. Si ça tourne mal, je ne m'en prendrai qu'à moi-même.
-P't'être mais je dis...
-Oui, que c'est pas une bonne idée, je sais bien... C'est bon maintenant? Va faire mettre de côté quatre caisses, et dis aux femmes de faire chauffer des marmites."

Le marchand soupira en songeant que son acolyte était définitivement une grosse chochotte. Il le pensa si fort que Gros Louis, qui commençait à s'éloigner, se retourna en lançant:

"Faudra pas dire que j'vous l'aurais pas dit! 
-Pffffff... Va t'occuper de ces satanées caisses!"

Bon, une bonne chose de faite... Gros Louis avait fini par obtempérer. Non sans rechigner, bien évidemment. La phase un du plan était bien enclenchée. Maintenant, il s'agissait d'amorcer la phase deux. Le bourgeois fit craquer son cou, et se dirigea vers un groupe de badauds, plus calmes que les autres, mais qui avaient pour lui de détonner un peu par son aspect "exotique", dans le quartier du port. Ce n'était pas des enfants ou des épouses de pêcheurs. Il ne les avait jamais vu. Il s'approcha d'eux tranquillement, allant d'un pas léger et nonchalant, avant de s'arrêter à quelques mètres d'eux, en se raclant la gorge pour attirer leur attention.
Quand ce fut chose faite, il déclara:

"Hé bien... Lequel d'entre vous sera le petit veinard qui va me conduire jusqu'au Goulot? Je voudrais voir quelques réfugiés, vous savez? Ces fameux étrangers nouvellement arrivés?"

Le temps qu'il finisse sa phrase, trois gamins et deux femmes étaient déjà en train de filer.
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Margaux de Piana
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyJeu 9 Mar 2023 - 16:46


Margaux respira profondément l'air empuanti des ruelles du Goulot.

Adossée à un mur, à l'endroit exact où le démon l'avait trouvé pour l'emmener dans son antre, elle avait fermé les yeux. Elle sentait le vent souffler sur son visage, la foule jurer, crier et cancaner sans se soucier des conséquences. Contre le bois rêche sur lequel ses épaules frêles reposaient, elle savait la vie à l'intérieur du bâtiment, mais n'y prêtait aucune attention.

Car ce n'était pas pour les coquins qui du gang des Rabatteurs qu'elle s'était approchée si près de leur repaire ; ce n'était pas non plus que Gamin la retrouve, ou même Mélisende, même si au fond, la petite fille espérait la revoir.
Elle ne savait comment la recontacter, même si elle avait fini par la considérer comme une amie ; tout ce qu'elle désirait réellement était son frère.

Son pauvre petit frère. Le seigneur de Piana, le chevalier fieffé qu'il aurait dû être, tout s'était trouvé balayé. Il avait été vendu, et si l'homme qui semblait diriger la Guilde des Voleurs lui avait promis de le retrouver, elle doutait de sa parole, bien qu'elle n'eut pas les moyens de la remettre en question. Il avait été vendu, et tout ce qu'elle espérait désormais était de revoir le démon, de tenter de négocier avec lui. Peu importait la terreur de le revoir, les tréfonds de bassesse auquel elle s'exposait - l'enfant désobéissante qu'elle était n'avait que cette solution au monde.

Alors, elle attendait. Elle attendait qu'il revienne, qu'il l'emmène dans sa tanière.

Mais il n'y avait personne.

Sa jambe gauche fut prise de crampes, et elle finit par s'asseoir, en sachant qu'il lui faudrait bientôt rentrer. L'espoir la quittait petit à petit, et, au bout de ce qui lui sembla de longues heures, la noble déchue se redressa, s'éloigna lentement, en boitillant, de la proximité de la taverne, lorsqu'un coup dans le dos la fit tomber brusquement, dans une flaque de boue à l'odeur suspecte d'urine.

Une main rude la redressa, et elle serra les dents devant le regard de l'homme qui la dominait de sa haute stature.

- "Tu crois qu'on te pardonnera les doigts de notre pote...? Tu devrais pas trainer là, petite, parce qu'il va t'arriver des bricoles, c'est moi qui t'le dit..."

Margaux se tortilla, essaya de se soustraire à la poigne de l'homme mince et musculeux qui la maintenait captive. Elle tenta de croiser le regard de plusieurs passants, en vain, ne réussit qu'à pousser un cri aigu de détresse, tandis qu'un coup l'atteignait à son genou blessé, et qu'elle tombait à terre à nouveau.

- "C'est pas ma faute... Pas ma faute...
- Dégage, ou j'te crève, t'as compris ?!"

Elle blêmit. Les larmes aux yeux, la petite fille se remit debout péniblement, le souffle court.

- "Mon frère, j'dois savoir où il est...
- Ta gueule. J'suis vraiment bien gentil, alors hors de ma vue, ou on dira à la Guilde des Voleurs que t'es venu nous piquer des trucs. Tu vas voir à quelle vitesse y vont te laisser tomber."

Elle fit quelques pas en arrière, le cœur gros, s'éloigna de toute sa vitesse, les bras tremblants, en direction des quais - et, toute à sa détresse, ne vit pas l'obstacle qui lui faisait face. Elle se heurta à une stature masculine, faillit tomber, s'obligea à s'incliner vaguement.

- "D'solée... désolée, messire !"
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Erasme RibadierCommerçant
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyJeu 9 Mar 2023 - 17:49
Evidemment... Il fallait s'y attendre, la perspective d'aller faire un tour dans le Goulot ne semblait pas vraiment décider les crèves-la-faim du coin à aller risquer leurs misérables carcasses là-bas. Erasme soupira en regardant ces miséreux s'éloigner dare-dare, en soupirant. Même les affamés n'avaient plus aucune audace. Quel manque de panache. Il était de plus en plus convaincu que Marbrume allait finir par pourrir sur pied, et se transformer en quelque chose de vraiment pas beau à voir sous peu. Trop de miséreux dans trop peu d'espace, tôt ou tard, le désespoir allait finir par les pousser à commettre d'énormes bêtises. Cela commençait déjà, en fait. Il n'y avait qu'à tendre l'oreille pour entendre les rumeurs qui couraient en ville.

Les nouvelles n'étaient jamais bonnes. Et même quand il y en avait une bonne, elle était systématiquement suivie de deux ou trois mauvaises qui rendaient forcément la situation un poil plus merdique qu'avant. C'était un peu devenu le lot commun ces temps-ci. On descendait, on descendait encore, et quand on touchait le fond, on n'était pas assez profond et il fallait gratter pour s'enfouir plus bas encore. Erasme, d'habitude enjoué, commençait à devenir assez cynique par moment. Il s'était retourné, en marmonnant dans sa barbe, et il regardait son navire. Bon, il voyait bien où se situait le Goulot. L'ennui était de s'y rendre dans une relative sécurité pour faire ce qu'il avait à faire. Et pour cela, mieux valait quelqu'un qui ait l'habitude de traîner là-bas de temps en temps.

Il fut assez vite tiré de ses pensées en sentant que quelque chose le heurtait par derrière, et il pivota sur lui-même machinalement en s'écartant un peu. Non, ce n'était pas un de ses employés avec une caisse dans les bras. Cette fois, il fallut regarder plus bas. Il haussa un sourcil, un brin étonné, en voyant une jolie petite rouquine qui était en train de s'excuser. Instinctivement, il porta la main à sa veste, mais non, le contenu de ses poches n'avait pas disparu. Les gamins avaient de curieuses habitudes à Marbrume depuis que la Fange avait débarqué. La fillette n'avait pas l'air bien heureuse, et comme beaucoup d'enfants en ces temps plutôt difficiles, elle semblait en proie à la misère. 

"Hé bien qu'avons-nous là?"

Il esquissa un sourire, et passa la main dans la chevelure flamboyante de la gamine pour l'ébouriffer gentiment. Tant pis si elle avait des poux. Il se laverait les mains plus tard... Il ne savait pas ce qui lui était arrivé, mais le moins qu'il pouvait dire, c'est qu'elle semblait avoir un très gros chagrin. Ou alors... S'était-elle fait mal en lui rentrant dedans? Immédiatement, il posa la main sur son épaule en lui disant: 

"Tu ne t'es pas fait mal au moins?"

Son inquiétude était vraiment sincère. C'était toujours assez désarmant et perturbant de se retrouver avec un enfant en larmes sur les bras. Le bourgeois regarda autour de lui, comme s'il cherchait de l'aide, et il aperçut Gros lui qui passait en grommelant. Il agita la main, mais cette tête de pioche, toujours en train de bougonner, ne fit même pas attention à lui. Il le soupçonna de le faire exprès pour lui faire payer sa décision prise plus tôt sur le quai. 

"Gros Louiiiiiiiiiiiiiiis... Tu vas pas l'emporter au paradis... Fumier..."

Il reporta alors toute son attention vers la gamine devant lui. Dans son esprit, les rouages de son intelligence semblaient se remettre à tourner correctement. Se baissant un peu en fléchissant les jambes pour parler un peu plus à la hauteur de la fillette, il lui demanda:

"Dis-moi... Tu sais aller au Goulot toi? T'aimes le poisson?"
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyJeu 9 Mar 2023 - 20:20


A sa grande surprise, l'inconnu qu'elle avait percuter ne s'énerva pas. Bien au contraire, ses gestes se firent onctueux, et il lui tapota même sa tête gentiment, sans dégoût pour ses cheveux crottés.

Elle se félicita intérieurement d'avoir lavé sa robe et de se trouver présentable, à défaut d'être jolie, et leva ses yeux sur l'inconnu. Ce dernier semblait, quant à lui, plutôt fortuné, et elle pencha sa tête, intriguée par la proposition. La perspective de manger du poisson fit rosir ses joues hâves ; et elle allait acquiescer sans réfléchir lorsqu'elle se retint au dernier moment.
Tout de même, la proposition semblait extrêmement étrange - le Goulot n'était pas fait pour des personnes dignes et décentes ... ou en tout cas, pour des gens qui avaient les moyens de vivre ailleurs, car tous n'étaient pas des vilains.
Néanmoins, l'enfant ne donnait pas cher de la peau du brave homme s'il s'entêtait dans son projet, et elle se mordit la lèvre, en réfléchissant à un moyen de gagner, néanmoins, sa pitance du jour avant de rentrer dans la chambre qu'on lui avait prêté.

- "Messire... je serai bien aise... j'veux bien vous conduire au Goulot, c'est simple. Mais vous savez, c'est pas un endroit recommandable pour vous. J'voudrais pas être insolente, mais .. Qu'est-ce que vous voulez y faire ? Ca ne me regarde pas, mais vous devriez renoncer. Il n'y a rien de bon au Goulot. C'est dangereux."

L'idée lui vint brusquement que l'homme devait être dans des affaires douteuses, et qu'elle ne devrait certainement pas s'en mêler ; mais elle ne pouvait guère revenir sur ses déclarations. Aussi, la jeune Margaux se contenta t-elle de passer une main dans ses cheveux un peu défaits, de regarder, brièvement, le soleil se refléter dans l'eau d'une fontaine, un peu plus loin, brillante comme une mare d'or fondu.

- "Où est-ce que vous voulez aller, précisément ? J'veux dire, dans le quartier. Ça m'aidera à vous orienter."

Elle lui offrit un sourire décidé, en essuyant rapidement les derniers restes de ses larmes.
Louis... elle devait trouver un moyen de le retrouver. Elle devait, à tout prix, trouver un moyen de le retrouver, et de l'arracher au démon.


Dernière édition par Margaux de Piana le Jeu 9 Mar 2023 - 22:12, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyJeu 9 Mar 2023 - 20:48
Mais c'est qu'elle était mignonne cette môme. Et plutôt bien éduquée, pour une pauvresse des rues... Le marchand se redressa en voyant que les grosses larmes avaient rapidement arrêté de rouler le long de ses joues, et il se mit à rire en la voyant s'inquiéter de la sorte. Visiblement, le Goulot, elle connaissait. En tout cas, suffisamment bien pour savoir qu'il ne fallait pas trop y traîner. C'est qu'ils apprenaient vite à cet âge. Tapotant le plat de sa main sur la chevelure rousse que la gamine venait de réarranger, il la décoiffa derechef en souriant de plus belle. Sur le même ton enjoué et amical, il lui annonça: 

"Moi, c'est Erasme ! Erasme Ribadier. Comment que tu t'appelles, toi? Aujourd'hui, je vais te montrer que rien n'est jamais complètement perdu. Tu vois le gros bonhomme là? Ben il s'appelle Gros Louis. A lui tout seul, il peut soulever deux tonneaux pleins. Et les boire... Faut pas le dire, mais quand sa femme regarde ailleurs, il aime bien picoler."

Il avait mis sa main devant sa bouche, comme s'il lui révélait un secret important, en parlant avec une voix de plus en plus basse. Puis il reprit:

"Tu vois Gros Louis? T'aurais peur avec lui? Ben pas moi. C'est pour ça qu'il va venir avec moi, et plusieurs de mes marins. Les plus costauds. Je vais aller voir les réfugiés, tu sais, ces étrangers arrivés y a pas bien longtemps? C'est eux que je veux trouver, parce que je veux leur proposer de travailler pour moi. Mais attention! Tu vas voir que j'ai toujours de très bons arguments. Erasme Ribadier, c'est un malin. Et pas un enfoiré, en plus."

Se penchant un peu, il lui appuya sur le bout du nez, en disant d'un ton grave:

"T'oublies tout de suite le mot enfoiré. C'est pas bien de dire ça. Du moins tant qu'on a pas de moustache. Compris?"

Reprenant presque immédiatement un ton bien moins sérieux, le bourgeois leva sa canne et en pointa l'extrémité sur une maison à colombage, à une centaine de mètres dans une rue. Puis il déclara: 

"Pour le poisson, on va aller là-bas. Tu vois la jolie maison? C'est à moi. On ne part pas avant deux heures. Il y a des préparatifs à faire. D'ici là, on va croquer un bout, faire connaissance, et quand tout sera prêt... En avant pour le Goulot !!!"

Le Gros Louis venait de l'entendre, et il répondit aussi sec à quelques dizaines de mètres:

"C'est une mauvaise idée!


Ta gueule Gros Louis!!! Allez, on y va?"
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyVen 10 Mar 2023 - 17:35


La petite fille esquissa un sourire, d'abord en direction de Gros Louis, puis du marchand. Ce dernier lui était décidément sympathique : il avait un petit côté excentrique et enthousiaste qui lui plaisait beaucoup. Il devait bien réussir dans sa profession, car elle se sentait étonnamment en confiance en sa présence.

A tout bien y réfléchir, bien qu'il soit dangereux d'accepter de monter dans une belle maison avec un inconnu - car on ne pouvait connaitre leurs intentions, ce qui était encore plus vrai pour la gent masculine - Margaux ne répugnait pas à l'idée de passer un peu de bon temps dans une maison cossue. Elle imaginait sans peine les repas avec de la viande, la belle vaisselle, les fauteuils confortables et les livres à portée de main.
Autrefois, avec maman et papa, elle n'aimait pas lire. Les mots l'endormaient parfois, et les histoires trop sérieuses la faisait souffler d'ennui ; sauf qu'aujourd'hui, elle n'était plus la même personne.
Elle comprenait que ses heures-là étaient douces et tendres, et qu'elle avait eu une grande chance alors d'apprendre ce précieux don qu'était la lecture : maintenant, les histoires l'intéressaient, mais elle n'y avait plus accès.

N'étais-ce pas le comble de l'ironie ?

Elle revint à la réalité. Sans pouvoir se retenir, elle pouffa d'un rire clair et enfantin, se grattouilla l'oreille, les yeux plissés d'une joie inattendue.

- "Je connais déjà ces mots, mais vous avez raison ! Mon père et ma mère n'auraient pas été contents ! Bon.. je n'ai pas deux heures, parce qu'il faudra que je rentre, mais... mais je veux bien manger un peu, messire. Mon nom est Margaux, et vous savez, je ne suis pas une voleuse."

En tout cas, pas dans le sens où on l'entendait normalement. Elle n'était pas assez habile pour devenir tire-laine, même si elle aidait à extorquer les malheureux endettés, et qu'elle trafiquait les comtes de la Guilde des Voleurs. C'était compliqué, tout ça.

- "N'vous en faites pas, Gros Louis. Vous n'aurez qu'à fouiller mes poches quand je partirai. Je ne peux pas courir, alors ce sera difficile de vous échapper."

Elle espérait par là convaincre l'énorme garde du corps du bourgeois, qui semblait, par ailleurs, plus intelligent qu'il n'en avait l'air, et tapota le sol de sa canne, comme pour appuyer sa phrase précédente.
Elle savait qu'elle n'était pas tout à fait honnête envers l'adulte, mais si danger il y avait, elle était prête à beaucoup pour tenter de se faire un nouvel ami. Les marchands ne connaissaient-ils pas les rumeurs, et beaucoup d'informations ? Cela en faisait des espions idéaux ... et elle avait besoin d'apprendre où se trouvait son petit frère.
Peu importait qu'elle en fût complètement obsédée : il était la seule chose pour lequel elle supportait cette existence terrible.

- "Vous avez l'air d'un brave homme, c'est vrai, messire. J'suis rassurée, si vous venez au Goulot bien accompagné. Mais je connais bien le quartier, je pourrais même vous faire un plan. je... je vous suis !"

Tout de même, la gamine ne se sentait pas très rassurée. Mais elle était prête à être forte, et peut-être, avec de la chance, à passer un bon moment, avec un adulte amical. Il lui rappelait un peu Mélisende dans un certain sens ; lui aussi, il semblait savoir profiter de la vie, à défaut de se trouver au même niveau social.

- "Est-ce que vous buvez aussi des tonneaux, vous ? Je sais que les hommes boivent beaucoup. Enfin, tous les adultes... Moi aussi, je bois un peu de bière, parfois !"

Mélisende lui avait permis de le faire, quelques fois, et c'était sans compter quand elle le faisait en cachette, à la taverne, pour se réchauffer, durant les longues soirées d'hiver.
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyVen 10 Mar 2023 - 18:13
C'est qu'elle avait l'esprit vif cette gamine... Néanmoins, le marchand plissa un peu les yeux à la phrase sur ses parents. Avec l'emploi du passé, il comprit vite que c'était de l'histoire ancienne. Malheureusement, c'était le lot commun de bien des enfants à Marbrume. Avec les fangeux au dehors, et à présent même en dedans des murs de la ville, beaucoup avaient perdu l'un des deux parents, voire même les deux. Il y avait aussi la prédation propre à toutes les villes où les gens s'entassaient par milliers. Mais si avant, il y avait un semblant d'ordre, cette époque semblait lointaine et définitivement révolue. Il n'était pas assez coupé du monde pour ne pas savoir que les premières victimes de tous les crimes étaient toujours les plus faibles et les plus démunis. Tout en cheminant vers sa demeure et en faisant tinter le bout ferré de sa canne sur les pavés, il lui dit sur le même ton:

"Hé bien Margaux, on va mettre le temps de préparation de mon petit plan à profit... Mais j'aimerais vraiment que tu me guides. En fait, la femme de Gros Louis, et celles de mes marins, préparent une grande soupe de poisson. Que nous allons ensuite charger sur deux charrettes. Si tu me guides, voyons voir..."

Il plongea la main dans la poche de sa veste, et il referma la main sur son contenu. Il y avait là quelques pièces... De quoi acheter un ou deux repas en ville. C'était beaucoup pour une gamine, mais sachant que son existence ne devait pas être toute rose, il se décida vite. Il ouvrit la main devant elle, en déclarant:

"Ca c'est pour toi, si nous allons au Goulot. Tu vas manger un bon casse-croûte, et pendant ce temps, je te raconterai une histoire ou deux du pays de ma grand-mère. Et quand Gros Louis viendra me dire que la soupe est prête, t'auras le droit d'y goûter, et on ira là-bas voir les réfugiés."

Quelques dizaines de pas de plus, et il ouvrit la porte de sa maison. Plusieurs femmes étaient là, dont une âgée, qui le fixa avec un air perplexe avant de dire en haussant les épaules:

"-Qu'est-ce qu'il va encore inventer aujourd'hui?"
-Rien du tout, Mère. C'est Margaux, ma future guide. Elle va prendre quelques forces. Puis quand Gros Louis va passer, nous partons. Viens par ici, c'est la cuisine."

La prenant par le poignet, il l'entraîna derrière lui en lui faisant traverser la pièce. Il poussa une porte et la cuisine se dévoila. Une grosse marmite était en train de mijoter dans l'âtre, et il referma la porte en lui montrant une table et ses chaises en lui disant:

"Assieds-toi, la pitance arrive. Moi je ne bois pas de tonneaux, mais j'aime bien boire un petit verre de vin à l'occasion. Mais la vigne, il n'y en a plus beaucoup... A la place, j'ai du cidre. Ca, des pommes, on en a toujours. Tu vas voir, c'est meilleur qu'une mauvaise bière. Et t'en fais pas pour Gros Louis, il va rien fouiller du tout. Aujourd'hui, tu es une employée de la Compagnie Ribadier. Tu pourras le dire à ton prochain employeur, que t'as été journalière chez moi."

 En un éclair, il virevolta d'un vaisselier d'où il tira une assiette et un gobelet métallique qu'il déposa sur la table, avec une cuillère de bois. Juste après, il alla à la marmite avec un bol à la main, et il mit deux énormes louches d'une soupe de poisson des plus épaisses, dans laquelle se trouvaient des crustacés, et plusieurs jolis bouts de cabillaud baignant dans leur sauce. Il revint à la table, et posa le bol sur l'assiette, avant de sortir un bout de pain de sous un linge, et d'attraper une bouteille opaque. Le pain atterrit à côté de la soupe, et la bouteille fut décapitée de son bouchon pour déverser le breuvage doré dans le gobelet. Il regarda un instant, puis se tourna, attrapant un pot qu'il ouvrit et déposa en disant:

"T'aimes les sardines à l'huile? Finis ta soupe, et goûte ça. C'est une spécialité de la maison. Tu m'en diras des nouvelles."

Il tira enfin une chaise, et s'assit à son tour, juste en face la gamine, avant de lui dire:

"Un plan, ça ne m'arrange pas... Je cherche ces gens d'Hendoire... T'en connais? D'ailleurs... D'où tu sors toi? Dis-moi tout, et en échange... Je te raconte l'histoire de la Cloche de Biscarre et comment les gens de Biscarre ont voulu déplacer leur clocher. T'es d'accord?"
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Margaux de Piana
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyVen 10 Mar 2023 - 22:20


A mesure qu'elle écoutait le marchand, Margaux se sentait de plus en plus intriguée.

Ce n'était pas courant, pas courant du tout qu'un marchand décide de faire une grosse soupe de poisson pour la distribuer au Goulot. Bien sûr, il devait avoir d'autres motivations - recruter des travailleurs comme ça devait être plus facile. Tout le monde crevait de faim, et personne ne pouvait se permettre de cracher sur du travail.
Les pièces apparues dans la main de son interlocuteur la fit déglutir, et elle les saisit presque timidement, les joues toutes rouges.

Dans un sens, elle savait qu'elle n'avait pas besoin de ses pièces. Elle appartenait déjà corps et âme à un groupe de criminels, et elle doutait que l'argent résoudrait le problème. Mais la gamine prit néanmoins les pièces avec un vague élan de culpabilité, en lui offrant un petit sourire.

- "Merci, messire. Vous êtes bien bon. J'vous conduirai où vous voudrez, avec ça !"

Un petit sourire un peu crispé aux lèvres, la jeune noble le suivit docilement dans sa belle maison à colombages, inclina sa tête avec une certaine timidité devant la dame âgée, comme pour la saluer, puis se laissa prendre par le poignet, en redoutant la suite. Elle se demanda brièvement si elle n'avait pas fait une terrible erreur ; mais la vision de la cuisine acheva de la rassurer. Il y régnait effectivement une forte odeur de poisson qui la fit un peu grimacer, mais elle finit par s'installer à table, peu à l'aise. A dire vrai, elle était abasourdie par la tournure inattendue des évènements : en quelques minutes, voilà qu'on lui offrait à manger, de l'argent, et qu'on la servait par dessus le marché !

- "Messire, vous n'êtes pas obligé... vous êtes pas obligé de faire tout ça. Mais euh... c'est très gentil. Que les Trois vous bénisse ! c'est vrai que la bière, c'est pas très bon. Mais je trouve que c'est dommage de gâcher des bonnes pommes pour faire du cidre... Je veux dire, je comprends pas trop pourquoi on préfère boire plutôt que d'se nourrir. Moi, je sais où trouver les plus gros rats, et aussi comment les attraper. La taverne pour laquelle je travaillais avant les vendait aux clients."

Il fallait dire que la soupe avait meilleure allure que la nourriture des égouts, et elle commença à manger avec appétit, ses yeux s'allumant d'une joie naïve tandis qu'un énorme morceau de pain apparaissait près de son assiette.
La bouche pleine de soupe, Margaux fixa l'adulte s'installer à son tour avec plus de gravité, alors qu'il commençait à lui poser des questions. Elle n'en était pas étonnée - le contraire, au fond, aurait été peut-être plus effrayant. Personne ne donnait jamais de la nourriture gratuite !

- "J'connais une ou deux personnes qui viennent d'Hendoire. Ce sont des filles de joie, elles sont au bordel de la Saucisse Vigoureuse. Elles vont en diront sûrement plus, parce que je sais pas trop d'où les gens viennent. Elles sauront sûrement où se trouvent les gens de leur ville. Moi, je suis de la bourgade de Piana. C'était un joli endroit, vous savez, il y avait des chevaux tout blancs, qui mangeaient de la salicorne. J'ai toujours trouvé ça drôle. Et vous..? Vous venez d'où ? Donnant-donnant, hein, et puis vous me raconterez l'histoire, c'est bien vrai ?"

La nourriture et la chaleur lui déliait la langue, et, tout autant gênée qu'assoiffée, but l'entièreté de son gobelet, qu'elle reposa ensuite sur l'humble table de bois bien entretenue. C'était si agréable de dire à quelqu'un d'où elle venait...

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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyVen 10 Mar 2023 - 23:29
Installé dans la cuisine de sa maison avec la gamine, le bourgeois avait attrapé une tasse en étain et il la remplit de cidre avant de faire de même avec le gobelet de la fillette. Elle avait quand même la descente raide. La voir manger faisait plaisir à voir. Elle avait un bel appétit. Malheureusement, il songea qu'il ne pouvait faire cela pour beaucoup d'enfants de Marbrume, et que cela n'était qu'une bonne action très limitée. Buvant une gorgée du breuvage qu'il venait de verser, il songea à la mine qu'il ferait s'il se retrouvait avec un bon gros rat dans l'assiette. Pas sûr qu'il demande du rab... Il la trouvait d'ailleurs un peu jeune pour faire le service dans une auberge mal famée. Surtout qu'elle lui semblait avoir claudiqué. Pas évident de faire les cent pas avec des assiettes dans les mains. Ou même du rat rôti.

"Du rat au menu? Sacrée auberge que voilà. Moi, je sais attraper du poisson bien dodu. Et tu vois, c'est pas si mauvais quand on sait bien le préparer. Attends de voir un peu la soupe de la femme de Gros Louis tout à l'heure..."

Même s'il semblait plaisanter tout du long, le bourgeois avait bien noté dans son esprit les informations qui commençaient à sortir. Ainsi donc, elle venait de Piana... Le nom lui disait bien quelque chose... Ce devait être l'un des villages des environs de Marbrume, aujourd'hui abandonnés. Imperturbable en apparences, il acquiesça en hochant la tête lorsqu'elle parla des catins, et il lui dit en posant sa tasse:

"Je te raconte ça, et toi, quand j'ai fini, tu m'en dis plus sur Piana et ce que tu y faisais. D'accord? Allez..."
 
Il balança sa tête en arrière, chassant ses cheveux de sur ses épaules, et s'accoudant à la table d'un bras, il se pencha vers la fillette en commençant l'histoire promise:

"Autrefois, les gens de Biscarre ne s'entendaient pas du tout avec leurs voisins de Prentis. A Biscarre, ils avaient une belle cloche, mais ils s'étaient aperçus que le son de leur cloche s'en allait par delà la lande jusqu'à Prentis. Et cela les contrariait énormément! Les uns disaient que leur cloche avait un trop beau son pour les étrangers. Les autres  craignaient que durant les célébrations, ceux de Prentis viennent pour manger toutes leurs bonnes choses, ces goinfres! 
Alors, tout le monde fut d'avis de sévir, et ils tendirent un filet aux mailles très fines, comme ceux que j'utilise pour la pêche, tout autour du village! Mais ça ne marchait pas, le son n'était pas arrêté pour autant... Alors, le plus malin du bourg dit aux autres qu'il n'y avait qu'une chose à faire, transporter le temple, son clocher et la cloche plus loin. Tout le monde fut d'accord. Mais comment qu'on pouvait déménager un temple? Tu parles d'un petit ouvrage! 


"Hé bien, dit le malin, nous n'avons qu'à attacher des cordes de laines au clocher et tirer tous ensemble!"


Le plus leste de Biscarre monta au clocher du temple, et il attacha la corde. Et au commandement, tout le village, les hommes comme  les femmes, les jeunes et les vieux, tout le monde se mit à tirer sur la corde. Mais plus ils tiraient, plus la corde s'allongeait. Les villageois, bien contents, croyaient que le temple avançait, et ils se disaient pour s'encourager:


"Tire, compère, tire! Le temple vient, et le bourg et tout avec elle!"


Mais à force, la corde de laine cassa, et patatrac!!! Tous les villageois tombèrent dans l'étang, les quatre fers en l'air! Tout le monde criait. Ils avaient emmêlé leurs jambes, et plus moyen pour chacun de retrouver les siennes! Heureusement, un meunier passait là avec son âne, et les villageois le prièrent de les aider. Le brave homme accepta. A grands coups de fouet, il frappa dans le troupeau, et en un clin d'oeil, tous se démêlèrent, chacun retrouvant ses jambes! 


Mais c'était pas tout... Il fallait encore que les villageois se comptent, pour savoir s'il n'y en avait pas un resté au fond de l'eau. Le premier qui compta trouva qu'il en manquait un. Un autre fit de même, puis un autre encore...  Ils étaient dans les trois cent et tous comptèrent. A chaque fois, il en manquait un. Mais on ne savait pas qui... Heureusement que le meunier, qui n'était pas de Biscarre, s'aperçut que celui qui comptait... s'oubliait toujours lui-même! Alors il leur dit:


"Ecoutez, je vais vous compter de la bonne façon."


Il les fit tous entrer dans une bergerie, et il se plaça à la porte, avant de leur commander de sortir un par un. Et à chaque villageois qui sortait, "un!" disait le meunier! Et il donnait un bon coup de trique sur le dos, et le villageois s'en allait en se frottant les côtes! Et "deux!". Et un autre grand coup de bâton. Ainsi, jusqu'au dernier. Et il trouva le compte juste. 
C'est de la sorte que l'on s'assura à Biscarre qu'aucun villageois n'était resté au fond de l'étang, le jour où l'on voulut changer le temple de place."

Après son histoire, il vida sa tasse de cidre, et la tenant encore à la main, il dit à la fillette:

"A présent que je t'ai parlé du pays de ma grand-mère, à toi de me parler de ton village. Parce que moi, je suis né ici, dans cette maison, à Marbrume. Tu vois que je ne suis pas parti bien loin."
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Margaux de Piana
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptySam 11 Mar 2023 - 15:04


L'enfant promenait son regard paisiblement dans la cuisine. Le danger était peut-être à venir, mais pour l'heure, elle savourait la tranquillité de l'instant.
L'endroit semblait propre et bien entretenu, bien qu'il n'y eut rien de grandiose : la pièce était petite et nulle moulure n'ornait les meubles utilitaires, mais sentait bon les herbes et le poisson frais.
De ce côté, elle ressemblait à la maison bourgeoise que Père avait acheté en arrivant à Marbrume. Mère n'avait pas appréciée, mais Margaux se souvenait clairement des jeux et du plaisir qu'elle prenait, en regardant la servante accomplir son office.

C'étaient des bons souvenirs qu'elle chérissait comme un trésor, au fond de son cœur. Jamais elle n'oublierait cette maison - ce qui expliquait certainement qu'elle se sentait étonnamment à l'aise chez le marchand.

- "Moi, je sais que c'est bon, le poisson. Il faut continuer de manger, peu importe ce qu'on mange. On a de la chance d'être au bord de la mer, tout de même. La fange aurait pu nous surprendre ailleurs. Mais je suis bien curieuse de goûter au repas de la femme de votre garde !"

Elle était sincère, et ce en buvant une dernière goulée de cidre, puis de soupe, qu'elle écouta l'adulte lui raconter son histoire, un grand sourire enfantin dessiné sur ses lèvres. Le conte était stupide, mais la bonne humeur de son interlocuteur était communicative, et à nouveau, la jeune nobliotte éclata de rire, en secouant la tête, les prunelles brillantes d'une joie inattendue.

- "Elle est bête, cette histoire, mais elle est bien drôle ! Je ne sais pas où se trouve Biscarre, mais vous avez bien eu de la chance d'être déjà à Marbrume quand les fangeux sont arrivés. Vous avez une bien jolie maison !"

Margaux baissa le nez sur son bol et sa cuillère, en se forçant à se remémorer son village natal. Ce n'était pas difficile de revoir, en songe, les petites maisons, la taverne, la place principale avec le manoir de Père, le sanctuaire étroit, et elle émit un petit ricanement, pour donner le change de la vague de nostalgie qui lui étreignait soudain le cœur.

- "Piana est une bourgade à une journée de voyage de Sombrebois. C'était très joli. Il y avait des chevaux à la robe crème, et on avait quelques vergers, alors on pouvait vendre les pommes aux voyageurs. Moi, je.. J'allais souvent à la mare aux grenouilles, et je montais parfois à cheval, mais le plus souvent, maman me retenait à la maison pour mes..."

Elle se stoppa. N'en disait-elle pas trop ? Sa tête était toute légère et sa vision se faisait plus trouble. Elle eut envie de rire sans raison, s'avachit un peu sur la table, sans bien s'en rendre compte.

- "Tout ce qu'il y avait à faire à la maison. Mais Piana est le plus joli village de toute la région ! Le manoir est le plus beau, parce qu'il y a des glycines qui poussent sur tout un pan de mur ! Et vous ? Vous avez ... un étal ? Je veux dire, au marché ? Vous savez, si j'étais vous, j'irais vendre ma nourriture au Labret et à Sombrebois. Ils ont toujours besoin de manger..."
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Erasme RibadierCommerçant
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptySam 11 Mar 2023 - 21:45
S'il avait voulu détendre la fillette et la faire patienter en lui racontant cette vieille histoire, le bourgeois devait admettre que ça lui faisait aussi le plus grand bien de la raconter. Cela tendait à lui rappeler le bon vieux temps... Celui qu'il avait connu toute sa vie avant que la fange ne s'abatte sur le pays, et ne le plonge dans un effroyable marasme. Songer aux jours anciens, et à leur normalité aujourd'hui disparue faisait un peu ressurgir l'espoir en lui. Si beaucoup le faisaient avec une larme au coin de l'œil en repensant à tout ce qu'ils avaient perdu, et aux malheurs advenus depuis, de son côté, le marchand se disait qu'il allait les reconquérir d'une façon ou d'une autre. On pouvait toujours baisser les bras, mais ce n'était pas dans son tempérament. Face à l'adversité, il se remontait les manches, embrassait le problème à bras-le-corps, et s'acharnait à trouver des solutions. 

"Je ne t'ai jamais dit que ce serait une histoire bien intelligente, tu sais. Puis ça serait ennuyeux. Tu n'as pas remarqué que les histoires avec les preux chevaliers et les dames en détresse se ressemblent toutes? C'est à mourir d'ennui. Tu en connais une, tu les connais toutes. Les petites gens, elles, ont des problèmes beaucoup plus cocasses, et on s'amuse toujours bien avec elles. Il y avait aussi un clocher au temple de Piana? Vous n'avez jamais pensé à le déménager je parie!"

D'un autre côté, le contraire aurait été assez surprenant. Il ne regretta pas d'avoir pris le temps de discuter un peu avec la gamine. Jusqu'à présent, il avait été plutôt favorablement étonné par ses propos, leur cohérence, et surtout la manière dont elle s'exprimait. Même si sa tenue ne laissait pas présager un grand rang social, ce qu'elle venait de dire ne manqua pas de faire tiquer le marchand. Poussant le pot de sardines à l'huile vers elle, il prit ensuite la bouteille de cidre, remplit le gobelet de la fillette, ainsi que sa tasse, et avant de la reposer sur la table, il lui glissa:

"Goûte donc ces sardines. Mais fais attention aux arrêtes, hein? Et à la tienne!"

Soulevant sa tasse, il la fit tinter contre le gobelet de Margaux avant d'en boire une lampée. Vus ses projets pour l'avenir, entendre parler de la campagne des environs de Marbrume ne pouvait pas lui faire de mal. Tout au contraire, il l'écoutait religieusement en songeant à collecter toute information utile. Ainsi, des pommiers se trouvaient à Piana. Ces arbres n'avaient pas du disparaître par enchantement avec la venue de la fange, et un voyageur avisé pourrait sans doute y dégoter quelques victuailles. Mais il avait bien relevé d'autres choses, et avec un sourire, il lança:

"Mazettes... DES vergers? Et des chevaux? Mais c'est que mademoiselle est donc d'une honnête famille respectable. J'comprends donc bien pourquoué qu't'as t'y pas l'accent d'ces bons pécores! Il y avait des jolis poissons dans cette marre? Elle était à vous aussi? Je ne connais pas du tout ton village, mais il m'a l'air d'être très joli. Où est-ce que vous habitiez?"

Elle avait parlé du manoir, mais son esprit n'avait évidemment pas été jusqu'à imaginer qu'elle pouvait y vivre. L'évocation de sa mère l'intéressa. Il aurait bien demandé ce que faisaient ses parents, et ce qu'ils étaient devenus. Cela lui brûlait les lèvres... Mais il savait qu'en posant cette question, il risquait de remuer des souvenirs douloureux. N'étant pas un bourreau d'enfants, il s'en abstint tout naturellement. Le conseil de la fillette le fit sourire, et il ne put s'empêcher de se pencher en avant pour lui ébouriffer à nouveau la tignasse en riant de bon cœur. 

"Mais c'est que t'es pas bête en plus... Tu sais, la soupe que je veux porter aux gens d'Hendoire, c'est pour recruter des travailleurs que je veux ensuite acheminer jusqu'à Sombrebois. Un peu plus, et tu pourrais remplacer Gros Louis en tant que bras droit. En plus t'as plus de cheveux que lui et t'es plus mignonne. Mais ne lui dis pas, sinon il va se mettre des couettes, et là, on n'a pas fini... Je ne suis pas prêt pour ça moi.
Je n'ai pas d'étal, non. J'en avais plusieurs même autrefois, là où j'étais parti vivre avec ma femme. Mais ici, plus besoin. Les gens se bousculent pour acheter le poisson sitôt qu'il est sorti de l'eau. Ils se battraient pour une sardine comme celles qui sont dans ce pot."

Restait bien évidemment la question des parents de la fillette. Dans sa tête, il se dit qu'ils devaient être de gros fermiers, ou peut-être même une famille de bons petits bourgeois bien installés à la campagne. Et en voyant la petite rouquine, il ne pouvait dès lors la regarder sans ressentir un petit inconfort, se disant que s'il avait eu un enfant, il serait peut-être aujourd'hui dans la même situation qu'elle. 

"Et vous combien d'étals vous aviez? Je parie que j'en avais plus que vous... Moi, j'en avais bien trois ou quatre!"
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Margaux de Piana
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyDim 12 Mar 2023 - 14:44


Margaux fixa son interlocuteur avec un intérêt accru. Il trouvait les histoires de chevaliers et de dames en détresse inintéressantes, ennuyeuses, et si l'enfant les avait toujours adoré pour ce que cela comportait de réel - son père étant lui-même chevalier - ce ne fut qu'à cet instant précis qu'elle eut un déclic.

Elle ne serait jamais sauvée. Nul chevalier n'était venu, et aucun d'entre eux à son secours. Les enfants des rues n'avaient aucun recours, et se trouvaient piégés comme des rats. Quand bien même elle tenterait de voir un milicien pour lui révéler son identité, pourquoi la croirait-il ? Elle n'aurait plus qu'à subir les conséquences et faire subir les conséquences à sa famille élargie, qui de toute façon n'avait jamais cherché à la retrouver.

En émettant un soupir, la petite fille contempla le bol de soupe, le bol de cidre, puis le pot de sardines en songeant à la générosité. Oh non, rien n'était gratuit, et lui comme les autres avait clairement des arrières-pensées à son encontre.

Alors elle se força à dessiner un sourire - un brin plus crispé - et pencha sa tête, en s'autorisant une dernière bouchée de poisson. La saveur onctueuse de l'huile emplit sa bouche, et elle termina de mâcher à regret.
Il était étonnant de constater à quel point la bourgade de Piana et sa propre famille était imbriquée : il lui était tout naturellement venu de parler de "leurs pommiers" et "leurs chevaux".

- "Mon père... avait quelques étals, oui, enfin, d'une certaine manière. Je ne sais plus très bien. J'avais sept ans, alors les souvenirs ne sont pas très clairs."

Ce n'était pas totalement un mensonge : après tout, que connaissait-elle réellement du commerce qui dépendait de sa famille ? Pour ainsi dire, rien, car elle n'était alors qu'une enfant. Maintenant, ce n'était pas pareil !

- "Enfin, en tout cas, j'espère bien que Gros-Louis ne se fait pas de nattes. Ce serait vraiment bizarre, pour un honnête marchand comme vous, messire... Je... je me disais, est-ce que ça vous dirait que je travaille parfois pour vous ? Si mon patron est d'accord, je pourrais travailler dur, si vous avez besoin d'quoi qu'ce soit. J'ai pas besoin d'argent, mais... Mais j'ai quelque chose à vous demander."

Elle avala sa salive, et prit son courage à deux mains, alors qu'un mal de ventre de terreur anticipée naissait au sein de ses viscères.

- "Vous devez voir et entendre beaucoup de choses. Vous demanderiez quoi pour essayer de retrouver un petit garçon..?"
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyDim 12 Mar 2023 - 16:21
Le commerçant était désireux d'en savoir plus pour Piana, d'autant plus qu'il avait déjà en tête de sortir de Marbrume pour se diversifier dans ses activités et s'étendre du côté de Sombrebois. Il ne savait pas si les terres y étaient arables et riches, mais à entendre la fillette, elles pouvaient être prometteuses. En tout cas, elles le seraient forcément plus que les pavés stériles et sales de Marbrume où rien ne poussait hormis la misère et la famine. C'était ce qui le poussait de plus en plus vers l'extérieur de cette capitale. Peu importaient les périls de la Fange et les humains détraqués au dehors. 

"Quelques étals... Ce n'est déjà pas rien, ma grande. Ne te torture pas d'avantage la cervelle. Si ça se trouve, j'ai peut-être fait affaire avec ton père par le passé. Tu voudrais me dire son nom? J'ai fourni pas mal de bourgeois quand je vivais plus au sud. Je ne me souviens pas de tout ni de tous, mais qui sait? Tu vois, moi aussi parfois, je commence à oublier des choses. Encore quelques années, et je serai comme ces vieux gâteux qui radotent. Haha!"

Là, il ne mentait aucunement. Le monde d'avant la Fange tendait à devenir un souvenir de plus en plus lointain et diffus, qui s'altérait de jour en jour, à son grand déplaisir. Ce qu'elle lui proposa ensuite ne manqua pas de le surprendre, mais aussi de le faire sourire. Bien des gens attendaient de travailler dans Marbrume, mais venant d'une enfant, le marchand ne pouvait décemment pas refuser. Il se doutait aussi que cette petite rouquine à la bouille d'ange ne pouvait pas être bien mauvaise.

"Je crois que la femme de Gros Louis lui ferait tâter de son rouleau à pâtisserie avant que je ne le vois avec des couettes. Dans la Compagnie Ribadier, tout travail mérite salaire. Si tu veux venir travailler, nous avons toujours besoin de petites mains pour travailler au salage. 
Tu saurais lire? Parce que Gros Louis ne serait pas non plus contre un peu d'aide. Quand deux navires arrivent en même temps, il ne sait plus où donner de la tête. Si jamais tu le souhaites, tu pourras même manger à l'entrepôt à la soupe commune, le soir, tu seras payée comme tous les employés. Et si tu as besoin d'un endroit ou dormir, nous te trouverons bien une petite place."


La suite en revanche le prit un peu de court, et il écarquilla les yeux lorsqu'elle lui parla de retrouver un petit garçon. S'il s'était attendu à rendre un service, celui-là en revanche, n'était pas de ceux qu'il avait pu imaginer. Un peu surpris, il bégaya.

"Euh... Hé bien.."

Quelque peu embarrassé, il se gratta la tête en réfléchissant et en regardant la petite. C'est qu'on ne lui demandait pas vraiment ça tous les jours non plus... Le bon point pour lui, c'est qu'il avait en revanche l'esprit pragmatique, et qu'il pouvait généralement en venir à de bonnes déductions. C'était sa très grande force. Se reprenant, il entreprit de répondre:

"Cela dépend de beaucoup de choses. Ce que je cherche, je finis par le trouver tôt ou tard. Je ne suis pas milicien, et heureusement. Ils passent plus de temps à boire des coups et peloter des filles qu'à faire leur travail ceux-là... Mais pour trouver ou retrouver, il faut savoir chercher. Et ça, je sais très bien le faire. 

Avant tout, il faut savoir exactement ce que l'on cherche. Comment s'appelle ce petit garçon? Il t'est proche?"

Mais là, elle avait capté toute son attention, et son cerveau entrait en ébullition. Pianotant du bout des doigts sur le bois de la table, le bourgeois était déjà plongé dans la recherche, qu'il le veuille ou non.

"Il faudrait également savoir quand il a été vu pour la dernière fois, où et avec qui. Ca peut énormément aider de savoir ces choses. Nous avons encore une bonne heure à tuer, alors profitons-en pour réfléchir, si tu veux bien."
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyDim 12 Mar 2023 - 20:47
Le nom de Père ?

Le cœur de la fillette se tordit de chagrin, mais elle n'en montra rien. Elle en avait assez de mentir, assez d'être vendue et de se vendre. Elle en avait assez de cette vie malhonnête, qu'elle avait d'emblée détesté. Pourtant, il ne pouvait être question de donner le titre de son père, car elle savait que le démon en serait furieux. Qu'en dévoilant ce nom, elle le salirait tout aussitôt. Ce fardeau lui semblait bien lourd à porter ; néanmoins, elle s'y résigna. Pouvait-on faire autrement ?

- "Mon père s'appelait Philibert, messire. C'était un homme très courageux et très droit."

Margaux marqua une pause, en tripotant nerveusement sa bolée de cidre. Elle se montrait insensée et folle en demandant de l'aide à ce marchand. Il était bien trop dangereux pour lui de se rendre dans le Goulot, de prendre renseignement au Cochon qui Pète - et en échange, elle n'acceptait que de lire quelques lignes ?

- "Je-j'ai pas besoin d'un toit, messire. Mon .. mon employeur, il me laisse dormir chez lui, et-et j'ai même un lit à moi, maintenant. Il est bon, il me laisse sortir des fois, et même pas toujours pour travailler. En tout cas, j'peux lire pour vous, bien sûr, mais... je-je.. j'ai conscience que j'vous demande beaucoup. Oubliez ça. Je m'adresserai ailleurs. Un honnête homme, ça a rien à faire au Goulot. Vous en approchez le moins possible, c'est bien plus sûr. C'est des gens dangereux, j'dois pas vous le cacher. Ils sont très méchants. Ne vous approchez surtout pas d'une taverne... "Le Cochon qui Pète". Même si les filles y sont plutôt jolies, d'accord, messire ? Là-bas, y vendent des gens."

Elle considéra la sardine avec un mélange d'envie et de répugnance, comme si son estomac était brouillé par toutes ces émotions, dont elle désirait se détacher le plus vite possible.

- "Et puis, les miliciens, c'est pas tous des fainéants. Il y a de nobles sergents aussi, et puis même des miliciennes. Mon père, il trouvait que ce n'était pas bien, parce que les femmes, ils faut les protéger. Mais j'ai même connu une milicienne, qui s'appelle Claire, avec qui j'ai fait une vraie mission. On a débusqué des gens qui sacrifiaient des enfants."

Margaux n'était pas peu fière de cette aventure, bien qu'elle n'ait pas survécu sans la femme d'arme. Néanmoins, faire quelque chose d'honnête et de bien lui avait procuré un grand soulagement, et un grand sentiment d'utilité qu'elle n'était pas prête d'oublier.


Dernière édition par Margaux de Piana le Lun 13 Mar 2023 - 11:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux)   Une charité, mais bien ordonnée ( PV Margaux) EmptyLun 13 Mar 2023 - 9:56
Lorsque la fillette commença à parler d'avantage de son père en employant le passé, le marchand comprit très vite qu'il avait vu juste. Ses géniteurs, ou tout du moins son père, n'était déjà plus de ce monde. Courageux et droit... Deux vertus qui tendaient à se faire vraiment rares à Marbrume par les temps qui couraient. Le vrai courage manquait à ce qui restait de l'humanité qui se terrait dans cette cité condamnée, et la droiture s'en était allée avec les derniers espoirs d'une vie meilleure. Chacun devait privilégier sa propre survie, son propre profit, et ses propres intérêts. Cela désolait toujours le marchand qui essayait de voir toujours un peu plus loin. Adressant un sourire à la gamine, il réfléchit.

"Philibert, de Piana... Je devais être trop au sud pour le connaître, hélas. Il est parvenu à vous conduire à Marbrume?"

Beaucoup n'avaient pas eu le temps de se replier vers la ville avant d'être rattrapés dans les premiers jours de l'invasion de la fange. Un homme courageux pouvait avoir voulu défendre les siens face aux bêtes. C'est peut-être pour ça que les hommes braves se faisaient si rares aujourd'hui. Il n'y avait qu'à voir ce qu'il était advenu de l'armée royale partie les combattre. Un fiasco absolu, et un massacre inutile. En proie à une certaine amertume, et aussi à de la peine pour la fillette, il prit la bouteille, et refit le niveau de cidre dans les verres.

La suite l'avait quelque peu perturbé. Elle avait un lit à elle, maintenant. Ce qui voulait dire que ce n'avait pas toujours été le cas. Et un employeur ? Si jeune ? En étant boiteuse ? Le marchand eut du mal à ne pas se départir de son sourire. Qui sait ce qu'elle avait pu devoir faire pour survivre dans ce cloaque qu'était Marbrume? Et ce que l'on avait pu exiger d'elle. Un sentiment de dégoût commença à poindre en lui.

"Tatatatatata... Margaux, tu ne vas tout de même pas abandonner Gros Louis pour ses lectures? Je te l'ai dit, à présent, tu es une employée journalière de la Compagnie Ribadier. Chaque fois que tu voudras venir, tu pourras travailler avec Gros Louis, et passer prendre un petit casse-croute. Cochon qui s'en dédie, d'accord?"

S'il avait été souriant jusque-là, son sourire commençait à se crisper un brin en écoutant ce qu'était en train d'avouer la fillette. Une pulsion qu'il n'avait pas ressentie depuis des mois était en train de se réveiller en lui, et il serra un brin les dents pour se contenir.

"Une taverne dis-tu? Le Cochon qui pète? Les tavernes ne sont pas des endroits pour les enfants tels que toi, tu sais? Et si cela peut te rassurer, nous n'irons pas de ce côté là. Je ne comptais pas aller voir les filles tu sais."

Se penchant avec une main sur le côté de la bouche comme pour lui dire un secret, il lui dit à voix basse:

"J'ai trop peur des maladies. Tu as déjà vu à quoi ça ressemble, un gars avec des morpions ?"

Il essayait de dédramatiser pour la gamine, mais en son for intérieur, il bouillonnait. D'autant plus que ce qu'elle avait dit avant tournait encore dans un coin de sa tête. Son métier passait par une bonne maîtrise des additions, et 1+1 l'amenait toujours à 2. Aussi, il demanda:

"Ils vendent des gens? Tu veux dire que des filles se prostituent? Ou ils vendent vraiment des gens? Comme ce petit garçon dont tu as parlé tout à l'heure et que tu voulais retrouver?"

Pour le coup, la Milice n'aurait peut-être pas été du luxe... A présent, elle parlait de sacrifices d'enfants. Avec une milicienne nommée Claire. Détail anodin, mais le prénom ressemblait assez à celui de sa défunte épouse pour qu'il puisse en garder souvenir.

"Hé bien ma grande, ton père avait raison. Tu sais pourquoi? Tant qu'il reste un homme, une communauté peut se repeupler. Mais à chaque fois qu'une femme meurt, les chances se réduisent pour l'avenir, et tout espoir de nouvelle lignée s'éteint avec elle.

C'était autour du Cochon qui pète ces sacrifices? Tu veux bien me raconter comment vous avez fait ce tour de force?"


Dernière édition par Erasme Ribadier le Lun 13 Mar 2023 - 11:35, édité 1 fois
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