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 Erreur de jugement (PV Angélique)

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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyVen 4 Juin 2021 - 11:37
4 Février 1167,

Si certaines personnes aiment se montrer oisives afin de pouvoir jouir de leur temps comme ils le souhaitent et de profiter d'une petite accalmie dans leur existence chargée d'inquiétudes et d'incertitudes perpétuelles, ce n'était point le cas de la mercenaire. Ce temps-là, elle ne savait qu'en faire et trouvait l'inactivité, la sédentarité bien plus stressante que ce qu'il y avait à affronter à l'extérieur. La mort ne l'effrayait guère contrairement à l'ennui que pouvait représenter ce genre de journée où le temps semblait s'écouler lentement. Après tout, se battre, il n'y avait rien de plus simple. Ses pensées se tournaient toutes vers son instinct de survie, elles ne venaient pas la torturer bêtement avec des questions qui, elle le savait, resteraient sans réponse. Comme il lui était insupportable de se retrouver seule face à elle-même, face à ses propres doutes, ses propres craintes simplement parce qu’elle se trouvait totalement désarmée.

Alors, pour combler l'ennui et surtout pour faire taire les monstres dans sa tête qui ne cessaient de la hanter depuis des mois, Aeryn avait pris l'habitude de se rendre dans des lieux certes bruyants, mais dépourvu de vices. Voilà pourquoi, ce matin là, la jeune femme se trouvait au marché même si elle détestait toujours l'endroit. Elle évoluait lentement dans les allées, veillant à ne bousculer personne, même si ce rythme que lui imposait la populace lui était insupportable. Son oreille, bien indiscrète en cette matinée particulièrement frisquette, se tendit vers les conversations des uns et des autres simplement pour profiter un peu de cette insouciance qu'elle méprisait habituellement. Elle espérait ainsi perturber ses démons, combler sa solitude et son besoin de s'évader loin de tout. Évidemment, la rouquine se trompait lourdement, la simplicité ne se partageait pas, du moins pas avec les inconnus. L'on ne pouvait s'empêcher de penser, de raisonner inutilement, du moins pas sans une aide extérieure bien plus tangible. Ivaad préférait les femmes, celles qui ouvraient les cuisses contre quelques pièces, Kaël s'aidait de spiritueux divers et variés ayant le don d'amoindrir sa capacité de réflexion, probablement même beaucoup trop parfois. Aeryn ne mangeait pas de ce pain là. Autrefois elle pouvait compter sur les entraînements dispensés par Finn, sur son humour toujours accessible, pour se changer les idées, mais ce temps-là était révolu depuis longtemps et n'appartenait plus qu'à ses souvenirs bien trop nostalgique à son goût. Penser à lui ne faisait qu'attiser sa colère, celle qui brûlait intérieurement sans jamais réellement exploser. Celle qui la consummait douloureusement et qui la poussait à se mépriser elle-même.

Sans même s'en rendre compte, la mercenaire avait cessé de marcher. Elle se tenait bien droite au milieu de la foule, le regard sombre, les mâchoires et poings si serrés, qu'instinctivement, les badauds décidèrent de l'éviter… Tous, sauf la mère débordée tenant d'une main son jeune garçon particulièrement agité et de l'autre un panier percé. L'inconnue qui ne vit pas la rouquine s'arrêter et, emportée par l'engouement de son fils, ne tarda pas à percuter le dos d'Aeryn. Le choc eut au moins le mérite de la réveiller, un peu trop brutalement, peut-être. Mais en apercevant cette pauvre femme qui ne savait plus où donner de la tête, la rouquine ravala sa colère et accepta ses excuses sans rien dire. La mère s'éloigna promptement, courant derrière l'enfant qui s'était dérobé. Impossible pour elle de se rendre compte que de son panier percé s'échappaient ses achats du jour semant derrière elle une piste composée de carottes et de panais flétris.

"Combien cela avait-il pu lui coûter", se demanda la jeune femme en ramassant le premier légume à ses pieds, le sauvant in-extremis du piétinement. Soupirant face à tant de négligence, la mercenaire entreprit de sauver le repas de cette pauvre femme… Du moins, c'était bien là son intention en se saisissant d'une carotte gisant dans la boue, mais ce ne fut pas ainsi que son geste fût perçu par le maraiché installé au stand à sa droite.

-J'espère que tu comptes payer pour ça, lui lança le gros homme au tablier crasseux.
-Bien sur que non, ce n'est pas à moi, c'est la...
-Allons bon, une voleuse! l'interromprit le marchand en hurlant presque le mot "voleuse" telle une accusation qui mit forcément la mercenaire, surprise, en port à faux face aux passants qui observaient la scène.
-Mais non ! Je viens de la ramasser par terre ! C'est cette fem...
-Au voleur! tonna l'homme qui ne voulait rien savoir. Au voleur !

La surprise de la rousse fut bien vite remplacée par la colère. Comme elle détestait cet individu stupide qui osait porter un jugement si aisément. Pire, il la condamnait tout bonnement… Aeryn vit rouge… Sa poigne se resserra sur le tubercule avant qu'elle ne le jette au visage du marchand.

-Bouffe-la ta carotte, gros lard stupide. Peut-être reconnaîtras-tu que ce n'est pas l'une des tiennes.
-Toi …grogna-t-il, plein de haine. Comment oses-tu, misérable voleuse?!
-Je n'ai rien volé du tout, sombre crétin! Pourquoi volerai-je une carotte, ai-je l'air de mourir de faim ?!

Elle avait beau savoir qu'essayer de se défendre devant un tel individu ne servirait à rien, Aeryn ne pouvait pourtant pas s'en empêcher. La mercenaire détestait l'injustice, elle qui était si droite. Et faire ainsi l'objet d'une telle accusation lui semblait intolérable. Mais le marchand faisait poids, mine de rien et ses hurlements chargés de postillons ne tardèrent pas à alerter les miliciens qui se trouvaient non loin. Deux hommes en uniforme vinrent se poster dans le dos de la rouquine et, eux non plus, ne semblaient pas disposer à écouter ses explications. Aeryn serrait les dents se retenant tant bien que mal de ne pas cogner celui qui vint lui agripper le bras. La jeune femme tremblait sous la colère, mais elle savait qu'elle ne devait pas frapper ces gens-là, sans quoi elle serait accuser d'un crime encore plus grave.

-Mais j'ai rien fait bon sang!
-Quoi, tu traites Prosper de menteur ? railla le milicien qui la tenait fermement.
-Il n'y a pas plus honnête que lui, voyons ...
-Allez, viens avec nous, on va en discuter plus loin, renchérit le deuxième en venant saisir le bras encore libre de la rouquine.
-Et puis quoi encore ! Lâchez-moi !

Elle essaya de se débattre, mais les hommes la tenaient bien trop fermement. Ils ne lui laissèrent aucunement la possibilité de s'expliquer et riait même de voir ce petit brin de femme s'agiter ainsi. Aeryn pestait, grognait et se retenait de ne pas hurler sa colère, sa haine. Elle qui détestait déjà les miliciens ...



Dernière édition par Aeryn Monclar le Mar 21 Sep 2021 - 7:47, édité 3 fois
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AngéliquePrêtresse
Angélique



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptySam 5 Juin 2021 - 23:23


Ce jour-là, exceptionnellement, Angélique était sortie. Ceci dit, ce n'était pas de son propre chef ; un prêtre supérieur l'avait sollicitée pour passer quelques commandes, pour leurs travaux de recherche… Et lui suggérer d'en profiter pour s'aérer, avait-il dit. Une demande d'un supérieur, si ce n'est un ordre implicite, la rousse ne pouvait la refuser. Et après des jours et des jours sans bouger du Temple, à aider ses pairs à trier et déplacer des archives, elle n'était pas contre le fait de respirer de grande bouffée d'air frais non plus. Néanmoins elle rechignait toujours à s'éloigner de l'enceinte protectrice de l'édifice sacré... d'autant plus qu'elle avait couru presque aux quatre coins de la ville pour répondre à toutes les demandes du père Magnus. Fort heureusement, elle n'avait pas eu à aller aux quartiers de la Hanse. Depuis le drame s'y étant déroulé, cet endroit l'horrifiait particulièrement et il lui était impossible de s'en approcher.

▬ Bon, et maintenant ?

Sur le pas de porte de l'herboristerie, elle leva ses yeux gris-bleu au ciel dont la couleur semblait assortie, et soupira : le matin était déjà bien trop avancé. Replongeant son visage bien à l'abris dans la capuche de sa cape au vert douteux tant il était usé, elle laissa ses pas la guider au hasard dans les rues de Bourg-Levant. Son regard légèrement cerné balayait les devantures à la recherche d'une curiosité, une bricole, un quelque chose peu importe quoi susceptible de susciter son intérêt... Toutefois, ses pensées dévièrent très rapidement et Angélique se retrouva plongée, comme bien souvent, dans ses rêveries.

Sans qu'elle n'y prête attention, elle vagabondait à présent dans le vieux marché. Animé, bondé, fidèle à lui-même. La prêtresse se faufilait entre les gens avec l'aisance et la souplesse d'un chat, évitant avec une habileté particulière chaque obstacle qui se dressait devant elle sans être remarquée ; ce qui, vu sa petite taille, n'était guère compliqué. D'une oreille toujours aussi distraite, la rousse écoutait quelques commérages et nouvelles ; elle frémit à l'entente du mot "Fangeux" et fronça des sourcils lorsqu'on narra l'attaque d'un convoi venant du Labret. Angélique, qui anticipait déjà les retombées inévitables de ce pillage, pria brièvement afin que le prochain convoi leur parvienne bien. Heureusement, les fournitures et plantes demandées par Père Magnus provenaient plutôt des villages alentours ; il ne devrait donc pas y avoir de difficulté à se les procurer rapidement… Mais au cas où, mieux valait lui en toucher un mot quand même

La jeune prêtresse trébucha ; la première fois de la journée, un exploit. Et à peine retrouva-t-elle son équilibre qu'on la bouscula. Prête à crier sur le fautif, elle se ravisa ; il s'agissait de miliciens dont la vue lui fut désagréablement familière tant elle détestait spécifiquement ces deux-si. Ils s'enfonçaient à vive allure dans le marché, à grand renfort de coups de coude et de menaces pour écarter quelques personnes de leur chemin. Mue par son instinct, ou peut-être la certitude qu'ils n'étaient de toute façon que des incapables, elle se précipita dans leur sillage. Elle les perdit brièvement de vue… Les dents plantées dans ses lèvres alors qu'elle fouillait les environs de son regard légèrement plissé, des cris et éclats de voix lui parvinrent. « Là-bas ! » Elle s'y élança.

▬ Que se passe-t-il, demanda-t-elle à un homme proche une fois sur les lieux.
▬ Une voleuse, répondit-il en haussant les épaules.

La foule s'écartait en un demi-cercle presque régulier autour d'un marchand, un maraicher aux vues de son étal, et les deux miliciens "de son cœur" essayant de maitriser une jeune femme. Elle retint un rire, qui se transforma en un bruit étouffé entre un toussotement et un croassement, en entendant le prénom de l'un des miliciens. Elle les appelait, en son for intérieur, Bêta et Benêt depuis bien longtemps à présent, et n'avait jamais entendu leur nom. Etrangement, Prosper ne collait pas du tout au visage de Benêt ; et rien qu'à y penser, une envie de rire la reprit de nouveau. Néanmoins, en tant que prêtresse elle se devait d'afficher une mine imperturbable si elle voulait intervenir.

▬ Que signifie tout ceci ?

Son intervention sembla ne pas être remarquée, surement couverte par le rire des deux idiots, plus occupés à se moquer de leur victime qu'à essayer de faire leur boulot. Il était hors de question de laisser passer ça. Angélique, les lèvres pincées d'agacement, s'avança. Même pas deux pas plus loin, son pied se posait sur quelque chose d'étrange qui manqua la faire glisser. Baissant les yeux, elle ramassa une carotte flétrie au milieu de la boue, et déjà piétinée en en juger la fine extrémité presque méconnaissable. Elle jeta un coup d'œil compatissant à la jeune-femme, soupira puis s'avança davantage dans l'espace vide.

▬ J'ai dit : que signifie tout ceci, demanda-t-elle d'une voix plus forte et ferme.
▬ T'es qui, tu veux quoi ?
▬ Elle m'a volé, hurla le maraicher en même temps.

Angélique enleva son capuchon, dévoilant son visage que certains reconnaitraient peut-être, encadré par deux longues tresses rousses qui disparaissaient dans les amples plis de sa cape. Vu leur léger mouvement de recul et leur expression maussade, les miliciens l'avaient assurément identifiée, et ça ne leur plaisait pas. Ils en relâchèrent même faiblement leur prise sur leur suspect.

▬ Ce n'est que moi, Sœur Angélique, confirma-t-elle. Je n'interviens que pour m'assurer que justice soit faite… Nous savons combien cette dernière est vite expédiée.

La prêtresse croisa les bras sur sa poitrine et releva le menton, les défiant de la contredire. Autour d'eux, l'atmosphère était tendue et plus d'un s'en retourna à vaquer à ses occupations ; et Angélique savait qu'elle devait faire attention à ces mots… Même si l'un des sergents semblaient plutôt bien l'apprécier, suffisamment pour toujours la disculper lorsque « Bêta et Benêt » l'emmenait pour divers motifs –rarement vrais, très souvent exagérés, parfois totalement inventés. Après un temps qui lui parut interminable, laissant à chacun l'opportunité de dire ce qu'il avait à dire s'il le souhaitait, la jeune femme porta son regard sur la captive et reprit, sans la moindre agressivité et même avec une forme de douceur dans sa voix fluette.

▬ Comment vous appelez-vous, demanda-t-elle à la rousse. Est-ce qu'ils disent vrai ?

Elle se détourna alors, tendue, le dos raide. Distraitement, elle agitait les fanes de la carotte au niveau de son menton, comme on l'eut fait d'une plume ou même d'un éventail. S'approchant du maraicher dont elle inspecta d'un air pensif les produits, Angélique se mordillait les lèvres, signe que quelque chose n'allait pas, la tracassait, et qu'elle réfléchissait. Si son pressentiment était juste, sa semblable relative était innocente… Mais comment le prouver ?



Dernière édition par Angélique le Jeu 24 Juin 2021 - 23:08, édité 1 fois
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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyLun 7 Juin 2021 - 11:38

Complètement absorbée par sa colère, la mercenaire n'avait pas vu la jeune femme approcher, ni même entendue, comme si la taille du monde s'était brusquement réduite à eux quatre. Ce n'est que lorsque le maraicher proclama de nouveau son accusation que la rouquine se tourna vers la nouvelle venue. Cette étrange apparition purement inattendue sembla d'ailleurs faire son petit effet, plus particulièrement quand l'inconnue retira sa capuche pour laisser apparaître un visage encore juvénile… La demoiselle se présenta d'une manière qui parut plutôt théâtrale aux yeux de la mercenaire qui nota quelques insinuations dans ses jeunes paroles laissant suggérer que la prêtresse connaissait ces miliciens et qu'elle ne leur faisait nullement confiance.

-Aeryn, ma mère, lui répondit la mercenaire en se retenant de grogner sur elle… Puisque, après tout, la prêtresse ne lui avait rien fait et semblait même vouloir apaiser la situation. Je me nomme Aeryn Monclar et je ne suis pas une voleuse.

La jeune femme veilla à parler aussi calmement que possible, même si sa posture actuelle et les mains des miliciens sur ses bras rendaient la chose bien difficile. Elle avisa la sœur Angélique et la trouva bien jeune, trop d'ailleurs pour être appelée "ma mère" par une personne plus âgée. Elle connaissait pourtant les us et coutumes du Temple, mais jamais auparavant elle avait vu une religieuse qui semblait à peine sortie de l'enfance. De plus, la mercenaire remarqua un changement dans l'attitude des miliciens, ceux-ci ne riaient plus et avaient même légèrement desserré leur prise. Étrange.

-Ça suffit, cesse donc de mentir, tu as été prise la main dans le sac, affirma l'un des deux idiots en uniforme.
-Ou plutôt dans la carotte, railla le second qui trouvait la situation bien trop amusante aux yeux de la rouquine qu'il tenait encore.

Aeryn leva les yeux aux ciels, serrant les dents pour s'empêcher de vociférer quelques paroles acerbes qui, elle le savait, se retourneraient aussitôt contre elle. Aussi, puisqu'on lui laissait enfin la possibilité de pouvoir s'exprimer, la mercenaire se reprit en parlant aussi clairement et posément que possible.

-Je me suis juste contentée de ramasser le légume qui venait de tomber du panier d'une femme… Je comptais le lui rendre et lui dire que son panier était percé mais ce gros tas de lards faisandé m'a hurlé dessus en m'accusant de vol...
-Bah voyons ! Et qu'est-ce qui prouve que tu ne mens pas, hein ? gronda le maraicher se retenant vivement de ne pas gifler l'irrespectueuse jeune femme qui venait de nouveau de l'insulter.

Aeryn soupira de nouveau, lasse d'avoir à faire à un homme de si mauvaise foi qu'il était visiblement prêt à mentir simplement pour sauver sa fierté. La preuve, pourtant, se trouvait bien devant ses yeux et tous semblaient vouloir l'ignorer… Comme il devait être plus aisé de s'en prendre à une femme seule que de faire preuve d'un peu de bon sens.

- C'est pourtant simple, ouvrez donc les yeux et regardez la carotte que tient sœur Angélique. Elle a des fanes… Quant à vous, vous êtes si radin que vous vendez des carottes déplumées et leurs feuilles séparément...

Le regard du gros homme en disait long, Aeryn avait fait mouche et venait même de toucher un point de sa personnalité que le maraicher avait bien du mal à reconnaître et surtout à accepter. Les simples paroles de la mercenaire venaient ainsi de mettre en doute son honnêteté aux yeux des badauds qui, à n'en pas douter, iraient faire leurs courses ailleurs après cela.

-A vous voir, il n'est pas bien difficile de comprendre qui est le plus voleur des deux, vous ne trouvez pas ?

L'homme grogna de nouveau et sentant le vent tourner en sa défaveur tenta une nouvelle attaque désespérée :

-Rien ne prouve que tu n'as pas volé cette carotte ailleurs. Et même si ce que tu dis est vrai, tu ne comptais peut-être pas la rendre à la femme. Peut-être même que tu t'es servie directement dans son panier.

Il croisa les bras en affichant un sourire fier, un regard triomphant purement horripilant. Cet homme-là ne voulait pas perdre la face et comptait bien faire en sorte que la mercenaire soit punie pour son impertinence comme pour son sens de l'observation. Aeryn ne l'en méprisa que d'avantage et malgré tout veillat a rester calme.

-Et ça alors ? lança-t-elle en désignant un navet gisant sur le sol juste un peu plus loin. T'as aussi de la graisse dans les yeux qui t'empêche de regarder plus loin que le bout de ton nez?!
-Surveille un peu ton langage, gamine, gronda l'un des miliciens. Quant à vous, ma mère , malgré tout le respect que je vous dois, votre place n'est pas ici. Laissez-nous faire notre travail et retournez donc faire le votre.

Au même moment, une imposante silhouette se faufila discrètement de la masse des spectateurs et vint se placer à la gauche de la jeune prêtresse. Aeryn tourna la tête vers le nouvel arrivant au visage familier et suffisamment rassurant pour lui permettre de ravaler sa colère : tout allait s'arranger maintenant.

-Allons, allons, il est inutile de faire autant de tapage pour si peu, voyons, lança l'ainé des Monclar en affichant un air naturellement aimable. Après tout, ce n'est qu'une simple carotte. Ryn, tu as bien de quoi payer non ? Alors pourquoi ne pas donner quelques pièces à ce charmant marchand ?
-Quoi ? s'étrangla la mercenaire en entendant la solution proposée par son frère. Tu plaisantes, Kaël, rassure-moi ? Cela reviendrait à accepter ces accusations honteuses. C'est purement injuste !
-Certes, certes, mais vois-tu, Ryn, ici il n'y a que toi qui te soucis de cette fameuse justice, affirma Kaël en haussant les épaules avant de donner un petit coup de coude à la prêtresse comme pour chercher son appui. Cet honorable marchand ne cherche qu'à se nourrir davantage… Le pauvre doit mourir de faim… Et ces chers miliciens ne veulent que faire leur travail. Il serait tellement plus simple de leur donner ce qu'ils veulent afin que ses messieurs reprennent leurs occupations. Le gérant de la taverne d'à côté doit être si triste de ne pas voir ses deux plus fidèles clients… Qu'en pensez-vous, ma mère ?

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AngéliquePrêtresse
Angélique



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyLun 7 Juin 2021 - 23:41


« Aeryn. Famille Monclar. » scanda-t-elle mentalement à plusieurs reprises, espérant ainsi se souvenir de cette jeune femme fort intéressante qu'elle ne quitta guère de ses yeux gris étincelants, comme si elle eut voulu encrer son visage dans sa mémoire. Du reste, sa plaidoirie fut impressionnante, et très révélatrice de sa personne : douée du sens du détail, consciencieuse, sensée, un brin audacieuse peut-être et certainement pleine d'humour. Elle n'en plu que davantage à la jeune prêtresse qui opinait du chef à mesure que chacun s'exprimait. Du moins était-ce le cas lorsqu'elle n'effectuait pas une moue étrange –un sourire en coin mêlé à un rictus dépité– alors que, par pur pécher d'orgueil ou de fierté, il disculpait la présumée voleuse par ses propres mots. Une grande lassitude transparaissait néanmoins sur son visage, laquelle croissait à chaque légume qu'elle trouvait à ramasser avant qu'il ne fut totalement réduit en purée, mais également à chaque parole du maraicher ou des miliciens... Des gredins, à n'en pas douter, pire les uns que les autres ! Si elle ne statuait pas rapidement, la pauvre dame Aeryn écoulerait le reste de sa journée dans une cellule, sinon davantage, où elle n'avait nullement sa place.

Angélique s'apprêtait à prendre la parole lorsqu'un imposant personnage vint prendre place à ses côtés et la devança. Elle le dévisagea à peine ; ses mots le lui rendait déjà antipathique. Leur échange au ton familier laissait clairement comprendre qu'ils se connaissaient déjà, la victime rouquine et lui, ou entretenaient peut-être une certaine proximité dont elle préférait rester ignorante Toutefois, ses paroles ne tardèrent guère à lui déplaire également, allant jusqu'à lui tirer un haussement exagéré de son sourcil gauche. Elle évita avec agilité le coup de coude complice qu'il tenta de lui donner, en s'écartant d'un pas tandis qu'elle essuyait les légumes de l'ourlet de sa robe, toujours aussi peu soucieuse de l'image qu'elle donnait de sa personne, avant de les glisser délicatement dans la sacoche suspendue à sa taille par une large ceinture de cuir.

▬ Ce qu'en pense votre mère, je l'ignore, réagit Angélique sitôt le monologue de l'homme terminé. Donnez-moi du sœur, si cela vous gré, plutôt que du mère. Et en tant que prêtresse, vous me voyez outrée.

La rousse fit des mouvement de bras vers la foule afin que chacun s'en retourne à ses occupations. Lorsque les premiers se détournèrent, elle plongea ses yeux bleus-gris dans ceux d'Aeryn et lui déclara, souriante :

▬ Je vous sens victime d'un malheureux incident dont nous devons toutes les disproportions à de fieffés gredins. Heureusement, tout le monde n'a pas que de la graisse dans les yeux, et je suspecte fort que le légume que vous tenez vint du même panier que ceux-ci. Vous deux, Prosper et... Peu importe votre prénom, lança-t-elle en pointant du doigt les deux miliciens. J'ai prêté serment d'assistance envers toute personne dans la nécessité... Tandis que le vôtre, de travail, me semble être de faire régner l'ordre et la justice, non le contraire. Qu'en est-il de votre devoir ?

Angélique insista fortement sur le mot devoir, qu'elle leur avait toujours connu bâclé... Si ce n'est inexistant. S'ils ne la gratifiait de respect qu'en apparence, pour sa part, elle n'en éprouvait aucun qu'elle fut capable d'afficher un tant soit peu. Du reste, malgré un sourire affable, son ton était ferme, presque tranchant. A porté de main des miliciens, elle leur adressa de vigoureuses tapes sur les mains, presque aussi ferme que leur pogne, leur faisant comprendre qu'il était vain de tenir captive la dame. Elle se tourna ensuite vers le maraicher sans laisser le temps à qui que ce soit d'intervenir, et soupira :

▬ Une belle brochette de couards seulement bons à s'en prendre à des femmes... Quant à vous, agressa-t-elle le marchand en brandissant un index accusateur en sa direction, avant de prendre un ton plus doux. Vos arguments, vos spéculations, prouvent à eux-seuls que cette personne n'a commis aucun crime dont vous puissiez l'accuser. Avec des si, le Royaume n'aurait ainsi péri ou serait à nouveau territoire conquis ! A l'avenir, agissez avec honneur et humilité plutôt que fierté, et n'oubliez pas le regard de la Sainte Trinité sur nous.

A qui le croisa, son expression et son regard ne montraient que neutralité, sans le moindre ressentiment à son encontre. La prêtresse reprit brièvement son souffle, passa une main sur son front pour en retirer une mèche rebelle qui lui dansait devant les yeux, avant de se tourner vers l'inconnu dont le prénom se terminait par "el". D'après ses souvenirs. Les poings sur les hanches, le regard noir, elle reprit :

▬ S'il est vraie que la Fange est une punition nous étant adressée, par les Trois, quels odieux pêchers avons-nous commis qui puisse la mériter ? Serait-ce de privilégier la paresse et l'orgueil à la justice ? Si ces deux poireaux ne faisaient office de pilier de bar... S'ils effectuaient leur travail avec tout juste assez de rigueur, peut-être aurions-nous moins à craindre les rues de cette chère Marbrume rongée par le crime ? A part cette cité, que reste-t-il de l'humanité ? Qu'adviendra-t-il une fois le dernier d'entre nous égorgé, ou pire encore, dévoré ?

Il restait, par-ci par-là, quelques badauds curieux aux oreilles tendus dont les visages virèrent soudain blêmes. La prêtresse ne s'en préoccupa pas. Au contraire ; elle espérait ainsi marquer les esprits et, peut-être, en faire réfléchir plus d'un.

▬ Comme je l'ai dis, avec des si... Mais nous récoltons ce que nous semons, et à ainsi négliger la justice cela ne fera que nous éloigner de la rédemption. Que cet honorable, elle écorcha sensiblement ce mot tant le prononcer en pareilles circonstances lui fut difficile, marchand ne cherche qu'à se nourrir davantage ne l'excuse pas. Nous sommes tous dans le même panier, à mourir de faim, à subir le rationnement, à compter les jours entre chaque convois... Pour autant, nul ne devrait tolérer ni même encourager le vol, ce que vous faisiez. Ce que j'en pense, mon fils, c'est que vous êtes sot. Vous devez assurément être bon lorsqu'il s'agit de résoudre des conflits d'intérêts, mais malhabile quand cela touche à l'honneur et à l'intégrité de quelqu'un. Je vous présume aussi fort bien loti, pour en négliger la valeur de l'argent en ces temps troublés. Certains d'entre nous doivent survivre avec quelques pièces une semaine durant, ou n'ont que le troc à offrir comme rétribution...

Bien qu'elle ne pensa pas à mal, son ton avait peut-être dégagé un sentiment de condescendance... Qu'elle était loin d'éprouver, mais elle seule pouvait le savoir. Enfin, après un instant durant lequel elle sembla réfléchir, Angélique plongea un regard chaleureux dans ceux de la pauvre victime et lui adressa un de ses sourires les plus radieux. Elle n'accorda plus la moindre attention aux hommes, auxquels elle pensait avoir tout dit. Ou bien presque.

▬ Et si nous essayons de retrouver leur acquéreuse, proposa-t-elle à Aeryn. Mais avez surement des choses de prévues... Vous souvenez-vous de quoi que ce soit la concernant ?

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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyMer 9 Juin 2021 - 10:31

Rabroué promptement par la prêtresse, le mercenaire à l'allure plus qu'imposante ne put que lui lancer un regard perplexe avant de se tourner vers sa sœur afin de s'assurer que celle-ci l'avait comprise. Pourtant, comme à son habitude, Kaël Monclar avait bien veillé à jouer avec les mots appuyant même sur certains pour marquer le sarcasme qu'il employait toujours. Heureusement, ce fait ne semblait pas avoir échappé à sa jeune sœur qui paraissait, malgré sa posture inconfortable, toute aussi surprise que lui. Pour autant, et cela ne lui arrivait que très rarement, la rouquine affichait un sourire amusé autant par la verve de la prêtresse que par la réaction de son aîné qui, pour marquer sa bonne foi, leva les mains bien haut, avant de s'écarter d'elle.

-Quel caractère, lança-t-il sur un ton railleur en se demandant si cette jeune femme n'était point aussi impulsive que sa sœur.

Le mercenaire croisa donc les bras, décidant de se mettre volontairement en retrait, curieux de voir de quoi cette jeune prêtresse pouvait être capable. Nul doute que les deux Monclar présents la trouvèrent plutôt amusante. Autant dans ses propos que dans sa posture, d'ailleurs, celle-ci se mit même à faire de grands gestes à l'image d'un barde qui cherchait à capter l'attention d'un public un peu trop distrait. Et la voilà lancée dans un monologue haut en couleur évoquant le sens de la justice ou encore celui, sans doute plus abstrait, du devoir.

Aeryn dû même se retenir de rire lorsque ce petit brin de femme vint tout bonnement frapper les mains des miliciens comme l'aurait probablement fait une mère à ses garnements. Du moins, il s'agissait bien là d'une image purement subjective pour la mercenaire qui n'avait pas eu la chance de connaître sa mère. Quant aux réprimandes de son père, celles-ci s'accompagnaient toujours de coups de bâton ou encore de fouet dont le souvenir marquait encore la peau blanchâtre de son dos. Comme elle trouvait bien gentillets les gestes de la prêtresse. Ceux-ci, d'ailleurs, n'en étaient que plus humiliants encore. La foule riait, comme si elle assistait à une représentation burlesque, de quoi faire rougir de honte les deux miliciens qui lâchèrent, finalement, les bras de leur captive qui s'empressa de les agiter à son tour afin de permettre à son sang de circuler librement.

Après s'être occupée du cas des miliciens, la belle se chargea du maraicher. Elle le remit également à sa place, d'une manière toujours aussi comique aux yeux des mercenaires, bien que douces et bienveillante. Il faut dire que, malgré son jeune âge, la prêtresse savait viser juste ce qui ne pouvait que déplaire à ses victimes de l'instant, dont Kaël semblait faire partie tant il en prenait pour son grade à son tour. Il était bien évident, aux yeux d'Aeryn, que les propos de son frère avaient été bien mal interprétés par cette soeur Angélique qui continuait à réprimander le mercenaire qui ne pipait mot, se contentant d'afficher une mine choquée et amusée à la fois. Voilà une scène bien cocasse à laquelle la rouquine ne pensait certainement pas pouvoir assister un jour. Et même si celle-ci avait toujours affirmé que Kaël se ferait un jour ainsi traiter par son épouse, à cause de son caractère bien trop doux, voir une si jeune femme parler de la sorte à son aîné se trouvait être si surprenante qu'elle en devint même hillarante. A l'entente du rire de sa sœur, l'expression de l'ainé des Monclar changea aussitôt pour l'observer avec un certain attendrissement que seuls les membres de sa famille pourraient trouver étrange. Aeryn ne riait que très rarement et plus du tout depuis leur départ du Labret après la dissolution de la compagnie. Il ne pouvait donc qu'être ravi de l'entendre de nouveau s'éclaffer de la sorte plus particulièrement dans une situation telle que celle-ci.

-Et bien, voilà qui clôt le sujet, je suppose, déclara Kaël en venant poser son bras sur les épaules tremblantes d'hillarité de sa sœur. Vous pouvez donc reprendre vos saines occupations messieurs. Comme l'a si bien suggéré Sœur Angélique, nous nous chargerons de rendre son bien à cette femme.

Les miliciens purement outrés et hautement contrariés d'avoir si bien perdu la face devant cette foule, ne demandèrent pas leur reste et reprirent leur chemin. Le maraicher, quant à lui, se retrouva bien embêté devant cette clientèle perdue. Les mercenaires auraient très bien pu se sentir désolés pour lui, or ce n'était nullement le cas, bien au contraire. Une fois le calme revenu, Aeryn troqua son regard adoucit par une expression plus sombre qui signifiait clairement :"je n'oublierai pas cela".

-Et bien, allons-y…Vous aussi, ma mère… ou ma sœur… ou ce qu'il vous plaira. Nous devons vous remercier pour cela. N'est-ce pas, p'tite tête ? lança-t-il à sa jeune soeur avant de lui ébourrifer la tignasse.
-Ouais… Mais lâche-moi, veux-tu, tu me files la nausée.

Loin de se vexer, Kaël s'éclaffa avant de relâcher la rouquine pour prendre une posture plus militaire, dernier vestige de leur vie passée en tant que soldats privés.

-Je me nomme Kaël Monclar, je suis le frère aîné de cette… tête brûlée. Si mes propos de tout à l'heure vous ont froissés, je tiens à vous présenter mes plus plates excuses. Il semblerait que vous les ayez… comment dire…
- Interprétés de travers… Ce grand dadet est loin d'être méchant, il essayait juste de prendre ma défense en les insultant à sa manière qui est bien différente de la mienne.
-Je suis un peu moins directe que toi, frangine.
- Peut-être, mais au moins, je suis nettement plus claire… Bon, si vous voulez vraiment rendre ces légumes à leur propriétaire, mieux vaudrait nous dépêcher avant qu'il n'en reste rien.
-Par où est elle partie?
- Par là, rétorqua la rouquine en désignant la direction du doigt. D'après l'état de ses vêtements, de celui de son panier et à en juger par la qualité de ses achatswje pense qu'elle se dirigeait vers les rues se trouvant au sud, ou à l'ouest peut-être.
-Vers le Labourg ?
-Possible, je ne me souviens jamais des noms des quartiers de cette foutue ville...
- Ryn… Ton langage... la coupa Kaël en lançant une oeillade en direction de la prêtresse comme pour lui rappeler sa présence.
-Oh… Pardon... bafouilla la mercenaire en portant une main gênée à l'arrière de son crâne.

Mais les choses se déroulant rarement comme l'on l'espère, la prêtresse se fit alors brusquement bousculer par un enfant qui semblait bien crasseux. Celui-ci s'excusa brièvement avant de détaler à toute vitesse dans la direction opposée à celle que la petite trouve devait emprunter. Kaël tendit alors la main à la jeune femme pour l'aider à se redresser avant de se racler la gorge…

- Décidément… Ces voleurs ne reculent devant rien. Celui-ci vient de partir avec votre besace, ma m... soeur…
-Le sale petit mer... grogna la rouquine avant de faire un pas en avant avec la ferme intention de rattraper le petit voleur.

Néanmoins, la rouquine n'eut guère la possibilité d'en faire plus puisque son aîné la retint d'une main sur l'épaule.

- Je m'en charge, c'est peut-être un voleur mais cela reste un enfant. Occupez-vous de la femme au panier percé, on se retrouve plus tard.

L'homme les abandonna ici, sans même se retourner.

-Je suis désolée pour ça .. Vous n'êtes pas blessée au moins ? Ne vous inquiétez pas, Kaël vous rapportera votre bien...



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyMer 9 Juin 2021 - 15:10


L'hilarité de la prénommée Aeryn perdura plusieurs minutes, tout comme celle des badauds encore à proximité, mais cela ne déstabilisa pas particulièrement Angélique qui parvenait à s'y habituer, à force. Il fallait bien admettre qu'à son âge, rabrouer des grands benêts comme elle le faisait ou parler comme certains prêtres doublement plus âgés qu'elle, prêtait plus à rire qu'autre chose. L'image qu'elle offrait était peu crédible, elle le savait. L'avait toujours sut. Mais tant que cela fonctionnait... Elle continuerait. Un problème venait de se résoudre, et une part d'elle espérait que ce fut grâce à elle et qu'ainsi, un jour, le monde deviendrait meilleur. Mais elle ne se berçait pas d'illusions, cela ne surviendrait pas de son vivant ; ni même jamais, mais rêvait ne lui coûtait rien.

Subséquemment, l'ambiance générale s'en retrouva allégée et chacun retourna vaquer à ses occupations avec une sorte rictus souriant sur le visage, ou riant encore franchement. A leur tour, les miliciens partir sans demander leur reste, et la sœur put enfin se détendre tant leur présence la mettait sous haute tension. La complicité entre les deux compagnons restés en sa présence lui tirèrent même un sourire, lequel se transforma soudain en rire. Pas un rire forcé, ni un rire moqueur ou malveillant... Seulement celui d'une jeune femme de seize ans avide de vie, de profiter des bons moments, libérée de son anxiété et soulagé que tout ceci se soit bien terminé. Essuyant une larme au coin d'un œil, elle s'empressa de répondre à l'homme.

▬ Angélique, cela m'ira tout à fait. Je ne pouvais simplement pas laisser ceci se produire. Pas sous mes yeux alors... Ne me remerciez pas ! Je vous en prie… J'ai bien cru que j'allais finir moi aussi dans leurs cellules, encore une fois, avoua-t-elle honteuse. Je vous dois également des remerciements.

L'homme se présenta alors. Son attitude changea subitement pour se faire plus solennelle, un peu plus rigide... De ceux ayant un passé martial. La prêtresse pris quelques secondes pour l'analyser avant de se dire que, finalement, il n'avait pas l'air mauvais –ni d'être particulièrement sot. Et tandis que les deux Monclar s'expliquaient, la rousse sentait une chaleur significative gagner ses joues, et ses oreilles. Toutefois elle ne baissa pas les yeux ; ce geste n'était guère dans sa nature.

▬ Je vous demande pardon, s'écria-t-elle, les interrompant. J'ai été odieuse ! Vraiment... Je vous adresse toutes mes excuses. Je... J'ai... Dans ma précipitation et mon élan... Je... Vous ai-je offensé ? Si c'est le cas dites le moi ! Je vous ai accusé à tord et mes propos... Par la Sainte Trinité. Qu'ai-je fais... Mais oui, nous devons nous dépêchez !

Puis tout se déroula vite. Trop. La rousse, trop concentrée sur les paroles d'Aeryn, ne vit rien venir. Elle n'eut pas le temps de s'exprimer, d'émettre le moindre son autre qu'un « Ah » surpris, qu'elle fut projetée en arrière. Et tout aussi prestement, elle saisit la main tendue de Kaël –probablement la première fois qu'elle tint la main d'un homme et, par les Trois, qu'elle était grande !– qui l'aida à se redresser et retrouver son équilibre.

▬ Merci, articula-t-elle faiblement en vérifiant que tout était en ordre.

Mentalement, la rousse n'était pas tout à fait de retour dans ses chausses ; physiquement, tout allait bien. Elle n'éprouvait aucune douleur et ne paraissait pas blessée, seulement légèrement salie et sa ceinture de travers. Le hasard faisant bien les choses, ce jour là du moins, elle réalisait l'absence de la besace à sa taille en même tant que sieur Kaël le lui en faisait la remarque. Une détresse vibrante dans son regard clair, la prêtresse cherchait autour d'elle, fouillant la foule à la recherche du malandrin.

▬ Angélique, souffla-t-elle distraitement, avec un temps de retard. Ce n'est...

Réalisant qu'il était parti, et déjà bien éloigné, la jeune femme laissa mourir la fin de sa phrase. Elle pria brièvement les Trois pour qu'il ne risqua rien ; nul ne savait jamais vraiment ce qu'il se tramait dans l'ombre des ruelles de Marbrume, et les enfants étaient rarement tout à fait seuls... Du moins, d'après sa propre expérience. Enfin, elle acquiesça à l'attention d'Aeryn qui s'inquiétait pour elle, et lui adressa un franc et grand sourire rassurant en se reprenant.

▬ Tout va bien, je vous remercie. Je suis désolée, je ne vous cause décidément que des ennuis... J'espère que votre frère ne rencontrera pas de problèmes ! Je ne voudrais pas qu'il soit blessé pour ça. Il n'y avait pas grand chose dans ma besace, fort heureusement. J'étais de courses pour le Temple, je n'avais donc pas d'achats sur moi...

Angélique fit un pas en avant... Puis jeta un coup d'œil anxieux en arrière, dans la direction où était parti Kaël Monclar. Les rues n'y étaient pas toutes sûres, loin de là. Et elle fut bien incapable de se rappeler si l'homme était armé.

▬ Porte-t-il seulement une arme, s'interrogea-t-elle à voix haute, avant de secouer la tête. Ce n'est peut-être qu'un enfant, mais qui sait quelle personne se cache derrière lui... Etes-vous à Marbrume depuis longtemps, dame Aeryn ? Et votre frère ? Désolée, ça ne me regarde pas ! Je ne veux pas me montrer indiscrète, ou entrer dans votre vie privée. Je me demandais juste... Vous avez dis ne pas vous souvenirs des noms des quartiers, ce qui m'a interpelé.

Tout en avançant, Angélique leva les yeux au ciel. Il était d'une couleur similaire à son regard, aussi voilé de tristesse et de morosité. Cela ne dura que peu de temps mais la prêtresse disparu pour ne laisser place qu'à une jeune femme seule, plus fragile que son frêle air ne pouvait même le laisser croire. Aussi rapidement que ce sentiment émanant d'elle était venu, il disparut, sans laisser la moindre trace ; si ce n'est l'évidence même de sa jeunesse, trahit par son visage et son corps tout juste formé.

▬ Moi, j'ai toujours vécu ici. Il y a quelques mois encore, pour échapper au Temple et aux clercs, je faisais le mur et vadrouillais ici et là... On ne le dirait pas toujours, mais même dans ses plus beaux quartiers, dans son cœur et ses entrailles, la gangrène atteint la cité. Elle n'est pas apparente comme ailleurs mais elle est là, partout, plus fourbe et malsaine qu'en bas... Mais je ne vous apprends certainement rien ! Je vous prie de m'excuser, j'ai tendance à divaguer... Et à beaucoup trop parler. Et poser des questions aussi. Avez-vous retenu un détail particulier à propos de cette femme, dame Aeryn, demanda-t-elle, changeant de sujet sans crier gare. Nous pourrions nous renseigner une fois parvenue au Labourg... Peut-être qu'avec une description, on l'y reconnaîtrait ? Alors nous pourrions lui rendre les légumes...

Tout aussi abruptement que son soudain changement de fil de conversation, Angélique se frappa le front. La gifle retentit, et laissa une trace rouge qu'elle massa en grimaçant.

▬ Comment ai-je pu l'oublier ! Les légumes... Ceux que j'ai ramassé, ils étaient dans mon sac !

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Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyMer 9 Juin 2021 - 17:27
Quelle gamine étrange elle faisait, cette sœur Angélique. Tantôt sûre d'elle, tantôt plus timide, réservée et atrocement maladroite. De mémoire, je ne me souvenais pas avoir déjà rencontré une personne comme elle ou alors peut-être l'avais-je tout simplement oublié, même si cela me semblait fort peu probable. Certaines personnes auraient pu la trouver attachante, je suppose. Après tout, elle paraissait faire partie de ces gens originaux, de ceux que l'on peut apprécier dès les premiers instants tant elle respirait la jeunesse et l'innocence qui allait de paire. Je ne suis pas comme ces personnes, je ne l'ai jamais été et ne le serai jamais et pourtant, quelque part, je la trouvais intrigante cette sœur Angélique.

Elle disait devoir nous remercier… Allez savoir la raison. Personnellement, j'étais bien incapable de comprendre ce que nous avions pu faire de si spécial pour que cela nécessite des remerciements de sa part. Elle affirmait avoir déjà terminé dans l'une des cellules de la caserne… Qu'avait-elle bien pu faire pour cela ? Quelques petits vols à la tire, sans doute. Je ne la voyais pas faire quelque chose de réellement répréhensible puisque je ne décelais pas cette petite lueur particulière dans ses yeux bleus. Qu'importe, cela ne me regardait absolument pas alors autant ne pas relever.

Et la voilà qui se met à bafouiller à cause d'un simple malentendu qui n'avait, finalement, que peu d'importance.

- C'est bon ! Y'a pas de quoi fouetter un chat, c'est déjà oublié, lui dis-je en espérant la voir cesser de s'agiter de la sorte. Elle avait beau paraître sympathique, elle n'en semblait pas moins épuisante.

Nous devions nous hâter alors autant ne pas nous attarder sur quelques détails aussi futiles que celui-ci. Néanmoins, les Trois ayant un humour toujours aussi particulier, si l'on peut qualifier cela d'humour et pas seulement un désir constant de me foutre des bâtons dans les roues. Voilà que notre quête se vit brusquement stoppée dans son élan déjà bien hasardeux par l'intervention d'un petit voleur. Tout s'enchaîna rapidement et bientôt Kaël s'élança à la poursuite de ce sale gamin. Mince… Je me retrouvais donc seule avec la petite prêtresse sans réellement savoir quoi lui dire… Je m'assurais au moins que celle-ci ne fut pas blessée, sait-on jamais. Elle ne semblait pas bien épaisse avec son corps frêle et juvénile dépourvu de muscles pour préserver ses os. Après tout, elle n'avait probablement pas eu de père comme le mien, obsédé par son désir de nous voir devenir plus forts … Bref… Elle allait bien mais manifestait déjà son inquiétude… Et elle la manifestait avec beaucoup de mots et surtout beaucoup de questions qui n'avaient aucun lien. Allais-je terminer cette journée avec une migraine ?

-Oula, tout doux. Ne vous inquiétez pas pour lui, il sait se défendre et doit avoir une lame ou deux sur lui. Nous n'avons pas pour habitude de sortir sans, affirmais-je en dévoilant ma propre dague accrochée à ma ceinture.Appelez-moi, Ryn, seulement Ryn. Pas de dame entre nous, je ne suis pas une dame… Nous sommes à Marbrume depuis un bon moment, mais je déteste cette ville alors je n'ai jamais pris la peine de me souvenir des noms de ces quartiers.

Qu'importe. Quelque part, ils se ressemblaient tous depuis que la fange avait semé misère et malheur derrière elle. Les grands n'étaient plus si grands maintenant, seulement des parasites vivant sous la bonne grâce d'un roi autoproclamé. Et pour les autres… Cela n'avait finalement pas changé grand-chose. Les miséreux restaient des miséreux tandis que les autres trimaient péniblement pour gagner leur croûte. Mais ça, je n'avais pas à lui expliquer et à la voir, je n'étais même pas certaine que mes paroles aient la moindre importance.

Angélique se remit à parler, beaucoup… Trop ? Allez savoir pourquoi elle semblait éprouver le besoin de me parler d'elle mais c'est ce qu'elle fit avec une aisance purement déconcertante. Mais au fond, ses paroles faisaient tout simplement écho avec mes propres pensées même si elle y ajoutait bon nombre de détails plus personnels avant de changer de sujet brutalement.

-La femme ? rétorquais-je, surprise, avant de comprendre qu'elle parlait de celle qui semait des légumes derrière elle. Blonde, joues sales de poussière, vêtements ternis, jupe marron, assez maigre, fatiguée. Elle courait après son marmot qui semblait tout aussi miséreux qu'elle. À en juger par les vêtements du mioche, ceux-ci avaient dû connaître bon nombre de propriétaires avant lui… Je suppose donc qu'elle doit avoir d'autres gosses...

Pourquoi les gens s'entêtaient donc à se reproduire lorsqu'ils peinaient tant à se nourrir ? Voilà une chose que je n'ai jamais réussi à comprendre. Je sais bien que c'était là une chose vivement encouragée par la Trinité, mais tout de même…

Mais, là encore, nous nous retrouvâmes stoppées dans notre marche par une nouvelle constatation d'Angélique. Les légumes ramassés se trouvaient dans sa besace… Ce à quoi je répondis par un profond soupir avant de m'asseoir par terre pour ôter ma botte. J'exposais ainsi ma seconde dague accrochée à mon mollet mais aussi la bourse minuscule que je dissimulais sous le cuir. Je ne possédais pas grand-chose mais peut-être avais-je de quoi acheter quelques carottes, navets et panais pour remplacer ceux se trouvant dans la besace de la prêtresse.

-hm...Mouais… Pas terrible... marmonais-je en comptant ma misère… Il était grand temps de trouver un contrat ou un travail, sans quoi il ne faudrait guère de temps pour que je finisse à la rue moi aussi. Bon… Ça devrait suffir, je pense.

J'enfilais ma botte et me relevais en époussetant mon pantalon. Puisque nous n'avions pas de temps à perdre, autant presser le pas. Ainsi entraînais-je la prêtresse avec moi autant pour la protéger que pour m'assurer qu'elle suive mon rythme. Je retournais donc vers le marché, pestant intérieurement à l'idée de recroiser le gros tas de lard… Heureusement, il n'était pas le seul à vendre des légumes et beaucoup pratiquaient des prix bien plus raisonnables que les siens. Je m'arrêtais au premier étal de légumes et achetais quelques misérablement victuailles avant de prendre le chemin du Labourg… Enfin, ce que je croyais être le bon chemin mais qui, à l'évidence ne l'était absolument pas puisque nous nous retrouvâmes aux abords du quartier de la milice.

-Euh… D'accord, c'était pas la bonne direction… J'ai pas un très bon sens de l'orientation en ville, ce qui a toujours fait rire mes frères d'ailleurs… Cela vous ennuierait de nous conduire au bon endroit ?

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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyJeu 10 Juin 2021 - 18:31


Un pied et demi plongée dans ses pensées, Angélique fouillait dans sa mémoire à la recherche d'une personne ressemblant à la description dressée par la seconde rousse... Mais rien ne lui vint en particulier. En vérité, le portrait établit était plutôt quelconque, commun. Tant de femmes y correspondaient ; une pauvre blonde avec beaucoup d'enfants, ça courraient presque les rues... Mais elle se retint de l'énoncer à voix haute.

Des années à courir et vagabonder dans les rues avaient rendu Angélique plus endurante et robuste qu'il n'y paraissait, aussi était-elle capable de marcher vite et tenir la cadence imposée par sa compagne d'infortune. En silence. Mue par une intuition, une évidence dont elle n'aurait sut expliquer l'origine, elle savait qu'elle ne devait pas traîner ; et elle comprit bien rapidement que se perdre en bavardages inutiles ne servait à rien. Aeryn Monclar semblait beaucoup de choses, mais certainement pas patiente, encore moins volubile. Toutefois, elle en avait la certitude, c'était une bonne personne. Qui se cachait sous des aspects bourrus, clairement ; qui l'ignorait ou le niait, peut-être, probablement. Mais elle n'ouvrit pas la bouche, pas plus qu'elle ne lui fit part de ses réflexions, respectant son silence –pour le moment.

Une bonne personne certes, mais dépourvue de sens de l'orientation. Cela lui sembla rapidement évident, à mesure qu'elles progressaient dans des venelles et ruelles, alors qu'Angélique essayait d'attirer son attention pour le lui faire remarquer. En vain. Son ainée devait être très concentrée, elle se laissa donc guider bêtement. Cette situation Aeryn admit, après assez peu de temps, sa propre lacune, ce qui tira un léger sourire à la prêtresse.

▬ Je le constate, en effet, affirma Angélique après avoir regardé autour d'elles, faisant fit de la rudesse de la Monclar. Nous ne sommes pas égarées très loin.

Toutefois midi approchait, à en juger la position du soleil. L'endroit serait rapidement submergé de miliciens, dont Béta et Bennêt qu'elle ne souhaitait revoir de sitôt. Ni d'autres, tout aussi peu intéressants. Les chemins praticables étaient absolument innombrables, mais le tempérament peut patient de sa camarade fit pencher la balance en faveur du plus rapide d'entre tous.

▬ Si nous prenons cette ruelle-là, désigna-t-elle du doigt après s'être retournée, nous juste à tourner à gauche une fois au bout. Ensuite, au mur de lierre, il suffira de prendre à droite et d'aller toujours tout droit pour arriver en plein au Labourg.

Sans attendre, et sans un regard en arrière, Angélique s'engagea dans la ruelle. La prêtresse marchait sur un rythme similaire à celui précédemment imposé par la Monclar, quoi qu'elle semblait légèrement sautiller ou rebondir à chaque pas... Difficile à dire. En tous cas, elle souriait avec une fausse désinvolture.

▬ Une mère de famille blonde, ça ne sera pas simple à trouver, même en demandant de l'aide, affirma-t-elle à voix haute, ni vraiment pour elle-même, ni n'attendant de réponse. Qu'elle soit maigre et fatiguée ne nous sera guère utile, personne ne s'est encore vraiment remis de la famine... Il y doit y avoir des centaines de femmes correspondant à ce profil. Au fait... Ryn. Que faites-vous dans la vie ?

Le silence l'indisposait, l'angoissait même. Depuis toujours. Elle se savait agaçante mais n'y pouvait rien ; elle avait toujours parlé à la Trinité alors, lorsqu'elle se trouvait en présence de quelqu'un, ne pas lui adresser la parole semblait inconcevable. Et puis l'ambiance avait quelque chose d'inconfortable, de gênant... Peut-être était-ce lié à la distance qu'Aeryn semblait vouloir conserver ? Dans tous les cas, Angélique sentait le besoin de briser ce fichu silence.

Toutefois la prêtresse interrompit ses babillages aussi rapidement qu'elle les avait commencé. Elle cessa tout, y compris d'avancer. Angélique ne pouvait l'affirmer mais, au devant, des hommes semblaient procéder à leurs petites affaires... Dont elle préférait tout ignorer, s'il s'agissait bien de cela. Les chances que ce ne soit que des amis lui semblaient nulles. Pourquoi troqueraient-ils dans une rue peu passante, à un endroit ombragé et peu exposé aux regards indiscrets, plutôt que chez les uns ou les autres ? D'autant qu'elle pensait distinguer des armes à leur ceinture. Ou bien son cerveau lui jouait-ils des tours ? Dans le doute, mieux valait rebrousser chemin !

Doucement et sans faire le moindre geste brusque, comme si cela l'intégrait dans le décor, elle fit demi tour et s'éloigna. Trop doucement, surement. Derrière la rousse, un cri retentit, suivit de bruits de talons claquant au sol au pas de course. Sans perdre un instant, elle s'élança, aussi vite qu'il lui était possible, agrippant la main d'Aeryn au passage pour l'attirer avec elle.

▬ A gauche, souffla-t-elle. On traverse une cour et un jardin. Le trou dans le mur... A droite.

Plus jeune, elle parvenait à s'extirper de certaines situation similaires mais rien ne lui garantissait que cela serait également le cas aujourd'hui ; d'autant plus qu'elle n'était pas seule. Angélique n'avait pas eu le temps de compter combien ils étaient... Et sa cape la gênait. Quelle journée de ...


Lancé de dés:

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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyVen 11 Juin 2021 - 15:33

Quand on a passé une bonne partie de sa vie la tête coincée dans un heaume avec un point de vue plus que restreint, il est bien difficile de développer le sens de l'orientation. Autrefois, lorsque les Monclar se déplaçaient, Aeryn devait se contenter d'observer le monde à travers deux fines ouvertures réduisant si grandement l’horizon que, pour ne pas se perdre, la jeune fille devait fixer le dos de la personne devant elle sans la perdre de vue. Mais les temps étaient bien différents, la fange n'existait pas encore et leurs assaillants étaient tout aussi humains et fragiles qu’ils ne l’étaient eux-mêmes. Et pourtant, malgré tout ce que la rouquine avait vécu, il lui arrivait encore de se sentir nostalgique de cette époque aujourd’hui révolue. Quelque part, même si totalement dépouillée de son libre arbitre elle la trouvait plus simple. Aussi, par crainte d’oublier ce passé, à la fois douloureux et rassurant, la jeune femme avait préservé cette cage de fer et la gardait toujours bien en vue dans sa chambre, tel un autel. Elle lui permettait de me souvenir de tout ce qu’elle avait perdu, mais aussi de tout ce qu’elle avait gagné depuis. Son identité, sa liberté, son honneur et sa conscience.

Mon sens de l'orientation étant ce qu'il est, nous nous retrouvâmes bien vite dans un lieu qui n'avait strictement rien à voir avec celui qui nous intéressait. Si d'autres personnes auraient pu se sentir honteuses pour une telle bévue, ce n'était nullement mon cas. J'assumais entièrement mon erreur et regrettais simplement de ne pas l'avoir constatée plus tôt. D'ailleurs, je me demandais bien pourquoi la jeune femme ne m'avait pas arrêté puisqu'elle semblait si bien connaître les lieux… Peut-être était-ce dû à mon attitude renfermée et le silence que j'imposais généralement, souvent sans même m'en rendre compte. Qu'importe, il n'était pas trop tard pour réparer ma bêtise et il semblait que je pouvais compter sur la prêtresse juvénile pour cela.

Je n'avais donc plus qu'à la suivre jusqu'à notre destination qui, comme elle l'avait annoncée, ne devait pas être bien loin… Néanmoins, si je pensais que ce silence apaisant perdurerait tout du long, je réalisais bien vite que ce ne serait nullement le cas. La gamine se mit à parler et ce que je pris d'abord pour une réflexion faite à voix haute se révéla être un début de conversation. Pourquoi fallait-il qu'elle pose sans cesse des questions ?

Ce que je faisais dans la vie… Bon sang, mais qu’est-ce que ça pouvait lui faire? Non pas que la question me dérangeait, à dire vrai, j’en avais même l’habitude puisqu’il semblait s’agir là d’un classique. Nom, profession… En soit, cela devait être important pour les autres, même si moi je me fichais bien de connaître ces informations là lorsqu’elle concernait mes interlocuteurs. Je ne revoyais pas la plupart, alors quelle importance ? Néanmoins, si quelques mois auparavant répondre à ses interrogations aurait été aisé, là, ce n’était plus le cas. Je ne faisais plus partie de la compagnie des Lames, ni d’aucune autre. Je n’avais plus honoré de contrats depuis des mois et ne faisait rien de plus… Ce foutu constat était réellement accablant pour moi puisque cela me faisait réaliser, plutôt brutalement, que je n’étais plus rien aux yeux de cette société. Pour autant, la gamine attendait une réponse et il me fallut réfléchir un instant avant de rétorquer :

-Je pense que l’on peut dire que je suis une sorte d’opportuniste… Autrefois, j’étais mercenaire, mes frères le sont encore…
Je n’ajoutais rien de plus, même si je me doutais que ma réponse avait de quoi paraître étrange. Les femmes d’armes n’existaient que depuis très peu de temps, pourtant, j’avais combattu toute ma vie, prenant les armes pour rejoindre les rangs de quelques seigneurs toujours plus désireux de s’enrichir sur le dos des autres. Cela, Angélique n’avait pas à le savoir et je ne tenais vraiment pas à m’étendre sur le sujet, surtout maintenant que je réalisais à quel point mon travail me manquait.

Et puis… La prêtresse cessa de parler et d’avancer, si brutalement que je ne pus que comprendre que quelque chose n’allait pas. Merde… A cause de sa question et des réflexions stupides que celle-ci avait engendré, je m’étais bêtement laissée distraire si bien que je n’avais pas remarqué la présence de deux hommes étranges… Des contrebandiers ? Possible. L’endroit était désert et suffisamment éloigné du quartier de la milice pour pouvoir s’adonner tranquillement à ce genre de petite affaire… Du moins, lorsque l’on ne voyait pas sa transaction contrariée par l’apparition de deux femmes qui n’avaient, visiblement, rien à faire ici. Angélique sembla vouloir rebrousser chemin, faire comme si elle n’avait rien vu… Je trouvais cela stupide, puisqu’il était évidemment trop tard pour cela… La gamine m’agrippa la main et commença à courir… Quelle perte de temps… Ils nous poursuivaient déjà et il fallait être sacrément bête pour ne pas s’en rendre compte. Si elle connaissait les lieux, eux devaient être capable de s’y balader les yeux fermés sans jamais se perdre.

-Arrête, lui ordonnais-je en envoyant valdinguer le vouvoiement et autre marque de respect que l’on devait s’imposer face à un membre du clergé. Cache-toi et ne bouge pas tant que je ne t’ai pas dit de sortir.

Je la laissais s’éloigner pour faire face à la ruelle où deux assaillants faisaient déjà leur apparition. Consciente qu’ils n’abandonneraient pas leur recherche par crainte d'être dénoncés, je n'avais pas d'autre choix que de les éloigner ou bien de les neutraliser. L'air impassible et la posture bien droite, je portais discrètement une main ferme dans mon dos pour saisir le manche de la dague. Je laissais ma main là, afin de ne point paraître trop agressive à leurs yeux bien que suffisamment imposante pour leur faire oublier la présence de la prêtresse.

-Tiens donc… Elles n'étaient pas deux ? lança le premier en prenant une attitude désinvolte trahissant une assurance bien trop démesurée à mon goût.
- C'est bien ce que j'ai vu, deux ravissantes petites sorcières aux cheveux couleur rouille.
-Alors… Dis-moi, ma belle, elle est où ta copine ?
-Garde tes mots mielleux pour quelqu'un d'autre, je ne vois pas de qui tu parles. Je suis seule ici, tu le vois bien, non?
-Et bien, jolie et de caractère, voilà qui me plaît bien… Pour autant, je suis certain d'avoir vu une autre rouquine… Je vais te le demander une dernière fois, où est-elle?
-Et moi, je te dis que tu dois avoir de sacrés problèmes de vue, répondis-je en guise de provocation.
- Arrête de jouer avec moi, tu pourrais finir blessée et ce serait vraiment dommage d'abîmer un si joli visage.
-Bof, tu sais ce qu'on dit, non ? Ce sont ceux qui en parle le plus qui en font le moins...

Il n'y a rien de plus simple que de provoquer un homme stupide, il suffit généralement de pointer sa virilité du doigt pour l'agacer. C'était une chose que je maîtrisais plutôt bien, et ce, grâce à mes frères et aux hommes de la compagnie, que j'avais eu grand loisir d'observer et de taquiner de la sorte. Allez savoir pourquoi cela leur est si cher… Mais qu'importe, l'important était que cela fonctionne.

- Je te conseille d'arrêter ça maintenant, sinon...
-Sinon quoi, hum? Tu vas appeler d'autres petits copains pour faire le boulot à ta place ? Tu parles, tu parles, mais finalement,tu ne fais rien du tout...

Voilà une provocation bien trop grossière pour fonctionner sur toute personne ayant un tant soit peu de jugeote. Heureusement pour moi, cette fois, il sembla que je me trouvais justement devant deux hommes si dépourvu d'intelligence qu'ils s'élancèrent l'un après l'autre sans même se poser de question. Les idiots, pourquoi ne pas m'attaquer en même temps pour m'empêcher de riposter ? Je devinais qu'aucun d'eux n'avait eu de formation martiale ou même de réelle expérience de combat. Allez savoir… Mais tant mieux, je n'eu qu'à esquiver le premier avant de lui donner un coup de manche sur l'arrière du crâne et désarmer le second pour mieux l'immobiliser au sol. Histoire de ne pas être embêtée d'avantage, je l'assommais également avant de me redresser et ranger mon arme. Je manquais cruellement d'entraînement et ne pouvais que me réjouir de n'avoir eu à faire qu'à deux imbéciles avec si peu de talent. Mais cela me fit prendre conscience que je devais rapidement me remettre en selle.

- C'est bon, tu peux sortir, lançais-je à la prêtresse. Mieux vaudrait nous hâter à présent. On ne sait jamais.


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AngéliquePrêtresse
Angélique



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyVen 11 Juin 2021 - 22:11


Docilement, Angélique gagna l'abris le plus proche : un porche, menant à des escaliers s'élevant vers une habitation, à en juger le balais et le tabouret aux côtés de la porte. Elle secoua la tête. « Ce n'est pas le moment de m'égarer ! » se rabroua-t-elle.

De son poste d'observation, tendue sur la pointe de ses pieds légèrement chaussés, Angélique regardait par-delà l'angle du mur. Dans la ruelle, Aeryn faisait front. Elle aurait pu ressembler à un héros de ces livres qu'elle prenait parfois dans la bibliothèque, quelques années plus tôt ; à la différence que les héros des contes demeuraient des hommes, et les femmes ne représentaient guère plus que la récompense qui leur était finalement due. Cependant l'image perdura plusieurs minutes, durant lesquelles elle se demanda une fois encore à quel point la prêtrise lui convenait ; manier les armes devait être si exaltant. Comme elle enviait Aeryn ! Mais à quoi bon s'appesantir ? Elle ne concevait pas être milicienne à cause de sa peur des Fangeux, et le mercenariat ne lui semblait guère plus enviable. Son sort était décidé.

Elle les entendait parler. Leurs voix lui parvenaient mais elle n'en discernait pas les paroles, à son grand regret. Bien que léger, le vent soufflait tout juste assez pour les couvrir, ou les porter loin de ses oreilles curieuses. De son côté elle aurait volontiers cherché de l'aide... Mais n'osait bouger, de peur de contrarier la Monclar. Son caractère, du peu qu'elle en percevait depuis quelques heures en sa compagnie, ne devait pas être des plus faciles. Loin de là. D'ailleurs, vu la verve dont elle avait fait preuve le matin même sur le marché, Angélique ne doutait pas un seul instant qu'elle lançait aux deux hommes quelques insultes pas piquées des hannetons, et d'autres provocations hautes en couleur. Non, assurément, la jeune femme s'en sortirait seule.

Les yeux écarquillés, se mordant les lèvres pour ne pas crier, la prêtresse ne pouvait que contempler l'assaut des deux hommes... et la facilité déconcertante avec laquelle Aeryn s'en débarrassa lui tira un petit hoquet de surprise rapidement étouffé derrière ses deux mains. Un coup chacun, seulement ! Puis, son sens de l'équilibre la trahit et Angélique tomba, s'étalant de tout son long sur le sol. Aussitôt sur ses pieds, elle couru vers Aeryn sur qui elle dardait des yeux brillant d'admiration.

A sa hauteur, elle hocha de la tête avant de se pencher par dessus les hommes. La prêtresse, qui oubliait visiblement son statut, soulagea le premier de sa bourse au renflement important ; puis du second, dont la fouille lui demanda légèrement plus de temps tant il possédait de poches et de sacoches. Elle lui arracha la besace qu'il portait en bandoulière avant de la passer sur ses propres épaules, y glissa tous les butins si déloyalement gagnés auxquels elle ajouta un pendentif à l'aspect couteux habilement subtilisé. Si Aeryn eut une quelconque réaction, elle n'en vit rien, trop occupée à ses petites affaires.

▬ On les laisse là, demanda-t-elle finalement tout en comptant les pièces si outrageusement acquises. Peu importe, allons-y !

Angélique reprit sa route. Son expression ne différait en rien d'à l'accoutumée, si ce n'était peut-être ce léger sourire mutin qui étirait ses lèvres roses. Elle devançait Aeryn de sa démarche sautillante de joyeuse enfant. Elles revinrent sur leurs pas, dépassèrent le lieu d'échange des deux gredins étalés dans la boue où elle jeta un bout de chiffon, puis reprirent l'itinéraire initialement prévu comme si de rien n'était. Puisqu'elle comptait, fouillait sa nouvelle sacoche, s'extasiait devant quelques objets dont elle ignorait strictement toute l'utilité, la jeune rousse n'ouvrit pas la bouche. Seuls quelques murmures approbateurs ou exclamations de surprises en franchissaient parfois la barrière. Elle n'accordait pas une once d'attention à leur trajet : ses pieds et la force de son instinct les guidaient et elle évitait les flaques d'eau et de boue par réflexes. Enfin, l'inventaire de son trésor totalement dressé, elle tendit une bourse de cuir rouille à sa compagne.

▬ Votre part, Ryn s'expliqua-t-elle en la mettant de force dans les mains de la rousse. Voyez ça comme un remerciement de leur part pour leur avoir laissé la vie. Ou une rétribution de ma part pour m'avoir protégée, ou une offrande à adresser aux Tous Puissants en leur nom, ou payez-vous une choppe...

Sur ses derniers mots, Angélique haussa les épaules. Après quelques nouvelles enjambées, elle s'arrêta. La frontière impalpable du Labourg était là, juste devant elles, et l'atmosphère qui s'en dégageait n'avait rien de comparable à celle de Bourg-Levant. Elles y étaient parvenues, sans autres mésaventures cette fois.

▬ Dites-moi l'ami, héla-t-elle un vieillard, un sous bien en évidence dans sa main pour capter son attention. Auriez-vous vu, il y a moins d'une heure, une femme blonde avec son enfant revenir du marché et passer par là ? Ca nous aiderait beaucoup...

▬ Faites voir ça, bougonna-t-il d'une voix rocailleuse.

Doucement, presque avec tendresse, la prêtresse déposa la pièce dans la main de l'homme. Il la leva à hauteur de son visage, devant ses yeux qui louchèrent dessus, avant de la glisser dans sa botte –ou ce qui en fut une jadis– l'air satisfait.

▬ J'ai pas vu, déclara-t-il en se grattant la peau du cou, où une barbe drue d'un vilain gris poussait. En r'venche, y s'pourrait bien que j'connaisse quelqu'un qui y r'semble un peu. Elle habite à trois rue d'ici, par là-bas. Vous pouvez pas l'rater, y'a t'jours plein de gosses d'vant chez elle. Si vous y'allez, dites l'y donc que l'Raoul l'y passe le bonjour.

▬ Merci Raoul, votre aide nous sera certainement précieuse. Puisse les Trois veillez sur vous.

La prêtresse lui glissa une piécette supplémentaire dans les mains, ne prêtant pas la moindre attention à ses paroles, avant de se tourner vers Aeryn. Il avait indiqué, d'un vague geste de la main, l'une des minuscules venelles s'enfonçant dans les profondeurs du Labourg. Se mordillant l'intérieur de la joue, Angélique cachait son malaise comme elle pouvait.

Le sort en est jeté ::

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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyDim 13 Juin 2021 - 10:44
Les intrus neutralisés pour quelques minutes, nous n'avions plus qu'à reprendre notre route. La prêtresse ne tarda pas à répondre à mon appel et sortit de sa cachette. Néanmoins, ce qu'elle fit en voyant les deux hommes inconscients me laissa sans voix. Je la vis fouiller les corps, récupérer tout ce qui pouvait avoir un tant soit peu de valeurs avant de se relever avec une nonchalance bien perturbante. Quelle étrange prêtresse… Je ne savais rien d'elle et pourtant il était plutôt aisé de comprendre que cette gamine devait se trimballer un passé compliqué. Je trouvais cette attitude très étrange, je ne la jugeais pas pour autant, la trouvant seulement plus humaine que la plupart de ces gens du Temple qui osaient se prétendre irréprochables. Elle, au moins, même si elle se comportait comme une enfant des rues à l'attitude trop nonchalante à mon goût, ne semblait pas prétendre à cette perfection bien hypocrite.

Je marchais derrière elle, à grands pas, pour ne pas la perdre de vue. Elle sautillait partout tout en prenant grand plaisir à admirer le résultat de son larcin. Je la laissais faire sans rien dire, me contentant de soupirer en sentant poindre une vilaine migraine. En revanche, lorsqu'elle me tendit ce qu'elle m'annonça être ma part, une sorte de paiement grotesque qui n'avait pas lieu d'exister, je ne pus m'empêcher de faire un mouvement de recul.

- Sans façon, dis-je en repoussant la bourse crasseuse. Je n'ai pas pour habitude de l'accaparer ce qui ne m'appartient pas. Donnez donc ça aux orphelins du Temple, ils en ont plus besoin que moi...

Ce n'était qu'un simple constat et non une attaque personnelle sur son comportement que beaucoup jugeraient répréhensible. Après tout, nous en étions tous au même point. La fange privait les riches de leurs revenus et les pauvres d'une source suffisante de nourriture. Les routes n'étaient plus sûres entre Marbrume et le grenier du Morgestanc et, nous avions tous besoin de manger. Je pouvais très bien gagner ma croûte alors autant donner la possibilité à ces marmots de manger sans avoir besoin de voler.

Elle haussa les épaules et reprit sa route jusqu'à ce que nos pas nous conduisent jusqu'au centre de la misère urbaine. Les pavés avaient laissé place à la terre battue, rendue humide et nauséabonde à cause des nombreux pots de chambres vidés au même endroit. La gamine arrêta un habitant, laissant apparaître la promesse d'une récompense en échange d'une information. Une bien maigre information, il fallait bien l'avouer. Mais après tout, des femmes comme cette inconnue, la cité en accueillait toute une floppée. Mais au moins, nous avions un début de piste qu'il aurait été stupide de ne pas exploiter. La prêtresse remercia le vieillard, j'en fis de même en baissant légèrement la tête.

-Et bien, allons-y, lançais-je avant de prendre la route que ce Raoul nous avait indiqué en semblant ne pas prêter la moindre attention à l'attitude d'Angélique.

- Évite de montrer ta peur, ça te rend encore plus intéressante aux yeux des brigands, lui dis-je une fois seules avant de porter une main vers ma botte pour en tirer la dague qui s'y trouvait. Garde-là dissimulée sous ta cape, toujours une main dessus. Et si jamais tu te retrouve dans l'obligation de l'utiliser, n'hésite pas et fait le.

Je plaçais la lame dans sa main avant de reprendre ma route. La ruelle était sombre, étroite et d'une saleté indescriptible. Quelques caisses et tonneaux éventrés s'entassaient ça et là rendant le passage encore plus étroit. Je n'aimais pas cela, ces obstacles pouvaient aisément être utilisés comme cachette. Et comme pour matérialiser mes impressions, un gamin crasseux au regard trop mature pour son âge atterrit juste devant nous. Qu'importe son âge et sa carrure filasse, il pouvait être tout aussi dangereux qu'un adulte, aussi portais-je une main dans mon dos pour empoigner ma dague sans pour autant la dégager de son étui.

-Qu'est-ce que tu veux ? grognais-je.
-Hey, je suis gentil m'dame, dit-il en levant les deux mains en l'air. J'ai entendu c'que la dame derrière a dit à pépé. J'crois savoir qui vous cherchez. J'peux vous l'dire si vous m'donner un p'tit quelqu'chose comme à pépé.
-Ils sont où tes copains? rétorquais-je en observant avec une grande méfiance, les caisses, les tonneaux, les toits. Tout.
-J'vois pas de quels copains vous v'lez parler, m'dame, répondit-il en affichant un sourire bien trop espiègle pour être rassurant.
-Oh que si tu sais...
-Vous v'yez bien que j'suis tout seul, non ?Bon… Vous v'lez mon aide ou pas ? J'connais tout l'monde ici, j'peux vous aider, mais faut m'donner une pièce ou deux. Les temps sont durs, vous savez... il se pencha légèrement sur le côté afin de me contourner et mieux observer Angélique derrière moi. Allez… Je sais qu'vous êtes sympas vous.
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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyDim 13 Juin 2021 - 21:49


Aeryn ouvrit la marche, la prêtresse la suivait de près. Elles s'arrêtèrent plusieurs pas plus loin, juste le temps nécessaire à la mercenaire pour lui remette une dague et formuler quelques brèves instructions de circonstance auxquelles Angélique ne répondait que par des hochements de tête entendus. « Une main dessus. Pas hésiter à l'utiliser. » s'encourageait-elle mentalement alors que le contact de l'arme, bien empoignée et cachée sous sa cape, la rassurait juste assez pour adopter une attitude mesurée. Elle lui adresserait ses remerciements plus tard, quand elle lui rendrait son bien, lorsqu'elles seraient sorties de ce beau tas de crottin dans lequel elles s'engageaient.

Et elles s'y engageaient, assurément. Sans la présence de la mercenaire, bien plus expérimentée qu'elle, la jeune fille aurait déjà déguerpit à toute jambe dans le sens opposé. Angélique portait ses yeux sur tout ce qu'elle percevait, des taudis appelés habitations aux débarras omniprésents, faisant juste assez attention à son environnement pour ne pas marcher dans des excréments. Des murs s'effondraient, des toits entiers manquaient parfois, des immondices jonchaient chaque rue et chaque recoins, et certains abris n'étaient guère plus que planches grossièrement assemblées. La jeune fille déglutit : elle cru même apercevoir du sang, mais préféra ne pas y penser. En dehors des rats menant leur vie sans même se soucier d'elles, elle ne remarquait aucun animal, pas même des oiseaux. Quelle tristesse... Grâce à ce curieux endroit, elle mesurait un peu mieux la chance qu'elle avait eut, de grandir au Temple. Toutefois elle ne s'en réjouissait pas : le fait que certains dussent vivre dans de telles conditions l'en empêchait tout bonnement. Cela l'horrifiait. Comment pouvait-on laisser des gens vivre ça ?

Mais revenons-en a nos morpions ! Dans cet enfer brun, un éclat qui n'y avait pas sa place attira son regard : quelque chose à la couleur blonde dont elle ne savait définir la nature, derrière deux tonneaux bien debout et alignés. D'étranges sensations attiraient également son attention, et elle ne s'en préoccupa plus. Le sentiment d'être épiée qui ne l'avait quitté depuis leur entrée dans le Labourg mais elle se faisait plus insistante, insidieuse depuis leur premier pas dans la ruelle. Puis elle avait l'impression que des choses bougeaient, se déplaçaient, mais s'en réellement les voir... La prêtresse cru devenir folle, ses sens ainsi en éveil et exacerbés au moindre mouvement et bruit qu'elle percevait.

Soudainement, un gamin apparut devant elles, comme par enchantement. Malgré elle, prise au dépourvu, Angélique sursauta. Elle se mordit la langue pour retenir le hoquet de surprise qu'elle manqua lâcher, et ne pas porter la main à son cœur affolé. Les paroles d'Aeryn lui revinrent aussitôt en tête. Elle pressa sa main, la droite qui tenait fermement la lame, contre la sacoche à l'abris du regard sous la cape. « Pas hésiter à l'utiliser. » psalmodiait-elle mentalement en analysant la situation. Angélique lui accorda un bref regard. Son apparence à l'image des lieux, le situait dans un équilibre précaire entre deux âges : une expression trop mature pour être parfaitement celle d'un enfant dans un corps bien trop malingre pour correspondre à celui d'un adolescent. La crasse le couvrait tellement qu'elle lui faisait comme une seconde peau, et rendait impossible de discerner jusqu'à la couleur de ses cheveux.

Elle écoutait l'échange entre la mercenaire et ce dernier d'une oreille distraite ; la prêtresse laissait volontiers Aeryn se charger de la conversation et des négociations. Pour sa part, elle se concentrait sur la recherche des autres garnements en essayant de rester la plus naturelle possible : un exercice particulièrement compliqué. D'après son expérience –et par simple logique mais ne nous égarons pas– un gamin ne montait jamais une embuscade seul. Elle supposait même qu'en ces lieux, un enfant ne restait jamais seul. Des complices se cachaient forcément... Où ? Combien pouvaient-ils seulement être ?

« Qu'aurais-je fais, moi ? » Son regard gris et perçant se portait à une vitesse prodigieuse sur les toits, les coins des maisons, sous les escaliers et dans les interstices des rares volets présents à quelques fenêtres, les caisses renversées sous lesquelles il était aisé de cacher un petit corps... Elle repensait également à tas d'immondices plutôt imposant, derrière elles, grouillant de rats et certaines d'autres choses dont elle préférait ignorer l'existence. Tant d'endroits possibles. Puis les deux tonneaux parfaitement alignés comme un rempart, et l'éclat blond qui pouvait, après réflexion, appartenir à une chevelure, revinrent à son esprit. Devant Aeryn, le gamin se penchait pour l'observer à son tour.

▬ C'est un grand tord de se fier aux apparences, mon garçon, lui répondit-elle en plongeant ses yeux dans les siens. Tout comme de vouloir s'en prendre à une prêtresse. Le vieillard nous a déjà une donné une information de grande valeur, qu'est-ce qui te fait croire que ton aide nous est indispensable ? Qu'elle vaut autant ?

L'enfant ne semblait pas s'attendre à cette réaction ; sans doute l'eut-il cru plus bienveillante et crédule... D'un mouvement aussi rapide qu'agile, la ruelle étant assez étroite pour lui permettre de parcourir la distance d'un seul bond, Angélique saisit le bras d'une gamine à l'abri des tonneaux et l'attira brusquement au milieu de la venelle avant de s'emparer de la fronde dans ses mains. Elle reprit alors son souffle, qu'elle retenait sans s'en être rendue compte. La prêtresse ouïe un petit cri sur sa droite, en provenance du coin d'une maison qu'elle pointait à présent du doigt. « Trois » compta-t-elle.

▬ Sort de là, ordonna-t-elle fermement.

« Derrière ! » La jeune femme entendait une sorte de frottement ou de raclement. Angélique tourna la tête, décelant au passage un gamin sur un toit. « Quatre. » Elle le discernait mieux ainsi, entre les sanglots hoquetant de la petite tête blonde qui se cramponnait maintenant au gamin de tête. C'était le son que produisaient les frottements de tissus contre des surfaces rugueuses ; des bras, peut-être, contre les murs des maisons. « Cinq. » La dague coincée par les moyens du bord entre deux doigts et sa paume, la prêtresse arma la fronde et la tint prête à tirer. Les signes qu'elle captait portaient à croire qu'ils n'étaient pas une dizaine, en admettant qu'ils fussent deux sur les toits et deux ou trois en arrière pour empêcher toute retraite... Mais elle pouvait tout à fait en avoir raté d'autres.

▬ Vous êtes quoi... Six ? Sept, tout au plus ? Sortez-tous de là, rectifia-t-elle en mettant en joue le chef de la bande, qu'elle fixait sans ciller, retrouvant les sensations grisantes de son enfance passée à fureté dans les rues. Crois-moi garçon, je sais m'en servir, et je ne suis pas assez gentille pour ne pas oser. Mais je veux bien marchander si vous vous montrez tous. Vous escortez où nous voulons aller, en échange, vous obtiendrez de quoi subsister pour vos familles, vos amis, et vos voisins. Affaire conclue ?

Angélique était tendue. Elle accorda un bref coup d'œil à la mercenaire. Pourrait-ce être si simple ?

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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyLun 14 Juin 2021 - 21:28
Je n'ai jamais été spécialement naïve, sans doute parce que nous raconter des contes de fées grotesques ne faisait pas partie de l'éducation de mon père plus coutumier des coups de fouets. Par conséquent, je n'ai jamais développé ce besoin de rêver, de m'imaginer des choses surtout de manière utopique. Je n'ai jamais vu les enfants comme des êtres innocents, surtout lorsque je constate ce dont j'étais moi-même capable à leur âge. Si la vie, nos expériences, nous forgent, l'instinct de survie lui, fait de nous des êtres capables de tout simplement pour pouvoir vivre ne serait-ce qu'une journée de plus.

C'est donc ainsi, en voyant la réaction de la prêtresse face à ces gamins que je réalisais que son propre instinct avait été façonné de façon plus efficace que le mien. Je ne savais rien de ce qu'elle avait pu vivre durant son jeune âge. D'ailleurs, pour être parfaitement franche, je n'en avais strictement rien à faire, jugeant que cela ne me regardait pas. Mais le fait est que je restais purement et simplement bouche bée devant cette gamine, à peine plus âgée que ces gosses des rues, les menaçant dague en main et sourire carnassier aux lèvres. Comme quoi - et je devrais être très bien placée pour le savoir - il est purement stupide de juger une personne sur son apparence.

-C’est bon, sors de là, Etienne, ordonna le blondinet qui semblait être le plus âgé de la bande.

Le fameux Etienne ne tarda pas à obéir… Bon sang, il était si petit, si frêle avec ses boucles brunes et ses joues creuses que je ne lui donnais pas plus de quatre ou cinq ans.

-Bon sang, mais où sont vos parents? demandais-je, choquée.
-Qu’est-ce que ça peut vous faire ? rétorqua-t-il en affichant un air de défi qui n’était clairement pas de son âge.


Non, il semblait beaucoup trop mature pour un gosse. Comme si… Oui, comme si ce dernier ne pouvait pas compter sur les adultes… Comme s’il était seul… Comme s’ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. Des orphelins ? Des enfants d’ivrognes ? Allez savoir…

-Tu as raison, cela ne me concerne en rien… La prêtresse t’as posé une question, je pense que tu devrais y répondre, elle n’a pas l’air de plaisanter.
-Ouais...J’vois ça, pouffa-t-il avant d’ajouter.T’façons, j’suis pas vraiment étonné. On l’sait nous, ici, que les gens du Temple ne sont que des hypocrites.
-On n’est pas là pour polémiquer sur le sujet… Alors, vous nous escortez ou non ?
-Ouais...V’nez. J’crois savoir qui est cette femme que vous cherchez, lança-t-il avant de nous ouvrir la marche.Elle s’appelle Clotilde. Elle est veuve, son mari était un soldat avant d’se faire bouffer avec l’armée. Elle vit seule avec ses huits gosses...
-Non, sept, le corrigea une petite blonde avant de venir lui tenir la main.Gautier est mort de la fièvre le mois dernier...

Un silence pesant s’installa aussitôt. Qui pouvait seulement vouloir l’ouvrir après cela ? Pour ma part, même si je veillais à maintenir mon air froid et impassible, je n’en étais pas moins touchée par tout ceci. Tout, autour de nous, n'était que crasse et misère. Évoluant derrière eux, afin de fermer la marche tout assurant nos arrière, j'avais tout le loisir d'observer ses enfants. Ils étaient si maigres que l'on voyait leurs os. Leur peau était si pâle que, leur regard si cerné qu'on aurait pu les croire malades… Peut-être l'étaient-il, finalement. La gamine blonde à l'avant marchait même pieds nus… Je ne l'avais pas remarqué dès le départ à cause de la saleté qui recouvrait sa peau couverte de bleus et d'éraflures… Ce n'était pas la seule d'ailleurs, l'un d'eux arborait même un cocard qui, d'après sa couleur, devait dater de quelques jours. Je savais que les gamins pouvaient être cruels entre eux. Mes frères ne faisaient pas exception et je me souvenais parfaitement de la brutalité de leurs coups… Néanmoins, je savais pertinemment qu'ils ne m'auraient pas cogné avec une telle hargne sans que mon père leur en ait donné l'ordre…

Y avait-il donc un adulte derrière tout cela ? Ces enfants nous conduisaient-ils vraiment vers cette fameuse Clotilde ? Je commençais à en douter sérieusement si bien que, par instinct, je resserrais ma prise sur le manche de ma dague. Nous arrivâmes à une intersection reliant deux petites ruelles entre elles…Il serait bien aisé à un ou deux adultes de se dissimuler à cet endroit… J'observais les enfants, certains baissèrent la tête… je me précipitais en avant afin rejoindre la prêtresse et lui empoigner le bras pour la faire reculer derrière moi au moment même où un homme au visage balafré bien trop familier à mon goût allait se jeter sur elle. J'évitais le coup de justesse en reculant brusquement. L'homme me faisait face avec un couteau émoussé taché de sang… De sang frais…

Impossible de ne pas deviner à qui il appartenait. Je sentis la douleur même si elle était bien trop légère pour que la blessure soit grave. Pour autant, ce n'était pas vraiment le bon moment pour vérifier. L'intru me menaçait encore, même si pour l'instant il se contentait de nous observer… Les plus petits allèrent se placer derrière lui sans nous lancer le moindre regard… Ils avaient honte, cela pouvait aisément se lire sur leurs visages… Ainsi, nous nous retrouvâmes devant le croc-mitaine en personne.

- Évidemment… Je te savais lâche mais peut-être pas au point d'utiliser des orphelins, grognais-je en invitant la prêtresse à se reculer plus encore.
-Faut bien gagner sa croûte, Monclar. Où sont donc tes frangins ? Ivaad est encore au bordel, je suppose ? Depuis la mort de votre paternel, ce type-là ne vaut plus rien . Enfin, tu lui passeras le bonjour quand même, hein ...Du moins, si tu repars d'ici en vie et tu commences plutôt mal ta visite dans les "beaux" quartiers.

Il pointa sa lame dans ma direction, désignant ainsi la blessure ridicule qu'il venait de m'infliger. Vu la douleur et sa manière de tenir son arme comme un vulgaire boucher, je devinais qu'il ne s'agissait-là que d'une entaille. Trois fois rien en soi, mais cela risquait de me gêner pour travailler… En admettant que je réussisse à dénicher un contrat, ce qui n'était pas gagné.

-Je n'ai pas peur de toi, Bertrand, ce serait t'accorder bien plus d'honneur que ce que tu mérites.
-Oh, mais je ne parlais pas de ça, voyons. Je ne vais pas te faire de mal, nous sommes de vieux amis après tout… En revanche, dans ce coin mal famé, qui sait sur quoi ou qui vous allez tomber… Tu sais bien que la misère est mauvaise conseillère, Monclar… Mais je peux vous protéger, si vous y mettez le prix.
- Sans façon… Nous allons nous débrouiller...
- À ta guise… Mais fais attention à ne pas te vider de ton sang… Il paraît qu'un érudit du coin, un illuminé, payerait bien pour un cadavre bien frais… Ça pourrait donner des idées à certains… Qu'en penses-tu, gamine ? T'es pas aussi bête que cette fille, toi, hein. Tu sais que c'est dangereux pour deux femmes seules dans le coin… Tu devrais lui faire entendre raison à cette tête brûlée.



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Angélique



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyJeu 17 Juin 2021 - 17:39


Était-ce réellement si simple ? Angélique, en tête de file au milieu des enfants dont certains ne lui arrivaient pas à la taille, écoutait attentivement leurs paroles. Son regard glissait sur eux, à tour de rôle, essayant d'en graver les détails physiques dans sa mémoire ; celui-là arborait énormément de tâche de rousseur, un autre avait des oreilles décollées auxquelles il manquait d'ailleurs un morceau à la gauche, puis ce dernier ne disposait que de quatre doigts à sa main droite, courts et malformés. En dehors de cela, les six marmots étaient similaires : ils étaient si maigres que leurs os saillaient par endroit, bien trop petits pour faire leur âge et leur corps couverts de bien trop nombreuses blessures pour des enfants... La prêtresse doutait presque pouvoir les briser de ses propres mains. Et s'ils se ressemblaient, ils n'avaient toutefois aucun air de famille apparent... Des orphelins ? Devait-elle les emmener à l'orphelinat du Temple plutôt que leur amener de la nourriture, comme elle pensait ? Leurs paroles et leurs attitudes trahissant la dureté de la vie qu'ils menaient, et côtoyaient chaque jours, faisaient sens avec ses propres pensées.

La fillette prit à son tour la parole, rectifiant les propos d'un gamin... Et jetant un froid à l'ensemble de la petite procession qu'ils faisaient. Comment rester de marbre face à ces propos ? Même Angélique, pourtant un bien piètre modèle de compassion et de sensibilité fut touchée par les paroles. « Pauvre femme... Sainte Trinité qui a rappelé à toi tes enfants, accorde ta bienveillance et ta compassion à leur famille, qu'ils surmontent ces épreuves et n'aient pas à en traverser d'autres si tragiques en ces temps déjà bien sombres. » pria-t-elle intérieurement avant de se signer pieusement. A cet instant, elle mesurait combien ils étaient peu de chose... Fragiles, faibles et misérables. La flamme d'une bougie, vacillante, prête à être soufflée par les Dieux.

Le trajet commençait à lui sembler long. Pourtant, jusqu'à présent, la petite troupe suivait l'itinéraire indiqué par le vieillard. Bien qu'en partie perdue dans pensées, Angélique restait sur un qui-vive relatif ; pas autant qu'elle ne l'aurait dû, mais elle demeurait vigilante. Ses yeux effectuaient des navettes entre les deux côtés de la ruelle, les toits accessibles, des poteaux délimitant une arrière cour miteuse, une charrette abandonnée dont il ne restait qu'un vestige de carcasse... Puis de temps à autres elle jetait un regard à Aeryn, dont la simple vue suffisait à l'apaiser, la rassurer. Légèrement. Très légèrement. Bien à l'abris des regards sous sa cape, ses mains restaient crispées sur la dague et la fronde déjà armée et prête à tirer. La jeune femme agissait par réflexe, instinct de survie et bon sens inné dans un endroit si peu hospitalier, plus que par réelle conscience et volonté. Ses épaules et son dos tendus la faisaient souffrir mais elle se taisait. Au fond, elle sentait que quelque chose n'allait pas. Qu'avait-elle pu omettre ? Le vieillard était-il de connivence avec les enfants ?

Mais c'était trop tard. Avant que la prêtresse n'ait compris quoi que ce soit, sans qu'elle put même retenir un cri de surprise, Aeryn s'était interposée et fut blessée. Son regard gris, sous ses sourcils froncés, détaillaient la scène, allant des enfants qui se réfugiaient honteusement derrière un homme, à celui-ci : leur agresseur. Son visage hideux de balafré lui paraissait s'accorder à merveille à son caractère, et l'arme à sa main ; un couteau émoussé mais non moins dangereux. Il restait en garde, prêt à agir, respirant le danger... Une forme d'arrogance, peut-être ? Rien qui ne puisse rassurer une Angélique aux nerfs mis à rude épreuve tout au long de la matinée. Son visage nubile s'était vidé de toute couleur. Son corps se faisait raide. Elle avait peur, mais surtout, elle bouillait de rage et d'impatience.

▬ Merci... J'aurais du faire plus attention. Quelle bécasse je suis. C'est une connaissance à vous, Ryn, je présume ? Est-ce que toutes vos connaissances sont aussi charmantes , lâcha-t-elle d'une voix trop aiguë en reprenant ses esprits.

Presque collée à elle, la prêtresse examinait Aeryn dont elle admirait le courage et... En soit, tout de sa personne et de l'impression qu'elle lui donnait dans la situation à laquelle elles faisaient face. Elle faisait figure de modèle aux yeux de la jeune femme, combative, pleine d'assurance et de volonté... Tout ce qu'elle n'était pas, et aurait aimé être. A la place, elle n'était qu'une petite prêtresse effrontée à la recherche de la blessure subit par la mercenaire, afin d'en constater la gravité. Vu l'attitude de sa rousse compagne, cela ne devait être guère grave mais qu'importe... Il fallait qu'elle s'en assure, de ses propres yeux. Elle l'avait reçu à sa place, en la protégeant. Angélique lui était redevable.

Aeryn et le voyou échangèrent quelques paroles, des hostilités et divers avertissements qui chauffaient dangereusement les oreilles de la jeune femme. Par sécurité, elle observait autour d'eux, sondant les ténèbres et scrutant chaque recoin à porté de son regard. Était-il seul ? Elle avait déjà fait l'erreur de trop relâcher sa vigilance, elle ne la commettrait pas une seconde fois en l'espace de si peu de temps. Lorsque leur agresseur s'adressa à elle, ce fut la goutte qui fit déborder la coupe dangereusement pleine depuis de bien trop nombreuses secondes. Elle explosa, le teint à présent livide et le regard furieux braqué dans celui de l'homme –tout en se dévissant le cou pour y parvenir. Elle criait presque tout en serrant les dents pour se contenir un minimum, et ne pas attirer l'attention d'autres brigands du coin.

▬ Oh, mais vous n'en avez pas marre à la fin ? Par les Trois, vous êtes-vous tous passés le mot aujourd'hui ? J'aurais eu mon lot de voyous pour les dix prochaines années avant la fin de la journée à ce rythme là ! Ryn est certainement bien plus sage que je ne le suis, quand bien même elle soit capable de s'attirer des ennemis comme vous. En même temps, je doute que qui que ce soit veuille être volontairement votre allié, encore moins votre ami. Il faudrait avoir du fumier dans les mirettes pour ça, ou bien être sourd ou franchement sot ! J'ai vu Ryn se battre, à nous deux, nous pourrions vous infliger quelques blessures. Peut-être même vous immobiliser. Alors nous pourrions mener cet hurluberlus dont vous parliez à votre corps, ou ce qu'il en restera... D'après vos mots, dois-je vous rappeler que votre propre cadavre pourrait également faire l'affaire ? Il aurait d'ailleurs fort à faire avec le vôtre, bien plus qu'avec les deux nôtres réunis ! Et les enfants pourraient être en paix.

La jeune femme s'interrompit ; elle devait reprendre son souffle après une telle tirade. Sortant son arme de l'abris de sa cape, elle braqua la fronde sur l'homme. Au moindre geste de ce dernier, c'était un caillou bien dans la figure qu'il recevrait, si elle réussissait à viser. Les six gamins représentaient également une menace. Que feraient-ils en cas d'attaque ?

▬ Esquissez le moindre geste et c'est un caillou dans la trogne que vous récolterez. Et je serais absolument ravie de le faire ! Je suis plutôt bonne frondeuse. Voyez-vous, il fallait bien que je me nourrisse, renchérit-elle plus calmement en surveillant les enfants. Malheureusement, il n'y avait que des rats. Que les Trois m'en soient témoins, ces petites choses courent affreusement vite et son particulièrement agiles. Vous pouvez également choisir de rentrer sagement chez vous. En laissant les enfants, évidemment. Ou bien alors nous pouvons tout aussi attendre... Je suis attendue au Temple pour mes taches quotidiennes. Lorsqu'ils ne me verront pas de retours mes sœurs et frères s'inquiéteront, et la milice sera lancée à ma recherche. J'avais des choses à faire bien particulières sur demande de mon supérieur, il sait donc précisément où je me trouvais. Vu le nombre de témoins sur les lieux tout à l'heure, même le plus benêt des miliciens saurait bien vite où nous sommes... Ca ne sera alors plus seulement entre quelques enfants maltraités, un bougre de scélérat sans honneur ni dignité, et deux jeunes femmes que cela se passera. Que décidez-vous, Bertrand ?

D'un geste habile, quoi qu'un peu dérangée par le port de la dague, elle étira davantage la fronde en ajustant sa cible. Si son tir partait, et portait à l'endroit prévu, il toucherait une zone entre le front et le nez. Peut-être un œil ?

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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: Erreur de jugement (PV Angélique)   Erreur de jugement (PV Angélique) EmptyLun 21 Juin 2021 - 14:53

-Une connaissance, oui, rétorquais-je sans pour autant détourner le regard du balafré qui nous faisait face. Dans une autre vie , c'était quelqu'un de bien ...
- Dans une autre vie, tu étais un garçon, un jeune homme imberbe toujours caché sous son armure. Comme quoi, on a tous bien caché notre jeu, n'est-ce pas gamine ?

Je ne pus m'empêcher de sourire en entendant sa réponse. Je ne pouvais évidemment pas le contredire sur le sujet, même si le mensonge venait de mon père et non de moi. Nous aurions pu longtemps débattre sur le sujet tant il semblait fourni. Entre les menaces à peine dissimulées, ses services proposés, les orphelins autour de lui et la blessure qu'il venait de m'infliger, nous ne manquions pas de grains à moudre. Et pourtant, une voix perçante vint brusquement troubler cette "conversation" de manière surprenante. Je me tournais vers la prêtresse pour l'observer avec étonnement… Non, c'était bien pire que cela. En réalité je fus si surprise de la voir rétorquer avec une telle hargne que je ne pus faire autrement que de la regarder avec un air de poisson frit. Par les Trois, décidément, cette prêtresse là cachait bien son jeu elle aussi.

- Et bien, ça alors, voilà quelque chose. Pas mal pour une fille du Temple. Elle a du mordant, c'est intéressant, déclara-t-il en lui lançant un regard lubrique franchement dégoûtant.
-Oublie-ça, tu veux. Tu as toujours tes catins édentées pour te soulager.
-Justement, elles n'ont pas de dents. Ton amie, oui… Ça me donne des idées… Voir cette jolie bouche prisonnière d'un bâillon… avec ses jolies dents qui se serrent sur le tissu…
-Ferme-là, tu me dégoûte, sifflais-je.-Puis évite de l'énerver, ça fait mal un caillou dans ta tronche… Et vu la gueule que tu te trimballes….
-Bof, ça ne changera pas grand-chose… Calme-toi, gamine du Temple. J'vous ferais pas d'mal. Je taquine juste une vieille connaissance et je ne savais même pas que c'était elle quand je l'ai attaqué. Ces gosses, deux d'entre eux sont les miens, ces deux-là. dit-il en désignant le blondinet qui nous avait interpelé et la fillette qui lui tenait la main. J'ai recueilli les autres dans les rues. La vie est rude dans ce bas monde et visiblement tu dois savoir ce que c'est. J'les protège comme je peux mais j'suis tout seul pour ça et j'dois bien les nourrir. J'ai voulu les emmener au Temple mais…
- On ne veut pas y aller nous. On veut rester avec lui… Le Temple nous fait peur...
-J'y suis allé une fois, ajouta un gamin au visage couvert de tâches de rousseur et qui semblait avoir une main difforme.Les prêtres me regardaient bizarrement, comme si je les dégoûtait. Y'en a même un qui a dit que j'étais une erreur de la nature...

Tournée vers la prêtresse, je veillais à afficher une mine aussi rassurante que possible. Je pouvais comprendre sa nervosité, avec une journée pareille cela n'avait rien d'étonnant. Avec toute la douceur dont je fus capable, je vins déposer une main sur la fronde avant de la diriger vers le bas.

-Tout va bien… Bertrand n'est pas un mauvais bougre, juste un gros crétin qui aime jouer les gros bras...
-Vous savez c'que c'est non ? Faut pas donner l'impression qu'on peut s'faire bouffer à tout moment. Sinon on est foutu. Puis quand j'vois un Monclar, j'me sens obligé de leur faire mon p'tit numéro.
-La prochaine fois, évite… Même une jeune femme aux allures délicates peut se révéler dangereuse. Celle-ci est vraiment étonnante, je peux te l'assurer.
-J'vois ça… J'ferai gaffe la prochaine fois, promis. Vous v'nez faire quoi dans le coin alors .
-Elles cherchent Clotilde, rétorqua le blond avant que je ne puisse prendre la parole.
-J'vois. Cette pauv' Clotilde est bien misérable avec tous ces gosses. Surtout le p'tit dernier. Une vraie terreur celui-ci. Il passe son temps à s'enfuir pour aller j'sais pas où. Mais vous lui voulez quoi à la Clotilde, c'est une amie à vous ?

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