Le guide qu'on ne croit pas (titre en construction)

Ce sujet fait suite à l'exode du pavillon de chasse d'Haldonores. Un ou deux jours plus tard.

C’était une amie de (feu ?) Miranda qui lui avait donné le lieu et l’heure du rendez-vous. Elle-même le tenait, ce rendez-vous, d’un gamin émacié qui n’avait fait que faire la navette. Tout ce qu’il avait su lui dire, c’est que la récompense serait là, alors elle transmettait à Alastair comme on lui avait transmis à elle. Il y avait bien des mystères, derrière tout ça, bien des intermédiaires. Et puis qui invitait une autre personne en ne précisant qu’une chose, que la récompense serait à la hauteur ? Et n’était-ce pas la formule la plus vague qui puisse exister, cela ? Ca ne flairait pas bon, cette affaire, donc.

Le lieu, au moins, n’avait pas des allures de coupe-gorge. On mandait sa présence dans la teinturerie Geist, un établissement, bien qu’en déclin, tout à fait respectable dans le non moins respectable quartier de la Hanse. Et ce avant les laudes, une heure auparavant, quand le soleil n’avait pas fini de se lever… Et il fallait venir par la porte de derrière, par l’entrée des artistes, rien de moins, pour se rendre en arrière-boutique. De nouveau, de légers relents de traquenard s’échappaient de l’invitation.

Enfin ! Si le rendez-vous avait de quoi donner des sueurs froides à une conscience intranquille, le fait est que derrière cette brume digne d’un complot sarossien se cachait une certaine bonne foi et un souci scrupuleux des invitants à ne pas être pistés trop aisément, ce qu’un traqueur pourrait apprécier, quand on y pense. Et quand Alastair, dans l’hypothèse où ce défiant chasseur ait rejoint, contraint par une curiosité ou une soif du lucre trop forte, eut passé la porte de l’arrière-boutique de l’établissement Geist, il découvrit un bien piteux spectacle. Deux hommes, certes éclairés par trois bougies à la manière de conspirateurs, l’attendaient en buvant un vin chaud. L’un était gros, grand, moustachu, et son air patibulaire exacerbé par la chiche lueur des bougeottes laissait cependant transparaître un naturel débonnaire. L’autre, plus petit et ramassé, collait déjà plus à la caricature du sale type, avec son faciès défiguré, son habit sombre recouvrant une armure qui cliquetait discrètement à chaque mouvement.

Alastair se tenait devant l'établissement d'un teinturier, hésitant encore à se lancer dans ce qui ressemblait à la plus louche des combines auquel on l'avait invité. Qui était son commanditaire et et qu'attendait-il de lui ?? La plupart du temps, il ne se déplaçait pas sans motif valable et faisait toujours preuve de prudence. Mais cette fois-ci la curiosité le rongeait. Lorsqu'une amie de sa mère lui avait transmis l'offre requérant ses services, moyennant une alléchante récompense, il avait tout d'abord balayé le fumeux marché d'un geste, et avait tranquillement continué sa journée. Mais la nuit venue , cette proposition était revenu insidieusement le tenter, à lui en faire perdre le sommeil. Il avait donc finalement décider de mettre de côté sa réserve habituel pour tirer cette affaire au clair.
Ainsi il s'était pointé à la teinturerie avant que le soleil ne perce l'horizon. Il fit le tour du bâtiment, pour déboucher dans une petite ruelle donnant sur la porte arrière de la boutique. Après avoir jeté un coup d’œil au alentours afin de s'assurer que la ruelle était déserte, il ouvrit prudemment la porte et s'engouffra dans l'établissement. Il pénétra dans une pièce sombre uniquement éclairée par quelques bougies. Une fois habitué à la pénombre, il ne distingua que deux bougres qui sirotaient un vin chaud. le braconnier éprouva une légère déception à la vue de ce spectacle, pour le moins dépouillé.
"hé bien, si l'un de vous deux est la récompense promise, sachez que je préfère les donzelles." lança-t-il pour signifier sa présence.
Puis il s'avança d'une démarche mesurée au devant des deux comparses. Le cliquetis de l'armure que portait le plus petit d'entre eux interpella Alastair, qui laissa tomber la main sur la tête de la petite hachette qu'il portait toujours à la ceinture. Il s'arrêta alors à deux ou trois pas des hommes avant de demander:
" Alors messieurs, lequel d'entre vous requiert mes services ?"

Les dits deux bougres, eux, y voyaient très clair malgré l’obscurité qui collait aux murs, plancher et plafond de la petite remise un peu vide. Quand l’huis grinça, laissant entrer un air frais et le chasseur, ils tournèrent leurs regards comme un seul homme vers l’intrus pour le considérer un long instant. Le gros se tourna vers le balafré, l’interrogeant du regard, et le balafré répondit à la question mutique en opinant du chef et d’un air grave. Alastair brisa la glace d’une blague sur sa sexualité, ce qui provoqua une petite hilarité chez les deux ladres, visiblement pas là pour lui couper les couilles et lui faire bouffer. Mieux, même, le balafré se leva pour aller le recevoir comme il se devait, et quand il se mit debout, un cliquetis de métal retentit, l’accompagnant plus sourdement tandis qu’il s’approchait pour serrer la pince de son invité, un sourire qui se voulut accueillant sur sa face sillonnée d’estafilades.

« Servus, Larquet… C’est moi-même qui requiers. C’est bien que tu sois venu… » La familiarité ne manifestait aucune provocation. Ils ne prenaient pas de pincette, voilà tout. Et comme il le saluait toujours, le balafré montra d’un geste le gros homme, qui lui n’avait pas décollé le séant de son tabouret, mais souriait, un peu gêné, silencieux comme l’archer le jaugeait d’un regard. Pas hostile, le gus, mais pas vraiment dans l’entregent non plus, pas d'humeur mondaine, en somme. D’ailleurs, le balafré à la chevelure filasse sembla prévenir les pensées de l’invité. « Lui c’est personne. Y parle pas, y regarre juste, d’accord ? Y veille au grain, tu saisis… D’ailleurs tu le connais pas, tu l’as pas vu. Il est même pas là. Hum ? » Il n’attendit pas vraiment confirmation et détourna le regard pour se concentrer sur une carafe fumante posée sur la table où les deux buvaient auparavant. « Il a soif ? » ajouta-t-il, hôte prévenant, avant de tendre un bras pour inviter Alastair à prendre place sur un banc, afin qu’ils puissent causer plus à leur aise pendant que lui-même reposait ses fesses sur le bois dur.

L'atmosphère de se détendit plus vite qu'Alastair ne l'aurait cru. Visiblement, les deux hommes avaient. Le Balafré se leva pour accueillir le braconnier avec une vigoureuse poignée de main. Il avait la poigne solide le larron!

Puis le gaillard se présenta comme étant son commanditaire, d'un direct et concis. Un bon point pour lui. Alastair aimait savoir avec qui il traiter ses affaires, le ton du bonhomme lui plaisait: sans fioritures et droit au but. C'est donc rassuré qu'il s'approcha de la table pour prendre place au près des deux compères.

En revanche l'autre géant ne daigna pas se lever du banc. Alastair le toisa d'un regard perçant et interrogateur. Encore une fois, le balafré mis un terme au malentendu en expliquant avec son bagou bien à lui que le gars était là en renfort et resterai dans l'anonymat. Le chasseur, hocha brièvement la tête pour signifier son assentiment. "exact, jamais vu, jamais cité."

Puis, Alastair s'assit à la table à la suite de Gunof, après avoir accepté la picole que le garde lui tendait. Après avoir bu une gorgée, il claqua la langue en guise d’approbation. Enfin, il s'accouda à la table et scruta le visage du gaillard en armure.

"Bon, c'est quoi le topo?" lança-t-il au balafré, avant de boire une autre lampée de vin chaud "J'imagine que vous ne m'avez pas appelé pour les vendanges, en quoi j'puis vous être utile? Et j'srais pas contre quelque précision sur la fameuse récompense..."

Malgré la bonhomie qui se dégageait de cette ambiance feutrée de fin de soirée passée aux chandelles dans quelque arrière-boutique, Alastair pouvait sentir le poids des deux regards. Le balafré, de temps à autre, jetait des yeux vers le gros, qui lui répondait par des mimiques pas appuyées mais qu’il semblait saisir. Ces temps morts qu’ils prenaient à ses dépens, Alastair put comprendre que c’était des commentaires sur ses manières, sur ses réactions. Sur, en un mot, sa personne. Pour l’instant, ça avait l’air de se passer. Et quand ils s’eurent serré la main, déjà le défiguré eut un soupçon de sourire content. Contentement qu’il signifiait par un nouveau regard subreptice au muet.

L’entrevue continua ainsi, sans accroc. Le gus démontrait un certain professionnalisme dans la discrétion dont il faisait montre. Autre bon point, semblerait-il. L’homme d’armes, la bouche dans sa corne d’hypocras, lui jetait un nouveau regard, pas méchant. Il hocha même inconsciemment du chef, comme un maquignon étudiant une bête dont la forme et le prix lui plaisaient. Le chasseur voulut en apprendre plus sur l’affaire, jusqu’ici si mystérieuse, qui l’avait mené dans l’établissement Geist, et par la petite porte qui plus est. Quand il évoqua, rigolard, l’hypothèse d’une vendange, les deux hommes semblèrent avoir un petit mouvement amusé. Ils percevaient une ironie qu’il ne pouvait pas encore saisir. Puis la conversation arriva au sujet de la récompense et ne trouva… que du silence.

Un silence un peu gênant, au vrai, un peu oppressant. Surtout avec ce porte-balafres qui continuait à le fixer sans autre cérémonie, ni réponse à sa question. Il avait reposé son vin et mis les coudes sur la table, s’approchant ainsi assez près du visage du braconnier, qui soutint malgré la situation malaisée. Les petits yeux se rétrécirent un moment, de nouveau le soudard hocha légèrement de la tête tandis que son sourire satisfait revint un peu retrousser ses babines abîmées. De nouveau, un regard entre les deux employeurs, des hochements de tête, et l’Anton revint à l’invité avant de se lever. Le gros, comme à son habitude, ne cilla pas.

« On t’aime bien, Larquet… On t’aime bien… » comme il disait cela, il avait commencé à se diriger vers la porte dont le dit Alastair était arrivé. Il finit par ouvrir l’huis, jeta un regard dans la nuit que le crépuscule commençait à griser. L’aurore serait sur eux dans une deux, trois quart d’heure. Il fit un geste à l’adresse du noir, sembla content des gestes qui lui répondirent, et ceci fait, il referma la porte et la verrouilla. « Regarre pas… » commanda-t-il comme une affirmation, et quand le chasseur se fut décidé à suivre la demande rudement amenée, le reître commença à faire du bruit dans le coin de la remise, derrière et à gauche d’Alastair. Un tiroir racla, le tintement d’une bourse qu’on prenait en main arriva à ses oreilles. Puis un autre tintement, plus violent. Anton, une fois à la table, fit choquer la lourde bourse contre la table, en face du chasseur, avant d’en délier les lanières qui la refermaient.

Le spectacle aurait mis des étoiles dans plus d’un pue-la-pisse, pour sûr. Dans le ventre en cuir, c’était un petit tas de pièces d’or et d’argent jonché de bagues en mêmes métaux, parfois encore ornés de pierres précieuses ou semi-précieuses. Un collier compliqué d’or blanc, avec des perles sauvages accompagnant autrefois un gros joyau depuis disparu, prenait l’œil. Quelques bracelets, et même, au fond de la bourse, une petite pierre bleuâtre tirant sur le gris. Si Alastair n’aurait pas pu estimer le cours de certains des bibelots de riche qui emplissait la bourse, il put calculer sans mal une évaluation grossière : il y avait là dedans de quoi acheter son poids en cochonnaille. Autant dire cinq fois son poids en froment, et dix fois en bouillie de blé noire ou de seigle. Ce qu’on pourrait appeler, en somme, une petite fortune.

« Faut excuser la breloque. Ca a été réuni dans l’urgence… Et c’est pas négociable. Si y connait nulconque qui pourrait lui liquider les babioles, myssègue pourrait en causer avec des gens qu’en sont. »

Toujours debout, Anton toisait le chasseur qu’il cherchait à stipendier avec cette débauche de richesses. Quand il l’eut bien examiné, il posa une pogne sur la table pour mieux accrocher le regard d’Alastair. « Y a bien de quoi lui faire emmener cent hommes jusqu’aux portes des enfers, y pense pas, l’archer ? »

Le silence qui acueilli sa demande d'information n'avait rien d'engageant. Les deux gus le dévisageaient, cherchant, un Alastair ne savait quoi, dans son comportement, son attitude. Pas particulièrement à l'aise de se faire examiner les coutures avec autant d'insistance, le chasseur baladait son regard de l'un à l'autre de ses interlocuteurs, sondant à son tour les deux personnages en quête d'explications. A les voir faire montre de tant de prudence et d'aussi peu de conversation, Alastair doutait de plus en plus de la légalité de la combine. Il se redressa légèrement, afin de sentir sur son flanc le poids réconfortant de sa hachette.

Lorsque le gars en armure se pencha vers lui le regard braqué sur les prunelles du chasseur, celui-ci sentit poindre un agacement qui allait grandissant. Ces œillades et ce petit jeu commençait à lui peser, il en avait assez d'être mis à l'épreuve. Par les dieux, il ne c'était pas levé avant le soleil pour passer sa matinée à regarder deux types louches dans le blanc des yeux !

Pourtant, il ne laissa rien paraître de son agacement et, bien déterminé à connaitre le fin mot de cette combine, il renvoya son regard au défiguré. La réaction du braconnier fit sourire l'homme d'arme qui, après un énième regard à son acolyte, se redressa pour se diriger vers la porte. Alastair le suivit du coin de l’œil, autant par curiosité que par prudence. Il ne broncha pas quand l'homme lui affirma qu'il l'aimait bien. En revanche, le cliquetis de la serrure et l'ordre sec qui suivit mirent le braconnier en alerte, sa main retombant prestement sur sa cuisse, prête à empoigner son arme au besoin. Si la négociation se transformait en coupe gorge, il se serrait prêt. Toutefois, il obtempéra et plongea résolument son regard dans les yeux de l'homme-carpe qui lui faisait face.

Lorsque la bourse atterri sur la table et que le balafré révéla son contenu, toute la tension accumulée au cours de l'entrevue se relâcha. Le chasseur ne put réprimer un petit sifflement lorsqu'il prit entre ses mains un caillou bleu qui lui caressait les mirettes de manière fort agréable. Enfin quelque chose de tangible dans cette purée de pois au goût de mystère. Et quelle chose mazette! Avec tout ce que contenait le sac de cuir Alastair serait à l'abri de la faim et du besoin pour un sacré bout de temps.
"c'est tout excusé." répondit le braconnier sans lever le nez du tas de piastres.

Mais lorsque le balafré édicta ses conditions, Alastair tiqua, arraché à sa contemplation et fut brutalement ramené à la réalité. Il reposa doucement la pierre qu'il tenait toujours dans la mains avant de répondre.

"Sur que c'est un bien joli lot... et je tiens à vivre suffisamment longtemps pour en profiter." Il marqua un silence, et releva la tête vers son commanditaire."Guider trois, quatre péquins dans le marestre, c'est parfaitement faisable. Mais guider toute une bandes de grouillots avec leur matos qui cliquote sur les épaules c'est une autre affaire. Moins discret, plus lent et avec une marge de manœuvre réduite à peau de chagrin, ça peut vite se finir en festin de tripaille pour les fangeux. D'autant que ces saloperies d'charognes errantes ont l'ouïe fine et s'affolent au moindre bruit pas banal."

Le chasseur se leva, les bras croisés, balayant son regard de Anton à la bourse, en proie à un épineux dilemme... La bourse ou la vie, c'était le cas de dire.

"Faudrait au moins que je sache où vous mener, combien vous s'rez. Pour le reste jm'en accommode." lança-t-il finalement aux deux compères.

La réaction du guide sembla plaire au soudard, qui, tandis que le probable engagé commençait à expliquer ce qui distinguait une bonne randonnée d’une mauvaise, accrocha de deux doigts les lanières de la bourse qu’il referma en relevant la main. Le tas d’or et de pierres disparurent dans le cuir, et sa présence, ainsi moins exposés, semblait dissiper cette petite aura de gêne que provoquait autant de pognon ainsi exhibé. Ceci fait, le regard étriqué du balafré revint sur Alastair qui entama sur les questions d’ordre professionnel. Le petit trésor semblait l’avoir convaincu, ce qui n’était pas pour déplaire aux deux comparses, qui avaient écouté en faisant mine d’être attentifs, mais au fond distraits un peu, parce que contents d’avoir trouvé leur éclaireur.

« Dix. Douze avec noussègue, quinze avec les mules. Ys savent ce qu’y les attende, et croye-z-y quand je dis que c’est pas des damoiselles. Tous solides marcheurs, et pas des effrayés. Ys feront tout comme j’eur dirai… » Il se penchait de plus en plus vers Alastair à mesure qu’il lui assurait de la fiabilité du reste de la bande.

Finalement, il détourna le regard, attrapa la bourse d’une de ses grosses pognes, la pesa en la faisant sautiller avant de la faire glisser jusqu’au gros moustachu mutique, qui sembla la poser sur le genou. « Ah ! Avec tout ce qu’y sait, rapport au monceau de pièces d’or et pis à mes gus, tyssègue s’imagine bien qu’on vaye pas au festival du cochon de Lods, hé ? D’aucuns dirayent même… que c’est pas très trinitaire, cette affaire, voire un petit bout illégal, hum ?... » Le commanditaire sembla hésiter un instant entre laisser le sous-entendu planer et déclarer très franchement les choses. Il opta, après un petit moment dans le vague, pour la seconde.

« Le trèfle est pas juste pour rémunérer la petite balade, Larquet… Avec on achète ton silence. On y loue pas… on achète. On n’est pas des vulgaires tire-laines et autres traîne-savate, vois-tu. On est, comme qui dirait, des hommes d’honneur. Un qu’est pas loyal à l’autre, c’est un qu’est rien, qu’est pis-que-rien. C’est chose importante à dire, et si c’est bien entendu, et que t’es prêt à faire serment sur les saints-Andouillers de Serus d’être loyal aux gars qui te prêteront leur vie pour cette mission, alors t’es mon guide, et je te serre la pogne, et je te dis de quoi qu’il en retourne. »

Tandis que l'homme d'arme lui vantait le mérite et la valeur des hommes qui feraient partie du voyage, Alastair, plongé dans ses pensées, calculait les risques que représentait cette équipée. A en croire les dires de son commanditaire, les hommes étaient disciplinés, endurants et surtout, ils savait se battre. Valait mieux, vu ce qui les attendaient... Quant aux mules, ils y avait intérêt à se qu'elles se montrent dociles. Cependant, le braconnier avait déjà conduit des convois tout aussi important et bien moins armés, il était donc au final relativement confiant qu'en à la réussite de l'entreprise. Si Mayra et Sérus étaient avec eux, ils s'en sortiraient sans dommage.

C'est alors, que Gunof leva le voile sur le caractère illicite de leur petite combine. Si Alastair s'en doutait, c'est clair maintenant. L'illégalité, le braconnier connaissait depuis un bout de temps, ce n'est pas ça qui l'arrêterait. Aussi, avant que le balafré ait terminé son couplet sur l'honneur et l'importance du serment qu'il s'apprêtait à faire, Alastair avait déjà fait son choix. Il sourit lorsque Gunof il demanda de jurer au nom de Sérus. Sur les trois dieux de la Trinité, seul le Père des moissons trouvait grâce au yeux du chasseur. Considérant Anür et Rikni comme des inventions humaines, la première pour se rassurer face à la peur de mourir et la seconde pour donner un prétexte divin aux hommes de se battre. Toutefois, Il nota que la chose était importante au yeux de son commanditaire, de même que l'honneur qui incomber de tenir pareil serment. Cela laisser donc présager de sévères représailles si l'affaire venait à être éventée. Le braconnier conserverait toute la discrétion nécessaire sur leur marché.

c'est donc d'un geste ferme et franc qu'il tendit le bras vers le milicien, le regard braqué sur les mirettes de l'homme, et prononça d'un air assuré les paroles suivantes:

"Sur les andouillers et les sabots de Sérus, j'jure de taire sur tout ce qui aura trait à not' marché et de vous guider à bon port toi et et tes hommes"

Puis, une fois la poignée de main échangée et l'accord scellé, le braconnier se rassit,satisfait, en attendant que soldat lui explique les détails de l'expédition.

C’était le moment de vérité. Et quand l’Anton eut terminé de déclarer ce qu’il attendait du bonhomme, la tension était palpable. Le gus n’en savait pas plus. Pas trop, en tout cas. Il avait juste vu de quoi nourrir trois familles pour les mois à venir, entendu dire quelque chose à propos d’une bande de maraudeurs. Rien de bien incriminant, rien qui nécessite une solution définitive à son silence. Mais tudieu, ils avaient besoin d’un guide fiable, efficace, et si celui-ci leur filait entre les doigts, c’était des heures à perdre de nouveau, et un potentiel nouveau témoin des délits en cours de production. Or le temps pressait, la bande était sur le départ, et on n’avait besoin que d’un pied sûr qui leur évitât les traquenards les plus confidentiels de la bourbe des marécages alentours.

Quand le chasseur se leva, le gros bonhomme mutique en fit de même. Fait extraordinaire. Les loustics ne semblaient vraiment pas déconner sur les serments, car, quand Alastair commença à jurer, ils tiraient des tronches pas possibles, graves comme à une veillée funéraire. Leur paume dextre était levée, orientée vers le jureur. Ils recevaient le serment, silencieusement, révérencieusement. Ceci fait, on échangea une nouvelle poignée de main pour sceller l’accord sacré, et les deux hommes, pour signifier qu’ils avaient entendu, dirent tout deux, en écho, « Soll es so sein. » Amen. Qu’il en soit ainsi. Jusqu’à ce qu’ils soient morts et que le monde soit dévoré par la Grande Chèvre telle une feuille de laitue. L’ambiance de cérémonial se dissipa bien vite alors qu’ils se réinstallaient et qu’Anton, en bon échanson, les resservait tous. On but un coup en levant la corne, puis les affaires reprirent. Les deux employeurs étaient visiblement rassérénés, et le ton dégagé du Gunof parut plus détendu. On pouvait désormais parler sans pincette.

« Mon cheval m’a dit que les Haldonores et leurs gens venaient de retourner à Marbrume. Ys y ont délaissé leur précieux pavillon, qu’ys ont quitté en catastrophe. La bâtisse est encore toute garnie. Tentures cossues, cathèdres cossus, des meubles cossus en veux-tu, en voilà ! Même des grimoires, des livres par dizaines. Dans la hâte ys ont même laissé des bêtes, t’entends ça ? Il y une petite fortune à portée de main. Une grosse fortune, voire. Suffit de se pencher et d’avoir les couilles… et un guide.

Parce que ouais, c’est pas la porte à côté… Je t’apprends rien quand je dis qu’il faudra aller outre le village de Lods, passer Sombrebois et ce putain de bois de la Schwarzwald une bonne heure avant d’arriver au pavillon. On n’est pas plus pressé plus que ça mais, quand la nouvelle se répandra entre les murs de Marbrume, je te gage quoi tu veux que les petits malins armeront à leur tour une bande, si c’est pas les parias qu’y arrivent auparavant. Et puis, le temps est bon, aujourd’hui… Et demain, y paraît que ça sera pareil. Alors, au vrai, si, on est un peu pressé. Même qu’on part dans l’heure. Et comme ça, on y sera avant la tombée de la nuit. Les gars attendent déjà. »