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 Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]

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MessageSujet: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyMar 8 Mar 2016 - 3:07
J'étais accroupi dans une ruelle près du port, pour m'abriter du vent, désespéré.
C'était Anne - la mère de ma fille - qui m'avait envoyé. Soit disant ça passerait mieux si c'était moi, parce que la Demoiselle ne m'avait jamais vu. Qui est cette mystérieuse jeune femme ? Une nouvelle légende locale apparemment. Ma copine m'en a parlé de façon très enthousiaste pendant très longtemps, en me rapportant même les passages les plus anodins des quelques mots qu'elles avaient échangé. Faut qu'elle avait jamais vu de noble de près, encore moins une femme couverte de soieries. Moi j'ai raconté d'un air très blasé la fois où la Dame de Traquemont m'a parlé, et l'autre fois où le Seigneur de Noblecoeur m'avait demandé des conseils sur les Fangeux. Je crois qu'elle m'a pas cru, surtout pour le second truc. C'était vrai pourtant ! Faut dire que j'ai oublié de mentionner à quel point j'étais intimidé dans les deux cas, pour l'impressionner. J'aurais peut être dû, ça aurait sonné plus réaliste. Là j'me suis contenté de laisser entendre que la chose était parfaitement normale et que j'avais conversé avec mon aplomb habituel. J'crois que ça lui a mis le doute.

Mais bref. Qu'est ce que la Demoiselle fait de si exceptionnel ? Apparemment elle donne de la bouffe aux pauvres, elle même, mano à mano, avec politesse et grâce. Ca a l'air d'avoir beaucoup impressionné Anne en tout cas, et pourtant c'est pas le genre à se faire embobiné par le premier venu. J'ai vu des jeunes bourges essayer de la saouler pour faire des saletés avec sans résistance, et c'est eux qui ont fini par rouler sous la table après avoir rincé toute l'assistance. Même tarif pour les bonimenteurs qui essayaient de lui vendre des élixirs pour être belle, et tous ceux qui voulaient lui vendre des choses plus chères que leur valeur véritable. En fait elle est beaucoup plus pragmatique que moi. Si j'avais de l'argent, je serais du genre à me faire vendre de l'eau en poudre. Tout ça pour dire que j'pars avec une crainte quasi religieuse tellement on m'en a parlé avec emphase.
Bref, cette fois ci Anne m'a envoyé moi, en me conseiller de prendre le bébé avec moi, comme quoi un homme seul avec un enfant c'est plus mignon. Elle m'a même conseillé de dire qu'elle était malade, pour que ça soit encore plus attendrissant. Elle m'a aussi félicité de mes bleus sur la figure, qui me rajeunissent et font pitié, et m'a filé des vieilles fringues datant d'avant mon bannissement. C'était assez déprimant de les mettre, d'ailleurs. Elles sont trop petites et en même temps j'ai beaucoup maigri, ce qui me donne l'air bien miséreux. En plus Anne a gardé seulement celles trop usées pour être revendues, pour avoir du tissu en rab' en cas de besoin, et elles ont un peu moisi pendant l'hiver. Et interdiction de porter mes bottes ! Comme quoi ça fait pas crédible un clodo avec des bottes. J'ai beaucoup protesté sur ce détail. Déjà parce qu'il fait froid et qu'au bout de dix mètres je saigne, et en plus j'suis très gêné de montrer mon pied abîmé aux gens. J'ai honte de me balader dans cet état franchement, et pour que j'ai honte de mon allure, faut vraiment y aller fort.

Donc je suis parti pieds nus avec le bébé dans les bras, affronter le froid nocturne couvert de haillons. La mère de ma fille m'avait dit que la Demoiselle serait rue Guillemot, parce que c'était là qu'elle l'avait croisé, et sa copine de boulot l'avait vu à cet endroit aussi. Mais tu sais quoi ? Elle n'y étais pas. Et pourtant une noble dans ce quartier pourri ça se loupe pas. J'ai tourné en rond dans le secteur, je ne l'ai pas trouvé, et une fois rendu à une heure de recherche bah... j'ai continué. On est dans une mauvaise passe dans le coin en ce moment, niveau bouffe, et je rapporte que de la viande la plupart du temps, j'arrive pas à voler assez de pain et de fromage à Traquemont pour tenir la route. En plus un des gros costaud du fort m'a pris sur le fait avant hier, c'est pour ça que j'ai des bleus et que je me suis enfui en ville. J'ai pas envie d'en parler. Et tu vois le problème ? Un bébé ça ne se nourrit pas que de viande. J'serais pas parti dans une telle expédition si j'avais le choix, pas aussi longtemps en tous cas.

Et quelle probabilité de tomber au pif dans les rues d'une grande ville sur la bonne personne ? Le pire c'est quand ma fille s'est mise à pleurer. A deux ans on parle pas beaucoup. En tous cas j'ai jamais pu en tirer un dialogue cohérent. Elle s'est juste mise à... bah à brailler quoi. Un son qui vrillerait les nerfs de n'importe qui, surtout quand il dure longtemps. Sa mère dit qu'elle est comme ça depuis quelques semaines, elle se met à gueuler comme un nourrisson pendant plusieurs heures, sans raison apparente, incapable d'expliquer le problème. Ca m'a fait un peu mal quand elle l'a raconté. Comme j't'ai dit c'est une femme pragmatique, mais j'ai vu une sale lueur de désespoir dans ses yeux pendant qu'elle me racontait ça. Je l'imaginais entendre son enfant hurler, hurler, hurler pendant des heures et elle, incapable de la soulager ni trouver l'origine du problème. Faut que je mette la main sur cette bouffe putain. Déjà que je suis une saloperie de poids mort depuis mon bannissement, et qu'avant j'étais qu'un petit con inconséquent. Putain. Moi aussi j'ai envie de pleurer pendant des heures là.

J'ai continué à marcher comme un gros zombie avec mon petit paquet hurlant. J'ai mal aux pieds, j'ai faim et froid mais j'suis incapable de juste renoncer et retourner chez Anne. J'ai arpenté des kilomètres de bas fonds. J'ai tour à tour supplié, imploré, menacé, engueulé, et re-supplié le bébé d'arrêter de pleurer. Rien à faire. Elle s'est juste un peu affaibli dans mes bras sans pour autant arrêté de faire du bruit. J'étais tellement concentré dans mes recherches que j'ai croisé une patrouille de milicien sans même tressaillir. Et c'est comme ça que j'me suis retrouvé accroupi dans une ruelle près du port pour m'abriter du vent, le bébé posé par les terre et le visage dans les mains. J'ai les épaules et les bras en feu d'avoir porté une petite créature gigotante pendant si longtemps. Je redresse la tête au bout de quelques minutes de mort intérieure : là, sur le port, une cape d'allure luxueuse. Je ramasse le bébé et me précipite vers la petite silhouette. J'suis fatigué, je bafouille dans la confusion ce qu'on m'a dit de dire :

- M'dame ! M'DAME ! Pardon madame c'est pour le bébé ! C'est Anne qui m'envoie ! Elle vous a déjà vu, elle m'a dit. Sauf que là elle est malade. J'veux pas vous déranger mais c'est pour le bébé !

J'le tiens devant moi comme un bouclier au cas où sa présence sonore ne suffirait pas. En même temps je cherche du regard comme un gros chacal quelque chose qui indiquerait la présence de bouffe. De toute façon on doit probablement se faire pendre dans ce pays de taré si on regarde une noble dans les yeux.
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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyMar 8 Mar 2016 - 21:53
Le froid mordant de la nuit qui s'était installée depuis belle lurette lui permettait de rester éveillée. Éreintée, la damoiselle avait du mal à mettre un pied devant l'autre. Enfin surtout la jambe qui la faisait boiter.
La nuitée avait été riche - trop, sans doute puisqu'elle avait dû se rendre dans ces ruelles qu'elle aurait voulu éviter depuis sa rencontre avec la dame Ellie. - et la route pour rentrer au bercail lui apparaissait à présent plus longue que d'habitude. Il lui semblait que chaque dalle, même celles brisées, faisaient le double de leur longueur initiale. Mais peut-être n'était-ce pas qu'une illusion. Les ombres déformaient tout, donnant même aux visages qu'elle croisait dans ce bouge des airs de fangeux en devenir. Du moins le songeait-elle, vu qu'elle n'avait jamais vu encore une bestiole de ce genre. Enfin, elle les imaginait bien avec des yeux sans vie, trop vagues pour rester humains. Le pas lent tels des fantômes d'histoires. Les cheveux peu travaillés et aussi sales que les murs crasseux qui l'entouraient. Et, parfois, ils braillaient, dans son imagination débordante. Un peu comme ce qu'elle entendait, là, depuis qu'elle avait mis le pied dans cette ruelle obscure, son capuchon rouge sur son front trop blond.

- M'dame ! M'DAME ! Pardon madame c'est pour le bébé ! C'est Anne qui m'envoie ! Elle vous a déjà vu, elle m'a dit. Sauf que là elle est malade. J'veux pas vous déranger mais c'est pour le bébé !

Le hurlement, suivi et précédé de cris d'enfant ou de potentiel fangeux geignant pour une raison inconnue la fit tourner de surprise sa caboche vers l'origine de la suite de dires. Lasse, une fois remise de l'injonction de l'inconnu, elle se força cependant à plaquer un simili de sourire sur ses joues tandis que la gamine trop proche et sa voix grinçante de bébé en colère lui offraient un début de migraine qu'elle aurait préféré ne pas voir venir. Bon, au moins, pas de trace de bête dans ces yeux noircies par l'heure et les pleurs. Ils étaient bien trop vivaces à lancer des éclairs en lâchant des larmes aussi grosses que des perles. Aucune chance que l'homme en soit aussi, même si sa tenue et l'état de son faciès pouvaient le laisser présager.
Mais qui était Anne ? Anne... Anne... La femme de l'aubergiste qu'elle croisait parfois ? Non, son nom était Jeanne. La fillette de la dame de petite vertu qui habitait dans la rue proche de l'auberge miteuse qui... ? Non. Elle c'était Annie. Ou Janie. Ou Arnie. Ou Leane. Ou Mariane. Enfin elle ne savait plus trop. L'avait-elle seulement su un jour ? Était-ce important alors qu'elle était crevée et que l'homme était en bien mauvais état tout comme sa descendance ? Non.

Elle s'approcha de l'enfant tenue par le potentiel père - à moins qu'il ne s'agisse de son frère ou juste un voisin, elle n'en savait rien. - et leva une main pour caresser la joue de la mâtine... Qui n'atteignit jamais sa cible. La moujingue beuglante ne reçut point de tendresse car la damoiselle laissa son poignet s'affaisser dans le vide à mi-chemin avec une pointe de regret et tout autant de cramoisi au joues. La petite n'y pouvait rien d'ainsi chialer et tenter de la calmer en l'enlaçant risquait d'envenimer les choses. Les conditions de vie de ses parents, puisqu'ils apparaissaient vivre ici ou proche, étaient désastreuses, un chérubin ne pouvait supporter tout cela avec le sourire aux lèvres. Avec le temps cependant, cette enfant deviendrait plus forte qu'elle, elle n'en doutait pas. Et puis si elle avait la fièvre, peut-être valait-il mieux ne pas l’attraper en la touchant.

" Je suis navrée messire. Mais je n'ai pas de cruche de lait. "

Tenta-t-elle d'expliquer au paternel dépassé, déçue de ne pouvoir aider ce pauvre hère et le cœur en miette à l'idée que le petit bout n'ait rien à se mettre sous la dent. Tenter de transporter un liquide cependant au travers de toute la ville n'était pas aisé, aussi préférait-elle ne pas s'y risquer. Une miche de pain ne risquait pas de s'humidifier et de gâter tout le contenu de son balluchon, elle, tandis qu'un bouchon, lui, pouvait sauter. Un pot se renverser.
Enfin. Sa voix, point très haute, fut à moitié couverte par les hululements de la gamine.

" Cependant... "

Rajouta-t-elle, hésitante, avec un froncement de sourcil inquiet, comme chaque fois que l'on lui rapportait qu'untel allait mal dans ces quartiers si malfamés.

" Souhaitez-vous que nous allions trouver un rebouteux pour votre petite ou... Et votre dame ? "

Le discours maladroit de son interlocuteur et les geignements de l'enfant ne lui permettaient pas d'être assurée sur qui souffrait le plus. Sans doute était-ce lui, à dire vrai, vu son état. Mais pour éviter de le mettre mal à l'aise, Luna n'osa même le sous-entendre à haute voix.
Les doigts trop fins et trop blancs se serrèrent suite à sa question sur le petit balluchon flasque qui pendait devant ses jupons, désespérés à l'idée qu'une autre personne allait peut-être passer une mauvaise nuit par manque de soins. Si seulement elle avait davantage d'aide, dans ses projets...
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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyMer 9 Mar 2016 - 15:27
La jeune femme leva le visage vers moi, tendit la main comme pour toucher le visage de ma petite braillarde. Par accident, j'ai levé le museau pour la regarder dans les yeux, et j'ai vu son visage. Ca m'a fait comme un coup de poing dans le ventre.
C'est la plus belle femme que j'ai jamais vu !

Déjà il y a tous les atouts qu'une noble peut avoir. Ses vêtements sont à sa taille, ses cheveux sont propres et sa peau a l'air merveilleusement douce et lisse. Pas d'acné envahissante ou de petites cicatrices. Mais y a pas que ça. Comment expliquer ? J'suis impressionné par sa jeunesse, sa blondeur, sa petit voix, sa façon de bouger avec grande délicatesse comme si elle avait tout le temps peur de tomber. Elle m'appelle "messire" et j'ai les jambes qui tremblent d'émotion. Mais pourquoi ? J'en ai pas vraiment conscience moi même, mais même si j'suis bien mignon le coté "jeune vierge" vient tacler quelque chose dans ma petite sexualité abîmée. J'pourrais... j'pourrais la salir. D'un coté j'imagine ses lèvres sur les miennes, qui serait fraîches et douces, comment elle rirait d'une petite voix flûtée à mes blagues, son expression ravie si j'lui offrais des fleurs. On pourrait être deux gosses tout le temps, pour toujours, on s'amuserait bien.
De l'autre, j'imagine son mignon petit visage se tordre de plaisir et de douleur pendant que je la prendrais salement, là, sur le pavé.

J'arrête de regarder la jeune noble dans les yeux, j'préfère me concentrer sur le bébé et mon regard se perd dans les plis de sa cape rouge. Plus jamais je fixe son visage à nouveau. Déjà j'me félicite d'avoir mis des haillons amples au niveau de l'entrejambe. En quelques secondes des tas de choses auxquelles j'aimerais ne jamais penser m'ont jaillit à la gueule avec grande violence. J'imagine me donner un grand coup de hachoir au niveau des couilles, le sang partout, et j'me sens un peu mieux.
Elle disait quoi la dame d'ailleurs ? Je rembobine mentalement ce que j'ai pas écouté. Cruchon de lait, rebouteux. Ah merde ! Enfin mine de rien, je reviens vite au réel. C'est un pouvoir curieux que j'me suis découvert, j'ai tellement l'habitude de mettre ces émotions là dans une petite boîte très loin dans ma tête que ça se fait tout seul.

- Je... je... m'dame, la p'tite elle a deux ans, elle boit plus de lait ! Elle a des p'tites dents vous voyez ?

J'me rends compte que j'pourrais lui faire peur, que j'ai l'air bizarre. D'un coup j'voudrais arrêter d'être une "pauvre créature" et redevenir un être humain.

- 'fin pardon m'dame, j'vous parle n'importe comment mais je suis fatigué, j'vous ai cherché toute la nuit. J'm'appelle Malachite, et la p'tite c'est Jade. J'suis chasseur au fort Traquemont, c'est loin dans les marais et tout, si vous connaissez pas, mais le bébé il peut pas manger que de la viande. En plus elle fait que pleurer, et elle le faisait pas avant, on trouve pas pourquoi. Sa mère elle m'a dit de venir vous voir parce que ben... vous seriez gentille et tout. Mais j'veux pas vous offenser.
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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptySam 12 Mar 2016 - 17:20
Spoiler:

" Je suis confuse. "

Murmura-t-elle une fois qu'il lui eut expliqué sa méprise. Elle n'était point douée avec les enfants et ne traitait jamais avec eux, à part pour leur offrir du pain ou un morceau de fromage lorsqu'ils étaient en âge de quémander, donc de manger seuls. Il était donc normal que devant un bébé aux sons de fangeux, elle ne sache comment se comporter ou que lui donner pour la bectée, mais cela ne l'empêcha pas de s'en vouloir pour son ignorance.
Elle fut tout aussi gênée lorsqu'il lui expliqua qu'il l'avait cherchée toute la nuit et se retint encore de demander pardon.
L'expression de l'enfant Montoya changea furtivement pour de la peine à l'idée de ce qu'il avait dû endurer comme marche forcée dans son état. Cela ne dura point cependant et elle se força à reprendre un sourire un peu charmant quoique crispé ensuite, le temps que ses neurones se décident sur la meilleure marche à suivre pour le père et son enfant.

" ... Vous ne m'offensez en rien. Venez avec moi je vous prie. "

Fit-elle finalement en hochant la tête lentement avant de faire demi-tour aussi peu rapidement. L'idée était qu'il la suive ou marche à son coté, au moins quelques pas.

" Nous allons... Nous occuper de vos blessures et de celles de votre petite, messire. Du moins si cheminer encore ne vous importune guère."

Si il ne parvenait pas à faire la route entière, elle irait chercher de l'aide pour lui. Mais elle espéra que l'homme saurait parcourir la distance qui les séparaient de la boutique du barbier nommé Abel.
Il savait soigner, d'après ce qu'elle avait entendu dire par ses servantes. D'autres avaient murmuré qu'il était ouvert parfois très tard et vu l'heure... Enfin, si l'étranger avait été seul, sans doute aurait-elle cherché un autre rebouteux dans le coin, quitte à le payer une montagne de piécettes, mais elle craignait que ceux d'ici ne puissent rien pour l'enfant braillarde. Point adepte de la métempsychose, elle ne souhaitait prendre le risque que la petite meure d'un mauvais traitement ou d'une saignée mal faite.

Le dénommé Malachite venait en tout cas de Traquemont, avait-il dit. Loin du paradigme des visages de la cité où ils se trouvaient. Était-ce beau là-bas ? Les fangeux y étaient-ils nombreux ? Il lui semblait avoir déjà entendu ce nom plusieurs fois.
Traquemont... Elle l'imagina un bref instant comme un paradis inaccessible, loin des dangers de ces lieux. Et déjà mille questions lui vinrent aux lèvres qu'elle retint de son mieux. Traquemont... Peut-être pourrait-elle demander à père si la famille pouvait s'y rendre un jour ? Non. Il faudrait alors lui expliquer où elle avait ouï que l'endroit existait.

Sans faire le moindre geste pour prendre la lourde charge qui était la sienne malgré son état, elle cala son pas de son mieux sur le sien, veillant grâce à maints coups d’œil à ce que son nouveau protégé ne s'effondre pas dans la fange qui salissait les rues du coin. Non pas qu'elle pourrait le rattraper si cela arrivait. Il devrait malheureusement rester au sol tel un chien abandonné, le temps qu'elle ait fini de courir chercher quelqu'un de mieux instruit qu'elle dans les soins.
Le pauvre était dans un état déplorable. Ses pieds avaient besoin de chausses qu'elle ne pouvait lui offrir, son visage de remèdes de grand-mère pour faire dégonfler ces vilains hématomes. Ou peut-être d'une saignée. Il n'y avait pas de doutes à avoir sur si oui ou non il avait d'autres blessures. Noyé dans des affaires miteuses, il cachait sans doute sous ses frusques quelques coups obtenus on ne savait comment.
Heureusement, peut-être, le caractère ombrageux et colérique de la gosse ne paraissait point atavique. L'homme ne hurlait pas et parlait convenablement. Il restait digne, malgré ses manières inexistantes. Il ne l'avait ni suppliée, ni menacée.

Elle chercha en chemin un sujet pour lui faire oublier un instant la situation terrifiante qui était la sienne. Ce fut la politesse qui lui souffla quelques mots, même si vraiment, Anne ne lui rappelait rien.

" Et comment se porte la mère de cette enfant, messire ? Souhaitez-vous que nous demandions au soigneur de venir la voir ?"

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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyLun 14 Mar 2016 - 13:49
[HJ/ Si j'ai trop joué ton perso hésite pas à m'envoyer un MP.]

A mon grand soulagement, la Demoiselle ne remarqua pas ma trique, ne se formalisa pas de ma façon de parler - j'ai un peu de mal à suivre la sienne par contre. Elle proposa d'emmener la petite chez un guérisseur... et moi avec. J'avais remarqué qu'elle me jaugeait de haut en bas, mais je pensais qu'elle cherchait ce qui puait ou un truc comme ça, si j'avais accidentellement caché un cadavre de rat dans ma poche. Je prends mon air le plus indigné, et les zones de mon visage qui ne sont pas couvertes de bleus se mettent à rougir violemment. Je me suis un peu déguisé en miséreux pour pas qu'elle m'envoie chier, mais ça a trop bien marché, et maintenant elle veut me payer des trucs à moi aussi ! J'ai honte. Je me sens sale de tromper quelqu'un qui cherche à m'aider et qui se trouve être une jolie fille.

- Nan mais j'vais bien m'dame ! J'viens juste pour le bébé ! A Traquemont j'ai à manger, et puis... et puis j'me débrouille quoi. Avec les Fangeux personne a la vie facile... mais pour le bébé on sait plus trop quoi faire m'dame.

D'ailleurs, en parlant du bébé, il a l'air de se calmer, mais ça me rassure pas vraiment. C'est pas comme quand elle s'endormait, avant, c'est plus du renoncement dû à l'épuisement. Des fois elle pigne un petit "papa", elle me tire les cheveux ou elle me frappe avec son tout petit poing. J'me sens pas dans un grand confort mental en voyant ça. La Demoiselle dû sentir mon malaise parce qu'elle tira mon attention sur la conversation, que j'avais oublié. Je me contentais bêtement de la suivre en boitant presque pas. Sa question m'arrange pas, vu que ma "dame" n'a rien de spécial. Je cherche un bon mensonge. Pour moi un bon mensonge, c'est un mensonge qui n'amène pas d'autres questions. J'prends le premier qui vient :

- Oh elle a pas besoin d'un guérisseur elle a juste ben... des problèmes de fille, 'voyez.

Je hausse des épaules - ce qui est con vu que ça dérange le bébé - l'air de dire que j'ai fait le tour du sujet et que mon honneur d'homme m'interdit d'approfondir la question. Vu que j'ai jamais vraiment vécu avec une femme, j'suis pas très expert dans ces trucs là, mais j'ai cru comprendre que ça faisait un bon prétexte. La plupart semblent mener leurs vies normalement tous les jours du mois, mais des fois non. En tous cas, le sujet est gênant, j'préfère en changer.

Et malgré que la vie soit dure, que certaines parties de mon esprit tombent en rideaux parce que j'suis tétanisé d'horreur, je reste, envers et contre tout, un mec sociable. Je suis bon conteur d'anecdote, mais sans aliéner mon public. J'suis comme un chien fou tout content de voir un humain. Je lui parle un peu d'Anne, puisque c'était le sujet de base - qu'elle est lavandière, et qu'elle se souvient forcément d'elle. Mais si, une petite blonde toute maigre et un peu appauvrie des cheveux à cause de l'alcool et de la malnutrition, avec cette dent là de travers, en plein milieu, on s'en souvient forcément. Bon OK les cheveux elle met un bonnet la plupart du temps pour cacher, mais elle a une tâche de naissance dans le cou on voit que ça.

J'bascule vite sur mon sujet préféré du moment : la vie à Traquemont. Je parle pas des moments crado ou douloureux, des bagarres que j'ai perdu, des gens morts. Seulement les trucs rigolos. De tous les Fangeux qu'on a tué - je me lâche même au point de faire quelques mimes - de la fois où Dame Yseult m'a parlé genre en vrai, de son lieutenant - Lendemain - qui est sympa, de ce qui m'a impressionné ou fait rire. La Demoiselle fait un excellent interlocuteur, très douée dans l'écoute active. Le contexte est tellement saugrenu que j'en oublie quasiment - mais pas trop non plus - que c'est une noble. On a presque le même âge en plus. De temps en temps je perds le fil d'une phrase parce que j'suis ébloui par la finesse de l'articulation de son poignet ou que je meurs du syndrome de Stendhal à cause d'un sourire, mais j'suis assez à l'aise dans ma sociabilité pour surmonter. Dans les ruines de moi même, il reste encore un peu des vestiges de l'adolescent bavard que j'étais. J'essaye de le retrouver, de temps en temps, quand on m'en laisse l'occasion. J'me suis même aperçu dans un curieux moment de lucidité - ça peut arriver à tout le monde - que j'ai tendance à faire le gamin exprès. J'garde des tournures de phrase un peu enfantines, je cherche pas absolument à retrouver ma musculature post-puberté et j'me suis senti très soulagé quand Lendemain m'a envoyé dormir dans le dortoir des enfants à Traquemont. Et j'ai pas beaucoup eu à gamberger pour savoir d'où ça me venait. Bref. J'apprécie beaucoup cette fuite dans le bavardage du coté gênant de la situation.

Je pose aussi quelques questions à la Demoiselle sur ce que j'imagine être une vie de noble. Qu'est ce que ça fait de monter à cheval, est ce que c'est chiant de poser pour un tableau, comment on fait pour chauffer des maisons aussi grandes. Mais c'est moi qui monopolise l'essentiel de la conversation. Plein de petits morceaux de ma vie que je balance dans tous les sens, la fois où on faisait un tournoi de dame dans la cuisine et que Lendemain est arrivé un peu bourré et a renversé le plateau en disant que les noirs devaient pas gagner. La fois où un mec qui me connaissait pas m'a ordonné de nettoyer un cheval - un cheval bordel, j'ai bien souligné que c'était aussi absurde que de me charger de l'entretien d'une centrale nucléaire - et que tout couillon j'ai lavé la pauvre bête au savon, même que ça m'a pris des heures parce que j'avais peur que l'animal me piétine. La fois où Machin tout bourré - y a beaucoup de gens bourrés dans mes histoires - a fait pipi par dessus les murailles en plein sur un Fangeux et que c'était trop classe.

Bref, l'un dans l'autre, j'ai bien animé la conversation jusqu'à ce qu'on arrive dans la rue où se trouve le fameux guérisseur.
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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyMar 15 Mar 2016 - 23:15
Ils étaient trois enfants, là, sous le ciel turquin où se dessinaient quelques ombres d'étoiles. ils étaient simplement trois gamins, boiteux l'un comme l'autre pour deux d'entre eux, curieux et naïfs. La troisième avait arrêté de geindre et entendre la voix de son porteur paraissait lénifier son esprit accablé.
A marcher ainsi, les deux autres semblaient capables d'aller loin. Pendue aux lèvres de son compagnon de route, Luna ne vit guère passer le temps, heureuse d'apprendre ce qu'était la vie dans une autre partie de la région. Revigorée par tout ce qu'elle entendait, elle n'était plus percluse de fatigue et même si leur discussion alentissait leurs pas, elle espérait ne pas en voir la fin de sitôt.

Finalement qu'il était bon d'avoir eu une nuit si riche. Sa nouvelle rencontre qu'elle n'aurait pu faire si son trajet avait été plus court lui complaisait, lui faisait découvrir un monde qui lui était inconnu.
Si au début elle n'osa guère questionner son nouvel interlocuteur, assez vite son visage arrêta de devenir rubescent chaque fois qu'il osait employer des palabres qui lui apparaissaient incongrues ; et tout aussi rapidement elle se mit à l'interroger sur ses habitudes, sur des détails oubliés dans ses anecdotes, veillant bien à ne jamais lui couper la parole. Ici elle prononça des " Ooh. " surpris et sincères, là elle rit presque, se retenant cependant de laisser le son fluet s'élever dans les ruelles crasseuses.

A ses conjectures sur la vie de noble, elle ne répondit cependant par que de très courtes phrases, incapable de trouver comme lui des détails amusants.
Comment étaient chauffées les maisons ? Des briques chaudes dans le lit, ou des cheminées. Ce que cela faisait, que de monter à cheval ? Elle se retint de lui avouer que c'était une liberté qu'elle n'avait point réellement. Une fille de noble non mariée, seule, à cheval ? Cela allait tout autant contre l'étiquette que ses ballades nocturnes et elle faisait déjà bien assez de folies ainsi. Aussi expliqua-t-elle simplement, que d'après ses connaissances, ce n'était pas si confortable que cela. Quant à rester aussi immobile qu'une statue pour un peintre, ce n'était pas bien compliqué, il suffisait d'avoir une pose convenable et de songer à autre chose.
Le fait d'être peu loquace quant à sa vie ne l'empêcha pas d'être tout sourire quand ils arrivèrent dans le quartier bourgeois.

Ne lui ayant appris son prénom auparavant, elle le lui offrit - sans son nom -, lors de ce trajet, à un instant ou un autre. Son faciès entier s'éclaira un bref instant quand il l'utilisa pour la première fois à la place d'un " M'dame. ".
Elle ne revint jamais sur son désir qu'il voit un rebouteux lui aussi, ou sur les problèmes trop féminins de la mère de l'enfant. Elle ne rappela pas même au dénommé Malachite que le bébé avait besoin qu'ils avancent plus vite.
Elle l'avait oublié le temps de leur cheminement.

Ils étaient trois moujingues, dont l'une avait les yeux éclatants de malice suite à tous les dires du second. Les fantomatiques passants qu'ils croisèrent à cette heure indue et bien trop tardive ne purent souvent que s'étonner devant le couple innocent qu'ils formaient. Mais ce n'était pas seulement parce que l'un était en guenilles et que l'autre avait des vêtements en batiste - après tout, nobles et gueux pouvaient fort bien marcher côte à côte. -, plutôt parce que le plus pauvre parlait sans compter, prolixe pour deux et la riche enfant écoutait, demandant plus sans jamais rabrouer sa manière de s'adresser à elle.
A distance raisonnable l'un de l'autre, ils paraissaient chastes et complètement déplacés dans ces rues propres qui se dressaient à présent autour d'eux. Aucun n'y avait sa place et sans doute pas la marmot braillarde trop calmée par la ballade.

L'arrivée devant chez le médecin la prit soudainement de court et elle força son sourire à rester en place, déçue cependant que s'arrête déjà leur tête-à-tête avec leur chaperon trop jeune pour être utile. Ils n'avaient rien fait de réellement déplacé à part parler, mais elle avait aimé sa manière de conter sa vie.

" Nous voici sur place. "

Lui expliqua-t-elle en désignant la boutique du barbier qu'on lui avait un temps indiqué. Si elle ne se trompait pas.

" Je vous remercie, messire Malachite, pour m'avoir parlé de votre vie. "

Elle ne balbutiait plus, mise à l'aise à présent par le récit de ses vagabondages.

" Voyons maintenant ce que nous pouvons faire pour l'enfant. "

Rajouta-t-elle avec un ton davantage attendri en mirant la petite. Dirigeant leurs pas vers la demeure qu'elle espérait la bonne, elle pria la sainte Trinité que l'homme recherché soit bien sur place et toujours ouvert puis frappa à la porte.

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Abel le BarbierChirurgien-Barbier
Abel le Barbier



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyMer 16 Mar 2016 - 22:52
Abel était assis sur son lit, abattu, le corps fourbu après une journée de travail. Comme de coutume, les patients avaient défilé sans lui laisser un moment de répit : tôt le matin, il avait été sollicité pour quelques urgences à traiter, puis en deuxième partie de matinée, le cortège des bourgeois nerveux et suffisants avait commencé. Après le déjeuner, l’après-midi avait été principalement occupée par de plus petites gens, qu’Abel appréciait davantage que ses semblables : eux, au moins, venaient le voir pour des raisons valables. Il n’y avait rien de plus énervant que de s’exténuer au chevet d’un patient qui essaie de vous convaincre par tous les moyens qu’il est souffrant, alors même que vous auriez envie de lui certifier le contraire. Les habitants de Marbrume n’étaient pas tous comme cela, ceci dit : ceux dont la condition était la plus précaire ne venaient même jamais voir le barbier, alors même que celui-ci n’aurait jamais fait payer un patient sans le sou. Son esprit humaniste et philanthrope le lui interdisait, d’autant plus qu’il était loin de vivre chichement tant les consultations s’enchaînaient à un rythme infernal. Si quelque chose devait un jour lui valoir la visite du spectre de la Mort, c’était davantage l’état de surmenage constant qui était le sien depuis que le Fléau s’était abattu sur le monde. L’effervescence qui avait suivi lui valait aujourd’hui d’être le barbier le plus renommé d’une ville surpeuplée, et de ne plus voir le bout de ses journées. Cela faisait bien longtemps qu’Abel ne respectait plus ses propres heures d’ouverture et de fermeture, tant les sollicitations s’étaient multipliées au cours des derniers mois.


Le barbier allait se décider à aller prendre le bain dont il avait fait chauffer l’eau depuis un long moment, lorsqu’on frappa à la porte de sa demeure. Le bruit sourd de l’anneau de bronze contre la lourde porte de chêne le tira de sa torpeur, et il grimaça. Il se trouvait au premier étage de la petite bâtisse bourgeoise, ce qui signifiait qu’il devait affronter les escaliers pour aller ouvrir à ces visiteurs tardifs. Maugréant alors qu’il se levait pour se diriger vers le couloir, le barbier se prit à penser qu’il pourrait avoir l’usage d’un domestique employé à l’entretien de sa modeste demeure. Ses pas l’avaient mené jusqu’au sommet des marches lorsqu’il repoussa cette idée, songeur : la bâtisse bourgeoise avait beau être vaste, elle était loin de ressembler aux maisons cossues des nobles de la ville, qui employaient non pas un mais plusieurs domestiques pour leur service. Abel avait les moyens de louer les services d’une telle personne, mais il s’inquiétait pour les torts qu’une telle audace pourrait causer à son image, notamment auprès du petit peuple dont il se voulait le bienfaiteur. Non, décidément, il devait trouver une autre solution. Peut-être proposer à l’un de ces gamins crève-la-faim du quartier du Goulot de venir lui procurer cette aide à domicile, car il n’avait pas le temps de le faire lui-même après tout. Ledit garnement serait libre de la majeure partie de sa journée, serait logé, nourri et blanchi, et servirait également à renforcer cette image bienveillante que le peuple de Marbrume avait d’Abel le barbier. Oui, cette idée lui plaisait déjà davantage.


Ces réflexions l’avaient mené au bas des marches, et il entreprit de passer par la pièce qui lui servait de cuisine et d’arrière-boutique, et qui communiquait directement avec la salle du cabinet, pour l’accueil des clients. La demeure d’Abel faisait partie de ces bâtisses bourgeoises dont la construction était articulée autour d’un ou plusieurs foyers de chaleur, placés de telle sorte que la diffusion de la chaleur dans le bâtiment soit optimale. Il disposait en fait de tout le confort de la haute bourgeoisie de Marbrume, aisance qu’il avait durement acquise en gravissant les échelons de réputation de sa discipline, jusqu’à devenir le barbier le plus prisé de Marbrume. Et le plus occupé, de fait, comme cette soirée n’allait pas tarder à le montrer. Les longs doigts pâles du praticien se refermèrent sur la poignée de la lourde porte en bois, qu’il ouvrit après avoir fait tourner la clé dans la serrure, dans un déclic sonore. Deux personnes l’attendaient sur le palier, et tout désabusé que fut Abel, même lui ne put réprimer un léger haussement de sourcils, surpris par le spectacle incongru qui s’offrait à lui, alors qu’il les accueillait dans un soupir maussade.



« Bonsoir, gente dame et damoiseau. Je suis fermé, vous savez. »


Ce n’était pas la plus cordiale ni la plus incitative des introductions, évidemment. Mais Abel n’avait pas l’intention de se montrer courtois ; il était de notoriété publique que son "grand âge" l’avait rendu grincheux. Abel renifla. Approchant de la quarantaine, il se sentait parfois bien flétri, comme ce soir, où deux jeunes gens d’une autre génération venaient frapper à sa porte.


La première personne était en effet une très jeune femme, visiblement d’une classe sociale aisée, au vu de ses atours et de son port altier. Abel lui aurait donné moins de dix-huit printemps, à vue de nez, bien que son jugement soit loin d’être celui d’un expert : après tout, cela faisait bien longtemps qu’il ne s’intéressait plus aux jolis minois. Elle était accompagnée d’un individu peu reluisant, pour ne pas dire carrément douteux. Abel avait l’habitude de faire des visites pour des patients dans les pires bouges qui soit dans la ville, mais cet homme-là remportait à coup sûr la palme de ce qui définissait le va-nu-pieds. Lui non plus ne paraissait pas bien vieux, une vingtaine d’année tout au plus, encore que la crasse qui le recouvrait rendait toute estimation sujette à caution. A bien y regarder, il avait peut-être sensiblement le même âge que la demoiselle… Abel aurait pu s’attarder un moment sur ce curieux spécimen, mais son regard fut attiré par le petit être fragile que le vandale tenait maladroitement dans ses bras. Le barbier ouvrit de grands yeux, horrifié, pâlissant encore davantage s'il était possible. Ce n’était pas…



« Ne me dites pas que c’est… Un enfant ? Par ce temps ? Comme ça, porté à bout de bras dans le froid ? »


Et l’enfant s'égosillait. Anur en soit témoin, quel braillard ! Un affreux sentiment s’empara d’Abel, poussé par l’urgence : il devait aider ces gens. Une moue de déception se forma sur le visage du barbier, qui se détesta pour son humanisme : encore une soirée qui s’annonçait longue. Mais il ne pouvait pas laisser un enfant dehors. Ses yeux marqués de cernes noirs se fixèrent sur ses deux interlocuteurs, s’arrachant à la contemplation de l’enfant en pleurs. Se pouvait-il que…


« Jeunes inconscients. On ne fait pas d’enfants quand on ne peut pas s’en occuper. Entrez vite, et racontez-moi comment c’est arrivé.

Allez, nom de Rikni, je n’ai pas toute la nuit ! »



Mais alors même qu'il parlait du bout de ses lèvres bleuies, le barbier savait bien que sa nuit était d’ores et déjà bien compromise…
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MalachiteMiséreux
Malachite



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyJeu 17 Mar 2016 - 22:21
Tout le plaisir et la sérénité que j'avais retiré de ma conversation avec la Demoiselle s'évapora en deux secondes sous les reproches du guérisseur. Elle m'avait appelé messire ! Je l'avais fait rire ! J'ai faire rire une noble bordel à cul ! Et là un vieux avec une tête de sorcier mangeur de cadavre ouvre la porte de la boutique et commence à m'engueuler. J'ai fait face aux pires horreurs, à des miliciens sociopathes, à des Fangeux trop nombreux, à ma condition de banni, à la famine, au froid, à la mort toujours proche et à la violence nécessaire. Mais jamais on m'a traité de père qui tue son gamin.

Y faut comprendre mon point de vue : J'ai toujours vu sa mère traîner Jade au lavoir par tous les temps, parce que pas le choix. Elle allait pas la laisser toute seule toute la journée non ? Puis moi... ben j'pensais à passer de temps en temps et à filer un peu de bouffe, c'est déjà pas mal pour un ado pas marié. Puis y a pas une grande différence de température entre l'extérieur et sa piaule. En plus dans son quartier, le premier né d'une fille-mère qui dépasse les un an c'est pas si courant, on était pas peu fier. Moi quand le bébé est né - j'avais dix sept ans, quasiment une autre vie - j'me sentais déjà bon prince de pas être parti dans un autre pays illico. Rien m'obligeait à taper dans mon précieux budget alcool, fringues classes et pâtisseries pour le nourrir. J'trouvais là dedans le moyen de me dire que j'étais pas un sale con. Le nourrisson persistait à vivre, il a commencé à parler, à m'appeler "papa", à ressembler à une petite personne. J'aime bien le bébé. Je veux pas qu'il ait froid, ou autre chose. Puis l'apocalypse ça fait voir ses priorités autrement. J'suis moins douillet, moins soucieux de mon confort physique quoi, et j'me suis rendu compte que c'était dur de nourrir quelqu'un. J'suis venu plus souvent, alors c'est dangereux pour moi de me balader en ville. J'ai marché toute la nuit pieds nus pour le putain de bébé.
Et voilà qu'on me sort que j'suis un mauvais père et que j'aurais pas dû éjaculer.

- Mais... mais j'en ai pas fait exprès !

Répondis je bêtement, en bon adepte de la méthode de contraception dite "du retrait". J'suis quand même rentré la mine basse dans l'échoppe du guérisseur. C'est plein euh... d'attirail. Très professionnel. J'ai pris bonne note de la présence de miroirs, vu que j'me suis vu dedans. Ca m'a fait un sacré choc, j'me suis mis à rougir de honte. Faut dire que des miroirs j'en ai vu qu'une fois, à travers la vitrine d'une échoppe dans le quartier bourge, et c'était trop en biais pour que j'vois mon petit minois dedans. Quand on s'est vu qu'en flou dans le reflet de l'eau, et que d'un seul coup on découvre qu'on ressemble à une fouine qui s'est fait piétiné par un cheval, ça bousille l'ego comme un crâne de bébé balancé contre un mur. J'me suis précipité vers le petit âtre où notre hôte nous a conduit, en posant soigneusement Jade pas trop loin. Puis il est couvert ce bébé ! On est un peu à court de fringues comme il faut, mais on l'a enroulé dans un tas de trucs au fil de l'hiver, on dirait un peu un paquet de linge j'avoue. Et il a deux ans. C'est plus l'âge de faire la fiotte. Il est méchant ce guérisseur, peut être pas autant que l'autre que j'ai vu avec le gitan, mais quand même.

Je m'accroupi derrière le bébé, en jetant des regards méfiants. Maintenant j'ai peur qu'on me chasse et qu'ils gardent le bébé, peut être pour le manger ou s'en servir comme cale-porte, va savoir. Enfin... je pense pas que la Demoiselle soit indifférente, je peux pas l'envisager. Mais peut être ben... qu'elle se rend pas compte. J'attends de voir ce que ces deux là vont dire, d'une c'est pas à moi de réclamer des trucs au guérisseur, de deux si il veut me prendre ma fille j'aurais pas de mal à lui péter les deux bras. Non mais oh.
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Luna MontoyaChâtelaine
Luna Montoya



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyJeu 17 Mar 2016 - 23:52
Si les premiers dires du barbier ne la surprirent pas outre mesure, l'idée qu'il puisse croire qu'ils étaient tous deux parents du braillard lui fit ouvrir deux grands yeux ronds et choqués. Avoir couché hors des liens sacrés du mariage ? Avec un... Un inconnu pas de sa classe et non choisi par ses parents ? Comment osait-il ? Elle ne savait même pas comment cela se passait vraiment entre une femme et un homme dans les draps alors comment aurait-elle pu seulement créer une enfant de deux ans ?
A court de mots, outrée, elle laissa Malachite répondre des propos étranges et suivit les deux hommes à l'intérieur d'un pas automatique et boiteux.
Une fois dans l'antre du soigneur, elle parut retrouver ses esprits puisqu'elle jeta un bref regard hésitant à son protégé avant de se tourner vers leur nouvel hôte. Une rapide courbette et l'enfant Montoya se redressa en liant nerveusement ses mains sur le devant de ses jupes.
Elle ne connaissait pas le guérisseur, même si on lui en avait parlé. Il fallait juste espérer que cette fois, on lui avait fait une description exacte de l'être en face d'elle...

" Messire Malachite et son enfant ont besoin de soin, messire. Je... Sa dame n'a pu l'accompagner. "

Tenta-t-elle d'expliquer d'une voix sans doute légèrement trop affolée.

" L'on m'a dit que vous... Vous pourriez aider. Je vous paierai pour vos bons soins, pour sûr. "

Bafouilla-t-elle à nouveau, droite comme un i.

" S'il vous plait. "

Rajouta-t-elle après quelques secondes de silence.
Elle songea que l'homme râleur lui faisait finalement plus peur encore que le capitaine et son silence ravageur. Avec son air d'ancien bougon, celui devant elle lui donnait l'impression d'être une fillette ayant fait moult inepties et elle se sentait prête à lui avouer tous ses péchés... Mais pas ceux qu'elle n'avait point fait.
Telle la gosse qu'elle était, elle baissa le menton, attendant que le soigneur dise quelques mots ou la condamne pour avoir voulu aider une fillette et son porteur. Ou encore lui donne quelques tâches à accomplir.
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Abel le BarbierChirurgien-Barbier
Abel le Barbier



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyVen 18 Mar 2016 - 0:58
Abel écouta, la mine réprobatrice, les semblants d’explications que ses visiteurs tardifs tentaient de lui exposer. Foutaises que ce tissu de platitudes dénuées d’imagination : il avait vu bien assez de situations compliquées de ce genre pour savoir à quoi s’en tenir. Tout coïncidait parfaitement, au point qu’il voyait clairement dans leur jeu à tous les deux. La lueur des flammes de l’âtre découpait de longues ombres sur le visage émacié du barbier, qui foudroyait toujours ses importuns patients d’un regard qui en disait long. Il était un dicton selon lequel toute vérité n’est pas toujours bonne à dire, mais Abel était d’avis que l’on n’en dirait assurément jamais suffisamment en gardant le silence. Ces jeunes gens avaient besoin d’un sermon, et ne pouvaient s’adresser à quiconque. Le père de la demoiselle aurait certainement fait pendre le malandrin, et sa fille s’en serait trouvée déshonorée. Comment les deux inconscients qui lui faisaient face avaient réussi à dissimuler les signes de la grossesse, puis à subvenir aux besoins de l’enfant, le praticien ne souhaitait même pas le savoir, tant il craignait de connaître les détails de leur ignorance. Se tournant vers le jeune homme aux allures de bouseux, Abel eut un pincement de lèvres désapprobateur, avant de prendre la parole, réagissant à la piètre défense de son interlocuteur.

« Oh, votre geste était assurément inconscient, mais involontaire, je n’en crois rien. Anür nous garde, c’est que l’on n’apprend plus aux jeunes hommes à tempérer leurs ardeurs de nos jours. »


Le barbier se ménagea une pause d’une seconde, le temps de prendre une inspiration, désignant l’enfant toujours en pleurs d’un doigt accusateur.

« Et voilà le résultat, tout cela parce que les jeunes hommes de nos jours ne savent plus où fourrer leur verge indomptée ! »


N’attendant pas de constater une quelconque réaction de la part du va-nu-pieds, le praticien se retourna vers celle qu’il pensait être la mère de l’enfant qu’on lui présentait. Celle-ci avait l’air si mal à l’aise depuis le début de leur entrevue qu’Abel envisagea de faire preuve d’indulgence à son endroit. Après tout, si elle avait été forcée d’accoucher en cachette, sa détermination et son courage étaient aussi impressionnants que son inconscience. Il convenait probablement de se montrer clément à son égard, afin de ne pas se retrouver avec une deuxième personne en pleurs dans la pièce. Aussi se composa-t-il une mine désolée en s’adressant à la jeune femme dont la timidité était nettement visible.


« Quant à vous, jeune dame, je n’ai pas grand-chose à vous dire, si ce n’est que si vous étiez venue dès que vous avez constaté la grossesse, nous aurions probablement pu y remédier sans que nul n’en sache rien. »

Soupirant de lassitude, le barbier reprit son sermon, s’adressant maintenant à ses deux interlocuteurs, jetant des regards appuyés au jeune homme, qu’il tenait comme principal responsable, à défaut d’informations supplémentaires.

« Je n’ai pas besoin d’être payé pour faire la morale à de jeunes imprudents de votre espèce.

Tout particulièrement à vous, jeune homme. Imaginez seulement ce qu’en dirait un religieux… Vous auriez déjà perdu votre membre viril si précieux, que l'on aurait jeté aux corbeaux.

Il est tellement commode de répandre sa semence un peu partout, et regardez le fruit que vous récoltez ! »



Ledit fruit ne dut pas apprécier la terminologie utilisée pour le désigner, et redoubla de pleurs, sous le regard catastrophé de son jeune père. Cela eut néanmoins le mérite de recentrer l’attention générale sur l’enfant braillard, et notamment de détourner Abel de sa vindicte à l’encontre du malheureux jeune miséreux. Le praticien se pencha sur le petit être agité, et, ignorant royalement le père, se saisit adroitement de la forme enveloppée de diverses étoffes, pour l’examiner de plus près. L’enfant ne semblait pas blessé, juste très perturbé. Aussi stupides que pouvaient être les parents, ils avaient au moins eu la décence de s’adresser à quelqu’un de plus savant qu’eux. Fermant les yeux un instant pour rassembler toute la patience dont il était capable, Abel entreprit d’expliquer avec pédagogie quelques éléments de savoir utile concernant les enfants. Son ton s’était adouci, et n’était donc plus accusateur comme il l’avait été pour les deux dernières minutes : il était important que ses interlocuteurs tirent quelques graines de sagesse de leur visite.

« Un enfant en bas-âge pleure en général pour deux raisons principales. Dans le premier cas, il peut s’agir d’une façon de réclamer la satisfaction d’un besoin immédiat.

Cela peut aller du "j'ai faim ou soif ; chaud ou froid" au "j'ai besoin d'être porté". Il s’agit là de l’option la plus facile à satisfaire. »



Silence calculé. Abel avait peur de perdre son auditoire, aussi décida-t-il d’abréger son explication. Le père roulait déjà de grands yeux gênés : pour quelle raison, Abel l’ignorait, mais il espérait que la culpabilité faisait son bout de chemin dans son esprit.

« Bref, ici, je pense que l’enfant a juste besoin de manger quelque chose de chaud. Et de ne pas retourner dans le froid tout de suite.

Si l’un d’entre vous veut bien reprendre sa bruyante progéniture dans ses bras, je pourrai aller préparer ledit quelque chose… »
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MalachiteMiséreux
Malachite



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyVen 18 Mar 2016 - 11:27
La Demoiselle, toujours charmante, demanda l'aide du guérisseur avec un tas de mots polis que j'aurais jamais pensé à caser. Sa réponse à lui par contre... certes il y a du vocabulaire, mais c'est bien la seule chose qu'on puisse dire à sa décharge. J'prends une expression de plus en plus indignée et gênée au fil de ses paroles. Les personnes âgées devraient pas se mêler de ce que je fais de ma bite ! Il voulait quoi, que je meurs puceau ? Ben voyons. C'est aux gonzesses de s'occuper de ces choses là, moi j'veux rien savoir à propos de grossesse, de règles, de compter les jours et j'sais pas quoi. Puis j'ai forcé personne, j'ai tapé personne, c'est pas la peine de me parler comme à un criminel ! Anne c'était non plus la jeune vierge que j'ai roulé dans la farine pour arriver à mes fins. J'étais pas son premier gars quoi. Moi j'trouve rien de mal à ça mais c'est pas la peine de m'engueuler non plus ! Non mais oh !

Je rage intérieurement seulement, parce que j'garde en tête que je voudrais que le bébé soit soigné. Et pourtant il tape là où ça fait mal, ce con : à mon p'tit zizi hétérosexuel à peine étrenné. Et sur l'existence de ma fille, accessoirement. Mais j'veux dire, dans ce monde il me reste assez peu niveau espoir de plaisir, de quelque chose de doux et agréable qui me coûterait pas ma vie ou ma dignité ou j'sais pas quoi. Fourrer mon petit machin partout ça reste de l'ordre de l'accessible, c'est même quasiment un devoir sacré. C'est pas après m'être fait passer dessus par un milicien que j'vais commencer à penser que le sexe est une bénédiction divine entre gens mariés dont il faut user avec prudence. J'fais ce que je peux quoi, merde.
Et... et attends.
Qu'est ce qu'il dégoise l'autre ?
Il... ose pas. Il est pas en train d'oser ! Cet espèce de maboule est en train de dire que j'aurais fait des saletés avec la Demoiselle ! Il sort ça, tranquille, comme si c'était de l'ordre du probable ! J'ai l'impression que mes tripes descendent jusqu'à mes pieds tellement j'suis choqué. J'trouve rien à dire, je reste avec des yeux exorbités d'horreur à fixer ce grand malade mental en train d'enfoncer des portes ouvertes sur les bébés qui ont besoin de manger pour pas mourir. Il me faut de longues secondes pour trouver la force de reprendre mes processus mentaux tellement j'suis choqué. Pas avoir la lumière à tous les étages, c'est un prérequis de la profession ? C'est vivre au milieu d'un tas de plantes aux effets chelou qui leur grille le cerveau à tous ? J'tiens à rappeler l'existence du charmant guérisseur métèque que j'avais vu y a quelques semaines, qui a trouvé rien de mieux à foutre que de fabriquer une mandragore dans son arrière boutique en pendant des mecs dedans. Je m'aperçois soudain que je suis debout. J'me souviens pas être levé. La seule raison pour laquelle le guérisseur s'est pas encore fait encastré la gueule dans son mur, c'est qu'il y a deux femmes dans les parages.

J'sens mes poings qui me démangent. Je me bats souvent à Traquemont, parce que je suis un banni, un métèque, que je vole des bricoles qui intéressent personne ou que je tire au flanc quand j'suis fatigué. J'suis pas un mec violent à la base, mais l'apocalypse a ses nécessités, et j'ai appris à laisser l'adrénaline me maintenir en vie. Tu peux me juger, mais j'te demanderais de bien garder en tête plusieurs mois à me pousser à bout. J'ai encore des bleus sur la gueule là, parce que le monde veut pas me laisser tranquille.

- Mais vous êtes malades ! Ca va pas de dire des choses pareilles devant une dame ! Elle... elle... enfin la mère de Jade elle s'appelle Anne, elle est lavandière dans la Hanse. Demandez à qui vous voulez sur Malachite et Anne qui ont un bébé ! Tout le monde le sait ! La Demoiselle elle veut juste aider des gens et vous dites de la merde sur elle ! Ca s'fait pas ! Moi j'pourrais me faire pendre pour des rumeurs pareilles espèce de... - là je me retiens juste à temps pour un "connard". Être tenté de dire des mots pareils devant des bourges, ça prouve bien à quel point j'suis tout colère - Puis j'sais bien que les bébés ça doit manger ! Si elle mangeait pas elle aurait pas vécu deux ans ! ... Et ça s'fait pas de dire des trucs sur une dame de cette classe, qu'elle fait des saletés avec les clodo et tout ! Ca vous fait bander de penser des conneries pareilles ? MALADE VA !
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Luna MontoyaChâtelaine
Luna Montoya



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyVen 18 Mar 2016 - 12:34
" Je vous en prie, vous... Vous allez faire peur à l'enfant. "

Les mots lui échappèrent tandis qu'elle se tortillait les menottes dans ses jupons, rêvant de se trouver partout sauf là. La chieuse avait repris son babillage depuis bien longtemps et n'avait pas changé de ton suite à l'examen dont elle avait été la victime et ce malgré l'emportement de son père ; mais c'était bien la seule phrase qui venait à l'esprit de la pauvre Luna devenue totalement écrevisse depuis les derniers dires du guérisseur.
Comment détromper le barbier sans passer pour une putain qui voulait cacher ses actes ou faire passer son protégé pour un être incapable de gérer ses pulsions ? Rien ne lui venait pour le moment.
Elle se mordilla la lèvre inférieure, puis d'un petit pas boiteux, vint auprès de la banshee à l'état de poupon et du soigneur. Elle avança les bras, en une tentative muette d'obtenir le petit paquet que tenait toujours l'homme.
Bon, ce n'était pas sa progéniture et elle n'était pas sûre de pouvoir la garder dans ses paumes sans la faire chuter, mais leur hôte leur avait ordonné de la récupérer. Alors, elle obéissait, pour se montrer agréable.

" L'on me nomme Luna, messire. "

Finit-elle par murmurer de sa voix trop douce et terriblement gênée, coupant court de son mieux à toute nouvelle phrase qui aurait pu sortir de la bouche d'un des deux autres êtres capables de parler ici. La politesse était redevenue sa seule arme face à la situation catastrophique qui s'annonçait et elle espérait qu'avec ses propos, les deux adultes dans la pièce baisseraient de ton et se causeraient comme deux personnes civilisées, sans... Sans insinuation graveleuse de plus ou mot plus haut qu'un autre.
Prenant sur elle, après une inspiration un peu plus grande que d'habitude, la gamine Montoya se força ensuite à sourire, crispée, au vieil homme qu'ils avaient tous dérangé cette nuit. Par la sainte Trinité qu'elle aurait aimé fuir et aller se cacher ! Malheureusement la porte était trop loin à présent et l'étiquette lui ordonnait de ne pas se carapater comme une voleuse.

Malgré ses penchants pour le repli stratégique, elle essaya par la suite, maladroitement, de faire excuser le sang chaud de son protégé. Ils étaient venus pour que la moujingue ait des soins, point pour se faire mettre à la rue ou défendre son honneur.
Que lui importait, finalement, qu'on la prenne pour une fille de petite vertu si l'enfant était soignée ? Tant que cela ne remontait guère aux oreilles de sa famille, cela n'avait guère d'importance si elle se sentait offensée et souhaitait se cacher dans un coin et se faire oublier. Il fallait... Il fallait mettre tout cela de coté.

" Et je n'avais jamais rencontré messire Malachite avant ce soir comme... Comme il vient de tenter de vous le faire entendre. "

Expliqua-t-elle donc avant de rajouter rapidement, pour calmer si possible toute velléité de nouveau sermon ou d'engueulade :

" Mais je vous remercie messire pour vos conseils. Messire Malachite pourra le... Les transmettre à sa dame. "

Oui, bon, non. Elle ne le remerciait pas vraiment, mais un peu quand même. C'était juste de la politesse, une fois encore. Interrompre une grossesse ? Cela pouvait être utile pour Anne. Mais pour elle ? Elle n'était même pas sûre de finir enceinte un jour, si ses pères ne la mariaient pas. Et puis, les petits nés du mariage n'étaient-ils pas des cadeaux des dieux ? Enfin au moins lui avait-il appris qu'on pouvait faire disparaitre un enfant malvenu, même si prendre un amant était une pensée à des lieues des siennes.

Toute guindée et mal à l'aise elle retourna son regard vers Malachite.
Dans la rue, s'occuper de sa gosse n'avait pas eu l'air de le déranger. Et puis il risquait moins de la faire tomber qu'elle.
Sans rajouter un mot sur les propos choquants que l'on avait tenu devant elle, essayant déjà de ne plus se rappeler ce que chacun avait dit pour calmer la rougeur qui avait envahi ses joues, elle chercha finalement des yeux un tabouret avant de se concentrer encore une fois sur le pauvre père en haillons.

" Auriez-vous la gentillesse de vous asseoir et de prendre cette petite fille ? Ainsi vous pourriez vous reposer. Tout en tentant de l'apaiser, le temps que messire le guérisseur puisse faire quelque chose pour elle. "

Elle pencha légèrement la tête, le suppliant mentalement d'obéir avant d'ajouter :

" Notre hôte est ... Bon soigneur. Je suis sûre qu'il fera tout pour qu'elle aille mieux. "

Cette seconde supplique là s'adressait réellement aux deux, puisqu'elle jeta aussi un coup d’œil inquiet à Abel en la prononçant.
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Abel le BarbierChirurgien-Barbier
Abel le Barbier



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyVen 18 Mar 2016 - 14:00
Le barbier avait beau rouspéter, il savait néanmoins écouter, et une lueur de compréhension fit jour sur son visage fatigué lorsqu’il comprit sa méprise. Ainsi donc, la jeune demoiselle n’était pas vraiment concernée par le bambin pleurnichard, elle cherchait juste à bien faire en aidant un jeune mendiant de son âge à trouver de l’aide. Intention louable de sa part, même si son comportement réservé avait de fait contribué à créer la confusion dans l’esprit du barbier. Il se devait maintenant d’apaiser la situation, afin d’éviter que les esprits ne s’échauffent. Il avait notamment remarqué que le cul-terreux qui servait de père à l’enfant bruyant commençait à s’énerver, à en juger par certains gestes de frustration. L’individu avait maintenant les poings fermés, détail que le praticien releva d’un air étonné : il n’aurait jamais pensé que sa diatribe pousserait le va-nu-pieds dans un tel état d’énervement. Cet homme aurait bien besoin d’une saignée prolongée, pour faire baisser son excitation. Il était temps de reprendre les choses en main, et de calmer le jeu. A commencer par des excuses à l’intention de la demoiselle, qui les méritait bien, appartenant à une catégorie sociale supérieure à celle d’Abel. Le barbier se tourna donc vers la jeune femme, ses mains aux longs doigts jointes en signe d’apaisement.

« Je vous présente mes excuses pour avoir osé douter de votre vertu, jeune dame Luna. Le manque de précisions concernant la présente situation m’a mené à faire des déductions aussi malheureuses que déplacées. »

Laissant planer un bref silence afin de ménager l’effet solennel de ses excuses, le barbier s’inclina légèrement afin de marquer la déférence qu’il montrait à tous ses patients de noble extraction.

« Votre volonté de venir en aide à ce pauvre garçon est louable. Vos bons sentiments vous honorent. »

Considérant avoir fait amende honorable pour son excès d’interprétation, le barbier se retourna vers son autre interlocuteur, et le toisa d’un regard impavide. L’envie d’en découdre du bouillant personnage était presque palpable, mais Abel conserva un visage inexpressif, préférant examiner l’enfant qu’il tenait encore dans ses bras, le temps que le père se calme. C’est alors que la dénommée Luna vint se proposer de prendre le braillard dans ses bras, afin qu’Abel puisse se rendre utile. Le barbier hésita quelques secondes à laisser la noble prendre l’enfant qui n’était pas le sien en son giron, et fut un brin soulagé lorsqu’elle invita finalement le manant à le prendre contre lui. Le barbier entreprit donc de remettre l’enfant emmailloté à son géniteur, accompagné de quelques mots d’apaisement.

« Malachite, c’est ça ? Un nom original, qui suggère une certaine beauté.

En dépit de votre inconscience, vous assumez le poids de la paternité avec un certain courage, ce que je respecte. D’autres auraient abandonné ou noyé l’enfant.

Enfin, allons lui préparer quelque chose à manger. »



Et le praticien d’entraîner ce petit monde vers la petite pièce attenante au salon, dotée d’un deuxième âtre, bien que plus modeste, et dans laquelle se trouvait une autre table et un banc en bois. Il y faisait chaud, et sec. Invitant ses invités à s’asseoir, Abel s’en fut fouiller une grande armoire dans le fond de la pièce, à la recherche d’un pot de terre cuite et de divers ingrédients. Il en profita pour récupérer un demi pain blanc, l’équivalent de deux ou trois portions, qui prenaient la chaleur près du foyer. Cette époque ingrate ne permettait pas à chacun de manger à sa faim, et si Dame Luna devait régulièrement consommer du pain blanc, apanage des classes aisées, Malachite en revanche ne devait pas souvent voir autre chose que du pain noir. Le barbier se saisit d’un couteau et entreprit de couper deux tranches, qu’il laissa à disposition sur la table. Puis, ayant pris soin d’entreposer l’arme blanche hors de portée de l’instable Malachite, le barbier se saisit de plusieurs pots, entendant préparer un bouillon pour l’enfant. Le pot, sous toutes ses formes, était à Marbrume l'ustensile le plus fréquemment utilisé en cuisine : sphérique ou cylindrique, sa contenance pouvait varier, et il servait à la fois à la cuisson des aliments, à la conservation des mets préparés, et au stockage de certaines matières premières. Souvent fabriqué en terre cuite, matière peu onéreuse, il pouvait également être utilisé pour la conservation des liquides, eau, huile, vin. Avant de placer sa décoction à chauffer, Abel ajouta du suc de pavot, dosant soigneusement la quantité pour éviter de tuer l’enfant. Le pavot somnifère possédait en effet diverses propriétés, parmi lesquelles ses effets narcotiques et sédatifs, bien connus des soigneurs de Marbrume.

Se retournant ensuite vers ses invités qui l’avaient observé sans piper mot, le praticien entreprit de briser le silence qui commençait à s’éterniser, seulement rompu par la marmaille braillarde.


« On ajoute couramment du pavot à la bouillie que l’on sert aux jeunes enfants le soir, pour les aider à dormir...

Puis-je vous proposer un verre d’eau de vie, pour vous réchauffer ? »
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MalachiteMiséreux
Malachite



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyLun 21 Mar 2016 - 16:11
La situation se calma bien mystérieusement. Je me retrouve avec une envie de meurtre dont je ne sais pas quoi faire, alors je la range dans un coin pour plus tard. Je me sens un peu con d'avoir braillé des insanités devant la Demoiselle, mais personne ne me fout dehors, personne ne m'engueule. Le guérisseur s'excuse auprès de nous deux et me dit des choses gentilles. Voilà qui est curieux. Je me sens super gêné là. Surtout que la jeune femme me parle comme si mon avis comptait, comme si ma colère pouvait avoir de lourdes conséquences. Elle essaye de me calmer ! Je suis comme un enfant gâté, qu'on considère incapable de faire la part des choses - ce qui est pas entièrement faux. J'me sens balancé dans un contexte conversationnel normal, où on m'écoute, alors que je m'attendais à devoir me battre contre un système kafkaïen pour prouver que j'ai pas baisé au dessus de ma condition, que j'ai le droit d'être là, qu'il faut pas noyer le bébé avec l'eau du bain. Enfin j'suis un peu confus quoi. Je reste comme un con quelques secondes puis je dis :

- Chuis désolé d'avoir crié Luna.

Alors quand en plus on me propose de la bouffe, je trottine pour m'installer là où on me dit de m'installer, Jade dans les bras, sans moufter. Je dis amen à tout. Surtout que la présence de bouffe et l'espoir de la manger a tendance à me réaligner les chakras à vitesse grand V. Je m'installe l siège qu'on me désigne avec le bébé sur les genoux. Ce qui est bien avec Jade, c'est qu'on a le même sens de l'humour. La Demoiselle veut que je l'apaise, je me lance donc dans un grand solo de conneries qui font rire les bébés - genre les bruits de pet. De toute façon dès que la gamine commence à me voir grimacer elle rit aux éclats, par habitude, même si ses larmes ne sont pas encore séchées. La chaleur fait son effet et j'lui trouve l'air plus éveillé qu'il y a dix minutes. Elle parle pas encore beaucoup. Elle dit "maman", "papa", elle sait réclamer à manger mais c'est tout, pas de vraies phrases construites. Elle aime aussi me tirer les cheveux et me frapper au visage, mais c'est pas très grave.

Et là, apparition de bouffe !
Du pain blanc, facile à mâcher pour le bébé avec ses p'tites dents et pour moi qui n'en ait plus beaucoup. Je découpe des petits morceaux de mie pour le bébé, déjà en train de réclamer avec l'énergie du désespoir. Après lui en avoir tendu un, je me bourre la bouche avec le maximum possible de ma part. L'un dans l'autre, après à peine deux secondes que le guérisseur ait posé les tranches de pain sur la table, on s'est bourré comme des babouins avec nos petites mains sales. Surtout moi. En fait, pour être honnête, Jade mange plus proprement que son père. On m'a appris les bonnes manières mais.... c'est loin, il s'est passé beaucoup de choses entre deux. Surtout la famine. Grosse peur du manque, dès que je vois un repas disponible mon cerveau sonne toute les alarmes pour que j'en avale le plus possible. En plus, j'avais très faim, et j'ai pas souvent l'occasion de manger des féculents qui nourrissent bien, surtout du pain blanc. En ai je déjà mangé au cours de ma vie d'ailleurs ? Dans ma famille on faisait des espèces de galettes avec pas du tout les mêmes plantes qu'ici. Le dimanche on y rajoutait de la viande avec une sauce très épicée, sinon c'était de la confiture ou du fromage. Beaucoup de fromage. Ma famille tenait un élevage de chèvre, j'ai déjà dû te le dire. Quasiment de la bourgeoisie quoi.

Je regarde le guérisseur occupé à ses mixtures en mâchant péniblement - vu que j'me suis bourré la bouche à en avoir des joues de hamster - mais avec la tranquillité d'une vache sacrée. On m'a donné à manger, personne m'accuse d'avoir tringlé au dessus de ma condition et personne parle de mon zizi, le monde a retrouvé du sens. La Demoiselle aussi est silencieuse, mais il y a quelque chose d'apaisant à voir quelqu'un faire la cuisine. Les odeurs sensuelles de bouffe, la chaleur. D'ailleurs en parlant de chaleur, ça fait longtemps que je me suis pas trouvé aussi bien installé. Il y a peu d'âtres qui me sont accessibles à Traquemont, et on m'y laisse pas souvent glander. Y a les gros costauds qui aiment pas les bannis qui s'y installent souvent, et comme ils aiment pas les bannis bah j'ai eu la fine idée de leur piquer des trucs. Du coup ils me laissent encore moins en paix. Bref. Néanmoins, à cause de la température ambiante, il devient de plus en plus évident que j'ai pas pris un bain depuis... oh, plus longtemps que ça, encore.

Avant j'allais dans les thermes, en ville. Cette option m'est désormais exclue puisqu'on verrait mon bras nu, et que mettre un bandage dessus serait grillé. Quand j'étais seul je me faisais violence pour me baigner dans la mer, j'sentais modérément bon après et ça me grattait partout, j'me suis peu à peu habitué à vivre dans ma crasse. Je suis un mec plutôt coquet et méticuleux niveau hygiène, de base. Surprenant hein ? T'arrives à croire que la vilaine petite fouine en train de se bourrer le museau de pain avec ses petites pattes noires ait pu faire gaffe à ce genre de chose ? Je peux te dire que ça m'a coûté d'en venir à ce niveau de crasse. A Traquemont je m'inflige une toilette de chat de temps en temps, mais il fait très froid et j'ai du mal à trouver l'intimité nécessaire. En plus faut aller chercher l'eau. Quand ça te demande une solide heure d'aller-et-retour pour remplir une bassine, tu te laves pas tous les jours. Dans les haillons que je porte, ceux qui sont les plus près du corps ont pas vu la lumière du jour depuis un moment. Je porte la livrée noire de Traquemont par dessus, d'habitude, ça cache le gros des dégâts. Puis je m'en fous maintenant, et je suppose que personne ici va m'engueuler sur le sujet. C'est ma crasse ça me regarde !

Le guérisseur interrompt mon orgie culinaire pour me parler de pavot, de si j'veux de l'eau-de-vie. Comme j'ai la bouche pleine de A à Z, je fais oui en secouant vigoureusement la tête. Si y a une chose que j'aime presque autant que manger et être au chaud, c'est boire.
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Luna MontoyaChâtelaine
Luna Montoya



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MessageSujet: Re: Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna]   Nous avions des gueules à briser les miroirs, et à montrer nos yeux que dans le contrejour. [Luna] EmptyMar 22 Mar 2016 - 23:53
Un sourire moins mal à l'aise revint sur ses lèvres quand le soigneur s'excusa, puis que messire Malachite fit de même d'une toute petite voix.
Ses épaules se détendirent légèrement et elle remercia chacun en silence d'une inclinaison de son torse. Sans rajouter un mot, la damoiselle suivit ensuite les deux hommes dans la cuisine où Messire Abel poursuivit son offre de paix en mettant à disposition de ses visiteurs non voulus quelques rations de pain.
La jeune fille blonde n'y toucha pas, laissant ce plaisir à ceux qui n'en n'avaient point l'habitude, mais salua le geste par un :

" Nous vous remercions, messire. "

Qu'elle prononça de son ton habituel enfin de retour, doux et bas. Voir manger, pardon, se goinfrer son protégé du jour et la gigotante banshee qui se tenait presque muette la ravit davantage encore.
Elle détourna cependant assez rapidement le visage pour ne gêner ni le père, ni la marmaille qui gloussait en fourrant dans sa bouche de petits bouts de mie et s'occupa de sa mise. Ils n'avaient pas besoin de spectateurs, même si elle était bienheureuse qu'ils aient accepté la main tendue du barbier et se régalaient. Un pugilat entre les deux hommes n'aurait été dans les intérêts d'aucun.

Le voyage pour venir et le fait de s'asseoir avaient créé sur ses jupes quelques plis et froissements qu'elle se décida à lisser grâce à de plus en plus lents gestes calmes. Elle ne releva le faciès que lorsque le vieil homme de leur quatuor leur proposa à boire et donna quelques explications impromptues.
Là, dans la chaleur de ce foyer qui n'était pas le sien, elle sentait que ses doigts finissaient de se réchauffer et que le bout de son nez n'avait plus rien de glacé. Ces sensations l'apaisaient, tout comme les cliquetis de la cuisine, davantage encore que le semblant de sérénité qui s'était établi entre client et soigneur.
Assise sur une extrémité du banc, toute droite, elle se trouvait bien et ses jambes éreintées la remerciaient pour cette pause inopinée.

Elle ne répondit donc rien sur l'instant à la proposition d'alcool, perdue dans un état veule, mais finit tout de même par rompre ce silence malvenu. Les sons paraissaient à présent lui venir avec un menu retard, comme si la fatigue les forçait à ralentir.

" Veuillez me pardonner. Mais auriez-vous plutôt de l'eau, s'il vous plait ? "

Elle battit un peu des cils pour s'éveiller davantage. Il n'était pas encore l'heure de dormir et malgré l'appel de ses oreillers, boire du liquide fort à cette heure n'était guère une bonne idée. Elle n'avait encore jamais été saoule au point de tituber ou de hurler dans le grand air, mais ces breuvages et elle n'avaient pas une longue histoire d'amour.
Leur goût, elle ne l'appréciait point trop. Alors avec la fatigue, que cela risquait-il de donner ? Et puis il était toujours conseillé de ne faire que tremper ses lèvres, ce qu'elle faisait en temps normal. Autant donc ne pas gâcher un verre dont le guérisseur pourrait avoir besoin un autre soir.
Si il n'avait guère d'eau, elle ferait aussi sans. Il était hors de question de voir leur hôte aller en chercher pour sa personne et si il faisait mine d'une telle chose, elle le lui dirait avec le plus de tact possible.

Une fois la réponse à son interrogation donnée, elle parut ensuite enfin fort curieuse de tout ce qui l'entourait et mira le tout sans faire de moue ou de commentaire malvenu.
L'endroit à dire vrai lui paraissait... Fonctionnel. On était loin des tables de bois gravé ou des mirifiques rideaux du quartier noble. On était aussi tout aussi à l'opposé des tabourets auxquels il manquait un pied ou des cruchons ébréchés des lieux de vie des plus mal-nés. Il n'y avait rien à redire sur ces lieux, à part peut-être que cela manquait de présence féminine. D'autres vivaient avec bien moins que cela et s'en sortaient comme des chevaliers lors d'une joute : avec honneur justement.
Elle apprécia la courbe d'un pot, les ombres que projetaient les gestes de leur cuisinier sur ses alentours immédiats. La danse de l'âtre attira à nouveau son attention vers les mouvements des personnes sur place et elle dévisagea avec candeur Abel puis Malachite.
Il était fou comme un peu de douceur de chacun pouvait régler bien des choses. Voilà que suite à de simples excuses dites de l'un à l'autre, les deux hommes n'avaient plus l'air de taureaux furieux prêts l'un à étriper l'autre manuellement ou par des remontrances.
Le babillage de l'enfant en devenait presque plaisant.

Sa contemplation fut cependant interrompue lorsqu'elle se rappela pourquoi ils étaient là et ses sourcils se froncèrent. Un coup d’œil au bouillant homme de Traquemont et elle demanda d'une voix inquiète, sans balbutier :

" Vos jambes ne vous font-elles point mal, messire Malachite ? "


Il était, soit, assis, mais devait porter une charge qu'elle n'avait guère : sa fille. Seules ses menottes à elle trainaient sur ses propres genoux. Hors si elle se rappelait bien ce qu'elle avait vu, il n'était pas dans un état fabuleux.
Il était fort possible aussi qu'il n'apprécie pas qu'elle s'interroge à haute voix : c'était malpoli et touchait souvent une corde sensible chez les spécimens mâles qu'elle avait pu rencontrer. Mais sa santé lui était importante à présent, il devrait donc faire avec.
Fort heureusement pour tous, ils se trouvaient là chez un barbier qui pourrait peut-être y faire quelque chose, même si il ne le souhaitait pas...
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