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 Tous les cris des SOS.

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Aymeric de Duègme
Aymeric de Duègme



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MessageSujet: Tous les cris des SOS.   Tous les cris des SOS. EmptyVen 25 Sep 2015 - 19:06
Le convoi circulait péniblement sur la voirie aux pierres défoncées qui manquaient par endroit, transformant la route en marres de boue dans lesquelles venaient s’encastrer les roues des charrettes, et l’on craignait à chaque instant que ne se cassât un essieu. Mais la longue suite progressait inlassablement, lentement mais sûrement, et la lourdeur du cahot des charriots qui tressautaient continuellement, buttant çà et là sur une grosse racine, heurtant de-ci de-là un morceau de roche, témoignait de l’abondance des ressources précédemment récoltées dans les terres arables. Cela représentait une trotte, pour sûr ; il fallait traverser une bonne partie des marécages, s’enfonçant dans les sous-bois et les tourbières en direction de l’Ouest, pour parvenir sur un terrain bien moins traître où, sous le couvert d’épaisses palissades de bois, voire parfois de pierre, l’on faisait pousser des céréales en tout genre et élevait des bovins. Chaque personne accompagnant le convoi ne s’était pas joint par pure bonté de cœur, non pas ; les soldats comme les caravaniers, en sus de toucher une certaine somme d’argent de retour à Marbrume, avait droit de récolte sur les charrettes à hauteur d’un petit panier par personne. Dans ces temps de crise et de famine, ce paiement en nature prévalait pour beaucoup de monde sur les espèces sonnantes et trébuchantes.

Oui, personne ne s’était enrôlé par bonté d’âme, car le danger était bien réel. Les Fangeux rôdait sous les frondaisons, guettaient l’innocent qui viendrait s’approcher un peu trop près des buissons épineux et touffus, qui se hasarderait à remuer du bout du pied cette flaque en apparence pas très profonde, ou qui s’amuserait, ès qualité de grand sot, à jeter quelque caillasse que ce fût dans cette couche verdâtre de lentilles d’eau. Et cela alors même que brillait encore le soleil, mais que le faîte des arbres, dense et feuillu, venait absorber de leurs feuilles.

Le véritable danger les attendait dans la pénombre vespérale, lorsque les rayons de l’astre solaire disparaissaient à l’horizon, et qu’un vent froidureux commençait à souffler les vêtures. Là, parfois, le chant des grillons s’interrompait pour laisser place à un terrible silence, qui planait sur eux comme le fil tranchant d’une hache au-dessus de la nuque d’un condamné. Les animaux, bien qu’aucunement menacés, le plus étrangement du monde, par le fléau qui courait librement dans le Morguestanc, s’éloignaient progressivement, et leur absence invisible ne faisait qu’appesantir encore l’atmosphère oppressante qui s’était installée. Et c’était souvent à ce moment précis, après une demi-seconde qui se forlongeait à l’infinie, après cette respiration trop longtemps retenue, après ce regard effrayé qui venait de balayer les fourrés, que la mort s’abattait sur eux.

Mais rien de tout cela ne s’était déroulé jusqu’alors, et Aymeric remerciait sa bonne étoile, intérieurement. Le voyage s’était déroulé sans rémora, et ni fangeux ni banni ne s’était intéressé de trop près à leur convoi. Si les fangeux n’avaient plus de cervelle, et attaquaient à perte, les bannis, eux, n’avaient que trop conscience de leur infériorité numérique comme de leur état précaire. D’une façon générale, ils s’attaquaient bien rarement à ce genre de caravane, protégée par une vingtaine de soldats. Tout au pire n’y avait-il eu que trois attaques de fangeux en plein jour, mais ces trois mêmes vagues composées chacun d’une demi-douzaine de créatures avaient été repoussées, ne laissant derrière eux aucun mort du côté humain. En revanche, quatre soldats avaient été blessés ; un avait été happé dans les fourrés, et un bon morceau de chair lui avait été ôté au niveau du cou tout en épargnant miraculeusement la carotide quand les trois autres arboraient de vilaines traces de griffes sur les bras et le visage, bien plus laides que véritablement dangereuses. Il fallait simplement veiller à ce qu’elles ne s’infectassent pas ; ces monstruosités, comme chaque soldat le savait, n’était point des modèles de propreté, et leurs griffes comme leurs crocs laissaient bien souvent la gangrène dans leur sillage, lorsqu’ils ne transformaient pas tout simplement le macchabée en fangeux. Concernant les nuits, ils avaient fait quelques hâtes, claquemurés dans les ruines de quelques châteaux qui abondaient dans les marécages de l’Obliance, et leur position fortifiée avait occulté tout mal qui rôdait autour d’eux.

Parvenus aux terres arables, ils avaient déchargé des charriots les outils, les faux, les charrues, les haches et tout un restant d’ustensiles hétéroclite que l’on ne fabriquait qu’à Marbrume, et les avaient échangés contre ces aliments que l’on produisait bien plus facilement dans les plaines. Un échange de bon procédé qui assurait la survie comme un semblant de prospérité pour chacun des partis. Puis, sous ce même soleil qui n’avait eu de cesse que de briller à l’aller, ils s’en étaient repartis en direction de la capitale.

Ils devaient être à la moitié du chemin qui les rattachait à Marbrume. Le convoi continuait d’avancer, sur le même rythme imperturbable, et chacun faisait preuve de vigilance ; l’on n’était jamais tant en sûreté que dans l’enceinte des murailles de la capitale, et chaque seconde d’inattention pouvait être fatale, pour sa propre personne comme pour le groupe. D’une façon générale, lors de telles traversées, les bavardages n’allaient pas bon train ; l’on préférait un silence attentif et précautionneux à la distraction du jaspinage, cela d’autant plus que la première option attirait bien moins l’ennemi que la seconde. Le soleil, haut dans le ciel, se devinait aisément par-dessus la frondaison des arbres. Mais plus pour bien longtemps.

Rapidement, il sembla que le temps se gâta ; ce fut d’abord de grands nuages gris et pommelés qui vinrent masquer la voûte azurée, qui cédèrent bientôt la place à de lourds cumulus, noirs et intimidants, qui éclipsèrent même jusqu’à la nitescence chaleureuse des raies de lumière. Une petite pluie se mit à tomber, laquelle se transforma en torrents déchirant les cieux. Dans cette obscurité diurne, les trombes leur masquaient la vue dans des rideaux d’eau qui les aguayaient jusqu’à l’os. Le vacarme des ondées sur les charriots et les bâches était épouvantable, et l’on ne pouvait s’entendre qu’à grand renfort de cris et de proximité. Personne ne pouvait deviner que le chant des grillons avait cessé, s’ils avaient un jour chanté sous ce déluge, comme pas le moindre garde n’avait pu pressentir l’imminence de l’attaque.

Enhardis par la disparition prématurée du soleil, enorgueillis par cette presque-nuit soudaine qui s’était abattue sur le monde, les Fangeux jaillirent des fourrés, plus belliqueux et nombreux que jamais. L’on cria, l’on hurla, mais sous les risées toujours plus abondantes et bruyantes, la coordination fut impossible. Quelques vieux vétérans parvinrent à se rassembler et à faire front de concorde, que pour mieux se faire submerger après avoir emporté une petite dizaine de fangeux avec eux. Les sagettes comme les dondaines se révélaient inutiles, ou presque ; les cordes des arcs aussi bien que les arcs métalliques des arbalètes s’encrassaient d’eau, d’une eau qui voilait la vision, coulait des cheveux jusqu’aux yeux, et rendait glissantes la poigne des épées. Le sol s’était transformé depuis longtemps en une étendue de boue bouillonnante sous l’effet des gouttes d’eau qui continuaient inlassablement de s’écraser, et de plus en plus de cadavres venaient les accompagner dans leur chute.

Aymeric ne dut sa survie qu’à la chance. Ayant dégainé sa lame depuis un moment déjà, il donnait des coups d’épée de part et d’autre, taillant et tranchant à l’aveuglette en direction de toute cible qui ne lui paraissait pas humaine. Ses camarades tombaient les uns après les autres autour de lui, et ses flancs se trouvaient toujours plus menacé. Il chercha l’appui de quelques hommes, combattant dos à dos, puis d’un des lourds charriots lorsque ses alliés furent emportés par les créatures. Des hurlements étouffés par la pluie lui parvenaient faiblement ; bien plus audibles demeuraient les crépitements des bâches humides sous les assauts des ramées et les vociférations désespérées des mourants. En fin de compte, la vérité lui apparut ; il fallait fuir, s’esbigner le plus rapidement de ce carnage et de ce tumulte qui ne feraient qu’attirer plus encore de fangeux.

Aussi Aymeric courut-il, lâchant chacun de ses compagnons, qui luttaient pour une vaine survie, qui s’enfuyaient à leur tour, ayant compris que nul espoir ne résidait dans cet affrontement. Le jeune homme croisa une créature sur sa route ; si celle-ci s’avérait bien plus dangereuse qu’un homme de par leur force et leur agilité, il suffisait d’une bonne épée pour parvenir à les tenir à distance, voire même à les faire périr en un ou deux coups. Il en pourfendit une, de bas en haut ; la chair de ces créatures s’avérait aussi conglutineuse que peu résistance tant que l’on ne heurtait pas les os principaux. Un mouvement lui parvint de derrière, et il reçut un violent choc qui vint ébranler chacun des maillons de sa cotte. Cela ne pouvait être qu’un Fangeux, pour attaquer aussi stupidement, sans véritablement cibler l’endroit. Il se retourna, et, dans le même mouvement, pariant effectivement sur la présence d’un de ces monstres, son bras droit décrivit un arc-de-cercle qui vint trancher la créature au niveau de son torse en putréfaction ; le fangeux s’écroula, et Aymeric avec elle, la boue étant un terrain fort traîtreux pour des passes d’arme. Il se releva tant bien que mal, et continua sa course effrénée dans les sous-bois. Son cœur battait la chamade, et sa respiration s’emballait frénétiquement ; son corps occultait la douleur des chocs et des griffures, mais il savait qu’il ne tiendrait jamais la distance face à ces cohortes venues d’on ne savait où. S’il parvenait à s’enfuir loin avant qu’elles ne le remarquassent, il avait une chance de s’en sortir. Autrement, c’en était fait de lui. Mais une troisième option lui apparut.

A travers ces torrents de pluie, après avoir maladroitement passé un gantelet de fer sur ses yeux, lui écorchant légèrement le nez au passage, une imposante ruine se découpa dans l’obscurité. C’était peut-être sa chance de se dissimuler, de se cacher, et d’attendre que passât le déluge et que le temps s’abeausît. Courant éperdument, il passa sous les hautes murailles, cherchant des gravats pour escalader les murs, un éboulement au travers duquel il aurait pu passer afin de pénétrer dans le fortin, mais il ne vit rien. Si ce ne fut, après quelques perlustrations, une lourde porte de bois dont les deux battants demeuraient complètement clos, et intact. Par les Trois, ce lieu était-il habité ? Il tenta le tout pour le tout, cognant de ses mains gantelées d’acier sur les huis, transformant ses membres en lourds heurtoirs.

«Y’a quelqu’un qui m’entend, là-dedans ? Ouvrez-moi, ouvrez cette porte, ça barde plus loin ! », brailla-t-il à s’en arracher les cordes vocales, dans le déluge.  
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MessageSujet: Re: Tous les cris des SOS.   Tous les cris des SOS. EmptyDim 27 Sep 2015 - 22:01





Tous les cris...

Le crissement entêtant du métal que l’on aiguise et les crépitements de la cheminée étaient les seules bruits qui animaient la triste salle à manger de la forteresse de Tourbière. Une troupe bigarrée de brigands, de mercenaires et de criminels raccommodait des cuirasses, grattait la boue et le sang séchés qui maculaient armes et pièces d’armures dans un silence oppressant. Il s’était mis à pleuvoir plus tôt dans l’après-midi et la châtelaine avait fait fermer la forteresse. Les marchands venus du village des bannis pour faire du troc avaient été contraints de rester au fort pour la nuit. Personne ne voyageait par temps de pluie. Le ciel sombre et la terre humide étaient les conditions les plus favorables aux fangeux. On restait alors cloîtré derrière les murailles anciennes, et même les hommes les plus braves peinaient à rester stoïques quand s’élevaient les plaintes lugubres des monstres qui erraient autour des murailles, et le bruit de leurs pas lents dans la boue.

Victoriane grattait l’acier d’une épée courte à l’aide d’une brosse grossière légèrement humide, et une eau noirâtre tachée de boue et de sang souillait le bas de sa robe terne. Elle avait sans doute était belle il y avait longtemps, mais la domestique qui lavait et raccommodait son linge n’était plus capable de tenir ses robes dans un état décent depuis que la châtelaine les traînait régulièrement dans la boue des marécages comme une souillon. Mais l’époque n’était pas à la coquetterie, et ses hommes ne l’estimaient pas moins parce qu’elle n’avait pas l’air d’une noble de Marbrume, bien au contraire. Le respect et la confiance qu’ils lui témoignaient étaient renforcés par son humilité, et la conscience qu’elle avait de ce qui était réellement nécessaire : se nourrir, s’abriter, se protéger des fangeux, en un mot : survivre.

On cogna violemment à la porte et un homme essoufflé entra sans y avoir été invité. Les hommes silencieux tressaillirent mais demeurèrent de marbre, habitués à garder leur calme en toute circonstance. Le cœur de la châtelaine s’était un peu emballé, elle craignait qu’on lui annonce que des fangeux étaient entrés dans la forteresse. C’était sa plus grande terreur, chaque minute de chaque heure, la nuit comme le jour, depuis des mois.

- Un homme est à la porte, ma Dame, il réclame qu’on lui ouvre ! s’exclama le garde qui avait irruption.

Tout le monde se tendit. Ce genre d’incident était toujours délicat. Il fallait toujours choisir entre secourir les pauvres hères en danger, et risquer de laisser entrer des fangeux lancés à leur trousse.

- Y a-t-il des créatures autour de la forteresse ? demanda Victoriane en abandonnant sa brosse et en se levant.

- Pas dans les environs directs.

A ces mots, les hommes prirent tous une arme et se levèrent à leur tour pour suivre la châtelaine. Quand on ouvrait les portes la nuit ou les jours de pluie, il fallait le plus de guerriers possible dans la cour de la forteresse pour repousser les fangeux si l’un d’eux leurrait la vigilance des gardes et se précipitait sur l’entrée.

La maîtresse des lieux s’était elle-même armée de l’épée courte qu’elle nettoyait plus tôt. Elle sortit de la salle à manger et descendit un escalier branlant jusqu’à la cour intérieure de la forteresse, escortée par une dizaine d’hommes. Dehors, résonnaient les cris insistants d’un homme qui suppliait qu’on lui ouvrît. Victoriane se mordit l’intérieur de la joue, il fallait faire vite, de tels hurlements ne manqueraient pas d’attirer des fangeux, si l’étranger n’en avait pas déjà à ses trousses. Elle traversa la cour à toute vitesse, leva les yeux vers le garde en poste dans une tour à moitié effondrée, il lui fit signe que la voie était libre, mais qu’il fallait faire vite. Elle adressa alors un signe de tête aux deux hommes postés à la porte, ils se préparèrent à soulever l’énorme poutre qui barrait la porte. Autour d’eux, plusieurs gardes armés de piques qu’ils serraient comme des rames de survie, formèrent un demi-cercle, bientôt complété par les mercenaires qui avaient suivis la châtelaine. La porte fut dégagée, et un garde tira sur le grossier montant de bois, révélant un chevalier en cotte de maille, ruisselant d’eau.

Au loin, des fangeux, reconnaissables à leur démarche désarticulée, se rapprochaient de la forteresse. Les gardes levèrent leurs piques pour dissuader le chevalier d’entrer tout de suite.

- Avez-vous été mordu ? interrogea Victoriane d’une voix suffisamment forte pour couvrir le bruit de la pluie qui détrempait ses vêtements et ses cheveux.
 



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MessageSujet: Re: Tous les cris des SOS.   Tous les cris des SOS. EmptyDim 27 Sep 2015 - 23:29
Alors qu’il tambourinait violemment sur la porte, usant de ses poings, de ses coudes, de ses genoux et de ses bottes, et même, une fois, de sa tête, Aymeric n’osait pas regarder derrière lui. C’était cette porte, ces battants de bois, qui représentaient son salut, et non pas les hordes grouillantes qu’il devinait dans son dos, sans même les voir. C’eût été le coup d’œil de trop. S’en prenant à la porte, forcenant comme jamais, aussi bien sur les heurtoirs que de sa voix, il crispait chacun des muscles de son corps ; tête rentrée dans les épaules, mâchoire serrée, il sentait à chaque seconde la menace d’un coup soudain qui lui parviendrait de derrière. Un choc brutal, un grognement bestial, la marque de crocs qui s’imprimerait dans son cou, ou encore des griffes acérées qui lui arracheraient la moitié du crâne.  

Mais loin d’entendre des bruits de succion de vieilles bottes ou de pieds palmés renâclant dans la boue grasse, ce fut plutôt toute une activité qu’il entendit –enfin !- derrière la porte. A tout le moins, c’était ce qu’il crut percevoir, au travers des rideaux de pluie qui maculaient ses yeux et trompaient son ouïe en ricochant sur les feuilles et sur les pierres. Mais il ne se trompa point, en dépit du sentiment d’urgence qui l’animait, prêt à lui faire croire n’importe quoi, et surtout à faire surgir de son imagination ses plus grandes peurs.

Les lourds battant de bois s’ouvrirent enfin, somme toute assez rapidement en dépit de leur poids. L'impression de danger imminent ne semblait pas s’en prendre qu’à ses propres tripes ; par-delà la forteresse, la même hâte, la même insécurité, les avaient gagnés également, et, s’ils avaient décidé de venir en aide au pauvre type qui demandait asile, mieux ne valait pas trop traîner. Il fit un pas, cherchant déjà à s’engouffrer à travers le mince interstice que laissaient apparaître les deux huis, que pour mieux s’arrêter. Une étrange scène fut exhibée dans la cour intérieure du fortin.

Toute une ligne de piquiers l’attendait, formée en arc-de-cercle autour de l’entrée, lui barrant la route de leurs longues hampes qui le menaçaient de leurs éclats métalliques. Tout un assemblement de soldats, avec une servante un peu trop curieuse qui s’était arrêtée en plein milieu de sa tâche, désireuse de savoir ce qui avait remué tout cette pagaille. Aymeric osa, enfin, jeter un rapide coup d’œil derrière lui. Il les vit, là, à cinquante pas de là, probablement rameutés par le charivari que ses suppliques avaient produit. Il était prêt à se battre, mais, s’il fallait effectivement le faire, mieux valait se mettre flanc à flanc avec d’autres camarades, plutôt que de l’envoyer en première ligne. Il fit un nouveau pas en avant.

Aussitôt, une ligne barbelée de fer et de pointes se tendit vers lui, l’interdisant d’effectuer la moindre avancée dans ce lieu de refuge. C’était comme s’ils le condamnaient aux Fangeux pour qu’il servît de pâture. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait, et venait seulement de réaliser à quel point ces hommes étaient nombreux, à quel point ils avaient l’air organisé. Ce devait être des bannis, et, reconnaissant en la personne d’Aymeric un de ces bougres de gardes qui les avaient balancés de l’autre côté des remparts de Marbrume, dans la misère et l’insécurité quotidienne, il n’était pas étonnant qu’ils cherchassent à se venger. Le destin était parfois bien cynique, et c’était très perfide de leur part que de lui accorder pareille mort.

Une voix se fit entendre, pourtant, alors qu’il pensait que tout serait bientôt terminé pour lui. Une voix féminine ; la servante venait de prendre la parole. Il tiqua, la dévisagea l’espace d’une seconde. En fin de compte, il lui apparut que c’était bien elle qui commandait tout ce contingent de bannis, le plus normalement du monde. Il ne comprenait pas à quoi rimait tout cela, mais cette interrogation, la sienne, fut rapidement remplacée par une autre. A la femme que de lui demander s'il avait été mordu ou non.

Aymeric tiqua une nouvelle fois, risquant un autre regard par-dessus son épaule. Les bestioles s’étaient bigrement rapprochées, et l’esprit du milicien ne fit qu’un tour. Lui dire oui, lui dire non ? Lui mentir, lui dire la vérité ? Lui-même ne la connaissait pas, en vérité. Et cette jeune femme savait-elle que l’on était transformé en Fangeux que lors de sa propre mort, si l’on avait un jour été mordu, contaminé ? Tous, dans cette forteresse, étaient des morts prématurés, des fangeux en sursis. A moins qu’ils ne gardaient que ceux qui étaient intacts ? Combien de personnes avaient-ils refusées et envoyées à la mort en pensant qu’une simple morsure les condamnait dans les quelques heures qui suivaient ? Comment leur dire la vérité ?
Il n’en avait tout simplement pas le temps.

«Je… Non, je ne pense pas. J’ai rien, je me suis sauvé à temps ! »

Son armure comme la pluie et le vent qui battaient violemment toute présence masquait encore, pour le moment, son véritable état, ses traits tirés, sales, et les traces de griffes qui avaient labouré et sa broigne matelassée de mailles, et sa peau. Il en répondrait plus tard, quand il serait en sûreté.
Aymeric croisa le regard de quelques soldats. Etait-ce parfois un semblant de peur, qu’il lisait dans leurs prunelles ? Une ferme résolution ? Les mâchoires se serraient, aussi bien que le ne faisaient les poignes sur les hampes. Le milicien voyait presque, dans leur sombres pupilles, les reflets des Fangeux qui se découpaient dans son dos, à quelques pas de là. Comme si le combat était imminent.  
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