[Terminé] C'est qu'elle a du chien (PV Clovis - Xandra)

Xandra était occupée, ou plutôt elle était planquée dans son bureau. L’ennui, le vrai et c’était assez délicieux de se trouver là, attablée, le menton sur le bras à dessiner des ronds avec de l’encre. Le silence, le calme, rien. Pas de fangeux, pas de mission, pas de drame. C’était suffisamment rare pour être grandement savouré.

Calme qui ne dura pas, la porte s’ouvrant sur un homme, séduisant. Regard d’acier, posture militaire. Du moins, il fut séduisant jusqu’à ce qu’il ouvre la bouche. L’attention de la rousse dériva un bref instant vers le canidé qui accompagnait. Pas décharné pour deux sous, il en prenait soin mais le ventre de la bête était peut être même un peu rond. Enfin, ce n’était pas ses affaires.

- Ah oui, c'est la chef Sydonnie qui m'envoie. Moi, c'est Clovis. Clo-vis ! C'est po bien difficile. Comment que j'vais vous expliquer ça ? Parce que qu'j'sais po trop pourquoi qu'je dois venir. Ah, par le début. Bonne idée, hein ?

Est ce que ce type la prenait pour une débile ? S’il ne savait pas ce qu’il foutait là elle allait le renvoyer dans ses pénates à coups de pieds dans le cul. Elle farfouilla néanmoins dans ses souvenirs pendant que l’homme poursuivait son long monologue. Sydonnie lui en avait bien parlé une fois de ce Clo-vis. Oui, ça lui revenait et une vague indulgence adoucit ses traits.

Me prévenir ?

Et bien je...Félicitation à votre...chienne. Non, je n’ai pas de questions particulières.

La rousse avait eu peur d’abord, pensant qu’il parlait de son amie, mais bien vite elle était parvenu à faire le rapprochement. Finalement si, cette femelle qui devait mettre bas, ça la regardait. Ce qu’elle ne comprenait pas bien en revanche c’était ce qui en faisait son problème à elle.

- ERKAL. En quoi est ce…

L’homme avait embrayé ne laissant pas l’occasion à la coutilière dubitative d’en apprendre plus, du moins en avait-elle appris davantage, mais pas tout à faire ce qu’elle espérait. Pas du tout en fait.

- L’écurie ? Ecoutez, c’est une caserne ici, pas un chenil ! Je crois que j’ai compris ce qu’elle attend de moi, contrairement à vous. J’ai une arrière cours, de quoi installer confortablement votre chienne et la place d’accueillir ses petits. Ça vous évitera des ennuis, à Sydonnie aussi et probablement à moi. Vous pourriez rester jusqu’à ce qu’ils soient assez grands pour être déplacés. Sous réserve que vous soyez capable de la fermer.

Vu comme cet homme semblait totalement ailleurs, pour ne pas dire totalement crétin, il risquait fort de l’impliquer dans quelque chose qu’elle n’avait pas demandé. Sous réserve qu’il parvienne à intégrer son nom. Si on apprenait qu’elle vivait avec un nouveau milicien, ce serait un u problème à gérer dont la rouquine se passerait bien.

Xandra se leva pour faire le tour du bureau, se plantant devant le soldat, levant le nez pour croiser son regard.

- Vous en dites quoi ?

Ils étaient au moins d’accord sur quelque chose, l’importance des noms, plus encore ceux des supérieurs. Si Xandra avait tendance à se fermer à tout ici, à la caserne, elle avait étrangement du talent quand il s’agissait de retenir les noms et les visages. Question de “survie”. Qui approcher, qui éviter, c’était une chose acquise à présent.

Ça je veux bien le croire, que tu comprend pas...

Xandra écoutait le soldat planté devant elle avec intérêt reel, si elle n’avait pas de liens particuliers avec les animaux, elle avait apprit à utiliser comme éclaireurs les chiens, parce que les chiens de la rue, ils sont fiables et terriblement malins, comme la gamine qu’elle avait été. Si on ne savait que rarement ou l’on allait avec les hommes, c’était tout le contraire avec les animaux, dès lors que l'on avait de quoi gagner leur confiance. La viande de rat par exemple, elle faisait des miracles.

- Dites moi Clovis, comment vous saluez une femme quand vous ignorez qu'elle est gradé ? Quand elle n’est pas de la milice ?

Elle était rendu méfiance, par la force des choses, par ses propos, elle ne le connaissait pas. Ils ne se connaissaient pas. Sur ce point, il avait raison. Il y avait les considérations sociales, il y avait le reste. Xandra savait juste par habitude qu’un homme qui aimait les bêtes était rarement un mauvais bougre et les quelques rares informations communiquées par Sydo au hasard des conversations.

- Je veux bien vous croire, l’ami des bêtes, mais c’est hors de question et en effet, vous ne pouvez pas dire non. Pas de mise bas dans l’écurie. Je doute que les départs précipités et les beuglements des soldats soit un environnement sain et sécurisant pour une mère et ses petits, quand bien même elle trouverait un certain apaisement en la présence des chevaux. D’ailleurs personne de sensé ne devrait trouver de réconfort près de ces choses. Ecoutez, vous êtes son maître, qu’elle se contente de vous.

Le regard de la rousse vrilla sur la chienne à nouveau, ses prunelles bleus s’y attardant un moment.

C’est qu’elle se sentait presque coupable.

- Puis un coup de sabot par accident c’est vite arrivé. Sans compter que certains ici ne sont ni des hommes, ni des bêtes, ils sont pire que ça et vous retrouveriez votre chienne et ses rejetons morts au petit matin. Ce n’est pas ce qu’on veut, non non, ce que vous voulez. Moi je m’en fiche.

Toute culpabilité s’était envolé. Quoique...

- Vous serez bien chez moi. Mais sachez tenir votre langue. Seul votre coutilière doit savoir.

Le ton était dur, ce point était réglé, le verdict sans appel.

Elle recula un peu, s’appuyant au bureau.

- Je vous vouvoie dans l’espoir que vous compreniez que j’attend cette marque de respect de votre part, soldat. Visiblement, ce n’est pas les cas, du moins pas totalement. Vous dites que c’est votre devoir, mais vous ne le faites pas. Je vous tuetoirais quand vous me vouvoirez effectivement.

Puis il était reparti en explications claires, naïves, atrocement longues et la rousse ouvrait parfois de grands yeux, pour mieux les rétrécir, sourcils froncés l’instant d’après. Incrédule, blasée, le fait est que cet homme avait le don de provoquer bien des émotions chez la jeune femme mais celle qui surpassait toute les autres était la frustration. Son moment de calme n’avait pas duré bien longtemps.

- Sydonnie n’a pas le pouvoir de vous faire changer de coutilerie, c’est le Sergent qui prend cette décision. Je ne suis au courant de rien allant dans ce sens. Peut être qu’elle vous a dit ça pour ne plus avoir à s’occuper de cette histoire de chien…

Pour que tu arrêtes d’autant jacter...

- Je sais comment l'on devient mère et comment ça se passe pour les animaux, de fait. Epargnez moi les détails, oui.

La rousse qui avait croisé les bras les agita soudain devant elle.

- Attendez, attendez. Je vous parle de venir vivre chez moi et d’y laisser la chienne, elle y sera en sécurité, d’y vivre, comme vous vivez à la caserne le temps de la mise bas et que les chiots soient transportables. Vous allez travailler comme vous le faites tous les jours et moi je me débrouille pour gérer la...ça. Avec vous. Vous dormirez à l’étage, j’ai un lit libre. La chienne reste dehors, je n’ai pas envie qu’elle abime quelque chose, Barral, mon ami, me tuerait pour ça. Mais elle aura tout ce qu’il faut, vous pouvez me croire.

La rousse soupira en l’entendant rire, mais un vague sourire s’était dessiné sur ses lèvres.

- Est ce que la femme étrange que je suis est plus claire cette fois ? Vous devriez passer plus de temps en compagnie de ces dames que des bètes, les choses seraient surement plus facile, si je peux me permettre.

Concernant les femmes, la rousse n’avait pas eu la réponse à laquelle elle s’était attendue, mais elle lui convenait, c’était surement ça le plus important. D'ailleurs, son air renfrogné avait disparu presque aussitôt.

Elle écouta patiemment l’argumentaire en faveur du fameux animal qui avait rendu tant de service à l’homme, celui là même avec qui Xandra ne serait jamais vraiment à l’aise. Au moins, avec le rats on savait à quoi s’en tenir. Les chevaux ressemblaient trop aux Hommes à bien des égards pour gagner sa confiance.

- Vous n’avez vu de fangeux s’étonna la jeune femme, le jalousa un peu même la milicienne d’une voix qui pourtant ne trahissait qu’une simple prise de connaissance. Il y avait une certaine candeur surement involontaire dans sa manière de dire les choses à Clovis. Elle appréciait ça mais pourtant elle avait conscience des ennuis qui pouvaient en découler.

La suite de leur échange, en revanche, l’interessa moins, elle perdit un peu le fil jusqu’à ce qu’il en vienne à aborder la vouvoiement. Cette fois, c’était clair. Quand aux restes, un peu moins...

- Si, c’est important, les grades, les conventions, les règles. C’est ce qui fait que tu as ce travail, c’est ce qui fait que ça tourne encore, la Milice, qu’on est bancal mais qu’on tient debout. Si on respecte le grade, ça cadre, ça permet d’éviter certains débordement, ça pousse une partie des hommes au respect. Aussi étrange que ça puisse paraître, il y a bon nombre d’hommes de valeurs. Tu sais…

Xandra retourna s’asseoir, se mettant un peu plus à l’aise à son bureau, la tête dans sa main, le bras en appuie sur le bois.

- Moi non plus, en vérité, je suis pas vraiment attaché à tous ça, en tant qu’individu mais je le suis en tant que milicienne. il est probable que je t’autorise à me tutoyer sous peu, surtout si on doit vivre ensemble un temps. Je n’ai jamais aimé donner des ordres, je ne le fais sans doute pas assez, mais j’essaie de le faire toujours justement, qu’ils soient cohérents, qu’on me fasse confiance. Le respect se gagne, mais faire comprendre qu’on en attend, ça pose des limites. Le vouvoiement est un outil parmi tant d’autres.

- Pour ce qui est de mon chez moi, c’est pas vraiment ça, non. Tu es le premier à qui je le propose, je le fais pour Sydonnie, pour vous dépanner parce que j'préfère savoir la chienne chez moi qu’à l’écurie. Pour le reste, oui, c’est un secret. Je suis une femme, un gradée, qui va héberger un homme, j’ai tout intérêt à ce que ça ne s’ébruite pas, et toi aussi. C’est clair ?

Son regard vrilla à nouveau sur la chienne, qui se sentant épiée tourna la tête dans sa direction.

- Je n’ai jamais eu d’animal à moi et vu ma vie, il faudrait qu’il m’accompagne, ça veut dire dehors, avec la fange. Je crois que je ne ferais pas un bon maître, d’autres sauraient sûrement bien mieux tirer avantage de tes conseils que moi. J’en ai utilisé, parfois, nourris, un peu plus souvent et même si j’y ais trouvé du bon, c’est bien moindre, je veux dire, bien différent des liens tissés avec mon prochain. C’est loin d’être incompatible, on a jamais le cœur trop petit.

J’ai pas à t’ordonner quoique ce soit en rapport avec ta vie privée mais, même si c’est plus difficile, risqué, on ne vit vraiment qu’avec quelque chosen quelqu'un à perdre et c’est ce qui nous sauve. Ce que tu gagnes en t’ouvrant, on osant est au moins aussi fort qu’une potentielle déception, ça en vaut la peine. On aura le temps de discuter de tout façon, malheureusement.

Prend les affaires dont tu auras besoin pour la semaine, tu pourras en ramener d'autres quand bon te semblera mais je pense que si elle se sent chez elle au moment de la mise bas, ça n’en sera mieux. Considère que tu vis dors et déjà chez moi. Je m’occupe de tout, toi de la chienne. Ce soir, à la fin du service devant la caserne, je te montrerais le chemin. Tu peux partir maintenant, j’ai du travail mentit la rousse en plantant la plume dans l’encrier, ignorant l’indésirable et sa pondeuse en devenir.

Ca va être long, très long.