Con-fesse-fion [PV Xandra Erkal][Terminé]

Xandra s’était retourné vers lui après avoir déposé d’un geste lent le linge sur le bord du récipient. Sans être une grande active, ses gestes étaient souvent vif et nerveux, si bien que quelqu’un l’a connaissant davantage y aurait décelé de l’agacement plus que de la sérénité. En effet, la jeune femme était en proie à diverses émotions, qui menaçaient toutes de la faire exploser, en larmes, en cris, de lui faire claquer la porte en le plantant là mais elle n’en fit rien. Il avait besoin d’elle, mais ce que la rousse ignorait, c’est si elle serait en mesure de lui en apporter une et quand bien même, si cette dernière serait suffisante. Epuisée, abîmée, elle n’était pas certaine d’être à la hauteur des attentes non formulés, peut être même inconsciente de son collègue.

On frappa à la porte, lui offrant un peu de répit, quelques secondes supplémentaires centrées égoïstement sur elle même. Se levant prestement, la rouquine traversa la chambre, faisant légèrement grincer le parquet usé sous ses bottes.

- Qui est là ?

A ton avis, arrêtes d’angoisser…

- Je vous monte le repas m’dame.

Xandra se décida donc à ouvrir à cette voix derrière la porte, se saisissant aussitôt des deux bols que lui tendait l’aubergiste, aubergiste curieux qui ne put se retenir de jeter un œil dans la pièce.

- Faites attention, c’est très chaud. J’me suis dis que ça vous ferait du bien. Comment qui va not’e bon milicien ?

Il posait plus la question par politesse teintée de gentillesse que par curiosité, parce qu’il avait repris figure humaine à présent le soldat du Duc, même si ses vêtements restaient couvert de sang, tout comme ceux de la jeune femme, d’ailleurs il flottait dans la pièce une désagréable odeur métallique et acide. Le sang et la sueur ça ne faisait pas bon ménage.

- Il a juste besoin de repos, sinon je l’aurais conduis ailleurs, vous vous en doutez bien. Merci d’être monté.

Sur ces belles paroles, sans lui laisser l’occasion d’ajouter quelque chose, Xandra avait refermé la porte, la poussant du plat de la main. Revenant vers le lit, la rouquine tourna la chaise, s'y assit à califourchon, les bras croisés sur le dossier et fixa l’homme allongé. Un regard las.

- Barral…

Xandra ne savait pas vraiment par quoi commencer, nageant dans les eaux troubles de sa confusion et de la sienne. Peut être par se dévoiler, elle aussi ? Équilibrage des forces en présence, confession pour confession.

- On m’appelait La Renarde dans la rue, à peine si on utilisait mon prénom. La Renarde est morte aujourd'hui. C’est ce que j’ai trouvé pour avoir la paix, devenir le petit animal du groupe. Profiter de ma petite taille, me glisser partout, voler pour les autres, les plus grands. Je sais comment sont les gosses Barral, je n’ai pas grandis auprès d’adultes. Je comprend à quel point ça a été dur pour toi, je compatis pas bêtement, par politesse, je le sais, vraiment et je sais aussi ce qu’il en reste quand on devient adulte. Je n’ai pas de magnifiques yeux comme les tiens, non, moi j’ai d’horribles cheveux roux, chacun son fardeau “démoniaque”.

Un petit ricanement et un clin d’oeil le temps de reprendre son souffle et la rouquine avait continué sur sa lancée.

- Je suis désolé pour ton père, j’espère que tu es libéré aujourd’hui, que tu te rends compte que la pensée d’un homme ne reflète pas une vérité. On peut dire ce qu’on veut mais c'est pas facile. Gamin on est à la merci de nos parents, on croit tout ce qu’ils nous disent, respect, amour, peur, un peu de tout ça. J’ai remarqué ça facilement petite, parce que je le voyais de l’extérieur. C’est toujours plus facile quand on se tient loin de quelque chose.

La rousse lui avait sourit tentant d’ordonner ses pensées, de ranger celles qui s’étaient échappé sous forme de mots, avec émotion, chaos, de la bouche de son compagnon.

- Tu ne devrais pas caché cette particularité, n’ai pas honte de ce que tu es. En ce qui concerne ta prétendue stupidité, je doute que tu l’es été un jour. Innocent, naïf, peut être, je ne te connais pas assez pour le dire, mais stupide, surement pas. Mais si je puis me permettre...La trahison n’a pas de sexe et ton père, lui, est un sombre idiot ! Tu t’es interdit toute relation depuis ça ?

Si Xandra avait réussis à passer outre sa pique précédente concernant ce qu’elle “représentait”, la moutarde lui était remonté au nez d’un coup. Peut être qu’il pensait qu’elle méritait ce qu’il lui était arrivé ce soir, le minimisant par conséquent...Sa voix se teinta de colère, comme elle se redressait sur sa chaise. Une colère qui ne lui était qu'à demi adressé, une colère contre Angelo, contre elle, parce qu'elle ne s'était pas protégé, pour la milice, pour sa "carrière", pour quoi, au fond ?

- Tu penses qu’on est toute comme elle ? C’est bien ça ?

Cette phrase grogné soudain, comme si elle avait oublié soudainement sa propre réflexion précédente. Peut être qu'elle avait besoin d'entendre que ce n'était pas sa faute ou peut être à l'inverse qu'on lui dise qu'elle aurait peut être pu éviter tout ça...Xandra aurait été bien capable de répondre elle même à cette question à cet instant.

Spoiler:

La jeune femme laissa Barral seul un instant, le temps de descendre au rez de chaussée faire changer l’eau devenue rouge de la petite bassine et demander également au tavernier un linge propre. C’était le temps nécessaire surtout, à la jeune femme perturbée pour assimiler et faire le point sur les dernières paroles du milicien. Xandra craignait que son mal être ne la conduise à des interprétations fausses qu’elle n’aurait pas eu dans d’autres circonstances. Contrairement à lui, les vestiges du combat, s’ils n’étaient pas moins douloureux, s’avéraient plus discret sur sa personne.

Après s’être lavée le visage et les mains à grande eau, Xandra alla s’asseoir sur le lit à côté du borgne, grimaçant un peu sous l’effort douloureux que lui demandait ce énième changement de position. Un soupire soulagé lui échappa alors qu’elle se laissait aller contre le mur à son tour.

- Tu as raison, la rue, le bordel ou je suis restée avec ma mère quelques années avant qu’elle ne meure, les bandes rivales, les règlements de compte. Rien de tout ça n’a été facile, non. Mais c’est loin derrière moi maintenant, ce qui devait être fait l’a été, le passé ne resurgira pas. Par contre, ce qui vient de se passer ce soir, je ne sais pas si je pourrais un jour l’enterrer...

Quelques larmes pathétiques lui échappèrent à nouveau, dévalant ses joues à toutes allures avant qu’elle ne les essuie d’un geste rageur.

- Parce que c'est déjà arrivé, pas de la même manière, j’étais bien plus jeune aussi. Cette fois là, je m’en suis aussi sortie, seule. J’ai réagis comme il le fallait. Là...J’ai pensé aux conséquences, j’ai eu peur, j’ai été lâche. Je ne veux pas perdre ma place, je ne veux pas mourir. J’ai envie de revoir celui qui a réussi à me faire oublier et en même temps, ce serait...Je ne sais pas. J’aurais dû faire plus Barral, si tu n’avais pas été là...

Elle tourna la tête vers lui, ravalant ses derniers sanglots.

- Je n’oublierais pas ce que tu as fais ce soir, tu peux compter sur moi, peu importe quoi, peu importe quand, je serais là. On a plus en commun que je ne l’aurais pensé tu sais. Pas le même parcours, pas le même vécu mais...on partage certaines blessures. Tu sais, je te parle de moi mais je t’ai écouté, je t’ai entendu surtout.

La rouquine prit le temps d’offrir un sourire amical à son vis à vis avant de reprendre la parole, sa main massant son épaule douloureuse, souvenir du genoux d’Angélo.

- Je comprend que tu ais pu t’attacher à cet homme, surtout dans ces conditions. Il y a quelques jours, j’ai...passé un moment avec une femme. Je ne peux pas dire que je regrette complètement, mais...Je comprend la dualité, le chaos que ça a provoqué en toi, surtout quand les sentiments s’en mêle. Même si, pour moi, les choses sont un peu différente..
.
Ecoutes, tu n’as pas à t’en vouloir de ces sentiments et de ces émotions qu’il a fait naître chez toi, chez lui, sans parvenir à l’accepter finalement. Tu n’es pas responsable de ça, de lui, Barral. Dis moi qu’il te manque, que tu souffres, mais tu ne dois pas te considérer responsable de ce que vous avez provoqué, ensemble. Laisse le temps refermer la blessure. Pour ma part, je laisse aussi les Dieux là où ils sont.

Après tout qu’avaient ils fait pour les Hommes ? A part les abandonner ou au contraire les avoir précipité dans la tourmente ? La rouquine délaissa son épaule douloureuse pour croiser les bras sur son opulente poitrine.

- C’est si difficile de se pardonner, hein ?

Elle était restée assez vague, ses conseils adaptés à la base du problème sans en toucher le cœur, libre à lui d’approfondir s’il le voulait, de la questionner davantage ou peut être, d’embrayer sur autre chose. Les possibilités étaient nombreuses, elle ne se refusait à aucune. La nuit était loin d’être terminée et Xandra était, de tout façon, bien incapable de fermer les yeux.

A l’évocation d’Angélo, Xandra n’avait rien dit. Barral ne serait pas toujours là pour elle. Ce qui était certain en revanche, c’est qu’il avait gagné la paix. Si Angelo n’en avait pas terminé avec elle, il était peu probable qu’il ose s’en prendre au borgne à nouveau. Pour elle, il allait s’agir de l’éviter pour ne pas commettre l’irréparable, elle n’était pas prête à assumer les conséquences qui en découlerait, elle ne le serait surement jamais.

-Xand pleure un bon coup ou ne le fait pas mais ne reste pas entre les deux. Retenir tout ça n'est pas vraiment bon pour l'âme.

La rouquine qui triturait les draps nerveusement releva son visage vers lui et lui sourit, on était loin des sourires joyeux dont elle était capable mais il était au moins sincère.

-Pas encore. Fais moi confiance, un jour je me laisserais aller et je plains celui ou celle qui sera là à me regarder renifler !

Si celui qui avait le plus morflé ce soir faisait l’effort de manger, elle n’allait pas le regarder faire sans mettre la cuillère à la soupe, d’autant que c’est elle qui avait insisté sur l’importance de reprendre un peu de force. La rousse avait vite compris qu’il était temps d’écouter et elle ne l'interrompit quand quand elle le jugea nécessaire, se contentant d’hocher la tête pour l’encourager quand son œil se posait sur elle la plupart du temps.

-C'est à cause de ma mère s'il est parti. Il était venu lui parler de moi, de nous, elle lui a demandé de quitter la ville s'il tenait vraiment à moi. Et il l'a fait. Il m'aimait vraiment vois-tu...Je n'ai jamais rien su de tout ça jusqu'à la mort de ma mère il y a cinq ans. Tu t'imagines le choc ! Mais comment lui en vouloir...c'était ma mère elle voulait juste me protéger.

- C’était surement la meilleure chose à faire, pour vous deux. De son point de vue de mère, en tout cas. Mais ce qui “doit” être fait est rarement ce qu’on devrait voir arriver...

La milicienne se passa bien de lui dire ce qu’elle pensait de sa mère, de ce que cette femme avait laissé vivre à son enfant, pour finalement le priver d’amour. Un amour déplacé, gênant, contre nature, peut être, mais bel et bien réel. Avait-elle réellement pensé à lui en demandant à cet homme de partir ? Xandra comprenait son amertume, la partageait, à son niveau. Elle se retint de lui dire aussi qu’à sa place, elle se serait surement lancé à sa recherche. Parce qu’elle avait été capable de tout abandonner, plusieurs fois et qu’elle savait que ce n’était pas forcément la meilleure chose à faire. Mais si quelqu’un l’aimait vraiment, enfin, pour ce qu’elle était, la rousse n'hésiterait sûrement pas une seule seconde.

-Bien sur qu'il me manque, qu'il m'a manquait. Au début j'ai eu l'impression de mourir. Et puis j'ai rencontré d'autres personnes qui étaient comme moi mais sans jamais vraiment trouver la même alchimie. C'était comme une drogue Xand... Je me rend compte aujourd'hui qu'à cette époque je ne valais pas grand chose, je voulais retrouvais quelque chose dont on m'avait privé peu importe le prix.

-Non, tu te trompes. On est humain, avec les faiblesses, les limites et les...besoins qui vont de pair. On t’a arraché une chose essentielle, c’est normal de chercher à la retrouver, de compenser. C’est juste souvent un...enchainement d’echecs qui nous abîme un peu plus. Tu es trop dûr avec toi même. J’ai connus des hommes sans honneurs et sans valeurs et même si je ne t’ai pas connu à cette époque, je suis certaine que tu n’avais pas grand chose à voir avec eux.

-Sur mon premier bateau les gars m'ont joué un sale tour. Je n'avais pas envie mais mon corps m'a trahi...Le capitaine m'a débarqué. Ils m'ont collé une sale réputation. Je ne m'étais même pas aperçu que j'étais en manque. J'ai voulu me cacher, me terrer dans un trou...

-C’est une des raisons qui m’a poussé à m’éloigner des autres les dernières années avant d’entrer dans la milice, à rester terrer dans mon trou. Je n’aime pas la solitude, je ne l’ai jamais aimé, elle me pèse. Mais j’aimais mieux ça que de devoir encaisser des mots, des gestes, des ressentis. Tu as enduré beaucoup Barral, tu es un homme courageux.

- Je ne connaissais que la mer. J'avais appris à aimer ce métier. Il fallait que je me fonde dans le décor. Alors un matin j'ai fait ça pour qu'on arrête de me voir comme une chose étrange et désirable…

Ce qui ne manqua sûrement pas d’étonner son collègue fut le petit rire qui échappa à la rousse alors qu’il lui montrait la pièce de cuir qui cachait son oeil.

- Je ne devrais pas te dire ça mais le seul homme que j’ai vraiment désiré, que je désire, est borgne et cet état de fait joue un rôle certain dans l’attirance physique que j’éprouve pour lui. C’est une belle connerie que tu as fais, une chance que ton œil soit sauf…

Une belle connerie ou une manière extrême d’évacuer un malaise insupportable. Ca aussi elle se garda bien de le mettre sur le tapis, un peu de légèreté, pensé à autre choses quelques secondes ne lui ferait pas de mal. C’était délicat de toucher au passé, de se soulager sans faire resurgir trop brusquement les douleurs enterrés pour pouvoir avancer.

- Un vieux capitaine m'a donné ma chance. Peut-être voyait-il en moi le fils qu'il n'avait pas eu. Et je ne l'ai plus jamais quitté. Bien sur l'histoire de mon œil n'a jamais pris avec lui...Se pardonner prend bien plus de temps que de pardonner à autrui. J'ai encore besoin de temps je pense mais tu m'aurais connu il y a quelques années j'étais bien pire...

-Il doit être pour beaucoup dans le chemin que tu parcourus pour être celui que tu es aujourd’hui, celui qui a ENFIN mis une branlée à Angélo.

Xandra lui sourit à nouveau, ajoutant un petit clin d’oeil satisfait à ses propos.

-Je sais que ça ne doit pas représenter grand chose pour toi mais je te pardonne, je comprend. J’ai plus de mal à pardonner à ceux qui n’ont pas sut faire ce qu’il fallait par contre. Je ne sais pas ce que tu attends encore de toi, vraiment je veux dire, mais ne soit pas trop exigeant.

La rouquine se tut le temps de se pencher pour poser les bols à présent vides sur la table. A présent, avec la fange, est-ce que ça valait encore la peine de se donner trop de mal ?

-Dis moi, ça a du être dur de le quitter ce vieux Capitaine, comment te sens-tu au sein de notre “merveilleuse” famille ? Si on laisse de côté les types comme Angelo ! Tu crois que tu pourras y atteindre tes..objectifs ? Finir par t'y épanouir, au moins un peu ?

- Préviens-moi avant alors que j'ai le temps de me réfugier sur les hauteurs...je ne voudrais pas finir noyer !

Petit sourire en coin, le message était clair et apprécié à sa juste valeur. Ça lui rappelait le groupe, le passé, des poignées de mains et des épaules compatissantes. Ils avaient tout pour devenir ami, l’ancienne voleuse un peu perdu et l’ancien marin abîmé.

-J’ai du mal à t’imaginer rebelle et indiscipliné, on en aurait fait des belles ensemble, c’était quelque chose en ce qui me concerne. Enfin c’est comme çà que çà se passe quand on pousse tout seul, pas de cadres, pas vraiment de limites, du moins pas celles parentales...

Xandra aimait les lames courtes, les dagues, les couteaux et ses yeux s’étaient posés avec un réel intérêt sur celle qui tournait entre les doigts de son propriétaire.

- Ca doit être la seule arme que je sais utilisé les yeux fermés.

-Une chance que tu ne l’ai pas souillé du sang d’Angelo alors.

Alors qu’elle terminait sa phrase, la rousse s’était légèrement soulevé pour extirpé une dague ancienne, abîmé, de mauvaise qualité qui ne devait plus ocirre beaucoup d’ennemis.

-C’est une de mes premières lames, celle avec laquelle j’ai appris à utiliser deux armes en tout cas. Je l’ai eu quand j’ai connu Gondemar et les autres, ils m’ont pris sous leurs ailes et dans le même temps me l’ont dégoté. Le jour ou j’ai décidé de la revendre au marché noir pour une nouvelle j’ai recroisé Gond, mon..ami. Je ne l’avais pas croisé depuis cette époque, je me suis dis que c’était un signe, que je ne devais pas m’en séparer. Quand j’aurais quitter mon grenier, quand j’aurais un vrai chez moi je lui trouverais une place et elle vivra sa petite retraite pas loin de moi. Tu trouve ça ridicule hein ? Tu as raison.

Xandra se mit à penser à Gond, une chance qu’il n’est pas été là ce soir, Angelo serait mort, ses amis aussi et le sien d’ami, aurait des ennuis jusqu’au cou. La rousse se disait qu’il faudrait qu’elle le revoit. Il serait inquiet pour elle, encore, de sa vie, de sa...solitude affective. Comme Barral s’était remit à parler elle rangea ses pensées dans un coin de son esprit.

-Je suis désolé pour eux, sincèrement, mais je ne crois pas au hasard. C’est le destin ou les Dieux qui t’ont gardé en vie. Tu t’écoutes parler ? Comment tu peux douter de toi, de ton honneur, ce n’est pas rien ce qu’on fait contre la Fange, peut importe qu’on soit dix, cent, mille. Je vais te dire ce que je crois et tans pis si tu trouves ça prétentieux, les vrais héros, c’est nous.
Moi, je suis rentrée pour quitter la rue, pour ne plus avoir à voler, j’allais quitter Marbrume et me faire oublier quand tout ça est arrivé. Tu vois, c’est pas glorieux comme motif pour s’engager mais une fois que j’ai fu des fangeux...J’ai compris que c’était ce que je devais voir. Certains jours j’ai peur, genre vraiment peur que d’autres et je me dis que si j’essayais de rejoindre les collègues de l’intérieur ce serait une bonne chose, mais je ne peux pas, j’ai mon rôle à jouer dans tout ça. Je suis à ma place. Pas de famille, pas d’amis, personne pour vraiment me regretter si la Fange m’emportait, je suis la parfaite candidate ! Et puis moi aussi je dois être un peu folle, j’aime sortir, je me sens vivante quand j’ai peur d’y passer. Je crois que je ne pourrais plus rester entre les murs de la ville à attendre la fin...

Je ne sais pas, pour ma part si j’ai l’étoffe d’un chef, je pense en avoir certaine qualité, peut être pas assez, j’apprend, j’observe des coutillers avec qui j’ai pu travailler. Peut être qu’un jour je conduirais les hommes au feu moi aussi, peut être que je devrais faire des choix, vivre avec mes erreurs. Enfin j’en suis pas là et en plus je suis une femme, alors…

Alors ça lui semblait hors d’atteinte, elle ne se posait à vrai dire jamais la question.

-Je ne sais pas s’il en sera toujours ainsi, ça ne fait pas si longtemps qu’on est là mais ça fait plaisir de voir que certains d’entre nous on encore le feu sacré, qu’ils ont l’espoir de venir à bout de...la fange, de retrouver la vie qu’on a connu avant. Personnellement je ne suis pas aussi optimiste, mais je veux qu’on garde le peu qu’il nous reste, j’aurais voulu être là pour la reconquête du Labret.

Contente d’avoir l’occasion de travailler avec toi de temps en temps en tout cas, peut être même qu’un jour on sera de la même coutillerie, peut être que ce sera moi la supérieure. Coutillère Erkal ! Difficile de réfléchir à demain à présent...

- ...Tu ne voudrais pas essayer de trouver un forgeron qui pourrait lui redonner tout son éclat ?

-C’est une idée, une très bonne idée même. Je t’avoue ne pas l’avoir envisagé. Pourtant je pourrais le faire, peut être, sans la dénaturer. Suffirait que j’économise un peu ou que je...joue.

La rousse était un peu génée, les jeux d’argents n’étaient pas bien vus mais c’était un de ses passe temps préféré, son seul vrai plaisir, celui qui n’avait finalement été que peu impacté par la fange. Xandra avait laissé ses doigts effleurer la pointe émoussée de sa vieille dague fétiche avant de la ranger dans son fourreau.

- Un chez soi...ça fait bien longtemps que je ne sais plus ce que c'est.

-Le bordel, les grandes tentes du cirque, les granges et enfin le grenier. Une chance qu’il soit difficile d’y pénétrer ou les réfugiés seraient surement déjà dedans...Petite j’enviais les belles maisons bourgeoises, alors quand j’ai été un peu plus âgée je me suis mis à les cambrioler. Une sorte de petite revanche sur la vie. J’aimerais bien un jour découvrir la chaleur d’un vrai foyer, même si avoir l’horizon et l’océan comme maison, ça doit être autre chose….

Si leurs visions de la vie et de ses épreuves en général étaient assez similaire, Barral semblait bien plus optimiste qu’elle ne l’était et Xandra la tête sur les genoux ne put qu'acquiescer, en l’occurence du menton. Il avait raison, du moins le pensait-elle mais Xandra était incapable de voir les choses comme ça.

-J’ai l’impression que le trou est déjà creusé et qu’on est assis dedans en ce moment même. Tu as raison, nous avons survécu, c’est vrai, à quel prix... Je ne compte plus les collègues qui tombent, j’ai décidé d’arrêter, j’essaie juste de ne pas oublier leurs visages. Je doute que notre détermination suffise, mais c’est vrai, nous sommes encore debout alors que les probabilités elles ne le sont pas...

Mais est-ce que ça valait encore la peine ? Est-ce que la victoire aurait encore de la saveur après ce que tous et toutes avaient perdus ? Ce n’était pas le moment d’y penser, Xandra avait l’esprit trop sombre ce soir pour ça, alors elle n’avait rien ajouté. Toutefois une pointe d'intérêt, d’envie avait redonné un peu d’éclat à son regard éteint, Barral était parvenu à lui faire envisager qu’une montée n’était pas qu’une utopie.

-Vu l’animosité que notre présence dans la milice génère j’ai du mal à la croire. On est tolérées comme un mal nécessaire, mais clairement pas acceptés. Puis jusque là, je n’ai rencontré que des coutillers, mais là encore tu as peut être raison, les mentalités évoluent. En tout cas je me ferais un plaisir de botter quelques culs et de remettre à la bonne place des types comme...lui.

Elle comprenait mieux à présent pourquoi “lui” en voulait autant à Barral, elle aussi aurait prit plaisir à lui casser quelques os, à faire craquer quelques côtes mais ce n’était pas une riche idée.

-Je pense qu’il y réfléchira à deux fois avant de s’en prendre à toi à nouveau. D’ailleurs j’y pense, le guerrier, tu as de petits yeux, tu devrais dormir un peu.

Tu ne sais pas la chance que tu as de pouvoir le faire...

La rousse se leva pour se servir à boire tout en massant son épaule douloureuse. Elle aurait voulu lui dire qu'elle allait rentrer mais l'idée de traverser la ville seule le soir la terrorisait. La chaise serait parfaite pour ruminer.