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 Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]

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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptyLun 31 Oct 2016 - 18:47
L’on pouvait dire une chose, et même la souligner car elle n’était point courante, trop rare pour la rater. Le comte, malgré la fureur qui couvait, était proprement halluciné. Comment cette aliénée pouvait seulement prétendre que les choses qu’ils faisaient étaient mauvaises ? Avait-elle des dons de divination si poussés que cela ? Non. La réponse était catégorique, elle n’avait même aucun don si ce n’était peut-être sa réceptivité aux mots prononcés par les dieux. Et ce don s’avérait, eu égard à la position qu’elle occupait maintenant, être finalement une malédiction des plus cruelles. A avoir transmis ces oniriques messages, elle les payait de sa vie. Ce qui intriguait le comte, ou du moins, menaçait de le faire définitivement sortir de ses gonds, c’était surtout le fait qu’elle portait, encore et encore, des jugements. Pensait-elle sérieusement que Morion n’avait pas un seul instant pensé aux implications, aux risques, aux conséquences de ses entreprises ? Qu’il ne travaillait pas d’arrache-pied pour que “l’après” soit un mieux, et non l’installation définitive du chaos ? Il détestait violemment ce genre de personne.

«Quoi que les Dieux vous aient transmis, si tel est bien le cas et non un mensonge particulièrement persistant, au lieu de vous affoler comme un lapin chassé par un ours, vous auriez dû réfléchir quelques minutes. Tous ici connaissent les risques liés à ce que nous faisons. Discutables d’un point de vue morale, nos actions sont pourtant toutes entreprises dans un espoir d’avenir meilleur. Si vous n’avez pas la jugeote d’y penser, je ne peux que m’attrister pour vous.»

Elle craquait oui, c’était perceptible. Elle avait bien tenu, pour une femme déjà atteinte à ce point, mais ses résistances fichaient le camp à une vitesse d’autant plus grande que la fin de sa vie s’approchait. Morion lui jeta un regard où ne filtrait que la violence, quand elle osa évoquer le Roi.

«Il n’y a plus de… Il reprit brièvement contenance, le souffle bloqué dans sa gorge, et prit une grande inspiration. L’envie de lui asséner un coup plus violent encore que le premier l’avait saisi à pleines tripes, et il eut peine à se contenir. Taisez-vous donc. Nous ne savons rien, rien vous entendez, sur la survie ou l’éventuelle mort du Roi. Et en vertu de cette ignorance, je vous interdis de prononcer un seul mot affirmant ou infirmant l’une des deux hypothèses. Tant que sa mort n’est pas avérée, par la vie ou la mort, votre allégeance se doit d’être totale. Je vous signale qu’il est le premier représentant et messager de la volonté des Dieux que vous vous targuez de comprendre.»

Il lâcha un soupir bref et puissant, laissant refluer l’agressivité quelques secondes avant de reprendre. Il fallait de toute façon se rendre à l’évidence. Elle ne lâcherait aucune piste, aucun nom, rien qui leur permettrait de réfuter la véracité de ses rêves, et leur origine. C’en était affligeant, et par bien des aspects, effrayant. Car les conséquences… Morion préféra ignorer cette pensée. Il quitta Saurell des yeux, et jeta un regard à Ambre, puis à Grâce. Ils étaient d’accord sur ce point : il était inutile de continuer. Elle avait fait son temps, et ils n’en tireraient rien, si ce n’est une maltraitance plus forte encore de leurs convictions, de leurs craintes. Son expression se lissa, retrouvant cette espèce de frigidité qu’il avait lorsque la séance avait commencé. Il s’apprêtait à commettre le pire, littéralement.


«Bien. Je doute que nous arrivions à quoi que ce soit. Puisque visiblement, tout ceci s’avère plus futile que prévu… Qu’Anür vous bénisse.»


Il récupéra le sac qui couvrait la tête de la femme avant qu’elle n’arrive, et lui remit sur la tête. Il lui jeta un dernier regard, au travers du prisme glacial de ses propres prunelles, et de celles vitreuses, rougies, exorbitées, dégoûtantes, de la victime. Une bouffée de mépris le saisit à cet instant. Elle venait de secouer violemment les trois nobles, et malgré tout, elle était d’un pathétique… Laisser admettre qu’il venait de se faire malmener par une créature de la sorte, c’était pour l’instant au-dessus de ses forces.

«Non pitié, comte Morion, je vous… je vous en prie…

Ce n’est pas moi qu’il faut prier, désormais, annonça-t-il comme dernières paroles.»

Il passa la main derrière la roue. La sangle de cuir épais, quoique vieilli après temps et usages répétés, était dotée d’une attaque liée à une cordelette. Solidement tressée, elle-même était reliée à une petite poulie, et à une roulette que l’on pouvait tourner à volonté, fixée derrière le bois épais du support à victimes. Plus l’on tournait, plus la sangle se resserrait autour du cou de sa victime. Il y avait déjà eu du sang et de la brutalité aujourd’hui, la strangulation était ce qu’il avait de mieux à offrir. Cherchant, à tâtons, la petite roue, il tourna. Une fois, deux fois, trois fois. Au début, un faible gémissement jaillit des lèvres de la voyante, à peine étouffé par le tissu masquant sa face cadavérique avant l’heure. Ces gémissement se muèrent en plaintes étranglées, puis en borborygmes inintelligibles. Son corps se crispa, se convulsa, malgré les lames encore plantées dans ses bras. Elle se secoua avec une violence renouvelée pendant plusieurs secondes tandis que le comte augmentait la force de constriction de la sangle, puis au bout de longues, très longues secondes, il n’y eut plus le moindre geste, son corps retombant mollement, seulement retenu par les sangles. Saurell n’était plus, et ses secrets venaient de mourir avec elle. Il soupira, visiblement soulagé que tout cela cesse.

Le travail n’était malheureusement pas terminé. Il se redressa, et observa les deux autres femmes.

«Sortez. Je ne tiens pas à ce que vous assistiez à la suite. Il concentra son regard sur Ambre. Dis à Talen de descendre, s’il te plaît. Je vais avoir besoin de son aide. Je vous rejoins dans le salon dès que j’ai terminé. Allons, ne tardez pas.»

Une fois les deux femmes parties, Morion lâcha un soupir, et se retourna vers le corps, songeur. Ce qu’il venait de faire, c’était au mieux un mépris avéré des Dieux, au pire une déclaration de guerre envers les Trois et leur volonté. Alors qu’il était fondamentalement persuadé d’agir en leur sens, pour eux, et non pour de bêtes rancoeurs personnelles. Oh, il en avait, et il serait inutile de nier qu’elles n’agissaient pas en tant que galvanisant pour ses actions, ou exactions. Mais le but final, la motivation première, ce n’était pas la satisfaction de ses volontés personnelles. Bien que rester dans les ombres soit nettement plus difficile dans leur microcosme, aux frontières délimitées par les bandits et le Fléau, il n’avait aucune envie de se mettre en lumière. S’il faisait tomber un pouvoir, c’était pour s’assurer que son remplaçant soit un fervent suivant des valeurs royales, morales, et divines. Sûrement pas par égoïsme. Il passa une main dans ses cheveux. Réfléchir à tout ça était en soi une source d’épuisement.

Il retira les lames vierges du brasero, puis celles qui étaient toujours fichées dans son corps. Il posa le tout sur la table, puis détacha le corps, malgré sa répugnance à entrer en contact avec lui. Il alla l’installer sur la paillasse, et alla chercher les derniers outils dont il aurait besoin à la table. Une lanière de cuir très épais, aux reflets sombres, sanguins, et une lame courbe maintenue par deux manches de la largeur d’une main d’homme, verticaux. L’on en voyait souvent des comme ça. Chez quelques guérisseurs aux nerfs solides, lorsqu’il fallait amputer les blessés. Et chez les bouchers. Il jeta un regard contrit au corps chétif. Tout ceci était vraiment dommage.

---

Plus d’une heure après avoir demandé à Ambre et Grâce de sortir, Morion rejoignait à son tour le salon. Il avait l’air fatigué - et c’était le cas, il ne débitait pas des corps en tronçons tous les jours - et lassé de toute cette histoire. Des piqûres rouges maculaient sa chemise, et il tenait encore en main un torchon parfumé et humidifié pour se rincer les mains. Quelques gouttes avaient même eu l’impudence de sauter jusqu’à son visage, mais Talen, qui se chargeait pour l’heure de rassembler les… morceaux, de nettoyer la salle, irait lui préparer un bain ensuite. Une fois à proximité des femmes, il prit la parole, d’une voix plus douce, visiblement calmé.

«Le corps de Saurell ne quittera pas cette maison. Les risques pris pour en arriver là sont trop nombreux, je refuse d’en prendre un seul de plus. A défaut de lui offrir une sépulture décente ou même une place en terre, son corps sera détruit. Madame de Brasey, vous n’aurez qu’à nous tenir au courant des tâches qui incombent à vos hommes. Plus vite et plus efficacement cela sera fait, plus vite nous pourrons oublier tout cela.
Il frotta énergiquement ses mains du linge qu’il avait entre elles, les sourcils légèrement froncés. A la réflexion… n’oublions rien. Grâce, je doute que l’idée vous plaise, pas plus qu’elle ne me plaît, mais nos destins semblent inextricablement liés, après l’intervention de cette… Femme. Montrons-nous vigilants, et je pense que renforcer la fréquence de nos visites au Temple ne fera de mal à personne, n’est-il pas. Un faible sourire, masque désabusé, fleurit sur ses lèvres. Je crois que nous avons tous trois assisté à l’impossible, ou en tout cas le terriblement improbable. Il va falloir nous en accommoder.»

Frustré de ne point réussir à retirer tout ce sang sur ses mains, visiblement bien accroché, il lâcha l’affaire, et accrocha le linge à sa ceinture.

«Je n’ai pas grand chose à ajouter. Je suggère que nous restions en contact. Pour le nettoyage de sa demeure, et également, si nous entrevoyons une piste qui pourrait contrevenir aux paroles de la voyante, peut-être…
Il haussa les épaules. Il parlait sans croire. Nous verrons bien. Je vous laisse, et vous remercie par avance de votre contribution et de votre silence.»

Il la salua d’une inclinaison du buste polie, jeta un regard légèrement contrit à sa femme, puis s’en alla dans les étages. Peu importait que Talen ait fini ou non tout compte fait, il ne supporterait pas d’avoir le sang de cette femme sur une seule once de chair ou de tissu - tissus qui iraient brûler dans la cheminée, par ailleurs. Quitte à faire chauffer son bain lui-même. Mais cette journée avait eu raison de sa patience, ça au moins c’était certain.

Spoiler:
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptyMar 1 Nov 2016 - 17:02
À défaut de convaincre ses paroles avaient irrité, comme elles l’avaient fait la première fois. Si Saurel était bien une messagère divine, elle était particulièrement médiocre dans son rôle. Tout ce que faisait naître son discours était un vif sentiment de colère et de frustration mêlée teintée de doute et d’amertume. Ainsi ne faisait-elle qu’accélérer l’arrivée d'on trépas. Était-ce une manœuvre consciente ? Se sachant condamner se rendre des plus exaspérantes pour prier qu’un accès de colère ne précipite son trépas . Nul ne saurait jamais, si ce n’était elle-même, et encore au vu de la démence qui l’accablait rien n’étaient moins sûrs.

Les supplications n’avaient rien changé, les supplications ne changeaient jamais rien. Jamais.

Son agonie semble durer une éternité, une longue, très longue éternité. Les tressaillements de son corps, ses couinements plaintifs, tout rendait l’épreuve rude à regarder stoïquement. D’ailleurs Grâce n’était pas restée tant de marbre qu’elle l’aurait voulu. Ses mains avaient glissé pour se rejoindre dans son dos et serrer, serrer fort le tissu de la robe. Le bruit du mécanisme n’avait rien de rassurant, ou plaisant, ni même seulement supportable. La demoiselle n’avait jamais été réellement empathique, bien loin de cette faiblesse, interprétant, comprenant, usant, sans réellement les ressentir, néanmoins, elle avait ressenti cet étrangement au niveau de la gorge, cette impression désagréable d’oppression. Saurell n’était pas une condamnée qui avait été jugée et pour qui on avait prononcé une sentence, c'était une pauvre folle qui avait eu la langue trop pendue quel avait vu se faire torturé dont elle avait entendu les cris, les pleurs, les os craquer, vu l’esprit flanché plus encore. Cela était surtout la première fois qu’elle avait assisté à ce genre de séance, cela avait été plus éprouvant qu’elle l’avait laissé paraître.
Puis il y avait eu la neutralité, cette expression figée et froide du Comte lorsqu’il avait tourné le mécanisme. Pas un regret, aucune émotion ne filtrait sur son visage, il était inquiétant. Si Grâce n’avait déjà jamais eu l’idée de s’en attiré les foudres d’une manière ou d’une autre sa conviction n’en était que renforcée désormais, même sachant que la blonde avait amassé foules de griefs pour aggraver son cas.

Possible que le plus dur eût été de voir le corps se relâcher.
Un sentiment confus avait envahi l’esprit de Grâce alors que son corps semblait se détendre à sentir la tension du moment s’effacer, non entièrement. Ce n’était nullement de culpabilité, ni de la pitié, plus l'amère sensation d’avoir sèchement perdu son temps, non seulement une heure, mais bien une journée, elle ne pourrait retourner ainsi, telle une fleur, à ses impératifs du moment après ceci, du moins pas se suit. L’aliénée avait été un problème et le restait même quelques heures après son départ pour le domaine d’Anür.

Les mains de la jeune femme avaient quitté son dos, arrêté de serrer le tissu comme exutoire à tout l’inconfort de la situation. Elle ne s’était guère fait prier pour quitter la pièce, sans se précipiter pour autant. L’endroit ne lui inspirait qu’un certain dégoût, mais aussi cette impression acide, corrosives. Ne serait-ce que sortir, retrouver le couloir et son tapis élimé, un air moins étouffant avait permis de faire baisser la pression.

Elle n’avait rien dis, rien dans les souterrains, rien. Seulement avait-elle attendu d’être dans un environnement plus agréable, plus plaisant, si l’on pouvait-dire cela de l’austérité de l’agrémentation de la pièce.

« Tout cela pour ça … »

Tout cela pour rien.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptyMar 1 Nov 2016 - 20:09
La patience de Morion avait été grignotée étonnement vite. Ambre l’avait vu préparer nombre d’ustensiles de torture, tous rangés dans un ordre précis sur la petite table. Des moyens qu’on pouvait imaginer à la simple vue des objets, d’autres qu’on avait du mal à deviner, faute d’expérience dans le domaine de la torture. Mais c’était évident : le comte avait à la base prévu bien plus que ce qu’il avait actuellement effectué. Les lames en train de chauffer dans le braséro en étaient l’un des nombreux témoins. Pourtant, il abandonnait, tout à coup, après seulement une heure. La comtesse ne doutait pas qu’il était capable de continuer bien plus longtemps, alors, pourquoi ? Avait-il terminé par être convaincu du côté divin de cette femme ? Ou avait-il juste décrété qu’elle ne parlerait jamais, quoi qu’elle soit ? La jeune femme observa son mari quelques instants, essayant de mettre à jour ses pensées. S’il était convaincu par ses pouvoirs de voyance, ne fallait-il pas garder cette femme prisonnière, pour profiter des visions qu’elle pourrait leur communiquer, peut-être… ? Mmh. Dangereux, bien dangereux. Trop, possiblement, pour que Morion n’envisage même cette possibilité. Alors, elle ne dit rien, laissant l’homme agir.

Elle avait imaginé une mort soudaine, rapide. Une lame enfoncée dans le cœur, ou quelque chose du même genre. Bref, une mort sanglante. Au lieu de quoi, Morion passa le bras derrière la roue de bois, enclencha un mécanisme, et progressivement, la veuve se mit à suffoquer. L’on entendit les couinements de la manivelle, le cuir murmurer à mesure qu’il se serrait, le cou de Saurell qui craquait, même, et bien sûr, son étranglement. Les borborygmes étouffés, les tremblements de son corps en manque d’air, le bout de ses doigts qui devint bientôt bleu... Ce fut difficile à voir, car l’agonie dura quelques minutes. Bien plus long qu’un coup dans le cœur. L’on put imaginer ce qu’elle était en train de vivre, et Ambre le fit bien malgré elle. Lui administrer un poison qui l’endormirait à jamais aurait été moins cruel. La comtesse serra fort le mouchoir qu’elle gardait toujours contre son nez, luttant pour que son corps supporte la vision et les bruits du corps mourant.
Morion avait parlé de prières. C’est ce que fit Ambre. Elle pria, tout le temps que dura son étouffement. Elle implora les dieux d’accueillir cette femme, de lui accorder un peu plus de joie dans la mort que ce qu’elle n’avait eu dans la vie. Elle leur demandait pardon, également, si cette veuve avait été prévue pour des objectifs plus grands. Mais ils n’étaient que des mortels, et ne pouvaient que tenter de protéger leur vie par tous les moyens, au détriment de personnes qui n’étaient pas foncièrement mauvaises. Saurell ne l’avait pas été. Si ce n’est la somme alarmante d’informations qu’elle possédait, elle n’avait pas eu en elle la cruauté, la cupidité ou l’envie de nuire. Elle avait été simplement au mauvais endroit au mauvais moment.

Sa rencontre avec Grâce et Ambre la semaine passée avait-elle été si anodine que cela ? La voyante n’avait-elle réellement pas prévu une telle réaction ? Ambre se posait sincèrement la question. Il était possible, finalement, que la veuve ait décidé de mettre fin à ses jours en provoquant son propre meurtre. Même une personne non investie de pouvoirs aurait aisément conclut au danger de sa propre vie en citant ouvertement des éléments aussi sensibles. Les évocations concernant les Sombrebois passaient encore, mais la possession d’un tableau illégal qui mènerait à la mort de ses propriétaires si cela se savait ? Franchement… Saurell n’avait pas pu décider d’en parler aussi légèrement sans se préparer à l’éventualité de son propre trépas. C’était une forme de suicide, Ambre en était presque certaine. Dans la mort, avait-elle voulu leur donner une épreuve à tous les trois ? Mettre leurs convictions face aux dures conséquences de la réalité ? Tester la jeune Brasey, ainsi que la jeune Ventfroid, dans la protection de leurs secrets ? Mille et une questions se bousculaient. Ce qui était sûr, c’est que cet épisode en aurait beaucoup appris à Ambre sur les extrêmes dans lesquels elle était prête à tomber pour sauver sa cause.

Quand Morion leur demanda de sortir, la comtesse cligna des yeux légèrement. Elle était restée ailleurs, enfermée dans ses pensées, ne voyant plus ce qui se déroulait autour d’elle. Elle hocha la tête en direction de son époux, lui signifiant qu’elle avait compris. Talen serait appelé. Elle laissa glisser sa main sur le bras de son mari en passant devant lui pour quitter la pièce à la suite de Grâce.

- N’en fais pas trop, murmura-t-elle, observant son air grandement contrarié.
Puis elle partit.

Une fois la chaleur de l’ergastule quittée, Ambre mena Grâce jusque dans le salon du rez-de-chaussée. Les deux nobles avaient toutes les deux les joues rougies par la touffeur dans laquelle elles étaient restées un moment, mais n’importe quel quidam aurait pu noter l’étrange pâleur de leur expression. Elles avaient tenu, aucune d’entre elles n’avaient tourné l’œil, mais elles restaient des femmes peu rodées à ce genre d’exercice, ni à la couleur du sang et des viscères d’un champ de bataille. Normalement, le seul sang qu’elles devaient voir était le leur, durant leurs propres enfantements.

La comtesse invita Grâce à s’asseoir dans un fauteuil, et fit de même. Une fois n’est pas coutume, Ambre s’affala de tout son être, le dos fatigué contre le fauteuil. Pas d’épaules droites, pas d’étiquette inutile. Dans le petit salon, les flammes dans la cheminée crépitaient encore, mais étrangement, la comtesse avait froid tout à coup.

- C’est d’un gâchis sans nom, répondit Ambre en écho aux paroles de Grâce, deux doigts sur la tempe, un long soupir contrarié s’échappant de ses lèvres. Je suis navrée que vous ayez assisté à telle horreur pour que, finalement, elle ne se montre pas productive.

La comtesse serra les dents. Que faire, désormais ?

- Il faudra se montrer prudent… et ne pas effacer trop vite nos soupçons. Je gage que mon mari fera surveiller le manoir de cette femme, pour déceler toute personne suspecte recherchant contact avec une femme qui n’est désormais plus. Mais…

Ambre haussa les épaules, dégoutée. Un petit rire nerveux lui échappa.

- Qui aurait cru que je vienne si facilement à être déstabilisée par les propos de la folle aux chats de l’Esplanade ?

La comtesse ne savait pas si Grâce s’était laissée convaincre, ou si elle avait seulement douté du caractère divin de la veuve. Les propos la concernant avaient été assez généraux, et plutôt logiques. L’évocation de son annulation avec le Sombrebois et la supposée colère d’Anür n’étaient, au fond, que des propos que n’importe qui aurait pu tenir et supputer, sans aucune parole divine. C’était trop peu tangible pour secouer les certitudes et le pragmatisme d’une personne. Chez Ambre en revanche, la question du tableau et l’évocation de son rêve… C’était bien trop irréel…
Ambre termina par se redresser sur son fauteuil, regardant Grâce dans les yeux.

- En espérant que ce petit… contretemps… ne vous dégoûte pas définitivement de notre famille, ma dame. Lorsque les choses se seront tassées… je serais heureuse d’échanger avec vous, pour des alliances – j’ai cru comprendre que vous n’aviez pas votre pareil pour laisser des traîner des yeux et des oreilles là où il faut – comme de simples moments agréables, sans arrière-pensées. Je parle au nom de ma personne seulement, mais je ne pense pas me tromper en affirmant qu’à l’avenir, vous pouvez quémander le soutien des Ventfroid, si quelques affaires… dérangeantes vous tombent dessus.

Citation :
J'arrête là également, si jamais tu veux réagir, Grâce. Si ce n'est pas le cas j'éditerai rapidement pour aller jusqu'au moment où Morion revient, il a besoin qu'on lui enlève quelques taches sur le visage je crois :v
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptySam 5 Nov 2016 - 22:27
Au final, Grâce ne fut mécontente de trouver l’assise du fauteuil. Les cris, les plaintes, les suppliques, le sang, la chaleur, tout cela avait été éprouvant, étouffant. Maintenant qu’elle ne devait plus se soutenir, la jeune femme avait senti la tension la quitter, ne laissant qu’une lourdeur flasque, désagréable dans ses membres et son dos. Finir avachie hors de question, si le contrecoup l’exigeait, son éducation si solidement ancrée le lui interdisait farouchement. Ainsi restait-elle droite tenue par une certaine raideur plutôt involontaire.

Désormais que tout cela était terminée, l'incidente de la semaine passée ainsi que la séance qui venait de se déroule sous leurs yeux, lui revenait, remontait, permettant de s’attarder sur des détails, des mots qu’elle aurait pu dire, des regards, des gestes qu’elle aurait pu faire. Pourtant rien, rien qu’elle n’avait déjà vu, la peur, ma démence, la résignation face à la fin imminente de son existence. Ne restait que la frustration, celle de n’avoir entendu ce qu’ils voulaient tous et celle, sûrement plus personnelle, de Grâce d’être passé à côté de tout, intimement convaincue qu’ils avaient mal joué leur coup, que posé toute les cartes sur le tapis n’avaient été la bonne solution. Elle s’était refermé à l’approche de sa mort ne s’ouvrant que pour ne répéter qu’une fois de plus ce qu’elle avait toujours dit. Était-ce réellement tout ce qu’il y avait eu à découvrir ? Ou s’était-elle bornée pour la fierté de ne rien dire, pour emporter ses secrets dans la tombe.

La demoiselle réfléchissait, écoutant sa complice de cette matinée d'une oreille assez attentive pour comprendre tous les mots qui franchissait ses lèvres.

« L’affaire n’est pas close, cela est certain. Pour ma part, je n’abandonne nullement les investigations déjà entamées. Si Saurell manquerait à quelqu’un, cela ressortira bien, tôt ou tard Il n’y a que notre patience et notre détermination qui pourra nous aider à faire la lumière sur cette histoire. »

Nullement persuadée que le manoir serait la clé de cette affaire, elle ne s’y attarderait sûrement plus. Puis la suite des paroles de la Comtesse lui parvinrent et lui arrachèrent un sourire quelque peu amer.

« Une folle aux chats terriblement bien renseignée, mieux que les plus habiles d’entre nous et nos plus habiles informateurs. »

Grâce doutait, elle doutait bien plus qu’à son arrivée. Fragilisée dans sa conviction elle pouvait accepter non sans terreur face au risque de châtiment divin, que Saurell aurait pu être une envoyée de leur Déesse. Pourtant, elle n’était pas convaincue, loin de là. Elle doutait cependant que l’aliénée ait elle-même cherché toutes les informations qu’elle leur avait balancées, surtout celle concernant les Ventfroids. S'ils existaient, celui ou ceux qui lui avaient suggéré ces informations étaient des plus habiles, assez fin pour lui faire croire que tout cela n’avait eu lieu que dans un rêve, que cela ne venait pas des hommes, mais de la Déesse elle-même. Cela était-il simplement possible ?
Si seulement quelqu’un avait pu répondre à cette interrogation.

« N’ayez aucune inquiétude sur ce point, Madame. »

Ils étaient tous trempée jusqu’au coup dans cette affaire. Il lui semblait avoir un jour entendu son père dire que les alliances les plus solides se forgeaient dans le secret et la méfiance. Celle qui s’entamait avec les Ventfroid semblait s’annoncer aussi résistante que la pierre.

« Votre proposition est plus que généreuse Comtesse. Même si elle ne devait être dénuée de contreparties plus ou moins appréciables. Votre appui ne sera sûrement de trop si je ne peux malheureusement trouver un moyen de faire annuler mes noces avec ce cher Adalman. Hypothèse plus que probable j’en ai bien peur, il est plus entêté que je ne l’aurais songé. Bien évidemment, il va de soi que si d’aventure vous avez besoin de quelque assistance, quelque soutient ou quelque information que ce soit, il est évident, mon concours vous est acquis. »

Dans la limite d’un certain raisonnable, il allait de soi, à voir ce qui au fond servirait le plus de ses intérêts. Pour l’instant, rien n’était dit, rien n’était acquis et avec cette noce, abjecte, qui se préparait elle ne voyait plus réellement où elle allait, ou elle pouvait aller, ce qu’elle pourrait faire, ce qu’elle devrait faire. Ce flou n’avait rien de plaisant, ou même de tolérable, néanmoins, il fallait s’en accommoder.

Combien de temps s'était-il écoulé depuis leur sortie du cachot ?
Possiblement une heure, voire plus. La tension c’était quelque peu dissipé. Grâce avait retrouvé toute son aisance naturelle. Leur discussions qui avaient suivi, légèrement plus frivoles, sans pour autant être désuètes avaient contribué à redonner un peu de couleur aux jeunes femmes, de la couleur due à un état plus serein, même si cela n’était qu’une façade, plus qu’à la chaleur d’une pièce exiguë ou se déroulaient des actes répréhensibles.

Morion avait pénétré dans la pièce s’essuyant les mains. Il était encore taché de sang ce qui donnait à l’esprit le champ libre pour deviner ce qu’il avait fait pendant cette heure, ce dernier ne trouvant qu’un scénario le plus probable et il n’avait rien de particulièrement ragoutant. En revanche ce qu’il énonça avait le mérite de rendre les choses plus claires, pourtant, presque tout allait quelque peu de soi lorsqu’on avait un tantinet l’habitude des manigances.

« Bien entendu je vous tiendrais compte de toute nouvelle avancée dans cette affaire, si infime soit-elle. Espérons tout de même de n’avoir trop de détestables déconvenues. »

Sous-entendant pas là, ne rien trouver, qu’il ne reste plus que l’hypothèse de la messagère divine. Il faudrait faire preuve de ferveur les prochains mois, dans le doute d’avoir quelque chose à se faire pardonner. Déjà Anür, ensuite Rikni, ne restait que Serus pour qui Grâce n’avait pas encore commis d’apparente faute grave ou impardonnable.

« Je vous en prie Comte, j’espère que notre prochaine entrevue sera moins oppressante. »

Elle l’espérait de ce qui ressemblait fort à toutes les fibres de son corps et de son âme, pour l’instant trop peu endurcie pour assisté à ce genre de séances. Il avait déjà été beau qu’elle ne se détourne le regard, qu’elle ne défaille, ne souhaitait-elle pas forcer la chance, encore.

« J’ai bien peur de prendre congé également, à moins que vous n’ayez encore besoin de ma présence. »

L’idée de rentrer lui semblait douce. Retourner au manoir de Restellis, retrouver un cadre familier, retrouver Azhim, retrouver ses habitudes. Essayer d’oublier, quelque peu, peut-être pour la journée, ce que c’était déroulé ce matin.

L’affaire n’était sûrement pas close, cependant, elle attendrait, elle attendrait la résolution du souci le plus pressant.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptyDim 6 Nov 2016 - 14:13
L’entrevue avec Grâce dura une petite heure, dans une quiétude un peu dérangeante après ce qu’elles venaient toutes les deux de voir. Et, durant tout le temps que dura cette discussion, Ambre se demanda pourquoi elle n’avait jamais eu de liens plus profonds avec cette femme. Elles vivaient toutes les deux depuis plusieurs années à la cité, même si Ambre visitait tous les mois son frère et son père au domaine, à l’époque. Elles avaient sensiblement le même âge, avaient partagé le même quartier. Avec le recul, Ambre de Ventfroid notait qu’elles avaient peut-être perdu à ne pas se connaître plus tôt. Elle ne pouvait pas se targuer de bien connaître Grâce, même aujourd’hui, mais elle était de toute évidence le genre de contact utile. Au travers de son caractère opportuniste, la baronne paraissait même pouvoir être une amie fidèle. Peut-être pas l’amie qui vous prenait dans ses bras, mais dont l’estime restait à jamais intact tant qu’on ne la blessait pas.

- Nous n’abandonnerons pas non plus. Si Morion et moi apprenons quoi que ce soit qui pourrait vous concerner, ou expliquer les informations que possédait cette femme sur votre compte ou le nôtre, vous serez la première mise au courant.

Ambre était songeuse. Elle observait cette brune, qui parvenait malgré tout à garder la face. Au beau milieu de ce manoir inconnu, après avoir participé à un meurtre gratuit. Elle avait des épaules solides, même une femme comme Ambre pouvait le voir. Quand elle évoqua Adalman… la comtesse se redressa légèrement dans son fauteuil. Elle avait presque oublié cet homme, sujet initial qu’elles avaient évoqué quand elles s’étaient retrouvées chez les Restellis, pourtant. Avec toute cette affaire… la jeune rousse n’y pensait plus. Mais il était vrai que la baronne tentait toujours de trouver un moyen d’échapper à ces noces arrangées par son paternel.

- J’imagine qu’un second meurtre ne vous ferait pas froid aux yeux, après cette matinée, commenta Ambre doucement, avec une ironie malsaine. Elle n’était évidemment pas sérieuse, faire tuer ce mari dont elle ne voulait pas serait trop peu discret, tomberait trop bien, pour que les soupçons ne se tournent pas sur elle. Mais bizarrement, si ce simple « détail » n’était pas présent, Ambre ne doutait pas que Grâce n’aurait eu aucun scrupule. Je pourrais démarcher quelques espions pour trouver des informations sur ces Alchas, des choses assez compromettantes qui puissent dissuader votre père de vous mêler à lui… en espérant que cette famille a des choses à cacher.

Ils en avaient tous. Mais cela serait-il assez compromettant pour empêcher des noces, ça… Cela ne dépendait pas d’Ambre. Se lier à un bâtard… La jeune comtesse comprenait le désarroi et le dégoût dans lequel pouvait se trouver Grâce. Souiller son sang et sa propre descendance… Même Ambre, de nature un tantinet bienveillante, aurait eu l’ego et la fierté salement secoués.

Morion termina par revenir auprès d’elles. Ambre resta un peu raide à sa vision. Les mains encore imprégnées de sang, des tâches maculaient et sa chemise, et son visage. L’on avait l’impression qu’il sortait tout droit d’un massacre – et ça n’était pas qu’une impression, en fait. Un frisson parcourut l’échine de la jeune femme, et son esprit imagina désagréablement son mari en train de s’acharner sur le corps sans vie de Saurell. Des images qui lui déplaisaient rien qu’à imaginer, alors, quel était l’état de son mari, qui avait dû agir lui-même ? Elle tenait bon, de toute évidence, mais le discours qu’il eut pour les deux nobles fut un peu brutal. Il était désireux de mettre un terme à tout ça, de fermer la page, et après les remerciements pour Grâce, il remonta bien vite dans les étages pour se nettoyer de tout ce sang.

Ambre échangea un regard avec Grâce après ce passage éclair, un peu gênée d’avoir senti son mari dans une telle mauvaise humeur, humeur que Grâce avait constatée elle aussi, malgré des échanges courtois.

- Merci de votre présence. Nous nous reverrons sûrement bientôt, baronne.

La comtesse raccompagna Grâce jusqu’à la sortie, et, lorsqu’elle fut seule, elle tourna le visage vers les escaliers du hall menant vers les étages. Elle resta quelques secondes ainsi, à contempler le chemin vers la chambre conjugale, se demandant s’il était de bon ton de rejoindre Morion tout de suite, ou s’il avait besoin de solitude. Elle hésita encore un peu, puis, finalement, se décida à grimper.

Morion était dans la salle d’eau, déjà. Lorsque la comtesse ouvrit la porte, elle vit l’homme dans la cuve, frottant énergiquement ses mains souillées dans l’eau. Attrapant un linge humide, Ambre s’approcha doucement. Elle apposa le tissu sur la joue de l’homme, glissant sur la pommette pour effacer une trace de sang persistante.

- Tu vas bien ?

La jeune femme soupira. Sa question était un peu stupide, mais c’était difficile. Elle ne participait pas à un meurtre avec son époux tous les jours. Cela avait été une forme d’épreuve.

- Qu’en as-tu pensé, finalement ?

Elle continuait à essuyer les traces sur son visage, calmement.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptyLun 7 Nov 2016 - 3:02
De façon immédiate, la tension et l’agacement du comte étaient extrêmes. Tourner et retourner la situation actuelle, et même passée, dans sa tête, voilà ce qu’il faisait, sans parvenir à une quelconque forme d’avancement. Pas la moindre petite révélation, pas le moindre indice suggéré par un esprit pourtant affûté. Il ne comprenait pas, tout simplement. Et cette sensation faisait partie de celles qu’il haïssait le plus au monde. Cette impression de nager dans une mer poisseuse, lourde, empêchant le mouvement, entouré par une épaisse brume, sans espoir de trouver rivage, ni même un seul indice quant à sa position. Lui dont l’esprit voletait avec fébrilité d’idée en idée, tissait d’une main de maître des liens entre des informations pourtant sans connivence visible, se retrouvait face à une impasse. Un épais mur froid, qui ne se laisserait pas franchir, peu importe les efforts qui étaient fournis. Il frottait énergiquement ses bras et ses mains, un rictus médusé sur le visage. Ce n’était pas tout. Il avait dû faire ôter, pas plus tard que ce matin, deux vies parfaitement innocentes. L’une était juste entrée en possession de renseignement dont elle n’aurait jamais dû avoir connaissance, l’autre vivait simplement avec elle. Infirme, probablement aussi dérangée qeu sa maîtresse, son seul défaut, sa seule faute, fut d’être présente sur les lieux. Quelle pitié, se dit le comte avec amertume, d’en arriver là.

Il avait préparé son bain seul. Fait chauffer l’eau, rempli progressivement le bac, jusqu’à ce que d’épaisses volutes de vapeur s’élèvent de la cuve, et que les fenêtres de la salle d’eau se couvrent d’un épais voile de buée. Lorsque Sarah était venue lui proposer de le faire à sa place, la déclinaison fut si claquante, si froide, que la pauvre domestique, habituée au tempérament de Morion mais néanmoins sensible, sentit ses yeux piquer. Elle n’avait rien fait, elle.

Bien que l’eau fut présente en quantité suffisante pour largement diluer la poussière, le sang, la crasse, à chaque fois qu’il frottait d’un linge sa peau pâle puis plongeait le bras dans l’eau, on ne pouvait s’empêcher de constater un léger rosissement de l’eau à proximité, avant que les remous de son corps ne les mélangent complètement à l’eau et ne les fassent s’évanouir. Mais ils étaient là. Il avait encore cette saveur métallique en plein dans le nez, déformant et masquant toutes les autres odeurs, soulevant presque son estomac tant elle était persistante. C’était pourtant un accoutumé de la chose. Les effusions de vitae, il connaissait. Il s’était battu, plusieurs fois. Mais par devoir, envers des gens qui devaient mourir. Des hères qui à ses yeux étaient désavoués, bons à se faire refuser tout accès au domaine de la déesse des morts. Là… Il soupira. Eh bien là, il venait de s’en fermer lui-même l’accès à n’en point douter.

Quand sa femme monta dans la pièce exigüe, rendue presque suffocante par la température de l’eau, et le brasero encore igné, il leva un oeil torve vers elle. S’il allait bien. Oui, il allait bien. Là n’était pas la question.

«J’ai peut-être commis un crime dont je peine encore à saisir toutes les implications. Il se répercutera peut-être sur mon entourage, ma famille. Mes enfants, dit-il, la voix sourde. Mais oui, en dehors de ces quelques menus détails, je vais bien.»

Le sarcasme était une défense connue de Morion, face à ce genre de situation dont l’improbabilité n’était défiée que par la cruauté dont elle était porteuse. Il ferma les yeux un moment, quittant la vision de l’eau réfléchissant vaguement son visage, quitta le visage de sa femme, soucieux au moins, inquiet, et se laissa aller à ses attentions. Il était peu de dire qu’il en avait besoin, là, maintenant. Un soupir, mêlant l’agacement, l’irritation, et une pointe de soulagement, quitta ses lèvres. Derrière ses paupières closes, il voyait encore le visage repeint d’effroi de la voyante, il entendait encore ses supplications déformées par la terreur. Elle avait été pathétique, dégoûtante, méprisante. Et il l’avait quand même tuée, parce qu’elle ne pouvait pas rester en vie. Il n’avait eu d’autre choix. Cela, ils en étaient tous conscients. Alors… Pourquoi ? Cette question restait sans réponse, et frappait tel un métronome au sadisme prononcé dans le cerveau du comte. Pourquoi diable était-ce arrivé ?

«Je ne sais pas Ambre. Il ouvrit un oeil, qui après s’être habitué à la lumière ambiante, après avoir chassé ce léger vertige dû à la chaleur, vint accrocher la silhouette de sa femme, puis plus haut, son regard à elle. Etait-elle ce qu’elle prétendait être ? En ce cas, inquiétons-nous. Et ne lésinons pas sur l’angoisse, car le courroux qui nous menace dépasse absolument tout ce que nous avons connu ou nous connaitrons. Si, en revanche, elle mentait, nous avons perdu le seul moyen de nous guider aux responsables. Tout du moins nous l’avons conservé, mais il gît actuellement en tas en attente de combustion, et ne sera guère bavard.»

Il eut une mine exaspérée, et ramena quelques mèches libres et voletantes derrière son crâne, d’un geste indolent, las. Il n’arrivait pas à comprendre. Décidément pas.

«J’aimerais croire au concours d’espions fort habiles, j’aimerais même croire que notre propre personnel, notre propre famille est en cause. Tout, tout plutôt que ce que je redoute. Elle savait des choses que tu n’as découvert que très récemment, et en surface seulement. Elle savait des choses oubliées depuis longtemps. C’est tout bonnement impossible. Je… Sa phrase mourut dans sa gorge, puis retrouva un sursaut terne de vitalité, s’achevant d’un ton monocorde : je n’arrive pas à comprendre pourquoi, ni comment c’est arrivé. C’est terriblement énervant.»

Il ouvrit son deuxième oeil, et observa ses mains un moment. Quelques traces s’avéraient particulièrement opiniâtres. Témoins de son crime, elles se refusaient à se laisser si facilement rebuter au rang de souvenir. Elles voulaient rester là, gravées, piqûres de rappel vermeil, veillant soigneusement à ce que Morion n’oublie jamais son impardonnable affront. Il serra légèrement les dents. Leurs espions, leur alliance renforcée et préparée en vue de découvrir d’éventuels renseignements sur feue Saurell… Il eut un petit ricanement nerveux, incontrôlable. Il avait de sérieux doutes. Il plongea ses yeux polaires dans ceux de sa femme, y cherchant, peut-être, une façon de se rassurer, une idée, peu importe. Le tourment était réel, et il avait de sérieuses raisons d’être.

«Et toi ? Et vous, même ? interrogea-t-il, faisant référence à Grâce. Aussi peu ragoûtant que fut le spectacle, quelles conclusions tirez-vous de tout cela ?»
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Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptyLun 7 Nov 2016 - 19:29
L’ambiance de la pièce était chaude, humide, étouffante, comme chaque fois que l’un d’eux prenait un bain là-dedans. Cela fit du bien à la comtesse. Elle avait froid et tremblait un peu, depuis que toute la tension était retombée. Resserrant son châle autour d’elle, elle prit un petit tabouret pour s’asseoir près de la cuve. Elle ignorait combien de temps Morion comptait se nettoyer, mais elle resterait le temps que nécessiterait leur discussion, ce qui pouvait durer quelques minutes à peine comme plusieurs heures. Aussi elle se mit à l’aise, se concentrant sur ses gestes et le linge humide qu’elle passait sur la joue de son époux, doucement, amoureusement. Lorsque les piqûres de sang récalcitrantes eurent disparu, elle trempa le tissu dans l’eau du bain, pour passer sur l’autre joue. Le tout, silencieusement, en écoutant son mari lui répondre, sans jamais l’interrompre. Elle ne s’offusqua pas même de son sarcasme, l’humeur très peu propice à cela. Elle écouta, simplement, cherchant à voir si son mari possédait les mêmes doutes qu’elle, si ses convictions avaient été ébranlées aussi profondément que les siennes.

Une si petite chose, si fragile, avait fait trembler les certitudes des Ventfroid. Qui aurait pensé qu’une aliénée, moquée par ses semblables dans son propre quartier, finirait à avoir un impact sur leur vie ?

- Tu n’as donc aucune conviction précise, déclara Ambre, songeuse.

Il ne savait point, il venait de le dire. Cela n’était pas un reproche, juste une constatation. Ils n’étaient pas plus avancés que lorsque Saurell était envie. La seule chose qu’ils avaient obtenue était le silence éternel de celle qui aurait pu vendre ses informations. En-dehors de cela… ils n’avaient rien gagné. Pas l’ombre d’un indice. D’une piste. Rien. Nous sommes finalement contraints à croire avec notre cœur plus que notre raison. En effet, puisqu’aucun élément pragmatique, aucune preuve, ne venaient étayer leur raisonnement, ils devaient choisir selon leur simple intuition. Avaient-ils senti une aura divine se dégager de Saurell ? En toute franchise, pour Ambre, non. Cette femme avait été faible, brisée, malheureuse du début jusqu’à la fin. Les seuls éléments qui avaient fait douter la comtesse, ou plutôt, le seul, était son rêve. Tout le reste était tangible, obtenable avec des espions rôdés, des traîtres infiltrés – même si Ambre ne voyait sincèrement pas où ils avaient pu faire une erreur. Mais, en théorie, une faille était possible. En revanche, qu’on lui jette à la figure des détails d’un rêve qu’elle n’avait encore jamais conté à personne, ça, c’était plus délicat. Comment l’expliquer de façon rationnelle ?

La comtesse soupira en laissant son bras en suspens à quelques millimètres du visage de l’homme, cessant son geste de nettoyrage quelques instants.

- Que ferais-tu, Morion ? Si tu pouvais avoir la certitude, au fond de toi, que le message de cette femme était réel ? Que les dieux ne désirent point que nous menions à bien nos projets contre la famille ducale en place ? Abandonnerais-tu tes griefs comme si tu ne les avais jamais eus ? Ou ignorerais-tu la volonté des dieux pour asseoir la tienne ? Si… elle fronça les sourcils, un pli inquiet s’installant entre eux. Si cela signifiait avoir la certitude que ta famille mourrait dans l’entreprise, resterais-tu décidé ?

Même si les dieux n’avaient cure de leurs volontés de meurtre, à dire vrai, ce simple élément pouvait éroder la détermination d’Ambre. Elle venait de s’en rendre compte, en ce jour. Elle serait bientôt mère. Quel genre de mère serait-elle, si elle était prête à tuer son enfant alors qu’il n’était pas même encore né ?

La comtesse laissa tremper le tissu dans l’eau un moment, le poignet cassé par-dessus le rebord de la cuve, les yeux s’égarant dans la pièce.

- Moi… J’en suis au même point que toi. Je ne sais pas. J’espère que nos recherches et nos espions termineront par mettre un terme à cette désagréable situation. Il n’est pas trop tard pour découvrir un lien que cette femme pouvait posséder. Quant à Grâce… j’ai eu l’impression que ses certitudes aient été ébranlées aussi, mais de façon moindre. Les détails révélés à propos des Sombrebois ou de sa propre famille ne paraissaient pas si secrets, pas si difficiles d’obtention, contrairement à nous.

Ambre se remit à caresser son mari avec le linge humide, passant sur son cou désormais. C’était un geste plus machinal qu’autre chose, destiné à le détendre comme à la détendre elle-même dans cette tâche automatique, car il n’y avait aucune trace de sang persistante sur la gorge.

- J’espère pouvoir un jour me retourner sur cette période de notre vie en riant pour s’être si facilement laissés avoir par le doute.


Dans un tel scénario futur, si elle était capable d’en rire, c’était que rien n’aurait atteint sa famille.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptyMar 8 Nov 2016 - 13:43
Comment en avoir, des convictions, à cet instant ? Tout était si frais, si récent, et surtout, si soudain. Il était impossible de forger un avis solide sur la question. Oui, elle avait sacrément ébranlé leurs certitudes. Pour Morion, le choc était même nettement plus brutal que ce qu’il voulait bien laisser paraître. Il était un homme du Secret, du Silence. Il évoluait sans bruit, sans faire de vague. Tout au plus, l’on parlait de lui lorsqu’il apparaissait en public. Tiens, qui est cet homme ? Le seigneur de la Maison Ventfroid ? Oh… Et les rumeurs allaient bon train. L’on disait qu’il ne sortait jamais de chez lui, à part à la nuit tombée, pour quelques sombres affaires dont les presciences étaient obscures. Il frayait avec de drôles d’énergumènes, disait-on. Ou lorsqu’il sortait de jour, à défaut de s’attendre à le voir brûler sur place, consumé par l’astre d’or, il filait avec précipitation hors de la ville, vers son domaine, disait-on. Un endroit étrange à n’en pas douter. Les gens acquiesçaient avec véhémence, puis détournaient le regard lorsque l’oeil glacé et l’expression définitivement fermée du comte se posait sur eux. Ils ne savaient rien, et c’était très bien ainsi. Les choses que Morion faisait étaient toujours passées sous silence dès lors qu’elles quittaient le cadre officiel de ses obligation envers le pouvoir ducal. Qu’une seule femme fasse éclater les épais murs ténébreux qu’il prenait soin de bâtir autour de son existence, pour s’y engouffrer sans gêne, piétinant ses parterres nébuleux et abscons… Il aurait du mal à s’en remettre. Pour qui n’aurait-ce pas été le cas, après tout ?

Il observait ses mains, encore légèrement tâchées. Stupides viscères. C’était persistant, ces choses là. Il entendait encore le craquement assourdissant des os, lugubre, comme… comme s’il brisait sciemment sa propre foi, alors qu’il imposait sa force sur la lame qui débitait le corps de Saurell. Diantre… Il enregistra machinalement les questions, sacrées questions, de sa femme. Il fixa ses mains un long moment, avant de répondre.

Devais-je lui dire ? Lui dire qu’une fois sur le sentier de la guerre, secrets et projets révélés, la marche arrière était un interdit absolu ? Lui dire qu’il m’apparaissait comme impensable que les Dieux puissent prendre parti dans un tel jeu de pouvoir ? Les Ventfroid ont participé à la chute de rois, offrant parfois la lame à ceux qui s’en serviraient contre eux, sachant très bien quel en serait le résultat. De rois, bon sang ! Des personnes nommés par Eux, dont l’entièreté de leur pouvoir venait de Leur assentiment. Et pourtant… Le problème était surtout que je n’avais aucun moyen de savoir s’il s’agissait là réellement d’un message des Dieux. Si je pouvais avoir cette science alors… Eh bien, oui. Oui je lâcherais céans l’affaire. Je ne suis personne, absolument personne, pour m’opposer à Leur volonté.

Il n’y a qu’une seule chose qui pourrait me faire changer d’avis, au point d’en renier Leur autorité absolue. Une seule. Et nous n’y sommes pas encore. Quant au reste… non, je ne pouvais décemment pas lui dire que si jamais les projets que nous menions jusqu’à lors, devaient voir leur achèvement dans le sang et la mort, pour toute ma famille, en supputant que les Trois y apposent Leur consécration, je ferais tout ce qu’il faut. Dussé-je perdre mon nom, mon avenir, ma descendance dans l’entreprise. Un Ventfroid ne s’arrête que face à une seule entité : la dernière, la mort. Et bien que mes convictions fussent ébranlées, ébréchées, et que...


Il secoua légèrement la tête, puis releva le regard vers Ambre, comme s’il sortait d’une rêverie prenante.

Nous verrons plus tard.

«Je ne sais, mon amour. Ce n’est pas comme si j’avais un moyen de le savoir. Tout ce que j’ai entendu ces derniers jours tend à confirmer l’hypothèse d’une réelle messagère des Dieux, mais comment le savoir réellement ? Sans les réponses des espions, sans personne pour aiguiller un tant soit peu ma réflexion, je n’ai pas le droit de me prononcer. Il soupira doucement. Sacrifier ma famille ? Je… Il fronça les sourcils. Il ne devait rien dire. Rien. Pas plus qu’il n’avait parlé à feu le comte de Mirail lors de sa demande officielle en mariage.Ma famille est ce que j’ai de plus important, Ambre. Mes soeurs, toi… Il baissa les yeux vers son ventre, nos enfants. Les dieux nous imposeraient-ils vraiment un tel dilemme ? Notre famille, ou nos objectifs ? Ma volonté n’est rien face à celle des Dieux, je ne peux m’opposer à Eux. Je l’ai fait aujourd’hui, peut-être. Et je le regrette déjà assez. Je ne sais encore quelle fin je viens de précipiter. Saurell en vie, nous aurions probablement fini sur la potence avant la venue de l’hiver. Morte, j’ai peut-être jeté l’opprobre sur notre nom, sur des générations entières. Qui sait comment leur courroux peut se manifester ? Il ferma les yeux. Tout ceci, tous ces doutes, il les haïssait, et commençaient à lui donner sérieusement mal au crâne. Pour l’instant je ne sais rien. Tant que ce fait ne se meut pas en une certitude ou une autre… Je continue tel que je l’ai toujours fait. Si les Dieux voient un inconvénient à cela, qu’ils viennent donc me le dire en face.»

La frustration et la contrariété parlaient un peu à la place de Morion, là. Il n’était guère du genre à laisser l’acidité gagner sa voix lorsqu’il Les évoquait. Encore moins à leur lancer ce genre de défi idiot, auquel personne de sain d’esprit ne s’essaierait. Néanmoins… eh bien il le pensait sérieusement, sur l’instant. C’était peut-être de la colère, ou tout simplement une forme de rancoeur latente face à ces épreuves qu’ils ne méritaient pas.

Il leva la tête, lui laissant la place de nettoyer son cou, également. L’attention le détendait quelque peu, il fallait le reconnaître. Il était profondément enfoncé dans de tortueuses réflexions, en devenait même irascible, mais sa femme savait le calmer. Au moins un peu. Il finit par lâcher un profond soupir, sonnant presque comme une reddition.

«Je l’espère également. Il n’y croyait guère, à dire vrai, mais ils ne pouvaient pas savoir ce que leur réservait cette entreprise, après tout. On aurait été perturbé à moins, effectivement. Gageons que ce genre de choses n’arrivera plus. Si jamais il s’avère que cette femme était bien une messagère eh bien… Le mal est fait. Se poser trop de questions ne mènera à rien, il nous faudra simplement affronter le verdict lorsqu’il tombera.»

Plaçant les mains en coupe, il recueillit un peu d’eau dans la cuve, et s’en aspergea le visage, comme s’il tentait de se réveiller. Ce qui était presque le cas. Aujourd’hui, en entendant Saurell, en se livrant à ces actes de cruauté dans le but de la faire parler, en se voyant contraint d’entendre des vérités oubliées et pourtant terriblement réelles, qu’il pensait inaccessibles, il avait eu l’impression de perdre pied. Il ne tarderait pas à se ressaisir, mais pour l’heure son ancrage dans la réalité venait de prendre un beau taquet.

«Tant que nous n’aurons pas le coeur net à propos de cette histoire en revanche, je continuerai tel que je me suis lancé. Cela au moins, c’est une certitude.»
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Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] - Page 2 EmptyMer 9 Nov 2016 - 18:23
Il continuait. Roc inébranlable, Morion de Ventfroid conservait ses directives, même si le doute lui avait assailli le cœur, lui avait fait considérer sérieusement l’avis que les dieux pouvaient avoir sur la question. Ambre aimerait pouvoir conserver la même assurance. Cependant, le mal était fait : elle n’était plus sûre, désormais. Saurell avait glissé dans son esprit une graine qui prendrait son temps pour germer, mais qui s’enracinerait profondément dans les craintes de la comtesse.

- J’ai l’impression que nous ne saurons jamais, Morion. Là sera notre véritable épreuve, je gage. Vivre avec la crainte d’être tombés dans le viseur des dieux. Pour des personnes aussi pieuses qu’eux, il était clair que l’épreuve avait de son panache. Mais au fond d’elle, Ambre ne parvenait point à s’en vouloir. Elle était la responsable de la mort de Saurell, même si ça n’avait pas été elle qui lui avait ôté la vie directement. Et elle ne possédait aucun remord. La comtesse avait ça pour sauvegarder sa propre vie ainsi que celle de ceux à qui elle tenait. Cela valait tous les sacrifices du monde. Même perdre l’estime des dieux. A moins que nos espions ne permettent de mettre à jour un lien entre un noble et cette veuve, mais je suppute qu’il leur faudra des semaines pour cela, s’ils y parviennent un jour.

La comtesse laissa son regard se perdre à la surface du bain, suivant les volutes d’eau et les mouvements du comte. Chaque réflexion laissait la comtesse songeuse tant le sujet était grave.

- Je l’ignore. Comment savoir ce que les dieux voudraient imposer ? Ils ont leurs propres desseins, opaques et incompréhensibles, à nous, pauvres petites créatures loin de posséder le don d’omniscience. J’espère tout simplement ne jamais avoir à faire ce choix.

Il était encore loin, le temps où la comtesse serait assez désespérée pour sacrifier sciemment son fils, sa fille, son mari ou sa famille. En ces temps troublés, la mort venait vite, très vite. Sigfroi et les êtres de son sang mourraient peut-être sans même son propre concert. Ne serait-il pas plus prudent, finalement, de concentrer ses efforts sur la protection des siens, en attendant tout simplement que les Sylvrur ne tombent d’eux-mêmes ? Dans un tel contexte apocalyptique, la question se posait. Mais, grands dieux, loin d’Ambre l’idée d’exposer cette pensée à Morion. Elle venait seulement d’effleurer son esprit, pensée honteuse, indigne d’une noble droite dans ses robes. Une maxime disait peut-être que seuls les imbéciles ne changeaient point d’avis, mais là-dessus, le sujet et les doutes étaient bien trop frais pour être exposés à son époux. Il ne l’accepterait pas, elle le savait parfaitement. Etre devenue une Ventfroid était parfois un lourd fardeau à porter, et il ne serait jamais si encombrant à l’avenir que lorsque cela concernerait le Duc de cette cité.

- Je ne vois de toute manière pas comment leur courroux pourrait mener à pire, lâcha Ambre, pleine d’amertume.

Marbrume était en fin de vie. La cité se mourrait, au beau milieu du Morguestanc, assaillie par la Fange. Chaque jour et chaque nuit les mordeurs faisaient des morts, la famine emportait un peu plus de leurs habitants. Pouvait-on sincèrement faire pire ? L’annihilation complète de l’humanité, certes. Et, à titre personnel, la perte de leurs privilèges nobles. Les Ventfroid, comme chaque résident de l’Esplanade, n’avait pas beaucoup à souffrir en comparaison du quidam qui passait chaque nuit d’hiver et d’été sur les pavés. Malgré tout, comme tout le monde, Ambre de Ventfroid avait ses faiblesses, ses choses à perdre. Et contrairement à ce que l’on pouvait penser, pour elle le pire ne serait pas la perte de sa situation pécuniaire.

Ambre termina par baiser une tempe de son mari avant de reprendre les caresses du tissu humide et nettoyant.

- Nous lutterons. Tous les deux.
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