Marbrume


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 Authentique [ Marwen ]

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Marwen l'EsbigneurContrebandier
Marwen l'Esbigneur



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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyDim 20 Nov 2016 - 1:53
Apparemment, tout comme Marwen, la sorcière n’y comprenait pas grand-chose non plus, et sur leur mine purent se lire le doute, le scepticisme, et une intense réflexion qui ne résoudrait rien. Et en dépit de toutes leurs conjectures, de toutes les idées qu’ils imaginèrent avant de soumettre à Eric, celui-ci n’en démordit pas, répondant à tout pourvu qu’on lui laissât la vie sauve : ils avaient bien été embauchés et payés pour fomenter cette petite embuscade. Quelques secondes plus tard, et ils en étaient toujours au même point. Impossible, semblait-il, de pouvoir tirer davantage du reître qui gisait au sol, et Elisabeth se leva en grommelant, non sans indiquer à l’Esbigneur qu’ils en avaient terminé avec lui. Le contrebandier acquiesça et, dans le même mouvement, trancha nettement la gorge du gus. Pas question de laisser un de ces ruffians dans leur sillage, qu’ils fussent aveugles ou mourants. Ils avaient été embauchés à escient, connaissaient sans doute leur identité, et peut-être même en avaient-ils appris davantage à leur sujet, au cours de cette rixe. Marwen l’avait déjà appris dans sa jeunesse ; c’était toujours ainsi, en laissant un ennemi que l’on pensait inoffensif, que l’on en envenimait la situation des années plus tard, quand ce même type avait recouvré ses forces voire, pire encore, avait atteint un nouveau statut. D’un autre côté, il avait également appris qu’égorger des connards ne laissait jamais la famille du concerné indifférente, et que c’était à même de créer encore plus de merdes, parfois. Bha, il n’y avait malheureusement pas de juste milieu.

Dans un pragmatisme certain, la sorcière pivota vers les deux coffrets, et c’était justement dans cette direction-là qu’étaient tournées les pensées de l’Esbigneur après avoir essuyé sa dague sur la vêture de l’autre. Pour sûr, ça représentait un sacré petit pactole, bien appréciable, et il n’allait certainement pas cracher dessus après avoir risqué sa vie. Ils ramassèrent ce qu’ils purent trouver dans le sable tout en ébauchant de nouvelles hypothèses.

« Clairement, moi je prends volontiers. Une caissette chacun, c’est pas si mal. D’ailleurs, si tu sais pas vers qui te tourner pour les refourguer afin d’en tirer un bon prix… Moi, je sais. Sauf si tu tiens vraiment à jouer à la dînette, après tout. Ça pourrait bien être ton truc. »

Après avoir récupéré sa veste que lui avait tendue Elisabeth, Marwen se mit en quête de ses bottes, qu’il enfila prestement en se jurant de ne plus jamais les quitter lors d’une mission. Le contact du cuir et du tissu mouillé n’était jamais plaisant, définitivement, mais c’était toujours mieux que les bords plus ou moins tranchants des cailloux et des galets réunis. Et puis, bien que l’état de la vêture ne changeât pas, il était étrangement plus désagréable de les sentir de nouveau une fois les avoir retirées plutôt que de les porter constamment, sans y avoir touché.

« Ouais, j’avoue que je ne me l’explique pas non plus. Peut-être voulait-il faire d’une pierre deux coups. Peut-être qu’il préférait qu’un meurtre et un enlèvement aient eu lieu en dehors de son entrepôt. C’est vrai, quoi, c’est toujours plus simple de se débarrasser d’un cadavre dans la mer plutôt qu’au beau milieu des meubles ou d’une ville. Tiens, d’ailleurs… Je compte bien les foutres à l’eau, ces sous-races. »

Et ce fut là qu’elle lui demanda s’il souhaitait faire payer le bourgeois pour ses exactions à leur encontre. Marwen se frotta la tête. Ils avaient déjà bien donné de leur personne, et cela, que pour mieux se faire tuer, ou presque. Lui, c’était ce que les gus lui avaient réservé. Pour la sorcière, difficile de prédire, mais c’eût pu être un sort plus enviable comme quelque chose de pire encore, possiblement. Toutefois, avec de la chance et de la réussite, ils s’en étaient tirés, et à très bon compte, eu égard aux petits coffrets qu’ils tenaient tous les deux. Aller plus loin encore, c’eût été chercher la merde pour de bon. Quoique. Si jamais le bourgeois leur en voulait bel et bien, ils n’étaient peut-être pas à l’abri, surtout Elisabeth.

« Mmh… J’imagine qu’on est plus trop en sécurité, vu qu’il sait qui on est. Surtout toi, avec ta boutique, et je voudrais pas débattre de nouveau sur la solitude et la femme, toussa-toussa, mais… Tu vois. Après, moyennant logement, nourriture, ce genre de truc… J’peux bien assurer ta sécurité, tu sais. Imagine, rien qu’avec moi, tu gagnerais 100% d’effectif en plus. Eh ouais, solide. Les chiffres ne mentent pas, sorcière ! Huehuehue. Non, mais ouais, j’en suis. J’imagine qu’il attend bien sagement ses affidés revenir, tout seul dans son entrepôt, et ne se doute de rien. J’espère. Ouais, j’en suis », finit-il par dire, bien plus sérieusement. Quoique, bien qu’ayant déjà plaisanté juste avant, Marwen ne se sentait pas de terminer de la sorte.
« J’compte bien alterner cette histoire de massage de nous verrons, nous verrons à mais tout de suite, monseigneur ! J’accours ! »
Et ce disant, il lui décocha un clin d’œil de connivence.

Allant en direction des corps, l’Esbigneur entreprit de les prendre par les poignets et de les tirer jusqu’à la gabare avant de les déposer à l’intérieur. Il y avait de bonnes traces de sang sur la grève, mais peut-être qu’une forte marée viendrait toutes les effacer. Cela n’était pas très important, de toute façon ; peu de gens se hasardaient encore dans cette crique, si ce n’étaient des personnes d’allure assez louche, et celles-là ne s’embarrassaient pas de tels détails. Non, ce qui demeurait essentiel, de l’avis du contrebandier, c’était de faire disparaître l’identité des cadavres. L’on n’était jamais assez prudent.

« Pfiou, lâcha-t-il lorsque cela fut fait. Ils ont beau avoir perdu quelques litres de sang, pour certains, ils pèsent toujours aussi lourd, ces connards. Bon, à bord, sorcière ! Je peux pas résister plus longtemps à l’idée de remettre pied sur un rafiot. Et puis, au moins, on aura les pieds au sec. Et il n’y aura pas d’algues. »

Une fois qu'Elisabeth fut passée par-dessus le bastingage, Marwen entreprit de pousser le bateau déjà aux trois quarts immergé. La marée, qui avait été haute lorsqu’ils s’étaient lentement mais sûrement acheminés jusqu’à la baie, redescendait à présent, et cela l’aida quelque peu à prendre le large. Il ne lui fallut qu’un instant pour prendre conscience de leur situation.

« Bon, va falloir que tu fasses gaffe à ta tête ; je suis pas sûr d’être aussi doué que toi pour ranimer les gens, moi. Faudra remonter le vent, et donc voguer au près, à virer de bord constamment. Et du coup, ça, fit-il en désignant la bôme, la partie du mât positionnée à sa perpendiculaire, et qui tenait le bas de la voile, ça va pas arrêter d’osciller d’un côté comme de l’autre à chaque changement d’amure, et de tout balayer sur son passage. D’ailleurs, faudra que tu m’aides à tenir la barre pendant que je m’occuperai des manœuvres, sinon, on va tourner en rond, voir empanner. Et ça, ça pue. Allez, hop, du nerf ! »

Et joignant le geste à la parole, Marwen, le pied marin immédiatement retrouvé, s’activa sur le pont, sifflotant non sans une certaine gaieté. Pendant un petit moment, il vérifia les écoutes, la drisse, les points d’armure et d’écoute, et garda le cap vers la haute mer.

« Tiens, sorcière, je suis sûr que t’adores ça : prends la barre et tiens la bien droite entre tes mains. Voilààà, comme ça, ricana-t-il tout en lui montrant toutefois la façon de s’occuper du gouvernail, se postant à ses côtés pour lui guider les pattes. Eh, tu vois, il me semble que la première fois, je t’avais promis une balade en bateau, par une nuit de pleine lune, pas vrai ? Je suis un homme de promesse. »

Le grand air le rendait joyeux, de très bonne humeur. Les barges et autres rafiots n’avaient que trop rapidement disparu, là où la fange, elle, n’avait fait que progresser et gagner du terrain. De trop nombreux navires s’étaient fait la malle avec leur capitaine, cherchant un meilleur port, une terre encore non gangrenée par la malédiction qui frappait le Morguestanc et, assurément, le reste du monde, mais aucun d’entre eux n’était revenu. Par la suite, ils étaient devenus source de profit, puis de jalousie et de conflit, et plus d’un navire avait été incendié dans le quartier portuaire. Un véritable gâchis. Marwen se prenait des embruns dans la tronche, et sa vêture s’en trouvait peut-être plus trempée encore qu’elle ne l’avait été jusque-là, mais qu’importait. C’était vivifiant, revigorant. Là, il avait entamé l’air marin contant la beauté des filles laissées à terre et que l’on ne visitera pas avant huit mois, la splendeur de la mer, éternelle amante des gabiers, mais qui les engloutira un jour ou l’autre dans les noires profondeurs de ses abysses. Car il y avait aussi un vent de nostalgie qui soufflait sur le contrebandier, en remontant dans une embarcation. Et tout en sifflotant, il se mit à s’occuper des cadavres.

« Bon, parce qu’il faut aussi que l’on s’en débarrasse, de ces grokons. Ça va pas être beau, mais bon… »

Armé de sa dague, il leur ouvrit la bouche et leur déchiqueta le fond de la gorge, en appuyant bien fort.

« Au moins, comme ça, on est sûr que l’eau inondera leur corps, et qu’ils couleront comme des pierres, ou tout comme. Sinon, y a un foutu clapet dans la gorge qui bloque tout. Ça évitera de les retrouver sur la plage à la prochaine marée haute. J’espère. »

S’emparant des cadavres, Marwen entreprit de les balancer l’un après l’autre à la flotte, et ils disparurent bien rapidement dans les fonds marins. Puis, se frottant les mains, un petit air satisfait, le moral nullement entaché après pareil acte, il s’en retourna auprès des manœuvres.

« Bon, il est temps de mettre cap au port. Loffe un peu plus, sorcière. Enfin, rapproche-toi du vent. Vers tribord. La droite, quoi. »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyDim 20 Nov 2016 - 3:41
Eli ne fit pas d'efforts pour masquer la satisfaction que cette réponse lui procurait. Elle ne savait pas si elle se serait lancée dans sa vendetta toute seule ou si elle aurait renoncé en craignant que l'histoire ne la rattrape un jour, mais maintenant qu'elle savait pouvoir agir avec de l'aide, la suite de sa soirée était toute tracée.
Elle se hissa dans l'embarcations sans trop hésiter, passant sur la remarque à propos du massage avec un sourire dissimulé ainsi qu'un haussement d'épaule, et s'installa près du petit mat en attendant que le capitaine du navire saute à bord. Elle profita d'ailleurs de ce moment pour remettre elle aussi ses bottes, récupérées juste après la bataille. Trop heureuse de leur avoir épargné la mer, elle les retrouva presque sèches et plutôt confortables après la plage froide et parfois piquante pour la plante des pieds. Leur chargement ne l'enchanta pas des masses mais il fallait se rendre à l'évidence : le mieux était de les faire disparaître dans l'eau où crabes et poissons se chargeraient de les grignoter dans les jours à venir.

Leur petite embarcation reprit assez facilement la mer, le fond raclant tout d'abord contre le sable et les pierres avant de se faire happer par une houle légère. Si on omettait l vent presque permanent en bord de mer, la nuit était très belle, bien éclairée et parfaite pour naviguer.
Il se produisit alors quelque chose d'étrange : Marwen se mit à parler une langue tout à fait étrangère donc la jeune femme n'arrivait pas à saisir le moindre mot. Et cela dû se lire sur son visage ou dans son attitude figée car il fallut que le contrebandier traduise pour qu'elle saisisse l'origine du problème. Remonter au vent ? Virer de bord ? La bôme ? Empanner ? Eli comprit qu'elle devait faire attention au grand bout de bois horizontal qui se baladait parce que le vent allait faire bouger la voile et faire bringuebaler le machin de droite à gauche telle une faucille un mois de juillet. Ou quelque chose comme ça. Se mettant aux ordres du capitaine Marwen, elle décala son cul de souris vers la barre et le laissa inspecter sa nouvelle embarcation sans trop savoir ce qu'il vérifiait. Dans un sens, c'était une très bonne chose qu'il aime tant la mer car elle s'y connaissait autant en navigation que lui en alchimie, ce qui aurait eu des effets désastreux pour leur voyage si elle avait été aux commandes.

Le bateau, ce n'était pas sa grande passion. Elle aimait la mer, mais depuis la grève et n'avait jamais été très à l'aise sur un navire ou même une barque. Le plancher des vaches lui convenait bien mieux et semblait moins inquiétant à ses yeux. Pourtant, elle ne pouvait pas nier que le vent du large et la sensation de roulis était très agréable et plutôt grisants même.
L'apothicaire, qu'on avait désigné officiellement comme mousse à bord de cette coque de noix, s'assit près de la barre et s'y arrima avec autant de fermeté et de précision que possible. Marwen avait la main sûre et le bras solide, tenir le cap ne lui posait pas de problème. Pour Elisabeth, il s'agissait de s'y mettre à deux mains pour être certaine de pouvoir opposer une vraie résistance au vent et à la mer. Ah ça, pour tenir la barre avec conviction, on pouvait dire qu'elle la tenait bien ! Et cela réjouissait beaucoup le capitaine qui se fendit la poire avec un sourire et quelques remarques.

« Si tu pouvais ne me promettre que des choses positives, je t'en serais reconnaissante puisque visiblement, tes serments ont une sorte de pouvoir prophétique. »

Pendant le la jeune femme tirait sur le gouvernail pour le garder dans le bon sens, l'Esbigneur s'improvisa boucher et s'occupa, dans la joie et la bonne humeur, de taillader les pauvres malheureux qui avaient croisé leur chemin. La méthode était simple et pourtant efficace. Elisabeth ne comptait pas tuer beaucoup de personnes, mais elle retint soigneusement dans un coin de sa mémoire cette histoire de clapet dans la gorge car cela pourrait avoir d'autre applications pratiques. Si, par exemple, elle arrivait à trouver un poison capable d'endormir ce clapet, l'air ne pourrait plus alors ni rentrer ni sortir et la personne s'étoufferait de façon très naturelle, évidant la fâcheuse écume au coin des lèvres qui trahit trop souvent l'utilisation d'un poison.
Chaque corps fut bazardé par-dessus bord et disparut très vite dans l'eau noir, abandonné dans le sillage de l'embarcation. De nouvelles directives arrivèrent, d'abord parfaitement incompréhensibles puis enfin traduite en langue commune. Tout ce jargon juste pour dire de tourner à droite.

« Est-ce que ça ne serait pas plus simple de dire "tourne à droite pour gonfler la voile" plutôt que de parler de loffe, d'accrochage et de panure ? »

La donzelle poussa contre le gouvernail et la proue s'orienta vers le port. Soudain la voile de gonfla d'une brise continue qui les poussa plus vite encore qu'ils n'allaient déjà. L'apprentie navigatrice ne maîtrisait rien, avait l'impression de se laisser totalement balloter par les éléments et pourtant ils avaient le bon cap. Le machin en bois lui passa au-dessus de la tête, comme prévu et les trucs semblait grincer correctement tandis que le bidule tirait sur les cordes attachées aux choses en métal. Parfait. Tout allait très très bien. Enfin, en théorie. Eli avait l'impression de faire n'importe quoi et que leur embarcation allait s'écraser d'un moment à un autre contre un monstre marin, mais le capitaine semblait satisfait et elle appréciait de filer à cette vitesse. Un mélange de malaise et de plaisir qui donnait un résultat plutôt positif mais nuancé de craintes.

« Tu ne l'as peut-être pas remarqué, mais je n'y connais rien en bateaux... Tu devrais peut-être reprendre la barre ? Est-ce que c'est normal que ça tire comme ça ? Bon. D'accord. On ne va pas arriver trop vite ? Ah, je vois... »

Perplexe et incertaine, mais ravie de savoir qu'ils ne devraient pas tarder à arriver, elle en revint à penser à ce qui les attendait après ce petit périple en mer. Quelles options avaient-ils ? Tuer ce gros sac à merde qui les avait envoyé dans un traquenard pour une raison inconnue ou simplement lui faire cracher de l'argent avant de lui faire regretter, par la douleur, d'avoir tenté quelque chose, mais le laisser repartir en vie ? Le problème des gros bourgeois était qu'ils avaient souvent des amis, des connaissances et de la famille qui s'occupait de les venger et d'enquêter. L'apothicaire n'avait pas envie de se mettre à dos de riches marchands ou même quelques nobles en colère. Mais elle n'avait pas non plus envie que l'autre décide de porter ses couilles et de retourner la voir pour lui faire... Et bien ce qu'il voulait lui faire. À ce propos, il faudrait qu'elle trouve un moyen de lui extorquer la vérité.
Si elle avait le choix, elle retournerait chez elle pour prendre quelques poisons dont elle avait le secret et s'arrangerait, avec l'aide de Marwen, pour assommer et ligoter le gus, le dépouiller puis le faire souffrir à petit feu histoire de lui passer l'envie d'enlever des gens, comme ça, pour rire. Si le bonhomme avait voulu un coin reculé et tranquille, il allait bientôt s'en mordre les doigts.

De nouvelles instructions lui parvinrent entre deux bourrasques salées et elle cru comprendre qu'il fallait maintenant tirer dans l'autre direction pour prendre le vent. Mais la voix de Marwen, qui se trouvait plus à l'avant, occupé avec Anür sait quels cordages, lui semblait faible et son jargon était toujours aussi incompréhensible.

« Quoi ? Où ça un phoque ? Attends... Comme ça ? »

Elle tira sur le gouvernail et la voile se gonfla tout à coup beaucoup trop, faisant virer de bord très sèchement au bateau et désarçonnant Eli qui en lâcha la barre pour se raccrocher au bastingage. L'avantage de ceci fut qu'elle laissa la barre libre de reprendre une direction plus appropriée et que très vite, l'embarcation ralentit un peu et la voile se dégonfla.
Assise dans le fond de la coque, les côtes douloureuses d'avoir buté contre le bois et les jambes toujours à moitié sur le banc, Elisabeth leva une main pour signaler que tout allait bien et jeta un "Désolée !" tout en se dépêtrant pour se remettre droite.

« Je sais pas si naviguer de nuit c'est une bonne idée pour apprendre. » Un petit sourire contrit lui étira les lèvres alors qu'elle reprenait la barre pour essayer de redresser le cap. « Je peux te fabriquer un sérum capable de mettre le feu à tes veines ou te préparer un cataplasme d'herbe aussi froid que de la glace, mais faudra être patient si tu veux arriver à bon port avec moi à la barre. Si on s'en sort vivant, je te promet de te le faire, ton massage pour les courbatures. »

Les lumières du quartier du port se distinguaient bien mais la donzelle ne savait pas où se trouvaient les quais ni comment y arriver sans simplement s'écraser contre eux en guise d'accostage.

« Je connais des chansons de marin, mais je sais pas comment tu appelles cette voile. J'ai jamais navigué très loin des côtes. Mon père m'avait emmené pour pêcher une sorte de coquillage qui ne se mange pas mais dont on avait besoin pour un élixir. Je ne sais pas si c'était le pire ou le meilleur jour de ma vie... La dernière fois que je suis allé à la plage, j'ai failli me noyer parce qu'on m'a poussé à l'eau toute habillée... Je crois pas être faite pour le bateau. Tu veux reprendre la barre ? »

Si avec tout ça Marwen n'était pas décidé à la laisser passer le reste de la croisière terrée dans le fond du navire, c'était qu'il avait terriblement confiance ou irrémédiablement besoin d'elle.


Dernière édition par Elisabeth Gardefeu le Mer 23 Nov 2016 - 21:35, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyDim 20 Nov 2016 - 15:49
« Tourne à droite ? fit-il les yeux étonnés, feintant celui qui ne comprenait pas. Ça veut dire quoi, ça ? Mais non, on peut pas. Enfin, vaut mieux pas. Ça porte malheur que de ne pas respecter ton embarcation et le langage ésotérique qui va de pair avec. Tiens, le pire, c’est ça. »

Abandonnant quelque peu la suite des évènements, l’Esbigneur s’empara d’une bête corde qui traînassait sur le pont et la montra à la sorcière.

« Tu vois, ce que c’est ? Je suis sûr que tu as le mot. Eh bien, en termes maritimes, ça s’appelle une manœuvre. Et surtout pas autre chose. J’voudrais bien te simplifier la vie, sorcière, mais, justement, comme j’ai un certain pouvoir prophétique… » Il frissonna en se retournant, regardant vers le grand large et la vastité de l’océan et de la nuit qui se rejoignaient vers l’horizon, et où seul un millier d’étoiles scintillantes permettaient de marquer la ligne de démarcation.
« La mer est belle, mais elle est aussi terrible, redoutable, même lorsque l’on n’est pas si loin de la côte. Et c’est sans compter ce qui rôde entre deux eaux, là, peut-être juste sous nous. Des créatures abominables qui n’ont pas leur pareil sur terre, gigantesque, peut-être plus grande encore que Marbrume. T’imagines, tu tombes à l’eau ? Tu ne serais qu’un petit point à la surface à côté de l’immensité de la bestiole qui te goberait en un clin d’œil. Bon, on y retourne. Loffe donc. »

La proue fendait presque le vent qui venait de face, ou si peu, s’enroulant autour de la voile. Marwen s’était emparé de l’écoute sous le vent et l’avait fermement bordée, avant de courir de l’autre côté du pont pour larguer son opposée au moment même où Elisabeth s’activait à la barre. Là, la gabare affrontait tout droit le vent et les lames de la mer, poussées par ce dernier, et le rafiot capota quelque peu. Le foc faseya, claquetant de tous les côtés dans des grands bruits de linges que l’on cherche à déplisser, et l’embarcation perdit de la vitesse. La bôme tangua au plein milieu du pont, obligeant le contrebandier à se baisser tout en veillant à sa tête. Après de nouveaux efforts, toutefois, ils franchirent le lit du vent alors même que Marwen, après avoir bordé de nouveau l’écoute, l’arrimait au croc de lof. La voile se retendit soudainement, gonflée par le souffle d’air, et ils fusèrent grâce à l’excellent rendement au près de l’aurique en direction du port, ou presque. En vérité, le vent venant tout droit de la terre, ils n’avaient pas d’autre choix que de louvoyer, piquant un coup à gauche des quais, puis virant de bord pour caper à droite, et ainsi remonter le vent.

La sorcière confia ses craintes au contrebandier, qui s’en amusa quelque peu.

« Je ferai pas de nouveau la blague, mais ça va, tu t’en sors bien, gamine. Mais non, vaut mieux, crois-moi, que tu gardes tes mains sur la barre ; si jamais je dois le faire, alors tu dois t’occuper des manœuvres, de border les écoutes et de les choquer au bon moment. Et ça, tu vois, même si je peux t’expliquer quelque peu, je préfère que ça soit moi qui le fasse. Donc tiens-moi bien tout ça, même si ça tire. Le vent, la force de l’eau et les courants marins, toussa-toussa, c’est normal. Allez, ça fait les muscles, de naviguer, que crois-tu ! »

Mais l'apothicaire avait vu juste ; bientôt, alors qu’ils s’approchaient de la falaise, toujours en louvoyant, il fallut effectuer la même manœuvre, mais dans l’autre sens cette fois-ci.

« Sorcière, tiens-toi prête, on refait la même, mais à bâbord, là. Progressivement, quand le foc se gonfle à contre et qu’on change donc d’amure…. Wooow putain ! Progressivement, j’ai dit !! »

Ce fut comme si le vent était soudainement devenu matériel, tangible, comme si la masse et le poids de l’air avaient été multipliés par quelques milliers, et que tout cela avait heurté de plein fouet l’embarcation. Il y eut un lourd choc, et la voile, plutôt que de faseyer, se gonfla subitement, plus encore. Un des bastingages mordit cruellement dans les flots, l’autre se souleva dans les airs, et, le navire figurant ainsi à une assiette de près de quarante-cinq degrés, Marwen put jurer qu’un œil extérieur eût entièrement pu voir la coque du navire. Il choqua la grande voile, laissant l’écoute filer entre ses mains afin de lâcher la bride à l’embarcation et, tout en rendant la toile bien plus molle, de la soulager de la force du vent. Le rafiot reprit alors son équilibre, et l’on put recommencer de zéro.

« Putain, on a bien failli dessaler par l’arrière, sorcière ! Et moi passer par-dessus bord. Si tu veux plus de moi, dis-le-moi franchement, arharharh. Boooon, reprenons, encore ! »

Cette fois-ci, ils réitérèrent l’opération, et tout se déroula comme il se fallait. Le port était désormais bien en vue, tout proche, à quelques encablures de là. Bientôt, ils seraient de nouveau sur le plancher des vaches, au grand dam de Marwen. Voyant que tout allait bien, pour le moment, après une dernière vérification de circonstance, il se rapprocha de la sorcière.

« Bha, ça va encore, là. La mer est calme, le temps est très beau. C’eût pu être bien pire. Ouais, je veux bien reprendre la barre, si ça peut te soulager. »
Il laissa à la jeune femme la place de passer avant de s’installer au gouvernail et de le saisir non sans un petit contentement.

« Ah ouais, à ce point-là. C’est sûr que les jupons, c’est pas la joie pour nager… Si tu sais nager, cela dit. Et puis tu t’es évanouie en sentant une algue te caresser le pied, hein ? Huehuehue. »

La mer était toujours aussi quiète, le vent toujours aussi propice, et la sorcière lui avoua qu’elle ne s’y connaissait pas du tout en navigation.

« Bha, je pourrais bien te dire que ça, là, la voile à l’avant, c’est le foc, et que la voile arrière, là, un type de voile aurique, ce qui inclut la corne, la livarde, ou au tiers. Mais bon, vu que c’est la voile principale, qu’il y a un qu’un mât -le grand mât, donc, c’est la « grand-voile », tout bêtement. Et puis, là, dans le gréement, t’as la flèche, la balancine, l’étai, la drisse de foc, les différents points, qu’ils soient d’amure -pour attacher la voile, ou d’écoute -pour la border ou la larguer davantage, les garcettes et bosses de ris, pour régler la surface voilée en fonction du temps, par exemple… Toussa-toussa. Mais bon, tu retiendras pas ; t’as aucune raison de le faire, et je doute que ça te soit très utile, vu ce que tu me contes. Ah, va falloir appareiller, là. Faut qu’on se mette à la panne. C’est simple. Reprends la barre. T’as juste à mettre la barre à contre, à fond, comme si tu voulais loffer. Je m’occupe du reste. »

Allant vers la proue de la gabare, Marwen joua des écoutes du foc pour altérer celui-ci et le mettre dans le sens contraire à la position de la barre. Il borda fermement la grand-voile, presque dans l’axe, et attacha les manoeuvres aux crocs de lof.

« Voilà, c’est parfait, tout ça. Tiens bien la barre. Regarde ; t’as le vent qui fait pression sur le foc, à l’avant de la gabare, et vu sa position, rien que lui seul permet au bateau de pivoter à bâbord. Et puis t’as toi avec la barre, ainsi que la grand-voile, qui obligent le rafiot à aller vers tribord. Et toutes ces actions se contrevalent parfaitement ; l’on flotte au grès des flots, sans plus rien. »

Il n’y eut que la vitesse qu’ils avaient acquise qui leur permit d’avancer encore, mais ils décelèrent bien rapidement. Et ce fut tout en douceur que la coque longea le quai du port. L’Esbigneur sauta sur le ponton, un gros cordage dans les mains, et s’employa à arrimer le navire en nouant la manœuvre autour d’une bitte.

« Pas de gus qui vient nous faire chier, là… ? Putain, ça me troue le cul d’abandonner ce rafiot, là, fais chier. Je sais pas si on est bien chanceux ou pas du tout. Mais bon, j’imagine qu’il appartenait au bourgeois, du coup. Et qu’il doit donc être facile à tracer… Déguerpissons de là vite fait, alors, avant qu’un officier nous tombe sur le râble. Adieu, ma belle », fit-il à la gabare, avec amour, avant de s’éloigner.

Ils progressèrent dans les rues, s’enfonçant dans le cœur de Marbrume
« J’ai l’impression de faire que ça, avec toi. »
Ce fut ce même jeu de chat et de la souris auquel Marwen comme Elisabeth participèrent de nouveau, prenant garde à la venelle dans laquelle ils s’engageaient, veillant à ne pas faire de mauvaise rencontre, et évitant les rares patrouilles qui erraient dans la capitale.

« T’as un plan, au fait, ou on débarque direct dans l’entrepôt et on lui fait sa fête ? Ça me dérange pas, remarque. Par ailleurs… Porter en permanence un des coffrets sur moi, ça me gêne un peu, et suffit que ça tombe pour que ça soit la merde. Déjà, y vaudra peut-être plus grand-chose, et de deux, toute l’argenterie qui choit, là, ça fera un sacré concert. Super, la discrétion. »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyDim 20 Nov 2016 - 18:31
C’était étonnant de voir comme l’air marin et une caque de noix pouvaient rendre le contrebandier heureux. Il ne prit pas ombrage de la maladresse de son mousse en jupe et reprit simplement la manœuvre avant de s’installer enfin à la barre, soulageant Elisabeth d’une tâche qu’elle appréciait qu’à la hauteur de la nécessité de ce voyage en bateau.

« J’avais enlevé mes bottes, moi, et j’avais pas envie qu’une murène grise ou un poulpe décide de s’accrocher à ma jambe. Tu as déjà vu une morsure de murène ? »

Elle s’assit dans le fond de l’embarcation avec un soupir, s’adossant aux jambes du capitaine qui s’occupait de maintenir le cap. Le nez en l’air, elle tenta de se souvenir d’au moins deux ou trois choses que lui pointait l’Esbigneur, ne serait-ce que pour pouvoir se coucher moins bête, comme disait sa mère. Pas sûr que ça lui serve, en effet, mais il n’y avait pas de mauvais moment pour élargir ses connaissances.
Le port se rapprochait rapidement et Eli dut reprendre son poste, veillant à bien suivre les instructions sans brusquer la barre cette fois. Avec une ou deux petites explications, elle comprit ce qu’ils essayaient d’obtenir comme résultat et mine de rien, cela l’aida dans ses manœuvres. La gabare accosta en douceur et l’apothicaire assista à la séparation émouvante de la coque de noix et de son capitaine. Amusée, elle se retint tout de même de rire et se contenta de filer le long des quais jusqu’à rejoindre l’ombre du premier bâtiment en vue. Marwen l’y rejoignit et ensemble ils recommencèrent à progresser dans les ruelles. En effet, cela avait un petit air de déjà-vu.

Une fois proche de la sortie du Goulot, ils firent une halte dans la pénombre d’une grande porte cochère pour faire un point rapide.

« T’as raison, c’est pas bien pratique. Surtout si on doit se mettre à courir, le bruit de vaisselle c’est pas très discret. Et puis j’ai réfléchis un peu à ce que je voulais infliger à ce gros porc pour avoir essayé de trouer à peau à mon garde du corps d’un soir. »

Elle esquissa un sourire taquin à l’adresse du contrebandier et jeta un rapide coup d’œil dans la rue pour être certaine qu’aucune patrouille ne venait vers eux. Mais heureusement, l’endroit était calme. La chance leur souriait parfois.

« La boutique se trouve pas loin de la Hanse, tu auras remarqué. On va y faire un crochet et déposer le barda à l’abri. J’en profiterais pour récupérer quelques petites fournitures amusantes. On ne peut pas tuer ce type, on court le risque de se retrouver avec des gros ennuis sur le dos. Si des proches ou des collaborateurs se mettent à fouiller et qu’ils remontent jusqu’à nous, on est foutus. Mieux vaut le laisser en vie, mais lui faire passer le goût de traîner avec nous, tu saisis l’idée ? Et j’ai dans mes étagères de quoi regretter d’être en vie. »

D’un commun accord ils se remirent donc en chemin, progressant à une allure remarquable tant leur route était dégagée. En pleine journée, Elisabeth pouvait tout à fait faire l’aller-retour vers le quartier de la Hanse en moins d’une heure. Ils arrivèrent à bon port sans qu’aucun incident ne vienne troubler leur progression. Une fois encore, la jeune femme fit entrer son invité par la porte de derrière, plus discrète et moins exposée.
Une fois deux ou trois bougies allumées, elle déposa son coffret sur une des caisses dans sa réserve, plus intéressée par les étagères de son laboratoire que par son petit trésor nouvellement acquit. Il y avait des fioles, des alambics, des pots, des jarres, des bols, des boites de diverses tailles, des gobelets et des bouteilles. Au plafond étaient suspendus des bouquets d’herbes ou de fleurs séchés et dans le fond du laboratoire, contre le mur, un grand vivarium abritait quatre crapauds de la taille du poing de Marwen. La maîtresse des lieux leur déposa même une coupelle avec quelques mouches mortes lorsqu’ils se mirent à chanter en détectant de la lumière. Ces bestioles n’avaient pas beaucoup de cervelle, mais elles avaient tout de même quelques réflexes bien ancrés dans leur petite tête. Réclamer à manger en faisait partie.

À l’aise chez elle comme un poisson dans l’eau, Elisabeth naviguait entre le plan de travail et ses armoires avec une fluidité nouvelle. Elle s’empara d’une bouteille contenant un liquide vert et en versa un peu dans une fiole vide et propre. L’odeur était capiteuse et un peu piquante. Puis elle attrapa un pot avec des baies séchées et en écrasa trois ou quatre dans le fond d’un pilon pour les ouvrir avant de les mettre à tremper dans la fiole à moitié pleine. Coinçant un bouchon de liège au sommet du petit récipient, elle agita le tout avec énergie jusqu’à ce que les petites graines dans les baies se soient bien dispersées dans le liquide.
L’apothicaire observa le résultat à la lumière d’une bougie qui avait largement dégouliné sur un coin de sa table de travail, se soudant au bois définitivement et, satisfaite, elle rangea le produit dans son escarcelle après en avoir sortis ses réactifs pour les tests sur les métaux. Les morceaux de tissu propre rejoignirent leurs semblables dans un tiroir d’une grosse commode, les deux fioles retrouvèrent leur place sur les étagères accrochées au mur et Eli combla l’espace vide à côté de son poison par une petite bourse pleine d’une poudre que Marwen se rappellerait peut-être, pour en avoir fait les frais lors de leur première rencontre.

« Si tu me laisse encore un instant, je voudrais remplir mes aiguilles. J’espère ne pas avoir à m’en servir, mais mieux vaut être prudent. »

Tout en parlant, la jeune femme avait sorti d’un placard fermé une bouteille enveloppée d’osier et sur laquelle une étiquette avait été attachée. Dessus figurait trois petits mots ainsi qu’un dessin représentant un serpent ailé. Le gros bouchon qui fermait la bouteille laissa s’échapper une odeur agressive qui n’était pas sans rappeler le souffre.

« C’est un mélange de ma composition. Je ne te donnerais pas la formule, mais il y a entre autres du venin de serpent et du poison de vive. Cette formule est étudiée pour tuer rapidement, mais notre bon ami y a été très réceptif… Normalement il faut un peu plus de temps pour que les effets s’activent. En revanche, la douleur suffit pour mettre à terre quelqu’un, le temps que le venin fasse effet. »

Tuer de sang froid avec une lame la répugnait, mais lorsqu’elle parlait de poisons, Elisabeth était parfaitement sereine. C’était son métier et elle avait même développer une véritable passion à découvrir comment tel ou tel produit pouvait être utiliser. Et dire que selon la dose, un venin pouvait se transformer en remède miracle, ou inversement…
Elle trempa son aiguille dedans en faisant un appel d’air pour faire monter le liquide un peu épais à l’intérieur et reboucha aussitôt la bouteille avant de la ranger. Ses gestes précis et rapides trahissaient une habitude bien installée.

« Ce que je t’avais injecté, c’était juste un concentré de venin de méduse. Quelque chose d’inoffensif quoi qu’un peu douloureux, qui ne fait que paralyser. En grande dose et injecté au bon endroit, ça peut tout de même arrêter un cœur… »

D’une pichenette elle fit descendre tout le poison dans le minuscule tube en métal puis le rangea dans le repli de sa manche, contre son avant-bras.

« Bien… Je n’ai pas de plan très élaborer, alors je te propose de faire simple : entrer, profiter de la pénombre pour te faire passer pour un des types, le temps d’approcher le gus, lui tomber sur le râble et l’assommer. Après quoi on le saucissonne et on s’amuse un peu, le temps qu’il comprenne son erreur. Mais si tu as une meilleure idée, je t’en prie. Tu es certainement meilleur que moi à ce jeu-là. »


Dernière édition par Elisabeth Gardefeu le Mer 23 Nov 2016 - 21:34, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyLun 21 Nov 2016 - 0:08
Après que Marwen eût partagé son ressenti avec la sorcière vis-à-vis des coffrets renfermant l’argenterie, celle-ci lui confia à son tour ses mêmes craintes. Définitivement pas pratique et pas discret. Il hocha la tête d’un air entendu face à la petite sollicitude de la jeune femme, comme si, oui, le bourgeois méritait assurément de connaître la mort pour avoir attenté à la vie d’un personnage tel que lui, et il fut décidé d’aller entreposer tout leur butin dans au Crapaud Apothicaire.

« Mway, je crois bien me remembrer où c’est, chez toi… Pas trop loin, effectivement. Entendu, rendons-nous là-bas dans un premier temps, que tu récoltes par la même occasion tous tes petits sortilèges. Je ne suis pas sûr d’avoir peur ou, au contraire, hâte, de constater de ta magie, une fois de plus… »

Malgré tout, Marwen demeurait sceptique à l’idée de laisser l’autre fils de pute en vie, et cela pour les mêmes raisons qui avaient alimenté son dernier assassinat.

« Lui laisser la vie sauve, t’es sûre ? Ça me fait mal au cœur rien que de penser ça. Surtout que c’était une mission que l’on a chopée de nuit, discrète et tout, très illégale. Et vu ledit caractère interlope, je vois pas trop comment l’on pourrait remonter jusqu’à nous. Quoique…, fit-il en réfléchissant pour lui-même, ouais, vu que c’était une embuscade, c’est possible qu’il en ait parlé à d’autres bougres, cela dit… Maiiis… Si jamais on le laisse en vie, c’est clair et net, il saura que c’est nous à cent pourcent, vu qu’on lui aura fait une petite visite. Alors que si on le zigouille, il y a la chance qu’il n’ait rien dit à personne d’autre et que l’on reste incognito. Putain, j’en sais rien moi. »

L’Esbigneur ne savait que décider que faire du gus, et ces réflexions lui faisaient tourner l’esprit en rond, sans jamais trouver de solution probante. Mais quand même. Le buter à la fin lui aurait laissé la conscience plus tranquille, malgré tout. Il devait le reconnaître. Mais de ceci, ils auraient tout le temps d’en découdre une fois parvenu à l’abri de la boutique, ou bien même une fois après avoir obtenu réponse à leurs disquisitions. Si fait, Marwen et la sorcière se remirent en route.

Rien ne vint les perturber dans leur avancée, pour une fois. D’ailleurs, peut-être même que cela manqua, dans leur nouveau périple. C’était dépaysant, bouleversant, et Marwen, qui s’attendait déjà à devoir botter le cul d’un putain de chien, à se faire courser par la milice, à affronter le pot de chambre d’une mégère, à louvoyer entre les flaques de boue, à tomber nez à nez avec des voleurs, à croiser un lépreux, à se faire assommer, à se faire agresser par un fangeux, et, plus que tout cela encore, à devoir protéger la sorcière de toutes ces tribulations, se retrouva bien con devant un parcours aussi aisé.

« C’est trop facile, c’est trop facile, j’te dis, sorcière », murmurait-il de temps à autre en regardant çà et là dans la moindre venelle.

Toujours fut-il que de revenir dans cette maisonnée lui causa une drôle de sensation. Marwen s’en trouva presque gêné de remettre les pieds dans ces lieux qu’il avait quittés à la va-vite, plein de remords et de malaise. Il se comporta comme s’il se trouvait dans un musée de porcelaine, dans un foutoir où le moindre geste indélicat ne manquerait pas provoquer une catastrophe, une réaction en chaîne capable de détruire la bâtisse en moins d’une seconde. Et l’Esbigneur plaçait beaucoup de solennité dans chacun de ses pas, énormément d’attention dans son attitude. Pas question, dans ces lieux, de risquer de créer quoi que ce fût capable d’entamer une nouvelle algarade entre la sorcière et lui. Surtout après ce qu’ils avaient fomenté tous les deux, à l’encontre du connard qui tenait à les voir réduits au silence.

Forcément, toute une pelleté de conneries lui passa par l’esprit lorsqu’il vit de nouveau ces bougies, et ce fut sans parler des crapauds à qui Elisabeth donna à manger, ou encore de ce bric-à-brac spagyrique avec lequel, il en était certain, il pouvait créer une nouvelle variole, déclencher une épidémie de peste, ou faire exploser le Rempart Intérieur.

« Bon… Je touche à rien, moi. Et puis ça… » Il observa le coffret qu’il tenait, le sien, celui qui représentait son pécule. Marwen grogna quelque peu, se frottant la tête, et puis soupira grandement.
« Bon, je déteste faire ça, faut bien que tu le comprennes. C’est vraiment pas mon truc, en tant que contrebandier, mais… J’te le confie. Vas-y, j’aime pas ça. »

Il le déposa à côté du coffret de la jeune femme, et afficha une grimace tout en le repoussant du bout des doigts, comme si cette idée le dégoûtait réellement. Puis, très maniéré, il s’en détourna, avec la volonté ostensible de tenter d’oublier le sacrifice, voire l’hérésie qu’il venait de commettre.
Mais à se comporter bien sagement, l’on se faisait rapidement chier. L’Esbigneur alla bien voir ce que traficotait la sorcière avec tous ses pots, ses mortiers, ses pillions, ses alambiques et ses cornues, mais lui n’y comprenait goutte, quand bien même s’essaya-t-il à déterminer ce qu’il se tramait dans les flacons. Ça égrainait, çà écrasait, ça mélangeait, ça faisait du sirop et de la compote, mais l’alchimie était pour lui ce que représentait la navigation pour Elisabeth. A chacun son domaine. Puis, évitant de lui traîner dans les pattes, car il fallait qu’elle se concentrât, il la laissa faire et gesticuler dans tous les sens. Toutefois, à la voir ainsi, le dos tourné, sans qu’elle pût véritablement le surveiller, la drôle envie de se glisser derrière elle et de la chatouiller alors qu’elle manipulait ses machins capables de vous tuer dès que vous le respirez lui effleura l’esprit. Il la réfuta immédiatement. Fallait vraiment qu’il arrête ses conneries.

« Vas-y, prends tout ton temps, sorcière. Fais ça bien. L’on ne sait jamais, ouais », lui répondit-il lorsqu’elle lui indiqua que davantage de temps était encore nécessaire pour qu’elle remplît ses aiguilles magiques.

« Tss tss, moi je te confie mes secrets pour naviguer et toi tu dis rien ?! Bha, de toute façon, je doute de retenir tout ça un jour, dans tous les cas. Et j’en suis pas mécontent, que l’autre connard y ait vite succombé. Parce qu’avec le premier type dans les pattes, j’aurais bien été en peine pour te sauver la vie une fois de plus, sorcière. Enfin, j’ferai gaffe à pas me piquer, quoi. »

Quant au plan, il lui allait parfaitement. Même plus encore, un sacré sourire se dessina sur les lèvres de Marwen. Elisabeth était capable, à présent, de le reconnaître entre mille, il en était certain. Et il ne fit rien pour le dissimuler tout en la fixant.

« Ça me va, aucun problème. Allez, faisons-lui rendre gorge, à ce fieffé coquin. Qu’on éclaircisse un peu tout le délire, là. »

Cette nuit-là, tout semblait leur réussir, contrairement à leur dernière rencontre. Bien astrés qu’ils étaient, ils s’en étaient très bien sortis face aux trois reîtres qui les avaient agressés, avaient récolté un sacré petit pactole, n’avaient croisé personne dans les ruelles désertées de Marbrume, et, pour se rendre vers la Hanse, juxtaposée à la boutique de la jeune femme, ou presque, ce fut pareil. Ils ne connurent nul déboire, nulle misère.

« C’est trop facile, c’est trop facile, j’te dis, sorcière », répétait-il de temps à autre en regardant çà et là dans les rues environnantes. Mais non, que dalle. En vérité, se dit-il, ce n’était peut-être pas plus mal. Une routine, en quelque sorte.

Là encore, ce fut non sans une certaine prestesse qu’ils parvinrent devant l’entrepôt du bourgeois, et ils s’y cachèrent dans l’ombre.

« Bon, on fait donc comme l’on a dit. Je me fais passer pour un de leurs en faisant croire que j’ai réussi ma mission. Mais du coup… » Et là, son sourire se fit très grand alors même qu’il passait derrière la sorcière pour lui susurrer ces quelques mots à l’oreille, presque intimement.
« Cela veut donc dire que tu es ma prisonnière. »

Et aussitôt, Marwen s’empara des bras d’Elisabeth, bras qu’il vint rabattre dans son dos avant de les tenir fermement. Par jeu, il fit un peu de zèle ; il s’en trouvait presque obligé de le faire, imitant tous ces méchants pas beaux venant de capturer la princesse qu’ils convoitaient depuis des années. Il porta une main légère à sa gorge pour lui relever le menton, rapprocha que plus encore son oreille de ses lèvres, pour lui glisser des idées qui, il en était sûr, allaient faire un carton dans l’esprit de l’apothicaire.

« Ça veut dire qu’il va falloir te soumettre et l’obéir biiiien sagement. Ça serait quand même con que notre petite couverture soit découverte parce que tu ne joues pas le jeu, ma sorcière bien aimée. »

Bien entendu, aucun lien ne lui était passé, et Elisabeth serait libre à tout moment de se projeter sur le bourgeois -et non pas sur Marwen, celui-ci l’espérait, afin d’assouvir sa vengeance. Toute cette mise en scène n’était là que pour rendre les faits plus crédibles encore.

« Promis, je vais faire mon maximum pour ne pas… Pour ne pas trop en profiter, dirais-je » ajouta-t-il, non sans lui donner une petite tape sur les fesses, en souvenir du bon temps. « Huehuehue. L’on y va ? »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyLun 21 Nov 2016 - 1:51
« Trop facile, trop facile… C’est vrai que cette soirée est tout ce qu’il y a de plus facile ! On se tape une randonnée imprévue, on se fait attaquer dans une crique isolée, je suis obligée d’apprendre la voile en pleine nuit et maintenant il faut s’occuper de notre connard de commanditaire. Je ne trouve pas ça si facile, mon cher ! »

Cet amour irraisonné pour le danger et les complications ferait certainement tuer le contrebandier avant l’heure, mais elle devait reconnaître que les choses avaient plus de saveur une fois qu’on y ajoutait un peu de piquant. Elle n’en ferait pas son quotidien, mais une fois de temps en temps…
Ils parvinrent jusqu’à l’entrepôt sans difficulté, ce qui ravit Elisabeth et il fut alors temps de singer un enlèvement. Aucune lumière n’émanait de l’endroit, tout était calme. Si une bande de ruffians les attendait dans le noir, ils étaient terriblement silencieux. Or des ruffians silencieux et patients, c’était presque impossible.

Marwen, qui avait approuvé le plan sans sourciller, se fendit d’un sourire jusqu’aux oreilles à présent qu’il était temps d’agir. Se mettre en mouvement lui procurait beaucoup de plaisir, semblait-il… À moins qu’une idée ne lui trotte dans le crâne.
Avant qu’elle puisse réagir, la jeune femme se retrouva prise au piège, les bras verrouillés dans le dos par une poigne solide. Si elle fut surprise par le geste, elle n’en fut cependant pas effrayée et ne poussa aucune exclamation qui aurait pu les trahir. La voix de l’Esbigneur, tout contre son oreille, lui révéla pourquoi il était soudainement de si bonne humeur. Et lui colla au passage un frisson étrange qui lui remonta le long du dos. Associer le contrebandier à une sensation agréable relevait presque de l’hérésie aussi préféra-t-elle oblitérer cette vérité avant de lui répondre, relevant la tête pour lui jeter un regard du coin de l’œil.

« Je comprends mieux pourquoi cette idée à reçue ton approbation. Mais soit, tu as raison, mon tendre bourreau. Je serai la plus docile des proies puisque c’est notre seul recours pour approcher notre cible. »

La tape la fit sursauter et elle tourna à demi la tête pour jeter un regard blasé à son garde du corps qui s’improvisait acteur. Elle payerait cher pour voir la tête qu’il ferait si c’était à lui qu’on donnait une bonne claque sur le séant. Il la prenait pour une jument que l’on doit cravacher est-ce que le fait de lui porter une main aux fesses lui plaisait tout particulièrement ?

« Bien sûr… Je sais à quel point tu es un homme raisonnable. Tu ne profites jamais de la situation, hum ? Jamais. »

Malgré le sarcasme, Eli esquissa un sourire en coin en se souvenant qu’elle s’était mise toute seule dans cette panade. Cependant, elle avait confiance en son partenaire et après ce qui s’était produit sur la plage, elle se trouvait bien aise ce que soit lui qui la traîne comme un trophée de chasse plutôt qu’un de ces butors.
Les mains reliées dans le dos, obligée de marcher au pas imposé par son « ravisseur », la jeune femme se laissa emmenée à l’intérieur du bâtiment où ils étaient un peu plus tôt. Comme prévu, toutes les lumières étaient éteintes et il ne semblait pas y avoir âme qui vive. Un instant, elle douta d’être au bon endroit. Peut-être le bourgeois était-il dans un autre endroit ? Il n’y avait pas beaucoup d’entrepôts encore en état mais il se pouvait qu’il soit propriétaire de deux bâtiments et qu’il se trouve dans l’autre ?

Elisabeth tordit légèrement un poignet et attrapa le bras de son complice pour le serrer brièvement et attirer son attention. Personne en vue entre les meubles de belle facture et les planches de bois débitées et stockées. Ils avancèrent entre les allées, attentif au moindre bruit ou mouvement. Finalement, après avoir prévenu Marwen par une nouvelle pression, l’apothicaire se décida à faire un peu de bruit pour apporter du crédit à son rôle tout en vérifiant s’il y avait quelqu’un.

« Je ne sais pas ce que vous espérez tirer comme profit, mais vous allez le regretter ! Lâchez-moi ! »

Elle avait pesté sur un ton très convainquant et se fit rétorquer un avertissement tout aussi crédible qui, malgré qu’il ne soit pas hurlé, avait semblé bien trop sonore dans ce silence nocturne. La manœuvre sembla réussir car une voix appela, en chuchotant, de derrière un amoncèlement de lattes en bois à l’odeur capiteuse. Une silhouette qu’ils connaissaient montra le bout de son nez.

« Vous en avez mis du temps ! Par ici ! Et vous, là, silence ! »

La voix, désormais plutôt autoritaire, du bourgeois leur parvint et il disparut aussitôt dans l’espace qui permettait de passer entre deux sections de bois coupé. L’apothicaire simula une récalcitrance à avancer avant d’être poussée en avant et de devoir se frayer un passage jusqu’à l’espace qui était aménagé de l’autre côté. Il faisait si sombre qu’il était impossible de voir le visage des autres, mais Marwen avait plus ou moins la tailler et la carrure des brutes qui les avait pris en embuscade, ce lui donnait le change dans problème.

« Vous êtes seul ? Où sont les autres ? »
« En train de bouffer les pissenlits par la racine ! Et ça sera bientôt ton cas, crevure ! » intervint Elisabeth sur un ton courroucé qu’elle maintenant à peine plus haut qu’un chuchotement. « Pauv’taré ! C’est quoi tout cirque ? Qu’est-ce que t’as fait de l’autre Esbigneur ? »
« Ah silence à la fin ! D’abord, un peu de lumière. »

Le type fouilla ses poches en grommelant, visiblement peu attentif à ce que pouvait lui dire le loubard qu’il avait employé. Ses gestes saccadés témoignaient d’une certaine nervosité et cela pour le plus grand plaisir de la jeune femme. Il finit tout de même par dégotter un briquet à amadou dans l’une de ses poches et se retourna le temps d’allumer une lanterne.
Et lorsqu’il se tourna enfin vers le duo, il mit quelques secondes à réaliser qu’il y avait un problème. Vraisemblablement, il se rappelait que la sale trogne des types embauchés n’était pas balafrée comme celle qu’il avait face à lui et il resta comme un con, la bouche un peu ouverte, à essayer de comprendre ce qui se passait.

« Mais… Qu’est-ce que… »

Elisabeth ne le laissa pas terminer et se libéra de ses entraves factices pour lui asséner un bon crochet du droit dans la face. Le type devait être aussi bagarreur qu’une danseuse car il se laissa avoir comme un bleu et si le coup ne l’assomma pas du tout, il le surprit assez pour le faire chanceler en arrière. Ah ! C’était libérateur ! Mais la donzelle ne s’attarda pas sur cette victoire et tira immédiatement la seconde aiguille, qu’elle n’avait pas utilisé de toute la soirée, de sa manche gauche et la planta d’un geste vif près de la clavicule de leur adversaire. C’était aussi facile que t’attraper un veau neurasthénique ! Le bourgeois ne comprenait rien à ce qui se passait et se laissait faire sans avoir le temps de réagir, la bouche toujours vaguement entre-ouverte.
Finalement, un sursaut d’esprit combatif le prit, mais l’apothicaire avait déjà reculé, son arme pointue dans la main.

« Voilà, ça devrait le calmer rapidement. Quoi qu’avec tout ce gras, j’ai des doutes… En général c’est assez efficace, mais je n’ai encore pas essayé sur quelqu’un avec autant d’embonpoint… »

Les pupilles de sa victime se dilatèrent et il ouvrit la bouche pour brailler quelque chose, mais rien ne sortit. Alors il avança, avec une drôle de démarche un peu raide et perdit l’équilibre en essayant de s’accrocher à la jeune femme. L’animal s’effondra au sol sans aucune grâce et pourtant toujours à demi conscient, clignant difficilement des yeux et essayant d’articuler quelque chose.
Restait à trouver de quoi l’attacher pour pouvoir papoter tranquillement avant qu’il ne reprenne ses esprits. Le riche bourgeois ne devait pas y voir très clair malgré la lanterne près de lui, il devait tout juste deviner les silhouettes mouvantes de Marwen et Elisabeth debout près de lui.

« Ça ne va pas durer très longtemps, il faudrait l’attacher. Tiens, ça là-bas, ça devrait faire l’affaire, non ? Il parait que vous êtes doué avec les cordages, mon capitaine. C’est plus sûr si vous vous en occupez, non ? »

Le gros lard au sol avait du mal à y croire : cette péronnelle était en train de badiner après l’avoir frappé et empoisonné ? Et l’autre, là ? Il ne se souvenait pas de son visage, mais ce n’était clairement pas un des trois qu’il avait payé ! On le retourna face contre terre, on lui tira les bras dans le dos pour lui attacher les poignets et on lui ligota également les chevilles. C'étai trop serré, ça lui agressait la peau, mais il n'avait pas la force de parler. C'était comme si tout à coup, après avoir reçu cette horrible piqûre qui brûlait, son cerveau s'était changé en une masse gélatineuse et faible, de même que tout son corps. Ses muscles ne répondaient plus et il n'arrivait pas à aligner deux pensées logiques, se contentant de raisonnements simples et de sensations. Pourtant cette impression fini par s'estomper peu à peu, lui laissant comme une gueule de bois sévère et très désagréable. Son regard remonta sur les deux qui se tenaient debout devant lui.


Dernière édition par Elisabeth Gardefeu le Mer 23 Nov 2016 - 21:32, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyLun 21 Nov 2016 - 17:46
Pas de rumeurs atténuées qui sourdaient de l’entrepôt, pas de conversations étouffées à la faveur de l’obscurité ; rien qu’un lourd silence qui plana dans les environs. A l’exception de leur petite discussion, qui prenait une drôle d’allure, quoiqu’elle n’était pas pour déplaire au contrebandier. La sorcière, vraiment, allait docilement se comporter, sans faire d’histoire, sans rechigner à l’abandon de sa liberté chérie ? Voilà qui avait de quoi le surprendre au plus haut point. Mais il était vrai, toutefois, qu’il n’y avait rien de sérieux dans cette mascarade, et l’Esbigneur le prenait davantage au jeu que tout autre chose. Cela n’avait plus rien à voir avec la dernière fois qu’ils s’étaient quittés, et, bien qu’ils ne se fussent revus qu’en l’espace d’une soirée, cette même nuit, il semblait presque de l’eau avait coulé sous les ponts. Et puis, le contrebandier demeurait fidèle à lui-même, que ce fût dans son attitude, son sourire, et ses petits gestes, notamment la tape sur la partie callipyge de la jeune femme.

« Bha, j’imagine que je pourrais faire autre chose, sorcière, tu en es tout aussi consciente que moi. Mais… Je n’en ferai rien. Parce que j’ai le plus grand respect pour ta personne. » Il lui décocha là son plus beau sourire d’adolescent niais et attardé. « Et puis, j’adore te faire réagir, faut pas m’en vouloir. » Des paroles qui furent une fois de plus murmurées au creux de l’oreille. Il eût été délicat, ès qualités de prétendu geôlier, de déjà s’entretenir de pareilles paroles en compagnie de sa prisonnière.

Mais le contrebandier ne fit pas davantage de zèle, quand bien même, tout comme d’ordinaire, quelque menue envie baguenaudait dans son esprit. Il se contenta de pousser doucement Elisabeth en avant, lui indiquant la marche à suivre ; pas besoin de la brusquer pour le moment, alors que nul regard ne s’était encore posé sur eux. Toutefois, après avoir pénétré à l’intérieur des murs de l’édifice, Marwen se fit plus brusque, plus insistant, et dès lors que la sorcière s’écartait un tant soit peu des sentiers battus, il la rabrouait sévèrement pour la remettre sur le droit chemin. L’obscurité étreignait les lieux, s’engouffrant dans les moindres recoins, et il pouvait être difficile, sans lueur aucune, d’avancer en toute sérénité. Quand bien même l’endroit était-il silencieux qu’une certaine menace pesait constamment sur eux. Peut-être qu’un ou deux hommes de mains avaient été appelés pour assurer la sécurité du bâtiment et le retour des trois reîtres, d’autant plus que ni Marwen ni Elisabeth ne savait ce que le bourgeois comptait faire de cette dernière.

L’odeur de la sciure et du bois fraîchement coupé fleurait toujours autant, avec son parfum bucolique, capiteux, mais définitivement rare, désormais. Toujours les mêmes meubles d’ébène noir, toujours ces tas de bûches entreposées sur lesquelles ils faillirent trébucher. La jeune femme attira l’attention de son soi-disant ravisseur en lui agrippant les mains, secrètement dans son dos, que pour mieux lui témoigner de son désir d’attirer l’attention.

La romancine de la jeune femme perça l’étrange sérénité des lieux, qu’ils étaient toutefois loin de ressentir, et se répercuta en quelques ténus échos. Ce fut à Marwen que de répondre, lui donnant de la voix, accordant plus de crédits encore à leur jeu d’acteur débutant.

« Ferme ta gueule et avance », grogna-t-il en la bousculant sans ménagement, cette fois-ci, et Elisabeth manqua de chanceler puis de trébucher sous l’impact. Ce fut à lui, par ailleurs, de la retenir par les mains afin qu’elle ne chût pas pour de bon.

Le petit stratagème fonctionna bel et bien ; la plainte mielleuse du bourgeois se fit entendre au derrière d’un amoncellement de cageots, de lattes et autres planches poncées. Ils en avaient mis du temps, paraissait-il ? S’il savait, putain. Mais l’apparition du gros homme était plus que bienvenue, et il ne fallut pas une seconde remarque pour qu’ils se dirigeassent dans sa direction. Une petite anfractuosité plus tard, et ils furent dans le même espace clos que leur ancien mandataire.

Il faisait toujours aussi sombre dans cet espace confiné, et il leur était difficile que de parvenir à percer les ténèbres pour poser le regard sur celui qui les avait accueillis à leur manière. Nonobstant, le gus put malgré tout déterminer que le nombre de reîtres envoyés s’était drastiquement réduit, passant de trois à un seul. Mais il y avait au moins la sorcière, et c’était sûrement tout ce qui comptait véritablement. Les autres n’étaient que de la chair à canon, et l’on pouvait se permettre que de les perdre, comme en témoignait la faible préoccupation du bourgeois à leur égard. Et Elisabeth endêvait tellement qu’il perdit quelque peu son calme, alors même que l’Esbigneur, pour se gausser, faillit lui chuchoter à l’oreille, toujours, qu’il la remerciait fortement pour sa sollicitude.

Mais vu que l’on n’y voyait rien, la lumière se devait d’être, et après avoir trifouillé dans son saint-frusquin, le bourgeois récupéra un briquet en amadou et se chargea de rétablir la luminosité. Il y eut un éclair vif, une étincelle, une flammèche évanescente, et, bientôt, une lanterne se chargea d’éclairer les lieux. Au tout début, chacun plissa les yeux, y compris ceux qui, comme la sorcière, s’apprêtaient à bondir sur leur proie. Mais le premier qui réagit, en vérité, ne fut pas autre que leur commanditaire, à cela près qu’il n’eut pas le réflexe qu’il fallait. Prenant conscience des deux personnes qui se trouvaient en face de lui, assurément pas celles qu’il s’attendait à rencontrer de nouveau, il eut un mouvement de recul, tout en bégayant maladroitement.

Quand bien même l’eût-il bien tenue que Marwen en fut persuadé ; il aurait connu grand mal à réfréner les ardeurs belliqueuses d’Elisabeth. Celle-ci jaillit brusquement pour harper son adversaire, lequel ne s’en remettait toujours pas. Il n’était pas de ceux qui combattaient pour défendre Marbrume au prix de leur vie, non. Il s’agissait plutôt du bonhomme qui profitait avidement de sa richesse et, tout concupiscent qu’il était, en voulait toujours plus. Ce genre de mondain que l’on imaginait tout à fait tremper ses grosses lèvres dans des liquides sirupeux et se saisir d’un poulet bien gras en le mastiquant d’une écœurante façon. Même, il reçut diligemment le bon crochet de la sorcière, sans véritablement chercher à l’obvier, et cela le calma bien.

Marwen, de son côté, hésitait entre monter à son tour au créneau et se contenter d’observer le spectacle, tout en veillant bien à ce que les choses ne dérapassent pas. L’on n’était jamais prudent ; une dague dissimulée sous la ceinture que l’on dégainait subitement, un petit coup bien placé, et c’en était terminé de votre vie en l’espace d’un battement de cœur comme d’une heure ou deux. Et, ouais, en définitive, il ne souhaitait aucunement que ce fût le funeste destin d’Elisabeth. N’était-il pas son garde du corps, quand bien même la mission avait été avortée pour ces raisons qu’ils connaissaient bien ? Il était sur la défensive, prêt à intervenir, mais Elisabeth s’en sortit avec brio. Usant de ses petites aiguilles renfermant quelques-uns des produits qu’elle lui avait énumérés, elle le piqua près de la clavicule, à l’endroit même, ou presque, elle avait piqué l’Esbigneur quelques semaines auparavant.

A l’instar du brigand qu’elle avait hameçonné, le bourgeois chut rapidement après avoir vainement luté. Il tangua, vacilla, ce qui remembra à Marwen son propre état, lorsque la sorcière l’avait trouvé imbriaque. A eux de l’attacher pour de bon, avant qu’il ne reprît ses esprits. Ce fut l’initiation d’un de leur typique dialogue.

« Bha ouais que je me démerde pas mal, eh, mousse. D’ailleurs, l’envie me prendrait presque d’essayer mes compétences sur toi et de te ligoter… tu vois de quoi je parle… Mais bon, c’est peut-être pas trop le moment. »
Grand sourire égrillard.

Revenant à un sujet plus sérieux et concret, Marwen récupéra quelques cordes qui gisaient çà et là dans l’entrepôt, et attacha le gus pour de bon. Il lui noua les mains, lui attacha les chevilles, et veilla à ce qu’il ne pût pas s’esbigner.

« T’imagines si c’était une donzelle ? Une petite cordelette bien ointe qui passe juste entre les cuisses, là, et dès qu’elle se met à remuer, ça lui… Eh, je déconne, ça va, je déconne, j’en sais rien, j’ai jamais vu ni essayé ! Juste une question d’imagination, pour plaisanter. Arrête, me juge pas », feinta-t-il de se plaindre, surtout si le contrebandier avait, quand bien même n’était-ce pas le sujet, ressemblé au bourgeois lorsqu’il avait été défoncé.

Quelques baffes plus tard, et le gros lard fut réveillé. Cela se vit, à son regard, que la panique comme l’incompréhension l’avaient gagné. Il ne parvenait pas à réaliser ce qu’il foutait là, pourquoi ses trois reîtres n’étaient pas revenus, et pourquoi ceux qu’il avait chargés de zigouiller l’étaient, eux. Mais Marwen n’était pas d’humeur à se faire fourvoyer par un beau parleur ou quelque rodomont que ce fût, même si leur proie n’avait aucunement la tête de l’emploi. Alors il le bâillonna, purement et simplement.

« Je sais bien que tu pourrais peut-être répondre à nos questions direct', vieux, mais tu vois, j’ai clairement pas envie de perdre mon temps. Alors je vais faire en sorte d’être très, très clair avec toi, que tu piges dès maintenant quel bougre je peux être. Ça, tu vois, c’est qu’un avant-goût de ce qui va t’arriver si jamais tu fais le malin à me raconter des bobards. Je déconne pas avec ceux qui ont attenté et à ma vie, et à celle de la sorcière. »

Marwen s’empara prestement de sa dague, puis plaqua une des mains du bourgeois sur l’une des bûches, et commença à cisailler un ongle, verticalement, entamant de plus en plus la partie blanche jusqu’à mordre la peau. Il n’avait pas été question de le tuer, mais pas non plus de le ménager, et l’Esbigneur voulait que ça allât le plus rapidement possible. Le bourgeois gesticula, et ses yeux s’agrandirent d’horreur. Dans un premier temps, il ne ressentit rien, si ce n’était les vibrations de la lame fendant l’ongle, crissant presque, chauffant l’appendice. Mais lorsque le fer trancha lentement mais sûrement la peau, la chair sous l’ongle, si rose, si sensible, ce fut du rien au tout. Ses cordes vocales se vrillèrent brusquement comme sourdait de sa bouche un hurlement déchirant et étouffé, et il continua longtemps ainsi, à s’en arracher la voix. Bien qu’immobilisé, les spasmes de son corps furent assez prononcés pour qu’il bougeât, se trémoussât dans ses liens, rendant la géhenne plus difficile à appliquer. Il tressautait comme un poisson hors de l’eau, et ses yeux roulaient dans leurs orbites. La dague s’était couverte d’un petit sang fin, alors que le bout du doigt était quelque peu coupé en deux, à la manière d’une langue bifide. Marwen lui arracha son bâillon, avant de le tenir à la gorge, plus sérieux et menaçant que jamais. Il n’avait pas même commencé à poser ses questions que la victime hurlait déjà, entre deux sanglots :

« Arrêtez, arrêtez par pitié, je dirais tout ce que vous voudrez, tout, tout, tout, mais cessez immédiatement, je vous en supplie !!
- Ouais, j’y compte bien. Alors, très simplement, pourquoi cette foutue mascarade de merde, pourquoi vouloir notre mort ?
- Je tiens à vous dire que je ne suis qu’un intermédiaire, comme les trois brigands envoyés, je vous jure ! Le comte Herbert de Vauville ! Je sais juste, vraiment, que vous et l’apothicaire êtes mêlés à une affaire de marivaudage, de volage et d’infidélité vis-à-vis de sa femme. Surtout la femme, qu’il voulait personnellement ! Vous… Fallait juste vous balancer au fond de l’eau, discrètement. Mais je n’ai rien organisé, je n’ai rien de personnel contre vous ! J’ai juste suivi les ordres, sincèrement ! »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyMer 23 Nov 2016 - 21:29
Les blagues paillardes de Marwen lui valurent une bonne tape derrière la tête ainsi qu’un regard courroucé qui l’aurait bien réduit en cendre si Elisabeth en avait eu le pouvoir. Non mais d’où lui venaient ces idées de cordes ? Elle préférait ne pas imaginer ce qu’il pouvait demander aux catins qu’il fréquentait.

« Promis, après ça tu auras le droit de récupérer les cordes pour les sucer ou faire je ne sais trop quoi de répugnant avec. En attendant, essaye de ne pas ruiner mon sommeil en m’imposant des visions d’horreur, cap’tain. »

Le gros lard sembla reprendre un peu le contrôle de son corps à cet instant et la jeune femme laissa alors les rênes à son acolyte. Elle ne s’y connaissait pas en interrogatoire et quelque chose lui disait que Marwen saurait parfaitement comment s’y prendre.
Il bâillonna le type et sans même lui poser de questions, il s’occupa de lui apprendre que l’heure n’était plus aux jeux de dupes. L’apothicaire amorça un geste pour l’en empêcher, mais se ravisa en repensant à ce qui s’était produit sur la plage. Il n’y avait pas le temps de tourner autour du pot en essayant de gentiment tirer les vers du nez à un type qui avait commandité leur assassinat. En revanche elle se retourna pour ne pas avoir à regarder ce qu’il faisait. Il n’aurait qu’à mettre ça sur une sensiblerie toute féminine.

Les bras croisés, elle attendit en serrant les dents que le contrebandier ait terminé son ouvrage, en essayant d’oblitérer les hurlements étouffés de leur victime. Ce n’était pas précisément le genre de bruit qu’elle aimait entendre, même lorsqu’elle soignait des gens. Heureusement, la torture ne dura pas bien longtemps, leur sac à vin ficelé n’ayant pas une grande tolérance à la douleur. Marwen lui posa alors une question simple, qui résumait bien la raison pour laquelle ils étaient tous ici désormais. Les explications plongèrent la jeune femme dans une rapide réflexion. Elle sentait le regard de son comparse peser sur elle alors qu’elle essaye de faire ressortir le nom pour l’associer à un visage et à une commande.

« Herbert de Vauville… Le nom ne m’est pas inconnu mais je n’arrive pas à le relier. Quoi qu’il en soit, nous avons là un parfait exemple de l’attitude de la noblesse : aller accuser les gens du peuple pour une faute qui revient à quelqu’un avec du sang bleu. Quelque chose me dit que sa femme, elle, n’est pas inquiétée de meurtre ou de sévices corporelles qui feraient office de châtiment. »

Un pli dégoûté apparu un instant sur le visage de la jeune femme avait qu’elle ne se reprenne. Elle n’avait pas de haine généralisée pour tous les nobles et reconnaissait une utilité au système de caste dans lequel elle vivait, mais l’injustice flagrante de ce même système lui retournait les tripes lorsqu’elle lui éclatait au nez. Mieux valait ne pas trop y penser, pour éviter de se pourrir la vie.

« Si on est venu m’acheter un philtre d’amour ou un aphrodisiaque, ce n’est pas de ma faute si le vice est commis. Je fournis de quoi le commettre, mais je ne pousse pas les gens à le faire. Cette affaire d’infidélité me laisse totalement indifférente. En revanche, ce que j’exècre par-dessus tout, c’est la traîtrise. »

Elle posa sur le bourgeois un regard si venimeux qu’il se figea, comme changé en pierre sous les mires d’une gorgone. En cet instant, il n’aurait pas été si étonnant de le voir mourir d’un quelconque maléfice jeté par la sorcière qui se tenait dehors de profil dans la lumière de la lanterne.

« Cette vilaine petite dinde est tenue au même secret que tous mes autres clients : on ne parle pas de son fournisseur de potions. Il semble qu’elle l’ait oublié au profit d’une occasion de se dédouaner de sa faute. Sale petite garce pourrie gâtée… Et maintenant sa couille molle de mari essaye de me faire porter le chapeau et de faire la peau à mon Esbigneur. Est-ce qu’il sait à quel point c’est difficile de trouver quelqu’un de compétent et d’un peu malin dans cet enfer ? »

À moitié ironique et à moitié sérieuse, elle se pinça l’arête du nez et ferma brièvement les yeux pour essayer de faire remonter ses souvenirs. Il fallait bien qu’elle se rappelle du visage de la dame. Ou de son mari. Ou de l’endroit où…

« Je sais ! C’est elle, cette connasse emplumée ! Je vais lui fourrer le cul avec des oursins, on va voir si ça lui donne encore envie de cafter ! »

Eli se tourna entièrement vers le bourgeois qui était toujours épinglé au mur. Surprenant la force que Marwen pouvait déployer. Et si son expression de colère froide devait rendre très nerveux leur invité, elle avait le don, en cette occasion, d’apaiser les craintes de l’apothicaire.

« La femme de Vauville, c’est une gamine à peine sevrée mais avec le feu au cul, pas vrai ? Elle doit avoir seize ans tout au plus, de très longs cheveux blonds presque blancs et des yeux bleus clairs. Pas bien grande, mais avec cette attitude de supériorité en permanence affichée sur la tronche. Et je parle pas de l’allure de la Mirail ou de la Brassey, qui ont une certaine classe quand on les voit déambuler. Plutôt de celle de ces petits chiens tellement protégés qu’ils se pavanent en aboyant sur tout le monde alors qu’on pourrait shooter dedans. Tu confirmes ? »

Le type sembla un instant gêné de devoir associer la donzelle à cette image de roquet teigneux et hautain, mais il finit par hocher la tête avec l’air de celui qui admet la pénible vérité. Et la lueur paniquée dans son regard qui oscillait entre le contrebandier et sa compagne laissait peu de doute quant à la véracité de son aveu.
L’apothicaire poussa un profond soupir. Leur problème remontait beaucoup trop haut, pourtant il fallait y trouver une solution. Elle se rappelait avoir livré la commande dans sa boutique, à la cliente en personne après lui avoir donné les recommandations habituelles. C’était, de ce qu’elle avait compris, une amie qui lui avait parlé de ce « service » particulier. La plupart des commandes hors normes se faisaient grâce au bouche-à-oreille et chacun savait les règles à suivre. Mais une sale petite fouine pensait visiblement qu’elle pouvait les contourner. Il faudrait donc agir en deux temps : d’abord se sécuriser vis-à-vis du mari mécontent, puis punir cette langue bien pendue. Pour cela, c’était assez facile en vérité puisque faire tomber ce commerce de l’ombre c’était priver certains usagers d’une dose de bonheur devenue presque vitale. Ils seraient plusieurs à se faire un plaisir de remettre cette gamine à sa place pour la faire rentrer dans le rang si cela pouvait assurer la sécurité de leur fournisseur. En revanche, pour le mari, elle ne voyait pas de solution.

Après avoir mordillé son ongle avec un air furieux, elle releva le nez vers leur victime et le toisa un moment. L’idée de lui faire payer sa participation à tout ceci était très tentant car il avait sans doute touché un joli pactole pour s’être trempé dans l’affaire. Ce serait une bonne façon de se défouler.
Préférant laisser le choix au contrebandier, puisque c’était sans doute lui qui ferait le sale boulot, elle se contenta de lui poser la main sur l’épaule pour la serrer brièvement pour faire passer le message avant d’aller s’asseoir sur une caisse un peu plus loin.
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
Marwen l'Esbigneur



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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyJeu 24 Nov 2016 - 18:44
Le gros bourgeois ne s’était pas fait prier sitôt que la torture avait cessé pour céder, révélant le pourquoi de cette embuscade. Ou presque. Alors que Marwen affichait un air déconcerté et passablement énervé, son prisonnier lui expliqua que lui non plus n’était pas l’auteur de leur agression, ou, à tout le moins, qu’il n’en était pas le commanditaire. L’Esbigneur roula des yeux effarés, prêt à lui coller une bonne torgnole dans la tronche juste pour relâcher un peu l’agacement qui courait dans ses veines. Sans déconner, allaient-ils devoir longtemps remonter les pistes, petit bout par petit bout ? Et une fois parvenus jusqu’au noble Herbert de Vauville, allaient-ils apprendre, alors, que lui non plus n’avait rien fait de spécifique, et qu’il n’avait que suivi les ordres donnés par le duc en personne ? Le nez, les poings et la mâchoire du contrebandier frémissement dans une attitude qui ne laissait rien présager de bon, mais ce qu’annonça la sorcière eut pour effet de le calmer quelque peu. Car le Hebert en question, Marwen ne le connaissait aucunement, et il ne savait comment le trouver. Ce qui n’était peut-être pas le cas d’Elisabeth.

Celle-ci pourpensa à voix haute, réfléchissant à mesure que ses idées et ses remembrances se taillaient un chemin dans son esprit. Pour le moment, tout cela s’avérait voilé par la colère qu’elle ressentait tout autant que le contrebandier. Et pour cause, effectivement ; elle n’avait sans doute que proposé la concoction et la livraison d’un produit qu’on lui avait demandé, rien de plus. Cela ne tenait qu’au client de mesurer ses actes et ses commandes.

« Mway, pas sûr pour la bonne femme. Avec la noblesse, faut toujours s’attendre au pire. Tiens, on pourrait même aller tabasser l’autre fils de pute de mondain Hebert, là, que pour mieux apprendre que c’est pas lui qui a commandité l’affaire, mais sa femme. Ou même une autre de ses accointances, tiens, tant qu’à faire. C’est tellement rigolo, ces jeux de piste à la con. »

Il ne put toutefois s’empêcher d’esquisser un petit sourire amusé en écoutant les palabres de la jeune femme.

« Arrête, sorcière, tu vas me faire rougir et pleurer. Une fois de plus. Je suis trop sensible, tu le sais bien. »

Mais soudain, l’illumination put se lire sur les traits d’Elisabeth. Elle savait, elle voyait bien à qui ils avaient affaire. Alors qu’elle restituait ses connaissances et ses réminiscences, le bourgeois remua un peu plus fort que d’ordinaire, sanglotant continuellement.

« Taggle, toi, et arrête de bouger », lui gueula Marwen tout en lui décochant une bonne droite, histoire de réfréner ses ardeurs. Taper du lard, ça avait quelque chose de jouissif, comme une vengeance personnelle, un croc-en-jambe fait à la vie qui avait différencié les classes avec tant d’injustice et d’inégalité. « Des oursins ? Ça serait du beau gâchis. Si elle est pas trop défraîchie, l’hétaïre, laisse-la-moi, je saurais bien m’en occuper, va. »

Pas défraîchie, et pour cause. Seize printemps, d’après la sorcière, avec de très longs cheveux blonds qui tiraient sur le blanc et des yeux bleus. Et clairs, en sus de cela. Petite veinarde. Et qui pétait plus haut que son cul, ouais, Marwen voyait tout à fait le genre. Ce type de pétasse que l’on se réjouissait à l’avance de démolir la tronche, entre autres, avant de la faire crier. Tout était bon pour leur faire perdre leur vanité, leur suffisance, leur fierté, leur dignité, leur putain d’ego, et qu’elles en vinssent à se rabaisser plus bas que terre pour vous supplier. Une manière de leur faire comprendre la vie, à ces bachelettes.

« Une vraie beauté, à ce que tu me racontes là. Mais bon, je suis pas sûr de pouvoir rentrer dans du seize ans, moi. Arharharhahr. »

En tout cas, la sorcière avait l’air de bien l’apprécier, si l’on pouvait dire, et le bourgeois vint confirmer la description de la donzelle. Par la suite, son état empira que plus encore, alors qu’il savait avoir lâché les derniers détails que recherchaient l’Esbigneur et l’apothicaire. Il ne leur était plus très utile, désormais, et il le savait bien. Ses tremblements s’intensifièrent, ses reniflements devinrent frénétiques, et il chercha plus que jamais à se défaire et de la poigne de Marwen, et de ses liens qui l’entravaient toujours.

Le moment était venu de savoir ce qu’ils allaient faire de lui, et Elisabeth se déchargea de toute responsabilité en lui accordant une petite tape sur l’épaule. C’était donc à lui que de prendre une décision. Il réfléchit quelque peu, se demandant si le type pouvait être d’un quelconque secours, d’une possible aide, aussi minime fût-elle. L’envoyer quelque part, chez le noble en question, pour l’inviter à un abouchement ? Difficile ; ils n’avaient aucun moyen de pression sur le bourgeois, qui serait dès lors libre de disparaître aussitôt qu’il le souhaiterait, et il demeurait fort possible, de toute façon, que ledit Herbert s’en foute totalement de ce bourgeois. Même avec la promesse que s’il refusait, le gros homme se ferait descendre, Marwen n’était pas sûr que le mondain acceptât.

« Bon, bha… Si jamais ça ne tient qu’à moi… »
Il eut le même geste que pour Eric, tranchant tout bonnement la gorge de celui qui, à sa manière, avait attenté à leurs vies.

« Les morts nous foutent la paix, d’une manière générale. C’est toujours un gus en moins qui ne mènera pas une vendetta personnelle contre nous. Reste toujours le noble, mais bon… »

Effectuant de nouveau son petit manège, il essuya sa lame sur la riche vêture du macchabée, avant de le balancer dans un coin, là où il serait susceptible d’être trouvé le plus tard possible. Aucune chance que la milice ne retrouve son assassin ; l’on jugerait certainement d’un meurtre crapuleux, ou d’une guilde de la Hanse qui aurait eu quelque grief à l’encontre d’une autre. A moins qu’Herbert ne décide de l’ouvrir, mais fut le caractère interlope de l’affaire, Marwen se permettait d’en douter.

« Bon, ça fait drôlement chier, ça. Moi qui pensais que l’on en serait débarrassé une bonne fois pour toutes, histoire de retrouver nos petites vies normales… Mon cul. Un noble, rien que ça. C’est bien notre veine, ça. Après, il y a des sangs-bleus désargentés que l’on peut choper comme un poisson, avec leur pauvre demeure paumée dans l’Esplanade, mais t’en as d’autres, là, qui, avec leur renfort de domestiques, de valets, et de portefaix, qui sont à même que d’opposer une certaine résistance. Et si le mondain et sa femme possèdent assez d’argent pour la balancer dans ta sorcellerie… J’imagine qu’ils appartiennent à la seconde catégorie. Parfait, ça », grommela l’Esbigneur en faisant les cent pas.

Se faufiler discrètement ou en force dans le manoir des premiers, ça pouvait se faire, à condition d’être un tant soit peu organisé et d’éviter la milice, mais pour les seconds, c’était une toute autre paire de manches.

« J’imagine que vu où on en est arrivé, l’on va pas lâcher l’affaire maintenant. De toute façon, ce genre de connard, ça va jusqu’au bout de ses idées, et quand ça a commencé un truc, ça le termine… C’est nous ou lui, quoi. Moi, comme d’ordinaire, je pourrais me rendre chez lui en passant par mon réseau sous le Rempart Intérieur, mais une fois parvenu jusqu’à sa demeure, bha… Rien. J’ai peut-être deux ou trois gars sous la main, moyennant une petite récompense, mais ça pourrait faire un peu juste. J’ai bien un ou deux contacts chez la noblesse, aussi, tant qu’à faire, mais je ne sais pas s’ils sont du côté ou non dudit Herbert, dont le nom ne me dit rien, alors, je sais pas trop ce que ça peut donner, tout ça. Et toi, sorcière, de ton côté ? »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyVen 25 Nov 2016 - 2:25
Elisabeth se désintéressa totalement du sort du bourgeois. Elle avait d’abord pensé qu’il était préférable de le garder en vie, mais à présent qu’elle s’avait qu’il n’était qu’un pion sans intérêt et envergure, elle ne savait pas quelle marche suivre, alors autant donner l’initiative à son acolyte qui semblait s’y connaître. Pour sa part, elle avait beaucoup à penser.
Tout d’abord, à qui s’adresser, comment procéder ? Fallait-il s’en prendre à la femme ou au mari ? Quelle action serait le plus efficace ? L’apothicaire se fichait bien de savoir ce qu’il faudrait faire du moment que cela lui assurait d’être en sécurité. Fallait-il privilégier une discussion ? Un compromis ? Une punition par l’humiliation public ou un bête assassinat ? Et comment se rendre chez ces empaffés ? Fallait-il ramener toute une armada pour s’assurer que toute la maisonnée soit massacrée ou payer un assassin de métier suffirait-il ?

Elle ne fit pas attention au gargouillis étranglé de l’homme qui s’étouffait dans son propre sang. Pas besoin de regarder, elle savait déjà que ça faisait des bulles dans la plaie, à cause de ses dernières tentatives pour respirer. Il allait en mettre partout et Marwen était certainement taché, mais on ne saurait pas quelle lame lui était passé en travers de la gorge alors qu’elle importance ? Personne ne les avait vu entrer ou sortir et tant de gens mourraient à Marbrume chaque jour…
Par réflexe, Elisabeth avait ramené contre elle ses genoux et se mordillait l’ongle de nouveau, le regard perdu dans le vague. Quelle situation de merde, franchement. Les mots qui contrebandiers furent un écho presque parfait de ce qu’elle pensait et ses yeux verts se tournèrent vers son sémillant ami. Il avait l’air de faire un peu de tri pour essayer de dégager une solution, mais ça ne donnait pas grand-chose. Les maux de tête guettaient la jeune femme, aussi soupira-t-elle avant de répondre, un peu lasse, un peu inquiète, un peu résignée.

« Pas grand-chose de concluant. Si on choisit de simplement le tuer, autant aller s’adresser à un assassin qui fera le travail proprement. Si tu vas chez lui à la faveur de la nuit, je ne t’accompagnerais pas, tu as remarqué que l’aventure c’est pas mon fort. Je pourrais, tout au mieux, te fournir en poisons, mais ça ne changerait pas le fait que l’opération serait risquée et pas nécessairement couronnée de succès. Je ne sais pas si parlementer avec lui et arriver à un accord est possible. Mais qui sait ? Peut-être qu’en lui fournissant de quoi aller s’amuser de son côté il considérera la dette comme payée ? Je ne sais pas… »


Elle fit osciller sa tête de droite à gauche pour détendre sa nuque et poussa un nouveau soupir avant de descendre de sa caisse et de s’étirer. Elle se sentait étrangement vidée de ses forces et son cerveau n’arrivait plus à suivre. Quelle heure était-il ? Bien trop tard à son goût.

« Je ne me sens pas en état d’affronter ce problème cette nuit. Déjà la promenade forcée, ensuite les meurtres, puis le bateau, l’interrogatoire et maintenant ça. C’est un peu trop à digérer pour moi, j’ai besoin d’y réfléchir et de dormir. J’aime froid et j’ai mal partout, l’heure n’est plus aux complots. En plus, peut-être qu’une idée lumineuse me viendra demain au réveil. »


La jeune femme haussa simplement les épaules et s’approcha du cadavre dont elle fouilla les poches du bout des doigts. Elle dénicha une petite bourse dont elle partagea le contenu en deux parts égales (certainement la paye des truands qui s’étaient fait occire) et s’appliqua ensuite à souffler la bougie de la lanterne. Plus besoin de lumière maintenant.

« Est-ce que tu viens chercher ton trésor dans ma boutique ou je dois te le garder de côté pour que tu puisses revenir le prendre dans les prochains jours ? »

Un léger sourire avait ourlé ses lèvres car elle se doutait bien qu’il ne laisserait pas son précieux petit coffret chez elle plus que nécessaire. Ça lui avait déjà presque arraché une main de l’abandonner pour leur petite mission.

« D’ailleurs, en parlant de ce fameux trésor, j’accepte ton offre. Celle de te confier l’argenterie pour la revendre. Mais selon des conditions dont on parlera une autre fois, je n’ai plus l’esprit à faire du commerce non plus. »

Eli étouffa un bâillement.
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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptyVen 25 Nov 2016 - 18:02
Les idées étaient balancées comme ça, à l’improvisade, sans tout à fait réfléchir, et il ne tiendrait qu’à Marwen et Elisabeth de démêler les bonnes des mauvaises, de faire leur choix dans ce qui leur semblerait plus probant. Mais rien ne leur allait véritablement, en fin de compte, et les conjectures de l’Esbigneur se révélèrent aussi vaines que celles de la sorcière. C’était un trop gros poisson pour eux, possiblement, et les évènements de la soirée les avaient vidés de leur force et de leur capacité à raisonner. Ou peut-être, tout simplement, de cette conviction qui vous pousse parfois à faire un choix plutôt que de toujours lambiner à l’expectative, d’agir plutôt que de mortellement hésiter. Remettre au lendemain ce que l’on pouvait faire aujourd’hui, cette confortable et fiévreuse procrastination, alimentée par la fatigue et la peur de l’inconnu.

Embaucher un assassin. Cela pouvait se faire, effectivement, d’autant plus qu’en matière de poison, l’apothicaire ne s’y connaissait pas mal, et s’ils pouvaient trouver un gus suffisamment doué dans ce genre de contrat, peut-être parviendraient-ils à faire baisser le prix, au moins un minimum. Mais c’était une option qui laissait le contrebandier incertain, quelque peu sceptique.

« Mouais, pourquoi pas, quand bien même ce n’est clairement pas ma solution préférée. Je n’aime pas trop laisser à d’autres ce que je pourrais faire moi-même, surtout lorsque l’objet de la potentielle mission est des plus importants. Là, il s’agit de nos vies, de la tienne comme de la mienne. Et puis si je me merde, au moins, c’est avéré, c’est de ma faute, et je ne peux ne m’en prendre qu’à moi-même, plutôt que de rejeter la faute sur autrui. »
Il se gratta l’arrière du crâne.
« Mais que l’aventure ne soit pas ton fort… Huehuehue. Franchement, j’ai bien vu des gars avec qui j’ai travaillé bien moins intrépides que tu ne l’es. Moins coriace aussi, à leur façon. Cela dit, effectivement, un peu de repos ne fera pas de mal. »

Oui, ils étaient tous les deux claqués par leur mésaventure vespérale. Leur esprit tentait de s’activer, de trouver une solution miraculeuse, mais en vérité, tout cela tournait dans le vide, sans pouvoir alimenter la bobine capable de les sauver tous les deux. C’était une discussion à grand renfort de soupirs, de lassitude, de regards errant çà et là, de vision floutée, et de vide. Marwen soupira à son tour.

« En tout cas, je serai d’avis de le bousiller une bonne fois pour toutes, ce fils de pute. Comme ça, l’on sera certain qu’il n’y aura pas de chantage par la suite, de menace reportée à plus tard, ou même de cette détestable impression que l’on peut ressentir lorsque l’on n’est pas certain de son coup, et qu’un potentiel danger rôde toujours. Moi, j’ai toujours éliminé les connards qui m’en voulaient, et je suis toujours en vie, ma foi. Ça me paraît pas trop mal, comme exploit, dans ce milieu. »

Elisabeth s’approcha du cadavre pour le fouiller, et Marwen la suivit, regardant de près ce qu’elle retirerait de ses poches. Une menue somme qui s’avéra fort sympathique, pour le moins, ce qui illumina le visage du contrebandier, quoique légèrement, d’un petit sourire fatigué.

« Et en plus, buter les bâtards qui attentent à ta vie, ça rapporte pas mal, tu vois. Faudrait que je pense à une reconversion, moi. »

Puis fut proposée l’idée d’aller rechercher le petit coffret qu’il avait laissé dans la boutique d’Elisabeth. Il ne lui fallut guère longtemps pour prendre sa décision, ce qui fit à son tour sourire la jeune femme.

« Et comment que je vais le reprendre avec moi ! N’en prends pas ombrage, sorcière, mais c’est une question d’éthique, chez moi. Pas que je te fasse pas confiance ou je ne sais quoi encore, mais… Et puis, t’en fais pas, je trouverai tôt ou tard une raison de passer te dire coucou. Genre… Si j’ai trop bu et que je suis pas trop loin, par exemple… Ou reprendre ton propre coffret, et te retourner la somme gagnée, oui, tout à fait », conclut-il en écoutant la suite des paroles de la jeune femme. Elle proposait donc de lui confier sa part d’argenterie qu’ils avaient tous les deux obtenue afin de maximiser les gains reçus, et cela dans la mesure où Marwen savait tout à fait à qui écouler ce genre de marchandise sans trop perdre au change. Il s’agissait là d’un milieu de requins, le plus souvent. Mais il s’agissait d’une question sur laquelle ils reviendraient plus tard, l’heure n’étant pas à la négociation, et cela quand bien même n’y en aurait-il assurément pas ; Marwen le lui ferait bien gratuitement, sans intérêt.

Quittant l’entrepôt en veillant à ce que personne ne les vît, ce qui les aurait irrémédiablement plongés dans la panade, ils empruntèrent de nouveau, encore une fois, ces petites venelles oubliées qu’ils commençaient à connaître par cœur. Et après quelques perlustrations au travers desquelles, merci Anür, ils ne croisèrent pas un chat -ni de chien, par ailleurs, ils parvinrent dans le Crapaud Apothicaire, au sein même de cet endroit où quelques sombres réminiscences hantaient encore le contrebandier. Il lui faudrait, un jour ou l’autre, exorciser tous ses mauvais songes, car avec ce qu’ils venaient de découvrir, ainsi que leurs affaires en cours, quelque chose lui disait qu’il remettrait bien souvent les pieds céans même. Ce qui n’était pas pour lui déplaire, en fin de compte, s’il pouvait occulter les tentatives de meurtre, les questions sans réponse, les plans incertains, et ce qu’il s’était passé la dernière fois. Marwen marqua un temps d’arrêt, bougonnant pour lui-même ; voilà qui faisait malgré tout un certain nombre de choses, en réalité. Il se tourna vers Elisabeth.

« Bon, voilà voilà, comme l’on dit. Du coup… Si jamais t’as du nouveau, ou bien une illumination après une bonne nuit de repos, fais-moi signe. Ouais, c’est pas forcément évident de me trouver, mais… Demande à un gamin des rues ou bien à un mendient s’il me connaît, et donne lui une petite pièce en lui disant de me faire passer un message le cas échéant. Je repasserai bientôt moi aussi, de toute façon, au cas où. Faut qu’on s’occupe tôt ou tard de ce souci, sans quoi je n’aurai peut-être pas la conscience aussi tranquille qu’à l’ordinaire. D’habitude je m’en fous, mais là… Bref. »

Il s’en alla chercher sa petite boîte qu’il adorait déjà, la secouant légèrement, et le bruit de ferraille que produisit toute cette argenterie lui fit monter un sourire aux lèvres, comme pour un enfant heureux.

« Allez, sorcière, à la prochaine. Prends bien soin de toi », lui fit-il sur un petit salut, avant de tourner les talons. Mais alors qu’il s’apprêtait à passer cette porte qu’il avait une fois plus ou moins fuie, ses pas se ralentirent soudainement.

« En fait, j’y pense. C’est pas bien gai, tout ça, mais avec cette histoire, c’est peut-être la dernière fois qu’on se voit. Alors je tiens à clarifier les choses, à les remettre à leur place. Tu vois, ça ? lui demanda-t-il en agitant le coffret, revenant vers elle pour mieux le lui montrer. Bha rien, en fait. »

Marwen le déposa là, à la va-vite, sur une étagère de passage, et, sans que rien ne trahît son prochain mouvement, quelque peu confus avec la façon dont il avait amené les choses, il se tourna vers Elisabeth pour l’embrasser, le plus simplement du monde. Ou presque. Car en vérité, cette foucade s’était emparée de sa raison, et il avait mis dans ce geste un entrain certain. En s’avançant, ses mains s’étaient naturellement portées à la taille de la jeune femme, que pour mieux la repousser contre le mur et l’y séquestrer, et quelques phalanges s’étaient glissées sous le tissu de sa tunique, lui effleurant la peau du ventre. Une nouvelle façon de jouer, peut-être, de la chahuter comme il avait toujours su le faire, avec ses piques, sa répartie, ou ses gestes osés, déplacés. Mais lorsque ses lèvres se posèrent sur les siennes, et qu’elles décidèrent de ne pas les lâcher durant cette demi-seconde supplémentaire que la sorcière aurait pu deviner, lorsqu’il s’appuya légèrement contre elle, le message, là, se fit plus franc, plus sincère, à sa manière. Message que vint possiblement démentir son attitude lorsqu’il se sépara d’elle après cette soudaine étreinte.

Ce n’était pas l’air quelque peu penaud et gêné de celui qui s’était brusquement lancé dans un mouvement inavoué, intime, non. Marwen la dévisagea avec attention, oui, mais tout en affichant son éternel petit sourire goguenard, alors même que luisait tout au fond de ses prunelles grises, qui ne voulaient pas se détacher du visage de la jeune femme, une étincelle cauteleuse, amusée.

« Et puis, je voudrais laisser dans ma mémoire un souvenir autrement plus réjouissant que notre dernière et triste séparation, sorcière. J’en suis fortement satisfait. Tu n’es pas si déplaisante que cela, en fin de compte. »

Et son sourire ne s’étira que plus encore.
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptySam 26 Nov 2016 - 1:43
Une fois de plus, la chance sembla leur sourire et ils revinrent à la boutique sans difficultés. Quoi que, question chance, on pouvait dire qu’elle leur devait au moins ça après le coup de traître qu’elle venait de leur faire. Quand un noble àlacon avait décidé de vous trouer la peau pour un motif obscure, c’était clairement de la déveine.
Personne ne croisa leur route ou n’entrava leur progression et ils furent bientôt de retour dans l’arrière-boutique où les attendaient sagement les coffrets. L’empressement avec lequel Marwen récupéra son butin avait quelque chose d’amusant. L’apothicaire ne se vexait pas de ne pas être la banque de cette petite fortune, préférant ne pas trop se mêler des affaires du contrebandier en dehors de ce qui les arrangeait tous les deux. Cela pouvait sembler difficile à croire, mais elle était bien plus honnête que lui au quotidien et ne souhaitait pas plonger dans la criminalité la plus totale. Aussi, plus elle se tenait éloignée des complots et des rumeurs de mauvais augure, mieux c’était.

Les bras croisés, plus pour se tenir chaud qu’autre chose, elle bâilla une nouvelle fois et sourit en l’écoutant se trouver des excuses de remettre les pieds dans la boutique prochainement. Il n’en manquait pas : la revente de l’argenterie, sa main, ses courbatures, peut-être même qu’il pourrait faire semblant d’avoir mal aux pieds ou d’avoir attrapé froid après avoir retiré ses bottes.

« Je nous vois déjà en train de comploter au fond de ma cave, autour d’une table et d’un plan de bataille… T’en fais pas, si j’ai une idée brillante, je trouverais bien comment te siffler. D’ici là, surveille tes arrières, ça serait trop bête de s’être donné tout ce mal pour mourir dans une ruelle, d’accord ? »

Cette fois ce n’était pas les fangeux qui menaçaient le plus la vie de l’Esbigneur et la jeune femme se surprit à espérer qu’il avait mieux pour se cacher et s’abriter que des greniers poussiéreux. Si le vieux Vauville décidait de leur envoyer des tueurs aux fesses, avoir une porte et des fenêtres bien fermés pouvait représenter un certain sursis.
Le capitaine sans navire prit le chemin de la porte avant de se raviser et de revenir vers elle avec l’air de quelqu’un qui doit absolument ajouter un détail très important. Curieuse, Elisabeth haussa les sourcils et suivit du regard le coffret avant de revenir à Marwen pour essayer de comprendre ce qu’il voulait dire et se laissa complètement prendre au dépourvu par son « explication ».

Par réflexe elle avait décroisé les bras pour mettre ses mains entre eux, l’écarter, se défendre, mais son corps décida qu’il ne voulait offrir aucune résistance à cette étreinte. Un frisson lui mordit le bas du dos en remontant jusqu’à sa nuque alors que la pulpe d’un doigt passait sous sa tunique, contre sa peau. Un peu pantoise, elle mit une micro seconde à retrouver ses facultés de réflexions, juste assez de temps pour que ses joues se teintent d’une jolie couleur rouge pivoine. Sérus soit béni, il faisait assez sombre pour que ça ne se remarque pas trop, du moins elle l’espérait très fort. Et lui, avec son petit air arrogant et sûr de lui…
La jeune femme l’observa en retour et se para finalement d’un sourire difficilement retenu. Une de ses mains remonta jusqu’au menton de l’Esbigneur pour le saisir à deux doigts.

« J’imagine que je t’en dois une pour avoir volé à mon secours sur la plage... Je préfère de loin ça que lorsque tu décides de refaire l’architecture de ma maison. »

Elle se hissa sur la pointe des pieds en le tirant vers elle, pour une fraction de seconde. Un baiser qui ressemblait presque à un souffle tant il était fugace. L’instant d’après, elle le lâchait et le repoussait doucement pour pouvoir se faufiler hors de la prison de ses bras, le laissant deviner s’il s’agissait de timidité ou d’un jeu pour mieux le pousser à recommencer.

« Cette fois-ci, ne me fais pas attendre des semaines entières avant de te repointer. Reste en vie et en un seul morceau, s’il te plaît. J’étais sérieuse tout à l’heure : ce n’est pas facile de trouver un contrebandier compétent et futé, alors maintenant que j’en ai un, je voudrais le garder en bon état longtemps. »

Elle récupéra à deux mains le petit coffret sur l’étagère où il avait été posé et recula jusqu’à la porte en faisant tinter le butin, comme pour attirer Marwen vers l’extérieur. Elle entrait volontiers dans le jeu, peut-être un peu trop au goût de sa fierté, mais se sentait inexplicablement ravie de ce qu’elle pensait avoir deviné sous les bravades habituelles de son complice. Le linteau de bois fini par lui barrer le passage et elle tendit le coffret pour qu’il s’en saisisse.

« Disparais vite d’ici avant que je n’aie l’idée stupide de te donner la chambre d’hôte pour éviter que tu ailles te faire tuer dans une crypte. »

Une petite voix intérieure lui susurra que ce n’était certainement pas la chambre d’hôte qu’il réclamerait si elle lui offrait l’hospitalité et elle n’était pas certaine de vouloir connaître plus que ses lèvres pour le moment, car comme il l’avait si justement fait remarquer, il pouvait arriver un malheur d’ici là qu’ils trouvent une solution. Elle regretterait d’autant plus sa perte qu’elle aurait cédé de terrain à cette soudaine folie qui semblait s’être emparée d’eux.
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
Marwen l'Esbigneur



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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptySam 26 Nov 2016 - 14:24
Fut-il motivé par le jeu ou quelque chose de plus profond et sincère, le geste n’en demeurait pas pour autant innocent, dénué de tout sens ou intention, et Marwen perçut aisément la stupéfaction dans le comportement d’Elisabeth. Dans un premier temps, comme si ce mouvement n’était qu’un réflexe profondément ancré en elle, elle chercha à interposer ses mains entre leurs deux corps qui se rapprochaient, durant cette infime fraction de seconde où elle se demandait certainement à quoi rimait tout cela. Puis cette approche devint très éloquente, perdant toute ambiguïté, et la jeune femme céda quelque peu du terrain. La volonté de l’Esbigneur se réalisa, alors qu’il venait de franchir une première étape avec elle, et ce succès lui arracha ce petit sourire impertinent qu’elle lui connaissait si bien. Et le bougre en joua fourbement, surtout lorsqu’il dévisagea sa partenaire par la suite.

Elisabeth avait perdu une bonne partie de sa contenance, c’était le moins qu’il pouvait dire, et cela l’amusa beaucoup. Durant un petit moment, ce fut ses cils qui battirent légèrement, ses lèvres encore entrouvertes, ne sachant si elles devaient se refermer, demeurer ainsi, ou bien proférer une insulte, une protestation, ou partir sur quelque chose de bien plus cordial, voire, pourquoi pas, joueur. Quelques interrogations, quelques sentiments différents traversèrent son regard smaragdin, avant que le sourire ne se fît. Ce fameux sourire amusé, gêné, soulagé, même, peut-être, que l’on ne pouvait que difficilement retenir après pareille émotion. Presque un sourire d’adolescente que Marwen, en vérité, partageait tout autant, quand bien même le cachait-il derrière son petit air matois.

Derrière quelques paroles qui firent échos à celles du contrebandier, ce fut à présent à Elisabeth de récidiver le mouvement, quoique bien plus promptement, à moitié avoué, et cela tout en s’emparant du menton de l’homme. Mais le geste comme l’intention y étaient, et ce fut tout ce qui compta pour Marwen, qui s’en satisfit fort bien. Tentant de reprendre contenance aussi bien qu’un fragment de liberté dont l’avait privé l’Esbigneur en la maintenant et contre lui, et contre le mur, l’apothicaire fit un leste pas sur le côté, se dérobant à lui. Et cela que pour mieux lui servir un discours sincère qu’il n’avait jamais entendu de la part de la jeune femme.

« J’y veillerai, j’y veillerai, quand bien même ne puis-je rien te promettre sur cela. Je t’ai connue bien plus farouche que cela, sorcière ; voilà qui change. Mais ça aussi, ce n’est aucunement déplaisant, tiens. Tant de compliments… Je ne sais que dire, et j’en viendrais presque à rougir si tu ne m’avais pas volé cette capacité tout à l’heure », lui rétorqua-t-il sans se départir de son air enjoué et un brin taquin.

Mais pour accueillir comme il se devait ces paroles, Marwen singea une étonnante manœuvre ; tentant alors de réprimer son expression, il rentra la tête dans les épaules, unit ses mains et ses bras devant lui, vers le bas, et affecta la moue d’une jeune donzelle prise sur le fait, tout en effectuant des ronds de jambe incertains, se balançant sur un pied puis sur l’autre. Un saisissant spectacle, à n’en pas douter, que de voir cette grande carcasse se comporter soudainement comme la plus ingénue des pucelles. Puis il éclata tout simplement de rire.

Mais à faire le zouave, Elisabeth en avait profité pour lui subtiliser sa cassette et effectuer quelques pas en arrière, lentement mais sûrement, telle une voleuse après avoir chapardé son larcin. Mais le regard qu’elle lui dédiait était sans équivoque, d’autant plus que, eu égard au tintinnabulement de l’argenterie, cela ne fut pas très discret. Le contrebandier lui emboîta le pas alors, jusqu’au moment où, une nouvelle fois, elle fut bloquée contre une paroi. Et fidèle à lui-même, Marwen s’empara du coffret, que pour mieux se fendre des paroles suivantes avec une expression cauteleuse qui en disait long sur ses plus intimes pensées :

« Tss tss, petite voleuse, rends-moi ça. Tu sais bien que c’est la seule et unique chose qui m’importe véritablement ici-bas. Après tout, que ferais-je sans mon pain quotidien. »

Toutefois, la dernière salutation d’Elisabeth le fit réfléchir plus d’une fois.

« Mmh mmh… Voilà qui est tentant…, lui souffla-t-il alors. La chambre d’hôte ? Il me semble que, malheureusement, j’y ai là aussi quelques mauvais souvenirs qui mériteraient d’être exorcisés… »

Ce fut à son tour que de lui soulever le menton en l’effleurant d’un doigt replié, joueur, que pour mieux la forcer à le regarder dans les yeux. Ce faisant, la sorcière se rengorgeait à sa manière, aussi fébrilement que fièrement, et, à la dévisager de la sorte, presque pour la première fois, sans honte, et en prenant tout son temps, Marwen redécouvrit quelque chose à laquelle il n’avait pas forcément prêté grande attention jusque-là. Ce n’était assurément pas la première chose qu’il regardait chez une femme, mais, et cela le déconcerta franchement, il devait avouer qu’elle possédait une gorge magnifique. Et il se sentit presque idiot de penser ainsi, sûrement trop habitué qu’il était de mirer la poitrine et les fesses de ces dames. Mais c’était ainsi ; vrai. Avec sa peau opaline et ces courbes graciles qui reliaient son visage à ses épaules, à ces légers creux et ce galbe élancé, Elisabeth pouvait presque prétendre à une posture altière, de cette attitude qu’empruntait souvent la noblesse. Intrigué, et se figurant que ce geste s’avérait bien moins entreprenant que le dernier qu’il avait eu à son encontre, Marwen fit glisser son doigt du menton de la jeune femme jusqu’à son cou, épousant ces mêmes lignes élégantes qu’il avait soudainement découvertes. L’envie de l’embrasser à cet endroit précis lui embrasa l’esprit.

Perplexe, il tressaillit quelque peu, bien qu’il ne lui fallût qu’une fraction de seconde pour comprendre ce qui lui arrivait. Ce n’était pas la première fois qu’il ressentait une pareille ardeur, un désir intarissable. C’était un réflexe libérateur de toutes les violentes émotions qu’il avait pu éprouver au cours de la soirée, et Anür savait à quel point elles avaient été brutales. A trois contre un, à danser ainsi avec la mort, à manquer de vomir ses tripes tellement votre corps se tendait, se contractait-il, que l’adrénaline courait dans vos veines, et qu’il fallait trouver un exutoire à tout ceci. Un moyen de se laisser sombrer dans la plus agréable des fièvres, dans une torpeur quiète et envoûtante. D’oublier ces tribulations passées, et de ne vivre que l’instant présent. Se mordant la lèvre sans même s’en rendre compte, la respiration légèrement plus frénétique comme il prenait la mesure des émotions qui le traversaient, la caresse de Marwen descendit alors un peu plus bas. De cette jolie gorge, ce même bout de doigt entreprit de tracer une ligne sur la peau d’Elisabeth, s’aventurant du bas du cou vers la naissance de sa poitrine. Téméraire, il suivit le tracé du décolleté de la jeune femme, la couture de son vêtement, et alla jusqu’à le tirailler quelque peu en son endroit le plus en aval. Puis il rompit tout contact.

« C’est que je ne voudrais pas te perturber davantage que je ne l’ai déjà fait, sorcière », lui susurra-t-il tout en lui décochant un petit clin d’œil de circonstance. Il se détacha d’elle, se rapprochant plutôt de la porte. En vérité, cela eût peut-être été trop rapide. Bien que l’envie bouillît en lui, après tout ce qu’ils avaient vécu, après tout ce qu’ils s’étaient infligé, après ces disputes, ces horions, voilà qui pouvait être la meilleure des réconciliations, encore qu’ils en étaient déjà arrivés à ce point-là. Mais il attendrait sûrement. Un peu. Pas trop. Lui-même ne parvenait pas tout à fait à statuer sur cela, mais dans la mesure où il savait qu’il reviendrait très bientôt… Et se trouver ainsi, entre deux eaux, entre un semblant de doute, encore, et, paradoxalement, la certitude que chacune de ses approches réussirait, le grisait plus que jamais. Ce soudain batifolage, qu’il n’aurait jamais pu deviner en cette première rencontre, là où il lui avait décoché plusieurs droites et coups de coude, lui plaisait bigrement. Ne restait plus à espérer, effectivement, très sincèrement, qu’aucun mal ne viendrait heurter de plein fouet la sorcière.

« Sur ce, sorcière… Mousaillon ! »

Nouveau clin d’œil de connivence, alors qu’il inclinait son couvre-chef imaginaire de capitaine dans la direction de la jeune femme, puis Marwen franchit la porte, et disparut dans les sombres venelles de Marbrume.
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MessageSujet: Re: Authentique [ Marwen ]   Authentique [ Marwen ] - Page 2 EmptySam 26 Nov 2016 - 21:13
Et voilà que le butin s’envole de ses mains, son légitime propriétaire – ou tout du moins, légitime depuis que le précédent propriétaire avait passé l’arme à gauche – s’empressant de récupérer son bien avec une petite remarque sur l’amour immodéré qu’il portait à son trésor de bois précieux et d’argenterie. La donzelle haussa les sourcils pour endosser un court instant une expression choquée. Comment ? Il était attiré par l’argent ? Elle ne s’en serait pas douté tiens. Mais comme elle l’appréciait un peu, n’est-ce pas, elle pouvait bien faire semblant de croire qu’il ne l’approchait que pour récupérer son dû qu’elle lui avait rendu bien gentiment. Pour une voleuse, elle avait le cœur sur la main.

L’apothicaire, les mains posées à plat contre le mur dans son dos, releva assez naturellement le menton pour toiser Marwen avec ce petit air de défi qu’elle avait souvent lorsqu’elle se sentait prise au piège, comme si cela pouvait la faire paraître plus forte ou plus imposante. Un réflexe qui n’était plus très utile face à lui mais dont elle ne parvenait pas à se défaire. Leur regard se croisèrent et ils prirent le temps de s’observer en silence pour la première fois en vérité.
Le contrebandier avait des traits volontaires et affirmés, sans cette lourdeur disgracieuse que beaucoup trop d’hommes pouvaient avoir. Malgré son sourire ou ses airs de sale gosse insolent, il ressortait une impression de sévérité qu’Elisabeth appréciait tout particulièrement et dont elle ne prit conscience qu’à cet instant. Elle s’était aussi habituée à ce regard acéré qui se trouvait présentement très adouci alors qu’il se posait sur elle, c’était comme du métal tiède qui lui coulait sur la peau.
La caresse fit dégringoler un long frisson depuis ses épaules mais elle ne détourna ni le regard ni le visage, se fiant au regard qui passait sur elle et à la trace sinueuse et invisible qu’il dessinait sur elle pour deviner jusqu’où descendrait cette rivière imaginaire. Peut-être retint-elle son souffle sans se rendre compte ou peut-être au contraire soupira-t-elle, les lèvres à peine entrouvertes, juste avant qu’il ne s’éloigne. Un départ qui la soulageait autant qu’il lui laissait une nouvelle fois une impression d’interruption. Mais cette impression était bien meilleure que la fois précédente.

« Ta sollicitude me touche, capitaine. »

Elisabeth se mordilla le coin de la lèvre pour tenter de dissimuler un sourire et porta deux doigts à sa tempe pour adresser un salut comme certains marins le faisaient, avant de s’approcher de la porte par laquelle venait de passer l’Esbigneur et la refermer en veillant à donner un tour de clé. Elle avait encore un sourire sur les lèvres lorsque doucement les engrenages de son esprit se remirent en place. Son expression se décomposa un instant et elle s’écarta de la porte comme si cette dernière était en feu.

« Mais pourquoi je souris niaisement, moi ? »

La jeune femme se donna une tape sur le front en grommelant, arguant pour elle-même que ce n’était vraiment pas le moment de badiner, qu’elle avait d’autres problèmes et que se lancer dans une aventure aussi courte qu’insouciante ne ferait que lui attirer plus d’ennuis encore. Qui plus est, il avait fallu qu’elle s’amourache d’un contrebandier ! Un truand, un voleur, un amoureux de la mer qui ne pensait qu’en terme de profit et qui ne s’était pas gêné pour la peloter dès leur première rencontre !

« Bien joué ma fille ! Il y a des tas de partis honnêtes et pas trop vieux, mais non ! Toi il faut que tu ailles te jeter dans les bras du garçon qui ne vit que pour le danger et les opérations commerciales illégales ! »

Eli se lamenta encore dans un simulacre de réprimande maternelle tout en remontant la chandelle et son propre coffret, essayant de se raisonner que c’était la première et la dernière fois, que c’était certainement la fatigue, qu’elle avait mieux à faire et que cela ne la mènerait à rien. Pourtant rien n’arrivait à effacer la satisfaction qu’elle ressentait chaque fois qu’elle repensait à cet au revoir.
Avant de souffler sa chandelle, elle se maudit une dernière fois pour avoir le cœur trop tendre et pour sa ridicule attitude d'adolescente, mais son sourire démentait chacun de ses mots.
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