[TERMINE] Le poison est l'ami de l'homme, puisqu'il le tue...

18 Août 1165

La date butoire approchait à grands pas. Le jour J, le débarquement d'Hérald et de ses acolytes au point d'intérêt où il espérait pouvoir prendre sur le fait les félons, les miliciens corrompus qu'il suspectait depuis des mois, mais dont les enquêtes répétées à leur sujet n'avaient commencé que depuis un mois seulement. Le grand blond pâle était presque livré à lui-même. Seule une poignée d'alliés pouvaient soutenir sa cause. A son retour de Labret, il avait fait la connaissance de Rémi Asselin, qui semblait voir en Dreit une sorte de meneur, de modèle quand bien même ce dernier avait lourdement terni sa réputation suite aux ordalies provoquées contre le Sergent Lucifer. Sergent qui, espérait le blond, tomberait et répondrait des crimes le moment venu. Et il y avait ce coutilier aussi. Lombeth, qui réussissait par miracle à passer à travers les mailles du filet Blatus. Blatus qui, lui, s'il n'éprouvait aucune animosité envers Dreit, ne lui témoignait aucune confiance et ne voulait rien savoir sur le comportement exécrable de Lombeth. Car si le coutilier outrepassait ses droits, il était figure d'autorité, le travail semblait fait et on ne trouvait rien à redire.

Les élucubrations et recherches du grand blond pâle l'avaient mené au quartier du Labourg. En cette après-midi du 18 Août 1165, le grand blond pâle marchait le pas modéré et les mains balantes, la silhouette élancée, sa tenue de milicien revêtue, dévoré du regard par certains scélérats qui louchaient sur une potentielle cible, mais cette espèce d'aura dissuasive n'avait fini de planer au-dessus de la tête du milicien. Par chance, il arriva à bon port, sans encombre, devant cette échoppe au décor et à l'enseigne sobres, offrant cet air d'inconnu et de renouveau. Ce serait pour la première fois que le milicien foulerai une boutique spécialisée en... Plantes. Il prit une grande inspiration et poussa la porte, faisant tinter la clochette d'entrée, posant le pied sur le plancher grinçant et affirmant sa présence à la recherche de l'hôte de ces lieux.

Il fut agréablement surpris par le contraste odorant du dedans, envahi de mille senteurs exotiques et agréables pou ses narines, et du dehors, qui n'avait de cesse de refouler la pisse et la mort. Il s'avançait lentement, posant son regard contemplatif sur moult jarres et pots d'argile dans lesquels prenaient racines des plantes, des fleurs, cette timide végétation verdoyante qu'il n'avait jamais vue de ses trente-quatre misérables années de vivant. Il dissimula un émerveillement certain et, le regard froid, la mine sombre, il continuait de balayer les lieux du regard, à la recherche d'une personne susceptible de l'aiguiller...

C'était une journée normale. Enfin aussi normal que peut être une journée pour moi. Avec un ou deux clients encapuchonnés qui demandent des plantes spéciales, qui payent grassement pour ne pas avoir vu leur venue et qui repartent ensuite. Cette journée pourtant normale allait être le début d'une série événements plus ou moins heureux.

J'étais dans mon arriére boutique, en train de préparer la commande d'un client quand j'entendis la porte s'ouvrir et dans ce quartier, il y a une règle: quand une personne rentre, surveille là! Les pauvres sont capable de dépouiller une boutique en dix secondes.

Je sortis donc en criant "Ouais! C'est p..." avant de voir qu'il s'agissait d'un milicien dans ma boutique.

Ce n'était pas la première fois qu'un milicien venait dans ma boutique pour faire des inspections. Ma boutique étant connue dans le quartier pour de mauvaise raison, il était normale que la milice la fouille régulièrement. Mais ils étaient deux d'habitude et ils passaient aussi pour demander des remèdes moins chers en échange d'une inspection disons, moins attentive.

Mais le blond qui était devant moi m'était inconnu et il dégageait une aura qui me dérangeait. J'allait avoir du mal à négocier avec lui et ce n'était pas bon signe.

"Euh, bonjour, bienvenu Au Tréfle a Deux Feuilles! Danaë Kervan à votre service! Que puis-je faire pour vous monsieur?" dis-je en essayant de rester la plus sereine possible

La jeune femme responsable des lieux n'avait pas tardé à faire son entrée. Elle semblait avoir l'air d'attendre quelqu'un d'autre, s'être rabattue sur une autre phrase d'accroche pour la clientèle alors qu'elle aperçut Hérald au milieu de sa boutique l'air contemplatif. Le grand blond pâle nota cet état de fait, et planta son regard dans cette jeune femme aux cheveux soyeux d'un rouge éclatant. Elle était charmante et nul doute qu'elle savait s'attirer la sympathie de sa clientèle. C'était déroutant d'admettre une personne comme elle demeurait cordiale et aimable. Sans doute le fait de jouer de son charme devait attirer la sympathie de bien des indésirables.

Le blond ne tarda pas à engager les hostilités.

"Bonjour, madame Kervan. Je vais aller droit au but : vous avez l'air d'attendre quelqu'un d'autre ; dites-moi où je peux me dissimuler dans votre boutique, et je vous saurai gré de ne pas intimer à votre futur client qu'il est observé. Je me montrerai coopératif si vous décidez de collaborer."

Il planta cet éternel regard glacial et persuasif dans celui de la jeune femme, tandis qu'il relevait légèrement le menton, les yeux mi-clos renforçant son regard, lui-même accentué par sa posture droite et implacable. Comme s'il cherchait la petite bête, les méfaits de la jeune rousse derrière son joli sourire céramique qui laissait croire que tout allait bien.

Je déglutis et recula légèrement. J'avais fait un mauvais début mais je n'avais rien a me reprocher, je n'attendais personne de particulier car aucune personne suspecte ne revenait dans ma boutique. La seule chose que j'attendais était le plan pour aller chercher ma récompense pour la commande spéciale de L.

M'ayant reprise en main, je regardais l'homme droit dans les yeux.

J'avais laissé tomber mon approche naïve et innocente pour adopter un aspect sérieux et sûr de moi. Mon sourire était toujours sur ma bouche mais il avait changé. Il n'était le sourire de l'agneau mais plus celui du loup. Je savais que mon charme n'allait avoir aucun effet sur cet homme.

Heureusement ce milicien n'avait pas l'air de m'en vouloir particulièrement. Autant être direct avec lui et lui donner ce qu'il veut. Cela sera mieux pour moi.

"Si vous voulez discuter en privé, nous pouvons aller dans l’arrière boutique, nous y seront au calme." dis-je mais il ne pouvait pas répondre non, son refus signifierait la fin de notre discussion.

Je ne lui laissa pas le temps de répondre avant d’enchaîner "Quand nous serons à l'intérieur, veuillez ne toucher à rien, ce qu'il y à l'intérieur vaut cher, très cher pour moi"

J'entendis ma mère m'appeler d'en haut: Dana! Qui-est ce?

Un client lambda mère. Mais il souhaite s'entretenir en privé avec moi. Pourriez-vous tenir la boutique pendant que je prends sa commande?"

"Encore? Tu devrais arrêter de prendre ces travaux, ça finira par te jouer des tours auprès de milicien"

Le milicien l'avait forcément entendu et je venais de perdre l'avantage que j'avais sur lui.

Le milicien me jetait toujours son regard glacial et j'eu l'impression qu'un poignard venais d'apparaître sous ma gorge.

Merci mère, toujours les bons mots au bon moment. Mon sourire disparu immédiatement des lèvres. Ça allait être plus compliqué que prévu.

"Oui, je sais mère. Merci" m’efforçai-je de répondre sur le même ton qu'avant.

Je fis signe à l'inconnu de me suivre dans l’arrière boutique.

Les évenements qui se déroulèrent furent intéressants, mais ne décontenancèrent pas le moins du monde le grand blond pâle qui ne laissait rien paraître de sa surprise. Quand bien même le timbre de la voix de la femme, qui devait être la mère de madame Kervan, trahissait une innocence évidente, peut-être n'était-ce qu'une mise en scène pour appater le milicien dans la tanière du loup. Après tout, cette sorcière lui demandait bien de le suivre pour discuter en privé. Très clairement, cela pouvait ressembler à un piège et le milicien ne se montrait pas dûpe. Mais s'il était question de feindre la naïveté à l'ennemi, alors il suivrait cette sorcière sans réveiller le moindre soupçon. Après tout, peut-être qu'elle et elle seule s'était mise dans une situation délicate. Peut-être avait-elle la chance de tomber sur Dreit, ou peut-être que la discussion ne tournerait pas à son avantage.

Le grand blond pâle accompagna la jeune femme dans l'arrière boutique. D'autres plantes aux apparences encore plus exotiques s'y trouvaient, en plus de quelques flacons en tout genre, emplis de fluides d'embaumement dans lesquels baignaient reptiles et autres organes qui ne semblaient pas trouver grâce aux yeux du milicien ; yeux qu'il replanta dans ceux de l'apothicaire.

"Toute personne sensée émet des doutes quant au bienfondé de votre entreprise... Pour moi, vous n'êtes qu'une simple commerçante qui souhaite prospérer ; un outil que la pègre comme la milice saurait utiliser... Et je doute que vous risqueriez d'avoir des problèmes si l'on apprenait que vous avez vendu vos clients à la milice. Je ne suis pas venu vous demander cela, ni même vous proposer ma protection. Toutefois, j'aimerais savoir si un certain Sergent Lucifer est venu céans et aurait traité avec vous. A vrai dire j'ai surtout besoin de la liste des miliciens corrompus qui traitent avec vous. Ceux-là, ils ne vous feront rien, puisque je m'occuperai d'eux plus facilement."

Il se tut un instant avant de poursuivre.

"Si vous refusez d'obtempérer, je serai au regret de devoir vous arrêter et vous faire subir un interrogatoire indécent. Ce que je ne souhaite pas. Alors si vous savez quelque chose au sujet de miliciens corrompus, je peux garantir votre sécurité si vous me les donnez."

Je poussais un soupir de soulagement bien malgré moi. La situation n'était en ma faveur mais il ne s'était pas autant détérioré que ce que j'aurais pût penser.

"Je voudrais bien coopérer mais je ne demande pas de noms et, ne sachant pas écrire, je ne garde aucune trace des mes clients. Vous voyez, dans mon commerce et vous en comprenez très bien le sens, je ne peux me permettre d'avoir des information que ce soit sur la pègre ou sur la milice. Il vous faudra donc croire mon unique parole. Si vous pouviez me décrire la personne que vous recherchez ainsi que sa date de passage, là, je pourrais aider "

Le grand blond blafard ne put s'empêcher de froncer les sourcils, affichant sa consernation et sa déception, mais c'aurait été trop facile si la jeune femme lui livrait des noms sur un plateau d'argent, et il avait la fâcheuse habitude de penser que les gens étaient aussi archarnés que lui-même au point de s'enrichir intellectuellement au travers de la lecture et de l'écriture. Se remémorant une image mentale de son ennemi, les mains dans le dos, il fit le tour de l'arrière boutique, contemplatif, le pas lent et résonnant sur le plancher poussiéreux, laissant la pièce tapie dans un silence saccadé par ses pas.

"La personne que je cherche est un sergent de la milice, Anduin Lucifer ; un homme de taille moyenne, au visage rond, l'oeil noir et les cheveux blonds gominés, avec un bouc soigneusement taillé. Son trimbre de voix est feutré. Il est probable qu'il soit venu céans sans avoir sa tenue de sergent milicien cela dit. Pensez donc à quelqu'un qui revêt une tenue tout ce qu'il y a de plus normal, peut-être un peu sale, qui n'attire pas l'oeil. Notre homme est intelligent et je le soupçonne de s'être procuré un poison aux vertus paralysantes dont j'ai fait les frais. Vous vendez bien ce genre de choses dans vos boutiques en guise de prescription de mort aux rats, n'est-ce pas? Peut-être que si vous réussissez à faire le rapprochement entre la personne et un potentiel produit que vous auriez potentiellement vendu ici, il sera facile de faire le rapprochement avec notre individu."

Il continuait les quatre cent pas, et ajouta :

"De surcroit j'aimerais savoir si les poisons aux vertus paralysantes agissent par application cutanée ou par inhalation. Je me suis rendu compte de la supercherie lorsque j'ai ressenti une forte odeur de plante. Mais ce n'est que lorsque j'ai commencé à être blessé que mon corps s'en est retrouvé engourdi... Ainsi, si vous pouvez m'assurer que ledit poison auquel je pense, si tant est que vous le connaitriez, ne présente aucun risque à l'odorat, je pourrais sans doute le reconnaître. Sinon, il faudra ruser autrement... Pensez-vous pouvoir m'aider avec ces éléments, Madame Kervan ?"

Le fait de l'appeler par son nom lui rappela quelques formalités bienvenues :

"Je ne me suis pas présenté. Je me nomme Hérald Dreit, de la milice intérieure."

Je tentais de me souvenir mais ça me revenait rapidement.

"Oui... je me souviens. Il ne m'as pas acheté de poison, il m'as donné des ingrédients et m'as demandé de les combiner. Il m'as dis de surtout pas toucher au résultat final car cela pouvait être dangereux. Pouvez vous me décrire les symptômes précis que je puisse savoir les effets de ce poison? Du peu de ce que vous me dites on dirait un poison a retardement. Un poison qui ne s’active que si on le met en contact avec une deuxième substance précise."

J'étais dans mon élément, les poisons, c'était ma spécialité. J'avais même un léger sourire au visage.

Voilà qui devenait bouleversant. D'autant plus naturel puisque le milicien n'était pas expert dans les poisons et psychotropes en tout genre. Lui était taillé pour le combat et le champ de bataille, et si sa malice était suffisamment telle qu'il savait feinter la faiblesse, il n'était pas du genre à empoisonner l'ennemi ; même si c'était un moyen redoutable au vu de ce qu'il avait pu subir et de ce qu'il pouvait constater de par son ignorance. Il croyait connaître l'intégralité du poison, mais il en apprenait beaucoup de cette femme, si jeune par rapport à lui et si expérimentée dans son propre domaine. Ce qui était d'autant plus déconcertant, c'était que le sergent s'y connaisse en poison et soit bien plus redoutable que le milicien ne puisse prévoir. Il fallait cacher, dissimuler cette appréhension trahie par un froncement de sourcils lorsqu'il regardait la jeune femme dans les yeux. Mais il se rappelait qu'il était voué à mourir, alors le mieux qu'il puisse faire, indépendamment de si son ennemi était surpuissant ou pas, c'était donner le meilleur de lui-même dans la bataille, et ça, jamais personne ne pourrait lui en empêcher.

"Sa lame était enduite de ce poison. Poison qui est ensuite venu au contact de ma peau, de ma chair et de mon sang. Je ne saurais déterminer d'où proviennent les propriétés assoupissantes de celui-ci. Je me souviens notamment d'une odeur agressant les narines. L'adrénaline et cette senteur me faisaient oublier la douleur, en plus de cette sensation d'engourdissement et de paralysie. Trois mois se sont déroulés depuis l'indicent, ainsi mes souvenirs peuvent être confus, auquel cas vous m'en voyez désolé. Sachez que je fais le maximum pour vous aider à vous remémorer de chaque élément."

Il se tut pour se remémorer précisément des symptômes qu'il avait pu ressentir à cet instant. Ca n'était pas chose aisée que de se remémorer quelque moment désagréable.

"Je me suis senti engourdi, paralysé. Ma vue se troublait, mes sens étaient affectés, mon corps était lourd et mon esprit était déviant. Je ne ressentais que peu de douleur, mais c'était au profit d'une sorte de paralysie complète. Mon corps ne m'obéissait plus, mes gestes étaient incontrôlés et vagues. Pensez-vous qu'il s'agit d'un poison à retardement qui ne possède un effet que lorsqu'il est, disons, liquéfié le long d'une surface quelconque telle une lame ? J'ai ressenti les effets dans l'immédiat lorsque j'ai humé cette odeur inconnue, subi les estocades de mon adversaire."

Je sentis à ce moment là que je n'étais plus en danger et que je ne pouvais que gagner de cette situation. J'allais aider cette homme et ainsi bien me faire voir de la milice ce qui pourrait m'être utile dans le futur.

"huuuuuuuuuuum... intéressant, intéressant. Il m'avait confiée cinq plantes différentes. Les deux premiére allait ensemble et les trois autres ensemble.

Je ne saurais vous dire exactement les effets de chaque plantes car je n'en connaissait que trois sur les cinq. Dans le lot de trois, probablement celui qui à l'origine de l'odeur, je connaissais la valériane et la mélisse qui sont des plantes somnifères mais assez peu puissantes. Je m'en sers personnellement quand j'ai du mal à dormir. Ce sont ces fleurs là-bas" lui dis-je en lui montrant un pot à côté de moi."

"Pouvez vous les sentir et me dire si l'odeur vous dit quelque chose? Ne craignez rien, si on ne les fait pas bouillir, elle ne sont pas dangereuse."

Avant qu'il ne s'en aille vers les plantes, je lui dis: "Dites moi aussi, avez vous vomi après votre réveil? Si oui, avez-vous eu mal aux yeux?"

Un instant songeur, le grand blafard se dirigea lentement vers les pots que l'apothicaire lui avait indiqués, la regardant un instant en hochant la tête. Il se permit un geste souple du poignet pour déboucher les bocals et humer avec une appréhension marquée les diverses odeurs que dégageaient les contenants. La première plante ne lui évoquait rien. Il s'agissait d'une nouvelle signature olfactive très agréable, si bien qu'il avait du mal à s'en détacher ; mais non, il fermait les yeux comme pour se remémorer une possible expérience passée avec cette substance... Mais c'était noir dans son esprit. Rien ne le reliait à la valériane. Ainsi il referma promptement le bocal de parfum inconnu et se concentra sur l'autre jarre, plus décorée, plus petite, plus suspicieuse, plus... attrayante. Il l'ouvrait pour humer, toujours avec cette appréhension de se faire empoisonner, cette odeur proche de ce qu'il avait pu sentir en Mai. Oui, c'étaient les premiers souvenirs qui fusèrent dans son esprit et son odorat lui provoqua indubitablement des souvenirs de sa défaite cuisante face au sergent Lucifer, quand bien même cette odeur semblait un peu différente de ce dont il se rappelait. Sans doute parce qu'elle avait été mélangée à d'autres ingrédients propices à la concoction d'un poison paralysant dont il avait été la victime, le dindon de la farce. Ah. Lucifer ne l'y reprendrait pas à deux fois.

"Celle que vous appelez mélisse ; son odeur m'est familière, je pense que s'il ne s'agit pas totalement de cette plante, elle a, je pense, soit été utilisée par notre homme, soit substituée par une autre substance à l'odeur équivalente. Pour répondre à votre question, à mon réveil, ma vue demeurait aussi trouble qu'à ma déchéance, et je vomissais le sang qui m'obstruait la gorge."

Il regarda tantôt la sorcière, tantôt d'autres jarres, bocaux et autres récipients d'ingrédients divers et variés, sa curiosité étant piquée par ce nouveau vaste univers qui s'ouvrait à lui ; celui des remèdes et poisons. Cette jeune femme avait beau paraître jeune, elle présentait un potentiel grandissant et se dévouait sans nul doute à un carrière très prometteuse.

Mon sourire grandit.

"Hé hé hé... Il va falloir trouver quelles plantes il a utilisé. Un nouveau défi pour moi, j'adore ça..."

Je jubilais, un non-apothicaire connaissait des poisons dont j'ignorais l'existence. Celle m'énervait mais même temps me donnait la force de tout vaincre sur mon passage.

"Je pense que j'ai quatre fleurs sur cinq. Celui que vous avez senti est composé de valériane diluée, de mélisse ainsi qu'une plante que je n'ai pas encore trouvée. Le poison sur la dague est composé je suis sûr de bétoine et de belladone."

Je faisais, les cents pas, le cerveau en plein travail. Quel fleurs pouvait bloquer temporairement bloguer l'effet somnifère de la valériane et de la mélisse...

La réponse me frappe d'un coup

"Mais oui, du pin sylvestre!! Il a la propriété de purge contre les maladies et le poison à court terme. L'odeur ne vous a pas endormi sur le moment à cause du pin mais cet effet a disparu un peu plus tard.
Cela veut dire que votre adversaire avait prévu le temps qu'il faudrait pour que cela fasse effet et à décidé de vous combattre à ce moment là"

J'étais fière de moi. J'avais trouvée la solution toute seule.

Merveilleuse intelligence que celle de cette jeune femme, qui ignorait le commun des mortels de son acabit. D'ordinaire, la mentalité dominante parmi les donzelles de son genre s'en résumait à "soit belle et tais-toi", mais cette demoiselle là semblait prometteuse. Dreit était satisfait de faire la lumière sur cette histoire, retracer le passif de son sergent qui l'avait mené à tremper dans des affaires pas tout à fait correctes. Et surtout, SURTOUT, que sa droiture finirait par payer. Mais pas le temps de trop se réjouir, quand bien même le grand blond pale dissumulait sa satisfaction, le visage toujours aussi blafard, fermé et froid. La clochette de la boutique teintait, et Dreit n'eut d'autre réflexe que de se dissimuler quelque part, si d'aventure on irait s'aventurer en arrière boutique, s'acculant derrière plusieurs vases de terre cuite dans lesquels prenaient racine d'épaisses plantations pour s'élever jusqu'au plafond.

"Bonjour." lança le nouveau venu à la mère de Danaë qui était restée au comptoir, "votre charmante fille n'est pas présente aujourd'hui ? C'est avec elle que j'ai l'habitude de traiter... Ou peut-être pourriez-vous m'aiguiller ?"

L'homme en question était un homme de taille moyenne, au visage rond, l'oeil noir et les cheveux blonds en bataille, sales, curieusement trop sales. Il possédait une sorte de bouc prononcé au-dessus d'une barbe de trois jours, et revêtait une tenue tout ce qu'il y avait de plus banal, laissant penser qu'il s'agissait d'un de ces roturiers un peu louche avec qui il fallait faire attention en badinant. Il accordait un sourire céramique - quoiqu'un peu ravagé par certaines caries et dents jaunies - à la vieille femme, qui risquait de vite s'évanouir si la jeune femme aux cheveux rouges ne répondrait pas présent. Il se permit de rajouter.

"J'ai amené le pin de sylvestre comme convenu."

Mon sang ne fit qu'un tour. Je reconnaissais cette voix et je compris qu'il était l'homme que mon ''invité" recherchait.

Je lui souffle "Ne bougez pas, ne dites rien, je reviens"

Je me dépêchais donc d'arriver dans la boutique "Bonjour Monsieur, qui puis-je faire pour vous encore? La potion que je vous ai vendu a bien marché? dis-je avec de plus conviction que prévu. J'arrivais donc toujours à rester calme malgrès les circonstances.

Pourriez vous me dire les effets des mixtures que je vous ai préparées. J'aime toujours en découvrir de nouvelles.

Le grand blond pâle était resté accroupi au milieu de cette végétation envahissante dans l'arrière boutique. Outre le bruit de ses pulsations cardiaques, il se concentrait pour entendre des bribes des conversation dans la pièce voisine. Son instinct primaire lui hurlait de dévaler à côté pour venir supprimer cette pourriture qui torturait la milice, salissait leur honneur, chiait sur le Duc lui-même. Mais c'était le meilleur moyen de se faire avoir encore une fois par le sergent qui l'avait presque tué en ce mémorable 12 Mai. Le milicien calma sa respiration, fermant les yeux, continuant d'écouter ce qu'il pouvait entendre de la conversation voisine.

"Oh, vous savez, elle est peu différente de celle que je vous avais commandée il y a des mois. Mon associé expert en poison travaille des recettes que j'expérimente. L'idée est de simplement désemparer l'adversaire et engourdir ses sens au biais de ce poison. L'objectif est de le maintenir en vie. Cela nous permet ensuite de faire ce que nous voulons de son corps s'il nous est inutile lorsqu'il est mort. Et puis vous savez, avec la Fange, on fait attention."

Le sergent dissimulé dans son accoutrement sale pointa du doigt le dernier ingrédient tandis qu'il fouilla dans sa poche pour sortir deux magnifiques écus qu'il posa sur le comptoir.

"Pour votre silence et votre collaboration. Pouvez-vous m'aider à préparer la mixture de ce pas ?" poursuivit Lucifer avec un regard persuasif et de son sourire toujours aussi ravagé. Il faisait peur et il inspirait la crainte même lorsqu'il ne revêtait pas son armure de sergent.

De l'autre côté de la pièce, Hérald faisait le vide, priant la Trinité, susurrant quelques prières en bougeant simplement les lèvres pour ne pas émettre le moindre son. Le combat avait déjà commencé, il lui fallait tenir pour ne pas sauter à la gorge du félon, auquel cas il ne réussirait pas à cueillir son acolyte qui serait prévenu et serait doublement sur ses gardes. Tout vient à point qui sait attendre, dit-on. Pourquoi se précipiter alors qu'avec le temps on n'a de cesse de progresser ? Le grand blond pale, quoiqu'il adviendra, sera meilleur qu'hier et moins bon que demain. Alors, oui, attendre un peu plus, ne pas se laisser emporter par quelque émotion de haine et de contrariété à l'attention du sergent véreux. Pourvu que cela ne durerait pas trop longtemps.