[TERMINE] Le poison est l'ami de l'homme, puisqu'il le tue...

Une goutte de sueur perla sur mon front. Que faire? Que faire? Si j'étais trop bienveillante avec cet homme devant moi, le milicien surgirait de l’arrière boutique et se précipiterait sur lui signant au passage ma propre mort. Si je refusais, il sera suspicieux et je perdrais la récompense. Je n’avais que des mauvaises options.

La protection que m'offrait mon arme qui étais accrochée sous le comptoir me paraissait bien maigre par rapport à cet homme. Que devais-je faire? La meilleure solution étant surement de le faire partir le plus vite possible mais je devais recueillir des informations sur ce poison.

Je pris seulement un des écus, comme pour montrer que j'étais d'accord mais que j'allais émettre une contrainte.

Monsieur, je risque de ne pas pouvoir m'occuper de votre poison tout de suite car j'ai beaucoup de commande récemment. Notamment en terme de médicament et vous savez comme moi que ce n'est pas ma spécialité donc, je travaille plus lentement. Je pourrais m'occuper de votre commande, dans deux ou trois jours.

De plus, si vous le voulez bien, j'aimerais que vous me décriviez les symptômes précis car si un poison existe, j'aimerais en connaître l'antidote. Les raison sont que, d'une part, les alchimistes sont souvent les premières cibles de leurs poisons et deuxièmement, si je peux vendre à l'agresseur le poison et à la victime l'antidote, tout le monde gagne mais surtout moi.

J'avais joué toutes mes cartes d'un coup, il ne restait plus qu'a voir s'il allait mordre à l'hameçon ou battre en retraite.

L'homme affublé d'une tenue de brigand toisa la jolie rousse d'un air mauvais, regardant l'écu qu'elle ramenait à elle disparaître du comptoir. Il réfléchit un instant, levant un doigt à la minette pour lui dire "attends un instant, tu vas voir ce que tu vas voir". Il en sortit deux écus complémentaires qui vinrent s'ajouter à la chique pièce de monnaie déjà présente sur le comptoir, les laissant tomber bruyamment pour faire valoir son pouvoir, sa domination sur la sorcière. Il avait remarqué que la jeune femme était sujette au stress et il en jouerait. Lucifer était sournois, diabolique comme son nom le laissait comprendre. Ainsi il se pencha vers elle, sussurant d'une voix glaciale et menaçante.

"Je crois qu'on ne s'est pas bien compris, petite enfant de putain." dit-il avec tout le calme du monde qui laissait entendre qu'il risquait de se mettre en colère si la jeune sorcière ne coopérait pas. "Tu vas encaisser ce pourquoi je te paie et tu vas faire ce que je te demande : me préparer la solution tout de suite avec le dernier ingrédient que je t'ai amené, SANS faire d'histoire. Tu n'aimerais pas qu'il arrive quelque chose de malheureux à ta gentille maman, n'est-ce pas ?"

Il se redressa, prenant un air complètement neutre, tandis que son visage se fendit d'un sourire carnassier et malsain à l'attention de la sorcière. Il s'imaginait déjà la violer dans l'arrière boutique si elle ne coopérait pas, et nul doute qu'il ne suffirait pas davantage de parlotte pour que la belle et jeune apothicaire le conduise en arrière boutique pour terminer le préparatif du poison afin qu'il ne l'emmène avec lui. Le fait d'être passé au tutoiement le mettait dans cette position de force, tandis qu'il avait une main positionnée sur son flanc, comme s'il s'apprêtait à sortir une arme de derrière le comptoir. Hérald attendait calmement, ignorant le début de crampe qui rendait ses cuisses endolories, concentré sur sa respiration, sur son calme. Il ne fallait absolument pas que Lucifer ne l'aperçoive si jamais il venait en arrière boutique. Alors il était là, dissimulé derrière ce feuillage épais, immobile tel une statue accroupie.

Putain, va vraiment falloir que je travaille plus ma négociation avec les personne dangereuses. Je me sentais faible et démunie face à cet homme qui n'était qu'un monstre face à moi. La corruption dans toute sa splendeur macabre.

J'essayais de me retenir de sortir mon arme pour lui planter entre les deux yeux. Ça ne serait bien pour personne et surtout pas pour moi. J'essayais de rester le plus calme possible.

Ce n'était pas la première fois qu'une personne me menaçais de la sorte et la dernière fois, j'avais terminé avec une cicatrice sur mon flan droit.

Mais s'il croyait m'avoir avec seulement cela, il me connaissait bien mal.

Je le fixa droit dans les yeux et lui dit le plus calmement du monde "Monsieur, je vois que vous connaissez les bons arguments et je pense que je peux réduire votre temps d'attente à ce soir, avant le coucher du soleil. Je ne puis m'y mettre maintenant car j'ai déjà commencé une décoction et, comme vous le savez, une fois une potion lancée, il me faut la finir sous peine de compromettre la réussite des deux produits. J'ai travaillé avec vous de nombreux moi et il serait dommage, surtout pour moi, de faire capoter notre accord alors que vous avez été si généreux.

Cela allait me suffit pour gagner du temps mais pas plus. Et puis, je me souviens du jour que nous étions et j'eue une lueur d'espoir

"Si je puis encore vous donner une raison pour laquelle je ne peux m'y mettre tout de suite, c'est car, tous les 18 du mois, dans l'après-midi, j'ai un contrôle de la milice et je ne suis pas sensé proposer légalement des poisons. Si jamais la milice m’attrapait elle confisquerait ma boutique, me mettrait en prison et vous n'auriez jamais votre poison."

"Monsieur, vous avez besoin de moi et j'ai besoin donc autant être en bon terme pour pouvoir continuer cette entreprise dans les meilleures conditions non?" lui-dis en souriant.


Je fis par ma pensée une prière à tous les dieux pour qu'il me protègent de cet homme.

Elle s'en sortait bien pour une jeune fille de son âge. Et pour rien au monde Lucifer ne laisserait passer quelque occasion de mettre la main sur un poison à prix réduit par rapport au marché initial, et cette apothicaire semblait être la seule à pouvoir le lui fournir. D'une poigne violente, il reprit la totalité de ses pièces, laissant s'échapper un bruit sourd modulé par le tintement de son argent, tandis qu'il portait un doigt accusateur à la jeune femme. Mais il tenait vraiment à lui faire comprendre qu'elle avait mieux fait de ne pas jouer avec lui, alors il la saisit par les pommettes d'une poigne forte, serrant de sa poigne qui maintenait sa mâchoire en potence, l'air menaçant. Il profitait d'un court instant pour humer l'odeur agréable de cette apothicaire. Il aurait bien abusé d'elle tant elle lui résistait et semblait avoir gagné un sursis que Lucifer ne voudrait pas remettre en cause. Se faire attraper par la milice ? Ce n'était pas une option envisageable.

"Ce soir, juste avant le coucher du soleil. Le dernier ingrédient est là. Je veux la mixture pour ce soir, ou je te tue toi et ta famille."

Il serra un peu plus son emprise et la relâcha d'un bref mouvement pour la déséquilibrer et s'en retourna comme il était venu, le regard mauvais. A croire qu'il tenait à son poison. On entendit la clochette d'entrée émettre des résonnements aigus et la porte claquer lourdement ; ainsi le grand blond pâle, qui était resté à l'abri tout l'instant durant, ne se fit pas prier pour redresser ses jambes, les étirant pour faire passer la douleur des crampes, masquant un soupir, s'efforçant de respirer longuement tandis qu'il se redressait entièrement de soulagement. Il attendit que son hôte revienne en arrière boutique pour décider de la marche à suivre, et il avait déjà un plan tout tracé. Cette erreur de la nature ne lui échapperait pas.

Je n'avais pas bougé tout du long et j'avais juste laissé échappé un: "oui... patron" quand il était parti.

Ce n'était pas passé loin... Je le savais mais je n'avais pas peur. Au contraire, je me sentais plus forte qu'avant, j'avais réussie à tenir tête à cet enfoiré.

Je soupirais un long coup avant de regagner l’arriéré boutique.

"J’espère que les risques que j'ai pris pour vous en valent la peine car là, je risque gros" lui dis-je, presque comme si le grondait. "Je sais que c'est la bonne chose à faire, je veux que cette ordure brûle en enfer, c'est pour ça que je vous aide mais j'aimerais quand même un dédommagement une fois tout cela fini".

Avec tout ce qui venais ce se passer, je savais que j'avais gagné une certaine crédibilité aux yeux du milicien. Nous étions désormais associés dans une lutte face à Lucifer.

"Je vais lui faire son poison, mais je vais légérement diminuer ses effets, de 10%, ça ne sera pas grand chose mais ça sera ma participation à cette guerre. A moins que je puisse faire autre chose pour vous". dis-je en me mettant au travail."

Le grand blond pâle observait la jeune rousse les bras croisés. Elle semblait avoir été légèrement éméchée à avoir tenu tête au sergent. Et le guerrier savait ô combien celui-ci pouvait se montrer redoutablement dangereux. Son regard s'assombrit tandis qu'il observait la jeune rouquine se remettre au travail, cherchant ses mots pour apaiser les maux de l'apothicaire, et réfléchissant à une contrepartie qu'il pourrait offrir à la roturière. Il se redressa, inspirant,

"Je vous remercie de m'avoir couvert. Je peux faire de vous un indicateur temporaire le temps de faire plonger Lucifer. La contrepartie à laquelle je pense et que je peux négocier auprès de mes chefs une fois la réussite de l'opération est une contre-partie financière en guise d'indemnité pour vos services... Mais j'ai un service plus personnel et plus risqué à vous demander, qui maximaliserait les chances de le faire tomber."

Il prit une autre inspiration, longue, tandis qu'il poursuivit son discours monotone et exprimant sa pensée méthodique.

"Dans deux jours, Lucifer devra effectuer une transaction dans les égouts. Je sais cela d'une source sûre. Toutefois je n'ai pas réussi à déterminer l'emplacement exacte de sa transaction et puisque vous me semblez proche de lui, pensez-vous pouvoir lui soutirer cette information ? C'est un risque d'autant plus grand que je vous demande là et j'en suis conscient. D'autant plus qu'il vous faudra enfreindre de multiples règles, à savoir le couvre-feu établi..."

Il réfléchit un instant. Faire une entorse à sa droiture n'était pas correct pour coincer Lucifer.

"Oubliez ça. Le seul service que je puis vous demander, c'est de me porter un hypothétique antidote au poison que vous allez concocter. Évitez d'éveiller les soupçons en ce qui concerne la concoction du poison. Si la marge de 10% risque d'être aperçue par Lucifer, vous risquez d'avoir de graves ennuis avec lui. Il ne me reste que deux jours avant d'aller cueillir ce rat. Si vous voulez m'aider, vous allez devoir enfreindre la règle du couvre feu et c'est quelque chose que je ne souhaite pas. Mais si vous êtes suffisamment zélée pour ne pas m'obéir, sachez que je ne manquerai pas de faire valoir vos mérites à mes supérieurs une fois l'affaire terminée en cas de notre réussite, et je me ferai couper la tête à votre place pour vous avoir à demi-mot encouragée à enfreindre les règles en vigueur. Le fait est que je ne peux pas vous couvrir puisqu'il s'agit d'une enquête officieuse à l'encontre de Lucifer ; celui-ci a passé les filets des instigateurs internes lors des enquêtes qui visent à traquer les félons. Cette unique chance est ma dernière, et il est fort probable que je meurs en essayant..."

Il décroisa les bras et se dirigea vers la porte qui menait au devant de la boutique, réfléchissant.

"Faîtes ce qui est le plus sage, Danaë. Je me porte garant de votre sécurité dans la mesure du possible, mais si vous vous mettez inutilement en danger, je ne pourrai rien faire pour vous secourir. Il est temps pour moi de reprendre mes fonctions, ainsi je vais tirer ma révérence pour cet après-midi. Puisse la Trinité vous porter chance dans les épreuves à venir. Et si vous arrivez à me faire parvenir un antidote soit demain, soit le jour J, je vous en serai reconnaissant."

Il ponctua sa phrase par une courbette cordiale et s'en alla dans demander son reste. Lorsqu'il sortit dans la ruelle sur laquelle donnait l'échoppe de la sorcière, il fit mine de rehausser son pantalon de maille, s'essuyant la bouche d'un revers de main, comme si le temps passé à l'intérieur de la boutique était en fait dédié à passer du bon temps avec l'une des deux femmes qui occupaient les lieux. S'il avait possiblement éveillé les soupçons d'un espion malin qui observait les lieux en permanence, il faudrait jouer le jeu jusqu'au bout.

Quand on est dans le feu de l'action, on fait souvent des choses stupides et audacieuses. Ce que j'allais faire là était à la foi incroyablement stupide et audacieux mais je m'en fichais. Je voulais voir le bien gagner sur le mal.

"Attendez!!"

Je lui courut après et lui tendit quelque chose enveloppé dans un tissus

"C'est deux doses d'antidotes universels, faites en bon usages. Je vous préterais mains forte si je le peux." lui-dis je avant de lui faire un bisous sur la joue.

Je retournais à mes poisons en fredonnant. J'allais devoir aiguiser mon arme, au cas-où, on ne sait jamais.