Plus qu'une oreille, un cœur qui bat [PV Victoire] [Terminé]

- « Cette raison me semble être tout à votre honneur. Elle vous ressemble beaucoup. »

Victoire ne ressentit pas le besoin d’expliquer davantage sa pensée, simplement elle trouvait que Zephyr dégageait cette nostalgie presque permanente, comme si à chaque fois qu’il disait ou vivait quelque chose, l’événement se déroulait à deux endroits à la fois. Oui, le banneret donnait l’impression de vivre pour plusieurs, maintenant elle connaissait la raison de cette sensation, il vivait pour deux en se freinant lui. Peut-être culpabilisait-il d’être là, alors que son frère n’est plus. Le sujet sembla trop délicat à la cadette pour se prononcer, pour oser partir sur ce sujet de conversation, peut-être craignait-elle aussi d’être maladroite, de ne pas choisir les bons mots, de ne pas ajuster convenablement ses paroles et de paraître indélicate. Quoi qu’il en soit, elle ne relance pas davantage la conversation sur le sujet, se contentant d’opiner lentement la tête. Elle secoue doucement son visage de droite à gauche, laissant sa coiffure retomber légèrement en quelques mèches rebelles et se mit de nouveau à rire.

- « Voyons, Zephyr, ne dites pas ce genre de choses, il y a beaucoup plus attentionnée que moi. Je reste une de Brasey, notre famille n’est pas vraiment connue pour notre bienveillance et notre tendresse »

Elle s’en amuse, se lance un petit pique à elle-même, elle sait que ça va faire sourire Zephyr, mais elle sait aussi, du moins il lui donne l’impression qu’il l’idéalise. Victoire remet donc délicatement les choses dans l’ordre, elle est agréable avec lui, oui, parce qu’elle sent bien que quelque chose d’inexplicable l’attire. Si au début, elle n’avait vu qu’un mot en la posture du banneret, à présent, il ne s’agissait absolument plus d’un jeu ou d’un pion à placer habilement. Doucement, mais sûrement après deux rencontres seulement elle était en train de tomber sous son charme, sans savoir si elle n’allait pas se brûler les ailes. Après un petit silence qui s’installe, après cette sensation agréable et désagréable que chacun s’observe, s’analyse, cherche à trouver sa position vis-à-vis de l’autre, elle ose poser une autre question, celle concernant l’habitation et étrangement la réponse la soulage. Elle ne sait pas vraiment, elle ce qu’elle préférerait, mais elle ne se voyait nullement être à un autre endroit qu’au côté de celui qu’elle épousera, peu importe ce que cela implique, peu importe si cela signifie qu’il faut tout, quitter, ou prendre le risque de tout perdre. Elle sursaute légèrement quand il avait déposé ses lèvres sur son front, elle avait presque eu un léger mouvement de recul avant de lui offrir un long et large sourire sincère.

- « Attention mon cher, c’est dangereux de jouer à ce jeu-là » murmura la jolie brune, la voix pleine de taquinerie avant de reprendre tout son sérieux « Je n’éprouve nul besoin. » Déclara-t-elle « Hormis celui de partager la vie de mon époux, que ce soit ici ou ailleurs, cela ne m’importe peu, une femme à des devoirs et des obligations et celle de soutenir celui à qui elle a dit oui en fait partie. Si je ne puis avoir qu’une seule et unique demande à vous formuler cela serait bien celle-ci, ne m’épargnez pas, jamais. Si vous tenez vraiment à être un prétendant, puis je l’espère mon futur époux. Alors, ne m’épargnez ni dans vos humeurs ni dans vos déplacements. Je veux être à vos côtés, même si cela signifie prendre des risques sur les déplacements entre ici et Ventfroid. Cela m’est également, mais par les trois, ne cherchez jamais à m’épargnez, ne me reléguez pas à une vulgaire petite chose fragile qu’il faut protéger. »

Victoire abandonna le regard du banneret pour la contemplation des fleurs, du buisson et laissa un nouveau silence s’installer, elle avait besoin d’avoir son avis, de connaître sa position. Elle était même surprise que ce point soit abordé si tôt, finalement les deux jeunes gens semblaient réellement avoir envie de vivre une histoire, longue et intense… Si bien que le sujet de l’avenir s’imposait à eux plutôt naturellement.

Victoire n'avait pas tort, elle était issue d'une famille qui était réputée pour les gants qu'elle ne prenait pas, pour leurs esprits vifs et leur façon de procéder qui étaient dignes des hautes cours du royaume. Pour autant l'homme avait droit à un traitement de faveur et, en cela, il était plus que tenté de faire de même avec la jeune femme avec qui il se trouvait dans les jardins du Duc en cette belle après-midi. Il ne pouvait nier être tenté de la protéger également, sans doute parce qu'il avait déjà tant perdu qu'il ne désirait pas la perdre elle aussi. Elle lui correspondait si bien, il appréciait tant sa fraicheur et sa franchise, ses paroles piquantes et son intelligence déliée, qu'il ne se voyait pas vivre sans elle à ses côtés. La preuve en était sa demande de la revoir en un si court laps de temps au-delà de tout protocole de bienséance.

- Si vous n'êtes bienveillante qu'avec moi, cela me convient fort bien.

Il sourit un peu plus, s'amusant autant de la pique qu'elle venait de se lancer que de cette évidence qu'il venait d'évoquer. Pour lui cela importait peu qu'on la voit comme une femme peu accessible, du moment qu'elle l'était pour lui. Idalie aurait sans doute également la clef de ce mystère que représentait Victoire. Le baiser que Zephyr eut envers celle dont il voulait faire son épouse ne manqua pas de surprendre cette dernière, agréablement à n'en point douter, mais le sujet de leur discussion était malgré tout par trop grave pour ne pas être évoqué à cet instant présent, sans attendre et avant qu'il ne rencontre les parents de Brasey.

- Savez-vous vraiment ce que sont ces choses ?

Questionna avec prudence et un brin de scepticisme le Banneret tandis qu'il dardait sur elle son regard gris qui allait en s'assombrissant malgré lui.

- Vous savoir à mes côtés chaque soir serait un bonheur, mais imaginer qu'il puisse vous arriver malheur me rendrait furieux et dangereux. S'il vous arrivait ce qui est arrivé à Ambre de Ventfroid par exemple, manquer de vous perdre risquerait de me rendre tyrannique et surprotecteur à votre encontre, ce que je ne désire point être.

Il tenta un sourire qui échoua lamentablement, le sérieux reprenant définitivement sa place dans leur échange.

- Vous n'êtes point une chose fragile Victoire, bien que vous sachiez fort bien donner le change, mais supporteriez-vous de risquer le pire ou même de me voir mutilé ou massacré ? Vous l'avez dit, l'âge avance et mon corps porte les stigmates des combats que j'ai mené et des guerres auxquelles j'ai participé. J'aspire à la paix, mais mon épée versera le sang jusqu'à la fin de mes jours et nos enfants porteront sur leurs épaules la charge qui nous incombe actuellement.

Il la fixait d'un regard vibrant d'intensité, tandis qu'il passait en revue dans son esprit tous les risques, pesait le pour et le contre, jaugeait d'un œil songeur celle qui disait ne pas vouloir être épargnée. Par les Trois, lui était-elle donc déjà dévouée à ce point ? Qu'avait-il fait pour mériter tant de volonté de sa part et où puisait-elle une telle détermination ? Quelque part au fond de lui, un sentiment de fierté naquit à cet instant et un sourire revint à l'assaut de ses lèvres sans même qu'il ne s'en rende compte.

- Si vous ne craignez point le danger, alors je vous emmènerais avec moi au domaine Ventfroid afin que je vous présente officiellement aux maitres des lieux. Je vous protègerais du pire au front et vous aurez en charge les intrigues dont votre famille a le secret, ainsi nous nous équilibrerons et feront face envers et contre tout.

Une façon comme une autre de présenter les choses, mais à cet instant Zephyr songeait avec un bonheur prudent qu'il n'avait jamais eu personne qui refusa de rester en arrière à le laisser guerroyer sans le suivre. Victoire portait fort bien son nom et le Banneret ne doutait pas qu'elle dissimulait encore bien des secrets qu'il lui tardait de découvrir.

Spoiler:

Victoire se contenta une nouvelle fois d’opiner la tête, la conversation n’avait plus rien de joyeux ou de taquin, non. Elle venait de se voiler d’un sérieux particulièrement éprouvant pour les deux côtés. La cadette écouta la première question avec une légère surprise dans le regard, sous réserve qu’elle fût ignorante sur les véritables risques faisait-elle quelqu’un d’inconscient ? Non, elle n’avait jamais vu de fangeux, ni même de banni, elle ne s’était jamais retrouvée avec une lame sous la gorge, mais cela ne changeait absolument rien à cette volonté sans faille. Elle fronça légèrement les sourcils, visiblement contrariée par ce sous-entendu qu’il ne lui plaisait guère.

- « Non. Je n’ai nullement idée de ce que représente les risques de fangeux, ni même des bannis ou autres. Cela ne change rien à mon idée de départ. »

Victoire avait légèrement relevé les yeux vers lui, n’ayant visiblement que faire de ce regard teinté d’une aura plus sombre. Elle se contente de lui offrir un sourire, un brin rassurant, un brin trop insouciant. Elle était jeune la cadette, inexpérimentée dans bon nombre de domaines, mais surtout la jeune femme était particulièrement têtue. En revanche, la comparaison à la belle et redoutable femme Ventfroid interpella la plus jeune, qui n’allait pas manquer de le questionner sur le sujet.

- « Il ne faut pas toujours voir le mauvais côté… J’entends en revanche parfaitement bien vos craintes et je ne pourrais que plier à votre volonté. Si vous préférez que j’reste ici, alors il en sera ainsi. » Qu’il pensait qu’elle disait, mais ça ne serait certainement pas le cas « En revanche, j’ai bien peur de ne point comprendre la globalité de vos propos, où est le rapport avec la dame de Ventfroid ? »

Constance prit une longue et lente respiration en écoutant les différents arguments, les différents propos, il avait raison, lui et elle venaient de monde complètement opposé, cependant la jolie brune ne se démonta pas pour autant. Elle déposa une main sur son épaule, pivotant légèrement pour lui faire, face, la jeune femme semblait parfaitement jouer de ses charmes sans le vouloir. Une main de ses mains vint effleurer le visage de Zephir, une fraction de seconde, juste le temps qu’il puisse ressentir un léger frisson au contact de sa peau sur la sienne.

- « Si nos projets se concrétisent, je vous jurerai fidélité et loyauté, je jurerai devant les trois de vous chérir et vous combler. Peu importe les cicatrices, votre âge et les risques que vous encourrez. Il est évident que je m’inquiéterais à chaque sortie, à chaque combat, que je ne parviendrais pas à vous sortir de mon esprit, mais ça sera la vie que j’aurai choisie devant les trois, devant bon nombre de personnes certainement. Alors, oui, oui je vous le redis c’est bien là ma décision. Mais encore une fois, si ce n’est point la vôtre, je l’entendrai parfaitement. »

Le regard de Victoire n’avait pas quitté celui du banneret, elle avait prononcé chacune des paroles lentement, s’assurant qu’il en assimiler bien la profondeur et l’engagement. Si on pouvait reprocher à Victoire sa froideur, son côté hautain et peu amical vis-à-vis de certaines gens, on ne pouvait lui reprocher sa loyauté et ses engagements, elle était très croyante et n’iraient jamais jusqu’à un serment devant les dieux si elle ne se sentait pas capable d’en assumer pleinement les conséquences. Les propos qui suivirent tirèrent un large sourire à la cadette, elle se contente d’opiner lentement :

- « Qu’il en soit ainsi, nous verrons donc cela une fois vos épreuves réussies, ce dont je ne doute absolument pas. » Elle afficha un léger sourire en coin réajustant une taquinerie « En revanche, au risque de vous décevoir, j’ai déjà rencontré les Ventfroid lors du mariage de ceux-ci, la cadette de la famille de Mirail est une amie. »

Victoire était décidément pleine de surprise.

D'aucun aurait affirmé qu'elle était folle ou inconsciente, voir les deux, mais si d'un côté Zephyr percevait chez Victoire une certaine insouciance face aux dangers qui pourraient la menacer, une part de lui ne pouvait qu'admirer cette confiance qu'elle plaçait en lui. Quoi qu'il arrive, elle le suivrait. Un homme pouvait-il demander davantage à sa future épouse ? Braver la Fange et les Bannis pour vivre avec lui, s'exposer au manque de confort et à la rudesse d'une vie loin du confort et de l'abri de la cité, tout ça par devoir et affection ? A lui sourire comme elle le faisait, la brune n'en paraissait que plus jeune, à la fois forte et fragile, quoiqu'elle puisse jamais en penser, son futur époux aurait toujours à cœur de vouloir la protéger d'une façon ou d'une autre. Peut-être lui apprendrait-il -si elle ne le connaissait pas déjà- le maniement de la dague comme il l'avait enseigné à Idalie. Savoir se défendre dans un tel monde et ne pas redouter la vue d'une lame n'était pas négligeable et peut-être le Banneret prendrait-il le temps de lui demander ce qu'elle en pensait et si cela pouvait l'intéresser. Vu son tempérament, il y avait fort à parier qu'elle pourrait accepter.

- Si vous êtes prête à tout risquer, alors je ne vous laisserais point en arrière à guetter les missives ou mon retour comme une âme en peine.

Ainsi rendait-il les armes à ce sujet, n'ayant guère envie de batailler en vérité puisqu'il percevait très nettement le sursaut de caractère de la jeune femme et cette détermination sous-jacente qui laissait présager un avenir en commun ne manquant pas de rebondissements. Il omit volontairement de préciser sa pensée au sujet de Ambre de Ventfroid, ignorant en vérité quelles informations avaient pu se propager jusqu'ici et ce qui avait été soigneusement occulté. Au lieu de cela il parla de son âge et de ses cicatrices, provoquant un geste de la part de la fille de Brasey assez inattendu. Sa peau était douce sur la sienne rendue rugueuse par la fatigue et les dernières semaines où il n'avait guère eu le temps de prendre soin de lui -mais quel guerrier le pouvait ?- cependant il se félicita intérieurement de s'être rasé de près car il pu ainsi savourer pleinement ce bref contact. Leurs regards ne se détournaient pas et chacune des paroles qui furent prononcées se gravèrent dans l'esprit du Banneret, lequel sembla se détendre et laisser passer les nuages au fond de ses yeux gris. Peut-être le menait-elle un peu trop par le bout du nez, à moins que ce ne soit parce qu'elle possédait cette chose qu'il ne parvenait à formuler, mais à laquelle il avait jusqu'à présent toujours aspiré. Puis finalement l'instant s'échappa et il fut question de se rendre au domaine Ventfroid, la réponse de Victoire ne manquant pas de faire naitre un sourire au coin des lèvres de celui qui se voyait déjà comme son promis.

- Je ne doute point que vous les connaissiez, mais je parlais de vous présenter officiellement comme mon épouse une fois que nous serons mariés.

Ainsi signait-il de ses mots son désir de l'épouser et de l'emmener avec lui, en une seule et même parole, lui offrant un regard complice avant qu'il ne lui propose de nouveau son bras avec galanterie.

- Si ma Dame le veut bien, j'aimerais encore marcher un peu avant que je ne songe à gagner notre défi.

La guidant de nouveau sur le chemin, il songea qu'il restait encore beaucoup à connaitre de la brune et qu'ils avaient encore quelques heures devant eux, ou peu s'en fallait.

- J'ai appris de mes sœurs qu'il importe beaucoup à une jeune femme que celui qui la courtise soit au fait de certains détails d'importance. Aussi puisqu'il me faut vous faire confectionner une robe, quelle est la couleur que vous préférez porter lorsque le choix vous appartient ?

Après tout bien que la teinte actuelle soit des plus osées et la mette merveilleusement bien en valeur, faisant ressortir à la fois son teint, la couleur de ses cheveux et s'accordant parfaitement avec son tempérament, ce n'était peut-être pas celle qui avait sa préférence. Zephyr avait sans doute vécu un peu trop longtemps avec pour seule compagnie sa sœur cadette, à s'occuper de la sorte de tels détails que d'aucun homme trouverait sans grande importance, mais il lui importait de savoir ce qui pourrait ravir le cœur de sa dame. Ce n'est pas parce qu'on était au bord de l'extinction qu'on avait pas le droit d'offrir quelques présents.

Le sourire de Victoire s’était élargi, s’était fait plus sincère, plus révélateur du petit caractère qu’elle pouvait avoir. La cadette semblait ravie d’avoir gagné cette petite négociation, bien qu’elle soupçonne encore celui qui lui faisait la cour de revenir sur le sujet une fois l’union prononcée, si l’union à lieu un jour. Elle était ignorante la brune, insouciante aussi, chose à la fois terriblement attendrissante, mais aussi révoltante. La plus jeune des De Brasey, l’inconsciente qui n’avait jamais mis le nez dehors lors de la fange souhaitait braver les interdits pour suivre celui dont elle s’éprenait petit à petit, ou simplement fuir sa propre famille. Personne ne le sera jamais vraiment, sauf peut-être la brune au regard parfois si sombre. Enfin, quoi qu’il en soit, il avait cédé, elle avait gagné lui perdu, c’est tout ce qui lui importait sur l’instant.

- « C’est très aimable à vous de prendre mes besoins et mes envies en considération. » Murmura la jolie brune, plutôt sincère.

Il n’était pas rare qu’elle soit remise à sa place par les membres de sa famille, généralement les propos qu’elle pouvait tenir, n’était pas vraiment entendu, ou du moins pris en compte. Ainsi, elle était réellement satisfaite, sincèrement touchée qu’il accepte de lui céder ce compromis, tout en conservant quelque part dans sa pensée, le risque qu’une fois les vœux échangés le comportement de celui qui représentait une véritable tentation change. Comme beaucoup d’hommes. La main qu’elle avait posée sur sa joue se retira doucement et la cadette ne put s’empêcher de s’en vouloir de la retirer si rapidement, elle avait apprécié ce contact bref, la sensation de la peau de Zephyr sur la paume de sa main. Le contact n’était cependant pas quelque chose de bien vu ni de commun pour deux personnes débutant à peine une fréquentation, qui pour l’heure n’était absolument pas officielle. En revanche, Victoire eut du énormément de mal à cacher sa surprise quant à la suite de la conversation, si jusqu’à maintenant les mots étaient toujours remplis de sous-entendu, de peut-être, de suppositions diverses et variées, cette fois il n’y en avait plus. Elle en fut touchée, un peu trop, puisqu’elle reste quelques longues secondes sans réaction, à le regarder avec cette envie de l’enlacer, de le serrer contre elle. Victoire abandonna l’idée en reglissant son bras sous le sien, reprenant cette marche innocente qui lui permettait de ne plus penser à cette idée complètement déplacée.

- « Ou à le perdre » rectifia un peu taquine la cadette

Une nouvelle fois, le comportement du banneret laissa sans voix la jeune femme, qui ne peut s’empêcher de stopper sa marche, pivotant légèrement vers lui. Voulait-il sincèrement savoir sa couleur favorite ? La brune avait légèrement froncé les sourcils, vraisemblablement déstabilisés. Elle n’avait pas l’habitude qu’on se soucie d’elle, de ses humeurs, de ses goûts et devant cette attention de nouveau touchante. Victoire ne savait comment réagir, quoi faire, ses deux yeux foncés l’avisaient longuement, comme-ci elle attendait de lui une réponse. Ses lèvres finirent par s’entrouvrirent alors qu’elle reprenait sa marche, l’air de rien, pensive, elle n’avait toujours pas répondu, parce qu’elle ne s’était jamais vraiment posé la question. Victoire enfilait les vêtements que les domestiques lui préparaient, toujours avec de l’aide, elle mettait des tenues qui d’après ceux ayant le goût de l’esthétisme lui ravivait le teint, la mettait en valeur. Non, la jeune femme ne s’était définitivement jamais posé la question. Elle avait toujours agi comme il fallait, non comme elle en avait envie. Et aussi surprenant que spontané sa réponse aurait certainement le don d’amuser le banneret.

- « Aucune, j’aime ne rien porter du tout. » Venait-elle de dire qu’elle aimait rester des heures nues dans sa chambre ? Ses joues s’empourprant elle se rectifia presque immédiatement « Heu, non, ce que je veux dire, c’est qu’aucune couleur ne me plaît particulièrement plus qu’une autre… » elle s’enfonce, elle le sent, elle le sait, vite une couleur, peu importe laquelle, elle avise une rose et hop elle le dit « Rose, rose clair, c’est très bien. C’est une belle couleur. » Elle a l’impression de couler la cadette de se nouer alors elle change de sujet « Et vous, une couleur préférée, vous n’avez cas également choisir, cela me permettrait de me faire à vos goûts… »

Nul doute que si Zephyr avait pu percevoir les pensées de la jeune femme, aurait-il sourit devant une telle façon de penser. Le simple fait d'avoir gagné une manche suffisait à la rendre heureuse et à l'amuser, même s'il soupçonnait plus fortement que ce soit d'accéder à ses désirs et ses aspirations qui rendait Victoire si guillerette et malicieuse. Si elle avait su à quel point face à quelqu'un qu'il n'apprécie pas, son prétendant pouvait être absolument intraitable et glacial, elle aurait sans doute trouvé étonnante cette façon qu'il avait de se comporter en sa compagnie, mais il paraissait que l'amour avait certains pouvoirs sur les êtres et l'on ne pouvait douter en voyant ce couple de tendres colombes au milieu des jardins. Le doux contact d'une main délicate sur une joue, un long regard échangé, à croire que les Trois eux-mêmes bénissaient cette future union en offrant aux deux personnes de sincères sentiments qui allaient s'ancrer de plus en plus profondément à mesure que le temps passerait. Ils avaient reprit leur marche et la taquinerie était de retour chez la brune, cependant elle ne s'attendit pas à ce que le Banneret la surprenne avec une question que Idalie aurait pourtant qualifiée de très classique, preuve en était que l'on avait tenue la fille de Brasey bien trop à l'écart des choses essentielles de cet univers mondain auquel normalement toute bien née se devait de pouvoir faire face. Une simple question sur sa couleur préférée pour la robe qu'il lui ferait confectionner et tout dérapa de la belle des façons.

- « Aucune, j’aime ne rien porter du tout. »

S'ils n'avaient pas stoppé leur marche, nul doute que l'homme l'aurait fait à l'entente de ces mots qui eurent le mérite de lui faire hausser un sourcil, puis poindre immédiatement un sourire au coin des lèvres qu'il peina à réfréner, d'autant plus que Victoire rougissait violemment et tenta de se rattraper plus maladroitement encore qu'elle ne venait de donner le fond de sa pensée. Une couleur fut donnée sans conviction, comme on se débarrasserait d'un indésirable en lui jetant la première chose venue à la tête et cette fois Zephyr éclata de rire pour de bon. Grave et un peu rauque, son rire fut comme un écho de bonne humeur et la question qui lui fut retournée ne parvint qu'à peine à calmer cet amusement. Le Banneret secoua la tête et s'apaisa bon gré mal gré, venant prendre la main de la jeune femme à qui il offrit un sourire digne d'un jeune homme conquis.

- Ah ma chère, vous avez vraiment le don pour me prendre au dépourvu.

Il porta sa main à ses lèvres et, cette fois, y déposa les siennes en la fixant d'un vif regard gris, souriant en coin en s'amusant grandement de la situation, peut-être un peu trop eut égard au malaise de la noble.

- Puissiez-vous ne point changer pour moi.

Il libéra sa main et songea que le rose n'était certainement pas la véritable couleur à laquelle aspirait la jeune femme, pas avec les tenues qu'elle avait arboré en sa présence ceux derniers jours. En ce qui le concernait, c'était hélas quelque chose de très commun et d'assez classique.

- Le noir et le bleu me conviennent, même si ma sœur insiste pour que j'arbore des touches de couleurs plus vives. J'ai dans mes affaires un habit rouge que je n'ai porté que deux fois durant ma vie et j'espère toujours pouvoir esquiver le jour où il me faudra l'arborer de nouveau, être remarqué n'est pas ce que je préfère loin s'en faut. Du bleu conviendra fort bien.

Ainsi évoquait-il un peu de ce malaise qui était le sien face à ce que les convenances voulaient qu'un homme de son rang porte, espérant ainsi pouvoir atténuer la gêne que devait encore éprouver Victoire et que, bien qu'il trouva cela attendrissant et divertissant, devait être passablement désagréable à cet instant pour celle qu'il espérait épouser.

- Vous ne me ferez pas croire cependant que le rose a votre préférence, aussi je vous laisse prendre le temps de la réflexion et me faire savoir quelle teinte vous souhaiteriez pour votre robe.

Il lui faisait face avec un regard vibrant d'intensité et une lueur au fond de ses yeux clairs qu'il n'avait pas arboré jusqu'à présent, mélange de désir et de sentiment plus diffus, d'une volonté claire de l'étreindre dans ses bras et d'oser l'embrasser pour de bon au-delà de toute convenance.

- Vous a-t-on déjà dit à quel point vous étiez belle lorsque vous rougissiez ?

Elle était belle, spirituelle, piquante dans ses provocations et ses jeux, un brin manipulatrice à n'en pas douter -mais quelle femme ne l'était pas ?- pourtant elle était aussi jeune et naïve par bien des aspects, tel un oiseau tentant de prendre son envol sans savoir exactement où le vent pourrait le mener. Elle avait de l'audace et conservait malgré tout un jardin secret qu'il lui tardait de trouver la clef.

Zephyr venait d’éclater de rire, sincèrement amusée visiblement par le comportement et la réflexion de la cadette. Celle-ci semblait particulièrement gênée par la situation, se pinçant la lèvre inférieure, elle essayait de ne pas montrer le malaise qui commençait à naître en son fort intérieurement. Le banneret venait de prendre les mains de la brune entre les siennes, elle ne put s’empêcher de rougir avec cette intensité qui lui était propre. Qu’est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour dire une sottise pareille. Elle se pinça la lèvre inférieure, releva son regard jusqu’à celui de Zephyr, se perdant un instant dans ses deux yeux pleins de profondeurs. La main de son interlocuteur avait finalement glissé jusqu’à sa joue, effleurant ses lèvres, geste qui fit frissonner la brune sans qu’elle ne puisse réellement en identifier la raison. Sans crier gare c’est un tout autre événement qui prit la jeune De Brasey au dépourvu, lentement mais sûrement les lèvres de son interlocuteur se déposèrent sur le dos de sa main. La cadette le regarda, sans pour autant prononcer un seul mot, visiblement perturbé par l’échange et la tournure des événements.

- « Puissiez-vous respecter davantage les coutumes mon très cher Zephyr. »

Il fallut un peu plus de temps à la jeune femme pour reprendre ses esprits, les regards se croisant et se recroisant la perturbant toujours davantage, tout comme les paroles de cet homme qui ne semblait pas prendre en mesure ce qu’il provoquait chez elle. Victoire afficha un petit sourire essayant de conserver son sérieux, sa prestance :

- « Votre sœur à très bon goût le rouge est une couleur que j’apprécie énormément aussi. Vous n’avez en effet pas tort, le rose n’est point ma préférence, j’aime les couleurs un peu plus vives, je dois avouer que ma nature discrète me pousse à porter des tissus plus voyants. »

Une nouvelle fois son regard se perdit dans celui de Zephyr, sans pour autant le détourner, sans pour autant avoir envie de s’y détourner. La situation était en train d’échapper au contrôle de la jeune femme, autant qu’elle échappait à celui de son interlocuteur, le silence était en train de s’installer entre eux, juste après qu’il est prononcé un compliment qui força la rougeur sur les joues de Victoire. Celle si pivota entièrement face à lui, dévisageant ce visage, la cicatrice, elle y déposa une nouvelle fois sa main, effleurant la marque du bout des doigts, se hissa sur la pointe des pieds rapprochant ses lèvres de celle de Zephyr sans pour autant les toucher, laissant simplement les souffles se caresser. Ce n’était pas une tentation réalisée en toute conscience, non, Victoire répondait à une envie, tout en essayant de lutter avec elle-même pour conserver les traditions. Il serait fou d’admettre une attirance non maîtrisable après deux rencontres seulement, encore plus fou d’y céder, encore plus fou d’oser déposer ses lèvres sur celle du banneret. Pourtant la tentation est bien là, il lui suffirait juste de se pencher, d’anéantir les quelques centimètres qui séparent encore les deux lèvres. Elle murmure doucement :

- « Vous n’êtes qu’une tentation, monsieur d’Auvray… Est-ce qu’on vous l’a déjà dit ?»

A cette distance, elle pouvait sentir son souffle sur sa peau, comme il pouvait le sien sur la sienne, elle sentait son odeur, mémorisait les traits de son visage, les poils de sa barbe et les rides qu’ils pouvaient déjà avoir, elle approcha ses lèvres encore un peu jusqu’à presque les effleurer celle du banneret avant de finalement se reculer plus rapidement par acquit de conscience ou simplement par crainte d’être prise à son propre jeu. Conservant une distance moindre, mais une distance quand même, elle reprit la parole de sa voix habituelle essayant de faire oublier ce moment de perdition.

- « N’était-ce point vous qui avez évoqué la volonté de marcher davantage ? »

Le trouble qu'il avait fait naitre chez elle n'était pas totalement volontaire, mais une part de lui-même n'avait de cesse d'exacerber cette attirance entre eux et de pousser les choses aux limites de la bienséance, flirtant avec le feu au risque de se brûler. Victoire était aussi troublée que troublante, elle avait cette aura qu'on les fleurs qui ne demandent qu'à s'épanouir, cette fraicheur de la jeunesse encore sauvage dissimulée derrière des apparences de bienséance qui ne pouvaient tromper. Zephyr sentit cette fine main venir caresser sa cicatrice encore si récente qu'il y a peu cela aurait pu être douloureux, puis il vit les lèvres de la jeune femme venir à la rencontre des siennes, se suspendant à un souffle les unes des autres, comme retenues par un mur invisible que l'on appelait la morale ou les coutumes. Il n'y avait pas que l'amour en cause dans cette histoire, il y avait aussi du désir, de l'envie, une volonté commune de se rapprocher et que chacun rabrouait de son mieux dans le but de conserver intacte la réputation de l'autre.

- « Vous n’êtes qu’une tentation, monsieur d’Auvray… Est-ce qu’on vous l’a déjà dit ?»

Une ombre de sourire passa fugacement sur le visage de l'homme dont la voix, basse, s'éleva en un souffle venant caresser les lèvres de la jeune femme qui lui faisait face.

- De nous deux vous êtes sans doute la plus étourdissante ma Dame.

Aurait-il cédé à son désir de l'embrasser si elle ne s'était pas écartée ? Il n'était qu'un homme après tout et se serait certainement laissé aller à un tel manquement à la bienséance, si la fille de Brasey n'avait pas réussi à vaincre ses propres aspirations en reculant vivement, bien trop soudainement en vérité pour ne pas confirmer l'état dans lequel ils se trouvaient tous deux.

- « N’était-ce point vous qui avez évoqué la volonté de marcher davantage ? »

Le souffle court sans qu'il n'y ai prit garde jusqu'à présent, le Banneret cligna rapidement des paupières avant de sourire légèrement, comme sortant d'un rêve éveillé dans lequel il serait volontiers resté encore un peu. Lui proposant le bras, il se contenta d'acquiescer seulement sans rien ajouter au sujet de ce qui venait de manquer de se passer, son esprit hurlant intérieurement pour qu'il la prenne dans ses bras pour ne plus jamais la laisser s'éloigner de lui. Une folle pensée qu'il chassa d'une profonde inspiration destinée à calmer ses ardeurs.

- Il n'y a rien de mieux qu'une promenade au milieu des jardins, assurément. Et puisque nous en sommes là des révélations, je choisirais donc le rouge pour votre robe et demanderait à ce qu'elle soit assortie à la tenue que je possède. Ce sera un deuxième présent que je vous ferais.

Et une bonne surprise, assurément, lui qui ne portait que du noir, du gris ou du bleu en quantité, il y avait fort à parier que lorsque Idalie le verrait remettre le nez dans sa penderie à la recherche de cet habit, elle l'inonderait de questions toutes plus indiscrètes les unes que les autres. La course de l'astre du jour avait progressé dans le ciel et l'on devinait aisément en être déjà au milieu de l'après-midi, la chaleur était à son plus haut mais la fraicheur dispensée par l'ombre des arbres permettait aux deux de respirer à leur convenance.

- Je vais m'atteler à votre défi dès demain Victoire sachez-le. La vie est trop courte en ce monde pour laisser le bonheur s'enfuir et chaque instant passé à vos côtés m'est un ravissement.

Il tourna la tête vers elle tandis qu'ils progressaient au milieu d'une petite allée, lui souriant avec une certaine tendresse dans le regard. Il ne doutait pas que le défi que représentait les parents de la belle serait conséquent, mais il se sentait prêt à tout affronter pour gagner la main de sa Dame et, à cet instant, c'était là une évidence que personne n'aurait pu contester.

Victoire avait pris une longue inspiration essayant de retrouver son calme, de calmer ses envies aussi soudaines qu’incompréhensibles. Elle était connue pour toujours conserver un contrôle sur une situation, là elle sentait bien que tout était en mesure de basculer d’un instant à un autre. Passant son bras sous celui de Zephyr, la brune tachait de se ressaisir, avançant à son rythme sans oser le regarder par crainte de céder à une nouvelle pulsion soudaine qui pourrait les amener tous les deux à bien des inconvénients. Les mots qu’il avait formulés n’avaient qu’à peine semblé être entendus par la jeune femme qui s’efforçait de se concentrer uniquement sur son environnement, imaginant bon nombre de choses.

- « Je serais ravie de me présenter dans une tenue assortie à la vôtre, Zephyr, cela serait même un honneur, j’espère que cela n’attirera point la curiosité de votre cadette, même si l’idée d’être un sujet de conversation entre votre sœur et vous serait particulièrement flatteur. »

Elle avança doucement, toujours en respectant son rythme, laissant sa main chercher la sienne au fur à mesure de l’avancement de leur marche, quand elle effleura enfin la sienne, elle sursauta légèrement et cessa presque immédiatement leur marche. Elle devait partir, la cadette venait d’en prendre conscience, l’astre était déjà bien haut dans le ciel, la tentation semblait s’agrandir plus le temps passé en sa compagnie augmenter. Elle prit une légère inspiration, stoppant donc l’avancée, elle pivota légèrement vers lui, affichant une petite moue contrariée.

- « J’ai hâte de voir le résultat de votre défi monsieur d’Auvray, je suppose que vous m’excuserez, malheureusement, j’ai l’intuition qu’il est grand temps que nous nous quittions afin d’éviter tout dérapage si je puis dire… » elle affiche un petit sourire au coin.

Elle s’éloigne lentement, effectue une révérence parfaite, digne des grandes dames, puis incline poliment la tête en direction du banneret.

- « Monsieur, j’étais ravie de vous revoir et je me réjouis par avance de notre prochaine rencontre. »

Victoire incline de nouveau poliment la tête sans pour autant offrir sa main, elle souhaite éviter au maximum tout contact physique qui pourrait en entraîner un autre. Elle affiche un petit sourire puis disparaît dans un chemin des jardins ducaux, elle avance un peu, puis s’arrête net dans ses mouvements. Prends une longue inspiration, remonte de chaque côté sa robe, fait demi-tour au pas de course et retrouve rapidement la trace du banneret :

« Zephyr ? Attendez » annonce-t-elle de façon à se faire entendre.

Elle attend simplement qu’il se retourne pour cesser sa petite course, ne lui laisse pas vraiment le temps de réagir s’engouffre dans ses bras se hisse sur la pointe des pieds et vient déposer ses lèvres contre celle du Banneret. L’échange ne dure pas énormément, pas plus de quelques secondes, le temps qu’une sensation de chaleur se propage d’un corps à un autre, le temps qu’une de ses mains passe sur sa joue, souligne sa cicatrice avec difficulté puis c’est fini, elle se détache se recule, les joues roses, les yeux brillants, elle relève les yeux vers lui, refait une jolie révérence puis murmure dans une certaine douceur :

- « A très bientôt monsieur d’Auvray »

Victoire redisparait à nouveau, d’une marche plus rapide. Elle a l’impression de mourir de chaud, ses bras sont encore recouverts de frissons qu’elle semble s’être elle-même infligés, cependant elle a un sourire rayonnant sur les lèvres. Nul de regret sur son visage, bien au contraire. On a qu’une vie ne cesse-t-elle de se répéter.

Il imaginait sans mal quel flot de questions lui tomberait dessus si Idalie le voyait ressortir cette tenue rouge qui avait le don de lui donner l'impression d'être le centre d'attention de tous, mais l'idée que Victoire puisse être à ses côtés suffisait à donner à cette idée une nouvelle dimension des plus intéressantes. Pour autant l'heure avançait et la dame de ses pensées sursauta soudain, stoppa leur marche au milieu de l'allée et tourna vers lui un regard difficile à déchiffrer, mais qu'il lui semblait reconnaitre vaguement. Ainsi l'heure était venue pour eux de se quitter afin de pouvoir continuer à respecter les convenances et le petit sourire qu'elle affichait en disait bien plus sur le fil de ses pensées que les mots qu'elle prononçait.

- Soyez sûre que j'en fut tout autant ravi.

Le Banneret s'inclina poliment lorsque la jeune femme lui fit une révérence si parfaite qu'on aurait dit un modèle de perfection, puis sentit son cœur se serrer un peu en la voyant s'éloigner, disparaissant de sa vue en tournant au coin d'un buisson savamment taillé. Une chape de plomb sembla lui tomber soudain sur les épaules et l'homme soupira doucement avant de se détourner à son tour, repartant dans l'autre sens d'un pas aussi lent que son esprit était agité. Il avait un défi à honorer désormais et de celui-ci allait dépendre bien des choses, notamment le délai durant lequel il lui faudrait patienter avant de pouvoir faire sa demande officielle auprès de la famille de Brasey. Nul doute qu'il trouverait la meilleure couturière qui soit pour s'occuper de cette difficile entreprise et il saurait y mettre le prix si nécessaire, pourvu que la robe soit parfaite et qu'elle n...

« Zephyr ? Attendez »

L'interpellé se retourna, surpris, ses yeux gris accrochant de justesse la silhouette qui courait vers lui alors qu'instinctivement il faisait un pas non pas vers l'arrière comme lors d'un combat, mais vers l'avant pour mieux se retrouver contre celle qui venait de le rejoindre et déposait ses lèvres sur les siennes. Sa main se fit sentir sur sa joue et celles du noble vinrent se poser sur la taille si menue de la Dame de ses pensées au baiser duquel il répondit avec juste assez de retenue pour ne pas être totalement indécent. L'odeur de la jeune femme grisa ses sens et s'imprima dans sa mémoire alors même que la main habituée à tenir une épée venait caresser les cheveux bruns avec une douceur nouvelle. Le contact fut trop bref, l'instant à la fois court et semblant pourtant s'étirer à l'infini dans le temps alors même que déjà Victoire s'était de nouveau écartée de Zephyr, les joues rouges et le regard aussi brillant que les orbites grises qui la fixait avec intensité.

- « A très bientôt monsieur d’Auvray »

Et déjà elle s'enfuyait, disparaissant pour de bon de sa vue alors même qu'il en restait tout interdit, clignant des paupières avec un air de doux rêveur sur le visage.

- ... A bientôt mon aimée.

Souffla-t-il sans même s'en rendre compte avant de se détourner, hagard et totalement absorbé par les vives émotions qui s'entrechoquaient dans sa tête et faisaient bondir son cœur dans sa poitrine. Il avait envie de hurler, de courir et de sauter comme un fou, ses muscles se contractèrent comme avant un combat, sauf qu'au lieu de dégainer l'épée, ce fut un large sourire qui illumina ses traits et sembla le faire rajeunir de quelques décennies. Son retour à domicile fut embrumé, sa cadette s'enquit de son état mais n'obtint pour toute réponse qu'un vague sourire béa auquel il faudrait plusieurs heures avant de disparaitre. L'Amour, le véritable, avait désormais établit sa demeure en son cœur.