Au boulot, mes gaillards ! [RP ouvert à tous]

« Qu'aboula l'captal pour qu'on s'doive l'aidance à Sire Crocheton, hein ?
- Que c'estoit la voulance d'son altesse, béjaune
- Avec moult respectance centenier, un gars pas foutu de mater sa danselette trop volage, j'y confie point mon castel.
- C'est point son castel, Ewald, juste eul'rempart. T'en as déjà miré, des remparts volages ?
- Peu m'chault ; avec plus qu'une louche et point de gonze, c'en dit long sur le ladre. Une tanche, que c'est Sire Crocheton, quoi.
- Garde t'en bien d'y dire, béjaune ; le voila qui radine. »

Intérieurement, Othon ne pouvait donner tort à son dizainier, tandis que se profilait devant eux la procession menée par le seigneur de Terresang. On se trouvait aux pieds du rempart Nord, là même où quelques mois auparavant, la boucane venue des mers s'était acornardie, semant hélas dans son sillage le dégât. On disait ça et là que c'était l'état piteux du rempart qui avait aguiché la canaille, l’exhortant à la pillerie. C'était ce même dégât qui faisait aujourd'hui débouler le sieur de Terresang et sa clique aux tabards ensoleillés.

À l'évidence, notre échalas de service ne savait guère de quoi penser du drôle. Certes, il ne pouvait oublier le bon sens de son coutiller, mais peste, tout maladroit qu'il fut, Terresang ne semblait guère penser à mal. C'était du reste suffisant pour que le duc - et Anür sait si ce dernier était devenu suspicieux - lui fasse suffisamment confiance pour lui remettre l'entretien de ses murailles. Quoiqu'il en soit, Othon n'était pas là pour asserter des talents de sieur de Terresang, ou de sa propension à garder tant ses mains que ses femmes. Envoyé aux pieds du rempart à la tête de deux coutèleries, il devait veiller au bon déroulement des travaux. Cela lui convenait très bien, tant qu'on ne lui demande de mettre la main à la pâte.

« Eul'bonjour sieur vicomte, lança-t-il en se portant au devant du nouveau venu, nostre bon captal nous a mandé pour apporter l'aydance sur le rempart. Mézigues et mes ladres veilleront à c'que la gueusaille intempeste point trop et que voussire ayez de la place à loisance. C'est sacrée coterie que vous avez là!
- Y sait rassembler les hommes, ça c'est sûr, lança Ewald, à défaut des donzelles... » Le dizainier écopa d'un taquet ganté à l'arrière du crâne.
« Vous offusquez guère de la jactance de mon coustil, messer vicomte, c'est de la mauvaise pousse. Allez, bousiers, au trot! »

Et la troupaille de prendre place.

Manque de pot, Sire Crocheton se révéla être du genre chatouilleux rapport à l'honneur et à la droiture. Othon en fut surpris ; la dégaine du drôle n'aurait présagé quelque pinailleur. Le gaillard alignait de la bouteille, et sa trogne parlait pour lui : on était loin du poudré de la cour, du peigne-cul trainant ses chausses derrière le duc pour lui dire que sa merde sent la rose.

Quoiqu'il en soit, messer de Terresang et ses ouailles semblaient avoir le sang chaud ; ça en disait long sur l'opprobre dont l'homme avait eu à souffrir, pour sûr. Que pareil foudre de guerre s'ébaudisse pour une danselette, c'était point naturel, pensa le centenier Zollern, adonc la garce avait du lu causer force peine et moult chagrin. À moins que sous ses livres de bardage tout ferré, eul'vicomte s'avérât une tante ; mais ça, personne ne s'était risqué à le dire, mis à part le coutiller trop locace.

Locace ou pas, il n'en était pas moins aux ordres d'Othon, et ce dernier eût perdu la face devant ses hommes s'il s'était laissé bafouer ainsi par quelque nobliau, tout vicomte qu'il soit. C'est que l'échalas lui-même était du bleu-sang, et s'il ne le rappelait guère à ses bousiers, ceux-ci avaient pu être tirés d'un mauvais pas en invoquant le nom de leur maître. En retour, la troupaille lui avait bien rendu, se gardant après quelque mois de lui donner du "messer" s'ensuivant de glaviots.

Ainsi, l'échalas devait bien à ses ouailles l’intercession suivante : « Soyez point trop dur avec mon coustil, sieur vicomte. Mon père, paix pour son âme, punissait lui les ladres qui portaient la pillerie à sa tour, mais avait toujours de la profusion de mansuétude pour ceux dont seul la langue un peu trop leste attirait bisbille. » Rien n'était moins sûr ; quoique plus pauvre qu'un artisan de la ville, le patriarche Zollern s'était borné à défendre honneur et droiture sur tous les tableaux, ce qui lui avait valu in fine mailleur à partir avec les Sarosse, et sa déconvenue le menant à l'exil. « Mon coustil pensait point à mal ; j'y frictionnerais les oreilles, pis la langue au savon s'il faut. Donnez lui point besogne pour pénitence, sieur vicomte : c'est vous qu'y trouveriez punition. La seule chose qu'y fassent bien de ses deux mains, c'est encore la lardoire : mauvais pâtre, mauvais meunier, mauvais maçon. Pas faute qu'il s'y soit essayé, mais le drôle est juste né pour la brette - ça explique sa mauvaise langue j'y gage. »

Un flottement s'ensuivit, durant lequel Othon lança un regard appuyé à l'intéressé, qui se fendit d'une révérence maladroite. « C'est véritance messer... et puis pour dire vrai, je suis point moqueur de vos embrouilles, tout le contraire. » « Ouais, voila, lui emboita l'échalas. Les gars et moi, on est tous bilieux rapport à vot'mie, messer. C'est point recte le tracas qu'elle vous cause, foi de Zollern. » Une rumeur d'approbation contrite parcourut la coterie, d'aucuns par compassion réelle, les autres peu désireux d'être envoyés à la corvée.

De l'avis du sieur Chrocheton à l'encontre de son paternel, Othon s'en contrefoutait bien. Il y avait une ironie certaine à voir notre échalas hausser les épaules tandis qu'on écornait la mémoire de son géniteur, après qu'il eut déployé trésor de langage pour défendre la cause de son coutiller, simple fils de tonnelier. Le contraste était symptomatique du grand chamboul'tout qu'avait été la vie de notre échalas de service, le Fléau venu. Si l'exil à la cour du duc avait d'ors et déjà su écarter le drôle d'oisel des siens, les Fangeux, eux, avaient parachevé l’œuvre. Non seulement dans la mesure où les mordeurs s'étaient acquitté d'un allé simple vers le séjour aqueux d'Anür pour toute la parentèle Zollern, mais ils en avaient de facto propulsé l'ultime rejeton dans les bras de la milice, où la nouvelle vie de notre héros s'était alors mise en branle. Or cette vie là, Othon ne l'aurait troqué contre nulle autre, et implicitement, ses compadres avaient pris la place de sa fratrie trépassée en acontre de la Fange.

Fort heureusement, l'intervention d'outre-tombe du patriarche des Zollern semblait avoir adouci l'humeur du seigneur crochet, qui ne s'obstina guère contre la troupaille et ses quolibets. Peut-être le plus lésé demeurait-il encore l'âme damnée de Terresang, celui qu'on avait appelé Podrick juste avant. Le drôle avait semblé si prompt à la brette face au guet ; nourrissait-il quelque rancune à l'endroit des hommes du duc ? Ou s'agissait-il seulement de son sang bleu trop prompt à bouillir ? C'est que le gandin, faute de brigand à mater ou de princesse à sauver, se retrouvait à assurer la garde de maçon et de contremaîtres. Forcément, ça devait agacer.

Quoiqu'il en soit, après avoir dispersé ses hommes autour du chantier, c'était au sieur Podrick qu'Othon s'intéressait désormais, plus pour dévier la conversation ailleurs que par réelle philanthropie, mais qu'importe. « C'est que j'ai point la chance de compter parmi les ladres parangon tel qu'votre escuyer, sieur vicomte, répondit l'échalas entreprenant de marcher aux côtés de son interlocuteur. Sangdieu, j'avois oncques miré pareil zèle chez un ladre depuis moult. Peste, la Fange se chierait droit au cul si l'guet jouissait d'autant de preux. Lieu de ça on écope de mauvais roustiers ; droiture et honneur, y comprennent mie. »

Citation :

Jet de persuasion

- Charisme d’Alexandre de Terresang : 11+1 (Je t’ajoute un bonus de 1CHAR pour l’effet provoqué par la récompense)
 18 raté
Ton discours a peu d’effet mais quelques personnes se joignent tout de même à ton équipe.

- Charisme d’Alexandre de Terresang : 11 (Pas de bonus ce coup-ci vu l’échec de ton discours)
 6 réussi
Tu réussis tout de même à capter l’attention d’une dizaine de personnes.

- Charisme d’Alexandre de Terresang : 11+1 (Je t’ajoute un bonus de 1CHAR pour la loyauté que tu inspires à tes hommes)
 5 réussi
Tu es suffisamment persuasif, tes échafaudages seront montés dans les temps.

Spoiler:

En un instant, Othon venait de retrouver ce qu'il avait constamment abhorré chez son paternel, en la forme de poncifs ampoulés sur les circonvolutions propres à la maison de Terresang, de Volaigle, de Serrerouge, ou tout autre nom à la con mettant maladroitement bout à bout deux mots tirés du dictionnaire. Si les années passées à la tour Zollern à devoir écoper des rengorgements de son ancien, qui quoique pas si différent d'un bouseux s'était accroché jusqu'au désastre à quel idéal futile hérité depuis des éons, c'était bien l'année passée au sein du guet qui avait achevé au cadet des Zollern de conchier allègrement cette propension notoire de la vieille noblesse à de branler frénétiquement sur des héraldiques. Au moins la maison d'Othon avait-elle eut la décence de ne point changer son patronyme en quelque connerie comme Ventfroid, sous prétexte qu'en dehors de leur château il y avait du vent et qu'il soufflait froid.

Non content de ressasser honneur & droiture, le vicomte de Terresang (dont on le gage, l'ancêtre, fin poète, avait du prendre tel patronyme car il avait versé moult hémoglobine pour obtenir son lopin de terre) ne s'épargna pas son couplet condescendant quant à la milice. Avait-il pris la flatterie d'Othon comme une incitation à cracher sur la seconde famille de se dernier ?

Qu'importe ; avisant la gueusaille se mettant à la besogne, le vicomte triomphait bientôt, comme si avoir attirer quelque artisan avec la promesse d'un salaire asseyait son autorité naturelle sur toute la coterie. « Si fait, messer, je gage que votre jactante les aura bellement ébaudis, peste, railla-t-il. Sont mués en dévots d'votre seigneurie, je gage! Belle affaire en vrai! » .

Les journées étaient monotones au goût de la jeune Valentine ces temps-ci. Aussi, vu sa mauvaise humeur -et compagnie; grandissante au temple, il n' était pas surprenant que l'on finisse par lui proposer de sortir prendre l'air... Toute la journée si nécessaire. Là encore, l'histoire n'allait en rien arranger l'affaire, vu que la jeune prêtresse avait en horreur la perte de temps inutile. Aussi c'était dans les ruelles les plus fréquentées que ses pas l'avaient mené, probablement avait-elle dans la tête que la providence lui offrirait une opportunité, les dieux semblaient l'avoir en affection...

Valentine était chanceuse, pas de doute.

Son ouïe défaillante captait une information aux rythmes des perturbations du tambour, entre deux salutations faites de hochement de tête offerte à la populace, la bougresse arrêtait sa progression. Du volontariat ainsi donc ? Typiquement d'elle, silencieuse, elle guettait les réactions, l'efficacité de la démarche qui ne lui semblait pas stupide du tout. Sans grande surprise, l'effervescence n'était pas au rendez-vous. Suivant d'un pas nonchalant le prospecteur, elle affichait sans retenu son dédain pour tous ceux qui continuaient leur chemin. Parasites. Et si le rempart cédait ? Il mériterait leur mort, le chaos, mais tous les autres qu'on nommerait "innocents" ?

Valentine restait perplexe, c'était qu'avec sa façon de penser... Personne ne l'était vraiment, juste utile ou non, la jeune femme ne connaissait pas de juste milieu pour sa grâce. Désabusée, la voilà décidée à y mettre son grain de sel. Il ne fallut alors que peu pour que sa silhouette s'invite sur le chantier en cours de préparation. Les échafaudages se plaçaient, les travailleurs étaient bruyants, pas forcément compétents au premier coup d'oeil, mais au moins ils s'attelaient à la tâche. Mains jointes dissimulées sous ses larges manches, la prêtresse aux couleurs jaunâtres de Serus aurait du mal à passer inaperçue, c'était pour le mieux, vu que ce n'était pas le but.

Quelques minutes lui étaient donc nécessaires pour sélectionner sa cible et son choix se portait sur le plus travailleur, vaillant, bien évidemment. Son seul critère fut là, l'entrain de l'ouvrier, l'évidente avancée de son travail. Bien que fille de noble famille, Valentine n'avait aucun mal à côtoyer les petits gens, sortis très vite du cocon familial, au temple ses pieds avaient embrassé tous les mondes. Retirant un tissu de sa manche en écartant ses bras au niveau de l'élu, l'espiègle brunette épongeait la sueur de son front avec attention et douceur. Bien que son fascié était d'une totale neutralité, on aurait pu jurer de sa grâce divine, d'une lueur d'âme qui aurait mis à la renverse tous ceux qui auraient pu voir la noirceur omniprésente dans ses pensées. Le genre de créature qui faisait partie des pires, comme des meilleurs selon l'instant. Ceci fait, elle lui offrait la louche de bois détrempée dans le seau d'eau servant au rafraichissement du gosier, scellant son regard dans celui du bougre prit au dépourvu.

" En voilà une action avisée, que celle de réparer nos murailles. Ou d'y participer. "

Concluait-elle un ton plus soutenu, sans perdre de cette étrangeté comportementale. Quand ses lèvres se scellaient à nouveau, elle aurait presque eu l'air de sourire, il n'en était rien bien évidemment. Si Valentine n'était pas très adroite de ses mains, elle avait une langue particulièrement agile (sans jeux de mots), obéissant à un esprit un tantinet trop malicieux pour son propre bien. La prêtresse ne faisait rien pour rien. Ses pas suivants laissaient le parfum des fleurs séchées qu'elle frottait sur ses cheveux s'émanait par le biais du courant d'air généré. L'épineuse rose du jour était en conquête, une évidence, puis comme la jeune fille bien élevée qu'elle était, offrant attention et salutations plus ou moins soutenues à tous les enfants de Serus, c'était devant le Vicomte qu'elle se stoppait. Un salut d'usage et de révérence plus tard, elle cachait ses mains jointes à nouveau sous ses manches, se donnant ainsi un air plus sérieux peut-être.

" Est-ce à vous que notre chère citée doit cette initiative ? "

Elle savait déjà plus ou moins que oui, ayant observé la scène avant de s'y engager en tant qu'actrice. Le vert de ses iris le quittait un instant pour parcourir l'ensemble de l'effectif de façon marquée, puis la taquine commentait sans suspense d'un ton plus bas pour ne satisfaire que l'ouïe de son aîné.

" Le recrutement peine à trouver sa main d'œuvre. " Un soupire, mais ce dernier lui décrochait un sourire au moins, se moquait-elle ? Peut-être, mais elle ne l'aurait jamais montré ouvertement en tout cas. " Permettez-moi d'encourager toutes ses âmes vaillantes, je leur servirais les repas que vous offrez et possiblement quelques attentions méritées. Je doute d'avoir les compétences plus techniques pour les œuvres, mais toutes les aides sont bonnes à prendre non ? "

Son sourire en coin s'effaçait pour lui rendre cet air las qui ne la quittait jamais, laissant place à la conversation si du temps pouvait lui être accordé. L'évidence avait été faite, qu'avant même de se présenter, elle lui eût montré ses capacités, ou tout du moins un échantillon, à charmer sainement l'assistance. Son statut était fort pratique tout de même.

La plaisanterie de l'échalas ne trouva qu'un silence distrait de la part de l'assistance - peut-être sieur Crocheton en avait d'ors et déjà désespéré au sujet du centenier. Qu'importe! Bientôt, ce fut une toute autre personne qui attira l'attention de l'improbable duo, quand arriva auprès de celui-ci une jeune prêtresse de Serus. La demoiselle était fort accorte, et sitôt qu'elle s'adressa aux deux nobles, Othon se surprit à la reluquer assidument. Peu lui importait ce qu'une danselette de son genre vienne faire dans un endroit pareil ; elle était une compagnie plus qu'appréciable, lorsqu'on la comparait au vieux ladre dont avait du jusque là écoper l'échalas.

« Ouy-da, douce amie! lança-t-il brusquement, grillant la politesse au vicomte. C'est moult plaisance d'avoir pareil concours d'aydance lorsqu'on trime dur! Que ces bons sieurs du temple soient loués, vrai! Faites donc vostre besogne, bonne damedieu! Pis la pitance, ça oui! Ça leur causerait moult heur, aux gars! »

Avec un zèle qu'on lui avait rarement connu, Othon se pencha alors pour saisir la main de la prêtresse et la baiser. C'est qu'avant d'être au sein de la milice, notre échalas avait assidument fréquenté la cour du duc et courtisé les dames dont celle-ci recelait. Ç'avait été un de ses nombreux passe temps, avec le jeu et la maraude ; or si sa disgrâce lui avait fait prendre goût aux putains plus que de rigueur, l'homme n'en avait pas moins perdu ses bonnes manières.

« C'est grâce à nostre bon duc, qu'on estoit ici à besogne sur eul'rempart! enchaina-t-il. Pis sur sa volonté, aussi! Y veille à c'que sa bonne ville soit bien enmuraillée et belle rapport à la défense, alors pensez vous! Qu'il ordonne, on s'exécute, je dis. On a le duc pour suzerain comme vous avez vot'Serus si j'y puis dire. »

Le second protagoniste prenait les devants, au plus grand damne de la jeune greluche qui avait fait au mieux pour n'avoir qu'à se contenter de le saluer. Malgré tout, cela faisant partie du jeu, on ne pouvait pas faire carton plein à chaque coup; dissimulant qu'elle serrait les dents, Dame Valentine n'offensait point la tournure de la scène. Bon certes, elle eut besoin de bien de contenu pour ne pas grimacer devant l'étrangeté du baise-main visiblement raté. Cerise sur le gâteau, l'élocution biscornue et sa propre défaillance auditive à elle, ne l'avaient point aidé à tout suivre de la conversation, combien même elle s'était focalisée sur le mouvement des lèvres pour déchiffrer. Qu'à cela ne tienne, il en fallait plus pour la décontenancer, la bougresse ayant été à bonne école pour les genres de situations abracadabrantes ou atypiques. Son père étant un excentrique, ses trente épouses et maîtresses successives de différentes origines sociales... inutile de dessiner le tableau.

Et avec ça, pas fichu de faire un fils, mais c'était elle(s) le problème. Homme stupide.

La pensée la fit sourire, rendant sûrement cette créature antipathique aux antipodes de la réalité de sa nature à la vue des deux nobles vers qui elle s'était invitée, presque charmante. Il était ainsi donc son tour de se présenter, mais son nom aurait pu devenir Désiré pour l'attente qu'elle laissait planer pour offrir tout le temps voulu au Sergent de se faire valoir.

" Enchantée Vicomte. " Sa tête se tournait vers le baiseur de mains maladroit. " Sergent Zollern. " Puis de nouveau vers maître des opérations. " Valentine, humble prêtresse de Serus pour ma part, j'étais si enthousiaste que j'en ai oublié les bases. " Foutesses. " Fille cadette du Baron Mestre, le connaissez-vous peut-être ? " Grandes chances que oui, en bien ou mal... Peu importe. " Alors si l'entente est conclue, je trouverais les fourneaux au moment voulu." Elle releva sa main (celle sur laquelle on n'avait pas bavé) vers son menton pour le tenir, prenant ainsi un faux air de réflexion. Si la fille était courtoise, elle avait bien eu envie de faire manger son gantelet à l'impudent l'ayant touché. Chance pour cette humanité qu'elle n'était et se serait à jamais qu'une frêle femme. " Devrais je partager l'accueil chaleureux qui m'a été offert auprès de nos fidèles, qui sait, certains pourraient être motivés à rejoindre les rangs de la reconstruction. " Ainsi se retenait-elle de partager sa pensée disant que les ordres du Duc n'avaient pas suffi à secouer les puces de tous les gens - souvent errant et parfois mendiants; de la citée.

" Ou... " Son fascié eut du mal cette fois à dissimuler son espièglerie naturelle. " Vous avez peut-être quelques tâches à me confier. Après tout, n'avons tous pas le même but, vivre en sécurité. " Foutesses à nouveau, l'humanité avait à son sens le cerveau de la taille d'un petit pois. Manger, dormir, copuler, pas forcément dans cet ordre et parfois tout ou plusieurs à la fois...

Qui la croirait aussi désillusionnée ?

Adonc le géniteur de la mousmée n'était autre que le vieux baron Mestre ? Celui-là même qui avait détroussé la cour ducale de la moitié de ses courtisane pour tenter en vain de leur faire quelque fils ? Si d'aventure, les multiples coucheries de l'échalas lui vaudraient en son temps une flopée de bâtards, au moins pouvait-il se targuer d'avoir quelque fils dans le lot. Pour sûr, il y avait là de l'ironie à l’œuvre, pour avoir envoyé sa fils servir Serus, après le bien mauvais tour que lui avait joué le Grand Cornu.

Un instant pensif, notre échalas de service poussa la réflexion à se demander le bien fondé d'une pareille présence sur un tel chantier. Serus n'était-il pas après tout à la ville ce qu'une nonne serait à un bordel ? Or le rempart, c'était là l'incarnation même de la limite solide, et si possible insurmontable, entre la ville, la domesticité, la civilisation, et la sauvagerie de la campagne des bois, des marais, bref, de la Fange. Que devait penser le Grand Cornu, en voyant ses ouailles arracher au sol les plus larges rochers pour mieux les entasser et s'isoler du reste de sa création ? Othon, philosophe uniquement après quelques verres, n'avait pas de réponse.

Il avait du reste d'autre préoccupations, beaucoup plus terre à terre. C'est qu'on approchait d'ors et déjà de l'heure du manger ; or voila qu'une accorte prêtresse tout juste nubile se proposait de faire la soupe. Pour sûr, les gars seraient fort aise d'être servi par une cantinière de cet acabit, en lieu et place des souillons usuels. « J'aurais pas mieux dit, répondit dont notre héros aux dernières parole de la danselette, et si vous êtes soucieuse la sureté comme vous dites, je gage que vous payerez à nous aut' quelque visite, bonne dame. On dit que c'est de la canaille au sein du Guet, mais m'est avis que c'est de bons dévots qu'la lutte en acontre de la Fange tient hélas trop loin d'une belle oraison. Passez les voir, bonne dame, par soucis pour leur âmes. »

Si elle pouvait apporter la soupe en même temps, les âmes et l'estomac de la milice en serait redevable.